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www.PARcours.uqam.ca BULLETIN PAR COURS No. 36 Octobre 2015 Mot de la coordonnatrice En regard du rapport à l’école des filles et des garçons, et notamment de leur persévérance scolaire, PARcours met de l’avant une perspective globale, c’estàdire des actions qui concernent le niveau microsocial de la réalité, ainsi que les niveaux mésosocial et macrosocial. La lutte contre le décrochage scolaire concerne à la fois, de notre point de vue, les personnes prises individuellement, leur environnement de vie habituel (école, famille, réseau social) et l’ensemble de la société (système scolaire, gouvernement, etc.). Dans ces pages, ces trois niveaux sont pris en compte par les auteurs des quatre contributions qui mettent l’emphase sur la lutte contre les stéréotypes et les manières d’être et de faire – conceptualisées par Bourdieu comme des habitus, c’estàdire des dispositions durables, consistant en «catégories d’appréciation et de jugement», ici, en l’occurrence, sur l’école, qui «engendrent des pratiques sociales ajustées» 1 à une position sociale défavorisée.

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BULLETINPARCOURSNo. 36 Octobre 2015

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Mot de la coordonnatrice

En regard du rapport à l’école des filles et des

garçons, et notamment de leur persévérance

scolaire, PARcours met de l’avant une perspective

globale, c’est­à­dire des actions qui concernent le

niveau microsocial de la réalité, ainsi que les niveaux

mésosocial et macrosocial. La lutte contre le

décrochage scolaire concerne à la fois, de notre

point de vue, les personnes prises individuellement,

leur environnement de vie habituel (école, famille,

réseau social) et l’ensemble de la société (système

scolaire, gouvernement, etc.).

Dans ces pages, ces trois niveaux sont pris en

compte par les auteurs des quatre contributions

qui mettent l’emphase sur la lutte contre les

stéréotypes et les manières d’être et de faire –

conceptualisées par Bourdieu comme des habitus,

c’est­à­dire des dispositions durables, consistant

en «catégories d’appréciation et de jugement», ici,

en l’occurrence, sur l’école, qui «engendrent des

pratiques sociales ajustées»1 à une position sociale

défavorisée.

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Encore aujourd’hui, lesstéréotypes sexuels

Il peut paraître surprenant d’associer la lutte contre

le décrochage scolaire à une lutte contre les

stéréotypes sexuels et, pourtant, ils existent à tous

les niveaux de la société et dans tous les domaines

de nos vies. On en voit des traces dans la lutte

contre le décrochage scolaire. Ils sont présents au

premier chef dans les rapports entre conjoints

dans le couple parental et entre parents et enfants

– par exemple dans les jouets offerts aux enfants2,

dans la transmission des valeurs et des modèles ­

par exemple dans la division des tâches eu égard

à l’éducation des enfants, domaine où les mères

prennent en charge le soutien scolaire des enfants

et les pères en sont absents. Les stéréotypes se

manifestent aussi à l’école dans les manuels scolaires

ainsi que dans les rapports entre enseignantEs et

élèves. Plusieurs études ont maintenant démontré

que le genre de l’enseignantE et celui de l’élève

induisent des comportements pédagogiques

divergents. Bref, encore aujourd’hui, malgré les

acquis au chapitre de la réussite scolaire et de la

diplomation, les stéréotypes sexuels persistent. Ils

sont particulièrement actifs dans les milieux

défavorisés, comme le souligne Joane Bertrand

dans ces pages, et constituent la matière première

des habitus.

Changer à la fois les manièresd’être et de faire… aux troisniveaux de la réalité sociale

Pour contrer les stéréotypes sexuels, il faut changer

à la fois les manières d’être et de faire…

À partir de ce que l’on sait maintenant, plusieurs

pistes d’action peuvent conduire à un changement

de cette situation qui a des répercussions négatives

sur l’ensemble de la société. Il faut néanmoins

poursuivre les recherches sur les différences dans

l’expérience scolaire des filles et des garçons, selon

la recommandation de la FAE.

Au niveau des jeunes, l’acquisitionde ressources additionnelles

La lutte contre le décrochage scolaire passe par

l’acquisition de ressources –capitaux– additionnelles

pour les filles comme pour les garçons. La Boîte à

lettres de Longueuil (BÀL), organisme

d’alphabétisation populaire, a fait le choix de miser

sur la capacité de jeunes mères qui effectuent un

retour progressif aux études d’adopter une posture

réflexive sur leur vie. Le texte de Joane Bertrand,

de la FAE, ne nous rappelle­t­il pas que le niveau

de scolarité des mères est déterminant dans la

lutte contre le décrochage scolaire et, en corollaire,

que la sous­scolarisation des mères a tendance à

se reproduire de génération en génération, en

particulier dans les milieux défavorisés.

L’accompagnement éducatif de la BÀL génère la

possibilité pour les jeunes mères de faire sens des

échecs scolaires antérieurs, selon Françoise Lefebvre,

ce qui trouve une résonnance dans le texte de

Micheline de Sève.

Le travail de (re)construction des jeunes sujets­

acteurs apparaît comme un passage obligé dans

la lutte contre le décrochage scolaire, comme le

soulignent unanimement les contributrices de ce

bulletin. Un regard plus positif sur soi, sur ses

capacités, développe l’autonomie et augmente la

marge de manœuvre du sujet­acteur, et permet

ainsi de faire des choix plus éclairés dans sa vie.

Ajoutons toutefois que l’analyse des acquis de 6

jeunes filles dans le processus de raccrochage

scolaire proposée par l’équipe PARcours dans son

texte pointe vers un questionnement des limites

d’une intervention axée sur un seul niveau de la

réalité sociale.

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Danielle Desmarais,Professeure. École de travail social. UQAMet coordonnatrice du Réseau PARcours

Au niveau des milieux de vie desjeunes

Au bout de l’accompagnement de groupe proposé

par la BÀL, les jeunes mères ont exprimé une

intention qui m’apparaît capitale dans la lutte

contre le décrochage scolaire: ne pas reproduire

auprès de leurs enfants ce qu’elles ont elles­mêmes

vécu. Parce que les habitus sont acquis au cours

de la prime jeunesse, les prises de conscience de

ces jeunes mères sont cruciales dans un projet de

transformation des premières expériences sociales

de leurs enfants, sans négliger celles qui suivront,

car «l’habitus résulte d’une incorporation

progressive des structures sociales»3.

Au niveau de l’ensemble de lasociété, une éthique de lasollicitude

La lutte contre le décrochage scolaire nécessite les

ressources combinées de l’école et du milieu

communautaire, rappelle de Sève, dans la foulée

des travaux de PARcours. Devant l’ampleur de la

tâche, Micheline de Sève n’hésite pas à parler d’un

véritable chantier social. La FAE, pour sa part,

formule trois axes d’intervention jugés prioritaires

qui interpellent le gouvernement, ses agences et

tout le réseau des services sociaux et éducatifs. Et

pour ne pas être en reste, la FAE a mis de l’avant

une initiative qui, nous l’espérons, sera reprise par

d’autres organismes. La FAE a en effet créé une

bourse pour jeunes femmes en situation de

raccrochage scolaire4. À toutes les initiatives

essentielles à la lutte contre le décrochage scolaire

des filles, l’équipe PARcours croit apporter une

contribution additionnelle venant des théories

féministes. C’est celle de la pratique et de la

valorisation d’une éthique de la sollicitude, une

nouvelle norme morale pour aborder la lutte contre

le décrochage scolaire tant des garçons que des filles.

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En 2012, la FAE entreprenait, en collaborationavec l’organisme Relais­Femmes et madame IsabelleMarchand, chercheure à l’Université du Québec àMontréal (UQAM), une recherche exploratoire quiciblait précisément le décrochage des filles2.

Cette recherche a été menée sous forme d’entrevuessemi­dirigées auprès de 26 femmes de 19 à 54 ans,provenant de plusieurs régions au Québec, quiavaient quitté l’école depuis au moins deux ans.Même si les résultats n’ont aucune prétention degénéralisation, nous tenons à souligner que lesenseignantes et les enseignants que nousreprésentons ont affirmé que les résultats sonttout à fait représentatifs de ce qu’elles et ilsobservent sur le terrain. Depuis, d’autres groupesqui ont pris connaissance de la recherche nous ontsignifié la même chose. Au plan empirique, lesrésultats de la recherche sont donc une basesuffisamment solide pour pouvoir y prendre appui.

Les objectifs de cette recherche étaient d’abord dedéterminer si le décrochage des filles s’avère aussimarginal que certains semblent le prétendre. Aussi,nous souhaitions savoir si les filles décrochent

pour les mêmes raisons que les garçons et, pourles décrocheuses et décrocheurs, si les conséquencessont les mêmes. Enfin, il nous importait de connaîtrecomment nous pourrions soutenir les décrocheusesafin qu’elles retournent à l’école.

Les faits saillants de la recherche de 2012

­ L’origine sociale demeure le facteur déterminantde la réussite scolaire et ce, tant chez les garçonsque chez les filles. Le lien entre pauvreté etdécrochage scolaire est largement documenté ets’impose incontestablement. À titre d’exemple :on retrouve un taux de décrochage de 6 % dans lequartier Westmount de Montréal, comparativementau secteur de Pointe­Saint­Charles où ce tauxs’élève à 40 %.

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par Joanne Bertrand1

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­ Les causes du décrochage sont différentes pourles filles et pour les garçons. Si les garçonsdécrochent souvent pour aller sur le marché dutravail et gagner de l’argent rapidement, ils ontaussi des difficultés qui attirent davantagel’attention : problèmes de comportement,d’agressivité, de toxicomanie ou d’intimidation.Les filles, quant à elles, intériorisent davantageleurs problèmes : manque de confiance en soi,anxiété, problèmes familiaux, manque de soutienparental, violence et inceste. Qui plus est, cesproblèmes sont difficilement perceptibles en milieuscolaire.

­Pour les filles, l’adversité familiale, de démotivanteà toxique, est un facteur important pouvant menerau décrochage scolaire. En effet, elle accentue lesautres sources de difficultés rencontrées dans leparcours scolaire des filles (absence de soutienparental, violences physique et sexuelle,comportements judiciarisés des parents, etc.). Lesfilles décrochent aussi plus souvent pour des raisonspersonnelles telles l’intimidation ou une grossesse.

­ Les conséquences économiques s’avèrent beaucoupplus désastreuses pour les décrocheuses que pourles décrocheurs. Sur le marché du travail, lesdécrocheuses et les décrocheurs sont souventconfinés à des emplois instables, précaires et moinsbien rémunérés. La recherche nous a permisd’observer que cette réalité est cependant beaucoupplus marquée et marquante pour les filles. En2005, le salaire moyen d’une décrocheuse était de16 400 $, soit 68,6 % de moins que pour undécrocheur, dont le salaire moyen était de 24 400$. Rappelons que le seuil de fable revenu était de22 700 $.

­ Le niveau de scolarité de la mère est déterminantdans la lutte contre le décrochage. Même s’il estpris en compte dans le calcul de l’indice de milieusocio­économique (IMSE) et compte pour le 2/3des points, il est trop peu pris en considérationdans les mesures mises en place pour contrer ledécrochage scolaire. Par ailleurs, pour lesdécrocheuses, même si les enfants constituent unemotivation pour un retour aux études, ils sontencore plus souvent un obstacle.

­ Quant aux stéréotypes sexuels, les élèves quiadhèrent le plus aux rôles sociaux associés à leur

sexe sont ceux qui sont les plus à risque dedécrocher.

Lors de l’enquête, les répondantes ont étéquestionnées sur leur volonté de faire un retouraux études à court, moyen ou long terme. Lesréponses étaient variables, mais la majorité d’entreelles affirmaient leur regret d’avoir décroché.

Nos travaux ont également mis en lumière le peude recherches particulières effectuées sur ledécrochage scolaire des filles, malgré une trèsabondante documentation sur le phénomèned’abandon scolaire en général. Cette réalité peudocumentée, et par conséquent peu prise en compte,explique probablement pourquoi les stratégiesmises en place pour contrer le décrochage scolairedes jeunes semblent souvent inappropriées pourprévenir le décrochage des filles et soutenir leurraccrochage scolaire.

Les suites depuis 2012

Nos travaux de recherche ont permis de mettre enrelief le fait que le ministère de l’Éducation n’ajamais produit d’analyses différenciées afind’examiner les causes et les conséquences dudécrochage des filles. Précisons que cette analysedifférenciée selon les sexes est beaucoup plus quele recensement de données sexuées. Malgré l’étudefort préoccupante de 2012, ni le ministère del’éducation que celui de la condition féminine n’ontamorcé des travaux à ce sujet.

Cet état de fait est inexplicable. Depuis le pland’action gouvernemental 2007­2010 pour l’égalitédes sexes, le gouvernement québécois s’est pourtantengagé à implanter l’analyse différenciée selon lesexe à tout l’appareil gouvernemental.

Rapport d’analyse de mai 2015

En mai 2015, la FAE a produit, toujours encollaboration avec Relais­Femmes, un rapportd’analyse portant sur la recherche de 2012 enmettant cette fois l’accent sur les pistes de solutionsles plus prometteuses. La principale conclusionde ce rapport d’analyse est la suivante : lascolarisation des filles est la clé de voûte de toute

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lutte au décrochage scolaire au Québec, celui desfilles comme celui des garçons.

Aussi, ce rapport d’analyse a permis d’identifiertrois axes d’intervention prioritaires et deuxconditions.

Le premier axe: éradiquer la pauvreté. Rappelonsque la pauvreté est le facteur prépondérant menantau décrochage scolaire. Le gouvernement du Québecdoit travailler à l’éradication de la pauvreté surson territoire tant par des politiques et programmessociaux adéquats que par une véritable redistributionde la richesse collective. Le gouvernement canadiendoit, quant à lui, s’assurer de combattre la pauvretéet l’appauvrissement des familles, et ce, dans lerespect de ses compétences (ex.: assurance emploi,transferts aux provinces, éducation des PremièresNations, etc.).

Le deuxième axe: contrer les stéréotypes sexuelspour favoriser la réussite. Les recherches ont eneffet établi un lien entre l’adhésion plus ou moinsgrande aux stéréotypes sexuels et la performancescolaire. Aussi, il ne faut pas oublier que les élèvesqui adhèrent le moins aux rôles sociaux associésà leur sexe sont ceux qui réussissent le mieux.Enfin, les garçons et les filles des milieux socio­économiques défavorisés sont les élèves qui, engénéral, intègrent le plus les valeurs et lescomportements stéréotypés. La sensibilisation auxstéréotypes sexuels et la promotion de rapportségalitaires doivent être priorisées pour l’ensembledes écoles primaires et secondaires au Québec etparticulièrement celles des milieux plus défavorisés.

Le troisième axe: soutenir les jeunes filles ensituation d’adversité familiale. Nous savons déjàque les difficultés familiales sont évoquées commela première cause du décrochage scolaire des filles.Aussi, les jeunes mères ont des responsabilitésfamiliales qui les limitent dans leur projet deretourner aux études. Enfin, les facteurs personnelset familiaux passent plus souvent inaperçus enmilieu scolaire et de ce fait, sont peu pris en comptedans les mesures de prévention. Des servicessociaux et de santé (psychologues, travailleusessociales, infirmières, etc.) doivent être rétablisdans les écoles de façon à répondre aux besoinsdes jeunes.

Deux conditions doivent être mises de l’avant. Toutd’abord, rétablir le recensement long s’avèreincontournable. Celui­ci, aboli en 2010, permettraitd’obtenir des données particulièrement importantespour le milieu de l’éducation et pour toute rechercheà portée sociale. Ensuite, faire une analysedifférenciée selon les sexes. Cette analyse permettraitde mettre en relief le phénomène du décrochagescolaire des filles et de mettre en place des plansd’intervention spécifiques à cette problématique.

Les retombées

En terminant, plusieurs retombées positives sontsurvenues à la suite de la publication de la recherchede 2012 et de son complément en 2015. En effet,nous avons créé ou consolidé des liens avec plusieursorganismes. Mentionnons le Forum sur ledécrochage scolaire, le Réseau des femmes desLaurentides ou encore le Projet concerté sur lapersévérance scolaire. Les médias se sont aussifortement intéressés au décrochage scolaire desfilles, encore méconnu du grand public. Enterminant, la FAE a créé, en 2014, la bourse « Jeuneraccrocheuse », qui permet annuellement à unejeune femme qui reprend les études de recevoirune bourse de 2000 $.

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Annie Dubeau, Danielle Desmarais,Johanne Cauvier et Maryvonne Merri1

L’attention médiatique portée au décrochagescolaire des garçons de même qu’aux meilleuresperformances scolaires des filles contribuent àocculter le problème des jeunes filles qui décrochentet qui tentent, tant bien que mal, de raccrocherafin d’obtenir un diplôme et de s’en sortir. Pources dernières, les conséquences du décrochagescolaire sont plus graves que pour les garçons,dans la suite de leur parcours de vie. Au Québecet en Espagne notamment, les jeunes femmes sansaucun diplôme ont plus d’enfants et elles participentmoins à l’emploi et à la formation que les jeuneshommes sans diplôme (Salvà Mut, 2014). Ces étatsde fait ont une incidence directe sur leurscompétences parentales et sur l’encadrementqu’elles peuvent offrir à leurs enfants. De plus,cela contribue à la pauvreté économique et socialedes familles.

Partir en vrille dans la spirale dudécrochage

Le décrochage scolaire est un phénomènemultifactoriel étroitement lié à l'originesocioéconomique que Desmarais (2012) a décrit

comme une spirale. Ce sont surtout les jeunes desmilieux défavorisés qui décrochent. Les jeunesfemmes qui décrochent sont, dans un certainnombre de cas, monoparentales. Leur priorité estde travailler pour combler leur besoin urgentd’argent afin d’assurer leur survie (Côté, 2014).

Les difficultés familiales liées auxcaractéristiques individuelles desjeunes filles

Les difficultés familiales rapportées par les jeunesfilles peuvent contribuer à les entraîner dans laspirale du décrochage scolaire. Elles sont intimementliées à leurs caractéristiques individuelles. De façongénérale, les filles ont moins de problèmes decomportement que les garçons (agressivité,délinquance) mais elles présentent plus de troublespsychiques intériorisés et de problèmes de santémentale (anxiété, dépression et somatisation)(Marcotte, 2013). Les jeunes décrocheuses font

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donc face à une souffrance indicible due à unemoins bonne relation avec leur mère, une plusgrande possibilité d'avoir vécu de l'abus ou de lanégligence et, enfin, de moins bons résultatsscolaires (Marcotte, Fortin, et Cloutier, 2010). Surle plan relationnel, les filles ont plus tendance àintégrer de manière centrale dans leur identitéleur relation à autrui: celle de mère, de fille oud’amoureuse. Elles ont également tendance àaccorder de l’importance à ce que les autres pensent,de même qu’à être affectées par ce qui se passedans la vie des autres.

Les éthiques de la sollicitude et leraccrochage scolaire

Le projet théorique des éthiques de la sollicitudepropose un renversement des caractéristiquesjugées négatives ­ telles que celles présentéespréalablement à propos des jeunes filles ­ en unensemble souhaitable et socialement valorisé. Cescaractéristiques nous offrent donc une nouvellenorme morale pour aborder la spécificité del’expérience de raccrochage des filles. Ces éthiquesplacent au centre de la réflexion l'impact concretdes choix et des actions des adultes accompagnateurssur les possibilités d’offrir l’égalité des chances àtous les individus (Nussbaum, 2009; Brugère, 2006).

La sollicitude est la disposition manifestée par lesintervenants impliqués dans les processus de soinet d’accompagnement des personnes. Ellecorrespond à la bienveillance, à la prévenance, ausouci, au respect de l’autre (Nussbaum, 2009).Elle concerne également les soins attentifs,affectueux à l’égard de quelqu’un qui prennentleur forme dans les pratiques et les éthiques ducare (Gilligan, 1982; Noddings, 1984; Tronto, 2009).

Acquis affectifs et relationnels deces jeunes filles en situation deraccrochage scolaire

Pour les fins de la présentation du 25 août dernierdiffusée dans le cadre du colloqueDécrochages/accrochages scolaires au féminin :penser, créer, agir, organisé à l’occasion du 7econgrès international des recherches féministesdans la francophonie, les membres de l’équipePARcours ont présenté les résultats de l’analysedes propos des six jeunes filles rencontrées dansle cadre du film documentaire L’école pour moi.Parcours de raccrochage scolaire2.

Nous avons analysé les entretiens menés avec sixjeunes femmes3 en processus de raccrochagescolaire afin de repérer dans leurs propos desacquis affectifs et relationnels. Nous voulions ainsicontribuer à raffiner notre compréhension d’aspectsclés à prendre en compte dans la dynamiqued’accompagnement éducatif de jeunes adultes enprocessus de raccrochage scolaire. L’analyse despropos de ces six filles a révélé que des élémentsaffectifs et relationnels douloureux teintentl’expérience de vie des filles. En effet, les six jeunesfilles interviewées ont toutes vécu, dans leurparcours de vie, des expériences de (grande)souffrance au niveau psychique et relationnel. Unaccompagnement éducatif empreint de sollicitudeleur a permis d’expérimenter des relationsinterpersonnelles à l’opposé de ce qu’elles ont vécuantérieurement. Dans le processus de raccrochagescolaire actuel, elles accordent une grandeimportance aux qualités relationnelles d’un bonenseignant. Christiane voit dans l’enseignant «unepersonne­ressource». Annie recherche «quelqu’un

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qui nous encourage». Dans l’école pour raccrocheursqu’elle fréquente au moment de l’entretien, Aïchaa trouvé des enseignants «qui croient en moi» cequi, selon elle, «est un tremplin» du raccrochage.Charlotte, pour sa part, rapporte que dansl’organisme communautaire qu’elle fréquente, «ilssont sympas; des modèles», alors qu’à l’écolesecondaire, certains enseignants [qu’elle a connus]sont «sadiques». A contrario de ce qu’elles ontconnu – et connaissent peut­être encore – dansleur parcours de vie, l’expérience du raccrochagescolaire inclut, pour les 6 jeunes filles interviewées,des expériences – et une valorisation – de relationsempreintes de sollicitude.

Des acquis récents, et fragiles?

L’analyse des entretiens nous a permis de repérerdes acquis affectifs et relationnels chez ces sixraccrocheuses qui nous invitent à enrichir notremodèle par des actions déployées par les enseignantsaccompagnateurs dans l’accompagnement desjeunes en processus de raccrochage scolaire (Cauvieret Desmarais, 2013). Toutefois, il convient derapporter certaines limites quant à la significationde ces résultats. D’abord, les acquis affectifs etrelationnels de ces jeunes filles en situation deraccrochage scolaire ne sont pas tous du mêmeordre et cela s’explique notamment par la duréede l’accompagnement dont ont bénéficié ces jeunesfemmes. En effet, au moment de l’entretien,Christiane fréquente le centre d’éducation desadultes depuis deux mois etAnnie, depuis seulement troissemaines. Melisa estaccompagnée dans un organisme communautairedepuis deux mois; Aïcha fréquente la missiongénérale d'insertion depuis cinq mois, Souhailaest au SAS Parenthèse depuis quatre semaines etCharlotte, depuis six semaines.

Par ailleurs, nous remarquons que seulement deuxfilles sur les six rencontrées ont persévéré dansleur projet de formation4. Ainsi, six mois suivantl’entretien, Christiane et Annie avaient quitté lecentre d’éducation des adultes avant de finaliserleurs études. Onze mois après l’entretien, Aïchaet Melisa avaient également abandonné leur

formation. Seules Charlotte et Souhaila avaient,quant à elles, persévéré. Ces dernières ont bénéficiédu dispositif proposé par le SAS Parenthèse deBruxelles. Cet organisme offre aux jeunes un«milieu de vie» organisé autour d’une longuefréquentation ­ le dispositif prévoit une duréemoyenne de séjour d’une année ­. De plus, enBelgique, la scolarisation obligatoire va jusqu’à 18ans. Les belges rencontrées, âgées de 16 et 17 ans,n’avaient donc pas encore atteint l’âgeminimalement acceptable pour quitter l’école; cequi pourrait expliquer, en partie, leur persévérance.

Contrairement au dispositif belge, les centresd’éducation des adultes québécois proposent desdispositifs bien différents. Les services offerts nesont pas pensés pour offrir aux jeunes un « milieude vie »; de tels services sont davantage associésau milieu communautaire. Tels qu’on les connaîtactuellement, les centres d’éducation des adultesne conviennent pas aux jeunes filles en difficultédont la prise en charge requiert un accompagnementéducatif pluriel et concerté où le milieucommunautaire est mis à partie (Desmarais, 2012).

Enfin, il est essentiel de rappeler que d’autresaccidents biographiques peuvent venir expliquerle (re)décrochage de ces jeunes filles. Ces dernièresont chacune vécu d’importantes souffrances et celourd passé pourrait contribuer à expliquerl’abandon de leur projet de raccrochage scolaire5.

Les jeunes raccrocheurs ont besoin d’un «milieude vie» pour se développer. Letravail de reconstruction de soiet de reconstruction du rapport

à l’école demande du temps. Les propos des sixfilles au sujet de leur persévérance dans leraccrochage scolaire posent de nouvelles questionssur les enjeux du raccrochage scolaire de jeunesfemmes. Ces jeunes filles ont­elles suffisammentd’acquis affectifs et relationnels pour persévérerjusqu’à l’obtention du diplôme convoité? Ces acquissont­ils assez solides? Nous devons poursuivre lesrecherches afin de raffiner les connaissances ausujet des acquis affectifs et relationnels pour cernerles enjeux liés au raccrochage des filles en tenantcompte de toutes les facettes du problème. Ainsi,les filles bénéficieront de ressources additionnellespour réussir leur vie.

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La pratique dont il est question consistait enl’animation d’une démarche autobiographique de15 rencontres et à l’évaluation des résultats obtenus,auprès de trois groupes de jeunes mères. Ce projet,d’une durée de deux ans, a été mené en partenariatavec l’Envol, programme d’aide aux jeunes mères.Deux groupes étaient en processus de raccrochagescolaire dans le programme «L’Escale» à l’Envol,alors qu’un troisième groupe fréquentait le Centrede jour de l’Envol.

La Boîte à lettres a développé la démarcheautobiographique, axée sur la relation à l’écrit etle parcours scolaire, depuis une quinzaine d’annéeset estime que cette approche constitue un atoutimportant et incontournable dans une perspectivede persévérance et de réussite scolaires et ausside prévention de l’analphabétisme. La démarcheautobiographique telle qu’utilisée à la BÀL consisteen une série d’ateliers au cours desquels lesparticipants et participantes (sous­scolarisés etâgés entre 16 et 25 ans) sont invités à rédiger leurrécit de vie en lien avec la lecture et l’écriture. Ils

y abordent aussi leur relation à l’école, seul systèmesocial obligatoire pour tous au Québec. Le butpoursuivi est de faire le point, de se découvrir etde donner (ou) trouver sens au fait qu’ils seretrouvent sans qualification ni diplôme après 10ans passés sur les bancs de l’école.

La démarche autobiographique permet de revisiterson passé et, de par son approche réflexive, amèneles jeunes à prendre conscience de quelle façons’est construite leurs représentations d’eux­mêmespar rapport à leur capacité d’apprendre, àcomprendre l’influence de la famille et de l’écoledans leur parcours scolaire, et permet d’identifierles comportements et attitudes aidants ou bloquantsdans leur propre scolarisation. L’effet formateurde l’atelier Autobiographie provient principalementd’une meilleure connaissance de soi, de laréappropriation et de l’acceptation de son passéet d’une projection dans l’avenir.

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par Françoise Lefebvre1

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La faisabilité de cetteexpérimentation2

L’idée de présenter un projet vient de la conviction,pour la Boîte à lettres, que la prévention del’analphabétisme passe par les jeunes mères et parune prise de conscience réflexive des carences deleur propre enfance pour qu’elles puissent être àla fois en mesure de corriger le tir auprès de leurspropres enfants mais aussi en mesure de nourrirle désir et la motivation de persévérer dans leurretour aux études afin de sortir du cycle de lapauvreté.

Profil des participantesPendant 2 ans, trois groupes vont être formés dejeunes mères âgées de moins de 25 ans ayant unou des enfants de moins de 5 ans et qui sont sansqualification ni diplôme. Toutes ont vécu des échecsscolaires, plusieurs se sont fait intimider et plusieursont fréquenté le réseau des «classes spéciales».Elles ont, pour plusieurs, vécu des placements enfamille d’accueil, en centre jeunesse. Elles ontconsommé alcool ou drogue, ont vécu de la violencefamiliale et conjugale; plusieurs ont été abusées,soit par leur propre milieu familial, soit par les

familles d’accueil (père, enfant mâle), soit par des«amis» de leur propre mère. Toutes ont eu desenfants, parfois désirés, mais rarement sinonjamais planifiés… à un âge où dans d’autres milieuxles jeunes adolescentes se consacrent à leursvacances estivales avant de poursuivre leurs étudessecondaires.

Contenu de l’évaluationNous avons vérifié si la démarche avait un impactsur la persévérance scolaire des jeunes mères quieffectuent un retour progressif aux études. Nousavons aussi vérifié si l’atelier aidait et outillait lesjeunes mères auprès de leurs enfants (0­5 ans)afin de leur assurer un meilleur cheminementscolaire. Nous avons effectué les ajustementsnécessités par le format court (15 semaines) souslequel la démarche autobiographique s’est dérouléetout en veillant à conserver sa spécificité et sonefficience.

Nos attentesDans le contexte actuel de tout ce qui entoure laquestion de la « persévérance scolaire » et desmesures d’appoint qui sont mises sur pied pardivers organismes du milieu, la Boîte à lettres estconvaincue que la démarche autobiographiqueaxée sur la relation à l’écrit et le parcours scolaireconstitue un atout important et incontournabledans une perspective de persévérance et de réussitescolaire. Mais aussi de prévention de l’échec et del’abandon scolaire de futurs enfants, donc deprévention de l’analphabétisme. La BÀL souhaitedonc démontrer l’efficience et la pertinenced’introduire la démarche autobiographique dansdifférents milieux qui actuellement se penchentsur ces questions. La BÀL souhaite faire reconnaîtreaussi son expertise en la matière.

Les résultats atteints­ Les participantes, ayant approfondi leurconnaissance d’elles­mêmes par la démarche,redéfinissent leur rapport à l’école commeapprenante et comme parent.

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­ Les participantes développent leur capacité etleur confiance à verbaliser leur ressenti au sein dugroupe.

­ Les participantes développent une perspectivede responsabilisation différente face à leurapprentissage et à leur scolarisation.

­ Les participantes ont rédigé un récit de vie surleur appropriation de la lecture et l’écriture et leurrapport à l’école; 23 récits complets ont été analysés,dans les 3 groupes.

­ Les participantes analysent collectivement leursrécits : elles prennent conscience du pourquoi etdu comment de leur situation.

­ Les participantes vivent une transformationpositive de leur rapport à l’apprentissage.

ConclusionLes représentations de l’écrit de l’ensemble desparticipantes ont «bougé» en cours de démarche.Ce qui était perçu comme une corvée, comme undevoir, au début de la démarche, s’est transformépour plusieurs en l’idée de prendre le temps, deprendre plaisir à faire la lecture comme parent, àleur enfant. Ainsi, le lire et l’écrire ont pris la formed’activités et de moments significatifs passés defaçon positive et agréable avec leur enfant…

«Avant l’atelier autobiographie, X lisait unehistoire à sa fille comme pour s’en débarrasser,que ça soit rapide. Elle lisait l’histoire sans vraiment«rentrer dedans». Maintenant elle met des émotionsquand elle lit à son enfant. Puis elle constate quesa fille est devenue attentive lors de ces lectureset elle ne veut pas se coucher tant que l’histoiren’a pas été lue. C’est rendu un besoin pour elle (lapetite) de se faire lire une histoire».

Plusieurs désirs ont été exprimés par les jeunesmères des trois groupes en termes de fermeintention, suite aux diverses prises de consciencecollectives émergeant de l’analyse des récits, deprocurer à leurs enfants un accompagnementdifférent de celui qu’elles ont vécu pour la majoritéd’entre elles. Ces intentions sont identifiées ainsi:

­ Étudier pour pouvoir soutenir et accompagnerson enfant dans son cheminement scolaire;

­ Lire et écrire devant son enfant pour servir demodèle;

­ Devenir un parent informé, impliqué, intéressépar ce que vit son enfant et ce, dès la garderie;

­ Sécuriser son enfant par sa présence aimante deparent;

­ Changer les patterns parentaux hérités de sapropre enfance et qui ont eu des effets négatifs sursa propre construction identitaire.

«C’est important d’être présent à son enfant, d’êtreattentif aux signes qu’il nous envoie et d’être soià part entière, donc de travailler ses propresdéfauts, surtout si on perçoit qu’ils peuvent avoirun impact négatif sur notre enfant et sur sonestime de soi, base importante pour l’apprentissage(…)».

Les jeunes mères ont identifié des éléments qu’ellesont jugés importants à prendre en compte pourune expérience d’appropriation de l’écrit positive:

­ Rester dans la conscience qu’il «faut travailler»l’estime de soi chez son enfant en l’encourageant,en le stimulant, en développant son autonomie,en l’encourageant par le fait de reconnaitre sespoints positifs, en l’outillant par l’acquisition d’unbon vocabulaire;

­ Demeurer très attentives aux signesbiophysiologiques pouvant avoir un impactnotamment sur l’acquisition de vocabulaire (sedemander si son enfant entend bien, par exemplequand on constate qu’il a des difficultés à prononcercertains mots);

­ Ne jamais perdre de vue que l’estime de soi estune base essentielle à l’apprentissage des relationsinterpersonnelles, à celui du langage et àl’appropriation du lire et écrire et qu’en ce sens,la bâtir chez son enfant relève d’abord du parent.

«Parce que comme parent tu as travaillé l’estimede soi de ton enfant, celui­ci va être plus fort faceà certaines embuches et face à certaines tentativesd’intimidation, de rabaissement. L’estime de soi,c’est la base. C’est habituer son enfant à se trouverbeau et capable».

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par Micheline de Sève1

Si moins de filles que de garçons décrochentde l’école, ce n’est pas une raison pour s’endésintéresser. Invitée comme témoin au colloquesur les «Décrochages/Accrochages scolaires auféminin : penser, créer, agir», tenu dans le cadredu 7e Congrès international des recherchesféministes dans la francophonie, s’il est un pointque je retiens, c’est l’importance de se soucier nonseulement des garçons qui abandonnent l’écolemais aussi des filles, encore très nombreuses, quiéchappent aux mailles du filet scolaire.

La nécessité de prioriser leraccrochage scolaire des filles

L’analyse différenciée selon le sexe, pratiquée parles chercheuses de l’équipe PARcours et par leurspartenaires dans l’organisation de ce colloque,manifeste clairement les conséquences encore plusdramatiques du décrochage des filles que de celuides garçons. Le rapport d’analyse (2015) de larecherche menée sur ce thème en 2012 par laFédération autonome de l’enseignement (FAE)

documente l’argumentaire visant à accroître lavisibilité des femmes dans le portrait de la luttecontre le décrochage scolaire. Par exemple, l’accèsà des emplois dans l’entretien ménager ou larestauration, à comparer avec les emplois pluslucratifs qui attendent les hommes dans laconstruction ou dans des tâches connexes, expliquela pauvreté accrue qui guette les décrocheuses. Etpuis, alors que les garçons reviennent plus vite àl’école, après avoir saisi leur intérêt à le faire, lesfemmes réalisent souvent beaucoup plus tard, unefois qu’elles sont devenues mères, que le retouraux études s’imposerait pour améliorer leur situationfinancière ou pouvoir suivre l’apprentissage scolairede leurs enfants. Mais faute de moyens de conciliertravail, études et famille, elles frappent un murquelle que soit la profondeur de leur motivationpuisque c’est sur elles, plus que sur les jeunes

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pères, à plus forte raison quand elles sontmonoparentales, que retombe la charge domestiquela plus lourde. Or les statistiques pointent la sous­scolarisation des mères comme le principal facteurdu décrochage scolaire des garçons comme desfilles, de génération en génération. L’attentionaccordée à une majorité de décrocheurs ne sauraitdonc effacer l’intérêt de prioriser également leraccrochage au féminin, avec ses exigences et savisibilité propre.

Pour aider les jeunes femmes à renouer le fil deleur avenir, les intervenantes ont appris qu’il leurfallait être particulièrement attentives aux facteursémotionnels en jeu. Les facteurs matériels, l’attraitdu milieu extérieur à l’école sont ici moins prégnantsque l’impact de facteurs plus difficiles à contrer,comme les trauma provoqués par l’intimidationou le harcèlement vécus en milieu scolaire sansoublier le boulet que peut représenter la vie dansune famille dysfonctionnelle. Pour être plussilencieuses, moins dérangeantes que les garçons,les décrocheuses n’en sont pas moins affectées parces expériences désastreuses qui marquent leurtrajectoire scolaire et endommagent leur estimede soi.

Beaucoup de sollicitude

J’aurai appris de ce colloque combien il faut desoins non seulement pour ramener ces jeunesfemmes à l’école mais aussi pour s’assurer qu’ellespersévèrent. L’approche féministe,fondamentalement qualitative, permet de raffinerles catégories d’analyse pour élucider un phénomènecomplexe, celui du paradoxe de jeunes femmeshautement motivées mais qui échouent à répétitionà reprendre et à persévérer dans leur parcoursscolaire. L’éthique de la sollicitude, inspirée destravaux de Carol Gilligan et de plusieursthéoriciennes féministes2, piste empruntée par leschercheuses de pointe dans le domaine, soulignel’importance de renforcer les modalités del’accompagnement disponible et de personnaliserl’attention dont ces jeunes femmes ont besoin poursurmonter les difficultés qui les bloquent et lessoutenir dans leur processus de raccrochage scolaire.Je soupçonne néanmoins qu’un noyau dur de

décrocheurs des deux sexes, ceux et celles quilaissent l’école pour des motifs autres quematérialistes, pourrait amplement profiter desenseignements qui se dégagent des travaux deschercheuses féministes de l’équipe PARcours parexemple, ou de l’expérience d’organismes terraincomme Troisième avenue, Imagine Éducation ouLa Boîte à lettres de Longueuil.

L’expertise de ce dernier organisme, en particulier,illustre comment les techniques traditionnellesd’apprentissage de la lecture et de l’écriture gagnentà être renforcées par une approche qui recourt àdes récits autobiographiques pour favoriser lareconstruction de la représentation de soi desraccrocheuses. Cette démarche innovatrice débusqueles difficultés liées à des échecs antérieurs à traversla réinterprétation et l’analyse qu’elle induit, cequi permet de dépasser le stade de l’apprentissagescolaire simplement cognitif pour cultiver larésilience nécessaire à la persévérance scolaire.

Les ressources réunies de l’école etdu milieu communautaire

Mais les résultats sont laborieux, traversésd’abandons et de retours aux études fréquemmentinterrompus, ce qui rend manifeste l’ampleur desmoyens nécessaires pour accomplir cette tâchetitanesque, soit d’attaquer le noyau dur dudécrochage scolaire. Le bilan est parfois carrémentdécourageant. Comment, dans le contexte actuelde resserrement des dépenses en matièred’éducation, peut­on espérer mobiliser les ressourcesénormes, seules susceptibles d’assurer un minimumde chances de réussite dans cette entreprise derattrapage? Comment ne pas désespérer de lacapacité d’un système scolaire pressuré par despolitiques d’austérité d’offrir à ces jeunes adultesl’encadrement hyper­personnalisé etl’accompagnement fondé sur l’empathie et le respectdont elles ont besoin pour raccrocher et tenir?

Ce serait mission impossible, n’était l’implicationdu milieu communautaire appelé à la rescoussedu milieu scolaire, des parents qui veulent s’engageret des jeunes elles­mêmes invitées à s’aider entrepairs. La solution qui se dessine consiste à sortir

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du moule de l’école classique. Un véritable chantiersocial s’ouvre grâce à l’expertise développée pardes chercheuses féministes et par les pratiquesd’organismes comme Réseau Réussite Montréal,Imagine Éducation, Troisième avenue ou la Tablede concertation du mouvement des femmes duCentre du Québec. L’alliance des forces vivescomme celles des groupes de femmes mobiliséspar Relais­femmes autour de recherches­actionou par la Fédération autonome de l’enseignementest la clé pour enrichir un coffre à outils qui puisseappuyer efficacement les raccrocheuses.

Une nécessaire nouvelle initiativecitoyenne

Seul un large dispositif, s’appuyant sur lescompétences cognitives et thérapeutiques acquisesen éducation spécialisée mais aussi sur celles dechercheuses et d’intervenantes sensibles auxbesoins spécifiques des jeunes adultes concernéespourra briser l’engrenage du décrochage scolairedes mères qui se répercute d’une génération àl’autre. Une démarche féministe d’empowermentest nécessaire, ce qui va à l’encontre de procédéséducatifs, souvent invasifs, qui infantilisent oudépossèdent de jeunes adultes à l’ego déjà écorché.Les raccrocheuses ont besoin pour réussir d’affermirleurs capacités d’apprentissage intellectuel maisil leur faut aussi se réapproprier leur identité.L’éthique de la sollicitude, dont s’inspirent deschercheuses féministes comme celles de l’équipePARcours, promet de mieux cerner les modalitésd’un accompagnement qui se révèle susceptiblede favoriser leur réussite en s’appuyant sur lerespect de leur autonomie tout en construisantautour d’elles un environnement sécurisant3.L’entreprise commande une démarche exigeante,certes, mais prometteuse, dès lors qu’elle s’appuiesur la mobilisation de milieux d’interventionconscients des pièges qui les attendent et soucieux

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de s’engager dans cette nouvelle initiative citoyenneaxée sur la lutte contre les inégalités hommesfemmes dans notre société comme sur la luttecontre la pauvreté et les inégalités sociales engénéral.

Chapeau les filles!

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Artiste du mois

Native de Deschambault, en bordure du fleuve St-Laurent,cette artiste autodidacte se plait à allier diverses matièresafin de créer des oeuvres, à la fois douces et vibrantes,inspirées de ses rêves d'enfant et d'histoires ancestrales.

Pour voir plus d'oeuvres produites par Marie-Noël Bouillé,rendez-vous au:

www.marienoelbouille.com

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