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Université Lyon 2 Institut d’Etudes Politiques de Lyon La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne Quelles ambitions, quelles stratégies ? François Bargel Séminaire de Filali Osman, Docteur en Droit, Maître de Conférences à l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon/Université Lumière Lyon 2, Ancien conseiller de Gouvernement . Mémoire soutenu le 2 Septembre 2008 soutenu en présence de : Sylvia Chiffoleau chercheur au CNRS et enseignante vacataire à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon

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Université Lyon 2Institut d’Etudes Politiques de Lyon

La coopération policière dans l’Union EuroMéditerranéenneQuelles ambitions, quelles stratégies ?

François BargelSéminaire de Filali Osman, Docteur en Droit, Maître de

Conférences à l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon/UniversitéLumière Lyon 2, Ancien conseiller de Gouvernement .

Mémoire soutenu le 2 Septembre 2008

soutenu en présence de : Sylvia Chiffoleau chercheur au CNRS et enseignante vacataire à l’Institutd’Etudes Politiques de Lyon

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Table des matièresDédicace . . 5Remerciements . . 6Introduction . . 7I) l’Union Européenne, Acteur Majeur de la coopération policière dans la Méditerrannée . . 14

A. La Réforme du Secteur de la Sécurité, concept directeur de l’action de l’Union. . . 14B. L’expertise de l’Union Européenne en matière de coopération policière . . 17

1. Les prémices de l’action de l’Union : l’administration de la ville de Mostar etl’Albanie . . 182. La Mission de Police de l’Union Européenne en Bosnie Herzégovine . . 193. Le développement de missions au Proche Orient . . 20

II) Une Action globale aux Acteurs pluriels . . 24A. L’Union Européenne, un acteur Majeur mais segmenté . . 24

1. Deux visions pour un même programme : la dyarchie au sein des directions del’Union . . 242. Des Actions mises en œuvre par différents services . . 26

B. La concurrence d’autres acteurs internationaux . . 331. Les Etats-Nations : le rôle de la France . . 332. Les Organisations internationales : Interpol et l’ONU DC . . 383. Les initiatives des Forces de police à Statut militaire : la FIEP . . 42

III) La coopération policière en Turquie et au Liban . . 44A. La Turquie : un Etat aux portes de l’Union ? . . 44

1. La République de Turquie : l’ombre des généraux . . 452. Etat des lieux des forces de sécurité Turques . . 473. L’action de l’Union dans le cadre de la Réforme du Secteur de la Sécurité enTurquie . . 56

B. Le Liban : un Etat face à la confessionnalisation de son administration . . 601. Le Liban et la Syrie : « deux Etats un seul peuple » ? . . 612. Etat des lieux des pouvoir judiciaires policiers et de l’administration pénitentiairelibanaise. . . 683. Etat des lieux des Forces de sécurité libanaises: . . 694. Que fait l’Union au Liban ? . . 765. Le rôle de la France au Liban . . 79

Conclusion . . 82Annexes . . 84

Adaptation d'une chronologie parue sur le Monde.fr et titrée « Le Liban l’incessantjeu des alliances » . . 84Situation politique du Liban, 2006 (Le Monde.fr) . . 84Interviews . . 84

■Compte-rendu de l’Interview de Mr Pierre Antonmattei le 22/05/2008, à Paris . . 84■ Interview du Contrôleur Général de la Police Nationale Jean Eric Lacour, SousDirecteur de la Coopération Technique et Institutionnelle, le mardi 8 Avril 2008, àNanterre. . . 84

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■ Compte-rendu de l’interview du Commissaire Divisionnaire Matthieu Clouzeau,Adjoint au Sous Directeur de la Coopération Technique et Institutionnelle, le mardi 8Avril 2008, à Nanterre. . . 84

Le projet euro-méditerranéen quelle place pour la société civile ? . . 85Bibliographie . . 92

Ouvrages . . 92Articles de Journaux . . 92Articles de Journaux Scientifiques et Thèses . . 93Communication officielle . . 95Ressources Numériques . . 95

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Dédicace

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DédicaceA mes parents,

A Mr Cinq qui m’a redonné l’envie d’étudier,

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La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne

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RemerciementsJe tiens à remercier les membres du Services de Coopération Technique et Institutionnelle de laPolice, Monsieur Lacour et Monsieur Clouzeau qui m’ont accordé un peu de leur précieux tempset m’ont permis de découvrir le rôle de la France à l’étranger en matière de coopération policière.

Un grand Merci à Monsieur Antonmattei, Directeur du programme Euromed du CEPOL, quim’a permis de comprendre les mécanismes et l’importance de la formation et de la coopérationentre les Etats membres et l’Union dans la coopération policière.

Le Colonel Dominique Lapprand du Centre de Prospective de la Gendarmerie Nationale m’apermis d’avoir une vision d’ensemble des actions de l’Union Européenne dans le domaine de lacoopération policière, je l’en remercie.

Merci à Monsieur Jean Marie Fiquet, Adjoint chargé des Relations internationales à l’ENSPpour ses conseils et ses commentaires avisés sur mon mémoire.

Je remercie le Colonel Alain Cousin et son épouse pour leur amical soutien.

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Introduction

Bargel François - 2008 7

Introduction

La fin de la guerre froide et l’explosion du Bloc soviétique ont permis à certains analystes telsque Francis Fukuyama de parler de « la fin de l’histoire », l’idéologie libérale ne connaissantplus d’opposition organisée aussi bien politiquement qu’idéologiquement.

Néanmoins, de nouvelles menaces longtemps sous-estimées semblent poindre àl’horizon : de l’hyper terrorisme1 qui a frappé successivement New York, Londres et Madrid,au crime organisé dénoncé par le Figaro du 28 Janvier 2005 (« L’Union est débordéepar le Crime organisé »2) tout pousse à considérer que l’histoire continue à s’écrire sousnos yeux. C’est l’analyse développée par Moisés Naim dans son article Les 5 guerresde la Mondialisation 3 publié par le très sérieux magazine américain « Foreign Policy ».L’auteur affirme que le Crime Organisé est une menace de première importance pour lesEtats, car elle est renforcée par le processus de la Mondialisation. Il affirme ainsi queceux-ci se retrouvent confrontés, outre la lutte contre l’hyper terrorisme, à cinq guerrescontre les organisations criminelles internationales dans lesquelles ils seraient très malengagés. Il s’agit de la lutte contre le trafic de drogue, d’armes, la contrefaçon, les migrationsclandestines ainsi que le blanchiment d’argent. L’auteur prend l’exemple de la lutte contrele terrorisme pour illustrer les difficultés qu’ont les Etats pour combattre les organisationstransnationales et décentralisées comme les mafias. Les dirigeants européens en ontparfaitement conscience lorsqu’ils affirment qu’« aucun pays n'est […] en mesure de faireface, seul, aux problèmes complexes de notre temps 4». En effet le crime organisé profiteau mieux des opportunités offertes par les nouvelles technologies. De plus, les archaïsmesadministratifs, liés à une conception désuète de la souveraineté (L’Europe dispose, parexemple, de plus d’une trentaine d’institutions pour la gestion de ses frontières5), leurpermettent de passer entre les mailles des filets tendus par les autorités Cette approcheest d’autant plus intéressante que l’Union Européenne se considère comme une «ciblede premier ordre pour la criminalité organisée6 ». Et Javier Solana7 affirme en effet dansl’exposé de sa stratégie de sécurité que « la menace intérieure qui pèse sur notre sécuritécomporte une dimension extérieure importante: le trafic transfrontalier de drogue, la traitedes femmes, l’immigration clandestine et le trafic d’armes représentent une grande partiedes activités des groupes criminels. La criminalité organisée peut avoir des liens avecle terrorisme. Ces activités criminelles sont souvent associées à des États faibles ou en

1 François Heisbourg, Hyperterrorisme, la nouvelle guerre, Paris, Odile Jacob « Avec les attentats du 11 septembre, le mondea vécu pour la première fois une attaque de destruction de masse opérée non par un Etat mais par un groupe non-gouvernemental :c'est ce que j'ai qualifié "d'hyperterrorisme" le jour même des attentats, afin de marquer la différence d'échelle, la césure, par rapportaux manifestations passées du terrorisme »

2 Le Figaro, 28 janvier 20053 “The Five Wars of Globalization” Foreign Policy, p. 29 à 37 January/February 20034 Stratégie Européenne de Sécurité, Bruxelles le 12 Décembre 2003, p.15 Il s’agit d’un domaine intergouvernemental (IIIème Pilier du traité de Maastricht) et non pas communautaire6 Stratégie Européenne de Sécurité, Bruxelles le 12 Décembre 2003, p.47 Haut représentant pour la Politique Européenne de Sécurité et de Défense de l’Union Européenne

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déliquescence 8». Ce texte identifie les principales menaces auxquelles est confrontéel’Union et souligne l’une des causes de celles-ci : la faiblesse des Etats limitrophes. L’objectifde l’Union serait donc de promouvoir le renforcement des Etats riverains tout en les poussantà accomplir les réformes nécessaires à la construction d’un Etat de droit. Mais les Etatssont ils réellement menacés par le crime organisé ? Quelle est la réalité de ces menacesnotamment en Europe ? Et quelles sont les réponses envisagées par les Etats membres del’Union? Pour mieux comprendre l’ampleur de ces problèmes, nous allons brièvementprendre en compte séparément chacune des guerres de la Mondialisation et identifier leursimplications pour l’Europe.

Les Nations Unies estimaient en 1999 que le trafic de drogue rapportait environ400 Milliards de dollars, soit une somme équivalente à la taille de l’économie espagnolede l’époque. Ces chiffres comparés aux dépenses des Etats-Unis pour la guerre contrela drogue (35 milliards de dollars chaque année) démontrent le déficit de financementdes Etats dans leur lutte contre le crime lorsqu’ils sont désorganisés. On peut ici citerla chronique d’Alexander Adler dans le Figaro : « […] La vérité toute simple est que lesforces de répression locale, depuis le Pérou jusqu'à la Birmanie, sont de plus en plusdifficilement en mesure de lutter contre une criminalité politico-militaire dont le budget,alimenté par la cocaïne, est largement équivalent à celui d'un État et dont la puissance defeu, à tout le moins la puissance de nuire, équivaut à celle d'une armée régulière. […]Chezles cultivateurs pathans comme chez les cocaleros de Bolivie, les offres de reconstructionfondées sur le passage à des cultures alternatives et à de maigres subventions deWashington ou du gouvernement local ne tiennent pas le coup. L'intérêt économique purdu petit agriculteur bolivien ou colombien, c'est de continuer à fournir les cartels ou lesFarcs»9. Malgré l’opération décannabisation lancée en 2005 par le gouvernement Marocain,« le Maroc produit encore environ 47 000 tonnes de Cannabis brut ce qui fait du RoyaumeChérifien le plus gros producteur de résine du monde (3000 tonnes/an). Cette productionrapporte 200 millions de dollars aux paysans marocains et génère 12 milliards de dollarsde bénéfices pour les trafiquants 10».

En matière de blanchiment d’argent, l’exemple le plus connu est celui des îlesCaïmans : cette île a une population de 36 000 habitants et 60 000 compagnies, 600banques et trusts qui ont des ressources évaluées à 800 Milliards de dollars. Mais cetexemple qui peut être considéré comme lointain ne doit pas nous faire oublier que lesparadis fiscaux sont pour la plupart situés en Europe. Andorre, Monaco ou encore leLichtenstein sont des hauts lieux du blanchiment d’argent grâce à des règles sur laprotection des données financières personnelles beaucoup plus strictes que dans le restede l’Union. La récente affaire des comptes cachés aux Lichtenstein démontre le besoin decoordination au sein de l’Union. Le Figaro titrait ainsi le 04/03/2008 : Paradis Fiscaux :l’embarras de l’Europe. Le Journal affirmait : « La législation sur la taxation de l'épargnedans l'UE est jugée insuffisante à la lumière du récent scandale d'évasion fiscale vers leLiechtenstein. Le dossier […] sera étudié aujourd'hui à Bruxelles. Sous la pression de Berlin,le Liechtenstein devrait s'ajouter à la longue liste des États invités à faire preuve de plusde transparence financière à l'égard de l'UE […], le ministre allemand Peer Steinbrückpourrait soumettre des propositions visant à resserrer l'emprise sur ce paradis fiscal. »Mais le blanchiment d’argent ne concerne pas uniquement les paradis offshore : il s’agitaussi du parasitage des entreprises légales par le crime organisé. Si cette pratique n’est

8 Stratégie Européenne de Sécurité, Bruxelles le 12 Décembre 20039 Alexandre Adler, « La drogue et la politique », Le Figaro du 8 Février 200810 Maroc Les chemins du Cannabis, Civique n°164 Aout Septembre 2007, Jacques Prévot

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Introduction

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guère connue en France, elle est une des principales sources de revenus de la Mafia deNew York et Sicilienne. Il s’agit pour le crime organisé de remporter les contrats publics encapturant le projet dès sa conception. C’est ainsi que la Mafia New Yorkaise à obtenu lescontrats de reconstruction de « ground zero » et la mafia sicilienne contrôle le ramassagedes déchets à Naples. Dans certains cas, il y a une véritable collusion entre les pouvoirspolitiques et les organisations mafieuses. En effet, la mafia ne veut pas tant le pouvoir quele profit qu’elle peut en tirer et cherche à se rendre incontournable dans la société. Cetaspect est noté par Henri Hope dans sa thèse Le piratage des marchés publics par le crimeorganisé 11. L’auteur ce travail académique affirme : « Pour s’enrichir les mafias ont toujoursété des acteurs attentifs de l’économie […] Cependant depuis une vingtaine d’année ellessont devenues de véritables acteurs économiques. Elles possèdent des entreprises eten contrôlent indirectement d’autres »12. Et l’auteur de citer les 16,6 milliards qu’auraientrapportés le BTP au Crime Organisé italien en 1999.

Les autres fronts de la guerre de la Mondialisation, à commencer par le trafic d’armes,semblent moins lucratifs mais restent très rentables et profitent des mêmes carences desEtats pour prospérer. Cela est illustré par un rapport des Nations Unies cité par MoiseNaim qui affirmait que seulement 3% des armes légères en circulation dans le monde étaitutilisées par des forces gouvernementales, police ou armée. Le parcours et l’arrestationdu célèbre marchand d’armes Viktor Bout le 7 Mars 2008 démontre à quel point il estdésormais facile de fournir les guérillas du monde entier. Le Figaro décrit ainsi le parcoursde l’homme qui inspira le désormais célèbre film « Lord of War » : « il profite de la grandeliquidation du complexe militaro-industriel de l'ex-URSS pour constituer sa flotte aériennepirate. Il se spécialise dans les livraisons clandestines dans des aéroports improbables.Caméléon linguistique (il parle russe, français, anglais, portugais, espagnol et plusieursdialectes africains), il devient le pionnier d'une mondialisation mafieuse. Il apparaît commeun acteur de premier plan dans l'organisation de trafics d'armes en Afrique ». A tel pointque les autorités américaines s’en inquiètent : en 2005, le département américain auraitaffirmé «Aujourd'hui, Bout est capable de transporter des tanks, des hélicoptères et desarmes à n'importe quel endroit du monde13». Mais ce problème ne concerne pas queles pays du Sud : en effet l’Observatoire National sur la délinquance à constaté uneaugmentation de 9,5% de saisies d’armes entre 2005 et 2006 sur le territoire français. LeFigaro affirmait dans un article daté du 7/12/2007, qu’un missile sol-air avait été découvertlors d’une perquisition dans le Val de Marne et rappelait que les autorités françaisesconstataient une forte augmentation de l’utilisation d’armes de guerre (Fusils automatiquesAK-47) lors de braquages. Les déclarations des prévenus dans ces affaires ne laissent quepeu de doutes quant à la provenance des armes : en effet, deux fusils à longue portéeretrouvés en septembre 2003 dans la Cité de l’Etoile à Bobigny provenaient directementd’ex-Yougoslavie. Les récentes émeutes à Villiers le Bel ont démontré l’atteinte grave queces trafics pouvaient poser à l’ordre public en France et en Europe.

La question des flux illégaux de migrants est plus connue par le grand publicnotamment en France suite à la création du ministère de l’intégration et de l’identiténationale. Mais ce problème n’est pas nouveau et ne concerne pas uniquement la France.En 2006, Nicolas Sarkozy alors Ministre de l’Intérieur affirmait « Je le dis clairement, lasituation que nous vivons aujourd'hui en Europe est intolérable. Europol a estimé le nombre

11 Henri Hope dans sa thèse « Le piratage des marches publics par le crime organisé, d’une pratique locale à un phénomènemondial » Juin 2005 Dirigé par François Haut et Xavier Raufert.

12 Idem, p.1213 Le Figaro « Viktor Bout, marchand de mort, sous les verrous » 07/03/2008

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La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne

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de migrants qui entrent illégalement en Europe à 500 000 personnes. Cette immigrationclandestine est une atteinte à l'ordre public des Etats européens et à la stabilité de leur pactesocial »14. De fait les Etats sont confrontés à des migrations illégales des plus importantes.On estime à 12 millions le nombre d’immigrants illégaux aux Etats-Unis. La place de cesillégaux fait l’objet d’un vif débat aux Etats- Unis même si tout le monde s’accorde à dire qu’ilssont indispensables à l’activité économique du pays. L’Europe est quant à elle confrontéeà de nombreux défis venus d’Afrique et du Moyen Orient.

Ainsi comme l’affirmait l’ex Ministre de l’Intérieur lors de la même intervention : « Lepotentiel migratoire de l'Afrique est très important. La moitié des 800 millions d'Africains ontmoins de 17 ans. Le différentiel des taux de fécondité entre l'Europe et l'Afrique atteint desrecords : 1,4 enfant par femme en Europe contre 5,4 en Afrique sub-saharienne. L'immensemajorité des 540 millions d'hommes qui vivent avec moins d'un dollar par jour, résident sur lecontinent africain »15. Europol estimait dans son rapport 2006 que plus de 3000 personnesavaient trouvées la mort, noyées, en traversant la Méditerranée16.

La lutte contre la contrefaçon est la dernière guerre de la mondialisation livrée par lesEtats. Elle est parfois liée aux migrations clandestines, en effet, les vendeurs à la sauvetteà Paris ou à Rome sont le plus souvent des illégaux. Un rapport de l’OCDE de 1998, cité

14 Intervention de M. Nicolas SARKOZY, Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire lors de laconférence Euro-Africaine sur les migrations à RABAT (Maroc) le 10/07/2006

15 Idem16 Europol Annual Report 2006, p. 8

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Introduction

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par l’Union des Fabricants affirmait que 5 à 7% du commerce Mondial était le fait descontrefaçons.

Dans son article Moises Naim identifie les facteurs de cette réussite destrafiquants : premièrement, la nature transnationale des trafics qui limite la capacitéd’intervention des Etats qui sont liés par la notion de souveraineté. Ensuite, les syndicatsdu crime jouent sur les forces du marché qui offrent de nombreuses possibilités degains en jouant sur les différentes législations et autres coûts de production. Selon lesdires de l’auteur, il faudrait donc une action intergouvernementale ou voire supranationalepour pouvoir seulement envisager la résolution de ce problème. Mais la coopérationpolicière est l’une des compétences régaliennes des Etats et c’est parmi celles-ci l’unedes plus jalousement gardées. Ainsi l’Union Européenne, l’un des meilleurs exemplesde d’intégration économique, n’a pas de compétences propres17 explicites en matière dedéfense et en matière policière malgré la création de la Politique Européenne de Sécuritéet de défense (PESD).Il est donc difficile d’imaginer une action globale au niveau européenpour lutter contre le crime organisé.

C’est dans ce contexte que l’Union Européenne, longtemps décriée comme un géantéconomique mais un nain politique, à lancé le Partenariat Euro méditerranéen lors duProcessus de Barcelone en 1995. Il s’agissait à l’époque de créer un partenariat entreles pays membres de l’Union et les pays de la rive sud de la Méditerranée avec pour butde « faire du bassin méditerranéen une zone de dialogue, d'échanges et de coopérationqui garantisse la paix, la stabilité et la prospérité18 ». Concernant l’application pratique departenariat, il s’agissait tout d’abord de créer une zone de libre échange entre le Nordet le sud de la Méditerranée. Le corollaire de la libre circulation est une coopérationplus développée entre les appareils policiers et judiciaires des pays membres. Ceci a étédémontré par la création de l’Espace Schengen en Europe suite à la création d’un marchéunique européen19. La coopération policière fait donc partie de cette Politique européennede voisinage (PEV) qui se veut toutefois plus globale. La déclaration de Barcelone y faitexplicitement référence dans la partie « Partenariat Politique et de Sécurité ». Les Etatss’engagent en effet à «renforcer leur coopération pour prévenir et combattre le terrorisme,notamment par la ratification et l'application d'instruments internationaux auxquels ils ontsouscrit, par l'adhésion à de tels instruments ainsi que par toute autre mesure appropriée ;et à lutter ensemble contre l'expansion et la diversification de la criminalité organisée etcombattre le fléau de la drogue dans tous ses aspects ». Cette volonté politique à étéréaffirmée lors de la Vème conférence euro méditerranéenne à Valence en 2002. L’intérêtpour l’Europe de négocier avec les pays du pourtour Méditerranéen était évident : LeMaghreb et l’Afrique représentent un potentiel migratoire tellement important que les Etatseuropéens ne peuvent, à eux seuls, l’endiguer. De plus, les récents attentats à Londreset à Madrid ont démontré que des populations immigrées pouvaient contenir des individus

17 Une compétence propre est une compétence qui revient à un seul acteur (l’UE) celle ci ne serait pas soumises au principede subsidiarité qui veut que l’Union soit une force d’appui lorsqu’un Etat ne peut régler seul une question.

18 Déclaration de Barcelone, 28 Novembre 199519 « Devant l'impossibilité de trouver un accord au sein de la Communauté européenne, la France, l'Allemagne, la Belgique,

le Luxembourg et les Pays-Bas ont décidé, en 1985, de créer entre eux un territoire sans frontières, l'espace «Schengen», du nomde la ville luxembourgeoise où furent signés les premiers accords. Cette coopération intergouvernementale s'est développée pourregrouper treize États membres en 1997, lors de la signature du traité d'Amsterdam. Grâce à ce traité, les décisions adoptées depuis1985 par les membres de l'espace Schengen ainsi que les structures de travail mises en place ont été intégrées au sein de l'Unioneuropéenne (UE) le 1er mai 1999 ». L'espace et la coopération Schengen, site de l’Union Européenne, http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/l33020.htm

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La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne

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potentiellement dangereux. La coopération policière avec les pays d’origine est donc unedes priorités des services de police de l’Union dans l’optique d’avoir une politique deprévention. Dans leur livre Le Crime organisé, les auteurs Xavier Raufer et Stéphane Quereréalisent une synthèse de trois rapports d’Europol sur le crime organisé (Organised CrimeReport) et démontrent que l’origine des principaux groupes mafieux sévissant en Europeest la Méditerranée. La Turquie est mentionnée 8 fois et le Maghreb 4 fois dans une analysecomprenant quinze Etats membres. L’intérêt est aussi évident en matière de lutte contre leblanchiment d’argent : en effet le GAFI20 crée en 1989 par le G8 a publié en 2000 une listedes pays non coopératifs dans cette lutte : l’Egypte, Israël, le Liban et même la Hongrieen faisaient partie. L’Union européenne a donc intérêt à mettre en place une coopérationrenforcée entre ses membres et avec les pays riverains de la Méditerranée pour lutter contreces nouvelles menaces.

Par ailleurs, l’Union affirme placer la question des droits de l’homme et de la démocratieau cœur de ses relations avec les pays tiers. En effet la Stratégie Européenne de Sécuritépubliée en Décembre 2003 affirmait : « La meilleure protection pour notre sécurité estun monde fait d’États démocratiques bien gouvernés. Propager la bonne gouvernance,soutenir les réformes sociales et politiques, lutter contre la corruption et l’abus de pouvoir,instaurer l’État de droit et protéger les droits de l’homme: ce sont là les meilleurs moyens derenforcer l’ordre international ». La Déclaration de Barcelone y fait explicitement référence,les Etats « s’y engagent à développer l'Etat de droit et la démocratie dans leur systèmepolitique tout en reconnaissant dans ce cadre le droit de chacun d'entre eux de choisir et dedévelopper librement son système politique, socioculturel, économique et judiciaire ». Lesgouvernements réaffirmèrent leur volonté de « respecter les droits de l'homme et les libertésfondamentales, ainsi que garantir l'exercice effectif et légitime de ces droits et libertés, ycompris la liberté d'expression, la liberté d'association à des fins pacifiques et la liberté depensée, de conscience et de religion, individuellement ainsi qu'en commun ». La dimensiondes droits de l’homme et de l’Etat de droit est donc présente et réaffirmée dans ce projet. Est-ce que cette exigence a cours dans le cadre de la coopération policière ? L’Union cherche-t-elle plus globalement à pousser les Etats membres du Partenariat vers une démocratisationrelative de leurs services pour, sur le long terme, faire prévaloir sa vision de la démocratiedans le champ politique ? Ou l’impératif d’efficacité conduit il à se concentrer sur l’aspecttechnique de la coopération ? Peut-on transposer notre modèle européen de Police auxpays du pourtour Méditerranéen ?

Ce débat, loin d’être une problématique uniquement méditerranéenne ou seulementphilosophique, est au cœur de la controverse qui agite aujourd’hui le Congrès américain etla Maison Blanche. En effet après la découverte des prisons d’Abou Graïb et des centressecrets d’interrogatoire en Europe de l’Est, les représentants du Congrès cherchent àencadrer strictement les méthodes d’interrogatoire de la C.I.A. en obligeant ses membresà respecter les directives du manuel militaire d’interrogatoire. Le président Bush quant à luia posé son véto le 8 mars 2008 contre cette législation qui nuirait, selon lui, à l’efficacitédes services de renseignement américains. On le voit donc il est ici aussi question desbuts et des valeurs que l’Union veut promouvoir sur la scène internationale : l’Europe

20 « Le Groupe d'Action financière (GAFI) fondé en 1989 est un organisme intergouvernemental visant à développer etpromouvoir des politiques nationales et internationales afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme »Site officiel du GAFI, http://www.fatf-gafi.org/pages/0,3417,fr_32250379_32235720_33631745_1_1_1_1,00.html

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Introduction

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fait-elle de la Realpolitik21 pour préserver sa population et ses intérêts des affres des 5guerres de la Mondialisation ? Ou au contraire veut-elle s’inscrire dans une approcheglobale sur le long terme visant à promouvoir la stabilité de la région en poussant àla démocratisation d’Etats qui sont notoirement peu enclins à respecter les droits del’homme ? Cette question, quoique cruciale, fait partie d’une problématique plus largeconcernant l’action de l’Union européenne. Celle-ci est elle complémentaire de celle desEtats membres ou celle-ci s’oppose t elle aux actions des Etats qui tentent de préserver leursprérogatives et leurs intérêts nationaux? La zone méditerranéenne est des plus importantespour la sécurité européenne et les enjeux politiques majeurs de la zone (conflit palestinien,tensions entre pays du Maghreb) pèsent sur les coopérations techniques indispensablesau projet euro méditerranéen. Il est donc intéressant de savoir quelles sont les modalitésde cette coopération. Permet elle aussi d’améliorer la coopération entre Etats du Sud afind’avoir un retour en sécurité intérieure pour tous les Etats participants ? Et quels sont lesliens avec les autres politiques de coopération initiées par les autres acteurs internationaux(ONU, Interpol) ?

Pour traiter au mieux ce sujet nous verrons tout d’abord les concepts théoriqueset l’expertise encadrant l’action de l’Union Européenne (I). Puis nous analyserons lesmodalités de cette coopération Euro méditerranéenne (II) concurrencée par de nombreuxacteurs internationaux. Enfin, nous étudierons les cas de la République de Turquie et duLiban (III) qui représentent les deux extrêmes dans la région : un Etat fort et centraliséaux portes de l’Europe d’un côté et de l’autre un Etat confronté aux luttes confessionnellesinternes et aux ingérences des puissances limitrophes.

21 « Le terme de realpolitik (allemand : politique réaliste), désigne une politique qui privilégie uniquement l'efficacité et lesrésultats "affichables" : à ce titre, les statistiques et les résultats dits "concrets" ont le primat absolu. C'est également une politique quine se soucie pas des principes éthiques. On pourrait la désigner comme le cynisme politique ». http://fr.wikipedia.org/wiki/Realpolitik

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I) l’Union Européenne, Acteur Majeurde la coopération policière dans laMéditerrannée

L’Union Européenne en tant qu’entité dispose de concepts théoriques justifiant son action(A). Elle dispose par ailleurs d’une expertise majeure dans le domaine de la coopérationpolicière (B) du fait de sa participation aux missions de maintien de la paix en Ex Yougoslavieet du processus d’adhésion et d’intégration des anciens pays du Bloc soviétique à l’UnionEuropéenne.

A. La Réforme du Secteur de la Sécurité, conceptdirecteur de l’action de l’Union.

Le concept de la Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS) est encore mal défini etsujet à débat dans les milieux scientifiques. C’est néanmoins une idée sous jacente desprogrammes européens comme en témoigne le document de Stratégie pour le Liban2007 2013 qui affirme « Le gouvernement libanais a soumis une demande directe d’aidecommunautaire dans ce secteur. La formation des forces de sécurité nationales, la formationde la police, la réforme du secteur de la sécurité, ainsi que des projets de gestion desfrontières pourraient être envisagés en vue d’accroître la coopération dans le secteur dela sécurité22 ».

Mais quels sont les tenants et les aboutissants de ce concept ? La RSS est unevision globale des besoins de bonne gouvernance du secteur de la sécurité au sens largedu terme (Police, Justice, Armée compagnies de sécurité privées et organisations nongouvernementales). Elle est basée sur la notion de « sécurité humaine » en opposition avecle terme « sécurité de l’Etat » dont les forces de l’ordre des pays non démocratiques usent etabusent pour justifier leurs exactions et pour protéger l’ordre établi. Selon Timothy Edmunds« la Réforme des services de sécurité à pour but d’assurer la sécurité au sein de l’Etat demanière effective et efficace dans le cadre d’un contrôle démocratique civil23 ».

L’objectif de la RSS est donc tout d’abord d’assurer un contrôle effectif des forcesarmées par des gouvernements démocratiquement élus. Il s’agit aussi de charger lesforces de l’ordre d’assurer la protection des individus plutôt que celle des institutions.Les principaux promoteurs de ce concept sont l’Organisation des Nations Unies (ONU)et l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE). Le texteinternational de référence est la résolution de l’assemblée générale de l’ONU n°5596

22 Document de Strategie pour le Liban p.1923 Libre traduction de Wilhelm N. Germann Timothy Edmunds, Towards Security Sector Reform in Post Cold War Europe A

Framework for Assessment, Bonn International Centre for Conversion (BICC), 2003, p.3-4

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titrée « renforcement de l’Etat de droit ». Ce document appelle à s’assurer « qu’unenseignement des droits de l’homme soit incorporé dans les programmes de formationdestinés aux fonctionnaires, aux forces de l’ordre et aux forces armées » et soutient qu’ilfaut « veiller à ce que l’armée demeure comptable de ses actes envers un gouvernementcivil démocratiquement élu ». Il prévoit par ailleurs de « Promouvoir l’indépendance etl’intégrité du corps judiciaire et, en lui assurant la formation, la sélection, l’appui et lesressources dont il a besoin, renforcer son aptitude à rendre la justice avec équité et efficacité,à l’abri d’influences externes indues ou corruptrices » et de prévoir des recours effectifs auxdécisions de l’administration.

L’OSCE est allée plus loin en adoptant en 1994 un Code de conduite sur les aspectspolitico militaires de la Sécurité. Ce texte prévoit notamment un contrôle parlementaire surles agences de renseignement (Annexe IV). Les éléments de base de la RSS sont doncd’assurer une séparation effective des pouvoirs dans les textes constitutionnels. Puis dansun second temps d’assurer un contrôle civil sur les forces armées, un contrôle parlementairesur les décisions relatives au secteur de la sécurité (nominations etc..). Il s’agit aussi degarantir la possibilité d’un recours judicaire à l’encontre des actions de l’administration(budget des services de sécurité et appels dans les cas de détention). Enfin, une partiede la RSS consiste à assurer un maximum de débats publics sur les questions de sécuritéafin d’éviter les que les décisions soient prises en catimini. L’action de la RSS pourrait doncse résumer à un renforcement de l’Etat de droit à l’Européenne dans les pays concernés.Toutefois, il faut bien garder en tête les mises en garde d’Antoine Basbous, Directeur del’observatoire des pays arabes, « Ne nous leurrons pas, le sud et l'est de la Méditerranée neressemblent en rien aux pays de l'Europe de l'Est qui se sont libérés de l'URSS et ont adoptéle modèle de démocratie libérale en appliquant des recettes «clé en main». Malgré le jougcommuniste, les sociétés civiles de l'Est aspiraient à partager les valeurs de l'Occident 24».Les valeurs de la société civile seraient donc une des pré conditions de la réussite de laRSS dans cette zone.

L’Union européenne dans l’élaboration de sa stratégie de réforme des servicesde sécurité semble d’ailleurs placer une grande confiance dans le rôle de la sociétécivile dans le processus de contrôle et de démocratisation des Etats. Ainsi dans ladéclaration de Barcelone en 1995, les participants affirmaient «reconnaitre la contributionessentielle que peut apporter la société civile dans le processus de développementdu partenariat euro méditerranéen [.. .] ils conviennent de renforcer et/ou mettre enplace les instruments nécessaires à une coopération décentralisée pour favoriser leséchanges entre les acteurs du développement dans le cadre des législations nationales :responsables de la société politique et civile, du monde culturel et religieux, des universités,de la recherche, des médias, des associations, les syndicats et les entreprises privéeset publiques ; 25».Cette conception peut paraître paradoxale dans la région où les Etatsautoritaires se sont évertués à empêcher toute contestation politique par le biais de leursforces de sécurité. Néanmoins cette conviction est réaffirmée dans le projet Stratégiquepar Pays concernant le Liban sur la période 2007-2013. « La société civile jouera unrôle de catalyseur et de sensibilisation dans ces domaines [renforcement de l’Etat de droitet respect des droits de l’homme notamment pour les réfugiés palestiniens]. L’objectif del’UE consistera à renforcer son rôle dans le processus en cours de dialogue politique etde prévention des conflits et à poursuivre les échanges interpersonnels. La modernisationet le développement de la prestation des services publics, notamment l’amélioration

24 Antoine Basbous, L'Union pour la Méditerranée entre rêve et utopie, Le Figaro, ,17/04/200825 Idem

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de la bonne gouvernance et des mesures de lutte contre la corruption et de promotionde la transparence, en particulier des finances publiques, sont les principales prioritésdu Liban 26». La définition actuelle de la société civile est l'ensemble des institutions(famille, entreprise, association...) où les individus poursuivent des intérêts communs sansinterférence de l'Etat. Ces groupes « selon des procédures qui leur sont propres, élaborentdes valeurs spécifiques27"(Pour une analyse plus complète de la conception de société civileet son application dans le partenariat euro-méditerranéen voir en annexes le Document« Quelle place pour la société civile »). Cette idée d’opposition à un ordre considéré commeinjuste est tout a fait présente dans le terme « société civile internationale » englobant lesaltermondialistes et les défenseurs des droits de l’homme. Beaucoup d’analystes semblentpenser que le développement d’institutions libérales extérieures à l’Etat (marché et sociétécivile) favoriserait la démocratisation du pays sans détailler plus les composantes d’untel processus. C’est la critique développée dans Les limites d’une démocratisation par la

société civile en Afrique du Nord 28

, qui dénonce un phénomène de mode quant au rôle dela société civile qui éviterait de se poser les bonnes questions.

Jean Ferrié, dans son article, critique les auteurs férus de la « good governance » quiaffirment qu’une démocratisation est possible par le biais de la société civile qui fixerait petità petit des règles aux gouvernements. De fait, l’auteur rappelle les limites d’un tel processusde démocratisation sur les choix des gouvernants. Les ONG constitutives de la société civilerecherchent en effet la collaboration de l’Etat bien plus que le conflit ouvert avec celui-ci.De même, il va de soi que les entrepreneurs ne sauraient être gagnants lors d’un brasde fer avec les gouvernement ceux-ci n’étant de fait pas lié au destin des entreprises dupays tandis que les entrepreneurs dépendent du bon vouloir de l’administration pour labonne marche de leurs affaires (réglementation, accréditations, déductions d’impôts). LesEtats de la région ont abandonné des pans entier de l’économie et se retrouvent incapables(Socialisme de l’Egypte de Nasser ou en Algérie) ou ne veulent pas (Sud Liban) menerà bien la production de services aux populations. Les seules réussites politiques de cesEtats étant leurs politiques sécuritaires les maintenant au pouvoir, la société civile est enfait la réaction de la société pour survivre face à ce « système de pénurie ». La stabilitédes régimes autoritaires de la région à poussé les opposants à investir la sphère de laproduction de service gagnant ainsi la légitimité nécessaire pour parler au nom du peuplevis-à-vis des gouvernements et ainsi réintégrer la vie politique en tant « qu’associationde plaidoyer » auprès de l’Etat. L’exemple type est les Frères musulmans en Egypte quiassurent de nombreux services à la population et dont les membres sont élus sous l’étiquette"indépendant" au Parlement Egyptien (Cet exemple vaut aussi pour le Hezbollah libanaisou le Hamas Palestinien). De fait, si les activistes politiques s’inscrivent dans la créationd’associations celles-ci ne sont tolérées que si elles ne remettent pas en cause l’ordrepolitique établi. De plus, la plupart des associations n’ont de fait qu’un but local et ne sontpas des organisations politiques il s’agit tout au plus d’une défense d’intérêts sectorielsqui ne nuît pas à l’autoritarisme libéral mis en place dans la région et permet l’émergencede nouveaux décideurs technocrates cooptés par le gouvernement. De plus, la présenced’associations de service est un élément nécessaire à ces Etats pour avoir accès à uncertain nombre de financements qui sont directement versés à ces associations. Il est vraique la société civile peut porter les revendications de la population et par ce biais apporter

26 Document de Stratégie pour le Liban 2007-2013p.1827 Y. Cannac, Le débat N° 26, 198328 Jean-Noël Ferrié, Les limites d’une démocratisation par la société civile en Afrique du Nord, Maghreb Machrek, N°175,

Printemps 2003

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un vent de démocratisation. L’USAID en Egypte a cherché à associer les élus, les ONGet les populations dans des actions concrètes avant de les pousser à outrepasser leurfonction première en devenant des associations de plaidoyer. Mais de fait les associationsde doléance sont utiles aux gouvernements de la région en permettant une remontéed’information sur l’état de l’opinion et permettant de déterminer les mesures à prendre. Deplus, cela assure une participation non politique de la part des gouvernés. Ainsi on peutaffirmer comme l’a démontré Bradford Dilman29 que la libéralisation économique a certespermis une ouverture vis-à-vis de la société civile mais à bien plus permis aux Gouvernantsde raffermir leur pouvoir au lieu de faire naître des contre-pouvoirs au sein de la société.L’objectif de la RSS est d’introduire des procédures de mise en responsabilité des officielsdes appareils de sécurité dans un processus de démocratisation. Mais cet objectif est entotale contradiction avec les tendances récentes dans la région. Ainsi Antoine Basbous note« La gouvernance des pays du Sud dresse de multiples obstacles au succès de ce projet.[…] l'objectif stratégique des régimes «républicains» est de se transformer en «monarchies»de facto. En Syrie, la dictature héréditaire des Assad a montré la voie. En Égypte, tout est misen place pour que Gamal Moubarak succède à son père. En Libye, le colonel Kadhafi, qui aenterré De Gaulle, Pompidou et Mitterrand, prépare sa succession au profit de l'un de sesfils. Au pouvoir depuis 1987, le président tunisien s'apprête à faire modifier une fois de plusla Constitution pour s'offrir une présidence à perpétuité. Sans oublier Bouteflika, qui étaitdéjà ministre en 1962 et qui souhaite amender la Constitution algérienne pour s'accorderun troisième mandat présidentiel, malgré son état de santé 30».

Pour conclure nous pouvons reprendre les propos de Michel Camau « les régimessont eux-mêmes à l’origine de changements dont ils maîtrisent l’ampleur, la portée, de tellemanière que la phase initiale de la transition, la libéralisation, peut s’avérer le moyen de

faire obstacle à la démocratisation 31 »

B. L’expertise de l’Union Européenne en matière decoopération policière

La force de l’Union Européenne en matière de démocratisation s’est illustrée en Europede l’Est après la chute du bloc soviétique. Dans son livre « Developments in Central andEast European politics » S. White prend l’exemple de la stabilisation des Balkans et del’Europe de l’Est et démontre que l’Union peut imposer une certaine libéralisation tantpolitique qu’économique aux pays tiers et a une certaine expérience dans le domaine durenforcement de l’Etat de droit. Ainsi en 1993, les critères de Copenhague sont définis etdonnent la marche à suivre aux pays voulant adhérer à l’Union ainsi qu’un ensemble deprincipes directeurs définissant les relations extérieures des institutions européennes. Les3 critères ainsi définis sont les suivants :

_Etre une démocratie stable respectant les droits de l’homme

29 « Facing the market in North Africa », The Middle East Journal volume 55 N°2, 2001 pages 165-181.30 Antoine Basbous,L'Union pour la Méditerranée entre rêve et utopie, Le Figaro, ,17/04/200831 M Camau, « La transitologie à l’épreuve du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord », Annuaire de l’Afrique du Nord 1999,

tome 38, 2002, p.5

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_Intégrer l’acquis communautaire_Etre une économie stable et capable de résister à la pression concurrentielleCes trois grands principes donnent aussi des orientations générales à la coopération

policière mise en place par l’Union. L’Union dispose d’une certaine expertise dans cedomaine précis. Deux exemples viennent à l’esprit : la Mission assurée par l’Unioneuropéenne en Albanie (a) et la Mission de Police en Bosnie Herzégovine (b). Enfin nousverrons que les enseignements tirés de ces deux missions ont permis de lancer desmissions au Proche-Orient (c).

Ces missions de police mises en place par l’Union ont pour cadre la PolitiqueEuropéenne de sécurité et de défense (PESD) définie par le Traité de Maastricht en1992. Si cette politique regroupe les activités militaires que pourrait prendre en chargel’Union, elle se veut un cadre plus global d’action comprenant la gestion civile des crises.Ce dernier aspect n’a cessé de prendre de l’importance notamment avec le Conseild’Helsinki en 1999 qui y fait explicitement référence. En Juin 2000, le Conseil Européende Feira au Portugal lançait la dimension civile de la PESD. Quatre grandes prioritésy furent fixées. La police, le renforcement de l’Etat de droit, de l’administration civileet la protection civile. Les Etats européens se fixèrent pour objectif d’être capable defournir 5000 officiers de police pour les missions internationales. Le but semble avoir étéatteint : en 2004 l’Union disposait de 5 761 officiers dont 1400 pouvaient être déployésen moins de 30 jours. Comme les efforts de l’Union seraient vains si l’on se concentraituniquement sur les forces de police, l’Union a aussi mis en place des structures visantà assurer l’efficacité des systèmes judiciaires et pénitencier. Ainsi 631 personnels (juges,procureurs, membres de l’administration pénitentiaire) peuvent être mobilisés conjointementaux policiers. Concernant l’administration civile et la protection civile, l’Union peut mobiliserrespectivement 565 fonctionnaires et environ 5000 hommes pour les équipes de sauvetage.Le conseil Européen du 16 et 17 décembre 2004 à cherché à étendre les capacités del’Union Européenne en matière de gestion civile des crises. De nouveaux objectifs furentainsi fixés pour 2008. Depuis 2003, dix missions civiles ont été lancées. La première missionfut dans les Balkans et l’objectif fut de créer une force de police nationale respectant lesstandards européens.

1. Les prémices de l’action de l’Union : l’administration de la ville deMostar et l’Albanie

Le premier théâtre d’opération de la Police européenne fut la ville de Mostar où l’Unionadministra la ville en tant « que contribution à la création d’une administration pluriethniqueet durable de la ville32 ». L’Union agissait en soutien à la FORPRONU puis à l’IFOR. L’objectiffixé était d’aider les militaires à démilitariser totalement la ville, puis de restaurer et maintenirl’ordre public en instaurant une administration unique composée des différentes parties.Environ 181 officiers de police furent détachés par le biais de l’Union de l’Europe Occidentale(UEO). Ils permirent la formation de 209 officiers au sein d’une unité unique comprenant132 membre de Mostar Est et 77 de Mostar Ouest contrôlé par les croates. Le résultat ne futguère probant du fait des ingérences des hommes politiques locaux qui tenaient sous leurcoupe les policiers à cause du processus de décentralisation de la police Fédérale. De plus,il y avait une trop grande rotation des effectifs envoyés par les gouvernements nationauxce qui rendait inutile et inefficace tout investissement en formation.

32 Décision 94/790/PESC du 12 décembre 1994 justifiant rétroactivement le dépoiement des forces de police a partir du 23 juillet 1994

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Mais le réel commencement d’une coopération policière efficace fut l’envoi de l’Elémentde Police multinational (EMCP) en Albanie à partir de mai 1997. Suite à la crise politiquesans précédent que rencontrait le pays, le Président Sali Bérisha soutenu par l’assembléeavait demandé une intervention militaire pour rétablir l’ordre et protéger la Constitution le13 mars 1997. Le Conseil de sécurité de l’ONU par sa résolution 1101 autorisa un teldéploiement. Conjointement à l’opération militaire « Alba », l’Union répondit à cet appel endépêchant ses forces de Police du 12 Mai au 12 Aout 1997. La structure de commandementde l’EMCP était la suivante : un chef conseillé par quatre adjoints spécialisé dans un desdomaines suivants : ordre public, police des frontières, logistique et organisation. L’actiondes policiers européens se concentra sur la restructuration de la police et du Ministère del’Intérieur. Il s’agissait de « former les instructeurs » afin de voir les bonnes pratiques serépandre dans les rangs des nouveaux policiers. Le 9 Mars 1999, dans sa décision 99/189/PESC le Conseil Européen fixa comme objectif à l’EMCP de participer « à la création d’uneforce de police viable en Albanie ». Environ 160 hommes furent affectés à cette mission, lebut étant de former environ 3000 policiers. La plupart des 41 commissariats et des directionsdu ministère de l’intérieur Albanais furent évalués. Des Equipes de Formations et de Conseilsur le terrain (EFCT) furent mises en place et permirent de connaître les besoins despoliciers au niveau local. Au total plus de 3000 policiers furent formés, principalement lesforces spéciales et la Police des frontières. Concernant la réorganisation des services, la loisur la Police d’Etat fut ratifiée par le Parlement Albanais le 25 Novembre 1999. En matièrede financement, le programme PHARE de l’Union alloua 4,8 millions d’écus à l’Albanie et laCommission européenne rajouta un million supplémentaire. La principale innovation fut quetout achat devait au final profiter aux forces Albanaises. Tout le matériel acheté au cours decette formation est donc revenu à la Police locale à la fin de la mission le 31 mai 2001.

Néanmoins, si des succès ont été rencontré, il faut toutefois ne pas surestimer l’impactde l’’action de l’Union. Ainsi S. White affirme que l’Union a été réticente à l’idée d’êtrel’organisation pionnière en matière de lutte contre la corruption en Albanie, et ce mêmeci ce fléau est reconnu comme un des facteurs qui à contribué au déclenchement de laguerre civile en 2000. Pour confirmer son point de vue l’auteur cite The International CrisisGroup en 2002 qui affirmait que « 7 ans de séminaires, de séances d’entraînement et de« capacity building » [renforcement des capacités de la police] n’ont pas produit une seulecondamnation d’envergure en matière de corruption quand bien même la communautéinternationale avait fourni les preuves nécessaires 33».

2. La Mission de Police de l’Union Européenne en Bosnie Herzégovine

La MINUBH (Mission des nations unies en Bosnie Herzégovine) disposait d’unecomposante civile le Groupement International de Police (GIP) dont le statut avait été fixépar l’annexe 11 des accords de Dayton. Les objectifs fixés à cette force étaient d’améliorerle niveau de la police en Bosnie par un encadrement, des inspections et des formations. Les

33 Macedonia’s public secret:how corruption drags the country down, Brussels ICG , 2002 p.35

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effectifs prévus pouvaient selon la résolution atteindre 2057 membres mais les effectifs sestabilisèrent à 1527 policiers venus de différents pays. En pratique il s’agissait de modifierles priorités des forces de police pour qu’ils s’occupent d’abord avant tout de la sécuritédes citoyens au lieu de la sécurité de l’Etat. Cela passait par l’instauration d’une policemulti ethnique et la réforme du Ministère de l’Intérieur, ainsi que la remise à niveau dela police des tribunaux et de celle des frontières situées en dehors de la juridiction duMinistère de l’Intérieur. La principale innovation par rapport aux missions précédentes estque le GIP installa son personnel au sein des forces locales, assurant ainsi une plus grandecohésion entre les forces internationales et locales. L’une des difficultés majeures était lemorcellement des forces, divisées en quatorze services différents qui ne coopéraient pas

forcément entres eux. Cette force fut remplacée le 1er janvier 2003 par une force de policeeuropéenne ; la MPUE (Mission de Police de l’Union Européenne). La Direction Généralenuméro IX Unité de Police se chargea de la planification de l’opération. Une équipe de

30 experts fut envoyée du 1er Avril 2002 jusqu’au 31 décembre pour assurer la continuitédes actions. La MPUE comprenait 500 policiers venus de 34 pays (420 des pays membresde l’UE, 80 de pays candidats et de l’OTAN34) Il est important de noter que la Turquie aparticipé a cette action. Environ 20% des effectifs de 2003 sont d’anciens membres du GIPce qui a permis une transition en douceur. Aujourd’hui, cette force dispose de 177 membresvenus de 33 pays pour un budget de 14,8 millions d’euros. Le Général Vincenzo Coppola ducorps des Carabiniers Italiens, dirige cette force. Il peut s’enorgueillir de quelques succèsobtenus par l’action des policiers européens. Grâce à l’action de ces 177 policiers européenset des 220 officiers bosniaques, la police de Bosnie Herzégovine a retrouvé une certaineefficacité. La formation du SIPA (service de la police locale chargée du combat contre lacriminalité organisée et la drogue) a permis aux forces de l’ordre de regagner l’estime descitoyens. Soutenu par l’Union en matière de formation mais aussi de renseignement, ceservice a traité en 2006 plus de 23 affaires de blanchiment d’argent, à protégé 82 témoinset traité 370 affaires de crime de guerre. L’autre service à avoir pleinement profité de l’actionde la force de police européenne est la Police des frontières. L’Union s’est concentréesur la formation des officiers de police et la réforme des structures de cette division. Lesrésultats furent rapides : en 2006, l’action de ces policiers à permis l’arrestation de 400personnes recherchées par Interpol ou d’autres organisations internationales, la saisie de70 kilogrammes d’héroïne et de plusieurs tonnes de cannabis. L’opération peut donc êtrequalifiée de succès, toutefois il faut nuancer notre propos. En effet, selon S. White, lapléthore d’organisations internationales impliquées dans les Balkans avec des culturesinstitutionnelles diverses voire incompatibles entre elles et des modèles de managementdifférents ont rendu et rendent encore difficile la coordination effective des efforts externesde stabilisation35.

3. Le développement de missions au Proche Orient

34 http://ue.eu.int/eupm/homePage/index.html35 Stephen White, Judy Batt, Paul G. Lewis, Developments in Central and East European Politics, Duke University Press,

Durham, 2003, p88

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En matière d’intervention dans la zone euro méditerranéenne, l’Union a mené deuxactions dans les territoires palestiniens : il s’agit de l’EUBAM (European Border AssistanceMission) qui joue le rôle de tierce partie à l’accord sur les mouvements de populations concluentre Israël et l’autorité Palestinienne le 15 novembre 2005. La mission européenne, fortede 71 membres, surveille toutes les opérations aux points de passages entre l’Etat Hébreuet les territoires. Le mandat prévoit une action du 30 novembre 2005 jusqu'au 13 novembre2006. Celui-ci fut étendu pour six mois supplémentaires. L’autre mission est EUPOL COPPSlancée le 14 novembre 2005 par l’action commune 2005/797/PESC du Conseil. Il s’agitd’une mission de réforme de la police sur le long terme qui fait partie d’un soutien plus largeà l’autorité palestinienne. L’assistance est faite par le biais de dons en matériel de la part despays membres. Le chef de la mission, Colin Smith, affirme que cette police, a juste besoind’un soutien plus fort en termes d’équipement pour devenir une réelle force de maintiende l’ordre. Environ 31 officiers de police (26 ressortissants de l’UE et 5 locaux) dont desexperts en formation participent à cette mission. Ils disposent d’un budget de 6,4 millions

d’euros pour la période allant du 1er mars au 31 décembre 2008. Il s’agit ici d’aider à laformation de la police locale notamment par le biais du centre d’entrainement de Jéricho.Plusieurs centaines de policiers ont été recrutés et entrainés ces dernières années. L’unedes principales missions est d’équiper convenablement cette force. L’Union Européenneparticipe aussi à l’évaluation et donne des conseils pour la remise à niveau des installationspénitentiaires et du système judiciaire.

L’Union a donc une réelle expertise dans la réforme des services de sécurité, forgéepar l’intégration des ex satellites soviétiques et par la gestion des situations de crise dansles Balkans. Cette expérience est une des clés de la réussite de la coopération policière et apermis aux européens de commencer des missions de coopération au Proche Orient. Maissi l’on en croit Steven White « Finalement force est d’admettre que l’Union à été incapablede fournir un modèle dans les domaines dans lesquels les pays candidats en avaient leplus besoin. Quant on en vient aux questions les plus sensibles et difficiles de la régioncomme le crime organisé, les droits de l’Homme le traitement des minorités l’Union estagnostique ». De fait, bien que les nouveaux membres et les pays candidats doivent remplirdes conditions politiques, l’Union n’a pas « d’acquis communautaire démocratique 36» surlesquels se baser et guider les candidats. Les Etats membres ont eux même des pratiquestrès différentes dans leurs politiques sur des questions comme l’éducation bilingue desenfants ou le contrôle des services de renseignements par le parlement. Pour conclure,l’auteur affirme que « le désir de rejoindre l’Union à été l’une des incitations majeures pourentreprendre les réformes les plus importantes dans la région37 ». Si l’on en croit cettedernière hypothèse, l’action de l’Union dans le pourtour méditerranéen pourrait n’avoir qu’unimpact limité. En effet, l’Union a rejeté la candidature du Maroc en 1987 et n’offre aucuneperspective d’adhésion aux autres Etats de la région excepté la Turquie. Les incitations àcoopérer et à se reformer sont donc moindres même si le Processus de Barcelone prônela création d’une zone de libre échange dans la région

L’idée de base de la RSS est donc le renforcement de l’Etat de droit au travers ducontrôle démocratique de l’appareil sécuritaire. « Reconstruire l’Etat de droit est devenul’un des grands classiques des fins de conflits » selon l’auteur de l’article Transposer l’Etat

36 Stephen White, Judy Batt, Paul G. Lewis, Developments in Central and East European Politics, Duke University Press,Durham, 2003, p259 260

37 Idem p.262

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de droit dans les Failed States, Réflexions à partir d’une expérience africaine 38 . Il s’agit

d’œuvrer à la création d’institutions impartiales capables de dire le droit et de le mettre enapplication. Cette définition est volontairement différente de celle acceptée dans les paysoccidentaux. En effet, dans ces pays l’Etat de droit se caractérise par un équilibre subtil despouvoirs et une séparation effective de ceux-ci. Nous prenons la définition la plus simplistecar elle est applicable aux zones qui sortent de conflits (où l’Etat s’est désagrégé au profitdes divisions ethniques ou confessionnelles [Liban]) où dans le cadre d’un Etat autoritairerentier ([Egypte, Algérie] soumis aux intérêts particuliers). Cette fonction primordiale estmise en œuvre par un système pénal qui implique un droit pénal, une force publique et undispositif de détention. Ces deux derniers étant soumis aux injonctions du pouvoir judiciaire.L’Etat de droit dont il est question est donc un ensemble de lois (droit pénal local mais aussidroit international) et de trois organisation (justice, police, prison) dont le fonctionnementinterne et les relations obéissent à des règles clairement définies par des textes et desprocédures impersonnelles.

Néanmoins il est important de reconnaître l’européano-centrisme dont il s’agit quandon parle de l’Etat de droit notion issue de la philosophie politique européenne. Cet aspectest très bien décrit par Antoine Basbous « Ne nous leurrons pas, le sud et l'est de laMéditerranée ne ressemblent en rien aux pays de l'Europe de l'Est qui se sont libérés del'URSS et ont adopté le modèle de démocratie libérale en appliquant des recettes «clé enmain». Malgré le joug communiste, les sociétés civiles de l'Est aspiraient à partager lesvaleurs de l'Occident. Avec l'UPM, il ne s'agit pas de rééditer cette expérience en intégrantle sud et l'est de la Méditerranée, mais de créer une association pour relever le défi dupartage de la modernité et du développement. Car les deux rives n'adhèrent pas toujoursaux mêmes valeurs culturelles et religieuses, et leurs dirigeants ne caressent pas les mêmesdesseins politiques 39».

L’objectif de la RSS est de changer l’objectif des services de sécurité afin qu’ils assurentla sécurité des populations au lieu de se concentrer sur la sécurité des institutions. Pourréussir à atteindre cet objectif et rétablir puis maintenir l’ordre il faut d’abord s’assurer de laneutralité de la force publique que ce soit par rapport au politique, au religieux et au pouvoiréconomique. Cette neutralité est sans doute la plus difficile à obtenir. De plus, un pouvoir desanction d’un comportement jugé illégal par rapport à une norme suppose l’existence d’unconsensus sur un ensemble de valeurs dans la société. Ce consensus n’est pas présentdans tous les pays où les divisions religieuses polarisent la société. Comme l’affirmait leCommissaire Mathieu Clouzeau lors d’une interview, la RSS est trop alambiquée dans desEtats qui manquent principalement d’une réelle structure étatique disposant monopole dela violence légitime. Dans ces pays, le problème n’est pas tant le fonctionnement des forcesarmées que l’absence de réelle structure étatique. Par exemple, le pouvoir des miliciens duHezbollah au Sud Liban provient de fait essentiellement de la faiblesse voire de l’absencede l’Etat central libanais dans cette zone. Autrement dit, il faut déjà avoir les bases d’unEtat avant de le reformer. Il faut donc, avant de penser à une quelconque réforme, assurerla mise en place des structures de base pour le travail policier. De plus, il faut prendre encompte le problème du « path dependance » que l’on pourrait traduire par la force deshabitudes. En effet plus qu’une formation, il faut convaincre les individus que les nouvellesméthodes prônées sont plus efficaces que les méthodes traditionnelles. Si l’on n’arrivepas à convaincre les agents sur le terrain tout l’effort de formation est rendu inutile. Le

38 Transposer l’Etat de droit dans les Failed States, Réflexions à partir d’une expérience africaine, Thierry Vircoulon Les Cahiersde la Sécurité intérieure, 55, 1er Trimestre 2004, p.205 218

39 Antoine Basbous,L'Union pour la Méditerranée entre rêve et utopie, Le Figaro, ,17/04/2008

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I) l’Union Européenne, Acteur Majeur de la coopération policière dans la Méditerrannée

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poids des traditions dans des pays comme le Liban par exemple est un facteur importantlorsqu’il s’agit de comprendre le fonctionnement de la politique confessionnelle qui à coursau sein même des administrations. Pour finir, comme je l’ai affirmé précédemment l’Unionn’a pas de réelles normes communautaires dans le domaine de la sécurité. La France parexemple ne dispose d’aucun contrôle parlementaire sur ses services de renseignement,tandis que les parlementaires britanniques ou allemands ou américains disposent de cetteprérogative. Dans ces conditions, il est difficile de pouvoir parler d’une seule voix ou de seposer en exemple face aux membres de services de sécurité que l’on souhaiterait pousserà la réforme.

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II) Une Action globale aux Acteurspluriels

L’Union Européenne, si elle est un acteur majeur, reste segmentée entre les diversesagences Européenne (A). De plus, d’autres acteurs participent à la coopération policièredans la région (B) tels que les Etats membres ou les Organisations internationales commel’Organisation des Nations Unies ou Interpol. Cette coopération peut donc être l’occasiond’affrontements et d’incompréhensions entre les différents intervenants comme l’avaitaffirmé Steven White dans son livre précédemment cité, « La pléthore d’organisationsinternationales impliquées dans les Balkans avec des cultures institutionnelles diversesvoire incompatibles entre elles et des modèles de management différents rend difficile lacoordination effective des efforts externes de stabilisation 40»

A. L’Union Européenne, un acteur Majeur maissegmenté

Les objectifs de la coopération restent contradictoires entre les ambitions démocratiques dela Direction Générale des relations extérieures conduite par Javier Solana et les impératifsd’efficacité de la Direction Générale Justice, Liberté et Sécurité de Franco Frattini (1). Deplus, de nombreuse agences sont responsables des différents aspects de la coopérationpolicière (2), que ce soit Frontex ou Europol, ce qui fragmente l’action européenne.

1. Deux visions pour un même programme : la dyarchie au sein desdirections de l’Union

La Politique extérieure de Voisinage (PEV) dont fait partie le projet Euro Méditerranéen estl’objet d’intenses négociations au sein même de l’Union. Cet aspect est souligné par RubenZaiotti : « Nous ne devons néanmoins pas omettre le fait que le Conseil et la Commissionne sont pas des acteurs unitaires et cohérents. Plusieurs unités au sein de ces institutionsont participé au processus de formulation et d’élaboration de la PEV (nous pourrions direla même chose des initiatives menées par l’UE) – parfois en concurrence les unes avecles autres. Parmi ces unités, les directions générales Relations extérieures (DG Relex),Elargissement et Justice, Liberté et Sécurité (DG JLS) de la Commission 41». Comme nousl’avons déjà évoqué Javier Solana base sa stratégie sur les principes de la « Democratic

40 Stephen White, Judy Batt, Paul G. Lewis, Developments in Central and East European Politics, Duke University Press, Durham,2003, p.8841 Ruben Zaiotti, La propagation de la sécurité : l’Europe et la schengenisation de la Politique de voisinage, Cultures & Conflits, 66,2007, mis en ligne le 09 juillet 2007. Consulté le 30 avril 2008. http://www.conflits.org/index2471.html

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II) Une Action globale aux Acteurs pluriels

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peace theory 42» selon laquelle les démocraties ne se font pas la guerre entre elles. L’idéeserait donc de pousser à la démocratisation des pays limitrophes et ainsi garantir la sécuritéet la stabilité de l’Union. C’est un des objectifs affichés de l’Union, comme le démontrele Document de Stratégie européenne de Sécurité de 2003 qui affirme : « La meilleureprotection pour notre sécurité est un monde fait d’États démocratiques bien gouvernés.Propager la bonne gouvernance, soutenir les réformes sociales et politiques, lutter contrela corruption et l’abus de pouvoir, instaurer l’État de droit et protéger les droits de l’homme:ce sont là les meilleurs moyens de renforcer l’ordre international ». Les objectifs affichéssont donc très ambitieux : la démocratisation des pays voisins de l’Union. Les accords avecles pays tiers reflètent cette stratégie qui est clamée haut et fort. Ainsi, dans le DocumentStratégique pour le Liban les fonctionnaires européens affirment « La PEV [PolitiqueEuropéenne de Voisinage] contribuera aussi à réaliser l’un des objectifs stratégiques quel’UE s’est fixé dans sa stratégie européenne de sécurité en décembre 2003, à savoir garantirla sécurité de notre voisinage ». Mais parallèlement à cet objectif louable quoique difficileà mettre en place, d’autres impératifs ont cours, notamment la sécurisation des frontièresde l’Europe. Cet objectif imprègne toutes les décisions et politiques de l’Union selon RubenZaiotti qui affirme « Lorsque les acquis Schengen furent incorporés à l’UE (avec l’entrée envigueur du traité d’Amsterdam en 1999), Schengen est devenu le cadre officiel définissantle domaine JAI (Justice et Affaires Intérieures) de l’Union. L’adhésion à cette culture estprogressivement passée d’un petit groupe de pays à presque toute l’UE (à l’exceptionnotable du Royaume-Uni et de l’Irlande), plus certains pays non membres de l’UE commela Norvège, l’Islande et la Suisse. De plus, des préoccupations « internes » étroites autourde la question du contrôle des frontières, les hypothèses et les pratiques de Schengen ontatteint d’autres champs politiques, dont les affaires étrangères 43». Selon cet auteur l’aspectsécuritaire à pris le pas sur la politique de développement mutuel qui était à la base l’objectifde la Politique Européenne de Voisinage, la question sécuritaire n’étant qu’un corolaire decelle-ci44. « La DG JLS (Justice Liberté Sécurité ex JAI) est une des « line DG » invitéeà participer à l’élaboration de la politique grâce à ses compétences et son expertise […].De par le sujet qu’elle aborde et ses nombreux contacts avec les ministères de l’Intérieurdes Etats-membres, cette DG tend à prôner une orientation plus sécuritaire que les autresDG et a ouvertement demandé à ce que des sujets tels que le droit d’asile, l’immigrationclandestine et le trafic soient placés en priorité dans le programme de la PEV 45». Elle aété aidé par le Conseil qui, inquiet des initiatives de la Commission Européenne a repris lesrênes de la PEV et à cherché à intégrer une approche plus sécuritaire. Ainsi le CEPOL, unedes seules agences à avoir un programme spécifique Euromed, répond au CommissaireFranco Frattini et non pas à Javier Solana pour son programme de formation des policiersdu Sud de la Méditerranée.

Toujours est il que les objectifs affichés à la base ne sont plus autant poursuivis ce quientraine des blocages de la part des pays riverains. « Jusqu’à présent, les pays de l’Europede l’Est et du Sud-Méditerranée impliqués dans la politique [Européenne de Voisinage] ontaccepté la schengenisation de la PEV, en suivant – quoiqu’à contrecœur – les exigencesde l’UE, dans l’espoir de pouvoir profiter économiquement de ce rapprochement avec l’UE.

42 L’un des principaux représentants de ce courant est le Professeur John Owen IV de l’Université de Virginie (Uva)43 Ruben Zaiotti, « La propagation de la sécurité : l’Europe et la schengenisation de la Politique de voisinage », Cultures & Conflits,66, 2007, [En ligne], mis en ligne le 09 juillet 2007.URL : http://www.conflits.org/index2471.html. Consulté le 30 avril 2008.44 On reprend ici l’exemple de l’espace Schengen pendant sécuritaire de la mise en place d’un espace sans contrôles aux frontièresau sein de l’Union.45 Ruben Zaiotti

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Des signes d’irritation peuvent déjà se faire sentir chez certains voisins. A mesure que laPEV prend forme et que les premiers plans d’action sont appliqués, certains gouvernementsappellent à plus de concessions de la part de l’UE, et résistent aux politiques impopulairesque cette dernière tente de leur faire imposer à leurs populations 46». Pour illustrer cet étatde fait, on peut prendre en exemple le problème des visas pour les citoyens Algériensqui est la « pomme de discorde » entre Paris et Alger depuis plusieurs années47. Cettedyarchie pousse les agences Européenne à jouer parallèlement sur deux fronts : « le retouren sécurité intérieur » et la démocratisation des pays tiers. Faute de moyen et de signalclair de la part de la Commission le second est souvent sacrifié au premier.

2. Des Actions mises en œuvre par différents services

a. Europol : L’analyse et l’échange d’informations« Une évaluation commune de la menace constitue la meilleure base d’une actioncommune. Cela implique de mieux partager le renseignement entre les États membreset avec les partenaires » Javier Solana, Stratégie Européenne de Sécurité, 12 Décembre2003.

source48

Cette mission d’analyse et de coordination des forces de police est dévolue à uneagence de l’Union Européenne, Europol. L’article K.1 du traité de Maastricht du 7 février1992 prévoyait la création de cette organisation. Le Point 9 de ce même article identifie lesprincipaux champs d’action de cet Office Européen de Police. Il s’agit de « la coopérationpolicière en vue de la prévention et de la lutte contre le terrorisme, le trafic illicite de drogueet d’autres formes graves de criminalité internationale, y compris, si nécessaire, certainsaspects de coopération douanière, en liaison avec l’organisation à l’échelle de l’Union d’unsystème d’échanges d’informations au sein d’un Office européen de police (Europol)» Cetteorganisation trouve ses racines dans l’action commune du 15 mars 1995 qui institue l’Unitédrogue Europol. L’agence prévue par le Traité de Maastricht fut officiellement créée par la

46 Idem47 Algérie : UE Visas, harraga et terrorisme Article paru le 12 mars dans le quotidien d'Oran, par Djamel B, site de la Fondation

Méditerranéenne d’Etudes Stratégiques http://www.fmes-france.net/article.php3?id_article=93548 Emblême tiré du site Internet d’Europol

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Convention du 25 juillet 1995 et n’a été opérationnelle que le 1er Juillet 1999. Le quartiergénéral d’Europol est à la Hague. Son budget pour l’année 2008 est de 66,4 millionsd’euros. L’agence emploie 612 personnes dont 118 officiers de liaisons des différents paysmembres (venus des services de police des douanes etc..). Le Traité d’Amsterdam définitses compétences dans l’article 30-2. Celui énonce que le « Conseil … permet à Europolde faciliter et d’appuyer la préparation, et d’encourager la coordination et la mise en œuvred’actions spécifiques d’enquête menées par les autorités compétentes des Etats membres,y compris des actions opérationnelles d’équipes conjointes comprenant les représentantsd’Europol ». Qualifié de « fledgling European FBI49 » par le New York Times « Europol estsurtout un centre de coordination et d’échange de renseignements criminels ; il informe lespolices des Etats membres, dispense des conseils pour des enquêtes. Mais pour parvenirà combattre sérieusement le crime organisé et le terrorisme dans l’Union Européenne,Europol devra disposer d’un budget plus substantiel50 ». Europol dispose de la capacitéde communiquer des informations sous certaines conditions à des Etats tiers en vertu del’article 18. L’agence dispose de la capacité légale pour signer des accords avec des Etatsou des organisations internationales pour garantir la protection des données fournies parelle selon l’article 26 de la Convention. Cette capacité peut être étendue à la conclusiond’autres accords dans le respect des règles établies par la Convention. Europol a ainsiconclu des accords avec le Federal Bureau of Investigation (FBI), la Drug EnforcementAdministration (DEA), et le Service Secret des Etats Unis (USSS chargé de la protection duPrésident). Mais concernant la zone méditerranéenne seule la Turquie dispose d’une tellebase pour la coopération depuis le 18 Mai 2004. Il s’agit d’un accord basé sur l’échanged’information stratégique et technique. Il est important de noter que cette coopérationne permet pas l’échange d’informations personnelles ce qui est rappelé des le début del’accord. L’article 3 de ce document précise les relations entre la République de Turquie etEuropol. Il prévoit notamment des échanges en matière de formation. De fait, il faut toujoursgarder à l’esprit qu’Europol est une organisation qui accorde la priorité à l’analyse et nonpas à l’aspect opérationnel de la lutte contre la criminalité51. A ce titre les deux principalesproductions d’Europol sont les rapports annuels sur le terrorisme le “European TerrorismSituation and trend report” (TE-SAT) et la criminalité organisée ‘European Union OrganisedCrime Threat Assessment’ (OCTA). Europol est traditionnellement dirigée par un allemand.Les pays d’Europe du Nord sont surreprésentés par rapport à la France dans l’organisation.La Police Nationale dispose d’un directeur adjoint Français mais n’est pas très représentéedans les effectifs d’Europol. La France n’a pas une tradition d’analyse et se penche plussur l’aspect opérationnel des choses. Les Français seraient plus en faveur d’un aspect plusopérationnel pour Europol si d’aventure ils présentaient un officier au poste de directeur.

Il faut toutefois ne pas oublier les rivalités entre services et entre pays ce qui rend difficilele partage de l’information au niveau européen notamment en matière antiterroriste. Ainsi, leMonde affirmait que le recours à Office Européen de Police était « particulièrement modeste,pour ne pas dire inexistant faute de confiance entre pays de l’Union52 ». Si ces problèmessont présents entre pays membres, la capacité de l’agence à coopérer avec les pays tiersreste sujette à caution. L’action de l’Union ne se limite bien entendu pas à fournir des fondset à fournir des analyses aux Institutions Européennes. Les décideurs européens cherchent

49 On peut ici le traduire comme „FBI européen en devenir“50 Le Crime organisé, Xavier Raufer et Stéphane Quere, PUF, Que sais-je, 2000 4ème édition refondue.51 Interview du contrôleur général Jean Eric Lacour, sous directeur du SCTIP, 08/04/200852 Mais que fait la police?, Le Monde, 1er Avril 2005

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à coordonner les actions des forces des Etats membres. La décision du Conseil européendu 12/03/2003 prévoit ainsi une réunion périodique des officiers de liaisons envoyés dansun même pays tiers. Selon Mr Lacour, cette décision si elle donne une base juridique nefait que confirmer ce qui se faisait déjà de manière informelle. Les ASI et les officiers deliaison des différents pays européens ainsi que leur homologues américains se rencontrentrégulièrement. On imagine mal en effet les officiers de Police des Etats membres s’ignorermutuellement dans un pays étranger d’autant plus que l’échange d’information est une partimportante du travail des officiers de liaison chargé de la coopération opérationnelle.

b. Frontex : le contrôle des frontières

source 53

Frontex est une agence de l’Union Européenne pour la gestion de la coopérationopérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres. Elle est opérationnelle depuisle 3 Octobre 2005 et son siège est à Varsovie. Sa mission est d’aider les Etats membres àmettre en œuvre les textes communautaires en matière de gestion des frontières extérieureset de coordonner les opérations des Etats membres en ce domaine. Il est important de noterque les Etats membres restent seuls et uniques responsables de la gestion des frontièresde leurs territoires, Frontex n’a en effet qu’une compétence d’appui. Contacté par courriel,l’officier des relations publiques de Frontex, Michal Parzyszek, a bien voulu répondre à mesquestions. Cet organisme de coordination des services nationaux des Etats membres àla capacité juridique de conclure des accords de coopération mais elle n’a pas d’accordsde cette sorte avec les pays du Sud de la Méditerranée. Seules la Russie, l’Ukraine, laCroatie et la Suisse bénéficient d’un tel accord. Néanmoins l’Algérie, l’Egypte la Lybiela Mauritanie ont des relations fréquentes avec l’organisation sans toutefois que celles-cisoient formalisées.

L’agence dispose de plusieurs opérations sur le long terme :.- Héra (le long de la côte mauritanienne et du Sénégal)- Nautilus (en Méditerranée)- Poséidon (sur la mer Egée et les frontières terrestres entre la Turquie et la Grèce,

entre la Turquie et la Bulgarie et entre l’Albanie et la Grèce)

53 Emblême tiré du site officiel de Frontex

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Selon les dires de l’officier en charge des relations publiques la politique pour lesrelations envers les pays tiers est celle « d’un développement graduel et de l’instaurationd’un partenariat durable ». En des termes plus simples, la coopération commence parun échange d’information et d’expériences. Puis on passe au niveau suivant qui est lacoopération en matière d’entraînement, de recherche et de développement (R&D), suivispar un échange de renseignements et des opérations conjointes. Frontex n’a pas pourmission de former les services des pays tiers qu’elle considère comme ses partenaires.Néanmoins, « si ceux-ci sont intéressées par les outils de formation que nous avonsdéveloppé nous sommes prêts à partager. Un exemple de cette coopération ponctuelleen matière de formation est la traduction en Ukrainien de notre outil de formation sur lesdocuments falsifiés et sa transmission à nos partenaires 54». Cette politique ne comportetoutefois pas un volet d’assistance technique. En ce qui concerne les droits de l’hommeFrontex est inscrite dans le cadre des relations extérieures de l’Union et respecte toutesles recommandations de la Commission. De plus, les programmes de formation des gardesfrontières comprennent la dimension des droits de l’homme en accordance avec le droitinternational. Toujours selon les dire de Frontex « Pendant les opérations conjointes lesexperts sont d’abord briefés sur les droits de l’homme et les règles applicables en la matière.De plus, pour les opérations maritimes qui se transforment le plus souvent en missions desauvetage la protection des vies humaines et les droits de l’homme ont la priorité55 »

Néanmoins, d’après les dires du Colonel Dominique Lapprand du Centre deProspective de la Gendarmerie Nationale, Frontex n’a pas encore acquis toute sa staturecar elle est « née » au milieu du mandat de la Commission actuelle et ne dispose doncpas des ressources suffisantes pour pouvoir répondre de manière efficace aux défis qui luisont posés. Cette analyse est confirmée dans un article du Monde paru le 5 Aout 2007,« L'agence européenne Frontex, dont le rôle est de coordonner la surveillance des frontièresextérieures de l'Union européenne, a décidé de suspendre, faute de moyens, ses patrouillesen Méditerranée destinées à endiguer les flux d'immigration clandestine vers Malte et l'Italie.Ces deux pays participaient, avec l'Allemagne, l'Espagne, la France et la Grèce, à l'opérationNautilus II, lancée le 25 juin et appelée, en principe, à durer jusqu'à l'automne. Friso RoscamAbbing, porte-parole du commissaire Franco Frattini, chargé notamment du dossier del'immigration, a reconnu, jeudi 2 août, que l'agence était contrainte de décider une « pause» dans l'activité de ses patrouilles 56». Face à l’afflux des sans papiers notamment auxCanaries, l’Union essaye de légiférer pour organiser une meilleure coopération. Le Mondedans un autre article affirmait « A partir du mois de juillet, des gardes-frontières de toutel'Europe pourraient être envoyés en renfort dans les pays qui le demandent, en cas d'affluxmassif d'immigrants : le Conseil des Ministres de l'Intérieur, le 20 avril, et le Parlementeuropéen, le 26 avril, devraient adopter dans les mêmes termes un projet de règlementinstituant la création d'« équipes d'intervention rapide aux frontières ». Au conseil, ce textes'est heurté aux réticences des pays du Nord, qui ne sont guère enclins à faire preuve desolidarité sur un problème qui ne les concerne guère. Quant aux pays de l'Est, ils rejetaientune ingérence dans leur mission de contrôle des frontières orientales de l'Europe 57». Si onne peut mettre en doute le souci des droits de l’homme par les institutions européennes ilfaut toutefois garder à l’esprit que ses partenaires la Lybie l’Algérie n’ont pas les mêmes

54 Traduction du courriel envoyé par l’officier des relations publiques Michal Parzyszek Mai 200855 idem56 Immigration clandestine : suspension des patrouilles en Méditerranée, le Monde 5 Aout 2007 article de Thomas Ferenczi57 L'Union européenne crée une force d'intervention rapide de gardes-frontières Le Monde 19 Avril 2007 article de Rafaële

Rivais

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exigences en termes de démocratie et de respect des droits de l’homme. Ainsi le New YorkTimes dans un article du 26 Aout 2007 titré « For African Migrants, Europe Gets FurtherAway » (pour les migrants africains l’Europe devient de plus en plus lointaine) affirmaitque le nombre d’immigrés clandestins avait fortement diminué (un tiers ou plus selon leJournal) de même que le nombre de noyés. Selon l’auteur de l’article « Les chiffres sontincomplets mais pour le mois de juillet l’ONG Forteresse Europe a annoncé le nombred’arrivées en Italie à 5200 personnes, compares aux 9389 à la même période en 2006, soitune baisse de 45% ». Si les Européens se félicitent du succès rencontrés par Frontex, lejournal affirme les partenaires des européens ont recours à des méthodes musclées pourempêcher les migrants d’embarquer. Toujours selon la même source, outre les opérationsFrontex, l’Espagne a mis sur pieds les des opérations conjointes avec le Maroc et le Sénégalaprès le raz de marée de 2006 où les espagnols avaient vus le nombre d’immigrantsclandestins doubler. Mais le journal faisait justement remarquer que le Maroc est un Etatrelativement soucieux des droits de l’homme tandis que le régime du Colonel Kadhafi resteun régime autoritaire. Le New York Times rapporte aussi que l’Italie et la Libye on concluun accord informel pour attaquer les trafiquants de drogues et les passeurs clandestins. Leproblème est que selon les militants des droits de l’homme interrogés par le journal, la Libyea eu recours à des déportations arbitraires et autres persécutions pour remplir sa part ducontrat. De plus, les officiers de police libyens se laissent corrompre assez facilement parles passeurs58 selon les dires de Fulvio Vassallo Paleologo professeur de droit a l’Universitéde Naples et expert sur la question de l’immigration.

Néanmoins le rôle de Frontex ne doit pas être sous estimé : en effet dans le casdu Sénégal par exemple, la dimension européenne de la problématique est importanteselon Jean Charles Lamonica, ASI à Dakar. Selon lui « la coopération, avec les espagnolsnotamment, est capitale. En juillet 2006, s’est tenue une réunion plénière à Las Palmas.Elle portait essentiellement sur deux routes empruntées par les migrants pour rejoindrel’Espagne et la France. Une grande partie de mes homologues européens étaient présents.Suite aux conclusions, il a été décidé, en liaison avec la police aux frontières Françaisesd’organiser un comité de coordination des officiers de liaisons européens à Dakar. Nousnous réunissons environ tous les deux mois entre correspondants portugais, italiens,espagnols et français avec le chef de la coopération gendarmerie et le premier conseillerde l’ambassade de France 59». L’Union Européenne s’est engagée à fournir 310 000euros dans le cadre de son dispositif RRM (Réaction Rapide aux Migrations) aux autoritéssénégalaises. Ces sommes seront allouées à un bureau contre la Fraude Documentaire etaux unités qui patrouillent en mer.

c. Le Cepol : la formation des cadres

58 “But problems remain. Human rights advocates say Libya has resorted to harassment, arrest and arbitrary deportation evenfor those fleeing war. They also say the country’s work to stop the flow is incomplete at best. “If you pay the police, you can go on withyour trip to Sicily,” said Fulvio Vassallo Paleologo, an immigration expert and professor of law at the University of Palermo in Sicily” ,For African immigrants Europe gets further away, the New York Times ,26 Août 2007 de Ian Fisher.

59 Sénégal des côtes ouvertes sur l’Europe, Civique n°164 Aout Septembre 2007, Isabelle Bac.

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source 60

Le CEPOL a été créé sous initiative française en 1999. Il s’agit tout d’abord d’uneaction intergouvernementale qui est devenue une agence européenne en 2005 (Décision duConseil du 20 Septembre 2005 n° 2005/681/JHA). Le cadre général de l’action du CEPOLest le processus de Barcelone lancé en 1995. Une réunion des ministres de l’Union euroméditerranéenne à Valence en 2002 a étendu l’application de ce pacte au JAI dépendantdu Commissaire Frattini (qui est l’interlocuteur du CEPOL). Trois sous-programmes ont étéensuite mis en œuvre, concernant la justice, la police et l’analyse des migrations. Le Cepolagit en tant que mandataire de l’Union Européenne pour le programme MEDA. Elle passeun contrat avec l’Union avec pour cahier des charges la réalisation du projet Euromed II.En matière d’effectifs, outre Mr Antonmattei le programme MEDA du CEPOL est administrépar 5 personnes dont un Colonel de Gendarmerie Nationale Française, adjoint au directeurdu projet.

Le projet MEDA I avait pour ambition d’organiser des séminaires de quatre jours etdemi ou cinq jours à l’intention des autorités policières des pays membres de la zoneméditerranéenne. Il y avait douze pays au cours de ce projet : Algérie, Chypre, Egypte,Jordanie, Israël, Liban, Malte, Maroc, Autorité Palestinienne, Syrie, Tunisie, Turquie. LeBudget était de deux millions d’euros sur la période Avril 2004/Mai 2006. Cette somme s’estavérée suffisante, puisque le coût final a été voisin de 2 000 000 euros. Quinze séminairesfurent organisés touchant une audience d’environ 300 personnes. Les grands thèmes deces séminaires étaient la lutte contre le terrorisme, la lutte contre le trafic de drogue, la luttecontre l’immigration clandestine et le crime organisé de manière plus générale. Seuls lesSyriens ne participèrent pas du fait de la participation d’officiers israéliens aux séminaires.Un séminaire était prévu au Liban mais il a été annulé à la demande des autorités libanaisessuite à l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafiq Hariri le 14 février 2005 à Beyrouth.

Le projet Euromed II est plus ambitieux et s’est vu allouer 5 millions d’euros sur troisans (Juillet 2007/ Juin 2010). Il est axé sur quatre grandes activités. Tout d’abord 21séminaires vont être organisés, dont trois plus spécialement dévolus aux missions desgroupes d’intervention de type GIGN. Il s’agit de l’action la plus importante de la part duCEPOL. Le second objectif est d’organiser quatre réunions des directeurs Généraux de laPolice des Etats membres de l’Union Méditerranéenne. Ces réunions auraient une duréede un à deux jours et seraient suivies par une réunion des officiers de liaison des payseuropéens dans la zone. Le troisième objectif est la tenue de stages d’une semaine enimmersion dans les services européens pour les chefs de service des Polices du sud dela Méditerranée. Enfin, dernier point, un projet de réseau numérisé ouvert uniquement auxparticipants des stages et séminaires afin de communiquer et d’échanger sur des sujetsprofessionnels. Si les objectifs sont plus ambitieux, le nombre d’Etats parties est moinsimportant : la Turquie fait désormais partie des pays candidats à l’entrée dans l’Union

60 Emblême tiré du site du CEPOL

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Européenne et Chypre et Malte sont désormais des pays membres. Il s’agit d’une perteaussi bien qualitative que quantitative : la Turquie ayant été très dynamique dans le projetEuromed I (2 séminaires ont été organisés sur son territoire lors du programme MEDA I etla Police Turque est « d’assez bon niveau » selon les termes des dirigeants du programme,même si elle a encore des progrès à faire en termes de déontologie). En effet, Chypre etMalte ainsi que la Turquie étaient des « zones neutres » où les participants de tous lespays concernés acceptaient des se rendre (Les officiers israéliens ne peuvent se rendredans la plupart des pays arabes, ceux-ci n’ayant pas signés d’accord de paix avec leurpays). Le seul pays Meda pouvant actuellement accueillir les représentants des différentspays est la Jordanie. De plus, la Syrie n’accepte toujours pas de participer aux cotésd’officiers Israéliens (cette participation est aussi impossible pour certains officiers libanaisproches du Hezbollah). De plus, du fait du contexte politique tendu l’Algérie ne participeactuellement pas aux actions du programme Euromed II. Il est important de noter qu’il nes’agit pas de coopération opérationnelle qui reste du ressort des Etats ou d’Europol. Enmatière de budget, les sommes allouées correspondent aux besoins du programme selonMr. Antonmattei. Chaque séminaire du projet Euromed II doit impliquer dans sa préparationau moins l’action de trois pays Meda et celle de trois pays de l’Union Européenne. En ce quiconcerne les droits de l’homme, les pays de la zone sont des « démocraties relatives » ouen voie de démocratisation. C’est pourquoi lors des séminaires les intervenants rappellentleur conception démocratique de la police basée sur le respect des droits de l’homme, etla prohibition de la torture. On rappelle aussi les inconvénients de l’emploi de méthodes« musclées en matière de Police », le principal étant de jeter de nouvelles recrues dansles bras des terroristes. Néanmoins, l’accent mis sur ce point précis par des actionstransversales et non par des séminaires uniquement dédiés à la question. On aborde laquestion de l’Etat de droit mais sans illusions concernant l’impact de cette action.

Le Programme MEDA est une approche de la coopération de type « Nord-Sud », maisles interventions sont basées sur l’analyse des erreurs et des évènements survenus sur leterritoire des pays participants afin « d’apprendre des erreurs du passé ». Ainsi, la Policemarocaine a fait une analyse détaillée des attentats de Casablanca du 16 Mai 2003. Enmatière de relations avec les autres intervenants du monde de la coopération policière,il n’y a pas de contacts entre la FIEP en tant qu’organisation et le CEPOL. Néanmoinsla Gendarmerie Nationale est partie prenante des missions de formation au même titreque la Police Nationale lorsque la France accueille les séminaires ou fournit des experts.Europol et Frontex, deux agences de l’Union Européenne peuvent fournir des experts pourles séminaires du CEPOL. Europol est vu comme un soutien pour le CEPOL, il n’y auraitpas de concurrence en matière de formation. Les Américains qui sont présents sur la zone61

et pourraient fournir à l’occasion des experts de même que l’ONU. Le CEPOL n’a pasde liens institutionnels avec d’autres organismes de l’Union Européenne ou avec d’autresorganisations internationales telles qu’Interpol.

L’un des problèmes rencontrés, outre les tensions politiques inhérentes à l’actualité dela région est le vide institutionnel entre les programmes : une fois le programme achevé uneprocédure d’évaluation est lancée et un nouveau programme doit être élaboré. Il y a doncune période d’un an où l’action du CEPOL en direction des pays Meda s’arrête, faute debudget et de feuille de route.

La coopération policière au niveau Européen soumise à un débat entre les différentesDirections de l’Union est donc le fait de trois agences : Europol, Cepol, et Frontex. Cette

61 Le FBI a ouvert une antenne à Alger selon un article du 10/04/2008 Le point n°1856 http://www.lepoint.fr/actualites/le-fbi-a-alger/1331/0/237016

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dernière semble le plus à même de mener une réelle coopération au jour le jour avec lesforces de police des pays du pourtour méditerranéen malgré un budget qui n’est pas enadéquation avec ces responsabilités. Pour mémoire, l’Union dispose aussi d’un Office delutte anti-fraude (OLAF) chargé d’empêcher les atteintes au budget européen (contrebande,fraudes fiscales, détournements de fonds européens scandales financiers au sein desinstitutions européennes). Cet organisme quoique peu connu dispose de 160 inspecteursindépendants sous la tutelle de la Cour Européenne de Justice. Son action peut avoir danscertains cas avoir une part dans la coopération policière avec les pays tiers. Mais l’UnionEuropéenne n’est pas la seule à agir dans ce domaine sur la région. D’autres acteursdisposant de leur propre expertise sont à l’œuvre sur toute la région.

B. La concurrence d’autres acteurs internationaux

1. Les Etats-Nations : le rôle de la France

a. La coopération policière : Le SCTIP

Le SCTIPLe SCTIP (Service de Coopération Technique et Institutionnelle de la Police) est unorganisme créé « par décret le 14 Décembre 1961, au moment de la mise en œuvre duprocessus de décolonisation en Afrique, afin d’apporter l’assistance des cadres de la policefrançaise aux Etats nouvellement indépendants»62. Cette direction de la Police nationalegère un réseau de d’officiers de Police Nationale (Attaché de Sécurité Intérieure ou Officiersde Liaison) en ambassade chargée de la coopération technique ou opérationnelle. LaFrance dispose d’environ une centaine de délégations placées auprès des ambassadeurs,qui couvrent 140 pays sur tous les continents. Chaque délégation est sous l’autorité d’unattaché de sécurité intérieure (policiers [79] ou gendarmes [17]). « Les ASI (Attachés desécurité intérieure) sont les conseillers de l’ambassadeur pour les questions de sécuritéet les interlocuteurs techniques des autorités locales de Police. Ils disposent du statutdiplomatique et mettent en œuvre la coopération en matière de sécurité définie parle ministère de l’intérieur en cohérence avec les orientations générales de la politiqueextérieure63 ». Le but étant d’avoir « un retour en sécurité intérieure », c'est-à-dire uneamélioration de la situation sécuritaire en France. L’ASI est en fait chargé d’être uneinterface entre les services de police français et les autorités locales. Le cadre juridiqued’Interpol est quasiment indispensable pour tout ce qui est coopération judiciaire. En effet,les commissions rogatoires internationales sont adressées au bureau Interpol du paysconcerné. Le Rôle de l’A.S.I. est alors de préparer le terrain en amont pour que les actionssoient prises le plus rapidement possible par les autorités nationales. Le réseau français estde loin le premier réseau européen devant les britanniques.

Le SCTIP dispose par ailleurs d’environ 50 officiers de liaison chargés de la coopérationopérationnelle. La France en matière opérationnelle se focalise sur trois grands domaines :l’immigration clandestine, le terrorisme et la lutte contre le crime organisé.

62 Site du Ministère de l’Intérieur, http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_l_interieur/la_police_nationale/organisation/sctip/sctip/view63 Idem

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Cette direction de la Police nationale mène 1700 actions par an en matière deformation qu’il s’agisse d’actions sur le terrain ou de formations en France. Quelques21 millions d’euros ont ainsi été engagé dans des actions de coopération technique en2006. Le Ministère des affaires étrangères à pour sa part fourni 11 millions d’euros, l’UnionEuropéenne 3 millions, et les pays bénéficiaires ont fourni les 5 millions restant64. Lesfinancements sont donc variés et proviennent principalement du ministère des AffairesEtrangères (MAE). En effet c’est le Ministère qui finance les projets du SCTIP. Celui cin’a pas de fonds propres pour exécuter ses projets. L’ASI prévoit des plans annuels deformation en fonction des besoins exprimés par les autorités nationales qu’il soumet àl’attaché culturel de l’ambassade. Celui-ci accepte ce projet en fonction de son proprebudget. Il existe d’autres sources de financement pour les actions de coopération. Toutd’abord les Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP), qui sont destinés à la formation etaux investissements structurels et en matériel. « Le Fonds de Solidarité prioritaire, c’estl’instrument de l’aide projet du Ministère des Affaires Etrangères il a pour but de financerpar des dons uniquement, l’appui apporté par le ministère des affaires étrangères auxpays de la zone de solidarité prioritaire (ZSP) en matière de développement institutionnel,social culturel, et de recherche65 ». Il s’agit de mettre en œuvre les principes de lapolitique française d’aide au développement. La durée de ces fonds est de 12 mois à 3ans. Les autres financements proviennent soit du pays hôte soit de l’Union Européenne.L’Union a de nombreux programmes dans la région dans le cadre des divers Accords dePartenariats avec les pays tiers ou dans programmes régionaux telles que la PEV (politiqueeuropéenne de Voisinage) ; Le SCTIP peut proposer des projets à l’Union qui les accepteraen fonction des ses priorités. La France agit donc dans ce cadre comme un prestataire deservice pour l’Union qui n’a pas de capacité opérationnelle propre dans ce domaine où lesprérogatives étatiques restent prépondérantes. En matière de formation, l’action du CEPOLest complémentaire de l’action du SCTIP il y a coopération entre les deux organisationsafin d’éviter les « doublons ». De plus, les ASI sont les correspondants/représentantsdu programme MEDA. Ils permettent à l’équipe du programme MEDA de contacter lespersonnes susceptibles d’être intéressées par les formations prodiguées par le CEPOL. LeSCTIP peut aussi fournir ponctuellement des experts au CEPOL pour des séminaires.

Concernant la question des droits de l’homme, la réponse fournie par le sous directeurest sans ambigüités. « Au cours de nos actions de formation nous cherchons à promouvoirl’Etat de droit. C’est la base de notre action. Nous cherchons à montrer l’exemple d’unepolice démocratique agissant dans le cadre de l’Etat de droit .De plus, nos financementsproviennent du Ministère des affaires étrangères qui est particulièrement vigilant sur cesquestions de droits de l’homme. Nous sommes contraints par des dispositions législativesqui nous empêchent de coopérer et d’échanger des informations avec des pays quipourraient utiliser ces informations pour d’autres buts que l’action policière. En pratique, leSCTIP ne saurait coopérer avec des pays n’ayant pas une législation assurant la protectiondes données personnelles. Les pays en question doivent avoir une protection équivalentede celle assurée par la CNIL en France. Le respect des droits de l’homme est vraiment labase de notre action. Par exemple il n’y a pas eu de coopération policière avec la Chineavant une période récente (2000) et notre coopération anti-terroriste à l’heure actuelle esttoujours soumise à la condition de respect des droits de l’homme. Un autre exemple estcelui de la Tunisie ou le SCTIP a cessé de coopérer après le durcissement du régime. Laquestion lancinante est doit on totalement ignorer un Etat du fait du non respect des droits de

64 Chiffres issus de l’article le SCTIP sur tous les continents, Civique n°164 Aout Septembre 2007 p. 26-2765 Sénégal des côtes ouvertes sur l’Europe, Isabelle Bac, Civique n°164 Aout Septembre 2007

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l’homme ? La dimension politique de la coopération est une donnée majeure pour pouvoircomprendre l’organisation de la coopération policière en Méditerranée ».

En ce qui concerne l’ONU, la France et l’Europe sont plus particulièrement en relationavec cette instance internationale pour la gestion civile des crises. Le Kosovo, Haïti, laRépublique démocratique du Congo sont autant de théâtres d’opérations ou la France autravers du SCTIP ou plus généralement l’Union Européenne joue un rôle. Ces actions sontplus généralement menées par les forces de gendarmerie mieux formées à la gestion decrises. Au vu de ces informations on peut affirmer que les actions menées par la Franceet l’Union sont complémentaires en termes d’objectifs et de financement. Toutefois il estimportant de noter qu’il subsiste un certain cloisonnement inhérent à l’action policière : Laremontée d’information ne se fait pas au niveau européen. Les informations récoltées parle SCTIP sont fournies aux différents services de la Police nationale. Des faits intéressantla sécurité de l’Europe en Turquie ne sauraient être rapportés par les services Français àEuropol. C’est la Turquie qui, en vertu de son accord de partenariat avec cette agence del’Union Européenne, doit s’en charger.

La demande en matière de coopération est extrêmement forte et permet un réel retouren sécurité intérieure. Ainsi dans un article du Figaro intitulé « La France va former la policeet la gendarmerie algérienne » le journal détaillait les perspectives de la coopération Franco-algérienne. L’Etat Algérien envisage en effet de recruter 130 000 hommes dans ses forcesde sécurité et à besoin de l’expertise Française en matière de formation et d’équipement.« C'est Paris qui sera privilégié pour aider à la formation de cette force renouvelée. MichèleAlliot-Marie y voit le signe d'une «relation d'exception». D'ici à 2010, les effectifs de la policealgérienne vont donc passer de 140 000 à 200 000 agents, ceux de la gendarmerie de80 000 à 120 000 militaires et ceux de la Sécurité civile, de 30 000 à 60 000 hommes.Quand le plan de recrutement sera réalisé, l'Algérie comptera un agent de sécurité pour 100habitants, soit trois fois plus qu'en France […].Alger a donc établi sa liste «de courses» : dumatériel, des formations adaptées, notamment sur les techniques d'intervention et la gestiondes foules, des échanges de cadres, des outils performants de police scientifique pourremonter son taux d'élucidation des affaires, des formateurs de formateurs.MAM [MichèleAlliot Marie Ministre de l’intérieur] veut aller plus loin encore, en développant des équipescommunes d'enquête66. Et puis, dit-elle, en termes choisis, «nous sommes, pour notre part,demandeurs de l'expertise algérienne remarquable dans des domaines tels que la lutteantiterroriste67» […]. À l'ambassade de France à Alger, villa des Oliviers, cinq policiers etgendarmes gèrent les demandes d'entraide judiciaire envoyées depuis Paris. Un travail àflux tendu sur des centaines de dossiers. MAM l’affirmait : «L'Algérie est devenue pour nousun partenaire stratégique.» L'une des clés de notre propre sécurité 68». On le voit ici, lacoopération bilatérale menée par la France est appréciée de part et d’autres et permet unretour en sécurité intérieure. Il est à noter que la France a réussi à mettre en place cette

66 Il s’agit d’une étape supplémentaire en matière de coopération. Les magistrat français et du pays concernés mettent en placecette équipe commune d’enquête (ECE)composée d’officiers de police des deux pays qui travaillent côte à côte. Ils effectuent desactes de procédure indifféremment dans l’un ou l’autre pays au même titre que des policiers locaux. L’exemple type est la coopérationFranco espagnole en matière de lutte anti drogue. Les policiers français dans le cadre de cette ECE se rendre en Espagne pour desécoutes téléphoniques ou effectuer des auditions. Il est important de noter que même dans le cas du Maroc avec lequel la coopérationest excellente il n’y a pas d’ECE. Les déclarations de MAM peuvent donc être considérées comme un voeux pieux.

67 La encore il s’agit d’une formule réthorique: la France selon Mr Antonmattei est à la pointe en matière d’anti terrorisme.68 La France va former la Police et la Gendarmerie Algérienne, 12 mai 2008, Le Figaro.fr

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coopération là où le Cepol n’arrive pas à obtenir le même effort de coopération dans le cadrede son projet Euromed II69.

Pour mémoire, en matière de coopération policière opérationnelle, la France disposede « la SCCOPOL (Section Centrale de coopération policière). Il s’agit d’une plateformecommune qui regroupe au sein de la Direction centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) lespoints de contact et les informations provenant des services suivants :

Bureau Central National Interpol – monde entier, UNE (unité nationale)Europol – 27 pays UELe Bureau SIRENE (supplément Requis à l'Entrée Nationale) du système SCHENGENA l'étranger, les divisions spécialisées de la DCPJ –antiterrorisme stupéfiants etc.

… disposent d'officiers de liaison qui sont désormais placés sous l'autorité de l'ASI duSCTIP70 ». Pour parvenir à gérer les projets remportés par la France lors d’appels d’offrede l’ONU ou de l’Union Européenne la France à mis en place une structure atypique leCIVIPOL.

Le CIVIPOLComme le rappelle justement Jean Marie Fiquet membre du service des relationsinternationales de l’Ecole Nationale Supérieure de Police « Le CIVIPOL n'est pas un acteurde la coopération "per se" c'est un outil. Il est utilisé lorsque le service public ne peut pasintervenir directement (lorsque les conditions d'exercice de la mission dépassent ou sontsitués hors son champ de compétence statutaire ou ses règles budgétaires etc.) CIVIPOLest une structure qui dispose d'une personnalité juridique et d'une capacité financière dontne disposent pas les administrations. Prenons le cas de la modernisation de la policealgérienne. A l'issue d'un appel d'offres européen, le projet présenté par la police nationalefrançaise est retenu. Par contre, la police nationale française, qui est un service public,ne dispose pas de la capacité juridique pour gérer le budget adossé au projet, rémunérerles intervenants, facturer etc.… il lui faut donc faire appel à un opérateur financier quiest CIVIPOL .Les activités de coopération internationale assurées par des établissementspublics à caractère administratif français comme l'ENSP (École Nationale Supérieure de laPolice) ou l'INHES (Institut National des Hautes Études de la Sécurité) et les organisationsinternationales (CEPOL, Europol, INTERPOL etc.) disposent de la personnalité légale etpeuvent donc contracter directement. Ainsi, Lorsque l'ENSP ou l'INHES mettent en œuvredes actions de coopération, ils n'ont pas besoin de CIVIPOL car ils peuvent directementfacturer leurs prestations, ce qui a l'avantage de supprimer la ligne "frais de gestion" quiaccompagne tous les dossiers CIVIPOL71 ».

Alain Rondepierre son Président a défini pour la Magazine Civique (journal officiel duMinistère de l’intérieur) les responsabilités de cette structure indispensable au ministèrede l’Intérieur dans ses relations internationales. « CIVIPOL a trois vocations : aider leministère de l’intérieur dans son action internationale, développer la coopération de laFrance avec les pays étrangers et aider les entreprises à exporter 72».Cette structure estun opérateur du ministère c'est-à-dire qu’elle est mandatée par celui-ci pour accomplir des

69 Interview de Pierre Antonmattei, Paris, 24/04/200870 Jean Marie Fiquet,Cdt EF,Adjoint chargé des relations internationales DRE/ENSP St Cyr au Mont d'Or contacté le 30/07/2008

71 Idem72 CIVIPOL Un bras mandaté, Civique n° 164 Aout Septembre 2007, Jean Philippe Robert.

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tâches spécifiques. L’organisation est plus souvent « opérateur sur crédits européens ».La gestion administrative des fonds est plus simple et plus transparente lorsqu’elle passepar le CIVIPOL. Par exemple, dans le cadre d’une mission de développement de la policeen Europe de l’Est, c’est le CIVIPOL qui est responsable de toutes les composantesadministratives financières et logistique. Le CIVIPOL a dans ce cadre un lien direct avec lacommission européenne car elle rédige le rapport financier qui permet le remboursementdes sommes engagées. Le CIVIPOL répond aussi à des appels d’offre d’institutionsinternationales qui ont un budget mais pas forcément les compétences techniques pourassurer la mise ne place pratique de leurs programmes de développement. Le CIVIPOLest donc un prestataire de service pour la Commission Européenne, l’ONU ou la BanqueMondiale. L’exemple type cité par Jean Phillippe Robert dans son article est le suivant : lorsd’un appel d’offre touchant à la modernisation de la Police Algérienne, « CIVIPOL titulairedu Contrat à œuvré au travers d’un consortium constitué d’une entreprise Luxembourgeoiseet de Thalès. Mise en place d’un contrôleur général à Alger, puis, au travers des budgetseuropéens fourniture de nombreuses expertises tels ont été les divers aspects de l’actionde CIVIPOL dans ce projet 73». De plus, cet organisme se charge aussi de réaliser desétudes stratégiques sur des domaines sécuritaires tels que l’immigration ou le contrôleaux frontières dans les pays tiers. Le dernier type d’action entrepris est la coopérationinterétatique. La coopération d’Etat à Etat est souvent le fruit du travail de l’attaché desécurité intérieur (ASI) membre du SCTIP. Lorsqu’il y a financement de la part de la Franceou de l’Union pour ces programmes bilatéraux, celui passe par le CIVIPOL. L’exempletype étant la formation des forces spéciales au Qatar assurée par la police Française parl’intermédiaire du SCTIP et géré par le CIVIPOL. Son président affirme la spécificité de cetteorganisation en rappelant qu’étant un partenaire majeur du ministère de l’intérieur pour lesmissions de coopération cette structure « est tout autant une entreprise de service publicsous contrat commercial 74».

b. La coopération menée par le biais des Ecoles Nationales à vocationRégionale de l’Armée de Terre.La Coopération policière civile est donc très développée la France disposant des outilsadaptés et du premier réseau européen d’ASI. Mais en Afrique du Nord comme au MoyenOrient le maintien de l’ordre est principalement assuré par des militaires ne disposant parforcément des équipements et de la formation nécessaire à ces missions. Pour coopéreravec ces forces militaires, la France à mis en place le concept des Ecoles Nationales àVocation Régionale en 1997.

Le site du ministère de la Défense Français détaille les composantes de cettecoopération militaire. « Avec ses partenaires, la France a créé des centres de formationoù sont enseignés des savoir-faire techniques et opérationnels adaptés aux besoins descadres des armées africaines. Les ENVR fournissent un enseignement de qualité égale àcelui dispensé en France, tout en l’adaptant aux réalités et aux moyens locaux. 14 écoles,réparties sur 8 pays africains (bientôt 9), proposent ainsi des capacités de formation pour lesmilitaires du pays hôte, et pour ceux des pays voisins. La DCMD (Direction de la coopérationmilitaire et de défense)participe à la construction de ces écoles, ainsi qu’aux formationsdispensées, par des financements d’infrastructures et l’affectation de coopérants sur place.Les ENVR forment chaque année plus de 1 500 stagiaires en moyenne, dans des domaines

73 Idem74 Idem

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aussi variés que les opérations de maintien de la paix, la sécurité intérieure, la santé, ledéminage ou l’administration. Véritable force d’intégration régionale, elles sont devenuesun élément clé de la politique de coopération française 75».

Pays ENVR AcronymeAfrique Bénin Centre de Perfectionnement aux Techniques de Déminage et de

Dépollution (Ouidah)CPADD

Centre de Perfectionnement de la Police Judiciaire(Porto-Novo) CPPJBurkina Faso Ecole Militaire Technique de Ouagadougou EMTOCameroun Centre de Perfectionnement aux Techniques de Maintien de

l’Ordre (Awaé)CPTMO

Pôle Aéronautique National à Vocation Régionale (Garoua) PANVRGabon Ecole d’Etat-Major (Libreville) EEMMali Ecole de Maintien de la Paix de Bamako EMP Ecole Militaire d’Administration (Koulikoro) EMA Ecole d’Etat-Major (Koulikoro) EEMNiger Ecole des Personnels Paramédicaux de Niamey EPPANTogo Ecole du Service de Santé de Lomé ESSALSénégal Ecole d’Application de l’Infanterie (Thiès) EAI Ecole Nationale des Officiers d’Active (Thiès) ENOA Ecole des Officiers de la Gendarmerie Nationale (Ouakam) EOGNEurope Roumanie Ecole d’application pour les officiers de la gendarmerie (Rosù) EAOG

Sur quinze écoles (Voir tableau ci-dessus), quatre établissements sont dévolues auxforces de police à Statut militaire. Une autre de ces écoles l’EIFORCES (école des forcesde sécurité d’Awaé, destinée à former les unités de police et gendarmerie des Opérationsde Maintien de la Paix) va être créée. « Preuve de son succès, ce concept a été étenduà l’Europe de l’Est en 2002, avec l’ouverture de l’Ecole d’application des officiers de lagendarmerie à Rosù en Roumanie. De nouvelles écoles vont d’ailleurs voir le jour dans unavenir proche en Afrique subsaharienne. Depuis 1997, plus de 10 700 stagiaires africains eteuropéens ont été formés dans les 15 ENVR soutenues par la France76 ». Il n’y a pas de lienofficiel entre le SCTIP et les militaires chargés de cette coopération selon le CommissaireClouzeau, tout est géré par la DCMD mais en pratique sur le terrain les coopérants travaillentensemble. Il faut noter toutefois qu’il ne s’agit que d’une coopération technique (formationetc…). La dimension opérationnelle n’est pas faite par le biais de ces militaires77.

2. Les Organisations internationales : Interpol et l’ONU DC

a. Interpol une présence internationale

75 Site du Ministère de la défense http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/defense-securite_9035/cooperation-militaire-defense_9037/les-ecoles-nationales-vocation-regionale_12533/une-force-integration_26394.html

76 Idem77 Interview du Commissaire divisionnaire Clouzeau adjoint au Sous directeur du SCTIP, 8 avril 2008.

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source 78

Interpol est la seule organisation internationale entièrement dévouée à la coopérationpolicière. Créée en 1923, elle comporte plus de 177 Etats membres ce qui en fait ladeuxième organisation mondiale par le nombre de ses adhérents derrière l’Organisationdes Nations Unies. Interpol « reçoit et répercute 6000 messages quotidiens et sert de « tourde contrôle » dans 500 000 affaires en cours entre les Polices des Etats membres79 ». Sonsecrétariat général est à Lyon. Interpol centralise et redistribue les statistiques criminellesprovenant des Bureaux Centraux Nationaux (BCN). En matière de coopération policièrenotamment pour les enquêtes judiciaires « le cadre juridique d’Interpol est quasimentindispensable […]. En effet les commissions rogatoires internationales sont adresséesau bureau Interpol du pays concerné80 ». Les principales fonctions de l’organisationsont l’appui en matière de formation, la fourniture d’une base de données internationaleconcernant les personnes recherchées, les dossiers des criminels connus, les objets d’artset documents de voyage volés. De plus, Interpol dispose d’un centre de commandement etde coordination pour aider un pays qui ferait face à une situation de crise. Pour assurer uneréelle communication entre les services de police l’organisation dispose d’un système decommunication sécurisé connu sous le nom de I-24/7 pour la transmission des informationscapitales dans les enquêtes. Le but est de faciliter la coopération policière internationale« même s’il n’existe aucune relations diplomatiques entre les pays concernés 81».

Dans la région Méditerranéenne l’organisation est d’une importance cruciale permettantla coopération officieuse d’Etats ne voulant pas afficher leur entente au grand jour. Ainsiles relations le Royaume du Maroc et l’Algérie toujours tendues passent par le biais desBCN assurant un maximum d’efficacité aux actions des polices des deux pays. Le Journall’Expression en faisait l’écho : « A en croire des sources très au fait du dossier sécuritaire,un partenariat algéro-marocain, avec «le concours» de l'Interpol, a permis la localisation deplusieurs cellules d'Al Qaîda au Maroc et l'élimination d'éléments redoutables en Algérie.La coopération existe certes, mais loin des projecteurs et des terrains officiels, précisentles mêmes sources.

En d'autres termes, c'est Interpol qui joue au médiateur, plutôt au coordinateur,entre les services de sécurité algériens et marocains. Cette coopération, de plus enplus fructueuse, a commencé vers le mois d'octobre 2002 D'autres sources, citéesantérieurement par des médias du Royaume, ont fait comprendre que Interpol a même

78 Emblême tiré du site officiel d’Interpol79 Le Crime Organisé, Xavier Raufer, Stéphane Quere, PUF, Que sais-je, 2000 quatrième Edition refondue page 84.80 Interview du Controleur Général Lacour, Nanterre 8 Avril 2008.81 Interpol présentation générale, site officiel de l’organisation juillet 2008, www.interpol.int

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présidé, en France, une réunion de coordination entre agents de sécurité algériens etmarocains, destinée à lutter contre le terrorisme et propulser l'échange de renseignements.Les Marocains avaient annoncé qu'Interpol a fourni aux services de sécurité du Royaumequatre dossiers concernant des ressortissants marocains recrutés par «la branche d'AlQaîda au Maghreb82». D'autres dossiers, remis aux services marocains, concernent aussides individus marocains soupçonnés d'avoir voulu rejoindre l'Algérie et d'autres ayant ététués à la suite des ratissages opérés dans certains maquis de l'Algérie. C'est justementl'un des résultats importants de cette coordination. Elle a permis aussi la localisationd'importants fiefs terroristes dans les régions de Fès, Meknès, le nord-ouest de l'Atlas,Casbah, Beni Mellal et Djebel Bani. « Au début du mois écoulé, cinq terroristes qui étaientactivement recherchés par les autorités sécuritaires marocaines, ont été arrêtés à Kenitra(Maroc). Leur neutralisation, avaient souligné des sources marocaines, a été possible grâceà une coordination entre les services de sécurité chargés de la lutte antiterroriste, espagnols,algériens et marocains83 ». Interpol joue donc un rôle important dans la coordination desforces de police européenne et du Sud de la Méditerranée et ce d’autant plus qu’Europolne dispose pas d’accords avec d’autres Etats de la région autre que la Turquie. Toutefois,il est important de noter que le Moyen Orient ou le Maghreb ne disposent pas d’un BureauRégional tandis que l’Amérique centrale (El Salvador) et l’Afrique disposent d’un tel Bureau(Cameroun et Niger).Il faut ajouter que l’organisation souffre d’un manque de financementqui ne lui permet pas de jouer pleinement son rôle. Son budget pour l’année 2008 est de47,6 millions d’euros (contre 66,4 millions pour Europol). De plus, Interpol est affaibli par ladémission de son Président Jackie Selebi le 14 Janvier 2008 suite à des accusations decorruption et son inculpation par des Juges d’instructions Sud Africains84.

b. L’ONU DC, une coopération ciblée

source 85

82 L'Expression (Algérie) « Coopération sécuritaire algéro – marocaine, Ensemble contre Al Qaîda » Ali Titouche Novembre2007

83 Idem84 “Facing Possible Criminal Charges, President of Interpol Steps Down” 14 Janvier 2008, New York Times85 Emblême tiré du site des Nations Unies

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II) Une Action globale aux Acteurs pluriels

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L’Organisation des Nations Unies créée par la Conférence de San Francisco le 26 juin1945 dispose de divisions spécialisées telle que l’UNICEF ou l’ONU DC. L’Office contre laDrogue et le Crime se concentre sur plusieurs champs d’action incluant le développementalternatif, la Lutte anti corruption, la Surveillance des cultures, la lutte contre l’épidémie deSida chez les toxicomanes et dans les prisons, la lutte contre le Trafic d’êtres humains etle trafic de Drogue, la Réforme de la police et de la Justice, la lutte contre le Blanchimentd’argent et le Crime organisé et la Prévention du terrorisme. La principale activité de cetoffice est d’élaborer et de promouvoir des appareils législatifs « clef en mains » concernantles différents sujets précités. Il s’agit de permettre aux pays en développement de mettreà niveau leur législation pour s’adapter aux menaces contemporaines. De plus, comme lesautres divisions spécialisées de l’ONU, l’office rédige des traités internationaux et fait leurpromotion afin de coordonner la lutte contre le crime organisé ou le trafic de drogue. Lemeilleur exemple de cette activité est la Convention pour la lutte contre le Crime Organisétransnational signé à Palerme le 15 décembre 2000. Plusieurs autres conventions ontété rédigées concernant la lutte contre la Corruption, les Narcotiques, les substancespsychotropes et une autre sur l’anti terrorisme.

L’Office contre la Drogue et le Crime met aussi en place des programmes nationauxde soutien aux actions anti drogues. En 2003, les autorités marocaines ont décidé decollaborer avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le Crime dans leur lutte contrela culture du Cannabis. Dans ce cadre, une radiographie satellite du Rif a été faite et apermis d’identifier les champs de culture de haschisch et d’avoir des actions efficaces contreles trafiquants. L’une des actions les plus importantes de l’Office est le soutien apportéà l’Académie Internationale Turque de lutte contre la Drogue et le Crime (TADOC). Cetteinstitution créée en Juin 2000 à Ankara est un centre d’excellence de lutte anti drogue. LaTurquie, du fait de sa proximité avec l’Iran, l’Irak et la Syrie est un des points de passage lesplus utilisés pour les trafiquants de drogue venus d’Afghanistan, c’est pourquoi les forcesde police turques ont une réelle expertise dans la lutte anti drogue. L’ONU DC soutientfinancièrement cette institution et lui fournit des experts pour des séminaires.

Thèmes Ressources allouéesPrévention and diminution de l’usage de drogues 10Suppression du trafic de drogue 1060Total 1160

Budget programmatique de l’ONU DC pour la Turquie 2002-2003 (en milliers deDollars américains)

Le programme 2002-2003 avait pour objectif de développer la qualité des coursprodigués au TADOC notamment par la venue d’experts internationaux comme professeursassociés et le développement de cours assistés par ordinateurs. Les résultats furentencourageants et permirent de créer un outil statistique fiable concernant l’usage et laproduction de drogue dans le pays. Toutefois comme le souligne Antoine Basbous « Nenous leurrons pas, le sud et l'est de la Méditerranée ne ressemblent en rien aux pays del'Europe de l'Est qui se sont libérés de l'URSS et ont adopté le modèle de démocratie libéraleen appliquant des recettes «clé en main». Malgré le joug communiste, les sociétés civiles del'Est aspiraient à partager les valeurs de l'Occident 86». L’imposition de normes extérieuresrisque donc de n’avoir qu’un effet limité.

86 Antoine Basbous,L'Union pour la Méditerranée entre rêve et utopie, Le Figaro, ,17/04/2008

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La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne

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3. Les initiatives des Forces de police à Statut militaire : la FIEPLa FIEP (pour France-Italie-Espagne-Portugal, les quatre premiers membres « historiques») est une initiative des forces de police à statut militaire de la région. Il n’y a pour l’instantaucun lien officiel avec l’Union Européenne. Mais cette organisation cherche à se fairereconnaître par celle-ci. Les forces Marocaines, Turques, Espagnoles, Française, Italienneset Hollandaises sont concernées. Contactée par courriel la Gendarmerie NationaleFrançaise détaille l’historique de cette organisation : « Fondée en 1994, elle comprenaitalors la gendarmerie nationale française, l'arme des carabiniers italiens et la garde civileespagnole. Elle fut rapidement rejointe par la garde nationale républicaine portugaise(1996), puis par la gendarmerie turque (1998), la maréchaussée royale néerlandaise, lagendarmerie royale marocaine (1999) et la gendarmerie roumaine (2002). La gendarmerieargentine et les carabiniers du Chili sont membres observateurs depuis octobre 2005. Elleregroupe ainsi aujourd'hui près de 730 000 personnels 87». L’adhésion est ouverte auxforces de police et de gendarmerie à statut militaire des états membres du Conseil del’Europe et des Etats riverains de la Méditerranée qui exercent la police judiciaire sousl’autorité du Ministère de la justice et le maintien de l'ordre sous l’autorité civile (Ministère del’intérieur). Il y a donc là aussi une exigence démocratique dans cette organisation. Cetteorganisation a pour but l’échange d’expérience et de bonnes pratiques au sein des forcestout en cherchant à promouvoir le modèle des forces de police à statut militaire au seindes organisations internationales telles que le Conseil de l’Europe. Des actions concrètessont à mettre à l’actif de la FIEP, en matière de formation « plusieurs partenariats ontpermis à des centres de formation spécialisés (Centre national entraînement des forcesde gendarmerie de St Astier (CNEFG), Centre d’excellence pour les unités de police destabilisation (COESPU) de Vicenza-Italie, Centre d'entraînement pour gendarmes d'Ochiuri-Roumanie) de développer la capacité de déploiement en urgence des forces de police, etnotamment celles à statut militaire, et leur aptitude à gérer une opération de crise quelleque soit son intensité 88». Cette action complète ainsi les formations dispensées par lesENVR Françaises. En matière de lobbying et de promotion de son modèle d’organisationle concept de la force de gendarmerie européenne (FGE) récemment adopté par l’UnionEuropéenne à été développé au sein de la FIEP. Il s’agit tout autant d’un forum de discussionet d’analyse : chaque présidence choisit un thème de réflexion sur lequel les commissionstravailleront durant l’année. « C'est ainsi que dans la continuité de la présidence italienne quis'est attachée à réfléchir sur le thème de « la lutte anti-terroriste », la gendarmerie nationalea retenu comme thème majeur de réflexion au cours de son année de présidence en2007 celui de « la lutte contre les criminalités issues des flux migratoires irréguliers dansla zone euro-méditerranéenne ». Ce thème est d'ailleurs débattu dans d'autres instancesinternationales (G8, OSCE, initiative 5+5 défense89) auxquelles certaines gendarmeriesmembres de la FIEP participent activement 90». Cette organisation permet une socialisationdes officiers des différentes forces ce qui entraîne une coopération fructueuse pour les

87 Aspirant Nicolas DECOTTE, Sous-Direction de la Coopération Internationale, Bureau Coopération Multilatérale de Sécurité et deDéfense88 Idem89 Le partenariat 5+5 est divisé en sous comités « sécurité intérieure », « Défense » et « affaires étrangères », circonscrit à la zoneoccidentale de la mer Méditerranée impliquant les cinq pays maghrébins (l'Algérie, la Libye, le Maroc, la Mauritanie, la Tunisie) ainsique cinq pays de l'Union (l'Espagne, la France, l'Italie, Malte et le Portugal).90 Aspirant Nicolas DECOTTE, Sous-Direction de la Coopération Internationale, Bureau Coopération Multilatérale de Sécurité etde Défense

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II) Une Action globale aux Acteurs pluriels

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officiers qui servent en Ambassade ou en matière de renseignement (En matière d’antiterrorisme cet aspect semble avoir été très profitable aux dires des officiers de Gendarmerie.Un exemple des bénéfices de cette socialisation est le suivant : « La présence du Chili etde l'Argentine au sein de la FIEP a permis, en outre, de conforter des liens étroits entre laFrance et le continent sud-américain. L'influence que la France a dans ces pays se transmet,par effet de rebond, à tout le continent. C'est ainsi que les carabiniers chiliens formés par lagendarmerie française ont, par exemple, à leur tour formé les polices nationales péruvienneet colombienne ou ont accepté de remplacer une partie du contingent français en Haïtilorsqu'on a souhaité le redéployer au profit du théâtre afghan 91».

Cette organisation si elle ne participe pas directement à la coopération opérationnelleà le potentiel pour devenir un acteur majeur de la coopération euro-méditerranéenne dufait de son statut : les forces de police à statut militaire de la région ont les mêmesschémas d’organisation et dans quelques cas ont des histoires communes (Maroc/France).La prépondérance des forces militaires dans le maintien de l’ordre dans le sud de laMéditerranée permettrait sans doute à cette organisation d’établir des liens avec les forceslocales plus facilement que des policiers civils. Une des pistes pour le développement dela coopération dans la zone pourrait donc être le renforcement de ce forum dans la région.En effet la nature profondément euro-méditerranéenne de la FIEP pourrait en faire le fer delance d’une coopération policière officialisée.

91 Idem

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La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne

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III) La coopération policière en Turquie etau Liban

Le Moyen Orient et le Maghreb sont aujourd’hui considérés comme divisés, malgouvernés. Mais ces territoires disparates ont longtemps été sous la coupe des pouvoirsméditerranéens de premier ordre, au rang desquels l’Empire Romain et l’Empire Ottomanqui étaient à la pointe en matière d’administration et d’avancées technologiques. L’empire

Ottoman débute au 14ème siècle, Osman chef des « gazis » gagne plusieurs batailles contreles Byzantins et de nombreuses tribus et chefs de guerre se placent sous son étendard. En1326, son fils Ohran capture Bursan et en fait sa capitale. Le 23 Mai 1453, Mehmet II dit « leconquérant » rentre dans Constantinople qu’il renomme Istanbul. Les Ottomans s’imposenten Anatolie face aux chrétiens mal équipés. L’armée de l’empire est professionnalisée,entrainée et suréquipée (ils utilisent des canons à grande échelle à l’heure où les européenscombattent encore avec des épées et des lances) ce qui lui permet de prendre Belgradesous Suleyman le magnifique et d’assiéger Vienne en 1529. L’empire dispose d’une flotte degrande envergure qui lui permet de capturer successivement Alger (1529), Chypre (1570),Tunis (1574). De plus, Istanbul est la plus grande ville européenne avec 700 000 habitants

à la fin du 16ème siècle. La domination Ottomane était basée sur l’efficacité plutôt quel’uniformité et offrait des possibilités de carrière de très haut niveau que ce soit dans l’arméeavec les Janissaires ou l’administration civile par le biais de la « devshirme» (on séparaitles enfants chrétiens de leurs familles puis ceux-ci étaient convertis a l’islam et formés dansles plus grandes écoles de l’empire. Esclave du Sultan, ils géraient l’empire de main demaitre et en retiraient de nombreux bénéfices). Les réussites économiques et militaires del’empire dans toute la méditerranée ont crée des liens puissants avec l’Europe occidentaleet le reste du pourtour méditerranéen. L’Union Euro Méditerranéenne n’est donc dans uneperspective historique que le renouvellement de liens historiques. Pour étudier ce processusde coopération au niveau policier à l’heure actuelle, nous allons prendre deux exemples quireprésentent les deux extrêmes dans la région. D’un côté la Turquie présentée comme unEtat fort et possible futur membre de l’Union Européenne (A), et de l’autre le Liban paysravagé par la confessionnalisation de sa politique et de son administration (B).

A. La Turquie : un Etat aux portes de l’Union ?La Turquie est l’un des pays candidats à l’Union européenne depuis 1995 tout en étant unmembre originel du partenariat euro méditerranéen. Les relations entre l'UE et la Turquie ontune longue histoire comme le rappelle le site Europa.fr : « Dès 1963, un accord d'associationest conclu entre la Communauté économique européenne et la Turquie, dans lequel il est faitréférence à une perspective d'adhésion. Puis en 1995, une union douanière est constituéeet, en décembre 1999 à Helsinki, le Conseil européen décide d'accorder à la Turquie le statutofficiel de pays candidat à l'adhésion. Il estime alors que ce pays possède les fondementsd'un système démocratique, mais présente des lacunes graves en termes de droits de

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III) La coopération policière en Turquie et au Liban

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l'homme et de protection des minorités 92».La perspective à plus ou moins long termed’une adhésion à l’Union européenne a été un facteur déterminant dans le processus deréforme voulu par les gouvernements successifs notamment en matière de relations politicomilitaires. La Commission européenne à de ce fait rendu plusieurs rapports sur les progrèsfaits par ce pays dans l’intégration de l’acquis communautaire et notamment le respect desdroits de l’homme et le renforcement de l’Etat de droit. Nous allons tout d’abord faire unrapide historique de l’histoire de la Turquie moderne et nous intéressant principalement auxrelations politico militaires (1). Puis nous ferons un Etat des lieux des forces de sécuritéTurques et de leurs agissements (2) Puis dans un second temps nous verrons les réformesentreprises sous l’égide de l’UE (3) et leur impact sur les forces de sécurité.

1. La République de Turquie : l’ombre des généraux

92 Site de l’Union Européenne section élargissement http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/e50015.htm

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La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne

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La Turquie sous l’Empire Ottoman était déjà un ensemble euro- méditerranéen : à son

apogée celui-ci s’étendait des portes de Vienne jusqu'à Alger conquise au 16ème siècle. Lapremière guerre mondiale et l’engagement du Califat aux cotés des troupes allemandes etprussiennes allaient totalement bouleverser cet ensemble géopolitique. Après la défaite de1918, l’Empire Ottoman se retrouve démembré par les puissances victorieuses. Ce n’estque le 24 juillet 1923 que l’actuel Etat de Turquie est reconnu par le traité de Lausanne. LeParti Républicain du Peuple est le seul parti autorisé dans le nouvel Etat. Son Président,Mustafa Kemal dit « Atatürk », est élu parmi les membres de l’assemblée. Celle-ci vote uneloi de 1924 qui requière que tout militaire souhaitant se présenter pour un poste public doivedémissionner de l’armée. Cette même année, les parlementaires déposent le Calife Abdulal Mejid. Le Kémalisme fondé sur six grands principes, le réformisme, le républicanisme, lalaïcité, le nationalisme, l’étatisme et le populisme allait chercher à arrimer le nouvel Etat àl’ordre occidental. C’est chose faite en 1952, lorsque la Turquie devint un membre à partentière de l’OTAN.

En matière de politique interne Inönü, le successeur de Mustafa Kemal, a permis uneplus grande liberté d’expression politique dans les années quarante. En 1946, le partidémocrate est créé et remporte aux élections parlementaires 65 sièges sur les 465 quecompte l’assemblée nationale. Aux élections suivantes en 1950, le parti remporte 408 siègesmettant fin démocratiquement à l’hégémonie du parti Kémaliste. Au début des années 1960,le gouvernement fait face à de nombreux défis. Tout d’abord l’opposition politique dontelle censure les journaux puis une vague de sécheresse qui provoque de nombreusesmanifestations dans les campagnes au printemps 1960. Le président Menderes appellel’armée à la rescousse mais celle-ci refuse de se retourner contre la population. Le 27mai 1960, constatant l’incurie du gouvernement, les forces armées sous le commandementdu Général Gürsel prennent le contrôle d’Ankara et d’Istanbul arrêtant les membres dugouvernement et le Président de la République. Un « conseil d’unité nationale » est créécomposé de 38 officiers et présidé par Gürsel qui cumule les fonctions de Président dela République et de premier ministre. Les militaires rendirent le pouvoir en Octobre 1961après avoir fait rédiger une proposition de réforme de la constitution par des professeursde droit d’Istanbul. Celle-ci fut par la suite approuvée en Juillet 1961. Le nouveau texteconstitutionnel prévoit la mise en place d’un bicamérisme (Assemblée et Sénat) et contientdes clauses protégeant les droits de l’homme et la laïcité. Pour justifier leur intervention lesmilitaires jugèrent 600 membres du Parti démocratique, 450 d’entre eux furent condamnésà des peines allant de un an à la perpétuité. Menderes et deux ministres furent quant à euxcondamnés à mort et pendus en Septembre 1961. Les interventions des militaires dans lavie politique se succédèrent par la suite. Le Parti de la Justice gagne les élections en 1965mais est écarté du pouvoir par l’armée en 1971 c’est le « coup du mémorandum » (l’arméen’a pas fait descendre les militaires dans les rues pour prendre le pouvoir). Les générauxrendent le pouvoir deux ans après et une coalition du Parti Républicain du Peuple etd’autres petits partis prennent les affaires du pays en main. Ils sont rapidement confrontésà un retour des extrémistes religieux du Parti du Salut National. Une nouvelle ingérenceeut lieu le 12 Septembre 1980, les militaires utilisent le Conseil de Sécurité Nationale quiprend en charge toutes les fonctions administratives et législatives. Les leaders du Parti duSalut National sont condamnés à quatre ans de prison. Une nouvelle Constitution est alorsrédigée et donne beaucoup plus de pouvoir au Président. Celui-ci peut en effet dissoudrel’assemblée et nomme le premier ministre. De plus, une nouvelle loi électorale est votéeavec un seuil de 10% sur le territoire national pour pouvoir entrer à l’assemblée. Le but étaitclairement d’empêcher les petits partis et les partis ethno nationalistes (Kurdes) de rentrer àl’assemblée et ainsi garantir une majorité stable à l’assemblée. Ce projet constitutionnel est

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III) La coopération policière en Turquie et au Liban

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adopté par référendum en 1982 et le Général Evren est nommé par le conseil de sécuriténationale pour un mandat de 7 ans. La Turquie connaît alors une relative stabilité politique etvoit Tansu Ciller du Doğru Yol Partisi ou DYP (« parti de la juste voie ») devenir la premièrefemme Premier Ministre. Néanmoins dans la Turquie de l’époque le droit de grève n’existepas et le poids des partis islamistes tels que le Parti du Bien être de Erbakan voient leur poidsélectoral augmenter. De plus, le conflit Kurde fait rage depuis 1984, et l’Etat d’urgence estinstauré tout au long des années 1990 dans l’Est du pays. Les victimes de ce conflit sont trèsnombreuses : 2300 villages furent détruits et deux millions de personnes durent fuir. Le partid’Erbakan reçoit 21% des suffrages en 1995. En 1997, l’armée pousse celui à démissionneret la Cour Constitutionnelle interdit le parti du Bien Etre elle condamne 7 membres clefs àune privation des droits civiques d’une durée de 5 ans. Le conflit Kurde prend une dimensionplus internationale en 1999 lorsqu’un commando Turc capture le Leader Kurde Ocalan auKenya. Celui-ci est condamné à mort mais la peine capitale ayant été abolie en 2002 lasentence fut commuée en en prison à vie. Le Parti de la Justice et du développement quise veut « musulman démocrate » comme l’on est « chrétien démocrate » en Europe gagneles élections en 2002. Son leader, Erdogan dont le programme est basé sur une adhésion àl’Union Européenne pleine et entière avait été arrêté et condamné en 1997 pour « séditionislamiste ». L’année 2006 2007 fut marquée par de nombreux évènements politiques lespartis républicains séculaires soutenus par l’armée et la haute administration s’opposantà l’élection de l’ancien ministre des affaires étrangères d’Erdogan, Abdullah Gul, au postede Président de la République. Cette nomination, proposée en Avril 2007, était considéréecomme une atteinte à la laïcité par certains analystes car la femme du candidat était voilée.Les militaires, par la voix de leur commandant en chef Yasar Buyukanit, avaient désavoué legouvernement et critiqué le choix de ce candidat. Plus de 700 000 turcs défilèrent à Istanbulpour protester contre cette possible élection mais ne semblaient pas non plus soutenir les« faucons » de l’armée93. La crise entraina des élections anticipées et l’AKP fut reconduitpar la population. Les partis laïcs étaient notoirement divisés et trop nombreux pour passerle seuil des 10% requis. L’année 2008 ne commença pas sous de meilleurs auspices, leParti au pouvoir cherchant à défendre « le droit de porter le voile » à l’Université par une loiqui fut par la suite annulée par la Cour Constitutionnelle. De plus, les milieux laïcs influentsparmi les magistrats ont lancé une procédure d’interdiction du Parti au pouvoir soutenantque les statuts du partis et les objectifs poursuivis par celui-ci étaient anti constitutionnels. Enréponse le gouvernement à lancé des actions coup de poing dans les milieux nationalistes.Le 2 juillet 2008 une quarantaine de personnes (dont d’anciens officiers de haut rang desavocats er des journalistes) furent arrêtés pour leur présumés liens avec l’organisationultra nationaliste Ergenekon. Accusés publiquement de préparer un coup d’Etat contre legouvernement en place, les personnes arrêtées n’ont pas été inculpées ce qui laisse penserà un coup de force de la part du gouvernement pour intimider les milieux laïcs94.

2. Etat des lieux des forces de sécurité Turques

a. L’armée Turque : un acteur politique à part entière.Comme nous l’avons démontré dans notre précédente partie, l’armée a joué un grand rôledans la vie politique économique et sociale du pays et ce, depuis sa création. Bien qu’étant

93 “Gul defiant as secular Turks rally” CNN website, 29 Avril 200794 „21 detainees in Turkish Coup Case“, The New York Times, 2 juillet 2008“ “The lack of an indictment and formal charges led

some journalists and others to suggest that the detentions were aimed at intimidating groups that challenged the AKP”.

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La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne

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une institution normalement soumise au gouvernement, l’armée jouit d’une très grandeliberté d’action voire d’une certaine autonomie vis-à-vis du pouvoir central qu’elle chercheà influencer. Ainsi, les chefs d’Etat major cherchent à influencer la politique nationale parle biais de déclarations publiques couvrant des aspects n’ayant pas de liens avec lespréoccupations militaires. Yasar Buyakanit actuel chef d’Etat Major est coutumier du fait.Ainsi, le 29 Avril 2007, alors que des élections pour le Présidence de la République allaientavoir lieu il affirma que l’armée devrait intervenir si le résultat de ce vote remettait en causeles principes laïcs de la République95. Cet état de fait est permis par la Constitution. En effet,le chef d’Etat Major n’est pas responsable devant le ministre de la défense mais devant lePremier ministre selon l’article 117 de la loi fondamentale. Il s’agit du seul pays de l’OTANqui dispose d’une telle disposition.

De plus, l’Article 20 du MGK définit le concept de sécurité nationale très largementcomme étant « la protection de l’ordre constitutionnel de l’intégrité nationale de tous sesintérêts politiques économiques et sociaux dans l’ordre international ». Cette définition trèslarge permet de justifier à priori les actions prises par les militaires

L’un des principaux leviers du pouvoir des militaires est le Conseil de Sécurité Nationale(MGK). Ce conseil, qui a assumé des fonctions gouvernementales lors du coup d’étatde 1982, conservait une grande influence sur le cours des évènements en Turquie. LaRépublique de Turquie a obtenu le statut de pays candidat à L’Union en décembre 1999lors du conseil d’Helsinki. Le Conseil Européen réaffirmait ainsi la destinée européennede cet Etat même s’il estime alors qu’il « présente des lacunes graves en termes dedroits de l'homme et de protection des minorités 96». Pour répondre à ces critiques laGrande assemblée nationale (Türkiye Büyük Millet Meclisi, TBMM) a mis en place unprocessus d’harmonisation des pratiques des services de sécurité et notamment du Conseilde Sécurité nationale, le MGK. L’assemblée a voté un amendement radical à la loi n°2945sur le MGK ainsi qu’a l’article 118 de la Constitution qui donnait des pouvoirs exécutifsà ce conseil. Le 3 Octobre 2001 un amendement à la Constitution donne le statut derecommandations aux décisions du MGK qui autrefois faisaient force de loi. Ce même textepermis l’augmentation du nombre de civils au sein du Conseil qui passa à 7 membres pour5 militaires. Le 7 aout 2003 un amendement réduisit le budget de cet organe diminuantgrandement son influence. En Aout 2005, un civil est élu pour la première fois à la tête decet organe Enfin, la pratique qui consistait à nommer des militaires au Conseil supérieur del’Education ainsi qu’à la Radio et télévision Turque fut abandonnée. Néanmoins le Conseilrédige toujours le Document sur la politique de Sécurité Nationale qui définit et analyseles différentes menaces internes et externes. Il fixe aussi les contre mesures à prendreà leur encontre. De ce fait, l’armée à la haute main dans son élaboration. Ce documentdéfini la doctrine de défense mise en place par les forces turques et sert de base auxprogrammes d’armements lancés par les différents État-major. Il n’est pas du tout contrôlépar le gouvernement ou par les parlementaires. Conscient qu’il ne pourra s’imposer faceaux généraux s’il ne définit pas lui-même la doctrine de l’armée, le gouvernement cherche àsupplanter ce document par la publication du Concept de Sécurité Nationale censé donnerles grandes orientations définies par le gouvernement.

Une autre institution démontrant le pouvoir des militaires est le Conseil Militairesuprême établi par la loi n°1612 pour gérer les affaires militaires en temps de paix. Ilest composé du premier ministre du ministre de la défense du Chef d’Etat major etdes commandants de chaque arme (Air, Terre, Mer, Gendarmerie et Gardes côtes). Se

95 Gul defiant as secular Turks rally, CNN website, 29 Avril 200796 Site de l’Union Européenne section élargissement http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/e50015.htm

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réunissant deux fois par an il prend ses décisions à la majorité simple et ne donne pas depoids spécial au vote du premier ministre. Il est donc courant que le Conseil prenne desdécisions à l’encontre de la volonté du Premier Ministre. De plus, ses décisions ne peuventfaire l’objet d’un appel devant le pouvoir judiciaire ce qui est une claire entorse à la règle dedroit à la base de la Constitution selon le Président du Conseil d’Etat.

La Turquie dispose de 820 000 soldats contre 248 305 en Allemagne pour une mêmepopulation (environ 67 millions). 115 000 soldats sont des professionnels et 685 000 sontdes conscrits. Le service militaire obligatoire existe toujours (Article 72 de la Constitution)et, suite à la réforme du 22 juin 2003, est d’une durée de 15 mois pour les simples soldatset de 12 mois pour les officiers (disposant d’un diplôme universitaire). En 2002, le GénéralHilmi Ôzkök devint Chef d’Etat Major et promeut de nombreuses réformes. En Mai 2004,

l’armée de terre a dissolu la 4ème Brigade et le 20 avril 2005, le Général Ozkok annonceque les forces armées turques pour se moderniser doivent réduire leurs effectifs. Mais sesréformes furent finalement repoussées car jugées trop ambitieuses.

Fonctions Budget annuel 2004 Part dansle Budgetglobal

Budget annuel 2005 Part dansle Budgetglobal

Variation

Services deDéfense

5.575.698.810,25Euros

6,7% 6.126.021.035,50Euros

7,1% +10%

Ordre publicet servicesde sécurité

4.057.810.495,43Euros

4,9% 4.715.388.573,03Euros

5,5% +16%

Total 9.633.509.411,18Euros

11,6% 10.907.967.064,96Euros

12,6% +26%

Budget de l’armée et des services de sécurité 2004 et 2005 97

L’une des forces de l’armée est que l’exécution de son budget n’était pas soumis aucontrôle des parlementaire et que le vote du budget se fait quasiment sans débats. En 2004,pour la première fois de l’histoire de la république le budget de l’éducation dépassa celui del’armée. La loi N°4963 datée du 30 juillet 2003 a réformé le contrôle des approvisionnementsmilitaires. Ce texte supprime les dispositions de l’article 160 de la constitution et la loi n°5170 qui prévoyaient que les dépenses militaires soient exemptées d’un contrôle extérieur.La Cour suprême des comptes, au nom de la Grande assemblée Nationale (TBMM), assuredésormais la supervision du budget de l’armée. L’article 160 de la constitution et la loi n°832(Articles 1 et 28) prévoient ce pouvoir de contrôle pour toutes les administrations centraleset de sécurité sociale, l’armée redevient donc sous cet aspect une partie intégrante del’administration. En 2003, la grande assemblée nationale Turque à même lancé un comitéd’investigation sur l’achat des AEW&c (Matériel de détection aérienne) estimant qu’environ180 millions dollars perdus sur un budget de 1,5 milliard de dollars américains. Cetteenquête fut rapidement conclue les parlementaires ne pouvant accéder aux documentsmilitaires.

Il faut donc admettre que l’autorité budgétaire de l’Assemblée reste minime : le budget,présenté sous forme de paquet, est adopté quasiment sans débats, les parlementaires nedisposant pas de l’expertise nécessaire et le ministre de la défense ne fournissant aucune

97 Government Zühtü Arslan ALMANAC TURKEY 2005 SECURITY SECTOR AND DEMOCRATIC OVERSIGHT, p.26,September 2006

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explication supplémentaire. L’assemblée dispose pourtant d’un comité défense crée le 27avril 1920 mais il ne dispose pas de l’autorité pour examiner le budget des forces arméesou du ministère de la défense. La politique de défense est en effet déterminée par le MGK,le ministre de la défense et l’Etat major. L’assemblée ne dispose pas non plus de pouvoirsdans le domaine du choix des armes ou des projets d’armement, ni même d’un pouvoirde nomination des dirigeants du secteur de la sécurité (membres de l’Etat Major, chefs depolice ou des services de renseignement). Le rôle du comite de défense se borne donc àrefuser ou accepter les projets du gouvernement.

Dépenses liées à la Sécurité (2005/2006)

Néanmoins ces réformes, bien que votées, mettent du temps à s’appliquer. Ainsi lecontrôle des Budgets militaires par la Cour Suprême des comptes n’est pas encore uneréalité de nos jours. Cet état de fait à contribué à maintenir une forte corruption au sein del’administration et de l’armée. Le chef d’Etat major Ôzkök a cherché a réduire le sentimentd’impunité qui avait cours parmi les hauts gradés de l’armée en soutenant activementl’organisation du procès de Ilkani Erdil, ancien Commandant en chef des forces navalesaccusé de corruption. Le 7 février 2006 celui-ci fut condamné à 3 ans et un mois de prisonpour abus de pouvoir et appropriation illégale de biens publics. Il fut rayé des cadres del’armée.

En matière de maintien de l’ordre, l’armée peut aussi jouer un rôle central car lagendarmerie est une force de police à statut militaire. De plus, le gouverneur peut faireappel à l’armée si les gendarmes et les policiers ne peuvent venir à bout des menacesauquel l’ordre public est confronté en vertu l’article 11 de la loi n°5442. Cette législationa permis aux militaires de justifier leurs agissements lors du « scandale des fiches » en

2004. Le 10 mars 2004, le journal Hurryet révèle que le commandement de la 4ème brigadeblindée a demandé aux régiments sous son autorité de collecter des informations sur lespersonnes et institutions impliquées dans des « activités subversives ». Etaient nommémentciblés les partisans des Etats-Unis, de l’Union Européenne, les francs maçons et mêmeassez bizarrement des membres du Klu Klux Klan (on découvrit plus tard que les directivesétaient basés sur un manuel militaire américain). Le premier ministre interpellé sur cetteaffaire réaffirma que le renseignement n’était pas une des compétences de l’armée et que lefichage était un crime. Pour toute réponse, le haut commandement rappela que pour pouvoirintervenir à la demande du gouverneur dans le cadre de la loi n°5442, un travail préparatoireétait nécessaire et que cette « politique de renseignements » devait être analysée dans cecontexte. Une autre preuve de l’indépendance des forces armées vis-à-vis du gouvernementest la création des équipes de sécurité et d’assistance à l’Ordre public les EMASYA. Cesgroupes ont obtenu une autorité supérieure à celle des gouverneurs qui de par la loi sontcensés superviser l’organisation des forces de l’ordre dans les provinces. Les militairesont pris les postes clefs à partir du 28 février 1997 (voir notre première partie « A l’ombredes généraux »). Ils voulaient disposer d’un contrôle total sur les affaires internes dans lecadre de la lutte contre l’islamisme et n’accordaient qu’une confiance limitée à la police.Un accord entre le ministère de l’intérieur et le chef de l’Etat major autorise ces unités àintervenir sans contrôle extérieur de la part du gouvernement et agit comme une agencede renseignement interne analysant les menaces à l’intérieur des services publics. De plus,l’armée dispose d’un service de renseignement au sein de la gendarmerie. Il s’agit del’Organisation de Renseignement et de Lutte Antiterroriste de la Gendarmerie connue sousle nom de JITEM a une réputation sulfureuse et n’avait aucune existence légale avant laloi n°5397 de Décembre 2005. Celle-ci fait référence à l’organisation de renseignement

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de la Gendarmerie (JIT). Cette loi accorde a cette division de la gendarmerie le droit demettre sous écoute les téléphones dans sa zone de juridiction et d’utiliser des écoutes surles autres moyens de communication dans les affaires de crime organisé sous le contrôled’un juge et par le biais de la haute autorité des télécoms tout comme pour les services derenseignement de la police.

b. Le maintien de l’ordre en Turquie, une responsabilité confiée à différentsacteurs.Une des plus anciennes institutions en Turquie est la Police. Elle fut crée en 1845 sur lemodèle des forces françaises de sécurité, divisée entre Gendarmerie (zones non urbaines)et forces de Police (zones urbaines). La police agit sous l’autorité du Ministre de l’Intérieuret dans les provinces les policiers sont soumis aux gouverneurs (les « valis ») et les chefsde districts (Kaymakam). Les Gendarmes sont des militaires qui agissent sous les ordresdu gouverneur civil en tant de paix. Les policiers sont au nombre de 175 058 tandis queles gendarmes représentent une force de 280 000 hommes sans compter les 2200 gardescôtes. Ce qui nous donne un ratio de un officier pour 146 citoyens en moyenne. Si l’onregarde en détail cette répartition il y a environ 1 officier pour 251 citoyens en zone urbainetandis qu’il y a un gendarme pour 81 citoyens en zone rurale.

Police 175, 000Gendarmerie 280, 000Garde-côtes 2,200Total 457,000Population totale en Turquie 67,000,000Nombre de citoyens par membre desforces de maintien de l’ordre

146 pour 1 (membres de la Police Nationaleet Militaires)

Nombre total d’officiers des forces spécialisées dans le maintien de l’ordre et sonrapport à la population 98

La Police Nationale Turque.

source 99

98 Police, Ibrahim Cerrah in ALMANAC TURKEY 2005 SECURITY SECTOR AND DEMOCRATIC OVERSIGHT, p.86,September 2006

99 Emblême tiré du site de la police nationale Turque

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La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne

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Les 175 000 policiers turcs sont soumis au Ministère de l’intérieur. La formation estdispensée par l’académie de police qui est divisée en trois établissements complémentaires.Tout d’abord l’école d’application de la police nationale (comparable à l’école des gardiensde la paix) forme sur deux ans des officiers de police recruté après l’obtention deleur diplôme de fin d’études secondaires. 130 000 élèves répartis dans 24 écoles sontactuellement en formation. La Faculté des Sciences de Sécurité forme sur quatre les cadreset leur fournit un diplôme de premier cycle. Tandis que l’Institut des sciences de sécuritécréée en 2001 délivre des diplômes de deuxième et troisième cycle.

L’académie de police Turque décerne des titres universitaires de niveau licence etmaster et des étudiants venus de 20 pays suivent ce cursus. Environ 132 étudiants

des forces de Police de 2ème cycle partent à l’étranger, notamment aux Etats-Unisafin d’améliorer leur compréhension des méthodes de police étrangère. Preuve de cedynamisme à l’international, l’Institut Turque des Etudes de Police (TIPS) est basé depuis 5ans à l’Université of North Texas. De plus, les forces nationales de Géorgie, d’Ouzbékistand’Azerbaïdjan et du Turkménistan sont formées par la Police Turque.

La Police nationale Turque dispose par ailleurs d’une division de renseignement. Enmatière de formation spécialisée les équipes spéciales de Police (Polis Özel Harekât Timleri,PÖHT) sont l’équivalent français du RAID. Ces unités font partie d’une direction spécifiquede la Police nationale et disposent d’une académie de police pour les opérations spécialesdepuis le 12 Août 1993. Ce centre forme aussi les unités spéciales de Macédoine, duTurkménistan et des territoires Palestiniens en matière de lutte contre les prises d’otage100.Ces forces sont principalement utilisées contre le PKK et disposent d’équipements trèsmodernes. Si le niveau général de la Police Turque est bon leur attachement aux droits del’homme fait toujours question. Ainsi les Officiers des opérations Spéciales sont très critiquéscar ils auraient des liens avec les loups gris (mouvement d’extrême droite) et les gangsmafieux. Ils seraient de plus impliqués dans plusieurs cas d’exécutions sommaires. L’autreproblème outre la corruption endémique101 est le recours excessif à l’usage de la force parles autorités turques. Ainsi, le 6 mars 2005 la répression très violente d’une manifestation defemmes commémorant la journée de la Femme a ému l’opinion publique internationale. Lesofficiers impliqués furent punis disciplinairement et un procès est en cours. Ces indicationsont été corroborées par mes entretiens avec Mr Antonmattei responsable du programmeEuromed au CEPOL. La Police Turque est « d’assez bon niveau » selon lui, même si ellea encore des progrès à faire en termes de déontologie. Il n’y a en effet pas de CommissionNationale de Déontologie comme celle créée en France à partir de 2000 qui contrôle lesforces de police et au besoin sanctionne les responsables des infractions. On peut affirmerqu’il n’y a pas de contrôle effectif fait par le gouvernement ou les parlementaires car ceux-cine disposent pas d’un droit de regard sur les nominations dans le secteur de la Sécurité. Deplus, selon le Rapport 2005 de la Commission Européenne sur les Progrès de la Turquie,environ 1239 plaintes furent déposées à l’encontre d’officiers de police pour des cas detorture au premier trimestre 2005. Sur l’ensemble de ces affaires seulement 447 furentinstruites. Les rapporteurs mettent en avant que les procureurs rechignent à instruire cesaffaires dans les temps et de manière effective. En 2004 sur 1831 affaires seulement 99donnèrent lieu a des emprisonnements, 85 à des amendes et les 1631 autres furent des

100 Office of Special Opérations, Ertan Bese ALMANAC TURKEY 2005 SECURITY SECTOR AND DEMOCRATICOVERSIGHT, p. 119, Septembre 2006

101 Turkey Progress Report European Commission 2006 “Overall, there has been some limited progress in the fight againstcorruption, notably on increasing transparency in the public administration. However, corruption remains widespread and anti-corruption authorities and policies are still weak.”

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non lieu. Enfin les officiers mis en examen ne sont souvent pas démis de leurs fonctionsdurant les procès ou sont renvoyés sur les lieux de leurs exactions présumées. Il y a demême plusieurs cas ou les officiers mis en accusation reçurent une promotion durant leurprocès102.

Au niveau international le TIPS (Institut Turc pour les Etudes de Police) participe aurayonnement international de la police turque en collaborant avec les services de policeaméricains. La Police nationale Turque participe aux missions de l’ONU notamment auKosovo 80 officiers de police y ont été dépêchés ainsi que 53 officiers de l’administrationpénitentiaire pour permettre à ce nouvel Etat de créer des infrastructures viables. Au total217 officiers de police turcs participent aux forces de maintien de la paix. La Turquie faisaitpartie du projet Euromed I organisé par le CEPOL mais elle fait désormais partie des payscandidats à l’entrée dans l’Union Européenne ce qui ne lui permet plus d’y participer. Il s’agitd’une perte aussi bien qualitative que quantitative : la Turquie ayant été très dynamiquedans le premier projet (2 séminaires ont été organisés sur son territoire lors du programme).De plus, la Turquie était une des « zones neutres » où les participants de tous les paysconcernés acceptaient des se rendre.

La Gendarmerie Turque

source 103

La Gendarmerie a une double allégeance tout d’abord envers le ministère de la défenseauquel elle est soumise institutionnellement. L’armée lui fournit son budget, son matériel,ses officiers, des conscrits et gère administrativement cette force de Police à Statut Militaire.Le ministère de l’intérieur est quant à lui censé diriger la Gendarmerie en temps de paix.

Comme l’Armée, la Gendarmerie repose principalement sur le Service militaireobligatoire : 80% des 280 000 gendarmes sont des conscrits. Ils reçoivent une formation d’unmois et demi avant d’être équipé d’armes de guerre ce qui semble insuffisant pour acquérir

102 Turkey 2005 Progress Report, European Commission page 23, « According to official statistics, of the 1 239 cases thatwere filed against law enforcement officials in the first quarter of 2005, only 447 prosecutions were pursued. Moreover, thereare concerns that when cases are pursued, prosecutors still do not conduct timely and effective investigations against those accused oftorture.[…] Convictions are rare and the courts appear to be unable or unwilling to impose appropriate sanctions on those committingthese crimes. In 2004, of the 1 831 cases concluded, 99 led to imprisonment, 85 to fines and 1 631 to acquittals. […] Police officersfacing trial for such crimes are frequently not removed from duty pending the outcome of the trial”

103 Emblême tiré du site de la Gendarmerie Nationale Turque

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les compétences de maintien de l’ordre ou de combat contre les techniques de guérilla duPKK. L’auteur de l’article posait notamment la question de l’opportunité de donner des armesautomatiques à des jeunes gens sans autres entrainement plus poussé104. La gendarmeriecontrôle 91% du territoire turc et 27 millions de personnes vivent sous leur protection soit untiers de la population. La loi du 3 Octobre 1983 n°2803 définit les prérogatives et les devoirsde cette force. La police militaire est chargée de la lutte contre tous les trafics, la détectiondes criminels, de leur arrestation et de leur remise à la justice criminelle. La Gendarmerieparticipe également au contrôle des frontières conjointement avec les forces armées etles gardes côtes. Pour accomplir ces missions, cette force dispose d’une unité d’aviationchargée de la lutte contre le trafic de drogue et des missions de secours. De manièregénérale le Haut Commandement de la Gendarmerie dispose de 5 régiments divisés en9 bataillons eux-mêmes divisés en 39 divisions. Environ 5000 hommes sont chargés desopérations spéciales de protection des nœuds de communication et autres infrastructures.

De plus, 11773 gendarmes dont 10 000 sont des conscrits sont chargés d’assurerla sécurité d’une partie des frontières avec la Syrie l’Irak et l’Iran. Le reste des frontièresdépend des forces armées selon la loi n°3497 de 1988. Ceci pose un problème vis-à-visde l’Union Européenne qui veut que le contrôle des frontières dans l’espace Schengensoit aux mains d’une administration civile. En 2004, la JGK (Initiale de la GendarmerieTurque) accepte de coopérer avec le Royaume Uni à la création d’une force de police pourle contrôle des frontières conformément aux exigences de Schengen. Mais bien vite leHaut commandement de la Gendarmerie retira son accord pour ne pas interférer avec lesréformes engagées par son autorité de tutelle le TSK (armée turque).La France par le biaisde la gendarmerie nationale coopèrent activement avec les forces turques sur ce projet.Mais la loi n°3497 doit être amendée pour permettre une telle réforme. En Janvier 2005, leministère de l’intérieur dévoile une loi qui renforce la coopération et la coordination entrepoliciers garde-côtes et gendarmes. De plus, ce ministère prévoit le recrutement de 10 000nouveaux officiers pour le nouveau service de contrôle des frontières.

Selon la loi n°2803, la Gendarmerie est sous l’autorité des gouverneurs mais l’arméesur son site officiel affirme que les forces sur le terrain sont sous l’autorité de l’Etat majorde la Gendarmerie. Celui ci répond aux injonctions du chef d’Etat major lorsqu’il s’agit demaintenir l’ordre public105. Un député autrefois gouverneur rapporte qu’un Commandant deGendarmerie avait refusé dans un premier temps d’obéir a ses ordres l’officier déclarant « Jen’ai pas d’ordre à recevoir de vous »106.Un autre problème est le manque d’adaptation desjuridictions au fil du temps. L’industrialisation a changé la carte de la Turquie et des zonesautrefois rurales sont devenues urbaines tout en restant sous l’autorité de la gendarmerie.De fait, le gouverneur à la responsabilité d’établir les juridictions dépendant de la policeet de la gendarmerie. Mais pour qu’une évolution de la zone d’action de la gendarmeriesoit entérinée, le commandement général de la Gendarmerie doit l’avaliser, ce qui n’arrivequasiment jamais. La réforme est donc bloquée. La loi n°2803 du 10 mars 1983 dans sonarticle 100 défini les devoirs et la juridiction de la gendarmerie. Mais cette juridiction n’estpas respectée : ainsi dans le cas des évènements de Semdinli et de Hakkari les gouverneurslégalement responsables des actions de la gendarmerie n’étaient pas au courant desagissements de la gendarmerie dans des zones urbaines normalement sous juridictionpolicière. Lorsque les parlementaires usent de leurs prérogatives pour interroger les forces

104 Gendarmery, Lale Sar›ibrahimolu, ALMANAC TURKEY 2005 SECURITY SECTOR AND DEMOCRATIC OVERSIGHT, p.112, Septembre 2006

105 Idem106 Idem, p. 107

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de sécurité par des demandes écrites (alors qu’elles peuvent établir des débats publics etautres), les militaires ne répondent généralement pas aux questions sur les abus de la partde la gendarmerie. Le rapport du 9 novembre 2005 sur les progrès de la Turquie annoncequ’un programme en 2007 soutenu par l’Union et le Ministère de l’intérieur sur la mise enplace d’un contrôle effectif des forces de l’ordre par les gouverneurs et les procureurs.

Les évènements du 9 novembre 2005 démontrent l’autonomie des forces de sécuritépar rapport au gouvernement central et les atteintes à l’ordre public qui peuvent enrésulter. Un attentat à la bombe fut perpétré contre une librairie appartenant à un ancienmembre du PKK (parti séparatiste du Kurdistan) faisant deux morts. Rapidement, deuxgradés de l’Unité anti terroriste de la Gendarmerie (JITEM) furent suspectés. De violentesmanifestations eurent lieu en réaction le 15 novembre entrainant la mort de 3 personnes.La gendarmerie dispose du droit de placer des écoutes si elle dispose d’un mandat. Lapolice et la gendarmerie n’ont le droit d’utiliser ces écoutes qu’en cas de lutte contre le crimeorganisé tandis que cette limitation ne s’applique pas à l’organisation de renseignementnationale (MIT). Les demandes de la gendarmerie d’avoir la capacité d’intercepter lesappels téléphoniques dans tout le pays fut rejetée par le Comité des affaires intérieures. Lerenseignement politique dépend de la Gendarmerie en vertu de l’article 2 de la loi n°5397.

Preuve de la volonté de changement au sein de cette force, le 27 Avril 2003 le Centred’évaluation des Droits de l’homme de la Gendarmerie (JIHIDEM) à été créé. En 2005plaintes avaient été déposées concernant des abus donnant lieu a seulement trois sanctionsdisciplinaires (et aucunes sanctions pénales)

c. Le rôle des acteurs non gouvernementaux En Turquie, entre 14 et 15% des forces de police est assignée à la protection des individusou des compagnies. Ce nombre est clairement insuffisant notamment dans les zonesurbaines selon Ibrahim Cerrah professeur associé à l’institut des Etudes de Sécurité107. Laloi n°5188 en Juin 2004 sur les compagnies de Sécurité privée vise à résoudre en partie ceproblème en garantissant le droit d’exercer pour ce secteur d’activité. Dans les campagnesle système des gardiens de village issu d’une loi de 1924 à été réactivé en 1985 pour luttercontre le PKK avec des supplétifs paramilitaires.

Les Compagnies de Sécurité PrivéesLeur rôle est définit par la loi n°5188 de Juin 2004 qui modifiait la loi n°2495 du 22juillet 1981. Le 31 Octobre 2005, 572 compagnies de sécurité privées avaient posées leurcandidature pour obtenir un permis d’exercer cette profession très réglementée. Chaqueemployé doit passer des tests et ne pas avoir de casier judiciaire. Environ 464 d’entre ellesobtinrent ce certificat. La loi prévoit que les employés de ces compagnies privées suiventun entraînement spécifique dans un centre agréé par le gouvernement. Environ 312 deces centres existaient au 31 décembre 2005. Leur entrainement doit être au minimum de120h dont 30 dévolues à l’usage d’armes à feu. Les cadres et les employés doivent parailleurs prendre des cours de mise à niveau (60 heures) tous les cinq ans afin de voir leurslicences renouvelées. Le nombre d’officiers de sécurité privée à atteint 106 741 en 2005soit l’équivalent de plus de la moitié du nombre de policiers en activité. Ces hommes ont lapossibilité de fouiller et d’arrêter des individus dans leur juridiction à des fins de prévention.

107 Police, Ibrahim Cerrah in ALMANAC TURKEY 2005 SECURITY SECTOR AND DEMOCRATIC OVERSIGHT, p.88, September2006

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La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne

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Il est important de noter qu’ils peuvent exercer cette autorité sans qu’aucun crime n’ait eulieu. Le taux de croissance de ce secteur était estimé à 15% pour l’année 2006.

Le Système des gardiens de villageL’article 68 de la loi n°442 sur les villages datée de 1924 fait mention pour la première foisde ces forces paramilitaires. Celles-ci sont actuellement régulées par la loi n°3175 datéede Mars 1985 et le règlement des gardiens de village du premier Juillet 2000 jamais rendupublic. En 1985 face à la recrudescence des actes terroristes des militants du PKK cesystème de milice fut mis en place. Les forces recrutées parmi les villageois, armées etpayées par le gouvernement sont soumises à l’autorité du commandant de Gendarmeriede la région. L’armée leur fournit un entrainement au combat.

Ce système s’appuie sur la structure clanique propre au Kurdistan afin que les clansloyalistes assurent leur propre protection et empêchent les militants du PKK de s’implanterdans leurs territoires. De plus, du fait de leur grande connaissance du terrain ils participentaux actions de la Gendarmerie et de l’armée contre les militants Kurdes. Cette organisationcompte actuellement 58 000 membres ou 66 000 si l’on compte les réservistes. Les armessont fournies par l’Etat qui rétribue les clans assurant la protection des villages. Il faut aussicompter les 25 000 volontaires dont les armes sont fournies par l’Etat mais dont le rôle selimite à la défense passive. Parmi les nombreuses critiques adressées à ce système outrel’appauvrissement de ces gardes qui vivent exclusivement des petites pensions verséespar l’Etat il y à la question de l’Etat de droit. Ce système renforce le clanisme de la sociétékurde et facilite ainsi les cas de corruption, de décisions arbitraires ou encore d’exécutionssommaires. Ces gardes qui ont connu de lourdes pertes (1400 hommes depuis 1985) ontconnu une saignée presque aussi importante du fait des procédures judicaires lancéescontre eux. Ainsi depuis 1985, 4972 personnes faisant partie de cette milice ont commisdes crimes soit environ 8,5% d’entre eux. Dans beaucoup de cas (2384) ces gardes avaientcommis des actes de terrorisme (ralliés au PKK). Pour le reste il s’agit de contrebande demise en coupe réglées du territoires ainsi que des expropriations arbitraires des villageoiscensés être sous leur protection. Seulement 868 furent arrêtés108. Le recrutement de cesgardiens fut officiellement arrêté mais de nombreux exemples démontrent que des villageoiscontinuent à être recrutés.

3. L’action de l’Union dans le cadre de la Réforme du Secteur de laSécurité en Turquie

Face aux problèmes rencontrés par l’Etat central pour imposer son autorité face auxmilitaires, l’Union s’est tout d’abord concentrée sur la réforme du Conseil de Sécuriténationale109. L’Assemblée Nationale a donc passé de nombreuses réformes pour mettresa législation en conformité avec les standards européens. Comme nous l’avons démontréprécédemment le MGK ne dispose plus du budget ni de son autorité d’antan même s’ilconserve le monopole de la rédaction du document de sécurité nationale qui crée la doctrinemilitaire sans contrôle de la part du gouvernement et de l’assemblée.

108 Country Information Report 12 March 2007, Turkey, British Home Office p.29109 Promoting Security Sector Reform in the EU’s neighbourhood, Heiner Hänggi and Fred Tanner, Institute for Security Studies,Chaillot papers n°80, Juillet 2005

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Un projet pour renforcer l’efficacité et la productivité des forces de police à été lancépar l’Union Européenne. Ce programme d’une durée de 24 mois est dirigé par l’Espagne,il vise à une amélioration des structures policières turques afin de les rapprocher desstandards européens. L’objectif est de généraliser l’Utilisation des moyens de managementmoderne et de développer la notion de service à la population et de coopération avecle public. Pour ce faire, on donne l’exemple de la police britannique et espagnole danslesquelles la satisfaction des citoyens est une priorité. A ces fins, L’autre aspect de cetteréforme serait de réduire le temps de travail des policiers. En effet, d’après Ibrahim Cerrahdirecteur de l’Institut d’Etudes de Sécurité, la moyenne d’heures travaillées par semainepar les policiers européens est de 37,5 heures par semaines contre 12 à 16 h par joursen Turquie110. Ce surmenage est aussi vu comme une des raisons des excès des forcesturques. Pour démontrer le fossé entre la police et ceux qu’elle est censée protéger leProfesseur Cerrah affirme dans le même article que le soutien aux forces de police est de 80à 90% dans les pays démocratiques tandis qu’il est de 15 à 20% en Turquie. Comme nousl’avons affirmé auparavant lorsque les parlementaires interrogent les forces de sécurité,celles-ci ne répondent généralement pas aux questions relatives à des abus de la part dela gendarmerie. Le rapport du 9 novembre 2005 sur les progrès de la Turquie annoncequ’un programme soutenu par l’Union et le Ministère de l’intérieur sur la mise en place d’uncontrôle effectif des forces de l’ordre par les gouverneurs et les procureurs111sera lancé en2007. Un programme pour la gestion civile des frontières est aussi mis en place avec l’aidede la France et du Royaume Uni112. Le ministère de l’intérieur turc prévoit le recrutement de10 000 policiers pour cette nouvelle agence.

a. Indépendance de la JusticeLa justice en Turquie est soumise à de nombreuses pressions comme le démontre l’exemplede la Conférence sur le sort des Ottomans arméniens lors de la chute de l’Empire prévuedu 25 au 27 mai 2005. Le Ministre de la Justice Cemil çiçek connu pour ses positionsnationalistes, qualifia de « coup de poignard dans le dos de la Turquie » cette conférence le24 mai 2004. L’Université du Bosphore reporta immédiatement cette conférence au mois deSeptembre. Mais alors que l’incident semblait clos et qu’aucune plainte officielle n’avait étéportée devant les tribunaux, la cour administrative d’appel n°4 d’Istanbul, déclara illégalela tenue de cette conférence. Cette décision fut fortement critiquée par le gouvernementErdogan. La conférence eut finalement lieu à l’Université de Bilgi le 24et 25 Septembre.

Un autre exemple de cette pression est la déclaration publique113 du chef d’Etat majoractuel Yasar Buyakanit dans laquelle il a soutenu publiquement Ali Kaya (avec Ozcan Ildeny)officier de gendarmerie accusé d’avoir fait exploser la librairie d’un ex membre du PKKcausant la mort de deux hommes. « Je le connais bien, il est un bon soldat ». Une autremanière d’influencer le pouvoir judiciaire est la mise en place de juridictions militaires. LaConstitution de 1961 dans son article 168 prévoit la mise ne place de ce type de courts.

110 Article “Police” in Security Sector and Democratic Oversight Almanach Turkey 2005, TESEV and Geneva Centre fordemocratic Control of armed forces p 86-99. September 2006

111 Police accountability in Turkey, Site de l’Union Européenne, http://ec.europa.eu/enlargement/fiche_projet/document/TR%200301.01%20Strengthening%20accountability%20of%20police.pdf

112 Boader Management in Turkey, Site de l’Union Européenne; http://ec.europa.eu/enlargement/fiche_projet/document/2002-002-555-04.01%20integrated%20border%20management%20strategy.pdf

113 The Turkish armed forces, Almanach Turkey 2005, TESEV and Geneva Centre for democratic Control of armed forcesp 59. September 2006

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Ce même texte dispose que la majorité des membres des courts militaires doivent avoir lesqualifications de juge. L’article 2 de la loi n°353 prévoit quant à elle que les cours militairessoient composés de deux juges militaires et d’un officier supérieur. Cette norme ne futjamais respectée. L’article 9 de cette même loi sur l’établissement des courts militaires etles procédures de jugements définit la portée de l’autorité des courts militaires. Celles-cipeuvent juger des civils car la définition du crime militaire dans le code pénal militaire esttrès large voire non définie.

Néanmoins des progrès ont été faits dans le domaine judiciaire. Ainsi, en 2004, lescours de Sécurité de l’Etat ont été abolis.Prévues par l’article 143 de la Constitution (Modifiépar la loi n°4446 du 13.8.1999) « Les tribunaux de sûreté d'Etat sont créés avec pourmission de statuer sur les infractions portant atteinte à l'unité indivisible de l'Etat, du pointde vue du territoire et de la nation, à l'ordre démocratique libre ou à la République, dontles caractéristiques sont définies dans la Constitution, ainsi que sur celles qui concernentdirectement la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat 114».Ces cours avaient été trèscritiquée car elles ne respectaient pas les standards pour un procès équitable. Il n’y avaitnotamment pas de possibilité de faire appel du jugement.

Une autre réforme fut initiée par les forces armées turques (TSK). En effet au deuxièmesemestre 2005 le haut commandement demanda une révision de la loi anti terroriste sur lemodèle britannique. Le premier projet fut préparé par le ministère de la justice en Septembre2005. Il ne fut pas présenté au public. Son article 8 prévoit des peines allant de un à trois anspour des déclarations manifestations ou rassemblements ayant pour but de porter atteinteà l’intégrité de la république de Turquie. Néanmoins, l’assemblée a joué un rôle dans lamise en place d’un cadre légal pour les mises sur écoute. Un amendement daté du 23juillet 2005 a été introduit pour modifier le nouveau code pénal qui n’autorisait pas la misesur écoute des nouveaux moyens de communication électronique. Le parlement a autoriséde telles opérations sous la supervision de l’autorité des télécommunications. Plusieursservices de renseignements officient en Turquie : au côté des forces de police se trouvele Service de renseignement et de lutte contre le terrorisme de la Gendarmerie(JandarmaIstihbarat ve Terörle Mücadele Teflkilati, JITEM) suspectée d’être à l’origine de nombreusesactions illégales. Il existe aussi de l’organisation de renseignement nationale (Milli IstihbaratTeflkilati, MIT)

b. Les réformes en faveur de la liberté d’expression soutenues par l’UnionEuropéenneL’Union Européenne dans son Rapport sur les Progrès de la Turquie en 2004 a noté desaméliorations positives dans le traitement des minorités sur la réforme de la Justice et lesdroits de l’homme115.

L’adoption d’un nouveau code pénal en 2005 a permis d’établir avec fermeté lesdroits fondamentaux des minorités et des citoyens (liberté d’expression et de conscience).Néanmoins il y a de nombreuses atteintes aux droits exercés par les forces de sécuriténotamment à l’Est du pays. Les libertés fondamentales sont très encadrées. La justiceturque n’apparaît pas capable d’appliquer la règle de droit vis-à-vis des officiers de Police116.

114 Article 143 de la Constitution Turque115 Turkey 2005 Progress Report, p.9 European Commission

116 Idem, page 23, « According to official statistics, of the 1 239 cases that were filed against law enforcement officialsin the first quarter of 2005, only 447 prosecutions were pursued. Moreover, there are concerns that when cases are pursued,prosecutors still do not conduct timely and effective investigations against those accused of torture.[…] Convictions are rare and the

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L’article 301 du nouveau code pénal punit très sévèrement « les insultes vis-à-vis de l’Etatou de ses institutions ». Sa définition très large a permis de condamner et d’emprisonnerHrant Dink en Octobre 2005 pour des propos tenus sur le génocide arménien. La nouvelle loisur les associations de 2004 établit de sévères restrictions sur les activités supposées nuireà l’intérêt de la Turquie117 au mépris de l’article 11 de la CEDH (Intégrité de l’Etat, Laïcité dela société turque). Les financements étrangers doivent être autorisés par le gouvernementet les vexations sont multiples. Néanmoins certaines associations Kurdes et arméniennesont pu voir le jour après de multiples rebondissements judiciaires et peuvent exercer leursactivités sous un sévère contrôle. Toutefois la liberté d’expression à un champ plus largeavec les réformes prônées par l’Union Européenne118. En 2005 la nouvelle loi anti terroristemodifie la loi n°3713 mise en place en 1991. Le premier article de la nouvelle loi affirmeque pour être qualifiée d’organisation terroriste celle-ci doit avoir l’usage de la force et dela violence dans son agenda. L’idée est de permettre une plus grande liberté d’expression.L’article 8 à été modifié : la notion de « propagande contre l’unité de l’Etat » a été enlevéeseule la propagande faisant l’apologie de la violence est désormais considérée comme uncrime.

Le nouveau code de procédure pénale introduit en Juin 2005 donne au parquet unepartie de l’autorité autrefois dévolue aux forces de sécurité. Ce mouvement fait partie d’uneréforme plus large pour harmoniser les pratiques turques avec les pratiques européennes.Mais cela entraîne de nombreux blocages parmi les forces de sécurité. Le Ministre del’Intérieur et la Direction de la Sécurité (qui dirige les forces de Police) critiquèrent cetteréforme affirmant que cela ferait de la Turquie un paradis pour criminels. Le Ministre de lajustice rétorqua sèchement que les forces de police devraient cesser de commenter les loiset de commencer par les mettre en pratique pour améliorer leurs résultats.

En conclusion, la coopération policière avec la Turquie se fait plus au niveauinstitutionnel que technique, les forces turques notamment la police étant bien équipées etentrainées. L’action se fait plus en matière de contrôle démocratique des forces arméesobjectif principal de la RSS. L’Union a déjà obtenu plusieurs avancées notamment au niveaudu Conseil de sécurité nationale (MGK) qui a perdu beaucoup de ses prérogatives et estmaintenant dominé par les civils. La Turquie forme elle-même des forces de police issues dupourtour méditerranéen (territoires palestiniens) et les réformes mises en place en Turquiepourraient se répandre au sein des forces étrangères qu’elle forme (notamment par lebiais du TADOC). La participation de la Gendarmerie turque à la FIEP permet une mise àniveau des pratiques turques et un échange d’expertise des plus intéressants. La FIEP etle programme de L’Union visant à la création d’une agence civile de contrôle des frontièrespermettront à la gendarmerie turque de se réformer en douceur. Le processus est déjàenclenché avec la création de l’observation des droits de l’homme de la gendarmerie quipratique des contrôles inopinées au sein des diverses unités et vérifie les allégations d’abusde pouvoir de la part des gendarmes. De plus, le programme axé sur la satisfaction dupublic et l’amélioration des conditions de travail des policiers turcs permettra de remettreà niveau les forces de police dont les cadres sont désormais formés à l’international dansles Universités américaines. Concernant le projet d’Union pour la Méditerranée la Turquieétait très réticente à l’idée de participer à ce projet qui à autrefois été présentée comme

courts appear to be unable or unwilling to impose appropriate sanctions on those committing these crimes. In 2004, of the 1 831cases concluded, 99 led to imprisonment, 85 to fines and 1 631 to acquittals. […] Police officers facing trial for such crimes arefrequently not removed from duty pending the outcome of the trial”

117 Idem, page 27118 Ankara assouplit la liberté d'expression, Le Figaro.fr, Laure Marchand, à Istanbul 01/05/2008

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une alternative à l’adhésion119. Mais ils ont obtenu des garanties solides : leur pays estmentionné comme candidat à l'UE dans la déclaration qui devait être approuvée par les43 leaders nationaux de l’Union pour la Méditerranée. De plus, comme me l’a appris mesdifférentes interviews et recherche la Turquie est considérée comme un pays candidat ettous les programmes sont faits au titre de l’adhésion et non pas au titre du Processusde Barcelone ou de l’Union pour la Méditerranée. Ainsi, la Turquie occupe une placeprépondérante et atypique dans le nouvel ensemble à mi chemin entre l’Union Européenneet les membres du Sud de la Méditerranée ils représentent un poids important dans lesnégociations diplomatiques de la région120.

B. Le Liban : un Etat face à la confessionnalisation deson administration

Le Liban, pays côtier entouré par la Syrie au Nord et à l’Est et Israël au Sud, est un despartenaires clef de l’Union dans le processus de coopération méditerranéenne. Le documentde Stratégie pour la République Libanaise mis au point par l’UE affirmait ainsi : « Le Libanest l’un des bénéficiaires méditerranéens de l’aide communautaire octroyée au titre deMEDA (programmes bilatéraux et régionaux). L’UE (Communauté, États membres, Banqueeuropéenne d’investissement) est le principal donateur du Liban. Le montant total des fondsengagés au titre de MEDA I (1995-1999) pour l’aide bilatérale s’est élevé à 182 millionsd’euros, tandis que le montant total attribué dans le cadre de MEDA II (2000-2006) atteint130 millions d’euros121 ».

La situation politique actuelle du Liban est le fruit d’un passé tumultueux indissociablede la situation politique en Syrie son puissant voisin. Il est donc nécessaire de faire un rappelhistorique partant de la naissance du Liban aux périodes troublées que « le pays du cèdre »traverse actuellement (1) Puis nous évaluerons l’Etat du système pénal et pénitentiaire(2) pour enfin nous intéresser aux Forces de sécurité (3). Dans une dernière partie nousétudierons l’action de l’Union et l’interdépendance de celle-ci avec les actions françaisessur le terrain (4).

119 Sans enthousiasme, la Turquie tire son épingle du jeu, Istanbul Laure Marchand 13/07/2008, le figaro.fr120 Idem, „l'implication de son gouvernement dans la reprise des négociations en-tre Israël et la Syrie a été largement saluée.

[...], à Paris, une discussion indirecte entre Ehoud Olmert et Bachar el-Assad a pu avoir lieu grâce aux bons offices du premier ministreturc“.121 Instrument Européen de voisinage et de partenariat de l’Union Européenne. Document de Stratégie 2007-2013 pour la RépubliqueLibanaise p. 13

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1. Le Liban et la Syrie : « deux Etats un seul peuple » ?

a. La Grande Syrie, un rêve brisé.La Première Guerre Mondiale toucha durement la « Grande Syrie » (qui comprend les Etatsd’Israël de Jordanie du Liban et de la Syrie actuels) alors partie intégrante de l’EmpireOttoman. Les pertes humaines furent terribles : 600 000 morts soit 18% de la population. LaFrance, au prix de négociations intenses avec la Grande Bretagne, imposa sa dominationsur cette partie du Moyen Orient. Le Général Gouraud, à la tête de l’armée Française, évinçale roi Faysal qui avait pris les rênes du pouvoir à Damas. Grâce aux mandats obtenus lorsdu traité de Seves, la France put imposer un système colonial sans participation actives desélites locales à la gestion des affaires publiques. Pour éviter toute tentation nationaliste enfaveur d’une « grande Syrie » l’administration française à tout de suite joué sur les divisionsethniques et religieuses du territoire. En 1920, le Général Gouraud crée le « Grand Liban »qui regroupe le Mont Liban (traditionnellement protégé par les Français), Tripoli, Tyr, Saïda,

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Beyrouth et la vallée de la Beqaa. Le but affiché était d’assurer aux Maronites (chrétiens) duMont Liban un territoire dans lesquels ils seraient les seuls maîtres. Le problème est que lesnouveaux territoires étaient principalement peuplés de sunnites et chiites. Les prétentionsterritoriales des syriens sur ces territoires furent donc rejetées. la France divisa la Syrie enquatre entités administratives indépendantes : Damas et Alep et deux districts Alawite etDruze, sans compter que les Turcs annexèrent Alexandretta et Antioche en 1939. Il n’y adonc pas d’unité nationale et les propriétaires terriens sunnites dominent à l’époque la viepolitique locale. En 1924, un nouvel ordre politique est créé : Damas et Alep furent intégrésà un même Etat. Si les français gardèrent le contrôle des affaires locales, ils développèrenttrès tôt une armée à l’occidentale. Ainsi, dès 1920, une académie militaire fut créée. Lacarrière militaire fut choisie par de nombreux membres des minorités ethniques, les sunnitesconsidérant la carrière militaire avec dédain. Cette composition ethnique unique joue un rôleimportant dans la vie politique de la Syrie. En effet avec l’indépendance en 1946, l’arméedevint un acteur majeur de la vie publique et le modèle basé sur la domination des élitessunnites fut renversé.

b. Le Grand Liban un Etat « schizophrène »Le Liban est « né schizophrène » selon les termes de Michael C. Hudson dans sonlivre The precarious republic : the political modernization in Lebanon. Lorsque le Libanest créé en 1920, les Maronites représentent environ 30% de la population. Les pointsde vue sur la destinée du Liban divergent dès la création de cet Etat. Les chrétiensétaient orientés vers l’occident tandis que les musulmans voulaient être intégrés à la nationArabe. La cristallisation des différends entre les communautés a fait que la politique est« confessionnelle par nature »dans ce territoire. De plus, contrairement à la Syrie, les élitesne sont pas issues d’une même communauté. Il s’agit d’une mosaïque ethnique dont lapolitique est basée sur le clientélisme des différents notables issus de grandes famillesféodales.

En 1926, une Constitution est approuvée et crée la République Libanaise. Ce texteprévoit la mise en place d’une chambre parlementaire unique basée sur la représentationreligieuse. Le Pacte national de 1943 précise les règles concernant ce scrutin. La normeconstitutionnelle donne de nombreux pouvoirs au Président de la République élu parla chambre. Mais la France conserve la haute main sur les relations extérieures etl’armée. De plus, le haut commissaire peut dissoudre l’assemblée. Ainsi, la proclamationde la constitution n’entraina pas l’indépendance. Pendant l’entre deux guerres « Le BlocConstitutionnel » de Bishara al Khuri cherche à sceller une alliance entre les musulmanset les chrétiens basée sur le refus de la tutelle française. Emile Eddé (Maronite) quant à luicherche à arrimer le Liban à l’occident et notamment à la France. Un traité Franco Libanaisest signé en 1936, celui-ci est basé sur le traité Anglo-iraquien qui prévoit l’indépendancetout en préservant la mainmise du Commonwealth. Une annexe au traité de 1936 prévoyaitjustement une juste représentation de toutes les religions dans le gouvernement et la hauteadministration. Mais là encore, comme pour le Pacte Franco Syrien prévoyant les mêmesmodalités, le parlement Français refusa de ratifier ce traité en 1938. Eddé est élu Présidenten 1937 et choisi Khayr al Ahdab (Sunnite) comme premier ministre. Cette nomination estle fondement de la coutume selon laquelle le Président est Maronite et que le Premierministre est sunnite. Par la suite la réforme du statut international du Liban fut au pointmort d’autant plus que le Haut commissaire du Liban suspend la Constitution et dissoutl’assemblée au début de la Seconde Guerre Mondiale. Durant la guerre le Liban et la Syrieconnaissent des périodes de disette car les britanniques mettent en place un blocus de

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ces territoires contrôlés par le régime de Vichy. En 1941, des « émeutes de la faim » ontlieu ainsi que des manifestations en faveur de l’application de la constitution et la reprisedu processus politique. En juillet 1941, une opération Franco-anglaise est lancée au Libanpour sécuriser les routes d’approvisionnement britannique au Moyen Orient. La FranceLibre avait approuvé le principe de l’indépendance de la Syrie et du Liban mais, une foisle succès de l’opération acquis, cherche à réinstaurer le régime du Mandat. La pressiondes britanniques et le mécontentement des populations locales contraignent la France àrestaurer la Constitution et à organiser des élections en 1943. Les forces anti françaisesremportent une victoire importante. En Syrie c’est le Bloc national qui s’empare du pouvoirtandis qu’au Liban c’est Bishara al Khui qui est élu Président avec Riyadh al Suhl commepremier ministre. Il s’agit des artisans du Pacte National qui régula la vie politique et lesrapports de force intercommunautaire jusqu’en 1975. Ce texte, basé sur le recensement de1932, établit un rapport de 6 pour 5 à l’assemblée en faveur des catholiques maronites. Leschiites qui représentent environ 20% de la population ont toujours été sous représentés. Le17 mai 1945, la France renforce son contingent mais celui-ci se heurte à des nombreusesviolences anti françaises. Finalement le Liban acquiert son indépendance en 1946. Durantles années 1950 le Liban et principalement Beyrouth sont « les joyaux du Levant ». Lesinvestisseurs affluent, attirés par la stabilité politique et le secret bancaire qui font du Paysdu Cèdre « la Suisse du Moyen Orient ». Le pays accueille alors les exilés politiques de larégion et la libre expression est la norme dans le pays.

L’impossible nation libanaise :La Constitution de 1926 le recensement de 1932 et le Pacte National de 1943 ont été à labase de la politique confessionnelle et par la même occasion ont identifié le Liban commeun pays arabe quoiqu’indépendant de tout autre Etat. De fait, la politique Libanaise est unéquilibre entre les diverses religions. Les différends intercommunautaires ne sont jamaisrésolus mais plutôt neutralisés en empêchant qu’un des factions ne s’impose. Les liensfamiliaux et religieux s’imposent par rapport à un encore hypothétique lien national. Cetteaffirmation est démontrée par la persistance du système traditionnel des « Za’im ». Il s’agitd’une structure du pouvoir de type féodal. Il n’y a pas de partis idéologiques mais plutôt unecoalition d’intérêts basés sur la confession. Les communautés religieuses sont loyales à unseul individu ou une famille (Voir la Carte un Pays communautarisé ci-dessous). On peutciter ici la famille Gemayel pour les maronites ou la famille Joumblatt pour les Druzes. Ainsi,le slogan « Le Liban par-dessus tout » scandé par les membres de Kataib aussi connue sousle nom de Phalange, (mouvement paramilitaire lancé par Pierre Gemayel en 1936) ne faitréférence qu’à la vision maronite du Liban. La seule exception notable à cet état de fait est lepetit Parti Socialiste Progressiste créé en 1949 du Druze Kamal Joumblatt. Ce mouvementreste influent malgré sa taille et qui rassemble au-delà des lignes communautaires.

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La coopération policière dans l’Union Euro Méditerranéenne

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Figure 4 Carte Confessionnelle du Liban (Documentation Française)L’année 1958 est de première importance tant pour le Liban que pour son ancienne

puissance tutélaire la France. En effet, le Liban se retrouve confronté à sa première guerrecivile. Le Président de l’époque Chamoun dispose selon la Constitution d’un mandat nonrenouvelable de 6 ans. Il cherche cependant à modifier la constitution pour pouvoir resteren place, ce qui pousse l’opposition à descendre dans les rues. De plus, il refuse de céderface à la mobilisation de l’opposition qui voulait rompre les relations avec le Royaume Uniet la France qui avaient attaqué l’Egypte en 1956 lors de la Crise de Suez. Les tensionss’accentuèrent avec la création de la République Arabe Unie (Syrie plus Egypte) qu’unefrange de la population voulait rejoindre. La déstabilisation interne du pays est renforcéepar le coup d’Etat qui touche l’Irak, premier partenaire commercial du pays (ces fortesrelations commerciales perdurent encore de nos jours). Face à ces menaces, le Présidentdemande l’aide des Etats-Unis qui envoient 15 000 hommes le 15 juillet 1958 à Beyrouth,c’est l’opération « Blue Bat ».

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Chamoun, partiellement discrédité, est remplacé par un ancien général Fouad Chéhabà la présidence de la république. Celui-ci lance un ambitieux programme de réformepolitique et économique pour moderniser la société libanaise. Sa présidence (de 1958 à1964) se traduit par une expansion du pouvoir central et ce, au détriment des autoritéstraditionnelles. Tout au long de son mandat, ce Président respecté pour son intégrité et sonhonnêteté s’assura que plus de musulmans reçoivent des postes de hauts niveaux afin derééquilibrer la balance confessionnelle au sein de l’administration et du gouvernement. Le« Chehabisme », reconnu comme une période des plus prospères du Liban, coïncide avecla création d’infrastructures routières électriques et de grands efforts en matière d’irrigationet en approvisionnement en eau. Après la présidence Chéhab le Liban vit un retour de lapolitique confessionnelle malgré les efforts de son dauphin Elias Sarkis. Ce retour à uneapproche plus traditionnelle de la politique couplée à des nombreux facteurs internes etexternes allait plonger le Liban dans une guerre civile de 1975 à 1990.

La guerre civile 1975-1990Dans les années 1960 les commandos palestiniens de l’Organisation de Libération dela Palestine (OLP) s’installent dans les camps de réfugiés palestiniens principalementlocalisés au Sud-Liban. Pour mémoire, environ 300 000 palestiniens se réfugièrent au Libansuite à la création d’Israël. La situation des commandos palestiniens est basée sur un accordsecret du 3 Novembre 1969 signé au Caire entre Yasser Arafat et l’armée Libanaise. Celui-ci stipule que l OLP assure l’ordre public dans les camps (exterritorialité de ceux-ci). Tandisque l’OLP assure respecter la souveraineté du gouvernement, l’organisation a carte blanchepour les incursions militaires contre Israël. De fait, les palestiniens organisent un véritableEtat dans l’Etat et utilisèrent le Liban comme base arrière contre Israël. Tsahal lança enretour de nombreuses expéditions punitives sur le territoire libanais122. La population Shiitelibanaise, principalement situées au Sud a souffert terriblement des ces escarmouches.Les combats et l’incapacité ou le refus du gouvernement central à subvenir aux besoinsen infrastructures du sud du pays (Notamment sous la présidence de Suleyman Frangieh(de 1970 à 1976) poussa à une émigration massive des ces population. Ces populationss’installèrent dans la banlieue sud de Beyrouth (qui de ce fait devint un bastion du Hezbollahà partir de sa création en 1982). Ces mouvements de populations changèrent la donne dansle jeu de pouvoir confessionnel libanais. Les Shiites étaient à l’époque peu représentésdans le partage du pouvoir alors qu’ils représentaient une grande part de la population.Suite à ces attaques, la question des commandos palestiniens cristallise les tensions etles divergences d’opinion entre les populations maronites et musulmanes. Kamal Joumblattforme à l’époque une coalition appelé le « mouvement national libanais ». Ce mouvementveut la fin de la représentation confessionnelle en politique et demande une totale libertéd’action pour les commandos palestiniens. Les chrétiens maronites ne l’entendent pasde cette oreille et cherchent à défendre leur vision d’un Liban pro occidental. CamilleChamoun et sa milice « les tigres » (en arabe, Numūr)alliée à la Phalange décident derésoudre le problème palestinien par la manière forte. En Avril 1975, la Phalange passeà l’action et attaque un bus rempli de palestiniens. Les combats entre milices chrétienneset musulmanes polarisent la société libanaise et l’armée, multi confessionnelle comme lereste de l’administration libanaise, se désintègre. L’OLP, après avoir observé une certaineretenue, participe activement aux combats. En mai 1976, le Président Syrien Al Asad envoiel’armée pour faire cesser les combats et matérialiser l’influence syrienne dans le pays

122 « Selon des sources officielles libanaises, entre 1949 et 1964, Israël a conduit environ 140 opérations militaires au Liban ; cechiffre a atteint les 3000 entre 1968 et 1974. Mahmoud Soueid, Le Liban Sud face à Israël, 50 ans de résistance et de résilience(Beyrouth, 1998), pp. 5, 8 ». in « Hizbollah and the lebanese Crisis », ICG

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accomplissant ainsi les vœux des nationalistes syriens formulés des les années 1920. Lessyriens obtinrent un cessez le feu précaire en 1976. Les combats avaient fait de 30 à40 000 morts selon les estimations. Les président Elias Sarkis (1976-1982) cherche alors àreconstruire une armée solide et prône la réconciliation nationale mais il est affaibli car lesforces de sécurité libanaise sont soit hors de contrôle soit trop faibles pour s’imposer faceaux milices qui continuent le combat de manière larvée. L’assassinat de Kamal Joumblatten 1977 occasionne une nouvelle explosion de violence et le pays sombre de nouveau dansla guerre civile. Les alliances varient tout au long du conflit : les chrétiens s’allient d’abordà la Syrie pour lutter contrer les palestiniens puis s’allient à Israël contre les Musulmanssoutenus par Damas.

En juin 1982, Israël lance l’Opération « Paix en Galilée » : 25 000 hommes franchissentla frontière jusqu'à la rivière Litani. L’objectif affiché est de détruire les infrastructures del’OLP tout en soutenant en sous main les milices chrétiennes de Bashir Gemayel afin quecelui-ci soit élu Président de la République. Israël semble tout d’abord réussir son pari : l’OLPest poussée à la retraite et établi à Tunis son nouveau Quartier Général. De plus, BashirGemayel est élu Président de la République Libanaise. Mais celui-ci est assassiné quelquesjours après son élection. Israël commence son retrait partiel en 1983 qui s’achèvera en1986. Tsahal conserve une zone tampon au sud Liban qui représente environ 10% duterritoire du Pays du Cèdre. Israël retirera se troupes en 2000 conservant le territoire desfermes de Chebaa où se produisent toujours de violentes escarmouches avec le Hezbollah,l’armée libanaise n’ayant pas eu l’autorisation des syriens de se déployer au Sud Liban.Amin Gemayel le frère de Bashir demande l’aide des Syriens pour se maintenir au pouvoir.L’invasion israélienne, loin d’atteindre tous ses objectifs, à entrainé la mise sous tutelle duLiban par le voisin syrien ennemi juré de l’Etat Hébreu. De plus, l’opération paix en Galiléea entraîné la création du Hezbollah organisation qui lancera des opérations de guérilla trèscouteuses pour Israël au sud Liban. Les combats continuèrent entre milices chrétiennesface à Amal (parti chiite) et le Hezbollah (chiite). L’OLP quoiqu’affaiblie cherche à reprendrepieds sur le territoire libanais par le biais des camps palestiniens. La Syrie dépêche 40 000hommes pour finalement s’imposer. En 1989, l’accord de Taif en Arabie Saoudite permetde mettre fin au conflit. Ce document qui sera intégré à la Constitution libanaise, prévoit letransfert d’une partie des pouvoirs du Président au premier ministre et à son cabinet. Deplus, les chrétiens et les musulmans seraient à égalité en nombre de députés à l’assemblée.Les maronites s’opposent à un tel accord qui officialise la tutelle syrienne. Ainsi dans sontitre IV baptisé des relations Libano Syriennes les parlementaires libanais affirment: « […] ilfaut éviter à tout prix que le Liban devienne une source de menace à la sécurité de la Syrie,ou la Syrie une source de menace à la sécurité du Liban. En vertu de quoi, le Liban nepermettra pas qu'il soit un passage ou un foyer pour toute formation, Etat ou organisationqui aurait pour but de remettre en question sa sécurité ou celle de la Syrie. De même quela Syrie, soucieuse de la sécurité du Liban, de son indépendance et de son unité ainsique l'entente de ses fils, ne permettra aucune action susceptible de menacer la sécuritédu Liban, son indépendance et sa souveraineté ». A la fin du mandat d’Amin Gemayel en1988, les parlementaires ne parviennent pas à s’accorder sur le nom du nouveau Président.Amin nomme le Général Michel Aoun comme premier ministre par intérim mais le premierministre de l’époque Salim al Huss crie à la trahison. Les forces d’Aoun se battent en pleinBeyrouth contre les Syriens et les musulmans, puis les autres forces maronites se retournentcontre lui et le poussent à l’exil en Octobre 1990. La Syrie impose son pouvoir à partir de1990, et les milices rendent leurs armes à l’armée. Le Traité de fraternité, de coopérationet de coordination du 22 mai 1991 officialisa la mise sous tutelle de l’Etat libanais, donnantcorps à la rhétorique de « deux Etats mais un seul peuple » cher aux partisans de la

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III) La coopération policière en Turquie et au Liban

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« Grande Syrie ». Seuls le Hezbollah et Amal (chiites) refusent de rendre leurs armes carils affirment vouloir combattre l’invasion israélienne au Sud Liban. Le Hezbollah, dont nousanalyserons la force dans les paragraphes suivants, deviendra la force principale du blocchiite, établissant un véritable état dans l’Etat au sud Liban, fournissant une aide sociale auxhabitants du Sud oublié par le gouvernement central. La branche militaire de ce mouvement,devenue une véritable armée, harcèle l’occupant israélien.

Pour une meilleure compréhension de cette période trouble, veuillez vous référer à lachronologie en Annexes « le Liban l’incessant jeu des alliances ».

L’armée du Sud Liban (Pro israélienne) étant en pleine débandade, le reste des troupesisraéliennes furent retirées du Sud Liban en Mai 2000 soit plus de 6 semaines avant la datelimite du 7 juillet que l’Etat Hébreu s’était fixé. L’ingérence Israélienne finie, la Syrie gardaitla haute main au Liban. La Résolution 1559 du Conseil de Sécurité du 2 Septembre 2004appelait « au respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’unité et l’indépendancepolitique du Liban sous la seule et exclusive autorité du gouvernement libanais » afin deremédier à ce problème. La résolution précitée réaffirmait la nécessité d’un retrait de toutesles troupes étrangères (Syriens et Israéliens dans les fermes de Chébaa) et réitérait l’appelau démantèlement des milices libanaises et non libanaises. Cette résolution resta sans suitejusqu'à l’assassinat de Rafiq Hariri, ancien premier ministre libanais, le 14 Février 2005. Dèsl’annonce de l’attentat, la plupart des observateurs y virent la main des Syriens et de leursalliés libanais au gouvernement123. Le meurtre de Hariri entraina de vastes manifestationsanti syriennes suivies de manifestation pro syriennes à l’appel du Hezbollah tout au longdu mois de février et mars. Les 28 Février, face à la montée des protestations et la grèvegénérale qui paralysait le pays, le gouvernement pro syrien démissionne. Après d’intensesnégociations, le Président Lahoud nomme Najib Mikati en tant que premier ministre. Celui-ci s’engage à organiser des élections conformément à la constitution et à coopérer avecla commission d’enquête internationale de l’ONU. Face à la pression internationale et ladéfaite du camp pro syrien aux élections législatives de 2005, Bashar Al Assad retireprogressivement ses troupes du Liban. Les 23 Mai 2005, une équipe d’observateurs del’ONU rend un rapport selon lequel toutes les troupes syriennes s’étaient retirées du Libantout en ajoutant qu’il n’était pas certain que les agents des services secrets l’aient fait. Unepériode trouble s’ouvre alors pour le Liban, marqué par les attentats orchestrés par Damaset ses opposants. Des journalistes anti syriens tels que Samir Qasir ou le Politicien GeorgeHawi en Juin 2005 en furent victimes. Le Leader du courant patriotique Libre, Michel Aoun,retourne au Pays du Cèdre après 14 années passées en France. La libération de son ancienallié Samir Geagea entraine des escarmouches en plein Beyrouth le long de la ligne verte quiséparait les quartiers chrétiens et musulmans pendant la guerre civile. Detlev Mehlis, chef dela Commission d’enquête de l’ONU, présente par la suite deux rapports sur l’assassinat deRafiq Hariri le 21 octobre 2005 puis le 16 décembre de la même année. Ceux ci accusent lesdirigeants syriens d’avoir instigué l’attentat. Dans le même temps, des combats sporadiquesopposent les forces libanaises et les milices palestiniennes pro-syriennes téléguidées parDamas. Cinq officiers supérieurs Libanais et Syriens furent arrêtés pour complicité dansl’assassinat. Ils étaient tous à la tête d’un des nombreux services de sécurité libanais :Mustafa Hamdane (chef de la garde présidentielle), Jamil al Sayed (chef de la SûretéGénérale), Ali al Haj (ex directeur des FSI) et Raymond Azar chef du deuxième Bureau(renseignement militaire).

123 Naharnet, 27 septembre 2007. À la question de savoir si son gouvernement avait des preuves de l’implication de la Syrie,un diplomate français répondit : « Aucune preuve. Aucun doute ». Entretien de Crisis Group, New York, 26 septembre 2007.

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Le Hezbollah quant à lui refuse de se plier à la Résolution 1559 arguant du fait que larésolution appelle les milices à désarmer alors que l’organisation islamiste affirme être unmouvement de résistance.

2. Etat des lieux des pouvoir judiciaires policiers et del’administration pénitentiaire libanaise.

Le pouvoir judiciaire est une des pierres angulaires de l’Etat de droit. Quelle est sa situationdans l’Etat libanais ?

L’Etat libanais dispose de 56 juges de première instance, onze cours d’appel, quatrecours de cassation. L’instance administrative suprême est le conseil d’Etat. La cour dejustice est quant à elle compétente pour les affaires relevant de la sécurité de l’Etat. Il existeune myriade de cours religieuses correspondant à chaque religion pour les questions dela vie quotidienne (mariage, héritage). Sous la période de domination syrienne le pouvoirjudiciaire était fortement influencé par Damas. Le pouvoir syrien nommait directement lesprocureurs et les juges d’instruction. Les procès de dissidents sont soumis à une fortepression politique et les violences perpétrées par les groupes pro-syriens font rarementl’objet d’enquête. Les standards internationaux en matière de procédure criminelle n’étaientque rarement observés dans les cours militaires, où officiaient des gradés sans formationjudiciaire. Les procès sont généralement jugés en quelques minutes. Les cours militairescontrairement à la législation libanaise ont reçu large juridiction pour pouvoir juger les civils.Le Rapport USSD 2005 (qui rapportait des faits de 2004) affirmait que « bien que la loirequière des mandats avant les arrestations : les forces de sécurité ont continué à procédéà des arrestations et détentions arbitraires notamment pour des raisons de « sécuriténationale » ». La loi prévoit le droit à un avocat, un examen médical et la présentationdevant un juge d’instruction dans les 48h suivant l’arrestation. Si aucun acte d’accusationformel n’est présenté la détention est considérée comme arbitraire et les auteurs de cesactes peuvent être poursuivis conformément à la loi. Mais le rapport pointait que beaucoupdes dispositions prévues par la loi n’étaient pas respectées (le rapport a été publié avantle départ des syriens). De plus, la situation des réfugiés palestiniens qui, sans statut officielau Liban, sont harcelés par les forces de sécurité libanaises reste précaire. Ce documentannonçait une coopération réelle du gouvernement avec l’Office des Nations Unies contrela drogue et la prévention du crime. Cette coopération a notamment donné lieu à la créationd’un centre pour les victimes juvéniles d’abus physiques. Il est à noter que la peine de morta repris en 2004 après un moratoire de fait d’une durée de cinq ans.

En matière pénitentiaire l’administration des lieux d’emprisonnement est confiée à la« Darak » (Division pénitentiaire de la Gendarmerie Libanaise). Le gouvernement libanaiscoopère avec l’ONG « Réforme Pénale Internationale » pour l’inspection de ses prisons.Le taux d’occupation des prisons est de 115% (En France le taux d’occupation est entre200% pour 16 établissements et 150% pour 53 autres établissements124) il y aurait 5 375prisonniers au Liban dont un tiers n’aurait pas été condamné. Après le retrait syrien de2005, le gouvernement à accepté de laisser une antenne de la croix rouge internationalevisiter ses prisons. Il faut toutefois noter que de nombreux palestiniens et libanais ont étéoù sont encore enfermés en Syrie. Environ 17 000 personnes ont disparu au cours de la

124 63 838 détenus dans les prisons françaises au 1er juin, 13/06/2008, le Monde.fr

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III) La coopération policière en Turquie et au Liban

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guerre civile, et ses disparitions ont le plus souvent été attribuées aux services Syriens quiagissaient en totale impunité jusqu’en 2005125.

3. Etat des lieux des Forces de sécurité libanaises:L’un des principaux défis auxquels la République libanaise est confrontée est la faiblessede son armée plongée dans un Etat végétatif par la tutelle Syrienne (a). L’autre problèmeest la confessionnalisation des ses services de renseignement et l’inefficacité des forces desécurité intérieures (b) qui dépendent de l’aide internationale pour pouvoir se développer.Ainsi l’Union Européenne et les pays membres peuvent jouer un rôle crucial dans leprocessus de réforme lancé depuis le départ des Syriens

a. L’armée Libanaise “ Honneur, Sacrifice, Fidélité ”

source 126

L’armée libanaise n’a pas eu une importance cruciale dans la vie politique du paysquand on la compare à son homologue syrien ou irakien. Selon les chiffres fournis parEdouard Belloncle, durant les trente premières années l’armée compta seulement 18 000soldats et son budget ne représentait pas plus de 4% du PNB. Après la dislocation desforces armées durant la guerre civile, la reconstruction d’une armée nationale était l’unedes priorités du gouvernement libanais. Un service national fut ainsi créé pour à la foisavoir assez de soldats pour imposer l’autorité de l’Etat libanais ainsi que pour assurer unréel équilibre confessionnel alors que les chrétiens désireux d’avoir une carrière militaire sefaisaient rares. Le nombre de personnels de l’armée quadrupla en dix ans pour atteindre50 000 soldats et 3200 officiers en 1996. En 2005, les dépenses d’équipement s’élevaientà 5,8 millions de dollars pour un budget global de 850 millions. Ainsi selon l’article Lesévénements de Nahr el Bared et la réforme de la sécurité au Liban « 99,5% des dépensesmilitaires sont des dépenses de fonctionnement. L’armée libanaise à la fin des années 1990employait environ un dixième de la main d’œuvre libanaise faisant vivre un demi million depersonnes auxquelles elle fournissait divers services sociaux et médicaux ». Cette structuredes dépenses laisse donc peu de place au renforcement des capacités de projection et de

125 Country of origin information report the Lebanon juillet 2006, p. 32126 Emblême tiré du site de l’armée libanaise, section wallpapers

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combat. L’aide internationale peut donc avoir un impact majeur sur l’armée en aidant auxinvestissements en matériel. En 2004, le coût financier de la conscription étant trop élevé(un soldat coute à l’Etat 1000 dollars par mois), le service obligatoire fut arrêté. Cela eut pourconséquence de réduire les effectifs de 65 000 soldats à 43 000 soldats en 2007. Le maintiende l’ordre dans ces conditions est donc rendu plus difficile car la baisse quantitative n’a pasété compensée qualitativement par un investissement dans la formation et l’équipement desforces. Le besoin d’investissement est d’autant plus criant avec le déploiement de 15 000militaires au Sud Liban au lendemain de la guerre de juillet.

Les missions des Forces armées libanaises sont définies par la Partie II de l’accord deTaëf. Dans la section III de celle-ci les parlementaires ont affirmé que « La tâche essentielledes forces armées est la défense de la patrie, et le cas échéant, la défense de l'ordre publiclorsque le péril est hors de mesure avec les moyens des Forces de Sécurité Intérieure. »L’armée sous la tutelle du ministre de la défense joue donc un rôle de maintien de l’ordrepublic en accord avec la Constitution. Celle-ci peut arrêter et détenir des suspects pour desraisons de sécurité nationale. Suite à la désintégration des forces armées dans les violencesde la guerre civile, le haut commandement répugne à s’impliquer dans les querelles interlibanaises. L’armée Libanaise est considérée comme l’une des seules institutions viablesdu Liban et les différents partis considèrent qu’elle est le seul garant de l’unité libanaise.C’est pourquoi un large consensus à soutenu l’intervention dans le camp palestinien deNahr el-Bared du 20 mai au deux septembre 2007 pour combattre le Fatah al Islam.Ce mouvement palestinien avait assassiné des soldats libanais. Ces affrontements ontdémontré la faiblesse de l’armée libanaise qui, si elle s’est révélée victorieuse, reste sousperfusion de la part des occidentaux. Les libanais ont principalement dus leur victoire auxhélicoptères français fournis par les Emirats arabes unis. De plus, le Général François AlHajj, qui avait pris la tête des opérations et était pressenti pour remplacer le Général MichelSleimane à la tête de l’Etat Major, a été assassiné le 12 décembre 2007. L’armée, incapablede protéger ses plus hauts dignitaires est elle capable d’assurer le maintien de l’ordreen cas de crise ? Comme toutes les institutions libanaises c’est une mosaïque ethniquecomprenant notamment 35% de chiites. Ces divisions communautaires l’empêchent d’êtredécisive sur le terrain. Comme l’affirmait le Figaro dans un article du 10 mai 2008 à proposdes affrontements entre le Hezbollah et le gouvernement Siniora « L'armée libanaise,impuissante, n'a pu intervenir pour arrêter les affrontements. Elle redoute de se scindersuivant les clivages ethniques 127». L’accord de Taif prévoit par ailleurs que « Lorsqueles F.S.I. seront aptes à assumer leurs responsabilités de sécurité, les Forces arméesregagneront leurs casernes »128.

b. Les Forces de Sécurité Intérieure : un nouvel acteur dans l’échiquierpolitique Libanais.

127 Le coup d’Etat du Hezbollah, le 09/05/2008 le figaro.fr128 Accord de Taef, 05/11/1989, Partie II « de la souveraineté de l’Etat Libanais sur l’ensemble de son territoire », sous partie

3 « du renforcement des forces armées », alinéa d

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source 129

Les Forces de Sécurité Intérieures FSI sont notoirement trop faibles pour assurerl’ordre. L’accord de Taef cherche cependant à assurer un renouvellement de celles-ci. Letexte prévoit le renforcement des Forces de Sécurité Intérieure (FSI) au moyen d’ « uneconscription ouverte à tous les libanais sans exception, pour leur donner une formationcentralisée avant de les répartir dans les unités des régions, tout en les soumettant àdes sessions de formation constantes et régulières. Et le renforcement des organismesde sécurité susceptibles de contrôler l'entrée et la sortie des personnes aux frontièresterrestres, maritimes et aériennes du pays ». Les FSI sont sous le patronage du Ministèrede l’Intérieur. Elles appliquent les lois, conduisent les perquisitions et les arrestations etenvoient les dossiers aux juges. La police à un rôle d’instruction plus développé que dans lespays occidentaux du fait de la faiblesse de l’appareil judiciaire. Edouard Belloncle dans sonarticle Les événements de Nahr el Bared et la réforme de la sécurité au Liban affirmait queles FSI « moins nombreuses, mal entraînées et équipées sont traditionnellement perçuescomme des forces auxiliaires de l’armée.[…] Les officiers de police de haut rang sontsouvent des militaires de carrière, la structure de commandement est proche de l’armée,la formation des policiers se tient souvent dans les écoles militaires ; enfin les patrouillesde police se font en treillis militaire avec kalachnikov ». Selon cet auteur, les accords deTaif prévoyaient que les effectifs des FSI devaient atteindre 29 000 membres, mais la tutellesyrienne aidant, les forces ne dépassèrent pas les 8000 membres pendant les années1990. Néanmoins, le nouveau gouvernement a cherché à développer celles-ci en faisantpasser leur nombre à 21 000 à l’heure actuelle. L’objectif étant d’atteindre le chiffre de29 000 policiers en 2009. Il faut toutefois noter que vu la faiblesse de sa dotation (3,3% dubudget national contre 21,5% à l’armée) un gros effort reste à faire et l’auteur d’affirmer quel’aide des pays donateurs (Union Européenne, France, Etats-Unis) peut faire la différenceet donner une réelle visibilité à cette force. La faiblesse des FSI en matière d’anti terrorisme,d’enquête judiciaire et de maintien de l’ordre pourrait être ainsi résolue. En matière delutte contre le terrorisme, les FSI ont créé en 2005 leur propre service de renseignementle Département de l’information. Cette unité qui regroupe actuellement 1000 personnesdevrait voir ses effectifs atteindre les 1200 membres dans les prochaines années. Cettestructure reçoit l’appui des saoudiens et se « spécialise dans la formation et l’acquisitiond’équipements spécialisés dans le contre terrorisme et la délinquance organisée 130». Cette

129 Emblême tiré du site des FSI130 Edouard Belloncle, Les évènements de Nahr el Bared et la réforme de la sécurité au Liban, Maghreb Machrek n°193

Automne 2007 Les nouvelles guerres du monde arabe.

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nouvelle unité suscite quelques craintes dans les autres agences qui veulent plus dereprésentativité confessionnelle en son sein. Les FSI, tout comme l’armée sont soumises aucontrôle des milices qui scrutent et accompagnent chacun de leurs mouvements : ainsi lorsdes affrontements du mois de Mai, les soldats et les policiers n’ont fait prendre en chargeles prisonniers faits par les milices131 et ont assuré conjointement avec celles-ci le contrôledes points stratégiques. Le Figaro dans son édition du 9 Mai décrivait très bien la situation« Dans le quartier Clemenceau, une voie barrée mène à la résidence de Walid Joumblatt,dénoncé par Nasrallah comme le principal instigateur de l'offensive anti-Hezbollah. Dejeunes miliciens druzes à bandeau rouge se tiennent aux côtés des soldats. Mais leur chefn'est plus chez lui. Walid Joumblatt a été évacué ce matin par l'armée, qui jugeait l'ouesttrop dangereux pour lui. À l'approche du quartier d'Aïn el-Tiné, ce sont les miliciens d'Amalqui contrôlent les carrefours, aux côtés de policiers en treillis bleu camouflés 132».

L’International Crisis Group (Organisation non gouvernementale qui étudie les conflitsde par le monde) dans son rapport 2005 affirmait que depuis le départ des troupes syrienneset les élections de 2005 « incertains des ordres à suivre, privés de leur commandants etattendant de voir qui s’imposerait les membres de l’appareil policier et de renseignementont souvent choisi le chemin le plus sûr, qui est de ne rien faire133 ». Cette inaction reflèted’une part le vide institutionnel reflétant l’impact des quinze années de guerre civile suivede quinze autres années d’hégémonie syrienne. Les ordres émanaient effet de Damas oudes ses agents où alliés libanais. Même les équipements de base manquaient, commeles outils de police scientifique pour faire les tests ADN. Un diplomate arabe sous lecouvert de l’anonymat rapporte cette anecdote à l’ICG : « quand nous avons demandéaux services secrets militaires ce qu’ils faisaient ils nous ont répondu qu’ils ne pouvaientrien faire parce que la Syrie avait pour habitude de tout faire pour eux ». Atif Madjalani(parlementaire, membre du bloc du futur de Saad Hariri) se plaignait que les indicateurs etla Mukhabarat (Services secrets Syriens) étaient toujours présents mais ne travaillaient pluspour le gouvernement. Malgré le retrait des troupes syriennes les ingérences continuent,ainsi Marwan Hamadeh ministre des télécoms évoquait les résistances aux initiatives dugouvernement. Il affirmait ainsi, « beaucoup de ministères sont toujours sous le contrôledirect des syriens, la situation n’évoluera pas tant que le président Lahoud sera au pouvoir ».Dans ce contexte particulièrement volatile il est important de comprendre que les forcesde sécurité et particulièrement les services de renseignements sont confessionnalisés etde ce fait n’ont ni la confiance de la population ni celle de l’Etat. Néanmoins l’accord deTaef de 1989 inclus dans la Constitution Libanaise affirmait vouloir montrer la souverainetéLibanaise en œuvrant au « renforcement des organismes de sécurité susceptibles decontrôler l'entrée et la sortie des personnes aux frontières terrestres, maritimes et aériennesdu pays ».Ces organismes sont bien entendus les services de renseignement dont nousallons procéder à une rapide évaluation. Ces 7 services sont dévoués à la sécurité de l’Etatmais aussi et surtout à la sécurité de la communauté à laquelle ils sont rattachés.

131 «Les soldats jouent un rôle d'arbitre, réceptionnant les vaincus et les mettant en sécurité. Après avoir pris les bureaux duParti du futur, les miliciens chiites ont remis leurs prisonniers aux soldats ». L’ouest de Beyrouth aux mains du Hezbollah, le Figaro9 mai 2008 Pierre Prier

132 Idem133 In the words of a Western diplomat, “the work of the security forces was frozen after Jamil al-Sayiyd and Ali al-Hajj resigned.

Officials are waiting for orders, as they were wholly dependent on them”. Crisis Group interview, Beirut, 8 October 2005. MichelSamaha, a former information minister, added: “Some members of the security forces might side with the pro-Syrian political wing outof fear that if the others prevail, they will be next to go”. Crisis Group interview, Beirut, 10 October 2005

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Le deuxième bureau attaché aux forces militaires, est le principal service derenseignement libanais. Il fut crée en 1961 suite à une tentative de coup d’Etat. Le présidentde l’époque, confronté à un déficit de sécurité et d’information, décida de renforcer lescapacités de l’armée en matière de renseignement et notamment sur la vie politiquenationale. Selon Edouard Belloncle, « durant les années 1990, le deuxième bureau avait35 000 membres alors que ses missions principales se concentraient avant tout sur lasurveillance de l’opposition et des groupes palestiniens134 ». Il développerait actuellementses missions anti terroristes notamment après l’attaque dont les forces armées avaient étévictimes et qui avait marqué le début des affrontements avec le Fatah al Islam. Ce serviceétait totalement contrôlé par les syriens jusqu’en 2005 et est, au dire du chercheur du CNRS,le plus efficace des services libanais.

La direction Générale de la Sûreté de l’Etat est un service qui compte environ 3000membres. Ces services prennent leurs ordres auprès du premier ministre et la Suretégénérale reste sous l’autorité du ministre de l’intérieur qui collecte des infos sur les groupesqui semblent être une menace pour la sécurité de l’Etat. « Sa mission est la surveillancede la vie politique libanaise et du contrôle de l’immigration. Néanmoins lorsque les Syriensen prirent le contrôle elle devint l’instrument principal de censure des médias et des partispolitiques. Traditionnellement dirigé par un chrétien, l’organisation est devenue shiite le jouroù Jamil al Sayed grand allié du régime syrien accéda à sa direction 135».

L’organisme suivant est la direction Générale de la Sécurité de l’Etat à ne pas confondreavec son quasi homonyme de la sûreté de l’Etat citée précédemment et créée en 1945.Cette organisation fut quant à elle créée en 1990 pour des raisons politiques. Selon EdouardBelloncle ce fut Nabih Berri leader d’Amal qui avant de devenir Président du Parlementvoulut un service de renseignement shiite. Ses principales missions sont la protection desmagistrats et des politiciens et ses effectifs ont diminué depuis 2005 passant de 2000 à1600 personnes. Ce service « n’a jamais trouvé sa place dans l’appareil de renseignementlibanais du fait des circonstances de sa création 136».

Le quatrième élément de cette structure est le département de l’Information (DI)rattaché aux FSI que nous avons évoqué plus haut. Les autres structures sont de moindreimportance : il s’agit de la garde présidentielle ou républicaine, de la garde gouvernementaleet du service de sécurité de l’aéroport. Ce dernier à fait l’objet de vives controverses car ilest à l’origine des combats qui eurent lieu en Mai 2008. En effet, son chef Wafiq Choucair,proche du Hezbollah, a été limogé par le gouvernement qui l’a accusé d'avoir laissé leshommes de Nasrallah (chef du Hezbollah) implanter des caméras sur les pistes. Cettedécision fut annulée au soir du règlement du conflit le 21 mai 2008. Edouard Belloncleaffirme que le processus de réforme engagé et soutenu par les occidentaux doit « outreéliminer l’influence syrienne […] prendre en compte les relations entre les services derenseignement et le politique. En effet si les services ont été habitué à interférer ans la viepolitique le politique lui aussi s’ingère aussi souvent dans le travail de renseignement 137».Et l’auteur de rappeler les bénéfices que tireraient les libanais d’une réforme inspirées parles principes théoriques de la réforme des services de sécurité

134 Edouard Belloncle, Les évènements de Nahr el Bared et la réforme de la sécurité au Liban, Maghreb Machrek n°193Automne 2007 Les nouvelles guerres du monde arabe.

135 idem136 idem137 idem

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Souveraineté du territoire libanais et rôle du Hezbollah:Le Rapport USSD Human Rights Report 2005 affirme qu’en dépit de la fin de l’occupationdu Liban par la Syrie, les ingérences de ce pays dans les affaires du Pays du Cèdrecontinuent. Les milices palestiniennes et le Hezbollah contrôlent des parties significativesdu territoire et agissent comme des supplétifs du pouvoir syrien. Le Hezbollah, tout commeles services de sécurité libanais hors de contrôle, sont les principaux obstacles à la sécuritédes citoyens. La question des armes du Parti de dieu et du contrôle des services derenseignements par le gouvernement est une des priorités pour la réforme des services desécurité. Mais le Hezbollah, en plus d’être la seule milice à ne pas avoir désarmé, est unparti de gouvernement contrôlant le sud du pays et certains départements des services desécurité. Il s’agit donc d’un réel challenge pour la réforme du secteur de la sécurité au Liban.En effet, les forces de sécurité intérieures ne peuvent pour l’instant pas tenir la comparaisonface à une milice qui a tout d’une armée régulière. La question du Hezbollah détermineradonc si oui ou non l’Etat dispose du monopole de « la violence légitime138 » au sein dupays ce qui est la clef de son autorité. Pour mieux comprendre le danger que représentele Hezbollah pour le processus de réforme des services de sécurité (RSS) il faut remonteraux origines de ce mouvement.

Le Hezbollah (Parti de dieu) à été crée suite à l’invasion Israélienne de juin 1982. Desreligieux shiites libanais se trouvaient alors à la conférence islamique annuelle à Téhéran.Le Sheikh Subhi Tufeili et le Sheikh Ragheb Harb acceptèrent l’aide proposée par l’Iran quienvoya ses Gardiens de la Révolution à Baalbek dans la vallée de la Bekaa. Beaucoup deses premiers leaders venaient du parti Amal et étaient déçus du tournant laïc qu’il avait prissous l’égide de son leader Nahib Beiri. Celui-ci était en effet pris entre deux feux : il acceptal’accord du 17 mai 1983 et refusa de rejoindre le Font de Salut Public soutenu par la Syrie.Le leader actuel du Hezbollah Hassan Nasrallah, présent dès la création du mouvement,a quitté Amal pour le parti de dieu. Dès sa genèse, ce parti est soutenu financièrement etmilitairement par l’Iran qui forme ses membres dans sa base de Baalbek. Malgré diversesattaques menées par les Etats-Unis et Israël pour détruire sa chaine de commandement, leHezbollah a survécu et s’est imposé comme un acteur politique majeur au sein de la sociétélibanaise. Comme l’affirmait Bryan R Early dans son article “Hezbollah larger than a Party yetsmaller than a State”139(Hezbollah plus qu’un parti mais pas encore un Etat). Après le retraitIsraélien jusqu'à la rivière Awali en 1983, les militants du Hezbollah cherchent à prendrepieds dans la banlieue Sud de Beyrouth considéré comme un bastion d’Amal. Fin 1984, leHezbollah a supplanté ce parti comme « organisation de tête » pour les shiites. Une foisla position de l’organisation consolidée, la Shoura (conseil qui dirige le Hezbollah) décidede publier le Manifeste du Parti le 16 Février 1985. Le texte affirme que le Hezbollah n’estpas un parti mais une partie de la nation islamique toute entière. Le seul lien qui unit sesmembres idéologiquement et politiquement est l’Islam. Le texte continue en affirmant queChaque membre est un soldat prêt à mourir pour la cause. Plus tard le parti affirme chercherà résister culturellement et politiquement à l’occident et aux régimes alliés des Etats-Unistels que l’Arabie Saoudite. La première guerre du Golf (1991) entraîne une augmentationde sa popularité et du nombre de ses adhérents.

138 Max Weber, Le Savant et le politique ( 1919), trad. J. Freund, E. Fleischmann et É. de Dampierre, Éd. Plon, coll. 10/18, p.124. « Max Weber définit l’État moderne par le monopole de la violence physique légitime. Cela signifie qu’en interdisant l’usageprivé de la violence, l’État se réserve l’exclusivité du recours à la violence, ou à la contrainte jusitifiée, tant à l’intérieur qu’à l’extérieurde ses frontières » http://lewebpedagogique.com/philosophie-bac/le-monopole-de-la-violence-legitime-max-weber/

139 Bryan R. Early « Hezbollah larger than a Party yet smaller than a State » World affairs Volume 168 n°3 Winter 2006.p 115

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L’organisation interne du Hezbollah est de plus en plus connue : la Shoura comprend7 membres avec un secrétaire général. Toutes les décisions sont prises en commun lesecrétaire général n’a qu’un rôle de coordination. Les membres de ce conseil sont élustous les deux ans. Un autre organisme est le bureau politique composé de douze membrestous élus au Parlement. Le « chef spirituel » de l’organisation est l’Ayatollah SayyedMohammed Hussein Fadlallah qui n’a pas de lien officiel avec le Parti de Dieu mais quiest respecté par celui-ci. En 1992, le Parti rentre au Parlement et gagne 8 sièges plus 4sièges à des alliés politiques. En 2006, l’organisation shiite livre une guerre sans merci àIsraël après avoir provoqué l’intervention de l’Etat Hébreu en kidnappant un des soldats deTsahal. Livrant une guerre asymétrique140 (« Quand l’adversaire choisit volontairement decontourner cette lutte inégale, en usant de moyen asymétrique, la supériorité technique nepermet plus d’assurer un avantage décisif »141) qui empêcha l’armée Israélienne d’exploitersa supériorité technologique, le Hezbollah parvint à encaisser le premier choc et fit subir uneguérilla terrible à son adversaire. Les Israéliens, qui avaient anticipé un conflit court, furentrapidement démoralisés et désorganisés. Après le retrait israélien, le Hezbollah, par la voixde son chef Hassan Nasrallah accusa le gouvernement de Fouad Siniora de duplicité etd’œuvrer à la perte du parti de dieu ouvrant ainsi une crise qui ne s’est refermée qu’a la findu mois de Mai 2008. Le Figaro, dans son édition du 10 mai 2008, détaillait ainsi les étapessuccessives de la crise : « C'est une guerre civile larvée qui a commencé en novembre 2006,lorsque six ministres, dont les cinq représentants de la communauté chiite, ont démissionné,ouvrant une crise politique qui n'a cessé de s'aggraver depuis. L'opposition prosyrienne,conduite par le Hezbollah, refuse de reconnaître la légitimité du gouvernement Siniora etexige le droit de bloquer toute décision de l'exécutif. La désignation du président de laRépublique, prévue à l'automne dernier, n'a toujours pas pu avoir lieu, alors qu'un consensuss'est dégagé sur le nom du général Michel Sleimane, chef d'état-major de l'armée. Pourpermettre l'élection du chef de l'État, l'opposition veut que soit entériné son pouvoir de veto etqu'une révision de la loi électorale soit mise en route. L'impasse est totale. Le pays est diviséen deux. L'affrontement vient de dégénérer en guerre ouverte lorsque le gouvernement avoulu s'en prendre à l'État dans l'État que s'est constitué le Hezbollah. Sont en cause lesystème de sécurité de l'aéroport de Beyrouth, passé sous le contrôle de la milice chiite, etle réseau de télécommunication qu'elle a mis en place pour son propre compte à travers lepays.Le parti chiite pro-iranien a réagi en bloquant l'aéroport de la capitale et en prenant lecontrôle de quartiers sunnites de Beyrouth-Ouest. Les médias appartenant à la famille Hariri,principal soutien du gouvernement Siniora, ont dû fermer »142. Cet épisode a démontréune fois de plus la faiblesse du gouvernement Libanais incapable de s’imposer face auxmilices. Pendant les affrontements le Ministre des Télécommunications (Marwan Hamadé)contacté par le Figaro « a pris un profil bas. «Je ne peux pas vous voir maintenant. Onest planqués», aurait dit au téléphone cet homme politique respecté, numéro deux du Partisocialiste populaire (PSP) du Druze Walid Joumblatt »143. La crise se termina le 21 Mai 2008par la conclusion d’un accord à Doha (Qatar) sous l’égide de la ligue Arabe. L’accord diviséen trois parties prévoit tout d’abord l’élection immédiate à la présidence de la Républiquedu chef d’Etat Major Michel Sleimane. Puis dans sa seconde partie il détaille la mise en

140 La démocratie Israélienne face à la guerre asymétrique de l’été 2006 : les enjeux d’une défaite militaire, Sami MakkiMaghreb Machrek n°193 Automne 2007 Les nouvelles guerres du monde arabe.

141 Barthélémy Courmont et Darko Ribnikar, les guerres asymétriques : conflits d’hier et d’aujourd’hui, terrorisme etnouvelle menace, IRIS – PUF, Paris 2002 , p. 30

142 Le coup d’Etat du Hezbollah éditorial de Pierre Rousselin 10 mai 2008, le figaro.fr143 L’ouest de Beyrouth aux mains du Hezbollah, le Figaro 9 mai 2008 Pierre Prier

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place d’un gouvernement d’Union Nationale composé de 30 membres, 16 appartenant àla majorité, 11 à l’opposition et 3 devant être nommé par le nouveau Président. Comme lefaisait justement remarquer le Journal le Monde « Cette composition revient à accorder auxloyalistes une majorité et à l'opposition une minorité de blocage qu'elle réclamait depuis dix-huit mois 144». La dernière partie de l’accord renvoi à la création d’une nouvelle loi électoralepour les élections de 2009. L’accord évoque aussi le "renforcement de l'autorité de l'Etat surla totalité du territoire et sa relation avec les différentes organisations, de manière à garantirla sécurité de l'Etat et de ses citoyens " qui est une référence implicite à la question del’armement du Hezbollah Le Monde soulignait par ailleurs « l'engagement de tous à ne pasrecourir à la violence verbale et politique, mais surtout militaire, pour régler les problèmesintérieurs145 » et citait le premier ministre qatari, cheikh Hamad ben Jassem Al-Thani, qui« a précisé mercredi que l'accord comporte une clause interdisant tout recours aux armes àdes fins politiques. Quant au président du Parlement libanais, Nabih Berri, l'un des leadersde l'opposition, il a annoncé la levée mercredi du sit-in observé par l'opposition depuis fin2006 dans le centre-ville de Beyrouth 146».

4. Que fait l’Union au Liban ?L’Union européenne à mis en place une stratégie par pays pour le Liban qui répondentaux objectifs fixés par la Stratégie Européenne de sécurité publiée en 2003 qui vise àgarantir la sécurité de l’Union en assurant la stabilité de ses voisins147. Cet instrumentde la Politique de voisinage et de partenariat détaille les ambitions et les programmesde l’Union sur la période 2007-2013. Le document affirme que « le Liban a été invitéà intensifier ses relations politiques, sécuritaires, sociales, économiques et culturelles età assumer une responsabilité commune en matière de prévention et de résolution desconflits ». Pour ce faire, la République Libanaise a pris part à des négociations avec l’Unioneuropéenne concernant l’élaboration d’un plan d’action commun qui se sont achevées enmai 2006. Le document de stratégie par pays vise à soutenir le programme de réformesdémocratiques du Liban et à favoriser les perspectives économiques du pays, notammentpar l’opportunité d’accéder au marché unique européen. L’Union rappelle par ailleursque « dans une déclaration ministérielle de juillet 2005, le gouvernement a exposé unvaste programme de réformes politiques et économiques essentielles et l’a présenté àla communauté internationale en septembre 2005. Bien que tous ces efforts aient étéinterrompus le 12 juillet 2006 [début du conflit opposant Israël au Hezbollah], ils restentd’actualité et sont à présent encore plus essentiels au rétablissement de la stabilité et dela paix dans la région 148». Le document détaille les priorités de son action en matièrede droit de l’homme et de la sécurité. Tout d’abord l’Union souligne le besoin de réformedu système judiciaire afin qu’il soit plus transparent et respecte les droits de l’hommenotamment en réduisant l’usage de la détention préventive (Un tiers des détenus au Libann’a pas été jugé). L’Union a soutenu la commission parlementaire mise en place en 2006qui a rédigé un plan d’action nationale pour le respect des droits de l’homme. Le deuxième

144 « L'accord de Doha ouvre la voie à l'élection de Michel Sleimane à la présidence du Liban », Le Monde 21/05/2008145 Idem146 Idem

147 « La PEV contribuera aussi à réaliser l’un des objectifs stratégiques que l’UE s’est fixé dans la stratégie européenne de sécuritéen décembre 2003, à savoir garantir la sécurité de notre voisinage » Document de Stratégie par pays Liban 2007-2013 p 5148 Idem p.6

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chantier est celui de la lutte contre la corruption que le gouvernement prend très au sérieux.Une loi anti corruption a été rédigée en 2002 mais elle n’a toujours pas été adoptée. Enmatière de sécurité à proprement parler le document affirme que « À plusieurs reprises, legouvernement s’est dit préoccupé par la situation fragile de la sécurité intérieure et a appelél’UE à soutenir la réforme du secteur de la sécurité. Une priorité des réformes résidedans le développement de la capacité administrative des principaux acteurs de la sécurité,notamment les autorités chargées de faire appliquer la loi, les organes de gestion et desurveillance de la sécurité et les institutions judiciaires. Le Liban doit garantir la cohérencede la gestion et du fonctionnement du système de sécurité avec le respect des droitsde l’homme et des normes démocratiques149 ». On retrouve ici les concepts théoriquesdéveloppés dans notre première partie et les limites qu’ils sous entendent. Enfin l’Unionrappelle le problème des refugiés palestiniens. Sans statuts propres, ceux ci sont dans unemisère noire et qui, en plus d’être harcelés par les différentes factions libanaises, peuventêtre une menace pour la sécurité comme l’a démontré l’attaque du Fatah al Islam contrel’armée. « l’Union européenne a régulièrement attiré l’attention sur le sort des réfugiéspalestiniens, pressant le gouvernement libanais de prendre des mesures pour améliorerleurs droits, ainsi que la situation humanitaire des réfugiés hébergés dans les camps etsoulignant que de mauvaises conditions sociales, économiques et de vie ont pour corollairele désespoir et l’extrémisme 150». L’Union cherche donc à accompagner le Liban et sonprocessus de réforme. Néanmoins les auteurs de ce document admettent que « Bien quela nécessité des réformes soit largement reconnue au Liban, la vraie difficulté pour le paysconsiste à parvenir à un consensus national autour d’un programme de réforme 151». Peuimporte la bonne volonté des donateurs internationaux, seul un consensus entre les factionslibanaises (Comme le dialogue national initié après le départ des syriens) peut permettreaux réformes d’avoir un réel impact.

Le rapport affirme que « La garantie de la sécurité et le respect de l’état de droitfigurent parmi les principales priorités du gouvernement libanais. La mise en œuvre desréformes requiert un environnement paisible en matière de sécurité. Le gouvernementlibanais a soumis une demande directe d’aide communautaire dans ce secteur. La formationdes forces de sécurité nationales, la formation de la police, la réforme du secteur de lasécurité, ainsi que des projets de gestion des frontières pourraient être envisagés en vued’accroître la coopération dans le secteur de la sécurité152 ». Cet aspect de formationest aussi l’apanage des Etats membres et le rapport envisage une division technique dutravail entre les Etats membres qui ont une action bilatérale et les programmes régionauxde l’Union Européenne. « La coopération en matière de justice et de sécurité est unepriorité commune de l’UE et de plusieurs partenaires du voisinage avec le Sud. Les actionsrégionales prévoient une coopération judiciaire relative aux questions transfrontalières, auxréseaux de la criminalité organisée et à la traite d’êtres humains et aux migrations, ainsique des échanges de bonnes pratiques. Elles complèteront les actions menées au niveaubilatéral avec le Liban, qui porteront sur le renforcement des institutions et la mise en œuvrede stratégies nationales 153».

149 Idem p.6150 Idem p.7151 Idem p.12

152 Idem p.19153 Idem p.17

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« Le projet «Sécurité et état de droit» constitue un exemple récent de coordinationlocale particulièrement régulier et fructueux. Un groupe restreint d’États membres (France,Royaume-Uni, Allemagne et présidence finlandaise) a suivi chaque étape de l'élaboration duprojet et devrait rester opérationnel au cours de sa mise en œuvre. D’autres États membressont régulièrement informés de l’évolution des travaux. La coordination avec les principauxdonateurs hors UE (États-Unis, Canada et Australie) a également été organisée154 ». Cettedernière analyse à été confirmée par mes diverses interviews, le sous directeur du SCTIPà affirmé travailler avec les services américains de manière très satisfaisante dans lesterritoires méditerranéens. De plus, les ASI des différents pays européens et les américainsse réunissent de manière régulière afin d’échanger des informations et mutualiser leursefforts.

Figure 5 Budget indicatif de la Stratégie Européenne pour le LibanComme on peut le constater dans ce tableau, l’aspect « soutien aux réformes

politiques » s’il est important, reste mineur comparé aux deux autres chantiers entrepris parl’Union dans le Pays du Cèdre. Néanmoins, il faut toutefois souligner que l’Union reconnaîtexplicitement l’importance de la réforme du Secteur de la Sécurité et le renforcement de lachaîne judiciaire en affirmant qu’il n’y aurait pas de développement économique sans unsystème judiciaire fiable. Le soutien aux réformes politiques se divisera en deux parties ellemêmes échelonnées dans le temps.

Figure 6 Détail du Budget indicatif pour le soutien aux réformes politiques (2007 2010)Le soutien à l’efficacité et à l’indépendance du système judiciaire se veut principalement

un soutien institutionnel se concentrant sur les aspects qualitatifs du système : rapidité desprocédures, formation adéquate des membres des corps judiciaires. L’accord de Taef enson temps avait identifié la réforme du système judiciaire comme l’une de ses priorités : lesparlementaires avaient ainsi affirmé « En vue de renforcer l'indépendance de la justice, unnombre déterminé de membres de la Cour suprême sera élu par le corps des magistrats ».L’accent principal reste mis sur la lutte contre la corruption « « La lutte contre la corruptionfigure parmi les priorités du programme de travail du gouvernement présenté en juillet 2005.

154 Idem p.22

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Une loi anticorruption a été élaborée en 2002. L’aide octroyée par la CE au Liban doitrenforcer les mesures de lutte contre la corruption par le biais de la mise en œuvre effectived’une stratégie nationale de lutte contre la corruption, en ce compris le cadre institutionnelet sa capacité de mise en œuvre et une campagne publique de sensibilisation et depromotion 155» En matière de coopération policière, il est intéressant de noter qu’Europol,bien qu’ayant la capacité juridique de conclure des accords internationaux, n’a pas mis enplace de coopération spécifique dans ce domaine avec la police Libanaise.Le CEPOL dansle cadre de son programme Euromed I à offert des formations aux Chefs de service Libanais.Les thèmes principaux de ces séminaires étaient les suivants: la lutte contre le terrorisme, lalutte contre le trafic de drogue, la lutte contre l’immigration clandestine et le crime organiséde manière plus générale. Un séminaire était prévu au Liban mais il a été annulé à lademande des autorités libanaises suite à l’assassinat de l’ancien Premier ministre RafiqHariri le 14 février 2005 à Beyrouth. Les officiers Libanais sont partis prenantes dans MEDAII même si la présence d’officiers israéliens entraine de nombreuses tensions notammentpour les officiers des FSI ou les membres des forces armées proches du Hezbollah.

5. Le rôle de la France au LibanLa France par le biais de son ASI a quat à elle menée une action conjointe avec cellede l’Union Européenne. Lors de l’Interview de l’adjoint au sous directeur du SCTIP leCommissaire Matthieu Clouzeau j’ai pu en savoir plus sur la coopération Franco libanaise etl’importance de l’Union dans le financement des projets préparés par les ASI. Les résultatsdes différents projets sont très encourageants : une école pour la formation à la gestiondes scènes de crime (Police scientifique) et notamment des attentats à été créée. Lapolice scientifique est donc moins dépourvue que semblait l’affirmer les Britanniques dansle rapport du Home office156. D’autres actions sont à l’étude : un projet pour améliorer lasécurité aéroportuaire à Beyrouth sur FSP et l’on prévoit la création d’une école Libanaisede Police (avec une formation de la gestion des foules par les FSI car les militaires sontactuellement chargés de gérer les foules).Un projet plus global de renforcement de lachaîne pénale est à l’étude (Police judiciaire et pouvoir judiciaire) sur financement de l’UnionEuropéenne .La coopération avec les forces libanaises (FSI) se passe bien, l’action dela France est d’autant plus appréciée qu’elle est vue comme une alternative à l’actiondes américains très mal vus par une partie de la population. En matière de coopérationmilitaire la France n’est pas en reste, « l’objectif est double : offrir une formation de qualitéaux personnels de l’armée libanaise et participer au maintien du niveau opérationnel deses équipements pour lui permettre d’assurer ses missions. C’est une question d’actualitépuisque l’armée libanaise est engagée sur le terrain, à la fois dans des opérations demaintien de l’ordre et de recouvrement de l’autorité sur l’ensemble du territoire mais aussidans des combats actifs comme récemment dans le nord, à Nahr el Bared, contre desmouvements terroristes 157». La France est le deuxième partenaire militaire du Liban enmatière de coopération. « Depuis le printemps 2005, nous aidons l’armée libanaise àremettre en état les matériels pour lesquels nous disposons de compétences techniquesau sein de l’armée française. Nous avons multiplié les missions d’expertise et d’évaluation

155 Document de Stratégie par Pays Liban 2007-20013 p.24156 Country of Origin Information Report (British Home Office), The Lebanon, July 2006 Internal Security Section “Even the mostbasic equipment, such as forensic tools required to perform DNA tests, were lacking”157 Interview de Monsieur Bernard Emié, ambassadeur de France au Liban (2004-2007) paru dans le magazine Frères d’armesspécial Liban n° 255

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et nous avons augmenté les dons de matériels indispensables à la reconstruction de cettearmée. De plus, des experts militaires français viennent régulièrement au Liban pour formerleurs homologues. […] nous avons pris le parti important de rééquiper une armée qui enavait bien besoin compte tenu des conditions qui prévalaient dans la dernière décennie.Un effort considérable a été effectué avec la cession gratuite de nombreux matériels,équipements et munitions158 ». « Les 6 et 7 novembre 2006, la première Commission mixtede coopération militaire bilatérale franco-libanaise a confirmé le souhait libanais de voirs’accroître la coopération avec les forces françaises. Un plan de coopération conséquent aété validé à cette occasion. L’objectif général de la coopération bilatérale franco-libanaiseest de contribuer à la montée en puissance de l’armée libanaise 159».Une partie des officierslibanais est formée en France dans les domaines de la marine du déminage et des troupesde montagne. De plus, un logiciel de simulation tactique (Janus) à été fourni aux Ecolesd’officiers Libanaise. Comme nous l’avons expliqué dans la partie précédente la majeurepartie des officiers des FSI sont des militaires de carrière c’est pourquoi « La formation despersonnels des Forces de Sécurité Intérieure est menée en partie par la Gendarmerie. Elleconcerne les techniques du maintien de l’ordre ainsi que celles liées au travail de policejudiciaire 160». La France mène donc des actions auprès des FSI mais aussi de l’arméetouchant ainsi les différents acteurs de la sécurité intérieure.

« La coopération militaire française au Liban en 2007 en chiffres 161» :

Personnels 3 coopérants militaires français depuis le 1er AoutBudget 1 253 795 EUROS (doublé par rapport à 2003).Cessions diverses 8 600 000 eurosStages en France 70 places offertesEnseignement du Français 600 personnes formées.Missions de courte durée 12 (Total cumulé de 865 jours au 26 Octobre 2007)

De fait, la France à coordonné son action avec les Etats-Unis et la Grande Bretagne.Tandis que la France s’occupe de la réforme du secteur de la sécurité en faisant uninventaire et des audits des Forces de Sécurité civiles (FSI notamment), le Royaume Uni luise charge de proposer une réorganisation des nombreux services de sécurité sous l’autoritédu Ministère de la défense dont les attributions se chevauchent. Les Etats-Unis quant àeux auraient reçu une demande d’assistance du gouvernement Libanais pour sécuriser laFrontière Libano-syrienne. Cette sécurisation se ferait par le biais d’installation de matérielde surveillance et de contre mesures automatiques en cas d’intrusion162. De plus, du fait dela multiplication des attentats et autres voitures piégées, des équipes d’enquêtes (3) du FBIont été envoyées depuis juin 2005 pour faire la lumière sur les attentats qui coutèrent la vieau journaliste Samir Kassir, et qui manquèrent de peu May Chidiac pilier de la Lebanese

158 idem159 Point de situation sur la coopération militaire franco-libanaise, Frères d’armes spécial Liban n° 255160 Idem

161 Idem162 “The U.S., France and UK are helping overhaul the security sector. France is compiling an inventory and audit of security

forces, and a blueprint for reconstruction of the security sector of security services; and the UK is helping to streamline multiple andoverlapping security agencies under the defence ministry. The U.S. reportedly was asked by the government to assist in securing themountainous frontier with Syria with physical barriers, lethal platforms and sensors”. Crisis Group interviews with Western diplomats,Beirut, October 2005 in LEBANON: MANAGING THE GATHERING STORM, Middle East Report N°48 – 5 December 2005 p.9

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Broadcasting Corporation (LBC), et le ministre de la Défense Elias. La France à elle aussienvoyé une équipe d’enquêteurs sur l’affaire Kassir à la requête de la femme du défunt163.

Pour conclure, l’accent mis sur l’action de la société civile dans le programme de l’Unionest très important malgré les réserves émises sur leur réelle efficacité dans notre premièrepartie. Ainsi le document stratégique pour le Liban affirmait « La mise au point d’une stratégiepour les droits de l’homme au Liban doit être durablement soutenue par la CE afin de garantirla promotion des droits de l’homme, la consolidation de la liberté des médias et de la libertéd’expression, ainsi que des droits des femmes et des enfants. Ce travail doit être mené àtous les niveaux par le biais d’une coopération étroite avec la société civile d’une part, etavec le gouvernement libanais d’autre part. Dans le cadre de la politique européenne devoisinage et du plan d’action, les organisations de la société civile se sont déjà montréestrès intéressées à l’idée de suivre le processus et de jouer leur rôle de vigile dans tousles domaines. Elles souhaitent être étroitement associées au travail des sous-comités etêtre consultées régulièrement. Ce programme vise précisément à soutenir ces efforts 164».Toujours est-il que la corruption n’est que l’un des nombreux maux qui touchent le Liban.Ainsi, le Journal israélien Haaretz affirmait récemment qu’à chacune des trop nombreusescrises que connait le Liban les producteurs de cannabis avaient eu une récolte record.L’armée est trop débordée par sa tâche de maintien de l’ordre pour se préoccuper de lalutte anti drogue (la plus grosse récolte en date fut en juillet 2006 lors de « l’agressionisraélienne »). L’auteur de l’article anticipait donc une grosse récolte cette année au vu desévènements de Mai 2008. Le journal rapporte que même en temps de paix les forces depolice hésitent à intervenir contre les plantations de cannabis car les producteurs et leurshommes de main sont lourdement armés165. Le journal arabe Al Hayat basé à Londresestime que plus de 10 117,14 hectares de cannabis sont cultivés au Liban cette année cequi selon tout vraisemblance permettra une grosse production de Haschisch à destinationdu marché Israélien et Européen

163 Idem164 Document de Stratégie par Pays Liban 2007-20013 p.24165 As fighting flares up, Lebanese cannabis growers expect a bumper crop, Zvi Bar'el , Haaretz 14/05/2008

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Conclusion

L’Union Européenne est donc confrontée à de nouvelles menaces auxquelles « aucun paysn'est […] en mesure de faire face, seul166». Les Etats membres comme la France cherchentà réagir en réformant leur doctrine militaire et en adaptant leurs forces de sécurité auxdangers du monde actuel. L’Union cherche de son côté a renforcer la coopération avecles pays tiers en affirmant que « La meilleure protection pour notre sécurité est un mondefait d’États démocratiques bien gouvernés. Propager la bonne gouvernance, soutenir lesréformes sociales et politiques, lutter contre la corruption et l’abus de pouvoir, instaurer l’Étatde droit et protéger les droits de l’homme: ce sont là les meilleurs moyens de renforcer l’ordreinternational 167». L’idée sous jacente du discours européen est de pousser à la Réformedes Services de Sécurité dans les pays limitrophes en assurant un contrôle effectif dugouvernement sur les forces armées (Police et Armée). Il s’agit aussi de modifier les objectifsde l’appareil sécuritaire afin qu’il protège les populations avant de protéger les institutions.Mais ces objectifs se heurtent aux besoins d’efficacité de la coopération policière. L’Europecherche à obtenir un « retour en sécurité intérieure » et essaye de renforcer les capacitésd’intervention des polices locales afin qu’elles puissent coopérer sur les domaines clefstels que la lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue et l’immigration clandestine. Si lespolices européennes cherchent à montrer l’exemple d’une police démocratique dans unEtat de droit, ils savent que les gouvernements autoritaires du Sud de la Méditerranée nesont pas prêts à faire des concessions en termes de droits de l’homme. La situation esttrès bien résumée par Antoine Basbous (Le directeur de l'Observatoire des pays arabes)« En réalité, la principale préoccupation de ces dirigeants n'est pas d'intégrer un club dedémocraties méditerranéennes, mais de sanctuariser leurs régimes et de maintenir leursclans au pouvoir. Tout projet de modernisation menace leur souveraineté, leur pérennitépolitique. Donner la liberté à leur peuple, instaurer un État de droit ou offrir à leur jeunesseune véritable perspective, cela n'est pas à l'ordre du jour.[…] Au fond, la plupart desrégimes concernés voudraient «cueillir» la contribution financière européenne sans avoir àbouleverser le quotidien de leur population, ni réformer leur gouvernance.[…] Certains paysdu sud et de l'est de la Méditerranée redoutent surtout que des libertés accordées à leurscitoyens ne débouchent sur leur renversement et que le courant d'air toléré ne se transformeen tempête qui les emporterait comme la perestroïka avait achevé l'URSS 168»..

De plus, la RSS reste difficile à mettre en place lorsque l’Etat n’a pas les structuresnécessaires pour s’imposer face aux différentes milices. Toutefois, le statut quo n’est pasune solution car « In fine, [il] ne profite qu'à la mouvance islamiste, adossée aux mosquées,dont les régimes ne peuvent empêcher la fréquentation. La Mosquée devient l'alternativeau Palais 169». C’est pourquoi les actions de l’Union et des Etats membres qui sont le plussouvent bien coordonnées ont un rôle important à jouer dans la région. Les projets de la

166 Stratégie Européenne de Sécurité, Bruxelles le 12 Décembre 2003, p.1167 Idem168 Antoine Basbous,L'Union pour la Méditerranée entre rêve et utopie, Le Figaro, ,17/04/2008

169 Idem

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présidence Française de l’Union peuvent permettre une avancée majeure dans le cadre dela coopération policière sujet peu abordé par les projets institutionnels européens170.

D’après le Commissaire Divisionnaire Clouzeau, plusieurs programmes sont à l’étudedans le cadre de l’Union pour la Méditerranée et notamment un projet de coordination desmoyens en matière de Sécurité Civile. Ce projet de Centre Méditerranéen de ProtectionCivile recueille un large consensus et permettrait une meilleure formation des équipes desécurité civile au sud de la Méditerranée et serait aussi basé sur des échanges d’experts.Cette proposition est née du besoin de coordination ressenti lors des grands feux de forêtl’été dernier. Un autre projet est celui d’un Centre Européen de Coopération et de LutteAnti-drogue (CECLAD), qui serait en charge de la surveillance maritime en méditerranée.Basé à Toulon, il coordonnerait les actions à l’encontre des trafiquants. La France sembledéterminée à être pionnière dans ce dossier quitte à créer le centre pour être après rejointepar les autres pays membres. Il s’agirait du pendant méditerranéen du MAOC-N (TheMaritime Analysis and Operations Centre – Narcotics) , un centre de lutte anti-drogue del’Union Européenne qui a ouvert ses portes le 25 juillet 2007 à Lisbonne. Un autre pendantserait la sureté maritime (lutte contre le crime organisé et l’immigration clandestine par lacréation d’unités de surveillance communes). Lors de la Conférence du 13 Juillet, les chefsd’Etat ont par ailleurs fait de la lutte contre le terrorisme une priorité : « Les chefs d'Etat ou degouvernement réaffirment leur condamnation du terrorisme sous toutes ses formes et danstoutes ses manifestations, ainsi que leur détermination à l'éradiquer et à lutter contre ceuxqui le soutiennent ». Mais cette lutte doit être en conformité avec les standards européensde protection des droits de l’homme. La Déclaration finale de l’Union pour la Méditerranéey fait explicitement référence car les Etats s’engagent « a mettre intégralement en œuvrele Code de conduite en matière de lutte contre le terrorisme afin d'améliorer la sécurité detous les citoyens dans un cadre qui assure le respect de l'Etat de droit et des droits del'homme, en particulier au moyen de politiques de lutte contre le terrorisme plus efficaces etd'une coopération plus étroite pour faire cesser toutes les activités terroristes, protéger lescibles potentielles et gérer les conséquences des attentats 171». Avec de telles exigences,

la question de Platon dans La République «Sed quis custodiet ipsos custodes 172 » se

pose toujours avec autant d’acuité.

170 A ce sujet voir, Sophie Garcia Jourdan,L’Union Européenne face à la criminalité transnationale organisée, Cahiers de laSécurité intérieure, n°54, quatrième trimestre 2003, p.155-171

171 Déclaration finale de l’Union pour la Méditérannée, 13 juillet 2008172 "Mais qui garde les gardes eux-mêmes ?", Juvenal, Omnia Romae, vi, 347

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Annexes

Adaptation d'une chronologie parue sur le Monde.fr ettitrée « Le Liban l’incessant jeu des alliances »

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Situation politique du Liban, 2006 (Le Monde.fr)/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'institut d'Etudes Politiques de lyon /!\

Interviews

■Compte-rendu de l’Interview de Mr Pierre Antonmattei le 22/05/2008,à Paris

/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'institut d'Etudes Politiques de lyon /!\

■ Interview du Contrôleur Général de la Police Nationale JeanEric Lacour, Sous Directeur de la Coopération Technique etInstitutionnelle, le mardi 8 Avril 2008, à Nanterre.

/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'institut d'Etudes Politiques de lyon /!\

■ Compte-rendu de l’interview du Commissaire Divisionnaire MatthieuClouzeau, Adjoint au Sous Directeur de la Coopération Technique etInstitutionnelle, le mardi 8 Avril 2008, à Nanterre.

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Annexes

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Le projet euro-méditerranéen quelle place pour lasociété civile ?

● Article 12 de la déclaration des droits de l’homme est du citoyen (1789) : « le butde toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptible del’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. »

Suivant cette définition le projet d’Union Euro méditerranéenne dont les buts affichéssont aussi bien politiques qu’économiques se doit d’assurer ces droits. Pour ce faire l’Unioncherche à assurer le développement de la « société civile », vue par de nombreux auteurset analystes comme « le » remède pour imposer petit à petit un « espace de sécurité et destabilité » aux Etats de la région qui, de fait, ont une tradition de régime autoritaire. Quellessont les applications pratiques de ce principe dans l’Union et qu’entend t on par sociétécivile ?

La société civile est un concept de philosophie politique dont le sens à particulièrementévolué au fil du temps. Sa relation par rapport à l’Etat est l’aspect le plus important de ceconcept : la société civile est-elle un rempart contre l’envahissement de la sphère privéepar l’Etat ou au contraire fait elle partie de l’organisation politique et donc de l’Etat ? Laconception de la « societas civilis » chez les romains est redondante : civitas signifie en effet« la cité, le groupe politiquement organisé et la société des citoyens qu’elle rassemble »173.Pour Cicéron qui emploie quelque fois ce terme de société civile « la loi est le lien de lasociété civile »174. Il n’y a donc pas au début de différence entre l’Etat et la société civilepour les penseurs antiques. Cette notion évoluera au fil du temps avec Hegel et Marx ;Les penseurs marxistes développeront l’idée que l’Etat est une superstructure aux ordresde la classe dominante détenant les moyens de production et la société civile doit s’enémanciper pour parvenir à l’organisation d’une société sans classes sociales. Ainsi au fildu temps la société civile longtemps indissociable de l’Etat a vu sa signification changerpour apparaître comme un contre pouvoir aux régimes autoritaires (En Amérique du Sudet dans les satellites soviétiques). La définition actuelle de la société civile étant l'ensembledes institutions (famille, entreprise, association...) où les individus poursuivent des intérêtscommuns sans interférence de I'Etat et, « selon des procédures qui leur sont propres,élaborent des valeurs spécifiques »175. Cette idée d’opposition à un ordre considéré commeinjuste est tout a fait présente dans le terme société civile internationale englobant lesaltermondialistes les défenseurs des droits de l’homme. Beaucoup d’analystes semblentpenser que le développement d’institutions libérales extérieures à l’Etat (marché et sociétécivile) favoriserait la démocratisation du pays sans détailler plus les composantes d’untel processus. C’est la critique développée dans Les limites d’une démocratisation par lasociété civile en Afrique du Nord de Jean-Noël Ferrié qui dénonce un phénomène de mode

173 Société civile : histoire d’un mot par François Rangeon Maître de conférence à l’Université d’Amiens174 De Republica, I, 32 Cicéron175 Y. Cannac, Le débat N° 26, 1983

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quant au rôle de la société civile qui éviterait de se poser les bonnes questions. Qu’en est-il des programmes de l’Union Européenne dans la région ? Sont-ils basés sur la mêmeidée et quels sont les résultats accomplis ? Dans une première partie nous aborderons lesprogrammes lancés par l’U.E. dans le cadre du projet Euromed (I) puis nous étudierons demanière plus globale l’évolution de la société civile dans la Région (II).

Le Partenariat Euro méditerranéen : une volonté d’associer la société civile.Orientations généralesLe lancement du Partenariat Euro- Méditerranéen en 1995 a été marqué par l’inclusion

de clause des droits de l’homme dans les accords d’association. De plus, pour montrerl’engagement des Etats à inclure la société civile dans les négociations, un Forum Civil aété organisé en parallèle de la conférence intergouvernementale.

La déclaration de Barcelone affirmait dans sa Première Partie : « Dans cet esprit, ils s'engagent, par la déclaration de principes suivants, à : Développer l'Etat de droit et la démocratie dans leur système politique tout en

reconnaissant dans ce cadre le droit de chacun d'entre eux de choisir et de développerlibrement son système politique, socioculturel, économique et judiciaire ;

respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales, ainsi que garantirl'exercice effectif et légitime de ces droits et libertés, y compris la liberté d'expression, laliberté d'association à des fins pacifiques et la liberté de pensée, de conscience et dereligion, individuellement ainsi qu'en commun avec d'autres membres du même groupe,sans aucune discrimination exercée en raison de la race, la nationalité, la langue, la religionet le sexe ;176 »

Puis dans la Troisième Partie :« Ils reconnaissent la contribution essentielle que peut apporter la société civile

dans le processus de développement du partenariat euro méditerranéen et en tant quefacteur essentiel d'une meilleure compréhension et d'un rapprochement entre les peuples ;

En conséquence, ils conviennent de renforcer et/ou mettre en place les instrumentsnécessaires à une coopération décentralisée pour favoriser les échanges entre les acteursdu développement dans le cadre des législations nationales : responsables de la sociétépolitique et civile, du monde culturel et religieux, des universités, de la recherche, desmédias, des associations, les syndicats et les entreprises privées et publiques ; 177»

De fait, la société civile s’est mobilisée dès le début de ce partenariat. Ainsi le REMDH(Réseau Euro Méditerranéen des Droits de l’Homme) à été crée entre la conférenceintergouvernementale de Malte et de Stuttgart. Il s’agit d’une organisation issue de la

176 Déclaration de Barcelone, 27 et 28 Novembre 1995 http://www.fmes-france.net/article.php3?id_article=120177 Idem

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coopération entre ONG nationales de défense des droits de l’homme. Elle comprend plusde cinquante membres en provenance de 9 pays de l’union et de 10 pays méditerranéens.

Son action passe par le Lobbying auprès de la commission européenne (qui exécutele budget) et le Parlement Européen (qui vote le budget et exerce une activité de contrôle)

Le Forum des Citoyens de la Méditerranée (FCM) a participé au Forum Civil de 1995 àBarcelone il s’agissait de fonder un lien entre les peuples des deux rives de la méditerranéeil est présent à chaque moments importants du Partenariat sans être partie intégrante del’organisation institutionnelle de l’Union Euromed. La commission facilite les rencontres desreprésentants de ce forum avec les institutions européennes.

La mise en pratique : les cas Algériens, Marocains et le statut des accordsd’association.

« L’accent est également mis sur le secteur social et la société civile avec un projetde développement socio-économique dans le Nord-est algérien, une aide aux associationsalgériennes de développement, la réhabilitation de projets dans des zones affectées parle terrorisme dans six wilayas du Nord-est algérien, l’appui à l’enseignement supérieur parle biais du programme «Tempus» de l’Union européenne et des subventions aux ONGalgériennes dans le cadre de l’Initiative européenne pour la Démocratie et les Droits del’Homme (IEDDH).

Quelques 230 millions d’euros ont été engagés, depuis 2000, au titre de MEDA.Quatre nouveaux programmes ont été initiés: appui à la réforme des télécommunicationset de la poste (17 millions d’euros), assistance aux journalistes et médias (5 millionsd’euros), modernisation des forces de police (8 millions d’euros) et réforme de la formationprofessionnelle (60 millions d’euros).Le programme pour la période 2002-2004 a couvertquatre grands domaines: appui aux réformes économiques et aux institutions visant àrenforcer l’économie de marché, développement des infrastructures, développement desressources humaines et activités de soutien à l’Etat de droit et la bonne gouvernance.

La stratégie des partenaires insiste également sur les priorités sociales à respecterparallèlement aux réformes économiques: renforcement des institutions algériennes;promotion de l’Etat de droit (police, ONG, etc.); développement des ressources humaineset de l’éducation, amélioration des systèmes d’approvisionnement en eau.

Quelques 106 millions d’euros additionnels ont été prévus dans le cadre du partenariateuro méditerranéen pour la période 2005-2006. Au total, l’Algérie a bénéficié, depuis 1995,d’un financement de 397 millions d’euros engagés au titre du programme MEDA »178

Ainsi le programme MEDA a cherché à favoriser l’Etat de droit et l’émergence d’uneréelle société civile, des leaders d’opinion par le biais de la formation des forces de sécuritéet des civiles (universitaires) et de la subvention aux associations non gouvernementales.

Il est à noter que cet engagement en faveur de la société civile et de la protectiondes droits fondamentaux ne date pas du processus de Barcelone. Déjà en 1992 l’UnionEuropéenne avait suspendu son aide économique au Maroc pour la violation répétée desdroits de l’homme dans ce pays.

Les accords d’association qui ont suivi le Processus de Barcelone devaientexpressément permettre la mise œuvre de système de protections des droits ainsi quel’émergence de la société civile. De fait ces clauses n’ont pas été remplies pour les accords

178 Brochure célébrant les 10 ans du partenariat Euro méditerranéen, p. 8 (2005)

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d’association avec la Turquie et Israël. La Tunisie ne respecte pas ce principe pourtant citéà l’article 2 de son accord d’association.

La société civile dans la région entre impuissance et développementLe thème de la société civile est l’un des plus porteurs dans le domaine politique actuel.

Ainsi nombre d’Etats de la région ont cherché à mettre en place une libéralisation à la foispolitique et économique pour satisfaire les bailleurs de fonds ainsi que pour diminuer lecoût d’une répression dont l’utilité marginale était nulle179. Nous verrons après une brèveapproche théorique (A) le cas de la République de Turquie et du régime Marocain (B) quisemblent au premier abord être des réussites de la libéralisation et du développement dela société civile.

La démocratisation par la société civile : quels processus, quels partenaires ?

Jean Ferrié dans son article Les limites d’une démocratisation par la société civile enAfrique du Nord (2003) critique les auteurs férus de la « good governance » qui affirmentqu’une démocratisation est possible par le biais de la société civile qui imposerait petit à petitdes règles aux gouvernements. S’il est vrai qu’un processus de libéralisation ne saurait êtretotalement remis en cause par la volonté de l’Etat il n’en est pas moins que le développementde la société civile est le fruit de la bonne volonté de l’Etat et non pas quelque chose quis’imposerait aux Etats. Ainsi la Libye a tenté un processus de réforme économique importanten 1988 qui fût vite balayé mais qui n’a pas ramené la société Libyenne au stade où elleen était avant les réformes.

De fait, l’auteur rappelle les limites d’un tel processus sur les choix des gouvernantsles ONG constitutives de la société civile recherchent en effet la collaboration de l’Etatbien plus que le conflit ouvert avec celui-ci. De même il va de soi que les entrepreneursne sauraient être gagnants lors d’un bras de fer avec les gouvernement ceux-ci n’étantde fait pas lié au destin des entreprises du pays tandis que les entrepreneurs dépendentdu bon vouloir de l’administration pour la bonne marche de leurs affaires (réglementationaccréditations déductions d’impôts). Les Etats de la région ont abandonné des pans entierde l’économie et se retrouvent incapables (Socialisme de l’Egypte de Nasser ou en Algérie)ou ne veulent pas (Sud Liban) mener à bien la production de services aux populations. Lesseules réussites politiques de ces Etats étant leurs politiques sécuritaires les maintenant aupouvoir, la société civile est en fait la réaction de la société pour survivre face à ce « systèmede pénurie ».

La stabilité des régimes autoritaires de la région à poussé les opposants à investirla sphère de la production de service gagnant ainsi la légitimité nécessaire pour parlerau nom du peuple vis-à-vis des gouvernements et ainsi réintégrer la vie politique en tant« qu’association de plaidoyer » auprès de l’Etat. L’exemple type est les Frères musulmansen Egypte qui assure de nombreux services à la population et dont les membres sontélus sous l’étiquette indépendant au Parlement Egyptien (Cet exemple vaut aussi pour leHezbollah libanais ou le Hamas Palestinien). De fait si les activistes politiques s’inscriventdans la création d’associations celles-ci ne sont tolérées que si elles ne remettent pas encause l’ordre politique établi. De plus la plupart des associations n’ont de fait qu’un but localet ne sont pas des organisations politiques il s’agit tout au plus d’une défense d’intérêts

179 Les limites d’une démocratisation par la société civile en Afrique du Nord de Jean-Noël Ferrié Maghreb Machrek N°175Printemps 2003

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sectoriels qui ne nuît pas à l’autoritarisme libéral mis en place dans la région et permetl’émergence de nouveaux décideurs technocrates co optés par le gouvernement.

De plus, la présence d’associations de service est un élément nécessaire à ces Etatspour avoir accès à un certain nombre de financements qui sont directement versés à cesassociations. Il est vrai que la société civile peut porter les revendications de la population etpar ce biais apporter un vent de démocratisation. L’USAID en Egypte a cherché à associerles élus, les ONG et les populations dans des actions concrètes avant de les pousser àoutrepasser leur fonction première en devenant des associations de plaidoyer. Mais de faitles associations de doléance sont utiles aux gouvernements de la région en permettant uneremontée d’information sur l’état de l’opinion et permettant de déterminer les mesures àprendre. De plus, cela assure une participation non politique de la part des gouvernés.

Ainsi on peut affirmer comme l’a démontré Bradford Dilman180 que la libéralisationéconomique a certes permis une ouverture vis-à-vis de la société civile mais à bien pluspermis aux Gouvernants de raffermir leur pouvoir au lieu de faire naître des contre-pouvoirsau sein de la société.

La Turquie et le Maroc : une réussite à nuancer

Turquie : La Nouvelle étoile Européenne ?

La Turquie et le Maroc sont aujourd’hui considérés comme les régimes les plus stablesde la région : la Turquie est reconnue comme un candidat officiel à l’entrée dans l’UnionEuropéenne et le Maroc est salué pour les réformes mises en place par le jeune roi aprèsla mort de son père Hassan II. Mais il faut toutefois nuancer cette « success story » moyenorientale : la démocratisation observée n’est que parcellaire et la société civile y est museléeou laisse place a des mouvements extrémistes qui rejettent cette vision d’une démocratiemodérée obtenue par une transition sans violence

L’Union Européenne dans son Rapport sur les Progrès de la Turquie en 2004 a notédes améliorations positives dans le traitement des minorités sur la réforme de la Justice etles droits de l’homme181.

L’adoption d’un nouveau code pénal en 2005 a permis d’établir avec fermeté lesdroits fondamentaux des minorités et des citoyens (liberté d’expression et de conscience).Néanmoins il y a de nombreuses atteintes aux droits exercés par les forces de sécuriténotamment à l’Est du pays. Les libertés fondamentales sont très encadrées. La justiceturque n’apparaît pas capable d’appliquer la règle de droit vis-à-vis des officiers dePolice182.L’article 301 du nouveau code pénal punit très sévèrement « les insultes vis-à-vis de l’Etat ou de ses institutions ». Sa définition très large a permis de condamner etd’emprisonner Hrant Dink en Octobre 2005 pour des propos tenus sur le génocide arménien.

180 « Facing the market in North Africa », The Middle East Journal volume 55 N°2, 2001 pages 165-181.181 Turkey 2005 Progress Report, p.9 European Commission182 Idem, page 23, « According to official statistics, of the 1 239 cases that were filed against law enforcement officials

in the first quarter of 2005, only 447 prosecutions were pursued. Moreover, there are concerns that when cases are pursued,prosecutors still do not conduct timely and effective investigations against those accused of torture.[…] Convictions are rare and thecourts appear to be unable or unwilling to impose appropriate sanctions on those committing these crimes. In 2004, of the 1 831cases concluded, 99 led to imprisonment, 85 to fines and 1 631 to acquittals. […] Police officers facing trial for such crimes arefrequently not removed from duty pending the outcome of the trial”

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La nouvelle loi sur les associations de 2004 établit de sévères restrictions sur lesactivités supposées nuire à l’intérêt de la Turquie183 au mépris de l’au mépris de l’article 11de la CEDH (Intégrité de l’Etat, Laïcité de la société turque). Les financements étrangersdoivent être autorisés par le gouvernement et les vexations sont multiples. Néanmoinscertaines associations Kurdes et arméniennes ont pu voir le jour après de multiplesrebondissements judiciaires et peuvent exercer leurs activités sous un sévère contrôle.

Le Maroc : « Ni tout à fait le même ni tout à fait un autre » 184

Le Maroc fait quant à lui figure d’élève modèle du bassin méditerranéen : les réformeslibérales lancées par le Roi font l’unanimité parmi les observateurs et on loue la relativeliberté dont jouissent les sujets du royaume chérifien. Mais qu’en est-il de la sociétécivile ? S’est elle épanouie sous le règne du nouveau Roi et si oui en a-t-il résulté unedémocratisation de l’Etat Marocain comme le laisserait penser la théorie ?

L’histoire de la libéralisation du régime Marocain remonte à la fin du règne d’HassanII disparu en 1999: mais ce mouvement avait déjà été amorcé en 1998 par la nomination enFévrier 1998 de A Yassoufi leader historique de l’opposition au poste de premier ministre.

Dans les faits un nouveau dialogue social et politique s’est crée au Maroc sous l’égidedu Palais : Elections en 1997, négociations puis signature d’un accord entre la CGEM(confédération générale des entreprises du Maroc soutenu par le régime) et les principauxsyndicats en Août 1996 et un consensus politique rassemblant tous les courants politiquesautour des reformes institutionnelles ratifiées par un référendum en septembre 1996. Leslibérations successives de prisonniers politiques dans les années 1990 et la création d’unerhétorique des droits de l’homme au sein même de l’Etat (création d’un ministère desdroits de l’homme en 1993) avaient lancé ce processus de libéralisation. Les années 1990ont vu l’émergence de nombreuses nouvelles structures associatives qui flirtent avec lemonde politique ou restent dans leur statut d’associations pour le développement local.Les élections législatives de 2002 ont permis de légitimiser cette idée de démocratisationmême si ces élections restent biaisées et n’influent pas sur le choix des gouvernants quireste la prérogative du Roi. La société civile est elle indépendante ? La CGEM cherche às’autonomiser du Ministère de l’intérieur à qui elle reste liée, d’autres associations tellesque le Forum Vérité Justice (FVJ) est un flagrant exemple de la libéralisation du régime auniveau politique. Cette association créée pour empêcher la mise au placard des dossiersde violation des droits de l’homme pendant le régime d’Hassan II. Il y a un changementdes pratiques de la monarchie qui réintègre les anciens prisonniers politiques et cherche àpréserver la paix sociale tout en conservant une réelle emprise sur la société. L’Etat créedes structures mi-privées mi-publiques pour conserver le contrôle des associations maisaussi pour satisfaire les doléances émises par les individus par le biais des associations.L’Agence de Développement Social en est un réel exemple et cherche à placer le pouvoirdans les mains d’un supposé technocrate pour mettre en place des partenariats avec lesassociations.

La libéralisation du régime est donc réelle mais très contrôlée par le régime qui voitse glisser parmi les associations des mouvements islamiques violemment opposés à lamonarchie et aux réformes.

Pour conclure nous pouvons reprendre les propos de Michel Camau « les régimessont eux-mêmes à l’origine de changements dont ils maîtrisent l’ampleur, la portée, de telle

183 Idem, page 27184 Métamorphose et continuité du régime marocain, Maghreb Machrek n°175 Printemps 2003

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Annexes

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manière que la phase initiale de la transition, la libéralisation, peut s’avérer le moyen de

faire obstacle à la démocratisation 185 »

185 M Camau, « La transitologie à l’épreuve du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord », Annuaire de l’Afrique du Nord 1999,tome 38, 2002, p.5

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Ressources Numériques

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http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/defense-securite_9035/cooperation-militaire-defense_9037/les-ecoles-nationales-vocation-regionale_12533/une-force-integration_26394.html

_ Le STIP, Site du Ministère de l’Intérieur, http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_l_interieur/la_police_nationale/organisation/sctip/sctip/view

_ Site de la Fondation Méditerranéenne d’Etudes Stratégiques http://www.fmes-france.net

_ Police accountability in Turkey, Site de l’Union Européenne, http://ec.europa.eu/enlargement/fiche_projet/document/TR%200301.01%20Strengthening%20accountability%20of%20police.pdf

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_ Site de l’Union Européenne Section élargissement, http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/e50015.htm

_ Le partenariat euro Méditerranéen http://ec.europa.eu/external_relations/euromed/index_en.htm

_ Centre de recherche stratégique de la République de Turquie http://www.sam.gov.tr/default.php

_ Site officiel du Collège Européen de Police http://www.cepol.europa.eu/

_ Site officiel de l’Institut Turc des Etudes de Police http://www.tipsonline.org/