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UNIVERSITÉ LYON 2 Institut d’Etudes Politiques de Lyon Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice Michel Anne-Sophie Quatrième année d’IEP Séminaire : La construction européenne à la croisée des chemins : quelles orientations entre approfondissement et élargissement ? Sous la direction de Laurent GUIHERY soutenu le 4 septembre 2008 Année universitaire 2007-2008

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UNIVERSITÉ LYON 2Institut d’Etudes Politiques de Lyon

Le modèle danois : Une idiosyncrasieinspiratrice

Michel Anne-SophieQuatrième année d’IEP

Séminaire : La construction européenne à la croisée des chemins :quelles orientations entre approfondissement et élargissement ?

Sous la direction de Laurent GUIHERYsoutenu le 4 septembre 2008

Année universitaire 2007-2008

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Table des matièresIntroduction . . 4 Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques . . 7

I/ Histoire du Danemark, fondement de sa spécificité . . 7A- D’une grande puissance à un petit Etat . . 7B- Une histoire politique et sociale fondatrice . . 9

II/ L’idiosyncrasie économique et sociétale . . 13A- Une économie atypique: Un petit pays ouvert sur l’extérieur . . 13B- Un tryptique sociétal unique: Liberté, Sécurité, Egalité . . 17

Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence socialdemocrate? . . 21

I/ L’Etat-Providence social-démocrate . . 21

A- G øs ta Esping Andersen, théoricien de l’Etat-Providence66 . . 21B- Les fondements de L’Etat-Providence social-démocrate . . 23

II/ Le triangle d’or: Flexibilité-Sécurité-Activation . . 26A/ Une flexibilité partagée . . 26B/ Une sécurité assurée . . 30C/ Une activation développée . . 32

III/ Une évaluation critique du système social danois . . 37A- Le triangle d’or à l’épreuve de la critique . . 38

B- Le contrat social sous pression ?170 . . 41Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe . . 46

I/ Enjeux et limites d’une inspiration de la «flexsécurité» . . 46A- La «flexsécurité» adaptée aux nouveaux défis de l’Etat Providence? . . 47B- S’inspirer de la «flexsécurité», un exercice périlleux . . 51

II/ Une approche européenne de la «flexsécurité» . . 54A- Vers une approche commune de la «flexsécurité» . . 55B- Raisons et enjeux d’une implication européenne . . 57

Conclusion . . 63Annexes . . 65

Le triangle d’or . . 65Les réformes de la politique de l’emploi au Danemark depuis 1994 . . 66An overview of the Danish system of “flexicurity” . . 67Les principes communs de «flexsécurité» . . 68

Bibliographie . . 70Résumé . . 76Abstract . . 77

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Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice

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Introduction

Le matin à Copenhague, il n’est pas rare de voir un député danois en costume, se rendantau parlement en sifflotant sur son vélo, sa mallette de travail solidement accrochée sur leporte bagage.

Assurément, la capitale danoise respire «la douceur de vivre». Dans une ville où lesvélos ont remplacé les voitures, où les maisons colorées bordent des rues pavées, où lesparcs et canaux oxygènent le centre-ville, il règne une atmosphère de village. La quiétudeet la sérénité sont les premiers sentiments qu’inspire la vie dans la capitale.

Copenhague est la vitrine de l’Etat danois. Ville la plus cosmopolite du Danemark, ellecultive son dynamisme tout en préservant un haut niveau de qualité de vie. La capitalesymbolise ainsi la réussite de l’Etat-Providence social-démocrate danois.

Durant l’année universitaire 2006-2007, j’ai effectué mon année de mobilité àl’université de Sciences Politiques de Copenhague. Cette année passée en immersiondans la capitale danoise fut l’occasion de découvrir la réalité du modèle danois. Désirantcomprendre les facteurs déterminants qui en font un modèle de référence, j’ai pu égalementm’apercevoir de l’existence de certaines tensions.

Ayant pris le recul nécessaire un an après mon retour, écrire ce mémoire est l’occasiond’achever mon expérience danoise en mettant à profit les connaissances acquises durantmon année d’immersion.

Le Danemark, petit état d’Europe du Nord, se caractérise par un modèle de sociétéparticulier, fondé sur l’homogénéité et le consensus. Inscrit dans une longue histoirepolitique et sociale, ce modèle s’adapte régulièrement aux caractéristiques changeantesdu contexte international. Ainsi grâce à une mutation du modèle dans les années 90 leDanemark est devenu aujourd’hui un des Etats les plus dynamiques de l’Union Européenne.

La réussite de l’Etat danois a suscité l’admiration de ses voisins européens. Le modèlede société danois est devenu un modèle de référence. En 2004, dans un rapport destiné àl’Assemblée Nationale, Pierre Méhaignerie s’interroge: Existe-t-il un «miracle danois»? 1.

Le concept du «miracle danois» traduit la volonté des états européens de trouverune inspiration qui leur permettrait de retrouver un certain dynamisme économique tout endéveloppant un haut niveau de cohésion sociale.

Cependant l’image du miracle s’est peu à peu estompée. Les spécificités du Danemarksont alors apparues comme déterminantes. Le contexte historique, social et culturel de cepetit Etat nordique aurait ainsi raison de sa vocation à l’exportation.

Au stade actuel de la réflexion (Fin 2007), ce mémoire se propose donc de réfléchir àla question suivante: les spécificités du modèle danois empêchent-elles de considérer cemodèle comme une source d’inspiration ?

1 MEHAIGNERIE, Pierre. Rapport d’information sur le marché de l’emploi au Danemark. Assemblée nationale, N°1913.Novembre 2004. 31 pages

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Introduction

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Il s’agit, par cette étude, de sortir d’une opposition stérile entre un optimisme naïfconsistant à penser que l’on peut transposer un modèle et un pessimisme excessif nourripar une insistance trop forte sur les spécificités systémiques du modèle.

Etudier les caractéristiques du modèle danois pour comprendre ce qui en fait unensemble idiosyncratique est le premier objectif.

Le contexte historique, la structure économique ainsi que les caractéristiques sociétalesont fait émerger un système social spécifique. Reposant sur trois piliers, le système dit de«flexsécurité» est un exercice d’équilibriste. Il suppose, en effet, de concilier la flexibilité,la sécurité et l’activation.

Si en anglais le terme de «flexicurity» fait pratiquement l’unanimité, la combinaisonlexicale de la flexibilité et de la sécurité connaît plusieurs variantes en français. On parleaussi bien de «flexicurité», de «flexsécurité», voir de «flexisécurité».

Le terme retenu dans cette étude est celui de «flexsécurité». C’est, en effet, l’expressionqui est apparue le plus souvent au cours des lectures.

Véritable incarnation d’un Etat-Providence social-démocrate, fondé sur l’universalité etla redistribution, le Danemark organise son modèle de société autour d’une homogénéitéconstamment entretenue grâce aux piliers de la sécurité et de l’activation. La cohésionsociale est ainsi un facteur clé de ce modèle.

Etudier le modèle danois est donc l’occasion de mener une réflexion sur ce qui fait unmodèle de société. Il semble que si l’établissement de règles et la construction d’institutionssoient des facteurs constitutifs d’une société, le développement d’un lien social apparaîtdéterminant. Ce dernier repose sur des valeurs partagées ainsi que sur une vision communede l’avenir.

La volonté de vivre ensemble s’exprime à travers la solidarité, pilier d’une société. Endéfinissant les bases de la solidarité ainsi que les conditions du lien social, l’Etat providence,revêt une importance déterminante dans les sociétés européennes contemporaines.

En étudiant le modèle danois, il s’agit de découvrir un Etat-Providence social-démocrateet donc de se pencher sur le concept même d’Etat-Providence théorisé par Gøsta EspingAndersen. Réussir à trouver un équilibre entre la solidarité et la compétitivité est la vocationdes Etats-Providence existants dans les sociétés européennes contemporaines.

Ayant apparemment trouvé cet équilibre, le modèle danois est devenu un modèle deréférence. Il ne faudrait cependant pas omettre d’évoquer les limites de ce modèle. Eneffectuant une évaluation critique de l’activation comme en mettant en lumière les tensionsexistantes, il s’agit de nuancer la réussite de l’Etat-Providence danois. En effet, les politiquesactives de l’emploi sont critiquées pour leur manque d’efficacité tandis que la question del’immigration met au défi l’homogénéité et le contrat social de base de la société.

Malgré ces tensions, le modèle danois est devenu une source d’inspiration enEurope. En effet, le «Danemark connaît une situation économique et sociale absolumentexemplaire»2. Par cette phrase, Michel Rocard, préfacier de l’ouvrage de Mogens Lykketoft,exprime le sentiment de nombreux observateurs européens.

Ce mémoire est donc aussi l’occasion d’ouvrir la réflexion sur le modèle danois en tantque source d’inspiration en Europe.

A Lisbonne en 2000, les Etats membres de l’Union Européenne se sont fixés desobjectifs ambitieux: «Devenir l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus

2 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages

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Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice

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dynamique au monde, capable d'une croissance économique durable accompagnée d'uneamélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale»3

est le défi que les européens se sont engagés à relever.Afin d’atteindre les objectifs de Lisbonne, les Etats européens cherchent l’inspiration

parmi les modèles qui semblent les plus performants. Déterminer les atouts dont dispose le

modèle danois pour répondre aux défis du XXIème siècle permet d’envisager la pertinencede ce modèle en tant que source d’inspiration.

Cependant s’inspirer d’un modèle peut s’avérer périlleux. Un certain nombre decontraintes limitent cette ambition. En effet, chaque société possède une façon qui lui estpropre de faire société, d’organiser la solidarité et la compétitivité.

Comme les états européens ont aussi des caractéristiques communes, s’intéresser auniveau européen peut permettre de sortir de l’opposition stérile évoquée précédemment.Etudier le modèle danois est l’occasion de se pencher sur la reprise du concept de«flexsécurité» par l’Union Européenne.

Il s’agit ainsi de voir dans quelle mesure le niveau européen peut s’avérer un niveaupertinent de régulation. En établissant un cadre commun de référence l’Union met l’accentsur les valeurs partagées par les Etats membres.

L’intérêt porté par l’Union à la question sociale au travers de la reprise du concept de«flexsécurité» témoigne de l’importance grandissante de la cohésion sociale au sein del’Union.

Les différentes caractéristiques historiques, économiques et sociales du Danemark(chapitre premier) ont fait émerger un Etat Providence performant reposant sur le systèmesocial de la «flexsécurité» (chapitre deuxième). L’ensemble caractérise l’idiosyncrasiedanoise.

Malgré ses spécificités le modèle danois est une source d’inspiration en Europe(chapitre troisième). La «flexsécurité» s’inscrit désormais dans un contexte européen.L’Union Européenne entreprend de mettre en place des principes communs de«flexsécurité» supposés à même de permettre aux Etats européens de répondre aux défis

du XXIème siècle.

3 BERTONCINI, Yves ; Wisnia-Weill, Vanessa. La stratégie de Lisbonne, une voie européenne dans la mondialisation. Centred’analyse stratégique. Septembre 2007. 47 pages

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Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques

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Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise :Fondements et caractéristiques

Définir une structure sociale, un ensemble de règles s’appliquant à la société, est la fonctiond’un «modèle de société». Le modèle danois ne se résume pas à son système social maiss’inscrit dans un contexte à la fois historique, économique et social particulier.

Mettre en lumière cette histoire danoise est le premier objectif de ce chapitre. En effetla continuité historique est la grande clé de cette construction du modèle danois4. L’étudedes caractéristiques économiques et sociales du Danemark nous permet, dans un secondtemps, de comprendre le caractère idiosyncratique de cette société.

Ce premier chapitre a pour objectif de permettre l’acquisition des clés decompréhension indispensables à l’étude du système social danois. Poser les bases de cetteidiosyncrasie danoise nous permet de nous immerger dans «le modèle danois». En effet lesspécificités du contexte historique, économique et social tout comme celles de la structureactuelle de l’économie et de la société sont déterminantes pour la suite du mémoire.

I/ Histoire du Danemark, fondement de sa spécificitéReplacer le Danemark dans son contexte historique, économique et social nous permetd’obtenir les premiers facteurs d’explications du «modèle danois». En effet, les traditions etl’histoire d’un pays sont primordiales lorsqu’il s’agit de comprendre le fonctionnement d’unesociété.

A- D’une grande puissance à un petit EtatSi la province du Jutland et les îles danoises sont peuplées depuis des milliers d’annéesc’est vers 980 que le pays est unifié par le roi Harald « à la dent bleue », également àl’origine de l’instauration de la monarchie en 950.

Le Danemark est donc un très vieil Etat-Nation et la plus ancienne monarchie d’Europeencore en place. En effet, monarchie constitutionnelle depuis 1849, la continuité duDanemark est actuellement assurée par la reine Margrethe II.

Aujourd’hui si petit parmi ses voisins scandinaves, le Danemark a pourtant connupendant des siècles un développement digne des plus grands. C’était, en effet, la plusgrande puissance d’Europe du Nord5 avant de perdre petit à petit la plupart de ses territoireset de subir l’occupation allemande pendant la seconde guerre mondiale.

4 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages5 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages

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a. Les Danois VikingsElément fondateur de cette symbolique de puissance, le mythe «Vikings» fait partieintégrante de l’imaginaire danois. En effet, l’histoire du Danemark se mêle à celle desfameux guerriers nordiques. Aux côtes des Suédois et des Norvégiens, les Danois ont ainsi

parcouru l’Europe jusqu’au XIème siècle.En menant des expéditions, parfois sanglantes, souvent violentes, les Vikings ont

répandu la crainte et la terreur chez les peuples européens. Mais leurs nombreusesconquêtes sont aussi à l’origine du mythe du guerrier valeureux, violent mais brave etcourageux. Le passage des Vikings a ainsi souvent semé des sentiments mêlés de crainteet d’admiration.

Cette réputation leur confère encore aujourd’hui une grande notoriété ainsi qu’unecertaine respectabilité. A travers les «villages Vikings» comme celui de Roskilde, les Danoiscontinuent de faire perdurer le mythe et la symbolique de ce peuple de conquérantsvaleureux mais dangereux.

b. Les Danois conquérantsDes siècles durant, le Danemark s’est inscrit dans cette histoire d’un peuple conquérant.Plus grande puissance d’Europe du Nord, le Royaume danois a contrôlé la Suède, laNorvège, la mer Baltique, des territoires en Allemagne et même l’Angleterre de 1013 à 1042.

L’Union de Kalmar de 1397 est la preuve de cette puissance passée. En effet, cetteunion scandinave réunit sous le joug danois la Suède et la Norvège. Si l’Union avec laSuède prend fin assez rapidement (en 1526), la Scanie (partie sud de la Suède) fait partiedu Danemark jusqu’en 1658.

Les guerres permanentes entre le royaume danois et la Suède au XVIIème siècle fontperdre au Danemark sa suprématie dans la mer Baltique au profit de la Suède. Le royaumedanois décide alors de participer aux campagnes napoléoniennes contre l’Angleterre. Maisla chute de Napoléon est synonyme de lourdes pertes pour le royaume danois. En effet, lecongrès de Vienne de 1815 officialise la naissance de la Norvège. Cette perte de territoireest le début d’une longue série pour le Danemark.

En 1864 après la défaite du Danemark face à la Prusse de Bismark, les provinces duSchleswig-Holstein sont rattachées à l’Allemagne. C’est un profond traumatisme pour lesDanois car ces provinces représentent presque un tiers des territoires danois. De nombreuxhabitants, souhaitant rester Danois, se réfugient alors au Danemark.

Mais les pertes de territoires s’enchaînent puisqu’en 1944 c’est au tour de l’Islande dese déclarer indépendante. Puis en 1948 les îles Féroé ainsi que le Groenland votent leurautonomie.

Cette histoire de grande puissance qui a été peu à peu dissoute explique que leDanemark soit un petit pays, homogène et surtout viscéralement attaché à sa liberté6. Acteurimportant de l’Europe du Nord pendant des siècles, le Danemark s’est aussi forgé unetradition de confiance et de sécurité qui a tout de même été mise à mal par la période del’occupation durant la seconde guerre mondiale.7

6 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages7 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages

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Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques

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c. Les Danois occupésAprès avoir été la plus grande puissance d’Europe du Nord, les Danois ont eu à subirl’occupation d’une autre grande puissance: celle des Allemands pendant la seconde guerremondiale. Neutre durant la première guerre mondiale, le Danemark n’échappe pas àl’invasion des Allemands le 9 avril 1940.

Cependant contrairement aux autres pays occupés, le Danemark conserve sesinstitutions et fonctionne à peu près normalement jusqu’en 1943. En effet, le gouvernementde rassemblement national, dirigé par Stauning, choisit pour le Danemark, une politique denégociation et de complaisance avec les Allemands.

Le Danemark bénéficie alors d’un statut particulier qui lui permet de conserver uneapparence de normalité. Pour le gouvernement social démocrate en place, cette stratégiede coopération plus ou moins loyale avec l’ennemi répond, non pas à une quelconqueobédience aux principes de ce régime totalitaire, mais à une analyse pragmatique et réalistede la situation selon laquelle seule cette stratégie permet de préserver la société danoise.

Cette relation ambiguë avec l’occupant prend fin en 1943. En effet, les actions menéespar les résistants Danois ont raison de cette « cohabitation » : les autorités allemandesdissolvent le gouvernement danois.

Jusqu’à la fin de la guerre, le Danemark connaît donc une période plus dured’occupation et des grèves éclatent. Les résistants s’opposent avec vigueur aux partisansde la complaisance.

Cette occupation a mis à l’épreuve la société danoise et la cohésion du pays. Pourretrouver une union politique il faut attendre la prise de pouvoir par les soviétiques enTchécoslovaquie en 1948. En effet, ce coup de force provoque une réaction d’unité chezles Danois, qui ne veulent pas être occupés de nouveau. Ils affirment alors leur unitéface à l’adversité et font renaître la cohésion. Les sociaux-démocrates dominent lesgouvernements durant une grande partie des années suivantes. Ainsi, depuis leur premièreprise de pouvoir en 1924 jusqu’en 1982, le parti social-démocrate n’a été éloigné du pouvoirque pendant douze ans8.

Cette grande puissance dominant ses voisins qu’était le Danemark a donc été réduite

jusqu’au point de devenir un petit état d’Europe du Nord, occupé par l’ennemi au XXème

siècle. Ce contexte historique singulier est à l’origine de certains fondamentaux de la sociétédanoise, à savoir l’attachement à la liberté et à l’identité danoise, mais aussi une capacité àfaire preuve d’unité face aux épreuves (pertes de territoires, occupation). En effet, les danoisont compris l’importance de la cohésion au fur à mesure que croissait leur vulnérabilité vis-à-vis de l’extérieur. La preuve du développement de cette cohésion et de la tradition du

consensus à la danoise se lit dans l’histoire politique et sociale du pays au XXème siècle.

B- Une histoire politique et sociale fondatriceSi l’aperçu historique sur le très long terme permet déjà de mettre en place certains traitsmarquants de la société danoise, l’histoire contemporaine est l’occasion de revenir sur lesbases, toujours en vigueur, du fonctionnement du système social.

a. Emergence de la social-démocratie8 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages

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La social-démocratie danoise émerge dans la deuxième moitié du XIXème siècle enconséquence de l’échec de la révolution que souhaitait mener les travailleurs danoispour faire valoir leurs droits. «La coupe est pleine»9, titre un hebdomadaire danois en1872, résumant ainsi la situation sociale explosive. Un temps tentés par la révolution, lespremiers sociaux démocrates se réorientent assez rapidement vers une ligne pragmatiqueet réformatrice10 qui devient une caractéristique des mouvements socialistes nordiques.

La fin du XIXème siècle est, en effet, caractérisée par une ébullition théorique incarnéepar le suédois Wicksell, acteur majeur de l’école économique scandinave. Il initie le cadrede pensée à l’origine du Keynésianisme ainsi qu’une façon de penser qui permet auxmouvements nordiques de développer une politique dite de gauche mais non marxiste11.Inspirateurs de la social-démocratie, les économistes produisent des théories qui sontappliquées par les dirigeants sociaux-démocrates.

Application de cette ligne pragmatique et réformatrice, le «compromis de septembre»12

est signé en 1899. Tournant dans l’histoire sociale contemporaine du Danemark, il émergeà la charnière des deux siècles car le contexte s’y prête et la réflexion théorique permet lamaturité nécessaire à l’élaboration de ce compromis.

Véritable acte fondateur du système social danois, cet accord permet au Danemark

de commencer le XXème siècle sur des bases solides. Ce compromis est un élémentde compréhension primordial du système, d’autant plus qu’il est toujours en vigueuraujourd’hui.

Il s’agit d’un règlement à l’amiable entre les employeurs et les salariés dans lequel lesdeux parties se reconnaissent mutuellement une légitimité et définissent respectivementleurs obligations et droits mutuels fondamentaux.

Tandis que les salariés admettent que les employeurs gèrent librement leur force detravail, les employeurs, de leur côté, reconnaissent le droit d’association et d’organisationdes travailleurs.

Si différents accords et règlements sont venus compléter ce compromis (règlementsur les conflits du travail en 1908, accord de collaboration entre les employeurs et salariésen 1947) il n’a jamais été remis en question et sert donc toujours de principe de base ausystème social.

b. Le système social à l’épreuve de la criseLa flexibilité est donc un principe fondateur du système social. La demande de protectiondes emplois n’a jamais vraiment été formulée par les travailleurs dans la mesure où le voletsécurité s’est développé à la suite du compromis constitutif du système social.

9 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages10 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages

11 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-7312 ABRAHAMSON, Peter. Le modèle scandinave en question in BOUGET, Denis et PALIER, Bruno (Sous la dir.) Comparer

les systèmes de protection sociale en Europedu Nord et en France, rencontre de Copenhague 4, PARIS, MIRE, DREES, 1998, tome1, p. 39-63.

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MICHEL Anne-Sophie_2008 11

Tout au long du XXème siècle l’état danois développe une politique de «bien êtresocial»13 en bâtissant un Etat-Providence dont l’objectif est de fournir «une protection duberceau au tombeau»14 à ses citoyens. La couverture sociale universelle est l’élémentcentral de ce second volet «sécurité» du système social danois. Son financement est assurépar l’état, au travers des impôts, depuis 1969.

La seconde moitié du XXème siècle est caractérisée par l’expansion de l’Etat-Providence. En effet les dépenses publiques augmentent de façon continue: alors qu’ilreprésentait 24,1% du PIB en 1960, le montant des dépenses publiques s’élève à 69,7%du PIB en 199315.

Cette montée en puissance est ralentie par l’arrivée de la crise pétrolière. Les années1970 sont difficiles pour l’économie danoise. En 1979 le ministère des finances tire lasonnette d’alarme en annonçant que «l’économie court à l’abîme»16. En effet l’augmentationdu taux de chômage rend les contribuables moins complaisants à l’égard des impôts.Le parti du progrès (Fremskridtspartiet), anti-taxes et nationaliste, fondé en 1972 parMogens Glistrup, figure emblématique de l’extrême droite danoise, devient la troisièmeforce politique du pays dans les années 70, avant de décliner et d’être éliminé par le partid’extrême droite Folkeparti dans les années 9017.

De plus, le succès des politiques économiques anglo-saxonnes efface la référencesocial-démocrate dans les années 80. Devenus, au début des années 90 les «hommesmalades»18 de l’Europe, les pays nordiques, et notamment le Danemark, ont perdu leurefficacité économique et sociale.

c. La rénovation du modèleCette crise profonde du modèle social danois agit comme un électrochoc et entraine unerefonte importante du système au début des années 90.

Le nouveau gouvernement social-démocrate de centre-gauche arrive au pouvoir enjanvier 1993. Dirigé par le premier ministre Poul Nyrup Rasmussen, il a la lourde tâche derénover le modèle danois pour l’adapter aux nouvelles exigences qu’impose une économiemondialisée.

Le ministre des finances, Mogens Lykketoft, entreprend de redresser les dépensespubliques. Des coupes budgétaires, l’établissement de règles contraignantes dans l’emploides fonds publics, une réorientation des dépenses en faveur de l’éducation et de larecherche ainsi qu’une réduction des pensions de retraite, des allocations familiales et des

13 ANDERSEN, Gosta Esping (with GALLIE Duncan, HEMERIJCK Anton, MYLES John). Why we need a new welfare state.Oxford university press, 2002, 278 pages.

14 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-7315 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-7316 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-7317 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages18 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages

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indemnités chômage permettent de diminuer le poids des dépenses publiques dans le PIB:Il passe de 69,7% en 1993 à 55,1% en 200419.

Le gouvernement mène une politique de réformes structurelles qui vise, non seulementà retrouver une efficacité économique mais également à renforcer l’attractivité et ledynamisme économique du territoire. Il décide, notamment, de simplifier les procéduresadministratives. Au Danemark il est désormais possible de créer son entreprise en quatrejours20. L’accent est mis sur le développement des nouvelles technologies et sur leurinsertion dans le système scolaire afin de développer une éducation de haute qualité. Lesétablissements scolaires bénéficient ainsi d’un ordinateur pour deux élèves21.

Les sociaux-démocrates souhaitent également renforcer le troisième volet du systèmesocial afin d’endiguer le chômage. Ils développent alors les politiques actives de l’emploi,centrées sur la formation. «L’activation» mêle incitation et contrainte pour favoriser la reprised’un emploi22.

La politique du gouvernement de Poul Nyrup Rasmussen est couronnée de succèspuisque quelques années après le début des réformes, le Danemark renoue avec l’efficacitéet la croissance. De 1994 à 2002 le PIB augmente de 2,3% environ tous les ans. Alors quele taux de chômage était de 9,6% en 1993, il n’est plus que de 4,9% en 200523.

La performance économique danoise est le résultat d’une politique fondée sur lademande. En effet la politique de baisse des taux d’intérêts stimule la demande etl’investissement des particuliers et des professionnels24.

En novembre 2001, un nouveau gouvernement de centre droit, dirigé par Anders FogRasmussen, arrive aux affaires. Le parti du premier ministre, le parti de droite, Venstre,doit compter sur le soutien du parti libéral mais aussi sur l’appui du parti populiste,Danskefolkeparti, créé par des opposants à l’immigration, pour s’assurer une majorité auparlement25.

Reconduit en 2005, le gouvernement actuel s’engage à mener une politique de l’emploi.Il a notamment transformé le ministère du travail en ministère de l’emploi, pour symbolisersa volonté. En 2002, la réforme «plus de personnes au travail»26 a pour objectif la créationd’un marché du travail ouvert, capable d’accueillir toutes les composantes de la populationactive. L’idée maitresse de la réforme est que le marché du travail doit être accessible à tous.

19 SCHUKNECHT, Ludger, TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIELJean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79

20 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-7321 MADSEN, Per Kongshøj. How can it possibly fly? The paradox of a dynamic labour market in a scandinavian welfare

state.Centre for Labour Market Research (CARMA), Aalborg University, 2005. 38 pages.22 BOYER, Robert. La flexicurité danoise quels enseignements pour la France ? CEPREMAP (CENTRE POUR LA

RECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS). Éditions Rue d’Ulm/Presses de l’École normale supérieure. 2006. 54 pages23 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-7324 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-7325 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages26 ABRAHAMSON, Peter. Le modèle scandinave en question in BOUGET, Denis et PALIER, Bruno (Sous la dir.) Comparer

les systèmes de protection sociale en Europedu Nord et en France, rencontre de Copenhague 4, PARIS, MIRE, DREES, 1998, tome1, p. 39-63.

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Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques

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Atteindre cet objectif passe, pour le gouvernement, par l’instauration de règles plussévères dans les politiques actives de l’emploi. La mobilité géographique des travailleursest, par exemple, renforcée avec l’instauration de la limite de quatre heures de voyagejournalier pour l’acceptabilité d’un emploi. Les allocations chômage sont réduites pourcertains groupes, notamment les jeunes et les immigrants27.

Le second chapitre, consacré exclusivement au fonctionnement et à l’évaluation del’état providence social-démocrate danois sera l’occasion d’évoquer plus en détail les

réformes récentes. Mais ce premier aperçu du déroulement politique et social du XXème

siècle au Danemark nous permet de comprendre d’où vient ce modèle et sur quelles basesil s’est développé.

Les récents développements de l’économie danoise et le succès des dernières annéess’inscrivent dans la continuité historique du développement économique du Danemark. Lepays a réussi les transitions successives: Entre la société agraire du début du siècle et lasociété industrielle puis celle qui a suivi entre la société industrielle et la société de services

de la fin du XXème siècle. Auparavant centrée sur l’agriculture, l’économie s’est tournéevers les activités innovantes et s’est ouverte à l’international.

Les années de crise (années 70-80) ont provoqué une prise de conscience de la grandesensibilité danoise au contexte international et donc la nécessité pour le Danemark deconstamment renforcer sa compétitivité28. De plus, le fait que le retour à l’équilibre à la fin desannées 90 n’ait pas été automatique mais ait nécessité une sérieuse réforme de l’économiedanoise, a renforcé la légitimité d’une constante adaptation du modèle. C’est désormaisancré dans les mentalités: une auto-évaluation permanente de l’efficacité économique etsociale du système est la condition sine qua non de sa survie.

La mise en contexte historique de cette première partie nous a permis de poser lecadre de l’étude. Il s’agit désormais de s’interroger sur les caractéristiques qui font de cepays un exemple unique parmi les économies européennes: un petit pays à la structureéconomique particulière et une société fondée sur des principes de confiance, de sécuritéet d’égalitarisme.

II/ L’idiosyncrasie économique et sociétaleDécouvrir la structure de l’économie danoise ainsi que les fondements sociétaux du paysnous permet de progresser dans la compréhension du modèle danois. Il s’agit égalementde comprendre sur quelles caractéristiques repose l’idiosyncrasie du Danemark.

A- Une économie atypique: Un petit pays ouvert sur l’extérieurPetit pays européen par sa taille, le Danemark est l’une des économies les plus dynamiquesde l’Union Européenne.

27 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages28 MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Road to “Flexicurity” Where are we? And how did we get there? Paper for a conference

at the Royal Netherlands Academy of Arts and Sciences of Amsterdam on November 17, 2004.21 pages.

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Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice

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Si sa superficie (43 094 km2) comme son nombre d’habitants (5,4 millions en 200729)le classent parmi les petits Etats membres de l’UE, son PNB par habitant (32 465 dollarsen 200330) lui permet d’être la seconde économie la plus dynamique de l’Union après leLuxembourg. Ce PNB très élevé le classe aussi cinquième économie du monde derrière leLuxembourg, l’Irlande, la Norvège et les Etats-Unis.

Une économie riche et dynamique qui bénéficie d’un faible taux de chômage, (4,8% en200631), le rapprochant d’une économie de plein emploi.

La croissance danoise est tirée par les exportations. En effet ce pays est tournévers l’extérieur, une caractéristique particulière qui a des conséquences sur la structurede l’économie et le marché de l’emploi. Le Danemark se doit, en effet, d’être hautementcompétitif pour créer des richesses et maintenir son dynamisme.

a. Une économie d’exportationEn raison de la taille réduite de son marché intérieur, le Danemark compte sur soncommerce extérieur pour développer son PIB.

Concentrées sur quelques produits comme les biens d’équipement industriels, lesproduits pharmaceutiques, les produits agricoles ou bien encore le pétrole et le gaz naturel,les exportations portent la croissance danoise: elles représentent plus du tiers du PIB(32%)32.

L’importance historique du secteur primaire est représentée par les firmes exerçantune activité en lien avec l’agriculture et la place des produits agricoles, surtout alimentaires(porc, poisson, céréales), dans l’exportation: environ 10% du total33.

Le Danemark exporte également des produits manufacturés grâce à une industriespécialisée. Ainsi, quelques entreprises danoises ont acquis une certaine notoriété sur desniches en forte croissance comme la bière, les éoliennes, les composants pour le chauffageet la climatisation, le transport maritime ou encore les jouets34.

Fait assez inhabituel: en 2005, la balance commerciale danoise affichait un excédentde 85 milliards de couronnes35 (soit plus de 11 milliards d’euros). Alors que les importations

29 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages30 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages31 SCHUKNECHT, Ludger, TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIEL

Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-7932 PEDERSEN, Peder. Trade, Industry and Labour market. Factsheet Denmark. (en ligne) Ministry of foreign affairs

of Denmark. January 2008. 8 pages. Consultable sur internet. http://www.um.dk/en/servicemenu/Publications/FactSheets/TradeIndustryandLabourMarket.htm. Consulté le 8 juin 2008.

33 PEDERSEN, Peder. Trade, Industry and Labour market. Factsheet Denmark. (en ligne) Ministry of foreign affairsof Denmark. January 2008. 8 pages. Consultable sur internet. http://www.um.dk/en/servicemenu/Publications/FactSheets/TradeIndustryandLabourMarket.htm . Consulté le 8 juin 2008.

34 SCHUKNECHT, Ludger ; TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIELJean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79

35 PEDERSEN, Peder. Trade, Industry and Labour market. Factsheet Denmark. (en ligne) Ministry of foreign affairsof Denmark. January 2008. 8 pages. Consultable sur internet. http://www.um.dk/en/servicemenu/Publications/FactSheets/TradeIndustryandLabourMarket.htm . Consulté le 8 juin 2008.

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Chapitre I : l’idiosyncrasie danoise : Fondements et caractéristiques

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ont tendance à compenser les exportations, la récente montée des cours du pétrole a faitaugmenter l’excédent commercial.

En effet le Danemark est exportateur net d’énergies fossiles depuis 1999. En exploitantles gisements de la mer du Nord, il profite de la montée des cours des hydrocarbures. LeDanemark est également leader dans le domaine de la technologie environnementale etdes énergies alternatives grâce à ses champs d’éoliennes. Ne possédant pas de ressourcesénergétiques hydrauliques et nucléaires, le pays a investi massivement dans l’éolien enmettant en place un parc d’éoliennes, non seulement sur terre mais aussi en mer. Leséoliennes fournissent 20% des besoins énergétiques36.

Le pays profite également de la croissance du transport maritime due à l’augmentationdes échanges au niveau mondial car il est leader dans le domaine. La société anonymeMøller-Mærsk est la plus grosse entreprise du Danemark (60000 employés dans le mondeen 2005). C’est aussi la première compagnie maritime et le plus grand armateur de porte-conteneur au monde37.

Compétitif dans le domaine des services, le Danemark peut compter sur lamultinationale ISS, héritage d’une société de sécurité danoise fondée en 1901. En effet, ISSse situe aujourd’hui parmi les plus grands groupes mondiaux fournisseurs de services38.

Ainsi ce petit pays nordique possède quelques grands groupes leader dans desdomaines dynamiques. Mais ce sont surtout les nombreuses petites et moyennesentreprises (PME) qui fondent sa compétitivité. En effet le développement économique estmajoritairement assuré par un tissu très dense de PME.

Ce sont elles qui dominent le secteur privé: dans les années 90, presque 60% desentreprises avaient moins de 20 employés39. Les PME sont privilégiées car elles paraissentplus à même de s’adapter aux changements permanents d’un contexte internationalmondialisé. Les PME sont ainsi l’atout compétitif du Danemark.

b. Une économie hautement compétitive Pour la troisième année consécutive, le classement établi par the Economist IntelligenceUnit (EIU) en 2007place le Danemark en tête des pays où il fait bon investir et faire desaffaires La comparaison entre 82 pays du monde est basée sur différents indicateurs, parmilesquels l’ouverture aux investissements internationaux ou les conditions du marché del’emploi. La première place du Danemark est une reconnaissance du dynamisme de sonéconomie40.

36 MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success.University of Copenhagen, ILO(International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages

37 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages38 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages39 MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success.University of Copenhagen, ILO

(International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages40 KJAERHOLM, Have Anne. Denmark is best to business – again (en ligne). 30-07-2007. Consultable sur Internet. http://www.copcap.com/composite-10526.htm. Consulté le 19.12.07

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Le forum économique mondial classe, quant à lui, le Danemark troisième derrière lesEtats-Unis et la Suisse dans son classement des pays les plus compétitifs41.

Le petit pays nordique est en effet un lieu attractif pour les investisseurs étrangers quiont investi près de 350 milliards de couronnes (Près de 47 milliards d’euros) sur le territoireen 2003, soit presque autant que ce que les danois investissent à l’étranger (375 milliardsde couronnes (Près de 50 milliards d’euros)42. La majorité des investissements est réaliséedans la finance et les services.

L’ouverture danoise est donc un trait important de l’économie du pays: Les échangesextérieurs représentent près des deux tiers du PIB (64%)43. Les trois quart de ces échangessont réalisés entre pays européens. Si les partenaires privilégiés du Danemark sontl’Allemagne, la Suède, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, l’économie danoise commerceégalement avec les grandes puissances que sont les Etats-Unis et la Chine et entretientdes liens plus étroits avec les pays d’Europe de l’Est, notamment la Pologne mais aussila Russie.

En effet, le Danemark, qui fait office de «pont» entre l’Europe continentale et les paysNordiques, compte aussi profiter des opportunités offertes dans la région Baltique aprèsl’élargissement de l’Union Européenne en 200444.

La croissance du Danemark est donc rythmée par la capacité de ses entreprises àcapter des marchés à l’exportation. Pour être performante, une économie basée sur unedynamique d’ouverture à l’étranger doit être hautement compétitive.

Le degré d’ouverture ne peut perdurer que si le Danemark assure l’efficacité de sonéconomie, ce qui passe par un haut taux de participation des travailleurs sur le marchéde l’emploi mais également par une main d’œuvre qualifiée et capable de s’adapter auxchangements.

Ainsi la structure de l’économie a des incidences sur la physionomie du marché del’emploi.

En 2005, le taux de participation des danois ayant entre 16 et 66 ans au marché del’emploi est de 76,5% dont 3,2% travaillent dans le secteur primaire, 20,8% dans le secteursecondaire, 40,8% dans le tertiaire et 35,2% dans le secteur public. Employant plus du tiersde la population active, le secteur public produit une grande majorité de services, notammentdans le domaine de la protection sociale, de la santé et de l’éducation45.

41 HILBERS,Paul ; ZHOU, Jianping. Bulletin du FMI , FMI, Département Europe du 6 Novembre 2006. Volume 35 numéro20 16 pages

42 PEDERSEN, Peder. Trade, Industry and Labour market. Factsheet Denmark. (en ligne) Ministry of foreign affairsof Denmark. January 2008. 8 pages. Consultable sur internet. http://www.um.dk/en/servicemenu/Publications/FactSheets/TradeIndustryandLabourMarket.htm. Consulté le 8 juin 2008.

43 LELARGE, Carole. Fiche signalétique du Danemark. Mission économique du Danemark à Copenhague. Février 2008. 4pages.

44 PEDERSEN, Peder. Trade, Industry and Labour market. Factsheet Denmark. (en ligne) Ministry of foreign affairsof Denmark. January 2008. 8 pages. Consultable sur internet. http://www.um.dk/en/servicemenu/Publications/FactSheets/TradeIndustryandLabourMarket.htm. Consulté le 8 juin 2008.

45 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique socialedanoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.

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Le haut taux de participation sur le marché du travail est valable aussi bien pour leshommes que pour les femmes: taux de participation de 79% pour les hommes et de 73%pour les femmes en 200546.

S’inscrivant dans la continuité de cette présentation de la structure de l’économiedanoise, le second chapitre, consacré au fonctionnement du système social, explicitera lesfacteurs de la compétitivité danoise, et notamment ce haut taux d’emploi.

B- Un tryptique sociétal unique: Liberté, Sécurité, EgalitéAu-delà d’une structure économique particulière, ce sont des caractéristiques sociétales quifont l’idiosyncrasie danoise. Dans la lignée de la première partie historique qui a permisde découvrir les principes chers aux danois, il s’agit maintenant d’évoquer un tryptiquefondamental qui fait la cohésion sociale du Danemark.

a. La liberté couplée à l’identitéLa dimension symbolique du langage est connue: en danois le mot «salut» veut dire «avoirle cou libre», tout un symbole. L’attachement des danois à leur liberté prend ses sourcesdans leur histoire commune. Elle est donc fortement ancrée dans les mentalités et s’exprimedans toutes les facettes de la vie en société.

Elle est, notamment, synonyme de libre choix dans le fonctionnement du systèmesocial. En effet, c’est cet attachement farouche à la liberté qui encourage les danois àaccepter un haut niveau de flexibilité sur le marché de l’emploi. Le libre choix est aussiencouragé dans les assurances sociales, de plus en plus nombreuses à exister dans leprivé, en complément de la couverture universelle47.

L’attachement à la liberté s’exprime également dans la conviction qu’ont les danoisd’appartenir à un monde particulier et original48. En effet, leur histoire a développé uneforte identité nationale. En perdant peu à peu ses territoires la grande puissance d’Europedu Nord s’est forgée une identité, «la Danéité»49 qui perdure aujourd’hui. Cette formeparticulière d’identité danoise consiste en un attachement fort à l’idée d’une nation distincteet souveraine.

«La dialectique danoise consiste en une gestuelle symbolique d’identification nationaleet un pragmatisme dicté par l’interdépendance avec l’extérieur»50.

Ainsi, la «danéité» n’est pas synonyme de repli sur soi, elle se concilie avecle pragmatisme, élément indispensable pour un pays dépendant économiquement del’extérieur.

Cette caractéristique identitaire explique l’adhésion du Danemark à l’UE en 1973 puis lerejet du traité de Maastricht (TUE) en 1992. En effet le Danemark a adhéré pour des raisons

46 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages47 SCHUKNECHT, Ludger, TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIEL

Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-7948 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-7349 La danéité concept officiel, Courrier international hebdo n° 814. 8 juin 200650 RASMUSSEN, Anders Fogh. Discours du Premier Ministre Danois à la conférence de l’UMP sur les défis économiques,

Paris le 7 septembre 2005, 12 pages

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économiques mais a rejeté le TUE car les danois n’avaient pas associé leur adhésion à unsymbole politique : ce traité remettait en cause leur identité nationale et leur souveraineté.

Ainsi, si aujourd’hui l’adhésion à l’Union est acquise, la forme que doit prendre l’UEfait toujours débat. Même si l’intérêt national est de plus en plus reformulé pour intégrer«l’internationalisme et l’européanité»51, les Danois conservent leur «danéité».

b. Confiance et sécurité, les maître mots

«A Copenhague, on laisse les enfants dormir dans leur landau, sur le trottoir, pendantque les parents vont au café ou au restaurant» affirme le professeur Jonathan Schwartz 52.

La vie danoise est, en effet, construite autour des sentiments de confiance et desécurité. Encore une fois le langage joue un rôle symbolique: les danois ont inventé desmots, qui n’ont pas de traduction exacte en français, pour traduire ces caractéristiquescentrales de leur culture.

Le «Hygge» exprime le sentiment de réconfort et la convivialité. Synonyme du savoirvivre à la danoise, il traduit l’importance des liens sociaux dans la culture danoise. Unmoment «hyggelig» se vit ainsi à plusieurs.

Quant au mot «Tryghed» il traduit littéralement le sentiment de sécurité. Evoquant leconfort, l’idée de cocon, il est aussi synonyme d’une protection, aussi bien matérielle quemorale.

Ces deux expressions soulignent l’état d’esprit régnant au Danemark. La confiancepersonnelle est un des traits les plus marquants de la société.

Elle peut s’expliquer, entre autres, par le facteur religieux. En effet la confiance àautrui semble plus forte dans les pays de culture protestante, notamment dans les paysscandinaves. Le protestantisme valoriserait les communautés locales autonomes, propicesà une organisation démocratique tandis que le catholicisme fonctionnerait plus sur le modede la centralisation et de la hiérarchie, organisation qui inciterait à la prudence dans lesrelations sociales.

De plus, la culture protestante s’est accompagnée de la promotion de l’éducation,

notamment de l’alphabétisation au XVIème siècle développant une culture tournée versl’apprentissage des connaissances qui aurait favorisé l’ouverture au monde, la tolérance,et le haut niveau de confiance interpersonnelle des pays protestants53.

Le haut niveau de confiance qui caractérise les relations à autrui se retrouve égalementdans les relations sociales.

En effet, comme l’historique politique et social l’a montré, la confiance sociale s’estinstallée comme base du système social lors du compromis de septembre en 1899. Sanséradiquer le conflit, cet accord pose la négociation comme prémice à toute discussion. La

51 MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Road to “Flexicurity” Where are we? And how did we get there? Paper for a conferenceat the Royal Netherlands Academy of Arts and Sciences of Amsterdam on November 17, 2004.21 pages.

52 LORTIE, Marie-Claude, Heureux comme un danois (en ligne). 7 octobre 2007 http://www.cyberpresse.ca/article/20071007/CPACTUEL/710070602/-1/CPACTUEL Consulté le 23 juin 2008

53 BRECHON, Pierre. Les valeurs politiques en Europe : effet du contexte national et des attitudes religieuses.Archives desciences sociales des religions, vol. 93,1996, pp. 99-128

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confiance sociale s’exprime sous la forme d’un «consensus conflictuel» entre les partiesprenantes au dialogue social54.

La confiance est un atout important pour le bon fonctionnement d’une société. AinsiAdam Smith, qui est souvent considéré comme le premier grand théoricien et défenseurde l’économie de marché, a également souligné le rôle indispensable des relations deconfiance et des normes morales comme socle de l’économie de marché. Dans The Theoryof Moral Sentiments, (La Théorie des sentiments moraux) publiée en 1759, il évoque le rôlede la sympathie, qui est selon lui, «la capacité à s’identifier aux autres par l’imagination, àjuger et orienter ses propres actions du point de vue d’un spectateur impartial et juste» dansle fonctionnement des marchés55.

Le développement de relations basées sur la confiance développe un fort sentiment desécurité. Tout comme la confiance, le sentiment de sécurité se retrouve également dans lesystème économique.

A la question «Dans quelle mesure êtes-vous satisfait de votre emploi ou activitéprésent en terme de sécurité d’emploi?» posée à tous les pays membres de l’Organisationde Coopération et de Développement Economique (OCDE) par cette organisation,l’Autriche, l’Irlande et le Danemark arrivent en tête avec un score supérieur à 70%.C’estdans les pays où la protection de l’emploi est forte, comme en France ou en Italie, que lesscores sont les plus faibles: 54%56.

En effet, si la sécurité de l’emploi est faible au Danemark, il existe une forte sécuritéau niveau de l’employabilité. La sécurité est multidimensionnelle: tandis que la sécurité del’emploi renvoie à la possibilité de garder un emploi déterminé chez un certain employeur,la sécurité d’employabilité est plus large: c’est la possibilité de détenir un emploi, mais pasforcément chez le même employeur57.

Les sentiments de confiance et de sécurité, piliers de la société danoise, sont renforcéspar «la passion de l’égalité»58 des Danois.

C. L’égalitarisme danois

La cohésion sociale est une exigence très forte au Danemark. Elle est assurée parl’homogénéité de la société. Cette dernière n’est pas donnée, elle est voulue. En effet leDanemark cultive son homogénéité sociétale.

54 BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’études DeL’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages

55 ALGAN Yann, CAHUC, Pierre. La société de défiance Comment le modèle social français s’autodétruit. Collection duCEPREMAP (CENTRE POUR LA RECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS), 2007, 102 pages.

56 TRONQUOY, Philippe Le défi de l’emploi : Flexibilité et/ou sécurité : la France en quête d’un modèle. Lemodèlesocialfrançais Cahiers français n° 330, 2006, 96 pages

57 TRONQUOY, Philippe Le défi de l’emploi : Flexibilité et/ou sécurité : la France en quête d’un modèle. Lemodèlesocialfrançais Cahiers français n° 330, 2006, 96 pages

58 Formule de Tocqueville, reprise notamment par Bent Rold Andersen, économiste, ministre danois des Affaires sociales en1982. In STROBEL, Pierre. Le modèle nordique de protection sociale sous le choc des réformes. Mission Recherche (MIRE) à laDirection de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. 10 pages

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Elle se fabrique à chaque instant car le système est tourné vers l’inclusion sociale: éviterque quiconque ne soit marginalisé est un principe fondamental du système. C’est pourquoila pauvreté de masse est inconnue au Danemark59.

«L’état c’est nous tous» affirme le premier ministre danois60. En effet l’égalitarismese traduit dans l’absence d’inégalités fondamentales entre les différentes catégories de lasociété. Le fossé qui sépare les élites des masses est faible. De plus, les employés dusecteur public ne bénéficient pas de statut particulier. «Les serviteurs de la couronne» quipossédaient un emploi à vie ne sont plus qu’une petite minorité. Les autres sont régis pardes règles fixées dans des conventions collectives au même titre que les employés dusecteur privé61.

L’éventail des salaires comme celui des revenus sont assez faibles étant donné le peud’emplois dits «de basse qualité» au Danemark. Les revenus sont également resserrés enraison du haut taux d’imposition sur les hauts salaires, et du caractère fortement redistributifdu système62.

Enfin l’égalitarisme s’exprime aussi entre les genres: l’égalité entre les hommes etles femmes est une priorité pour les Danois. Ainsi les femmes participent à la créationde richesses dans les mêmes proportions que les hommes: le taux d’emploi des femmesest presque égal à celui des hommes, ce qui est une exception danoise parmi les payseuropéens63.

Le second chapitre offre l’occasion d’étudier plus en profondeur le côté égalitaire dusystème ainsi que ces éventuelles limites. Il permet également de développer la réflexionsur le rôle des femmes dans la société.

Présenter les grandes caractéristiques qui font du Danemark un pays unique a permisde compléter la mise en contexte de ce premier chapitre. En effet, le Danemark a développéune économie hautement compétitive tournée vers l’extérieur. La société danoise apparaîtcomme une société homogène, fondée sur la confiance et un fort sentiment de sécurité.

Conclusion du chapitre:

Découvrir le Danemark était l’objectif de ce premier chapitre. Une fois le cadre de laréflexion posé et les éléments nécessaires à la compréhension du système social mis enavant, il s’agit désormais d’étudier le système social danois dans le détail.

Différents points évoqués dans ce premier chapitre vont trouver un prolongement dansle second chapitre qui étudie les fondements de l’Etat-Providence danois, le fonctionnementdu système ainsi que les atouts et limites du modèle.

59 BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’études DeL’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages

60 RASMUSSEN, Anders Fogh. Discours du Premier Ministre Danois à la conférence de l’UMP sur les défis économiques,Paris le 7 septembre 2005, 12 pages

61 BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’études DeL’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages

62 BARBIER, Jean-Claude. Les politiques d’activation scandinave et l’expérience française. (En ligne). Mission Recherche(MIRE) à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. Consultable surInternet: http://www.sante.gouv.fr/drees/rfas/rfas200304/200304-art07.pdf 4 pages

63 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois , Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages

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Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate?

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Chapitre II : Le Système social danoisou la réussite d’un Etat-Providencesocial democrate?

Dans la continuité du premier chapitre, nous poursuivons l’immersion dans «le modèledanois» à travers une étude qui mêle les traditions, l’économie, la société et les mentalitésdanoises.

L’Etat Providence est le cœur de toutes les économies européennes. En effet, c’est luiqui organise la solidarité au niveau de la société. Concept vital pour la cohésion nationale,l’Etat Providence est pourtant au cœur des débats. Certains s’interrogent sur sa pertinencedans une économie mondialisée et affirment la nécessité de son renouvellement64.

Qu’en est-il de l’Etat Providence danois?Un système de protection sociale se caractérise par quatre dimensions: l’accès à la

prestation, la nature et le niveau de cette prestation, le mode de financement et les structuresde décision, d’organisation et de gestion65.

L’objectif de ce chapitre est d’étudier ces quatre dimensions dans le cas danois. Ils’agit donc de se plonger dans l’Etat-Providence social-démocrate afin d’évaluer les aspectspositifs mais aussi les limites et les critiques que suscite le système.

I/ L’Etat-Providence social-démocrateL’Etat-Providence fait partie intégrante de l’identité nationale danoise. Caractérisé par unetrès haute conception de l’égalité et de la solidarité, l’Etat Providence danois a été classépar G ø sta Esping Andersen dans la catégorie de l’Etat-Providence social-démocrate.

Par l’approche théorique du concept d’Etat-Providence il s’agit de comprendre lapertinence et les différents enjeux qui existent derrière le système de protection sociale.

A- G øs ta Esping Andersen, théoricien de l’Etat-Providence66

64 ANDERSEN, Gosta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF. 1990.310 pages.

65 PALIER, Bruno. De la crise aux réformes de l’Etat-Providence, le cas Français en perspective comparée. Revue françaisede sociologie, Avril Juin 2002. 13 pages66 ANDERSEN, G ø sta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF.

1990. 310 pages.

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Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice

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Dans Les trois mondes de l’Etat-Providence, un essai sur le capitalisme moderne, l’auteurdanois G øs ta Esping Andersen mène une étude comparative des différents EtatsProvidences. Pour cela il établit un indicateur, le critère de démarchandisation, ainsi qu’unetypologie.

a. L’indicateur de «démarchandisation»L’objectif de l’auteur étant d’établir une typologie des types d’Etat-Providence, il chercheà construire un indicateur qui lui permettrait de différencier les Etats-Providence les unsdes autres. Dans la lignée de Karl Polyani et de de Karl Marx il s’intéresse à l’impact dessystèmes sur la dépendance des individus par rapport au marché. Le capitalisme tend àtransformer l’homme en marchandise dans la mesure où l’homme doit vendre sa force detravail pour subvenir à ses besoins. Mais il existe des situations dans lesquelles le travail nepermet pas d’assurer une existence viable et d’autres où l’individu n’est pas en mesure detravailler. L’Etat-Providence s’avère donc indispensable pour pallier les dérives inhérentesau capitalisme.

En définissant comment l’homme peut, dans certains cas, s’affranchir du marché, l’Etat-Providence permet l’existence d’un capitalisme «à visage humain»67.

Cette réflexion conduit Andersen à établir l’indicateur de «démarchandisation» quimesure le degré d’affranchissement par rapport au marché que le système permet.Plus la population bénéficie d’un accès étendu aux droits sociaux et plus le degré de«démarchandisation» est élevé. A l’inverse, plus les conditions d’accès au système socialsont restrictives, plus le degré est faible. L’impact de l’Etat-Providence sur les structures declasse est également pris en compte car le système peut renforcer les hiérarchies socialescomme il peut permettre une société plus égalitaire.

b. Typologie des Etats-ProvidenceGrâce à cet indicateur, trois ensembles de pays se distinguent:

-Les pays anglo-saxon, de tradition libérale, se caractérisent par une forte dualisationde la société: la redistribution concerne seulement les plus pauvres, la hiérarchisation entreles catégories sociales est forte. L’assistance est fondée sur l’évaluation des besoins, et lestransferts sont modérés.

-Les pays comme la France ou l’Allemagne, de tradition corporatiste, sont caractériséspar un système conservateur dans lequel les droits sont fondés sur l’assurance sociale, etsur la préservation des valeurs familiales traditionnelles. La conservation des statuts primesur la recherche du plein emploi.

-Enfin les pays nordiques, de tradition social-démocrate, représentent l’idéal type68

d’Andersen. En effet leur régime, universaliste et égalitaire, permet de réaliser «la fusionentre bien-être et travail»69. L’Etat-Providence social démocrate est complètement axé surla recherche du plein emploi. Cependant le système offre des prestations indépendantes de

67 MERRIEN, François-Xavier. Etats-Providence en devenir. La revue française de sociologie. Vol 43-N°2, avril-juin 2002,Pages 211-242

68 STROBEL, Pierre. Le modèle nordique de protection sociale sous le choc des réformes. Mission Recherche (MIRE) à laDirection de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. 10 pages

69 ANDERSEN, G ø sta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF. 1990.310 pages.

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la réalisation de cet objectif. Le système d’assurance sociale est universel, ce qui conduità une faible hiérarchisation des classes.

Ce sont les héritages historiques et sociaux qui expliquent la diversité entre les typesd’Etat-Providence. Mis en place après la seconde guerre mondiale, les systèmes deprotection sociale possèdent tous des modalités d’application différentes dans les quatredimensions qui caractérisent un système de protection sociale. Ainsi les critères d’accès auxprestations, mais aussi le niveau des ces prestations, tout comme le mode de financementou bien encore les structures d’organisation sont divers70.

Dans l’Etat-Providence social démocrate, qui nous intéresse plus particulièrement,l’accent est mis sur la citoyenneté. C’est elle qui conditionne l’accès au système social.Cette conception universaliste passe par une «défamilialisation» des politiques sociales.L’objectif de l’Etat est de renforcer l’indépendance de chacun et l’égalité entre les hommeset les femmes.

Cet Etat-Providence minimise également le degré par rapport auquel la protection desindividus dépend de leur richesse sur le marché71. Il vise une forte cohésion sociale et lapréservation des pays nordiques de la pauvreté par une redistribution élevée.

B- Les fondements de L’Etat-Providence social-démocrateLe système social danois serait donc un idéal type de l’Etat-Providence social-démocrate.Quelles sont les principes de base de ce système social?

a. L’universalitéLe système est dit universaliste car la population accède à des droits sur une baseuniverselle, sans lien avec le versement de cotisations ou la mise en évidence de besoinsà satisfaire72. Il n’y a en général aucun lien direct entre emploi et citoyenneté sociale, tousles citoyens et résidents ont droit en principe à la plupart des prestations et services.

Par conséquent, l’accès aux allocations familiales, au système de santé et à l’aide auxpersonnes handicapées et invalides ne dépend pas de la participation au marché du travail.Il existe cependant d’importantes exceptions, en particulier en cas de risque de chômageet d’âge avancé. En effet, il importe de relativiser ce principe d’universalisme, posé commeune évidence et un principe intemporel de l’Etat-Providence danois. En effet, il sembleraitqu’une tendance vers le développement d’une protection dépendante du marché du travailse fasse jour.

«Posséder le statut d’employé est donc devenu de plus en plus important dans le cadrede la citoyenneté sociale au Danemark» 73.

70 PALIER, Bruno. De la crise aux réformes de l’Etat-Providence, le cas Français en perspective comparée. Revue françaisede sociologie, Avril Juin 2002. 13 pages

71 ANDERSEN, Gosta Esping (with GALLIE Duncan, HEMERIJCK Anton, MYLES John). Why we need a new welfarestate.Oxford university press, 2002, 278 pages.72 ABRAHAMSON, Peter, chef du département de sociologie de l’Université de Copenhague. « La fin du modèle scandinave ? Laréforme de la protection sociale dans les pays nordiquesRevue françaisedes affaires sociales, N°3 juillet-septembre 2005. 220 pages.

73 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique socialedanoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.

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Il n’en reste pas moins qu’au-delà de l’universalisme le système est hautement«défamilialisant». En effet la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes est uneexigence, à la fois morale et économique au Danemark. Si ce principe répond au principed’égalitarisme, évoqué au premier chapitre, il répond également à un souci d’efficacitééconomique.

Contrairement aux Etats Providences conservateurs qui placent la famille au centre dusystème de protection sociale, l’Etat Providence social-démocrate, est « défamilialisant »dans la mesure où les prestations sociales sont destinées à l’individu et non à lafamille. Grâce à un puissant engagement en faveur de l’égalité des sexes, ainsi qu’audéveloppement d’un vaste système d’accueil des jeunes enfants, et à une politiquegénéreuse de congés parentaux, le Danemark assure l’indépendance de chacun etpermet aux femmes de participer pleinement au marché du travail74 En effet, ce mode defonctionnement explique le fort taux de participation des femmes au marché de l’emploi:73% en 2005. Elles sont ainsi pratiquement au même niveau que les hommes: 79% en200575. Le Danemark atteint déjà le taux préconisé par l’Union Européenne dans la stratégiede Lisbonne de 2000 qui est de 70% des femmes sur le marché de l’emploi en 201076.

b. La redistributionL’Etat-Providence social-démocrate est aussi caractérisé par la volonté de combler lesdéficiences du marché. Les danois ont donc établi un système de redistribution desressources. Si les citoyens sont tous considérés de la même façon, il existe un système decompensation pour les moins bien dotés en ressources.

La forte redistributivité des revenus que permet le système social est propice aunivellement des inégalités. Or de faibles inégalités favorisent le développement d’unsentiment d’appartenance à une même communauté. C’est pourquoi la redistribution est undes piliers de la cohésion sociale.

Ce sont les titulaires d’un bas revenu qui bénéficient d’un taux de remplacementnet élevé de leurs revenus en cas de chômage. De plus l’indemnité est modestementdécroissante avec la durée de l’inactivité car l’objectif du système est d’éviter lapaupérisation des chômeurs. Plus le salaire est élevé, plus le taux de remplacement estfaible77.

Au Danemark il existe un impératif moral de justice sociale. Combinés, l’universalismeet la redistribution, sont les fondements moraux d’un Etat-Providence social démocrate,qui, en théorie, place tous les citoyens sur un même pied d’égalité, et lutte contre lamarginalisation. Pilier de la cohésion sociale, la redistributivité et l‘égalité seraient aussicorrélés positivement à la confiance78.

74 LEFEBVRE, Alain et MEDA, Dominique. Les modèles de l’État-providence et le système français, l e modèle nordique. Lemodèle Social français. Cahiers françaisn° 330, 6 pages

75 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages76 BERTONCINI, Yves ; Wisnia-Weill, Vanessa. La stratégie de Lisbonne, une voie européenne dans la mondialisation. Centre

d’analyse stratégique. Septembre 2007. 47 pages77 Developpement dans le volet sécurité78 ALGAN Yann ; CAHUC, Pierre. La société de défiance Comment le modèle social français s’autodétruit. Collection du

CEPREMAP (CENTRE POUR LA RECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS), 2007, 102 pages.

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c. Le financement par l’impôtLa portée de la redistribution étant globale, le système est très couteux. Il est financémajoritairement par l’Etat grâce à l’impôt79.

Le secteur privé, très libre dans son fonctionnement, offre en contrepartie des salairesélevés, ce qui permet de garantir, grâce aux prélèvements fiscaux, que personne ne soitexclu de la société80. En effet les salaires danois sont les plus élevés d’Europe81.

Ce sont aussi les plus imposés: le taux d’imposition moyen de l’impôt sur le revenu estde 53% du revenu d’une famille et 55% du revenu du travail82. La TVA, quant à elle, est à25%. Les impôts indirects sur certains produits comme les voitures, les tabacs, l’alcool etmême les livres sont également élevés. Aussi les prélèvements obligatoires représentaient52% du PNB danois en 1996, bien au dessus de la moyenne européenne (42,4%)83.

Le haut niveau des prélèvements sert à financer des dépenses publiques toujoursélevées malgré la politique de baisse menée depuis les années 9084, et notamment lesystème de protection sociale. En effet, ce sont principalement la TVA et l’impôt sur le revenuqui assurent le financement de la protection sociale. Les cotisations sociales jouent un rôlemineur, voire nul: le patronat ne cotise pas pour l’assurance chômage par exemple. De plus,les impôts sur les sociétés sont relativement bas (Taux d’imposition moyen: 28%)85.

Pour conclure cette partie introductive sur l’Etat-providence social démocrate il fautsouligner l’importance du plein emploi comme pilier d’un tel système. En effet l’Etat-Providence social démocrate n’est efficace qu’en cas de haut niveau de participation aumarché de l’emploi. C’est une condition indispensable au bon fonctionnement d’un systèmedans lequel presque tout le monde reçoit des fonds et pratiquement tout le monde contribueà leur financement.86. La survie du modèle danois passe aussi par la cohésion sociale etla solidarité: « Le modèle danois (…) c’est d’abord faire société ensemble ; c’est affirmerconcrètement qu’il nous faut gagner tous ensemble, sans laisser personne au bord de la

route » 87 .

Articuler la solidarité avec l’objectif du plein emploi est la fonction du triangle d’or.79 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale danoise.Universitéde Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.

80 LEFEBVRE, Alain et MEDA, Dominique. Les modèles de l’État-providence et le système français, l e modèle nordique. Lemodèle Social français. Cahiers françaisn° 330, 6 pages

81 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages82 MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success. University of Copenhagen, ILO Country

Employment Policy Review, 1999, p 983 SCHUKNECHT, Ludger ; TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIEL

Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-7984 Voir historique85 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages86 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale

danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.87 FREMAUX Philippe, in LALUCQ, Aurore. Le Danemark : un exemple de renouvellement du contrat social ?, Un modèle

logique, ancré dans l’histoire longue, institutionnelle et politique, danoise (en ligne). Avril 2006. Consultable sur Internet : http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-6863.html (consulté le 22.11.2007)

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II/ Le triangle d’or: Flexibilité-Sécurité-Activation« Does Denmark have some secret formula that combines the best of Adam Smith with thebest of the welfare state? » 88

Le système social danois repose sur trois piliers formant «le triangle d’or» de la«flexsécurité»: «Un triangle dont le premier angle est la flexibilité du marché du travail, lesecond est le haut niveau de la protection sociale et le troisième est celui de la politiqueactive de l’emploi»89 (Voir annexe 1).

Ce triangle aux angles complémentaires caractérise ce qu’on a coutume désormaisd’appeler la «flexsécurité». Ce concept a émergé durant la seconde moitié des années90 aux Pays-Bas. En 1999 les Néerlandais votent la loi «flexibilité et sécurité» qui prévoitl’assouplissement des protections du contrat permanent en échange de l’accroissement desprotections accordées aux contrats temporaires sur le marché du travail.

Le concept est ensuite repris, non pas pour désigner une réforme, mais plutôt pourévoquer un modèle social qui permet d’allier un haut degré de flexibilité et de fluidité dumarché du travail avec un degré élevé de sécurité de revenu et de protection sociale. C’estle Danemark qui incarne cet exemple de modèle social et qui s’approprie le concept en yajoutant l’image du triangle d’or90.

Pour fonctionner la «flexsécurité» suppose la conciliation entre les trois piliers. «Leprincipal défi consiste à trouver le parfait équilibre entre ces trois éléments distincts»91.

A/ Une flexibilité partagéeComme l’historique du premier chapitre nous l’a montré, la flexibilité est le premier pilierintroduit dans le système social danois. En effet le principe reste basé sur «le compromisde septembre» de 1899.

a. La liberté de licencier et de recruterLa flexibilité danoise se caractérise tout d’abord par la grande facilité qu’ont les entreprisesà licencier ou à recruter selon leurs besoins.

En effet, la législation est peu contraignante, surtout pour les licenciements. Lespériodes de préavis sont très courtes. Un ouvrier du bâtiment peut par exemple être licenciéen trois jours sans indemnités92, la règle étant qu’un salarié ayant travaillé six mois bénéficied’un mois de préavis, puis de trois au terme d’un an de travail. A partir de trois ans dans

88 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages89 MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Model of “Flexicurity” – A Paradise with some Snakes. European Foundation for the

Improvement of Living and Working Conditions. Interactions between Labour Market and Social Protection. Brussels May 16, 2002.15 pages

90 LEFEBVRE, Alain et MEDA, Dominique. Les modèles de l’État-providence et le système français, l e modèle nordique. Lemodèle Social français. Cahiers françaisn° 330, 6 pages

91 RASMUSSEN, Anders Fogh. Discours du Premier Ministre Danois à la conférence de l’UMP sur les défis économiques,Paris le 7 septembre 2005, 12 pages

92 VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, RevueSociétal N°52, 2006. Pages 80-83

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l’entreprise il bénéficie d’un mois de préavis supplémentaire par an (mais le maximum estde six mois de préavis)93.

Les périodes de préavis font l’objet d’aménagements dans des accords collectifs qui,selon les branches, prévoient des redéploiements sur d’autres postes après licenciementou la possibilité de bénéficier de formations rémunérées pour obtenir un autre emploi.

De plus les partenaires sociaux s’accordent sur la nécessité d’éviter tout licenciementarbitraire et sur l’obligation de fournir une justification à l’employé présent depuis au moinsneuf mois.94 Ainsi la plupart des accords de base incluent des protections contre leslicenciements abusifs, spécifiant qu’un licenciement doit résulter de motifs «raisonnables»liés au travail de l’employé ou à des motifs économiquescrédibles95. Si les abus sontencadrés, ce n’est pas par la loi mais par les conventions collectives négociées entrepartenaires sociaux, le plus souvent sans l’intervention de l’Etat.

b. La liberté de négocier entre partenaires sociauxAu Danemark, «l'essentiel du «droit du travail», au sens classique du terme, est le faitd'accords entre employeurs et salariés, librement consentis»96.

Dans la plupart des cas les règles sont fixées dans des conventions collectivesnégociées entre les fédérations syndicales et les représentants du patronat. D’une duréetriennale, elles sont le résultat d’accords obtenus dans une logique de consensus et nond’affrontement97.

La culture de la collaboration s’est développée tout au long du XXème siècle. En effetles partenaires sociaux privilégient la sortie de crise par la négociation dans la logique duconsensus conflictuel, évoqué précédemment.

Les principaux acteurs sociaux sont l’organisation patronale Dansk Arbejdgiverforening(DA) et la fédération syndicale majoritaire Landsorganisationen i Danmark (LO).

La centrale LO, regroupant dix-huit syndicats, est reconnue comme la représentantede la grande majorité des salariés. Forte de ses 1.700 000 membres environ, elle compte150 permanents. Financée intégralement par les cotisations de ses membres, elle offre unsyndicalisme de services. Le montant d’une adhésion annuelle est de l’ordre de 150 à 200euros. Ce prix élevé est à mettre en regard des avantages que l’adhésion procure. En effet,

93 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages94 VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, Revue

Sociétal N°52, 2006. Pages 80-8395 BESSON, Eric. La flexsécurité en Europe - Eléments d'analyse. (En ligne). Paris : Secrétariat d'Etat à la prospective et

à l'évaluation des politiques publiques : 2008 ; 55 pages. Consultable sur Internet: http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000115/0000.pdf , consulté le 11 juillet 2008.96 INSTITUT DE LA GESTION PUBLIQUE ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE. Le modèle danois. Actualité de la veille engestion publique, Institut de la gestion publique et du développement économique, Gestion Publique réactive, département Recherche,études, veille. Août 2007. 6 pages

97 INSTITUT DE LA GESTION PUBLIQUE ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE. Le modèle danois. Actualité de la veille engestion publique, Institut de la gestion publique et du développement économique, Gestion Publique réactive, département Recherche,études, veille. Août 2007. 6 pages

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en cotisant à la centrale, les employés cotisent à l’assurance chômage mais peuvent aussibénéficier de garanties bancaires ou du paiement des jours de grève98.

Le pourcentage élevé de syndiqués au Danemark (80% des salariés membres d’unsyndicat) est dû au fait que, dans la plupart des cas, l’assurance chômage est lié à l’affiliationau syndicat99.

De son côté la principale organisation des employeurs, DA, regroupe la majorité desemployeurs soit plus de 12 000 entreprises dans tous les secteurs100.

Depuis les accords sur le contenu des conventions collectives adoptés en 1936 et 1938,les conventions doivent traiter de toutes les questions liées aux conditions de travail. Ainsila durée du travail, de 37 heures hebdomadaire actuellement, est fixée par la négociationtout comme les heures supplémentaires ou les périodes de préavis101.

Si les négociations sont parfois tripartites, l’Etat ne joue, la plupart du temps, qu’un rôlesubsidiaire. Il n’est pas garant du fonctionnement du marché.

Cependant malgré une tradition de non intervention, le gouvernement et le parlementparticipent au dialogue social depuis les années 30. En effet des règles régissantl’intervention de l’Etat dans la régulation des conflits de travail ont été introduites parla loi en 1934. La même année, un bureau de conciliation a été créé. Il agit en tantque médiateur dans les conflits sociaux. Aujourd’hui, ce médiateur officiel peut intervenir,sur sa propre initiative, dans la négociation pour prévenir l’éclatement d’un conflit. L’Etatparticipe également à des négociations tripartites au sujet de l’augmentation des salairespar exemple102.

Parfois les deux partenaires sociaux principaux s’allient contre le gouvernement. Eneffet, il s’agit pour eux de favoriser les échanges «gagnant-gagnant»103. Ainsi lorsque leministère de l’emploi a proposé de réduire les allocations chômage en 2003, les syndicats detravailleurs ont résisté. Ils ont bénéficié du soutien des employeurs pour qui, une réductionde la couverture sociale aurait eu pour corollaire une demande de renforcement de laprotection des emplois. Ainsi les deux parties ont fait alliance pour conserver leur systèmeet le ministère a finalement retiré sa réforme104.

c. La mobilité, une liberté?

98 BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’«activation» de la protection sociale en Europe? L’Europe sociale en perspective,Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332

99 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages100 MEHAIGNERIE, Pierre. Rapport d’information sur le marché de l’emploi au Danemark. Assemblée nationale, N°1913.

Novembre 2004. 31 pages101 LALUCQ, Aurore. Le Danemark : un exemple de renouvellement du contrat social ?, Un modèle logique, ancré dans

l’histoire longue, institutionnelle et politique, danoise (en ligne). Avril 2006. Consultable sur Internet : http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-6863.html (consulté le 22.11.2007)

102 MADSEN, Per Kongshøj. How can it possibly fly? The paradox of a dynamic labour market in a scandinavian welfarestate.Centre for Labour Market Research (CARMA), Aalborg University, 2005. 38 pages.

103 BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’étudesDe L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages

104 MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Road to “Flexicurity” Where are we? And how did we get there? Paper for a conferenceat the Royal Netherlands Academy of Arts and Sciences of Amsterdam on November 17, 2004.21 pages.

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Les partenaires sociaux travaillent donc en étroite coopération. Beaucoup d’employeurssavent qu’il est dans leur intérêt d’entretenir des relations stables avec les employés. Deleur coté les travailleurs reconnaissent certains avantages à la flexibilité. En effet, celle-cileur permet d’organiser leur carrière professionnelle selon leur trajectoire de vie. Il s’agit defavoriser la conciliation entre monde du travail et vie privée, selon les différentes périodesde la vie105.

Cette flexibilité passe par une importante mobilité des travailleurs danois.La capacité d’adaptation est une exigence au Danemark : en Novembre 2004, le

premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen affirmait ainsi au congrès national du partilibéral: «In the old days, people would probably have said that security in the labour marketequalled a good, steady job and long terms of notice in case of dismissal. But in the labourmarket of the future, security will mean being able to adapt to new situations»106.

En effet, la flexibilité sur le marché du travail a pour corollaire la haute mobilité destravailleurs. Chaque année, environ un tiers de la population active, soit 600.000 à 700.000personnes, changent de travail. La durée moyenne d’emploi est d’ailleurs une des plusfaibles au monde107. La mobilité s’explique par la flexibilité du marché du travail maiségalement par l’ouverture à l’international du Danemark.

Si certains travailleurs, environ 400 000 en 2004, soit 16% de la population active,connaissent une période de chômage108, les moments de transition entre deux emploissont courts car la mobilité ne touche pas que les moins qualifiés, elle est générale. Ledéveloppement des hautes technologies crée de plus en plus d’emplois très qualifiés auxstatuts atypiques, comme les consultants ou les indépendants, qui sont, par définition, desemplois mobiles.

Cependant si cette mobilité concerne toutes les catégories, force est de constater queles conditions de la mobilité ne sont pas les mêmes selon la qualification. Tandis que lesplus qualifiés ont plutôt tendance à choisir leur mobilité, les moins qualifiés et les plus jeunessont plus nombreux à la subir109.

La mobilité danoise est une mobilité entre entreprises, elle est très peu géographique,en raison de la géographie du Danemark et de la concentration de l’activité sur quelquesbassins d’emploi (Comme Copenhague)110.

105 BREDGAARD, Thomas, FLEMMING, Larsen, MADSEN, Per Kongshøj. The flexible Danish labour market – a review.CARMA(Centre for Labour Market Research), Aalborg University. April 2005. 43 pages.

106 BREDGAARD, Thomas, FLEMMING, Larsen, MADSEN, Per Kongshøj. The flexible Danish labour market – areview.CARMA (Centre for Labour Market Research), Aalborg University. April 2005. 43 pages.

107 MADSEN, Per Kongshøj. Labour Market Flexibility and Social Protection in European Welfares States-Contrasts andSimilarities, Centre for Labour Market Research, University of Aalborg,February 2005, 32 pages.

108 VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, RevueSociétal N°52, 2006. Pages 80-83

109 ABRAHAMSON, Peter. Le modèle scandinave en question in BOUGET, Denis et PALIER, Bruno (Sous la dir.) Comparerles systèmes de protection sociale en Europedu Nord et en France, rencontre de Copenhague 4, PARIS, MIRE, DREES, 1998, tome1, p. 39-63.

110 MEILLAND, Christèle. Danemark Flexibilité sans précarité ?Chronique internationale de l'IRES (Institut de rechercheéconomique et sociale)- n° 97 - Novembre 2005 12 pages.

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Malgré une flexibilité et une mobilité accrue, le sentiment de sécurité des salariés danoisest très élevé111: En effet, les Danois sont nombreux à s’estimer occuper un emploi de bonnequalité et à se considérer en sécurité. Le Danemark se situe ainsi aux premier et deuxièmerangs des pays de l’OCDE sur ces critères en 2003112.

B/ Une sécurité assuréeLe sentiment de sécurité qu’éprouvent les employés danois s’explique par le fait que lesystème de protection sociale organise une protection généreuse des risques. La sécuritéest ainsi le second pilier de la «flexsécurité».

a. Un droit universel à la retraite

La protection sociale couvre tout d’abord le risque vieillesse113. Le droit à la retraite, introduiten 1956, est la véritable incarnation de l’universalisme du système. La retraite est, eneffet, versée à tous les résidents à partir de l’âge de 65 ans à condition d’avoir résidé aumoins deux ans dans le pays. (Afin de recevoir une retraite complète, il faut avoir résidéau Danemark pendant 40 ans). Les conditions de résidence sont les seules à respecter carle droit à la retraite est indépendant d’une participation au marché du travail ou d’autresrevenus et richesses.

En outre, un système de préretraite très avantageux a été instauré en 1978. Lespersonnes qui avaient cotisé pendant 25 ans à l’assurance chômage pouvaient cesserde travailler à partir de 60 ans et percevoir une allocation du même type que l’allocationchômage jusqu’à l’âge de la retraite, c’est-à-dire 67 ans. Mais devant le succès de la mesurele gouvernement a réformé le système en 1998. Afin de limiter les dépenses publiques il arendu les règles plus strictes. L’âge de la retraite a été baissé à 65 ans pour limiter à cinqans la période de préretraite. De plus, l’Etat perçoit désormais une cotisation spéciale despersonnes qui souhaitent bénéficier du système et celles qui n’en bénéficient pas reçoivent,quant à elles, une prime de l’état114.

Le système de protection sociale couvre aussi le risque chômage. Sorte de «garantiedommages» au salarié qui a été licencié rapidement et/ou brutalement115, le filet desécurité danois transmet ses prestations par deux institutions complémentaires. En effet,un système à deux vitesses assure la protection des personnes sans emploi: environ 80%des travailleurs sont membres d’un fond d’assurance pour le chômage tandis que les 20%non assurés restants sont éligibles à l’assurance sociale.

b. L’assurance chômage, pilier de la sécurité

111 LEFEBVRE, Alain. Le modèle danois de la « flexicurité ». Liaisons Sociales Europe, No. 112, 13 Octobre 2004112 AUER, Peter. Panorama des systèmes de mobilité et de transitions : perspectives internationales et prospective, in Les

troisièmes entretiens de l’emploi : Transitions et trajectoires , 19 et 20 mars 2003, Les Actes, 241 pages.113 BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’« activation» de la protection sociale en Europe ? L’Europe sociale en perspective,Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332

114 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages115 MEILLAND, Christèle. Danemark Flexibilité sans précarité ?Chronique internationale de l'IRES (Institut de recherche

économique et sociale)- n° 97 - Novembre 2005 12 pages.

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Les fonds d’assurance chômage ont été mis en place par les travailleurs à travers

l’action des syndicats au début du XXème siècle. Reconnus par l’Etat en 1921, ilssont subventionnés depuis cette date à hauteur d’environ 60% de leurs ressources. (Lecomplément étant assuré par les cotisations des salariés).

L’assurance chômage est donc un système facultatif, géré par les caisses privées,agréées par l’Etat et proches des syndicats.

Le système est géré par l’autorité centrale du marché de l’emploi(Arbejdsmarkedsstyrelsen) qui opère sous l’autorité du ministère de l’emploi. C’est l’Etatqui finance à 80% les allocations chômage. Mais en pratique, la gestion des fonds revientaux organisations syndicales. Il existe ainsi trente-six fonds pour les salariés, et un pourles cadres116.

Le système de l’assurance chômage a été réformé en 1994: la durée et le montant desindemnisations ont été réduits. La période d’indemnisation est passée de sept à quatre anset les allocations sont plafonnées à 1800 euros par mois pour un temps plein. Malgré cetteréforme la couverture sociale reste généreuse car l’allocation est, en principe, équivalente à90% du salaire précédent. Cependant si le taux de compensation des bas salaires est trèsélevé, le taux moyen est plus proche des 60% que des 90% du salaire117.

De plus, l’accès aux allocations est soumis au respect de certaines conditions. Il fauten effet être affilié depuis au moins un an à une caisse d’assurance chômage agréée parl’Etat. Il faut également avoir travaillé au moins 52 semaines au cours des trois dernièresannées (équivalent temps plein). Enfin il faut s’être inscrit, dès le premier jour du chômage,auprès des services de l’emploi car l’indemnisation commence dès l’enregistrement118.

Lorsque les chômeurs arrivent en fin de droit ou lorsqu’ils font partie des 20% qui ne sontpas membres d’un fonds d’assurance chômage, c’est le système de l’assistance sociale quiassure la protection des individus.

c. L’assistance sociale, dernier filet de sécuritéSi les travailleurs non assurés représentent 20% de la population active, ils constituenten revanche une part beaucoup plus importante des travailleurs au chômage. En effet lespersonnes les moins attachées au marché de l’emploi se retrouvent en général dans cegroupe.

Initialement aide aux «pauvres méritants», l’assistance sociale était basée sur lesrésultats de tests dit des «besoins, des moyens et du travail»119.

Cette assistance est accordée en dernier recours: elle vient se substituer aux autresformes d’aide ou compléter un revenu personnel très bas. Encore aujourd’hui l’assistanceest accordée selon les besoins, afin de couvrir le coût de la vie. Son montant dépend du

116 VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, RevueSociétal N°52, 2006. Pages 80-83

117 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne,Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.

118 MEHAIGNERIE, Pierre. Rapport d’information sur le marché de l’emploi au Danemark. Assemblée nationale, N°1913.Novembre 2004. 31 pages

119 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique socialedanoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.

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revenu du ménage: de 940 euros pour un individu seul, le montant de cette allocation desurvie peut aller jusqu’à 1260 euros pour les citoyens ayant des enfants à charge120.

C’est la couverture universelle de la protection sociale. Par tradition, l’assistance socialeest gérée par les autorités municipales121. En effet, décider de qui était pauvre méritant etqui ne l’était pas supposait une gestion de proximité de l’individu. Celle-ci a été conservéedans un souci d’efficacité.

L’efficacité est un souci permanent pour le gouvernement danois. En effet, un tel régimed’allocations chômage crée un fort effet « désincitatif » chez les demandeurs d’emplois:«Denmark is one of the countries in the OECD-area with the largest dis-incentive problemsfor low-paid workers. According to OECD (1996), more than half of the employed workers inDenmark had effective replacement rates in the range from 81 to 100 per cent. Only Swedenhad a higher percentage of the employed in this range of replacement rates»122.

L’impératif de justice sociale semble primer sur l’incitation à la reprise d’un emploi. Maissi tel était réellement le cas, le système serait déséquilibré. C’est pourquoi le haut niveaude sécurité fourni par le système de protection sociale est contrebalancé par l’obligationde participer aux politiques actives du marché de l’emploi. Ces dernières réintroduisentl’incitation à la reprise d’un travail123.

La politique de l’emploi a été profondément réformée tout au long de ces quinzedernières années et les mesures actives se sont multipliées. L’activation s’est aussiaccompagnée d’un processus de décentralisation.

C/ Une activation développéePreuve de l’importance qu’ont prises les politiques de l’emploi dans le système social danois,le niveau des dépenses dans le domaine est le plus élevé d’Europe. En effet, 4,3% du PIBa été investi dans «l’activation» en 2003 alors que la moyenne dans l’Europe des quinzeétait de 2,3%124.

a. Le contrat d’activationIntroduites en 1979 les mesures actives de la politique de l’emploi ont pris leur essor dansles années 90, à l’occasion de la profonde réforme du système social. Le terme d’activation,«aktivering» en Danois, a été inventé par les suédois, les premiers à élaborer des politiquesactives de l’emploi.

120 BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’«activation» de la protection sociale en Europe? L’Europe sociale en perspective,Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332

121 HAMMER, Bo ; ROSHOLM, Michael ; SVARER, Michael. A Danish Profiling System, Working Paper No. 2004-13, universityof Aarhus, Denmark. 2004. 25 pages.

122 PEDERSEN, Peder. Unemployment Traps – Marginal Groups in the Danish Labour Market, Department of Economics,University of Aarhus, Danish National Institute of Social Research, Copenhagen and IZA, Bonn, Paper prepared for the workshop“Indicators and Policies to make Work Pay”, march 17, 2005, 20 pages.

123 ALGAN Yann ; CAHUC, Pierre. La société de défiance Comment le modèle social français s’autodétruit. Collection duCEPREMAP (CENTRE POUR LA RECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS), 2007, 102 pages.124 MELIS, Africa. Dépenses consacrées aux politiques du marché du travail 1998-2003 », Statistiques en Bref, Population etconditions sociales, n°17/2005, Luxembourg, Eurostat, 8 pages.

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Cette politique est basée sur la conviction que les chômeurs ont à la fois des droits etdes devoirs. Si par le passé le chômage était considéré comme un phénomène structureldont les travailleurs étaient les victimes innocentes, devant être indemnisées jusqu’à ce quela conjoncture économique soit plus favorable, aujourd’hui le chômage est perçu commeun défaut de qualification125.

Le système repose sur la notion très ancienne de droits et d’obligation, «Regt og pligt»en danois. En effet, aux débuts de l’assistance sociale, le pauvre devait être «méritant»pour avoir droit à l’aide. Cela signifiait qu’il ne devait pas être responsable de sa situationen n’ayant pas fait preuve d’immoralité dans sa vie. De plus, en échange de l’aide fournieil devait travailler pour la paroisse ou la municipalité126.

Cet état d’esprit a perduré tout au long du XXème siècle. Ainsi, jusqu’à une date récenteles bénéficiaires de l’aide sociale n’avaient pas le droit de partir en vacances127.

Le système s’apparente à un contrat entre le chômeur et les autorités de l’emploi:«Le contrat qui établit la confiance entre l’individu et le service de l’emploi, les communeset caisses syndicales d’assurance chômage consiste dans le fait que si la personne seconforme aux engagements qu’elle prend avec la caisse et le service public de l’emploi, elle

voit ses risques généreusement couverts» 128 .

Le système danois étant fortement lié à une logique de plein emploi, la pression socialevient s’ajouter à l’éthique collective129. En effet l’éthique du travail est très forte. Pour preuve,les individus qui n’ont jamais travaillé sont qualifiés de «profiteurs», «misbruger» en danois.

L’activation a une vocation universelle, s’appliquant à tous, quelle que soit la situationde l’individu au regard de l’emploi. Elle consiste en un ensemble diversifié de services deformation qui sont proposés, et parfois imposés, aux chômeurs afin qu’ils améliorent leurscompétences. «Le problème ne se trouve plus au niveau de la demande d’emploi mais ducôté de l’offre»130.

La réforme du système social en 1994 est l’occasion de mettre l’accent sur l’obligationd’activation pour les demandeurs d’emploi. Un plan d’action individuel, appelé «individualhandlingsplan» est alors mis en place. Il s’agit d’un contrat individuel entre le chômeur et

125 BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’ « activation » de la protection sociale en Europe ? L’Europe sociale enperspective, Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332

126 ABRAHAMSON, Peter, chef du département de sociologie de l’Université de Copenhague. « La fin du modèle scandinave ?La réforme de la protection sociale dans les pays nordiquesRevue françaisedes affaires sociales, N°3 juillet-septembre 2005. 220pages.

127 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique socialedanoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.

128 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne,Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.

129 SCHUKNECHT, Ludger ; TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIELJean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79

130 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique socialedanoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.

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le service public de l’emploi. Ce dernier offre une large palette de services d’activation auchômeur qui doit lui permettre de réintégrer le marché du travail131.

Le contrat fixe des obligations réciproques: tandis que le service public s’engage àfournir des offres de formation de qualité, l’individu se doit de respecter le parcours négociéet d’aboutir à un résultat.

Le respect du contrat est primordial car désormais les allocations sont conditionnéesà ces obligations d’activation. Le chômeur est donc tenu de participer aux mesures activesd’offre d’emploi sous peine de voir ces indemnités réduites.

Depuis 2002, il n’y a plus de distinction entre la période dite «passive» durant laquelleles personnes recevaient des allocations et pouvaient demander à participer à des mesuresd’activation et la période «active» où la participation était obligatoire. Aujourd’hui lesbénéficiaires doivent s’inscrire dans une mesure d’activation dans les six premiers mois dechômage132.

La réforme de 2002, intitulée «plus de personnes en emploi», « Flere i arbejd » endanois133, visait l’incitation à la recherche d’emploi. L’objectif était d’augmenter la populationactive de 60 000 personnes à l’horizon 2010 mais aussi le nombre d’emplois en s’assurantque le travail serait toujours plus rémunérateur que le chômage. C’est pourquoi la périodepassive a été supprimée. (Liste des réformes en annexe 2).

b. L’activation décentralisée

La politique de l’emploi est gérée de façon décentralisée134. En effet, dès 1994, lesconseils régionaux composés de représentants de fédérations d’employeurs, syndicats,et des autorités locales, ont été chargés de choisir les programmes d’activation les plusappropriés avec les besoins locaux. La régionalisation est donc un élément important dufonctionnement du système.

La planification régionale est censée permettre une gestion de proximité et renforcerl’implication des partenaires sociaux. Dans un souci constant d’efficacité, les autorités ontdiminué le nombre de municipalités en 2007 de sorte qu’elles comprennent toutes au moins30 000 habitants135. Elles sont donc passées de 271 à 98, les régions ont-elles aussi étéréduites de 14 à 4.

Les différents acteurs locaux se doivent donc de coopérer entre eux tout en assurantégalement la coordination avec le niveau national qui continue d’exercer un contrôle et defixer des objectifs prioritaires comme la prévention du chômage de longue durée. Le conseilnational de l’emploi et l’agence de l’emploi établissent des contrats annuels qui servent decadre au niveau régional.

131 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne,Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.

132 VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, RevueSociétal N°52, 2006. Pages 80-83

133 MANSUY, Michèle. Politiques et institutions danoises d’aide au retour à l’emploi. Les papiers du CERC (conseil de l’emploi,des revenus et de la cohésion sociale) décembre 2005. 26 pages.134 LEFEBVRE, Alain. Le modèle danois de la « flexicurité ».Liaisons Sociales Europe, No. 112, 13 Octobre 2004

135 MANSUY, Michèle. Politiques et institutions danoises d’aide au retour à l’emploi. Les papiers du CERC (conseil de l’emploi,des revenus et de la cohésion sociale) décembre 2005. 26 pages.

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En effet, ce sont les conseils régionaux de l’emploi (partenaires sociaux et exécutifrégional) qui fixent les objectifs des agences régionales de l’emploi. Ces dernières assurentle suivi et l’accompagnement des chômeurs.

Si les politiques d’activation sont une initiative gouvernementale, leur mise en œuvreest assurée en collaboration avec les partenaires sociaux qui contribuent au contrôlegénéral des formations, participent à l’identification des priorités, la définition des cursus deformation, ce qui assure une cohérence avec les besoins de qualification des entreprises,et un contrôle permanent de la qualité des formations professionnelles136.

Auparavant, différents bureaux s’occupaient des bénéficiaires selon qu’ils dépendaientdu régime d’assurance chômage ou de l’assistance sociale. En 2007, les deux réseauxse sont rapprochés pour créer un réseau d’accueil unique: 98 «jobcentres» proposentdésormais les mêmes prestations d’accompagnement aux deux catégories de demandeursd’emploi137.

Cette décentralisation, très poussée, s’explique par la tradition danoise de gestion deproximité. Aujourd’hui, la fonction publique locale représente 70% des effectifs totaux de lafonction publique138.

c. Un panel de mesuresLes bénéficiaires de l’assistance sociale ne forment pas un groupe homogène: on y retrouvede jeunes célibataires qui ont terminé leurs études mais n’ont pas encore trouvé de travailainsi que des chômeurs de longue durée sans qualification ou bien des personnes qui n’ontjamais travaillé. L’action communale se doit donc d’être diversifiée.

Les communes proposent parfois, pour les plus éloignés du marché du travail, une«activation sociale» qui ne vise pas en priorité de réinsérer la personne dans l’emploi maisplutôt de lui assurer un contact humain. Il s’agit de rétablir le lien social pour empêcher toutemarginalisation. La gestion de proximité prend, dans ce cas précis, toute son importance.

Cette gestion doit assurer le maintien d’un lien social mais elle est également gaged’efficacité. Les autorités municipales sont très motivées pour faire embaucher leursbénéficiaires aussi vite que possible par le fait qu'elles supportent 50% des dépenses (l'autremoitié leur est remboursée par l'Etat). Une commune efficace parvient à économiser desprestations ce qui lui procure des ressources pour d’autres fonctions139.

Pour ceux qui ne sont pas très éloignés du marché du travail, les mesures d’activationdoivent toutes viser un travail clairement identifié. Depuis la loi «plus de personnes autravail» de 2002, le système des offres d’activation a été simplifié dans un objectif derationalisation et d’efficacité. Il existe désormais trois grandes catégories:

-Le conseil et la formation (Vejledning og opkvalificering), un appui sur le court terme.136 LEFEBVRE, Alain ; MEDA, Dominique. Les modèles de l’État-providence et le système français, l e modèle nordique. Le

modèle Social français. Cahiers françaisn° 330, 6 pages137 MANSUY, Michèle. Politiques et institutions danoises d’aide au retour à l’emploi. Les papiers du CERC (conseil de l’emploi,

des revenus et de la cohésion sociale) décembre 2005. 26 pages.138 BARBIER, Jean-Claude. Les politiques d’activation scandinave et l’expérience française . (En ligne). Mission

Recherche (MIRE) à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003.Consultable sur Internet: http://www.sante.gouv.fr/drees/rfas/rfas200304/200304-art07.pdf 4 pages

139 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne,Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.

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-Le stage en entreprise (Virksomhedspraktik), la mesure qui a connu le plus grandsuccès.

-L’emploi subventionné, public ou privé (løntilskud) vise particulièrement l’acquisitionde nouvelles compétences140.

d. L’activation couplée à la formationLa mise en place des politiques d’activation répond à un besoin de formation. Véritable clefde voûte du dynamisme économique et de l’égalité des chances, les danois ont fait de laformation professionnelle un enjeu national.

S’il n’est pas surprenant que l’éducation soit considérée comme une responsabilitépublique, le fait est plus rare pour la formation professionnelle.

La longue tradition d’intervention de l’Etat dans le domaine de la formationprofessionnelle s’explique par la structure économique du Danemark.

En effet, les PME, dominantes dans le tissu économique, n’avaient pas les ressourcesnécessaires pour former efficacement leurs employés, c’est pourquoi le secteur public apris en charge leur formation. Traditionnellement, la formation s’adressait donc à toute lapopulation active et pas seulement aux chômeurs.

Cette caractéristique originale est encore vraie aujourd’hui puisque les chômeursreprésentent seulement un quart des travailleurs qui effectuent des formations dans le cadredu système public141.

La nécessité d’assurer à tous une formation tout au long de la vie est donc ancrée dansla mentalité danoise. Elle fait partie intégrante de la protection sociale. En effet, il ne fautpas perdre de vue que le dynamisme danois est fondé sur la haute compétitivité de sonéconomie. Or celle-ci passe par une main d’œuvre très qualifiée, plus à même de s’adapteraux nouveaux défis d’une économie mondialisée. La haute qualification est également unmoyen d’assurer le plein emploi, condition du maintien du système142.

Grâce aux offres de formation des politiques actives de l’emploi, la formationprofessionnelle est répandue à tous les âges de la vie: huit danois de 25 à 64 ans sur dixont suivi une formation en 2003143.

En plus des offres de formation qu’offre le système d’activation, les danois peuventétudier dans les hautes écoles populaires, «højskole» en danois, créées par le pasteurNicolas Grundtvig en 1844. Indépendantes mais subventionnées par l’Etat, l’admission àces écoles est libre et l’enseignement y est diversifié. En permettant aux adultes d’acquérirde nouvelles connaissances, ces écoles participent pleinement au développement d’unesociété de la connaissance144.

140 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne,Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.

141 MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success.University of Copenhagen, ILO(International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages

142 VIELLE, Pascal. Flexicurité : redéfinir la sécurité des citoyens. (En ligne) Bruxelles : Observatoire social européen, octobre2007 ; 13 p. Consultable sur Internet : http://www.ose.be/files/PolicypapersOSE/OSEPolicypaper1-Vielle.pdf

143 KAILIS, Emmanuel ; PILOS, Spyridon. L’apprentissage tout au long de la vie en Europe , Statistiques en Bref, Populationet conditions sociales, n°8/2005, Eurostat, Luxembourg. 8 pages.

144 LYKKETOFT, Mogens. Le modèle danois, Editions Esprit ouvert, 2006, 125pages

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Ainsi la formation professionnelle s’inscrit dans la continuité de la priorité donnée àl’éducation. En effet la société danoise investit massivement dans la formation initiale: En2005 les dépenses publiques consacrées à l’éducation ont représenté 8,5% de son PIB,soit le niveau de dépense le plus élevé parmi les pays européens145.

Le niveau d’éducation danois est donc très élevé: La part des 25-35 ans ayant atteintune formation de deuxième cycle est de 86% (contre 68% en Grande Bretagne), de 80%pour la tranche d’âge 35-44 ans, et encore de 72% pour la tranche d’âge 55-64 ans (46%en France) en 2003146.

L’importance de la formation est une des clés de compréhension du système. En effet ila été étudié dans un paragraphe précédent que la population active était fortement mobile.Or cette mobilité se lit en miroir avec une formation professionnelle importante qui permetde gérer les périodes de transition.

Grâce à ce système (ainsi qu’à une forte indemnisation) le chômage n’est pas vécucomme un état d’isolement. Il devient un état provisoire, donc banalisé.147

La «flexsécurité», souvent présentée comme un compromis entre les exigences de laflexibilité pour les entreprises et de sécurité pour les salariés, s’apparente plutôt à un contratde société. Le triangle d’or fonctionne en assurant un équilibre entre les intérêts des uns etdes autres148. (Aperçu du système en annexe 3).

Cependant créer une alchimie entre les trois angles du triangle reste un défi permanent.Si la «flexsécurité» couplé à une politique macro-économique saine et stable fait le succèsdu modèle danois149, il s’agit désormais d’étudier les défis auxquels le Danemark doit faireface. Le contrat de société danois montre-t-il des signes de faiblesse? 150.

III/ Une évaluation critique du système social danoisQualifié «d’idéal type», l’Etat Providence social démocrate fait figure de premier de la classeparmi les économies européennes. Le «triangle d’or» permet en effet de concilier efficacitééconomique et cohésion sociale. Bénéficiant d’un taux de chômage proche du plein emploi

145 ANDRÉN, Birgitta ; SCHMIDT, Pascal. L’éducation en Europe, Statistiques clés 2002/2003 , Statistiques en Bref, Populationet conditions sociales, n°10/2005, Eurostat, Luxembourg. 12 pages.

146 KAILIS, Emmanuel ; PILOS, Spyridon. L’apprentissage tout au long de la vie en Europe , Statistiques en Bref, Populationet conditions sociales, n°8/2005, Eurostat, Luxembourg. 8 pages.

147 DELCOURT, Christian. Emploi : le « miracle » danois est-il transposable en Belgique ? ETOPIA, Centre de recherche etd’animation en écologie politique. Analyse n°22. Octobre 2005. 6 pages

148 BOISSARD, Sophie. Mobilité, formation et parcours professionnels : les multiples visages de la – flexicurité – dans et horsde l'entreprise. (En ligne). Centre d'Analyse stratégique; In Note de veille n°45 du 12/02/07, 8 pages. http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/Note_de_veille_45_12.02.07.pdf . Consulté le 14 mai 2008.

149 RASMUSSEN, Anders Fogh. Discours du Premier Ministre Danois à la conférence de l’UMP sur les défis économiques,Paris le 7 septembre 2005, 12 pages

150 FREDERIKSEN, Claus Hjost. Discours du ministre de l’Emploi à la Conférence sur la flexicurité in MEILLAND, Christèle.Danemark Flexibilité sans précarité ? Chronique internationale de l'IRES (Institut de recherche économique et sociale) - n° 97 -novembre 2005, 12 pages.

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et d’un taux d’emploi très élevé, le Danemark parvient également à prévenir l’apparitiond’une pauvreté de masse151.

Le système danois serait ainsi la preuve «qu'il est possible de s'adapter à laglobalisation par le haut, sans renoncer sur le fond à son modèle social152.»

L’Etat Providence social-démocrate aurait-il réussi le tournant du XXIème siècle? Si lesuccès danois a été mis en lumière jusqu’ici, il convient désormais d’évoquer les limites dusystème. En effet certaines critiques remettent en question l’efficacité de la «flexsécurité»tandis que l’alchimie du triangle d’or est soumise à rude épreuve par l’apparition denouveaux défis.

A- Le triangle d’or à l’épreuve de la critiqueMalgré le succès apparent de l’Etat-Providence social démocrate danois, il est possibled’établir une évaluation critique du triangle d’or, et notamment de la politique d’activation,dont l’efficacité est sérieusement discutée.

a. Un rapport coût/efficacité discutéLe système a l’inconvénient d’être très couteux pour la collectivité. En effet, comme nousl’avons vu dans la partie précédente, le Danemark, qui dépense près de la moitié de sonPIB dans les services publics, finance son Etat providence par l’impôt. Le taux d’impositiondanois est ainsi le deuxième taux d’imposition le plus élevé au monde derrière le tauxsuédois153.

Les contribuables danois peuvent donc se permettre d’être exigeants. Le coût dusystème doit, en effet, être compensé par son efficacité. Le taux de chômage est souventutilisé comme preuve incontestable du succès du modèle danois. De plus de 10% au plusfort de la crise dans les années 90, le taux de chômage est descendu à 4,8% en 2006154,un chiffre qui correspond à, environ, 130 000 personnes au chômage, ce qui signifie que leDanemark est quasiment dans une situation de plein emploi.

Mais derrière ce très bas taux de chômage, une autre réalité se profile: de nombreuxdanois qui participent à des mesures de la politique de l’emploi ou sont en préretraite ne sontpas comptés dans les chiffres du chômage. Ils seraient environ 284 000 (chiffre de 2005)155.

La prise en compte de ces citoyens engagés dans des mesures d’activation augmenteconsidérablement le taux de chômage: de 130 000 le nombre de chômeurs passe à 444 000.

151 SAPIR, André. Globalisation and the Reform of European Social Models.Background document for the presentation at ECOFINInformalMeeting in Manchester, 9 September 2005. BRUEGEL. 19 pages

152 SAPIR, André. Globalisation and the Reform of European Social Models.Background document for the presentation atECOFIN InformalMeeting in Manchester, 9 September 2005. BRUEGEL. 19 pages153 Voir I du 2ème chapitre

154 SCHUKNECHT, Ludger ; TANZI, Vito. Etat-Providence et performance économique : le cas des pays nordiques in DANIELJean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal N°52, 2006, pages 75-79

155 PEDERSEN, Peder. Unemployment Traps – Marginal Groups in the Danish Labour Market, Department of Economics,University of Aarhus, Danish National Institute of Social Research, Copenhagen and IZA, Bonn, Paper prepared for the workshop“Indicators and Policies to make Work Pay”, march 17, 2005, 20 pages.

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La population active étant d’à peu près trois millions de personnes (lorsque l’on réintègreles inactifs), le taux de chômage serait plutôt de l’ordre de 14,8%156.

Cependant, l’indicateur du taux d’emploi apparaît plus fiable. Le rapport coût/efficacités’en trouve alors amélioré car au Danemark, le taux d’emploi des 15 à 64 ans est parmi lesplus élevés d’Europe. En 2005 il dépasse de plus de dix points la moyenne européenne:76 % contre 65 %157.

b. Les effets mitigés de la politique d’activation

Qualifiée d’activation stérile (meningsløs aktivering)158, l’efficacité de la politique active del’emploi est critiquée par certains qui n’hésitent pas à parler «d’usine à activation» 159. Cesexpressions traduisent le désenchantement face aux résultats des politiques actives del’emploi.

En effet, certaines études ont révélé le peu d’efficacité de ces mesures, mettant enlumière leurs différents effets. Tout d’abord, il existerait un effet de blocage, dit effet «locking-in» selon lequel les recherches d’activité seraient réduites pendant la période d’activation160.

Paradoxalement, c’est pendant la durée du programme d’activation que les personnesauraient le moins de possibilités de rechercher un emploi. La tendance naturelle desindividus en stage ou en formation serait de cesser de chercher un travail161.

Participer à une mesure d’activation inciterait même certains à retarder leur retour surle marché du travail. Cet effet désincitatif est en complète contradiction avec l’objectif dela politique d’activation, qui, par définition, est de réintroduire l’incitation à la recherched’emploi.

En miroir de cet effet de blocage, il existerait un «effet motivation» selon lequel lapersonne chercherait plus activement un travail dans la période précédant sa participationà un programme d’activation. Cet effet est aussi appelé «effet de dissuasion» car il met enévidence le peu d’attractivité de la mesure d’activation. Ainsi les personnes seraient plusmotivées à trouver au plus vite un emploi avant le début de leur formation. Cet effet estdétecté empiriquement par une augmentation de la fréquence d’obtention d’un emploi àl’approche de la période d’activation162.

156 Calcul personnel157 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale

danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.158 MADSEN, Per Kongshøj. Labour Market Flexibility and Social Protection in European Welfares States – Contrasts and Similarities,Centre for Labour Market Research, University of Aalborg,February 2005, 32 pages.159 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne, Allemagne etDanemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.

160 MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Model of “Flexicurity” – A Paradise with some Snakes. European Foundation for theImprovement of Living and Working Conditions. Interactions between Labour Market and Social Protection. Brussels May 16, 2002.15 pages

161 VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, RevueSociétal N°52, 2006. Pages 80-83

162 BOYER, Robert. La flexicurité danoise quels enseignements pour la france ? CEPREMAP (CENTRE POUR LARECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS). Éditions Rue d’Ulm/Presses de l’École normale supérieure, 2006

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L’effet incitatif qu’est censée exercer la politique d’activation est alors détourné:l’incitation n’apparaît pas a posteriori de la participation à une mesure de formation maisavant cette dernière.

«L’effet qualification»163 serait l’effet le plus positif qu’engendreraient les politiquesd’activation. En effet, les compétences de la personne «activée» s’étant accrues aprèsla fin du programme de formation, cette personne peut bénéficier d’une augmentation dequalification, multipliant ainsi ses chances d’accès à l’emploi.

Cependant, cet effet positif est nuancé par un autre qualifié de «creaming effect» selonlequel ce sont souvent les personnes les plus dotées en ressources qui bénéficient desoffres d’activation de meilleure qualité. Cet effet est assez logique et économiquementefficace mais en contradiction avec l’objectif de la politique d’activation qui est d’offrir lesmêmes chances à tous164.

Ainsi, les programmes d’activation n’auraient pas significativement permis aux groupesles plus défavorisés d’entrer ou de rejoindre le marché du travail.Quant à ceux qui ontretrouvé un emploi grâce à une mesure d’activation, il semblerait qu’ils en auraient retrouvéun de toutes façons165.

Ces effets généraux de la politique d’activation varient fortement suivant le typede mesure étudié. Celle qui est la plus prisée par les travailleurs semble aussi la plusefficace. Il s’agit du stage en entreprise privée. En effet, cette mesure engendrerait uneffet positif sur la recherche d’emploi plus rapidement que les autres formations donnéesdans le public: 59% des personnes ayant suivi une formation privée en 2002 étaientfinancièrement indépendantes en 2003. Par contre, seulement 25% des personnes ayantreçu une formation publique ou une activation municipale en 2002 étaient financièrementindépendantes en 2003166.

Cependant peu de personnes reçoivent les offres du privé. La majorité desoffres concerne des formations publiques ou des mesures d’activation municipales qui,apparemment, ne contribuent pas à une évolution vers l’indépendance financière167.

Le passage en revue de ces quelques effets, mis en évidence par les études surl’activation, corrobore l’idée d’une faible efficacité du système. De plus, malgré les mesuresd’activation, des difficultés de recrutement subsistent pour des travaux pénibles ou peuqualifiés168.

163 MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Model of “Flexicurity” – A Paradise with some Snakes. European Foundation for theImprovement of Living and Working Conditions. Interactions between Labour Market and Social Protection. Brussels May 16, 2002.15 pages

164 MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Model of “Flexicurity” – A Paradise with some Snakes. European Foundation for theImprovement of Living and Working Conditions. Interactions between Labour Market and Social Protection. Brussels May 16, 2002.15 pages

165 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne,Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.

166 VAN DER PUTTEN, Raymond, Le modèle danois : Flexibilité-sécurité in DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave, RevueSociétal N°52, 2006. Pages 80-83

167 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique socialedanoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.

168 MEHAIGNERIE, Pierre. Rapport d’information sur le marché de l’emploi au Danemark. Assemblée nationale, N°1913.Novembre 2004. 31 pages

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L’activation est aussi critiquée pour avoir favorisé la stigmatisation de certainescatégories de travailleurs. En effet, parfois assimilée à un système de tri, l’activation joueun rôle clef pour déterminer si une personne est en mesure de retourner sur le marché dutravail ou si elle doit recevoir de l'aide d'un des divers régimes d’assistance sociale169.

Mesure clé de la stratégie consistant à éradiquer le risque d’exclusion des moinsqualifiés, l’activation n’empêcherait donc pas la marginalisation de certaines catégories dela population.

La lutte contre l’exclusion sociale reste d’actualité. En effet, le système danois estconfronté à de nouvelles tendances qui mettent son équilibre social sous pression.

B- Le contrat social sous pression ?170

«Pour autant ce modèle, à la fois fortement empreint de libéralisme économique etd’égalitarisme social qui, aujourd’hui, donne de bons résultats, résiste-t-il à des perspectivesà plus long terme?»171

En effet, au moment où le Danemark remplace les modèles précédents (suédois,japonais, américain…) comme modèle de référence en termes de performanceséconomiques et sociales, le système rencontre un certain nombre de tensions. Concilierl’efficacité économique avec l’impératif de justice sociale reste un défi permanent.

a. Vers la dualisation du système?En rajoutant des conditions d’éligibilité, en réduisant la durée des prestations et en amplifiantla politique d’activation, les réformes menées depuis le milieu des années 90 ont modifié la«social citizenship», c’est-à-dire la nature des droits sociaux172.

En quoi le contrat social du modèle, basé sur l’universalisme et l’exigence d’égalité est-il aujourd’hui remis en question par une certaine tendance à la dualisation mais surtout parle durcissement de la société à l’égard des populations immigrées?

Le compromis constitutif du système repose sur un contrat social qui est l’expressiond’une volonté collective. Un système hautement redistributif vise à lutter contre l’exclusion enaméliorant les qualifications des travailleurs. L’objectif est, en effet, de maintenir un niveaud’employabilité élevé afin d’assurer le plein emploi173. Ce compromis s’est construit sur une

169 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique socialedanoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.170 STROBEL, Pierre. Le modèle nordique de protection sociale sous le choc des réformes. Mission Recherche (MIRE) à

la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. 10 pages171 MEHAIGNERIE, Pierre. Rapport d’information sur le marché de l’emploi au Danemark. Assemblée nationale, N°1913. Novembre2004. 31 pages172 BARBIER, Jean-Claude. Les politiques d’activation scandinave et l’expérience française. (en ligne). Mission Recherche (MIRE)à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. Consultable sur Internet :http://www.sante.gouv.fr/drees/rfas/rfas200304/200304-art07.pdf 4 pages

173 WAECHTER, Philippe. Suède et Danemark : Vivre sans l’euro in DANIEL Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue SociétalN°52, 2006. Pages 62-73

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«passion de l’égalité»174. Les niveaux élevés de redistribution sont largement acceptés carles catégories sociales moyennes et aisées en bénéficient également.

Cependant, depuis les réformes de ces quinze dernières années, l’universalisme auraittendance à s’effriter. En effet, l’ouverture vers le haut de l’éventail des revenus et unindividualisme accru175 caractériseraient la tendance actuelle du système. L’universalismeserait menacé dans la mesure où la population considérerait de plus en plus l’Etat comme«une gigantesque assurance, un mécanisme qui permet de mutualiser les risques de la vie,et de moins en moins (…) comme un système conçu pour organiser la redistribution desrevenus et la réduction des inégalités176.»

De plus en plus, la société assigne au système l’objectif de réaliser des solidarités entregénérations et non plus entre classes sociales.

En effet, dans les années à venir, le Danemark va devoir relever le défi démographique.En raison du nombre croissant de retraités, plus d’un adulte sur quatre aura plus de 65 ansd’ici 2040177.

Le vieillissement de la population engendre une augmentation de la charge des retraiteset une diminution des cotisations finançant le système. Ainsi le poids des dépensespubliques dans le PIB passerait de 50% aujourd’hui à plus de 57% en 2040 alors que lesrecettes elles n’augmenteraient que de 5,3%178.

Le défi démographique est lié au défi fiscal: plus la population vieillit plus il est difficilede continuer à fournir des services de haute qualité sans augmenter les taxes: «Il n’est pasaisé de concilier l’ampleur des prélèvements obligatoires assurant la solidarité en réponseà de nouveaux besoins et la préservation des incitations à l’activité et à l’innovation179.»

La préservation des incitations à l’activité reste une priorité. Il s’agit, en effet, d’assurerle plein emploi, sur lequel repose la viabilité du système. Le taux d’activité au sein de lapopulation en âge de travailler doit nécessairement être élevé pour maintenir le financementdu système.

Or, entre 1960 et 1990, le nombre de personnes vivant des transferts sociaux est passéde 200 000 à 900 000 ce qui signifie qu’environ 25% des personnes âgées entre 16 et 64ans n’ont pas d’emploi et vivent d'allocations publiques180. Cette situation risque de mettreen danger l’équilibre économique de l’Etat Providence181.

174 Formule de Tocqueville, reprise notamment par Bent Rold Andersen, économiste, ministre danois des Affaires socialesen 1982. In STROBEL, Pierre. Le modèle nordique de protection sociale sous le choc des réformes. Mission Recherche (MIRE) à laDirection de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. 10 pages

175 STROBEL, Pierre. Le modèle nordique de protection sociale sous le choc des réformes. Mission Recherche (MIRE) à laDirection de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) RFAS No 4, 2003. 10 pages

176 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73177 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale

danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.178 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale

danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.179 BOYER, Robert. La flexicurité danoise quels enseignements pour la France ? CEPREMAP (Centre pour la recherche

économique et ses applications). Éditions Rue d’Ulm/Presses de l’École normale supérieure. 2006. 54 pages180 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale

danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.

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En effet, le défi du plein emploi est lié à celui de la croissance économique. Tant que leniveau d'activité économique demeure fort, le système paraît assez équilibré. Mais si le tauxde chômage venait à augmenter, le système d’indemnisation subirait une forte pression.C’est pourquoi, «plutôt que d'un triangle d'or, il vaudrait mieux parler d'un carré: le quatrièmeangle, c'est la croissance économique.»182

L’exigence permanente de dynamisme et de compétitivité pour assurer le plein emploiconduit à exclure du marché du travail ceux qui échouent à remplir les normes deproductivité exigées. Ainsi, le système social danois doit aussi faire face à une tendance àla marginalisation de certaines catégories de la population.

En effet, les réformes de ces dernières années, notamment le plan pour l’emploi de2002, ont concentré leur action sur certaines catégories de travailleurs, notamment leschômeurs et les étrangers, prenant le risque de les stigmatiser183.

Cependant, cette évolution est à nuancer. En effet, le taux de pauvreté du Danemarkest un des plus faibles des pays développés: 8% de la population disposait de moins de60 % du revenu médian en 1998 contre 12 % aux Pays-Bas, 18 % en France et 21 % auRoyaume-Uni184.

De plus, les danois restent très attachés à leur Etat Providence et privilégient l’exigencede cohésion sociale à la stigmatisation des chômeurs185. Si l’Etat providence danois resteprofondément institutionnalisé et ancré dans les mentalités, les Danois semblent plusréservés sur les politiques d’aide aux immigrés186.

b. L’immigration, un défi à releverL’immigration est un défi de taille pout le modèle danois. En effet, il implique de réconcilierla diversité et la solidarité187.

Les résidents d’origine étrangère représentent 6% environ de la population totale, soit300 000 personnes dont la moitié est constituée de musulmans.

181 INSTITUT DE LA GESTION PUBLIQUE ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE. Le modèle danois. Actualité de la veille engestion publique, Institut de la gestion publique et du développement économique, Gestion Publique réactive, département Recherche,études, veille. Août 2007. 6 pages

182 INSTITUT DE LA GESTION PUBLIQUE ET DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE. Le modèle danois. Actualité de la veille engestion publique, Institut de la gestion publique et du développement économique, Gestion Publique réactive, département Recherche,études, veille. Août 2007. 6 pages

183 ABRAHAMSON, Peter. Le modèle scandinave en question in BOUGET, Denis et PALIER, Bruno (Sous la dir.) Comparerles systèmes de protection sociale en Europedu Nord et en France, rencontre de Copenhague 4, PARIS, MIRE, DREES, 1998, tome1, p. 39-63.

184 MADSEN, Per Kongshøj. Denmark: Flexibility, security and labour market success. University of Copenhagen, ILO(International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages

185 LARSEN, Christian Albrekt. Blessing or Blame? Public attitude to Nordic ’workfare’ in the 1990s. Centre forComparative Welfare Studies ( www.CCWS.dk ) Aalborg University. 2003. 23 pages.

186 LARSEN, Christian Albrekt. Blessing or Blame? Public attitude to Nordic ’workfare’ in the 1990s. Centre forComparative Welfare Studies ( www.CCWS.dk ) Aalborg University. 2003. 23 pages.187 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus . Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages

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Or, cette catégorie de la population, souvent peu qualifiée, utilise les services publicsplus qu’elle ne contribue à leur financement. La création d’un tel déséquilibre met en dangerle système qui repose sur la contribution de tous au financement des services publics188.

Les immigrants, moins formés en moyenne que les danois, éprouvent plus de difficultésà remplir leur contrat d’activation que les autres. Le système de droits et d’obligation estainsi déséquilibré.

Mais la question de l’immigration est surtout politique. Elle accentue la division partisanedans un pays habitué à la logique du consensus. Le parti du peuple (danskfolkparti), dontla ligne politique est basée sur l’opposition aux étrangers, a gagné 25 parlementaires auxélections législatives de novembre 2007. Le gouvernement actuel doit compter sur le soutiende ce parti populiste pour s’assurer la majorité au parlement.

A l’heure actuelle une véritable course se joue entre l’intégration sociale des immigrantset la patience du contribuable de classe moyenne. En effet, la capacité qu’aura le Danemarkà concilier l’immigration avec son système social dépend du succès de l’intégration. Laquestion de l’immigration est très délicate car elle a des incidences sur la classe moyennedanoise. Or c’est sur cette dernière que repose le système social. Une défection de la classemoyenne, mettrait donc en danger la survie du modèle189.

Les tensions existantes au sein du système social danois en ce début de XXIème siècleconduisent certains observateurs à s’interroger sur la viabilité du modèle danois dans lefutur: «Can the Danish system survive?»190.

Cette troisième partie du second chapitre a permis de mettre en évidence certainscôtés négatifs du modèle danois. En établissant une évaluation critique du système il nousest apparu que si la réussite est palpable, certaines tensions font peser un danger sur leconsensus et les fondements de l’Etat-Providence.

Conclusion du chapitre :

Le système social danois repose sur le «triangle d’or». Concilier la flexibilité avec lasécurité de la protection sociale et l’activation de la population est un exercice d’équilibriste.Performant, le système danois, n’est pas pour autant exempt de critiques. Certainestensions ont été mises à jour dans la troisième partie, créant le doute sur la capacité desurvie du modèle.

Le modèle danois est-il adapté aux exigences nouvelles posées par la mondialisation?«Can a model like the Danish one survive as a social democratic island in a turbulent seaof globalization? »191.

En s’interrogeant sur la pertinence du système social danois à répondre aux défis du

XXIème siècle, le dernier chapitre étudie la propension à l’exportation de ce modèle, etnotamment de la «flexsécurité».

188 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus . Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages189 ABRAHAMSON, Peter. E mploi et protection sociale au Danemark : l’orientation active de la politique sociale

danoise.Université de Copenhague & Instituto Centroamericano de Estudios Fiscales. Juin 2007. 27 pages.190 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages191 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages

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Chapitre II : Le Système social danois ou la réussite d’un Etat-Providence social democrate?

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Après avoir étudié le système social dans son ensemble tout au long de ce secondchapitre, il s’agit désormais de se concentrer sur la question de l’exportation du modèle.Malgré ses spécificités, le modèle social danois peut-il servir de source d’inspiration?

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Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice

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Chapitre III : La «flexsécurite» unesource d’inspiration en Europe

«The Danish social system, an export model?192»L’étude du modèle danois a mis en évidence les différents aspects qui en font un

système idiosyncratique. Par ses fondements, son inscription dans un contexte historiqueet social particulier, son mode de fonctionnement fondé sur la «flexsécurité», cet EtatProvidence social-démocrate est spécifique.

Malgré ses spécificités, il est considéré comme un modèle de référence parmi lessystèmes sociaux européens. En effet, le modèle danois est une source d’inspiration, nonseulement pour ses voisins européens, comme la France, mais également pour l’UnionEuropéenne. Cette dernière voit dans le modèle danois, le système le plus adapté pour

répondre aux défis du XXIème siècle. C’est pourquoi elle a fait de «la flexsécurité» un desprincipes directeurs de ses orientations communautaires pour la période 2007-2013.

Ce dernier chapitre se propose donc de voir en quoi le système social danois peut avoirune certaine vocation à l’exportation. Il s’agit tout d’abord de constater que les européensfont face à de nouveaux défis.

En s’interrogeant sur la pertinence de «la flexsécurité» à y répondre, il convient demettre en évidence les enseignements que peut apporter ce système aux autres payseuropéens, tout en soulignant les limites que peut comporter une démarche d’inspiration.Enfin, s’intéresser à la reprise du concept de «flexsécurité» par l’UE permet de voir en quoiet dans quelle mesure le niveau européen peut être un niveau pertinent de régulation dansce domaine.

I/ Enjeux et limites d’une inspiration de la«flexsécurité»

Le modèle danois a fait l’objet d’une attention particulière en Europe ces dernières

années. En effet, en ce début de XXIème siècle, les Etats européens doivent renouvelerle fonctionnement de leur Etat-Providence. De nouveaux défis mettent à l’épreuve ledynamisme et la cohésion sociale des sociétés européennes. Pour répondre à cesnouveaux enjeux, les européens ont cherché à s’inspirer des meilleures pratiques. Ensuivant la méthode du «benchmarking» le système de la «flexsécurité» apparaît commeune référence.

Néanmoins, si ce système ne manque pas d’atouts pour faire face aux nouveauxenjeux, s’inspirer d’un modèle social particulier peut s’avérer un exercice périlleux.

192 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages

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A- La «flexsécurité» adaptée aux nouveaux défis de l’EtatProvidence?

L’entrée dans le XXIème siècle nécessite la redéfinition d’un équilibre, économique etsocial, au sein des sociétés européennes. Concept à succès, «la flexsécurité» émergedes exercices de «benchmarking» comme le système le mieux adapté aux nouvellesexigences de compétitivité et le plus à même de faciliter l’évolution vers une économie dela connaissance.

a. De nouveaux défis à relever

Le contexte économique et social du XXIème siècle bouleverse l’équilibre des sociétéseuropéennes. Les défis à relever sont en effet nombreux: le vieillissement de la population,les 17 millions de chômeurs dans l’Union Européenne193, la segmentation du marché dutravail entre les plus qualifiés et les autres, sont autant de tendances qui pèsent sur ledynamisme économique et déséquilibrent la cohésion sociale des sociétés européennes194.

La mondialisation est un facteur d’explication parmi d’autres de ces évolutions de lasociété contemporaine. En effet, le progrès technologique, les évolutions démographiques,l’éclatement de la famille traditionnelle jouent aussi un rôle fondamental.

C’est cette conjonction de facteurs internes et externes qui permet d’expliquerl’obsolescence de l’Etat-Providence «à l’ancienne»195. En effet, accusés d’être contre-productifs, les Etats-Providence européens subissent une forte pression. Les nouveauxenjeux économiques et sociaux rendent leur renouvellement indispensable196.

Construits au début des années 50, les Etats-Providence ont conçu leurs politiquessociales au moment de l’âge d’or de l’économie industrielle. Les protections offertespar ces dernières semblent «désajustées» par rapport à l’environnement économique etsocial actuel marqué par les exigences de la mondialisation et les nouvelles évolutionssociétales197.

Si les Etats-Providence d’après-guerre n’avaient pas permis de déconnectercomplètement les opportunités des origines sociales, ils avaient entrainé une certaineégalisation des conditions de vie. Mais dans la société postindustrielle actuelle, la tendanceà la dualisation de l’économie entre les plus qualifiés et les autres est encore plus forte.Certains Etats-Providence, comme les Etats-providence conservateurs, connaissent même

193 COMMISSION EUROPEENNE.Vers des principes communs de flexicurité: Des emplois plus nombreux et de meilleurequalité en combinant flexibilité et sécurité . (En ligne) Communication de la Commission au parlement européen, auconseil, au comité économique et social européen et au comité des régions. Commission des communautés européennesBruxelles, le 27.6.2007 COM(2007) 359 final. Consultable sur Internet : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2007:0359:FIN:FR:PDF 26 Pages. Consulté le 21 juin 2008.194 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des idées.Février 2008.

195 GIDDENS, Anthony. Le Nouveau Modèle européen . Hachette, Collection Telos,2007, 329 pages196 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des

idées. Février 2008.197 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république des

idées. Février 2008.

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une situation d’«état social sans travail»198dans laquelle les moins qualifiés sont menacéspar l’exclusion sociale.

Répondre aux défis du XXIème siècle est donc la préoccupation actuelle des payseuropéens qui s’interrogent sur la façon la plus adaptée de s’investir dans un systèmeéconomique mondialisé tout en conservant et en renouvelant leur cohésion sociale et desmécanismes de solidarité.

Sur le marché du travail, notamment, il s’agit de «garantir un nouvel équilibresusceptible de concilier à la fois le développement des entreprises et de l'emploi, la mobilitéde l'emploi inhérente aux mutations économiques et la sécurité des salariés contre le risquede chômage199.»

Pour répondre à ces nouveaux enjeux, les européens ont adopté, en 2000, la stratégiede Lisbonne200. Elle vise à faire de l’Union Européenne l’économie la plus compétitivedu monde d’ici 2010. Elle fixe aussi pour objectif la réalisation d’une économie de laconnaissance.

Les européens se sont donc accordés sur des objectifs ambitieux. Afin de les atteindreils ont développé le «benchmarking»: cette méthode permet de trouver les meilleurespratiques pour s’en inspirer.

b. S’inspirer des meilleures pratiquesLe «benchmarking» est une technique qui vient de l’art militaire. Elle consistait à connaîtrele mieux possible la composition et l’armement des troupes pour mieux contrer l’ennemi.

Reprise par le marketing dans les années 50, elle est aujourd’hui utilisée dansles entreprises. Il s’agit de trouver dans le monde économique ceux qui sont les plusperformants afin d’adapter leurs processus à sa propre entreprise.

C’est donc une technique qui consiste à se comparer aux champions pour serapprocher de leurs expériences et de leurs idées. Utilisée désormais en politiquespubliques, cette technique de «benchmarking» s’inscrit dans une logique d’inspirationmutuelle à l’échelle européenne201.

Les Etats européens y ont de plus en plus recours. La France, par exemple, mène desexpériences de comparaison entre pays européens. Ainsi Eric Besson, secrétaire d'Etat àla prospective et à l'évaluation des politiques publiques, a été chargé par le président de laRépublique, Nicolas Sarkozy, d’établir une comparaison entre les pratiques mises en œuvredans les pays nordiques (Danemark, Suède) mais aussi en Grande-Bretagne, Allemagne,Espagne et Italie.

198 ANDERSEN, Gosta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF. 1990.310 pages.

199 BESSON, Eric. La flexsécurité en Europe - Eléments d'analyse. (En ligne). Paris : Secrétariat d'Etat à la prospective età l'évaluation des politiques publiques : 2008 ; 55 pages. Consultable sur Internet: http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000115/0000.pdf , consulté le 11 juillet 2008.

200 BERTONCINI, Yves ; Wisnia-Weill, Vanessa. La stratégie de Lisbonne, une voie européenne dans la mondialisation. Centred’analyse stratégique. Septembre 2007. 47 pages

201 BARRE, Rémi ; PAILLARD, Sandrine. Le « benchmarking » des politiques de la science, de la technologie et de l'innovation.Recherche, innovation, société, Collection Futuris, 11 juillet 2003. 18 pages.

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A travers cette comparaison, la France cherche à s’inspirer des pays qui ont su trouverun équilibre entre le dynamisme économique et le renouvellement des formes de cohésionsociale.

Différentes expériences de «benchmarking» sont aussi menées par des organisationsinternationales, comme l’Organisation de coopération et de développement économique(OCDE). Dans une étude de 2004 (Perspectives de l’emploi de 2004)202, l’organisation meten évidence la pertinence du concept de «flexsécurité» dans le contexte économique etsocial actuel, notamment en louant le principe «d’activation». Elle fait l’éloge du triangle d’orsans toutefois omettre d’en évoquer les limites du système, également évoquées à la fin dusecond chapitre de ce mémoire.

Le concept de «flexsécurité» est ainsi devenu un «buzzword» 203, très en vogue enEurope depuis une quinzaine d’années. En effet, le retournement de la situation économiquedu Danemark entre le milieu des années 90 et le début des années 2000 a fait émerger lemodèle danois comme un modèle de référence.

Parce qu’il semble avoir réussi à combiner une croissance économique satisfaisanteavec un Etat-Providence efficace au moment où les libéraux affirmaient que le modèlescandinave devenait obsolète, le modèle danois est devenu une source d’inspiration enEurope204, et notamment en France.

En effet, en septembre 2004, Jean-Louis Borloo, alors ministre du travail, évoque,dans son plan de cohésion sociale «la flexsécurité» danoise (qui) constitue une sourced’inspiration privilégiée pour mettre en place des solutions novatrices »205.

«What can we learn from Denmark? »206. Le concept de «flexsécurité» aurait donc

des atouts pour répondre aux exigences du XXIème siècle et atteindre les objectifs fixésà Lisbonne. C’est pourquoi, s’il «n’existe pas de modèle clef en main»207, la «flexsécurité»

pourrait néanmoins être une source d’inspiration pertinente en ce début de XXIème siècle.

c. Les atouts de la « flexsécurité » au XXIème siècleLes Etats Providence européens sont à la recherche d’une façon nouvelle de concilier leurintégration dans un système mondialisé avec la sauvegarde de la solidarité sociale. Leconcept de «flexsécurité», prôné par certains exercices de «benchmarking» est-il la réponseadéquate aux nouveaux enjeux?

202 OCDE. Réglementation relative à la protection de l’emploi et performance du marché du travail. (En ligne) OCDE,Perspectives de l’emploi, 2004. Consultable sur Internet : http://www.oecd.org/dataoecd/8/22/34847005.pdf . Consulté le 12 juin2008.

203 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages204 MADSEN, Per Kongshøj. How can it possibly fly? The paradox of a dynamic labour market in a scandinavian welfare

state.Centre for Labour Market Research (CARMA), Aalborg University, 2005. 38 pages.205 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne,

Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.206 LARSON, Allan in BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de

l’emploi.Centre D’études De L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages207 BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’études

De L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages

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«La flexsécurité» ne manque, en effet, pas d’atouts pour répondre aux nouvelles

exigences du XXIème siècle.Son premier pilier lui permet de s’inscrire efficacement dans la mondialisation en

étant hautement compétitive. L’adaptation et la réactivité rapide qu’impose une économiemondialisée, sont garanties par une certaine flexibilité dans la gestion des entreprises etde la main d’œuvre.

De plus, comme la stratégie de Lisbonne l’a établit, l’Union Européenne doit devenirune économie de la connaissance. En misant sur l’investissement dans le capital humain,les second et troisième piliers de la «flexsécurité» participent pleinement à la réalisationde cet objectif. En effet, la volonté d’exclure le risque de marginalisation sociale ainsi quel’accent mis sur la formation initiale et continue caractérisent le système social. Améliorerles compétences des travailleurs renforce leur employabilité. Ainsi la «flexsécurité» permetde gérer les périodes de transitions entre les différentes étapes de la vie.

Sécuriser les périodes de transition c’est justement l’un des objectifs primordiaux d’uneéconomie fondée sur la richesse du capital humain. Ressource la plus importante dessociétés européennes208, la mobilisation de cette dernière doit être une priorité.

En effet, les pays européens, et plus généralement les pays industrialisés, fondentdésormais leur compétitivité sur l’innovation technologique et sur une main d’œuvrehautement qualifiée.

Atteindre un Etat providence «parétien» c’est-à-dire optimal, nécessite donc d’investirdans l’éducation et la formation. Il s’agit de faire en sorte que le monde nesoit pas complètement polarisé entre «quelques îlots d’excellence dans une merd’ignorance» («islands of excellence in a sea of ignorance»)209.

Les nouveaux risques de polarisation sociale nécessiteraient alors le passage «d’unsystème social infirmier à un système investisseur»210. Il s’agit de penser la dynamiquesociale en termes de trajectoires de vie et de se demander: «Quels sont les investissementsnécessaires aujourd’hui pour éviter d’avoir à indemniser demain? Comment éviter les effetscumulatifs des handicaps sociaux tout au long de la vie?»211

«L’investissement social»212 doit permettre à tous d’acquérir les compétencesnécessaires dans une économie de la connaissance. La solidarité sociale ne doit plus êtreperçue comme un coût mais comme un investissement, facteur de richesses dans le futur.

Développer les compétences est aussi une façon de multiplier les opportunités et doncde renforcer la mobilité sociale, élément indispensable. En effet, «We cannot afford not

208 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république desidées. Février 2008.

209 ANDERSEN, Gosta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF. 1990.310 pages.

210 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république desidées. Février 2008.

211 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république desidées. Février 2008.

212 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république desidées. Février 2008.

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to be egalitarians in the advanced economies of the 21st century»213. C’est pourquoi, enfavorisant l’égalité des chances pour tous, l’investissement social est aussi synonyme dejustice sociale.

Trois catégories de la population devraient bénéficier de l’investissement social enpriorité. Renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes à tous les niveaux de la vieen société permettrait d’ouvrir aux femmes le «deuxième âge de l’émancipation» (Titrede l’ouvrage de Dominique Meda et Hélène Périvier publié au Seuil/la république desidées en 2007214). La capacité et la motivation pour apprendre dépendant des conditionséconomiques et sociales de l’enfance, il serait également primordial de concentrer desressources importantes sur les premiers âges de la vie. L’Etat-providence permettrait ainside prévenir l’exclusion et de préparer une main d’œuvre bien formée. Enfin il incombe àl’Etat-Providence de répondre au défi du vieillissement en assurant la retraite des personnesâgées215.

Le Danemark a bien intégré l’idée que le «social» est aussi un facteur qui appartientpleinement à la croissance économique. En effet, le système social danois a fait de lasécurité et du bien être, des objectifs, à la fois économiques et sociaux216. Grâce à ses deuxpiliers, l’universalité et l’égalité, soutenus par le caractère redistributif du système, le modèle

danois ne manque donc pas d’atouts pour répondre aux exigences du XXIème siècle. Ilsemble donc que, s’«il n’y a pas de modèle à suivre il y a des leçons à apprendre»217.

«Les idées danoises peuvent s’avérer instructives pour d’autres pays qui se demandentcomment résoudre le dilemme consistant à réconcilier le dynamisme de marché avec lasécurité sociale et personnelle218.»

Cependant s’inspirer d’un système social étranger comporte d’importantes limites quirelativisent la portée bénéfique des exercices de «benchmarking».

B- S’inspirer de la «flexsécurité», un exercice périlleuxLa «flexsécurité» semble disposer de nombreux atouts pour atteindre les objectifs fixésà Lisbonne. Mais des contraintes de taille rendent l’exercice d’inspiration périlleux. Parmielles, le poids de l’histoire comme celui des mentalités sont autant de limites qui s’avèrentdéterminantes dans l’équilibre d’une société.

a. Le poids de l’histoire

213 ANDERSEN, Gosta Esping. Les trois mondes de l’Etat-Providence, essai sur le capitalisme moderne. Paris : PUF. 1990.310 pages.

214 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république desidées. Février 2008.

215 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république desidées. Février 2008.

216 BARBIER, Jean-Claude. Analyse comparative de l’activation de la protection sociale en France, Grande-Bretagne,Allemagne et Danemark. Rapport de recherche Centre d’Etudes de l’Emploi. Avril 2006, 222 pages.

217 DANIEL, Jean-Marc. Le monde scandinave. Revue Sociétal, N°52, 2006. Pages 58-73218 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages

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Comme les deux premiers chapitres nous l’ont démontré, le système social danoisest le résultat d’une longue histoire et d’une culture institutionnelle, politique, sociale,particulière219. La cohérence sociétale de ce système repose sur une volonté collectived’atteindre des objectifs partagés. Il existe «un dessein d’ensemble220.»

«Apprendre vraiment du Danemark c’est donc assimiler qu’une réforme du systèmed’emploi et de protection sociale doit pouvoir s’inscrire dans une cohérence sociétalepropre221.» Il apparaît donc primordial de toujours «contextualiser» car les différences entreles systèmes, que ce soit au niveau politique, institutionnel, social ou bien culturel, sontsouvent déterminantes.

S’inspirer d’un autre système que le sien comporte des limites qui sont dépendantesde l’histoire et des mentalités de chacun.

En effet, en sciences sociales, les politiques sont dépendantes de l’histoire222. Partieintégrante d’un contrat social implicite existant entre les gouvernants et les citoyens, lespolitiques sociales sont le résultat de contraintes héritées du passé.

Il existe «un chemin de dépendance» qui rend la mise en œuvre des réformes difficiles.La théorie de la «path dependency» élaborée par Pierson 223 explicite les raisons desrésistances au changement.

Ce sont des politiques sociales institutionnalisées qui génèrent le développement d’unecertaine inertie. Ainsi, une fois que le chemin est pris, il semble difficile d’en changer.La question des conditions du passage d’une situation à une autre est primordiale. Lesmesures innovantes doivent être assez polysémiques de façon à agréger des intérêts etdes interprétations contradictoires. Le changement est ainsi parfois d’abord accepté à lamarge avant de se développer progressivement224. Changer de «chemin de dépendance»semble particulièrement difficile au sein des systèmes sociaux continentaux basés sur letravailleur et la famille, dans lesquels la majorité des droits sont acquis par le travail, et laplupart des prestations contributives et financées par les cotisations sociales.

En effet, dans ces systèmes le poids du passé a engendré le développement d’un étatd’esprit particulier, qui diffère fortement de celui qui règne au sein du modèle danois.

b. Le poids des mentalitésLe modèle de la «flexsécurité» serait difficilement concevable dans les pays dans lesquelsl’esprit civique et la confiance font défaut. En effet ce sont des facteurs clés dans lemodèle danois. Il semble alors difficile d’implanter un système similaire au sein d’unepopulation possédant une mentalité différente. Ce serait même contreproductif pour Yann

219 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages220 FREMEAUX, Philippe. Dossier modèle social . Alternatives économiques, N°247, Mai 2006, Pages 50-58

221 BARBIER, Jean-Claude. Apprendre vraiment du Danemark ? 4 pages du Centre d’études de l’emploi.Centre D’étudesDe L’emploi, N°18, Juillet 2005, 4pages

222 KUTTNER, Robert. The Copenhagen consensus. Foreign Affairs, Mar/Apr2008, Vol. 87 Issue 2, p78-94, 17pages223 MERRIEN, François-Xavier. Etats-Providence en devenir. La revue française de sociologie. Vol 43-N°2, avril-juin 2002,

Pages 211-242224 PALIER, Bruno. De la crise aux réformes de l’Etat-Providence, le cas Français en perspective comparée. Revue française

de sociologie, Avril Juin 2002. 13 pages

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Algan et Pierre Cahuc, auteurs d’une étude sur l’esprit civique régnant dans les sociétéseuropéennes225.

Selon cette étude, la méfiance et la tendance à l’incivisme sont plus présentes dansles Etats-providence corporatistes. Ils prennent l’exemple de la France: à la question «Enrègle générale pensez-vous qu’il est possible de faire confiance aux autres ou que l’on estjamais assez méfiants?», les résultats montrent un niveau élevé de confiance dans les paysnordiques (66% en Suède, 60% au Danemark) et à l’inverse un niveau très faible en Francepuisque seulement 21% des personnes interrogées déclarent faire confiance aux autres.

Sur les vingt six pays de l’OCDE étudiés, la France se classe au 24ème rang.Les Français seraient donc plus méfiants que les habitants des pays nordiques. Cette

méfiance envers autrui va de pair avec un incivisme plus fréquent. Les Français seraientainsi plus nombreux à considérer qu’il peut être acceptable de ne pas payer dans lestransports publics ou de ne pas régler ses impôts voire même qu’il peut être normal dedemander indument des aides publiques: Sur la période 1980-2000, il n’y a que 38 % desFrançais qui considèrent qu’il n’est jamais justifié de réclamer indûment des indemnitésalors que ce chiffre atteint un peu plus de 89 % au Danemark.

Ces traits culturels seraient liés au fonctionnement du modèle social conservateurdepuis la fin de la seconde guerre mondiale. En effet, les systèmes construits sur des basescorporatistes montrent des niveaux de confiance et d’esprit civique plus faibles que lessystèmes sociaux-démocrates.

Le corporatisme, en segmentant la société, opacifierait les relations sociales. En créantdes statuts différents selon les professions, il renforce, en effet, l’extrême diversité desdroits sociaux. Cette opacité favoriserait la recherche de rentes, entretiendrait la suspicionmutuelle et serait une menace pour la solidarité. «Le mélange de corporatisme et d’étatismeest au cœur de la défiance actuelle et des dysfonctionnements du modèle social» selon

Yann Algan et pierre Cahuc 226 . Ainsi, l’étatisme viderait le dialogue social de son contenu et

favoriserait la corruption en réglementant de façon détaillée les différents pans de la société.En rapprochant cette mentalité du fonctionnement du marché du travail l’étude montre

que le manque de confiance rendrait plus difficile la coopération, d’où l’interventionconstante de l’Etat. Mais le manque de dialogue social engendre aussi la suspicion entreles parties prenantes.

Une sorte de spirale de la défiance rend difficile l’évolution des modèles conservateursvers «un système socio-démocrate de type scandinave, fondé sur un véritable dialoguesocial et une redistribution des richesses moins inégalitaire»227.

Ainsi, le poids des contraintes héritées du passé a engendré des mentalités différentesselon les systèmes sociaux. Les exemples évoqués dans ce paragraphe sont des limitesque l’on peut apposer à la volonté des européens de s’inspirer du modèle danois. En effet,

225 ALGAN, Yann ; CAHUC, Pierre. Civic attitudes and the Design of Labor market Institutions? Which Countries can Implementthe Danish Flexicurity Model? Doc Web N°517, CEPREMAP (Centre pour la recherché économique et ses applications), Décembre2005. 41 Pages

226 ALGAN Yann ; CAHUC, Pierre. La société de défiance Comment le modèle social français s’autodétruit. Collection duCEPREMAP (CENTRE POUR LA RECHERCHE ECONOMIQUE ET SES APPLICATIONS), 2007, 102 pages.

227 ALGAN, Yann ; CAHUC, Pierre. Civic attitudes and the Design of Labor market Institutions? Which Countries can Implementthe Danish Flexicurity Model? Doc Web N°517, CEPREMAP (Centre pour la recherché économique et ses applications), Décembre2005. 41 Pages

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il existe dans chaque pays un état donné du contrat social. «Tous les systèmes sociauxeuropéens prennent des formes particulières qui résultent toujours d’un arbitrage politiquedans la combinaison de la solidarité familiale, de l’action de l’Etat, de l’organisation du travailet du rôle du marché228.»

Vouloir s’inspirer d’un système, unique à bien des égards, implique donc de prendrequelques précautions. Cependant, les limites ne doivent pas nourrir un trop fort pessimisme.S’il semble naïf de penser que l’on peut importer n’importe quel dispositif de façonisolée, il faudrait aussi éviter «un pessimisme excessif nourri par une insistance trop fortesur la cohérence systémique et les caractéristiques spécifiques découlant de l’héritagehistorique»229.

Il s’agit donc de trouver une façon de s’inspirer efficacement d’un modèle qui semble

posséder de nombreux atouts pour répondre aux nouveaux défis du XXIème siècle enrespectant les particularités de chaque système social.

Le niveau européen peut-il être un niveau pertinent de régulation dans ce domaine? Laseconde partie de ce chapitre, consacré à la vocation à l’exportation du modèle danois, sepropose d’étudier la reprise du concept de la «flexsécurité» au niveau européen et de voiren quoi ce dernier pourrait mettre à profit les atouts du concept pour atteindre les objectifsde la stratégie de Lisbonne.

II/ Une approche européenne de la «flexsécurit黫Tous les États membres de l'UE sont confrontés au même défi de la modernisation etde l'adaptation à la mondialisation. Par conséquent, pour faciliter les débats nationaux àla lumière des objectifs communs de la stratégie pour la croissance et l'emploi, il semblebon de parvenir à un consensus au niveau de l'UE sur une série de principes communs de«flexsécurité». Ces principes communs pourraient servir de cadre de référence utile dansle contexte de la mise en place de marchés du travail plus ouverts et plus réactifs et de lieuxde travail plus productifs»230.

Cet extrait de la communication de la Commission européenne de juin 2007 résume lavolonté de l’Union Européenne d’agir plus concrètement dans le domaine social. En effet,en adoptant en 2000 la stratégie de Lisbonne, les Etats membres comme les institutionseuropéennes ont rendu indispensable la coopération dans des domaines qui étaient, jusquelà, réservés aux Etats.

L’enjeu est désormais de définir des orientations communes en matière de politiqued’emploi et de protection sociale. Depuis 2000 un certain nombre d’avancées ont permis à

228 PADIS, Marc-Olivier. La France insulaire. Esprit, l’Europe plurielle, juillet 2005. Pages 47-53229 LEFEBVRE, Alain ; MEDA, Dominique. Les modèles de l’État-providence et le système français, l e modèle nordique. Le

modèle Social français. Cahiers françaisn° 330, 6 pages230 COMMISSION EUROPEENNE. Vers des principes communs de flexicurité: Des emplois plus nombreux et de meilleurequalité en combinant flexibilité et sécurité . (En ligne) Communication de la Commission au parlement européen, auconseil, au comité économique et social européen et au comité des régions. Commission des communautés européennesBruxelles, le 27.6.2007 COM(2007) 359 final Consultable sur Internet : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2007:0359:FIN:FR:PDF 26 Pages. Consulté le 21 juin 2008.

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Chapitre III : La «flexsécurite» une source d’inspiration en Europe

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l’Union Européenne d’aboutir à la mise en place de principes communs de «flexsécurité».Le développement de la dimension sociale de l’Union est une conséquence de la constanteextension des domaines de compétences de l’Union Européenne, mais également unepreuve de l’importance que prend la cohésion sociale pour l’Union.

A- Vers une approche commune de la «flexsécurité»Au-delà d’une inspiration entre pays européens, l’Union Européenne s’est saisie duconcept de la «flexsécurité» pour développer une dimension sociale européenne encoreembryonnaire.

a. Reprise d’un concept«Les Etats européens doivent progresser davantage vers une économie de la connaissancedynamique et performante, en distribuant plus équitablement les fruits de la prospérité dansla société231.»

Par cette phrase, la Commission européenne rappelle les objectifs fixés à Lisbonne.

Ce sommet fut l’occasion d’établir une stratégie pour le XXIème siècle afin, nous l’avonsétudié dans la première partie de ce troisième chapitre, d’apporter une réponse pertinenteaux nouveaux défis.

Preuve de l’importance que prend la question sociale au sein de l’Union, les Etatseuropéens se sont accordés sur la notion «d’état social actif»232 à Lisbonne en 2000.Depuis cette date, de nombreuses études ont été menées pour réfléchir à la meilleure façond’atteindre les objectifs de Lisbonne. Ainsi, en novembre 2004, le rapport Kok préconise ledéveloppement de la flexibilité dans le fonctionnement des marchés de l’emploi ainsi quele développement de nouvelles formes de sécurité pour les salariés233.

Puis en 2006 ce sont les dirigeants européens qui demandent à la Commissioneuropéenne d’étudier l’élaboration d’une approche commune de la flexsécurité qui tiendraitcompte des particularités nationales234. Le 23 novembre 2006, la Commission lance uneconsultation publique à la suite de la publication d’un livre vert intitulé «Moderniser le droitdu travail pour relever les défis du XXIème siècle».

La communication publiée par la Commission européenne le 27 juin 2007 prenden compte les résultats de la consultation publique, terminée le 31 mars 2007. Le titrede la communication, «Vers des principes communs de «flexsécurité»: des emplois plusnombreux et de meilleure qualité en combinant flexibilité et sécurité» annonce la volonté

231 COMMISSION EUROPEENNE. Vers des principes communs de flexicurité: Des emplois plus nombreux et de meilleurequalité en combinant flexibilité et sécurité . (En ligne) Communication de la Commission au parlement européen, auconseil, au comité économique et social européen et au comité des régions. Commission des communautés européennesBruxelles, le 27.6.2007 COM(2007) 359 final Consultable sur Internet : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2007:0359:FIN:FR:PDF 26 Pages. Consulté le 21 juin 2008.

232 BERTONCINI, Yves ; Wisnia-Weill, Vanessa. La stratégie de Lisbonne, une voie européenne dans la mondialisation. Centred’analyse stratégique. Septembre 2007. 47 pages

233 GARABIOL, Philippe. La «flexsécurité»: Une révolution européenne. Fondation Robert Schuman, Question d’Europe n°73.1er octobre 2007. 9 pages

234 GARABIOL, Philippe. La « flexsécurité »: Une révolution européenne. Fondation Robert Schuman, Question d’Europe n°73. 1er octobre 2007. 9 pages

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Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice

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de définir «un socle de principes communs» sur la «flexsécurité» 235 . Huit principes sont

énumérés dans la communication (Annexe 4): ils doivent permettre «aux Européens de tirerle meilleur parti des mutations rapides d'une économie mondialisée»236. Ils ont été adoptéspar les ministres de l’Emploi des vingt-sept Etats-Membres en décembre 2007.

b. Mise en place d’un cadre de référence«Plus de flexibilité grâce à de nouvelles sécurités», tel est le leitmotiv de la Commissioneuropéenne237. En reprenant le concept de «flexsécurité», l’Union pense avoir trouvé unmoyen de renforcer la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne.

Parce qu’elle suppose de combiner la souplesse et la sécurisation des dispositionscontractuelles, les stratégies d’apprentissages tout au long de la vie et les politiques activesdu marché du travail la «flexsécurité» serait le moyen le plus approprié de s’adapter auxchangements dus à la globalisation et aux évolutions démographiques238.

Elle représente, pour l’Union Européenne, «l’opportunité historique d’éleversimultanément l’efficacité économique et l’égalité sociale à un plus haut niveau en Europe,en prenant en compte la diversité et le contexte particulier de chaque Etat membre»239.

Cependant l’Union ne dispose pas de compétences dans le domaine de la politiquesociale. C’est pourquoi elle a opté pour l’élaboration d’un cadre de référence commun, unesorte de «boite à outils» devant permettre à chaque Etat membre d’adapter le concept àson contexte national. En effet, «le niveau communautaire intervient pour l’essentiel dansla diffusion de cadres cognitifs d’interprétation des problèmes économiques»240.

Etablir des principes communs, tout en laissant une large marge d’appréciation etd’adaptation au niveau national, est le mode d’action de l’Union. Etant donné que chaqueEtat membre se caractérise par des spécificités qui lui sont propres, une approcheeuropéenne, restant au stade de la définition d’un cadre commun, pourrait s’avérerpertinente.

En effet, «il n’existe pas un modèle unique de «flexsécurité» à mettre en œuvre danstoute l'Union Européenne. Les décisions sur des mesures concrètes ne peuvent être prisesque par les Etats membres, mais l'Union peut jouer un rôle utile en identifiant des principes

235 COMMISSION EUROPEENNE. Vers des principes communs de flexicurité: Des emplois plus nombreux et de meilleurequalité en combinant flexibilité et sécurité . (En ligne) Communication de la Commission au parlement européen, au conseil, aucomité économique et social européen et au comité des régions. Commission des communautés européennes Bruxelles, le 27.6.2007COM(2007) 359 final Consultable sur Internet : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2007:0359:FIN:FR:PDF26 Pages. Consulté le 21 juin 2008.

236 GARABIOL, Philippe. La «flexsécurité»: Une révolution européenne. Fondation Robert Schuman, Question d’Europe n°73.1er octobre 2007. 9 pages237 PARLEMENT EUROPEEN. Un modèle social européen pour l'avenir. Résolution du Parlement européen sur un modèle socialeuropéen pour l'avenir (2005/2248(INI)) 9 pages

238 BOERI, Tito ; CAHUC, Pierre ; CRNKOVIC, Sanja, KOLLONAY-LEHOCZKY, Csilla, WILTHAGEN Ton. Flexicurity Pathways,Turning hurdles into stepping stones. Report by the European Expert Group on Flexicurity DG Employment, June 2007, 41 pages

239 BOERI, Tito ; CAHUC, Pierre ; CRNKOVIC, Sanja, KOLLONAY-LEHOCZKY, Csilla, WILTHAGEN Ton. Flexicurity Pathways,Turning hurdles into stepping stones. Report by the European Expert Group on Flexicurity DG Employment, June 2007, 41 pages

240 BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’«activation» de la protection sociale en Europe ? L’Europe sociale en perspective,Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332

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communs et des moyens de faciliter les débats et l'évolution des politiques au niveaunational241.

Le rôle de l’Union serait donc de coordonner les différentes pratiques et de «soulignerdes réorientations nécessaires, pour vivre la transition d’une économie industrielle à uneéconomie de service positivement»242.

En déclinant les huit principes communs établis par l’Union Européenne, les Etatsmembres orienteraient ainsi leurs actions dans la même direction.

Combiner la souplesse et la sécurisation des dispositions contractuelles, s’adresserà tous les travailleurs et pas seulement aux sans emploi, soutenir l'égalité entre leshommes et les femmes, entretenir un climat de confiance et un vaste dialogue entre tousles intéressés et assurer une attribution efficace des ressources, sont quelques uns deshuit principes communs de «flexsécurité» qui doivent permettre d’améliorer la capacitéd’insertion professionnelle des travailleurs, encourager leur capacité d’adaptation ainsi quecelle des entreprises mais également renforcer l’égalité des chances.

Avec ces principes communs, L’Union s’engage dans le domaine social. Cependantle social n’est pas une compétence communautaire, il convient donc de s’interroger surles raisons d’une implication de l’Union dans ce domaine ainsi que sur les enjeux que laquestion sociale pour cette dernière.

B- Raisons et enjeux d’une implication européennePolitique embryonnaire de l’Union, la politique sociale s’est développée à un rythme assez

lent jusqu’au début du XXIème siècle. Mais l’adoption de la stratégie de Lisbonne a accéléréla prise en compte de la question sociale au niveau de l’Union Européenne.

En faisant de la politique de cohésion un des piliers de la construction européenne,l’Union en a même fait une de ses priorités. Si l’implication européenne résulte en partie dela logique d’engrenage, elle repose aussi sur le rôle clé joué par la cohésion sociale dansl’intégration européenne.

a. Dans la logique européenneDepuis sa création l’Union n’a cessé d’élargir ses domaines de compétences. Dans lalogique de la théorie «néo fonctionnaliste», elle s’est appuyée sur l’effet d’engrenage, le«spill over», pour étendre ses domaines d’influence243.

Dans cette logique, la coopération dans un domaine particulier entraine, par un effetd’engrenage, la nécessité d’une coopération dans un domaine annexe.

241 CENTRE D’ANALYSE STRATEGIQUE. L’Europe dans la mondialisation. Actes du colloque 22 & 23 novembre 2007. Écolemilitaire. Centre d’Analyse stratégique. 127 pages

242 ANDERSEN, Gosta Esping (Avec PALIER, Bruno). Trois leçons sur l’Etat-Providence. Editions du seuil, la république desidées. Février 2008.243 HAAS, Ernst, The uniting of Europe : political, social and economic forces 1950-1957, Stanford, Stanford University Press, 1968.

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Les différentes politiques d’une société étant indissociables les unes des autres, ilsemble que l’Union soit aujourd’hui trop impliquée dans la vie des citoyens européens pourse désintéresser de la question sociale244.

Cette dernière n’est pas une compétence communautaire mais elle n’est pascomplètement absente du débat européen. En effet, l’adoption d’un premier programme detravail social en 1974 a marqué le début de l’intérêt de l’Union pour la question sociale.Parmi les développements ultérieurs, l’adoption d’une charte sociale à Maastricht en 1992ainsi que l’instauration d’un nouveau titre sur l’emploi dans le trait d’Amsterdam en 1997ont été des avancées importantes.

1997 a aussi marqué le début de la stratégie européenne pour l’emploi (SEE)245. En2000, la lutte contre «l’exclusion sociale» ainsi que «la modernisation des systèmes deprotection sociale» ont été ajoutés dans le traité de Nice (article 137 du Traité instituant laCommunauté Européenne (TCE)).

La politique sociale s’est ainsi développée en tant que politique d’accompagnementdu marché commun dans la logique d’engrenage. Mais à l’heure actuelle, l’élargissementdes compétences de l’Union Européenne conduit à la nécessité d’amplifier cette logiqued’engrenage. En effet, il semble que la coexistence des différents systèmes sociauxdevienne un obstacle au dynamisme de l’économie européenne et rende plus difficile ledéveloppement d’une cohésion sociale européenne246.

La logique de «spill over» trouve donc, avec la dimension sociale de l’Union, unenouvelle occasion de s’appliquer. En effet, les Etats membres partagent un bien communqui est le marché unique. Or celui-ci est basé sur des principes cardinaux qui sont lesquatre libertés fondamentales des traités européens à savoir: la liberté des personnes, desmarchandises, des capitaux et des services. La complète application des ces quatre libertésnécessiterait la coopération dans le domaine social. En effet, il semble que “The more youincrease the potential mobility of all European-citizens, the more difficult it will be to havevery different welfare-state systems coexisting in the Community247.”

L’achèvement du marché unique dépend de l’application totale de la libre circulation. Orcette dernière reste imparfaitement assurée au sein de l’Union. Garantir la mise en œuvrecomplète des quatre libertés reste un défi permanent comme l’a récemment démontréAlain Lamassoure dans son rapport du 8 juin 2008 sur les citoyens et l’application du droitcommunautaire248. En effet, ce rapport fut l’occasion de mettre en évidence les difficultésconcrètes rencontrées par les citoyens européens «mobiles», c’est-à-dire ceux qui viventet travaillent dans un autre pays que celui de leur nationalité et/ou ont une famille mixantdifférentes nationalités.

244 MARHOLD, Hartmut. Le « Modèle social européen » existe-t-il ? (En ligne) L’Europe en formation. N°4/2006. Consultablesur Internet [http://www.cife.fr/publications.htm] Consulté le 24 juillet 2008

245 MARHOLD, Hartmut. Le « Modèle social européen » existe-t-il ? (En ligne) L’Europe en formation. N°4/2006. Consultablesur Internet [http://www.cife.fr/publications.htm] Consulté le 24 juillet 2008

246 MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success. University of Copenhagen, ILO(International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages

247 MADSEN, Per Kongshøj.Denmark: Flexibility, security and labour market success. University of Copenhagen, ILO(International Labour Organization). Country Employment Policy Review.1999. 86 pages

248 LAMASSOURE, Alain. Le citoyen et l’application du droit communautaire. Rapport au président de la République. 8 juin2008. 188 pages.

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Une réflexion sur la compatibilité des systèmes sociaux doit donc être menée car elleest une condition de la bonne application de la libre circulation, elle-même condition del’achèvement du marché unique249.

Cependant, “Europe cannot and should not have a strategy for reforming national labourmarket and social policies. It is up to each national government to devise and implementits own strategy” 250.

En effet, si l’Union peut intervenir en fixant un cadre commun de référence, elle nedoit pas pour autant empiéter sur les compétences propres des Etats membres. Elle doitdonc plutôt construire une double stratégie, combinant son action avec celle des Etats.Ayant acquis une expérience dans la gouvernance à plusieurs niveaux, l’Union Européennepourrait être à même de gérer le partage de compétence et de légitimité dans le domainesocial251. En effet, l’Union est un exemple de «la gouvernance multi-niveaux»252, un modede gouvernance complexe qui nécessite de faire coexister entre eux différents niveaux derégulation.

Achever le marché unique est la priorité pour l’Union Européenne. Les Etats, enparallèle, se doivent de réformer leurs marchés du travail et leurs politiques sociales afin de

répondre aux défis du XXIème siècle.“Only if reforms are implemented both at European and national levels will the European

Union be able to reap the full benefits of the Single Market and the monetary and be able toenjoy the opportunity of globalisation and technological change253.”

b. Un modèle social européen?L’implication croissante de l’Union dans le domaine social conduit à s’interroger surl’existence d’un modèle social européen, un concept qui ne fait pas l’unanimité. En adoptantdes principes communs de «flexsécurité» l’Union Européenne a, en effet, relancé le débatsur l’existence d’un modèle commun aux européens.

Le sociologue Pierre bourdieu avait appelé à la mise en place d’un «welfare state»européen. Mais le concept fait débat entre ceux pour qui, la diversité des systèmes sociauxprime sur les points communs et ceux qui admettent que les situations nationales sontdifférentes mais pour qui, le fait que tous les Etats européens soient face aux mêmes défis,conduit à une approche commune de la question sociale254.

249 CHRISTENSEN, Ole. Rapport du Parlement européen sur des principes communs de flexicurité (2007/2209(INI))Commission de l'emploi et des affaires sociales 15 Novembre 2007

250 SAPIR, André. Globalisation and the Reform of European Social Models.Background document for the presentation atECOFIN InformalMeeting in Manchester, 9 September 2005. BRUEGEL. 19 pages

251 MARHOLD, Hartmut. Le « Modèle social européen » existe-t-il ? (En ligne) L’Europe en formation. N°4/2006. Consultablesur Internet [http://www.cife.fr/publications.htm] Consulté le 24 juillet 2008

252 HOOGHE, Liesbet : MARKS, Gary. Multi-Level governance and eruopean integration. Rowman & Littlefield Publishers,Inc. (March 21, 2001) 272 pages.

253 SAPIR, André. Globalisation and the Reform of European Social Models.Background document for the presentation atECOFIN InformalMeeting in Manchester, 9 September 2005. BRUEGEL. 19 pages

254 MARHOLD, Hartmut. Le « Modèle social européen » existe-t-il ? (En ligne) L’Europe en formation. N°4/2006. Consultablesur Internet [http://www.cife.fr/publications.htm] Consulté le 24 juillet 2008

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Ainsi, si tous les Etats ont des façons différentes de concevoir leur modèle social, decombiner la flexibilité et la sécurité, en fonction du passé, de leurs traditions juridiques maisaussi de l’état de leurs finances publiques ou encore de la mentalité de la population, leurssystèmes seraient des variantes d’un même modèle dans la mesure où ils se basent tous surdes grands principes communs qui sont la solidarité, l’égalité, la redistribution des richesses,les notions de droit et de responsabilité255.

La diversité des systèmes sociaux européens reposeraient sur des valeurs partagées,des valeurs constitutives d’un modèle social européen: une responsabilité de l’état pourle plein emploi, des droits sociaux fondamentaux (liberté d’association, droit de grève,conditions de travail équitable), une protection sociale fournie par de systèmes universelshautement développés256.

Au-delà des spécificités nationales, il existe bien, selon Anthony Giddens, un «modèlesocial européen», si l’on entend par là «une combinaison de valeurs et de projets réalisésà des degrés divers et sous des formes variées dans les différents Etats»257.

Ce modèle repose sur des valeurs communes et sur des politiques caractérisées par«un Etat développé et interventionniste, un système de protection sociale solide assurantune couverture efficace à l’ensemble des citoyens et la limitation des différentes formesd’inégalités258.»

L’objectif recherché fait désormais consensus au sein de l’Union. Il s’agit, en effet, deconcilier la souplesse de l’appareil productif avec la sécurité des situations personnelleset des parcours professionnels. Mais les structures nationales sont toujours temporelles etspécifiques c’est pourquoi les moyens d’atteindre cet objectif restent disparates. Ainsi, cesont plutôt des fragments épars de «flexsécurité» qui s’observent dans la plupart des Étatsmembres.259

Si les Etats membres et les institutions européennes construisent ensemble une sortede «référentiel», l’Union est, et restera sans doute, un ordre politique imparfaitement intégré.Ainsi les points d’équilibre entre «flexibilité» et «sécurité» sont différents selon les Etats,aboutissant à un résultat plus proche du kaléidoscope que de la mosaïque260.

Il n’en reste pas moins qu’une certaine européanisation des représentations està l’œuvre. Les Etats-Providence sont désormais des systèmes étroitement imbriqués,

255 MARHOLD, Hartmut. Le « Modèle social européen » existe-t-il ? (En ligne) L’Europe en formation. N°4/2006. Consultablesur Internet [http://www.cife.fr/publications.htm] Consulté le 24 juillet 2008

256 MARTEAU, Didier. Enjeux sociaux et concurrence internationale : Du dumping social au mieux disant social. Rapport duCES, N°2006-20, 2006. Pages 5-97

257 GIDDENS, Anthony. Le Nouveau Modèle européen . Hachette, Collection Telos,2007, 329 pages258 GIDDENS, Anthony. Le Nouveau Modèle européen . Hachette, Collection Telos,2007, 329 pages259 BESSON, Eric. La flexsécurité en Europe - Eléments d'analyse. (En ligne). Paris : Secrétariat d'Etat à la prospective et

à l'évaluation des politiques publiques : 2008 ; 55 pages. Consultable sur Internet: http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000115/0000.pdf , consulté le 11 juillet 2008.

260 BARBIER, Jean-Claude. Peut-on parler d’«activation» de la protection sociale en Europe? L’Europe sociale en perspective,Revue française de sociologie, n°43-2, Avril Juin 2002, pages 307-332

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leur interpénétration pourrait même, à terme, susciter une politique de solidarité postnationale261.

c. La cohésion sociale, un pilier pour l’UnionLa première manifestation de cette politique de solidarité post-nationale, encoreembryonnaire, est la politique de cohésion de l’Union Européenne. En effet, devenue lapolitique phare de l’Union dans la programmation 2007-2013, la politique de cohésionbénéficie de plus du tiers du budget, à savoir 308 milliards d’euros soit 36% du budgettotal262. Elle a vocation à devenir le premier poste budgétaire devant la politique agricolecommune.

«Seule une Union européenne fondée sur la cohésion économique et sociale etdéfendant ses valeurs communes peut être assez forte pour défendre ses intérêts, préserveret renforcer les valeurs associées au modèle social européen – égalité, solidarité, droits etresponsabilités individuels, non-discrimination et redistribution avec un accès de tous lescitoyens à des services publics de grande qualité –, ainsi que le niveau élevé déjà atteinten matière de normes sociales ».263

La réduction des disparités économiques et sociales entre les régions et les Etatseuropéens est l’objectif prioritaire de la politique de cohésion de l’Union Européenne.

Pour utiliser au mieux son budget, elle peut s’appuyer sur une palette d’instrumentsfinanciers: le fonds de cohésion vise à accompagner les Etats les plus éloignés de lamoyenne de développement de l’Union ; le fonds social européen (FSE) vise, quant à lui, àaméliorer les perspectives d’emploi ainsi que les compétences des travailleurs dans l’Union;le fonds européen de développement régional (FEDER) concerne la grande majorité desrégions européennes et vise à financer des projets divers favorisant l’amélioration de lacompétitivité et de la situation de l’emploi.

L’utilisation des ces fonds est orientée vers la réalisation de trois grands objectifsqui sont: la convergence, pour les pays les moins développés, la compétitivité pour tous,et la coopération territoriale pour tous les espaces transfrontaliers. Ces objectifs doiventpermettre d’accomplir les priorités fixées dans la stratégie de Lisbonne264.

En développant cette politique de cohésion, l’Union Européenne affirme son rôle devecteur d’une certaine solidarité post nationale. Il s’agit de développer la cohésion au niveaude l’Union car la cohésion est le «ciment» d’une société. Par le développement économique,l’accroissement de la compétitivité mais aussi par la création de nouvelles formes desécurité, l’Union ambitionne de renforcer la confiance, vecteur vital du bon fonctionnementd’une économie et de la cohésion d’une société, des européens entre eux ainsi que vis-à-vis d’elle

261 FERRERA, Maurizio. Intégration européenne et citoyenneté nationale et sociale. Revue française de sociologique, 43-2,Avril Juin 2002. Pages 377-406262 Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT). L’Europe s’engage pour une politiquede cohésion économique et sociale dynamique et ambitieuse. Editions 2008. 14 pages

263 CHRISTENSEN, Ole. Rapport du Parlement européen sur des principes communs de flexicurité (2007/2209(INI))Commission de l'emploi et des affaires sociales 15 Novembre 2007

264 MARTEAU, Didier. Enjeux sociaux et concurrence internationale : Du dumping social au mieux disant social. Rapport duCES, N°2006-20, 2006. Pages 5-97

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Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice

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Le débat social européen se rapprocherait ainsi de l’éthos «ralwsien» selon lequell’inclusion sociale et la réduction des inégalités sont des ingrédients essentiels dans lerenforcement de la compétitivité d’une économie265.

Cette dernière partie nous a permis d’élargir le cadre de l’étude. S’intéresser à lareprise du concept de la «flexsécurité» par l’Union Européenne permet de réaliser qu’uneapproche européenne peut s’avérer pertinente dans le domaine social. En restant au stadede l’établissement d’un cadre de référence, l’Union peut, en effet, fixer des orientationscommunes, déterminantes, dans l’accomplissement des objectifs de la stratégie deLisbonne.

L’intérêt croissant de l’Union pour la question sociale est lié au fait que cette dimensionest indissociable du reste des compétences européennes. De plus, en s’inscrivant dans lapolitique de cohésion, cette dernière pourrait s’avérer cruciale dans le développement d’unsentiment d’appartenance à l’Union, sentiment qui semble faire défaut au sein de l’UnionEuropéenne à l’heure actuelle.

Conclusion du chapitre:

En ce début de XXIème siècle, les Etats européens évoluent dans le cadre de lastratégie de Lisbonne. En fixant des objectifs ambitieux, cette dernière invite les européensà trouver les conditions favorisant un dynamisme économique soutenu qui serait conciliableavec une forme renouvelée d’Etat-Providence.

Ouvrir le cadre de la réflexion en étudiant la vocation à l’exportation du système danoisde «flexsécurité» dans ce dernier chapitre a permis de situer ce système dans un contexteeuropéen. Le modèle danois est-il «l’avant-garde de l’Europe»?266

En restant au stade de l’élaboration d’un cadre de référence commun, le niveaueuropéen de régulation rend possible la vocation inspiratrice du modèle. Cependant ilappartient désormais aux états européens de concrétiser les principes de «flexsécurité»,adoptés en commun.

265 ANDERSEN, Gosta Esping (with GALLIE Duncan, HEMERIJCK Anton, MYLES John). Why we need a new welfarestate.Oxford university press, 2002, 278 pages.

266 LEFEBVRE, Alain ; MEDA, Dominique. Faut-il brûler le modèle social français ?. Editions du Seuil, 2006, 153 pages

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Conclusion

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Conclusion

«L’homme est par nature un animal politique». Ecrite dans l’antiquité, cette phrase duphilosophe Aristote est toujours d’actualité. Dans un monde «globalisé» les hommes vivent,en effet, en communauté. Or la vie en société reste un apprentissage permanent. Lessociétés européennes contemporaines doivent aujourd’hui résoudre la question du «vivreensemble».

La solidarité est le fondement de toute société. Au sens durkheimien du terme ellesignifie «ce qui fait tenir ensemble». C’est le socle de «l’homo sociologicus» c’est-à-direde l’homme lié aux autres et à la société, à la fois pour assurer sa survie mais égalementsatisfaire son besoin de reconnaissance et de lien social, sources de son identité et de sonhumanité267.

Mais cette interdépendance constitutive de l’être humain serait de plus en plusméconnue. Le développement de l’individualisme dans les sociétés contemporaines seraità l’origine de l’érosion de la solidarité. Il existe un risque que les citoyens, gagnant en liberté,se sentent libérés de toute dette vis-à-vis d’autrui, et deviennent hostiles à l’idée d’uneredistribution à l’égard des plus défavorisés. En tant que contrat social, la solidarité doit donc

être réévaluée à l’aune des défis auxquelles les sociétés font face au XXIème siècle268.«Les pays nordiques constituent l'avant-garde de l'Europe dont rêvent bon nombre

d'Européens : une Europe économiquement forte, très solidaire, finançant par de hautsprélèvements les services et les investissements sociaux dont ses citoyens ont besoin,organisant le marché du travail par des actions régulatrices qui corrigent la loi du marché,intervenant pour lutter contre les inégalités, la pauvreté, l'exclusion et les discriminations.»269

Le modèle danois propose un contrat social renouvelé, qui, s’il n’est pas exempt decritiques, semble correspondre aux exigences de compétitivité tout en assurant une certainecohésion sociale.

La cohésion sociale, «ciment» d’une société, est également un enjeu au niveaueuropéen. L’Union Européenne, qui ne cesse d’élargir ses domaines de compétences,s’attache désormais à développer une dimension sociale afin de réussir la transition vers

l’économie postindustrielle du XXIème siècle.En admettant que chaque pays possède un état donné du contrat social, l’Union

Européenne peut apparaître aujourd’hui comme un niveau pertinent de régulation. «Car àquoi bon l’Europe sinon pour précisément nous permettre de mieux faire ensemble ce quenous n’arrivons décidément pas à faire tous seuls?»270.

267 ANDERSEN, Gosta Esping (with GALLIE Duncan, HEMERIJCK Anton, MYLES John). Why we need a new welfare state.Oxford university press, 2002, 278 pages.

268 PAUGAM, Serge. Repenser la solidarité. Collection Le lien Social, PUF, 2007. 992 pages269 LEFEBVRE, Alain ; MEDA, Dominique. Faut-il brûler le modèle social français ?. Editions du Seuil, 2006, 153 pages270 LEFEBVRE, Alain ; MEDA, Dominique. Faut-il brûler le modèle social français ?. Editions du Seuil, 2006, 153 pages

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En développant une forme de solidarité à l’échelle de l’Union par sa politique decohésion, l’Union Européenne a pour ambition de créer ce «ciment» qui lui fait défaut. Eneffet, le manque d’adhésion des citoyens au projet européen est en partie responsable dela crise actuelle de légitimité de l’Union.

Ainsi le vice-président de la Commission européenne, Jacques Barrot, évoquait le 21juin 2008 aux Etats Généraux de l’Europe à Lyon, un certain «désamour» entre les citoyenset l’Union, et prônait le développement d’un espace public européen.

L’existence d’un forum européen ainsi que le renforcement de la solidarité à l’échellede l’Union pourraient susciter la naissance d’un sentiment d’appartenance à une mêmecommunauté, condition du développement de la citoyenneté européenne.

L’enjeu est donc déterminant pour la politique sociale de l’Union. En s’accordant surdes principes communs de «flexsécurité» les européens ont fait un premier pas vers ledéveloppement d’une vision commune de société, qu’il importe encore de concrétiser carl’Europe est un champ de tensions: les dichotomies sont constitutives de son identité. Ellerestera donc diversifiée, mouvante et compliquée271.

271 MAGNETTE, Paul. Le sens de L’Europe. Le débat, mai-août 2006. Pages 30-35

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Annexes

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Annexes

Le triangle d’or

Source: MADSEN, Per Kongshøj. Denmark: Flexibility, security and labour marketsuccess. University of Copenhagen, ILO (International Labour Organization). CountryEmployment Policy Review.1999. 86 pages

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Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice

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ALMP: Active Labour Market ProgrammesSource : MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Road to “Flexicurity” Where are we?

And how did we get there? Paper for a conference at the Royal Netherlands Academy ofArts and Sciences of Amsterdam on November 17, 2004.21 pages.

Les réformes de la politique de l’emploi au Danemarkdepuis 1994

La réforme de 1994 a institué des plans d’action individuels et une offre d’activation intensiveau bout de deux ans de chômage (offres d’emploi, prestations d’orientation professionnelle,formations) tout en proposant une indemnisation jusqu’à sept ans.

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Annexes

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Des congés parentaux, sabbatiques, de formation de un à deux ans sont offerts auxsalariés, qui peuvent être remplacés sur leur poste par des demandeurs d’emploi (c’est lesystème de rotation des emplois).

•En 1996, la période d’indemnisation est réduite à cinq ans, et la durée d’emploi requisepour bénéficier des prestations de six à douze mois. Des programmes spécifiques sontdestinés aux jeunes non qualifiés de moins de 25 ans. Le droit à congé de formation estrestreint et le congé sabbatique aboli. Les entrées dans le système de rotations des emploissont stoppées.

•En 1999, la durée maximale d’indemnisation est ramenée à quatre ans, la phased’activation intervient au bout de douze mois de chômage.

La phase d’activation est plus courte pour tous les jeunes de moins de 25 ans (six mois)et des mesures spécifiques leur sont proposées.

A la même date, des mesures d’activation sont proposées aux bénéficiaires du régimede la garantie de ressource. Le régime de préretraites est réformé.

•De 2000 à 2002, le congé de formation et le congé parental sont supprimés, mais lecongé de maternité ou paternité est allongé à douze mois -la durée moyenne réellementutilisée est de trois semaines pour les pères et 40 semaines pour les mères. Des emploissubventionnés adaptés aux handicapés (flex-jobs) sont créés.

•En 2002, le plan « plus de personnes en emploi » accentue encore la priorité à l’emploiet la recherche active.

La flexibilité régionale est renforcée par l’implication d’autres acteurs : des consultantsprivés, les fonds d’indemnisation, les collectivités, …

Une banque de données de CV et d’offres d’emploi, Jobnet, est mise à disposition dupublic.

La notion d’offre d’emploi convenable est élargie (jusqu’à deux heures de transportdepuis le domicile). Le devoir de recherche d’emploi commence dès le premier jour duchômage.

Les mesures d’aide à l’emploi des jeunes sont étendues jusqu’à l’âge de 29 ans.Les règles concernant les chômeurs indemnisés ou non sont simplifiées et

harmonisées : cela vaut pour le contrôle, les sanctions, l’accompagnement, les offresd’activation.

Source : MANSUY, Michèle. Politiques et institutions danoises d’aide au retour àl’emploi . Les papiers du CERC (conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale)décembre 2005. 26 pages

An overview of the Danish system of “flexicurity”

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Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice

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Basic traits of the Danishsystem of “flexicurity”

Specific developments inthe 1990s

Political environment �Strong corporatiststructures �Implicit socialcontract concerningbalance between securityand flexibility

�Broad political support forreforms of labour marketpolicies �Acceptance bysocial partners of needfor wage restraint �Newgovernment headed by theSocial Democrats

MacroeconomicEnvironment

�Changing internationaleconomic conditions �Active fiscal policy, butconstrained by externalbalance

�Strong internal demand �Favorable externalbalance �Lower level ofinternational inflation

Employment situation �High employment rate(around 75 percent) �Shifting levels of openunemployment �Risingshare of persons receivingtransfer income

�Significant reductionin both open and grossunemployment �Reductionin structural unemployment

Worker mobility (externalnumerical flexibility)

�High by internationalstandards

�High by internationalstandards

Employment Protection �Weak �WeakUnemployment Benefits �Significant increase in

compensation rate withreform in the late 1960s �Cash benefits for non-insured unemployed

�Slow decline incompensation rate, butstill high by internationalstandards �Reduction induration, especially forpassive benefits

Active labour market Policy �High expenditureson LMP in general �Incremental policyadjustments since 1979

�Decentralized �Individualized �Right andduty to early activation

Source: MADSEN, Per Kongshøj. The Danish Road to “Flexicurity” Where are we?And how did we get there? Paper for a conference at the Royal Netherlands Academy ofArts and Sciences of Amsterdam on November 17, 2004.21 pages.

Les principes communs de «flexsécurité»La Commission énonce dans sa communication relative à la flexibilité huit principescommuns qui doivent permettre " aux Européens de tirer le meilleur parti des mutationsrapides d'une économie mondialisée ".

- Allier " la souplesse et la sécurisation des dispositions contractuelles (du point devue tant des employeurs que des salariés et des exclus du marché du travail) avec desstratégies d'apprentissage tout au long de la vie, des politiques actives du marché du travailefficaces et des systèmes de sécurité sociale modernes ".

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- Équilibrer les droits et responsabilités des employeurs, des salariés, des demandeursd'emploi et des pouvoirs publics.

- Adapter la flexisécurité à chaque Etat membre, car il ne s'agit pas de " proposer unmodèle de marché du travail ni une stratégie politique uniques ".

- Réduire l'écart entre, d'une part, les salariés dans l'emploi, qui ont besoin d'êtrepréparés aux transitions professionnelles et d'être protégés pendant celles-ci, et, d'autrepart, les exclus du marché du travail, qui ont besoin de "points d'accès aisés" à ce marchéet de "tremplins pour leur permettre de progresser vers des contrats de travail stables ".

- Introduire " une souplesses suffisante pour recruter et licencier " ainsi que des "transitions sûres entre les emplois ".

- Promouvoir l'égalité d'accès à des emplois de qualité pour les hommes et les femmesen facilitant la conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Une égalité d'accès quidoit être étendue aux migrants, aux jeunes, aux handicapés et aux plus âgés.

- Aider à l'instauration d'un climat de confiance et de dialogue entre les pouvoirs publicset les partenaires sociaux, dans lequel tous sont prêts à assumer la responsabilité duchangement et à définir des ensembles de politiques équilibrées.

- Mettre en œuvre les politiques de flexisécurité, qui ont un coût financier, tout enmaintenant des " politiques budgétaires saines et financièrement viables ".

Source : GARABIOL, Philippe. La flexsecurité: Une révolution européenne.Fondation Robert Schuman, Question d’Europe n°73. 1er octobre 2007. 9 pages

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Le modèle danois : Une idiosyncrasie inspiratrice

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Résumé

LE MODELE DANOIS : UNE IDIOSYNCRASIE INSPIRATRICEFondé sur des caractéristiques historiques, économiques et sociales particulières, le

modèle danois est idiosyncratique. Le contrat social de la société danoise s’exprime dans unsystème social reposant sur trois piliers: la flexibilité, la sécurité et l’activation. A l’image duterme combiné de «flexsécurité», le système est un exercice d’équilibriste. L’enjeu réside,en effet, dans la combinaison de ces trois piliers.

Malgré ses spécificités le modèle danois est une source d’inspiration en Europe.L’Union Européenne a d’ailleurs fait de la «flexsécurité» un des principes directeurs deses orientations communautaires pour la période 2007-2013. Les principes communs de

«flexsécurité» devraient permettre aux Etats européens de répondre aux défis du XXIème

siècle en leur permettant d’atteindre les objectifs de la stratégie de Lisbonne.

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Abstract

MICHEL Anne-Sophie_2008 77

Abstract

The secret of Denmark lies in the idiosyncratic nature of its model of society, based onspecific historical, economic and social characteristics. These latter led to the developmentof a social system rested on three pillars: flexibility, security and activation. What is at stakein the “flexicurity” system is the combination between these three pillars. Finding a balancebetween them is a permanent challenge.

Despite its specificities, the Danish model is a source of inspiration in Europe. TheEuropean Union has established the concept of “flexicurity” as a guiding principle for theperiod 2007-2013. The Union expects that the common principles of “flexicurity” will helpthe European member states to achieve the Lisbon objectives.

Mots clés: Modèle danois, Etat-Providence, «flexsécurité», cohésion sociale,inspiration, investissement social, principes communs de «flexsécurité», stratégie deLisbonne.