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Université Paris 1
Ecole nationale d’administration
Master Etudes européennes et relations internationales
Spécialité Relations internationales et Actions à l’Etranger
parcours «Actions internationales»
Diplomatie publique :
grand enjeu pour les relations sino-africaines
Sous la direction de
M. Thierry SANJUAN
Professeur, Institut de Géographie
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
soutenu par
GAO Yande
CIP Promotion Louis Pasteur (2017-2018)
Juin 2018
2
SOMMAIRE
Remerciements ........................................................................................................................ 5
Introduction ............................................................................................................................. 6
PARTIE I : PANORAMA DE LA DIPLOMATIE PUBLIQUE CHINOISE : THÉORIE ET
PRATIQUE ............................................................................................................................... 11
1.1 Définition de la diplomatie publique .......................................................................... 11
1.2 Principaux acteurs de la diplomatie publique .......................................................... 14
1.2.1 Divers acteurs de la diplomatie publique en Chine .............................................. 15
1.2.2 Un acteur principal aux États-Unis : le sous-secrétaire d'État à la diplomatie
publique et aux affaires publiques .................................................................................... 16
1.3 Évolution de la diplomatie publique en Chine ......................................................... 17
1.3.1 Prémices de la diplomatie publique en Chine ....................................................... 17
1.3.2 Développement de la diplomatie publique chinoise ............................................ 19
1.3.3 Aspect actuel de la diplomatie publique en Chine ............................................... 20
PARTIE II : DIPLOMATIE PUBLIQUE CHINOISE EN AFRIQUE : NOUVEL ENJEU POUR
LA COOPERATION SINO-AFRICAINE ................................................................................ 22
2.1 Aperçu global du partenariat sino-africain ............................................................... 22
2.2.1 Confiance mutuelle sur le plan politique ................................................................ 22
2.2.1.1 Echanges de haut niveau ........................................................................................ 23
2.2.1.2 Soutien réciproque dans les affaires nationales et internationales ................ 24
2.2.1.3 Question de Taiwan et de la mer de Chine méridionale ................................... 24
2.2.2 Forte croissance dans les échanges économiques ................................................ 25
2.2.3 Nouveau modèle de coopération au développement : du Consensus de
Washington au Consensus de Beijing ............................................................................... 26
2.2.4 Emergence de la Chine : nouveau modèle du développement pour l’Afrique 28
3
2.3 Défis des relations sino-africaines et enjeux de la diplomatie publique chinoise
en Afrique ............................................................................................................................... 29
2.3.1 Inquiétudes sur le plan économique et commercial ............................................. 29
2.3.2 Malentendu sur le plan politique ............................................................................. 31
2.3.3 Enjeux de la diplomatie publique chinoise en Afrique ........................................ 32
2.3.3.1 Discours dominé par des pays occidentaux ........................................................ 33
2.3.3.2 Barrière linguistique et culturelle .......................................................................... 34
2.3.3.3 Ignorance de l’opinion de population locale ..................................................... 34
PARTIE III : POUR UN MEILLEUR NATION BRANDING : LEVIERS DE LA DIPLOMATIE
PUBLIQUE CHINOISE EN AFRIQUE .................................................................................... 36
3.1 Renforcer la coopération médiatique ......................................................................... 36
3.1.1 Implantation des médias chinois en Afrique .......................................................... 36
3.1.2 Collaboration matérielle et technique ..................................................................... 38
3.1.3 Invitation aux journalistes africains aux séminaires en Chine ............................. 39
3.2 Promouvoir les échanges culturels et éducatifs ........................................................ 40
3.2.1 Institut Confucius : atout prestigieux de l’Empire du Milieu et l’enjeu de la
localisation ............................................................................................................................. 40
3.2.2 Feuilletons chinois dans les pays africains : la popularité d’une diffusion large
avec langues locales ............................................................................................................. 43
3.2.3 Bourse du gouvernement chinois : nouvelle destination des étudiants africains
.................................................................................................................................................. 44
3.3 Redonner la visibilité de l’aide humanitaire chinoise : cas de l’équipe médicale
chinoise en Afrique ............................................................................................................... 46
Conclusion .............................................................................................................................. 49
Bibliographie.......................................................................................................................... 51
4
Annexe : .................................................................................................................................. 55
Annexe 1 ................................................................................................................................. 55
Annexe 2 ................................................................................................................................. 57
Annexe 3 ................................................................................................................................. 57
Annexe 4 ................................................................................................................................. 58
Annexe 5 ................................................................................................................................. 58
Annexe 6 ................................................................................................................................. 59
Annexe 7 ................................................................................................................................. 59
5
Remerciements
Je voudrais tout d’abord exprimer ma profonde reconnaissance à mon tuteur de mémoire,
Monsieur Thierry SANJUAN, pour l’aide et le temps qu’il m’a consacrés pour diriger ce
mémoire. Sa grande expertise et son profond engagement pour la recherche académique sur la
Chine ont été déterminants dans la conduite de cette réflexion.
Je tiens à remercier vivement tout le personnel de l’ENA pour les opportunités offertes
lors de la scolarité à Strasbourg et du stage à Paris. Ma gratitude va en particulier à l’endroit de
M. Fabrice LARAT, Directeur adjoint chargé des masters et de la recherche, et Mme Sandrine
BLAISON, du Service des formations diplômantes de la Direction de la Formation, pour leur
accompagnement tout au long de la rédaction de ce mémoire.
J’adresse également mes remerciements à mes collègues chinois du Ministère des Affaires
étrangères, de l’Ambassade de Chine au Mali, du Ministère du Commerce, de l’Institut
Confucius et de l’équipe médicale chinoise à Bamako, de CCTV et de l’Agence Xinhua à
Nairobi, ainsi qu’aux collègues français de la Direction de la Communication et de la Presse du
Ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, pour leur disponibilité et la patience
avec laquelle ils ont bien voulu répondre à mes questions.
Finalement, mes remerciements vont à l’endroit de mes amis Emmanuel ROCQUE et Onja
Miandry RAKOTONDRAMANANA, pour leur aimable relecture avec leur regard extérieur et
leur bonne humeur.
6
Introduction
“ Le soft power est la capacité d'un État à obtenir ce qu'il souhaite de la part d'un autre
État sans que celui-ci n'en soit même conscient.”
― Joseph S. Nye Jr. 1
Dans le contexte actuel de mondialisation, le Soft power (ruan shi li en chinois) est devenu
une nouvelle forme de puissance sur la scène internationale. Le terme du soft power a été
développé par Joseph Nye dans son livre Bound to Lead. Ce professeur américain de Princeton
a été sous-secrétaire d'État durant l'administration Carter, puis secrétaire adjoint à la Défense
durant celle de Bill Clinton en 1990. Il a été le premier à considérer que les attributs dits
traditionnels de la puissance (force militaire, poids démographique, géographie, ressources
stratégiques), catégorisés selon lui comme des composantes du hard power, ont vu pendant la
Guerre froide leur importance progressivement diminuer au profit d’attributs immatériels, tels
que les institutions, le niveau d’éducation de la population, la technologie ou encore la culture.
Bien que n’ayant pas de véritable définition, le soft power est cependant caractérisé par Joseph
Nye comme la capacité à changer ce que les autres veulent en raison de sa force d’attraction,
s’opposant ainsi au hard power, qui est la capacité à changer ce que les autres font. Pour Nye,
l’interdépendance de tous les acteurs ne permettait plus de la concevoir simplement comme la
puissance militaire d’un seul pays, ou comme la force économique (mesurée en parts de
marché). La puissance apparaît dès lors comme la capacité d’une entité politique à faire
prévaloir sa volonté auprès d’autres entités grâce à la séduction, par opposition à la coercition
qui caractérise le hard power. A ce titre, il a prôné que la séduction était bien souvent plus
efficace que la coercition. 2
En tant que moyen important de la promotion du soft power, la diplomatie publique
(gonggong waijiao en chinois) correspond à un processus de communication émanant d’un
gouvernement sur un public cible étranger. Elle a pour finalité une meilleure connaissance des
idées et des idéaux de cette nation, de ses institutions, de sa culture, de ses objectifs nationaux
et de ses politiques en cours.3 Dans l’esprit du grand public, identifiant comme le contraire de
1 Joseph Nye, The changing Nature of World Power, Political Science Quarterly, 1999, P177 2 J. Nye, Soft Power: The Means To Success In World Politics, Public Affairs, 2004
https://1000-idees-de-culture-generale.fr/soft-power-joseph-nye/#_ftn1 3 S. De CARVALHO SPÍNOLA, La diplomatie “publique” ou le pouvoir de négociation des organisations internationales : le cas du Service des Affaires Etrangères de l'UE (SEAE)
7
la diplomatie traditionnelle, l’objectif de la diplomatie publique est de savoir comment
conquérir les cœurs et les esprits de l’opinion publique dans les autres pays et comment faire
augmenter le nombre de partisans de son propre pays. En effet, le développement de la
diplomatie publique s’explique non seulement par une diminution du recours à la force armée
dans le monde entier, mais également par le fait que la mondialisation de l’économie a
approfondi les relations de dépendance entre les pays. En d’autres termes, l’utilisation du hard
power (ying shili en chinois) dans les relations internationales s’est réciproquement rétrécie. En
d’autres termes, la marge de décision et de recours au hard power (ying shili en chinois) dans
les relations internationales a relativement diminué.
Un article de 1993 de WANG Huning, membre permanent du Comité politique central
du Parti Communiste Chinois, a été le premier à poser la question du soft power en Chine, et a
ouvert le débat sur la pertinence d’une telle orientation pour la Chine. En effet, il suggérait
notamment que « si un pays a une culture et une idéologie admirables, les autres pays auront
tendance à le suivre. Il n’a pas besoin de faire usage d’un hard power coûteux et moins
efficace ». 5 Ce texte reprend les grandes lignes du concept développé par Nye, tout en
considérant le soft power comme une stratégie politique efficace. La mise en place du soft power
se sont organisés alors en Chine, certes encore timidement, mais d’une manière différente de
l’acception qu’elle avait aux États-Unis.
Au fur et à mesure du développement rapide du hard power chinois dans les domaines
économique, technologique et même militaire, la politique extérieure chinoise a attiré de plus
en plus les regards des pays du monde. La Chine a surtout changé économiquement, passant en
une génération du statut de pays du tiers-monde au statut d’une des plus grandes nations
industrielles. Entre 1978 et 2015, elle est sortie de la pauvreté et s’est hissée au rang de
deuxième puissance mondiale. Dans le même temps, sa part dans le PIB mondial a bondi de
moins de 4 % à 18 %.6 Parallèlement, l'attention et l’ardeur du public intérieur chinois et de
ses partenaires à participer aux affaires internationales ont aussi augmenté promptement.
Depuis plusieurs années, le gouvernement chinois a envisagé d’accentuer les actions
diplomatiques afin de prendre davantage d’initiatives et mettre le pays sur le devant de la scène
mondiale. Dans le Rapport au XIXe Congrès national du Parti communiste chinois en 2017, le
Président chinois XI Jinping a expliqué que la Chine veut agir en tant que « bâtisseur de la paix
mondiale, contributeur au développement global et défenseur de l’ordre international ». Il a
souligné que le gouvernement chinois a fait progresser globalement la diplomatie de grand pays
à la chinoise, de manière à mettre en place une diplomatie tous azimuts, multidimensionnelle
5 WANG Huning, Culture as a National Strength: Soft Power, Fujian Xuebao, Fuzhou, 1993 6 BARI Dominique, Existe-t-il un modèle de développement chinois ? 24 Octobre 2017, L'Humanité
8
et à plusieurs niveaux, créant ainsi un environnement extérieur favorable au développement du
pays. Dans le cadre du projet « la Ceinture et la Route », la Chine a pris l'initiative de créer la
Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures et mis sur pied le Fonds de la route
de la soie. Elle a aussi été à l’origine de l’organisation du premier Forum "la Ceinture et la
Route" pour la coopération internationale, de la réunion des dirigeants de l'APEC, du sommet
du G20 à Hangzhou, du sommet des BRICS à Xiamen et de la Conférence pour l'interaction et
des mesures de confiance en Asie. Tout cela a permis à la Chine de jouir d'une influence accrue
sur le plan mondial, de susciter une adhésion croissante autour d'elle et de jouer un rôle chaque
jour plus actif dans le remodelage des relations internationales. 7
Afin d’apporter de nouvelles et importantes contributions à la paix et au développement
dans le monde, d’aboutir à la construction d’une communauté de destins pour l’humanité (renlei
mingyun gongtongti) initiée par le Président XI, et de continuer à concrétiser davantage une
coopération suivant un modèle gagnant-gagnant, il est particulièrement important de
promouvoir efficacement la diplomatie publique pour mieux présenter et communiquer.
L’intensification des relations avec les pays africains, qui s’est montrée fructueuse au fil
des années passées, a capté de plus en plus l’attention du monde, surtout de l’Occident. Les
relations sino-africaines ont connu un développement approfondi de leur coopération, et ont été
caractérisées par une dynamique positive en termes de confiance politique mutuelle, de
coopération économique et commerciale, ainsi qu’en matière d’échanges culturels et
humanitaires.
Toutefois, la Chine a bien davantage excellé à agir qu’à communiquer sur ce qu’elle avait
fait en Afrique. La coopération sino-africaine s’est tournée vers la promotion d’un
développement indépendant et durable en Afrique et s’est engagée à servir au mieux les intérêts
des peuples africains. La méconnaissance des tenants et aboutissants de cette coopération par
les populations locales et les différentes contestations des pays occidentaux (qui dénigrent en
mauvaises intentions la présence chinoise en Afrique) provoquent l’inquiétude des sociétés
civiles locales sur la coopération sino-africaine. De plus, les tensions entre la Chine et les
populations locales sont régulièrement rapportées par la presse occidentale, locale et même
également en Chine8. Cela devrait être un point d’attention particulière pour le gouvernement
chinois.
7 XI Jinping, Remporter la victoire décisive de l'édification intégrale de la société de moyenne aisance et faire triompher le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère, Rapport au XIXe Congrès national du Parti communiste
chinois, 18 octobre 2017 8 BALME Stéphanie, La tentation de la Chine, Edition Le Cavalier Bleu, 2013, p. 283
9
Certes, ce genre de débat existe en Chine et dans le monde entier depuis des années.
Néanmoins, très peu d’études ont été réalisées, surtout au niveau gouvernemental, malgré
l’intérêt du sujet.
Problématique
Ainsi, face aux nouveaux enjeux du développement des relations sino-africaines, la
promotion de la politique chinoise de la diplomatie publique pour améliorer l’image de Chine
auprès de l’opinion publique africaine semble particulièrement importante, surtout à l’approche
du nouveau Sommet du Forum sur la Coopération sino-africaine (FOCAC) qui aura lieu en
septembre 2018 en Chine. A cet effet, quels sont les enjeux pour la mise en œuvre des politiques
de la diplomatie publique chinoise à l'égard des pays africains ? Comment la Chine peut-elle
promouvoir les relations sino-africaines par les voies de diplomatie publique afin de dissiper
les inquiétudes et les soucis de la coopération entre la Chine et l'Afrique ? Voilà les questions
que ce mémoire tentera de traiter.
A cet égard, je souhaiterais faire des études qui permettent de lier les connaissances
acquises des cours de l’ENA, avec mon expérience professionnelle au département de
l’Information du Ministère chinois des Affaires Etrangères et mon stage effectué à la direction
de la Communication et de la Presse du Quai d’Orsay. Cela m’invite à une réflexion
comparative des cas chinois et français pour mieux comprendre les enjeux et formuler des
propositions.
Méthodologie
La rédaction de ce mémoire repose essentiellement sur l’exploitation de ressources
documentaires (en papier et en ligne), sur la collecte et l’analyse des données statistiques, des
articles de presse écrite ou numérique en français, chinois et anglais. Elle se base également sur
des entretiens et interviews de nombreux spécialistes, dont la plupart ont été effectués lors de
mon stage auprès de la Direction de la Communication et de la Presse du Quai d’Orsay, qui
s’occupe de la diplomatie publique française.
Annonce du plan
La première partie de ce mémoire portera sur la présentation générale du concept de la
diplomatie publique. Après une définition globale du sujet, elle présentera les prémices, les
évolutions et la situation actuelle de la diplomatie publique en Chine. Ce premier temps aborde
le fonctionnement de la diplomatie publique en exposant les principaux acteurs de la prise de
décision et de sa mise en œuvre.
10
La deuxième partie présentera les enjeux de la mise en œuvre de la diplomatie publique
dans les relations sino-africaines. Elle fera un aperçu global des relations sino-africaines en
faisant ressortir les avantages et les inconvénients. L’analyse de différentes images de la Chine
aux yeux de la société civile soulève des défis qui démontrent que l’orientation de la politique
diplomatique chinoise devrait attacher une plus grande importance à la promotion de la
diplomatie publique.
La troisième partie se consacrera à analyser les spécificités et limites des leviers menées
par la Chine pour développer davantage la diplomatie publique chinoise auprès de l’opinion
publique africaine. De cette analyse découlera une réponse à la problématique que voudrait
traiter ce mémoire.
11
PARTIE I :
PANORAMA DE LA DIPLOMATIE PUBLIQUE CHINOISE :
THÉORIE ET PRATIQUE
1.1 Définition de la diplomatie publique
La pratique de la diplomatie publique est bien plus ancienne, certains auteurs faisant état
d'actions de diplomatie publique en France sous le règne de souverains comme Louis XIV ou
François Ier.9
En janvier 1856, le journal britannique The Times a introduit le mot diplomatie publique
dans un éditorial. Cette expression a simplement été utilisé comme synonyme de civilité dans
une critique de la posture du président américain Franklin Pierce. Selon The Times, « les
hommes d'État de l'Amérique doivent se souvenir […], s'ils doivent faire, comme ils conçoivent,
une certaine impression sur nous, ils doivent aussi donner l'exemple à leurs propres gens, et il
y a peu d'exemples aussi accrocheurs que ceux de la diplomatie publique. »10
En effet, il est universellement reconnu que le terme diplomatie publique a été utilisé pour
la première fois en 1965 par Edmund Gullion, ancien diplomate américain, doyen de la Fletcher
School of Law and Diplomacy à Boston, lors d’une cérémonie d’établissement d’un centre
Edward R. Murrow de la diplomatie publique.
En janvier 1965, Gullion utilisait ce terme pour souligner que la formation des diplomates
américains devait absolument comprendre un module de la diplomatie publique. Il visait
essentiellement l’art du diplomate à bien s’insérer dans les débats au sein des enceintes
multilatérales de l’Organisation des Nations unies. Très vite, l’expression diplomatie publique
a été requalifiée pour désigner les activités que les diplomates avaient longtemps appelé
propagande ou information, à savoir toute pratique diplomatique visant à agir directement sur
les sociétés et non plus sur les seuls gouvernements. En outre, l'affirmation formulée par
Gullion nous permet immédiatement de dissocier la diplomatie publique de la diplomatie dite
« traditionnelle ou classique ». Cette dernière concerne en effet les relations formelles
entretenues par les représentants officiels des États, tandis que la diplomatie publique
caractérise les relations entre les représentants officiels d'un État et une opinion publique,
9 NATTIER Charles, La diplomate publique et culturelle de demain : nouvelles stratégies pour de nouveaux défis,
2015, Québec, P12 10 CULL Nicolas J., Public diplomacy before Guliion: the evolution of a Phrase,
https://uscpublicdiplomacy.org/blog/public-diplomacy-gullion-evolution-phrase
12
autrement dit : des acteurs non-gouvernementaux. Il serait également possible pour un État, en
vertu de cette notion, de pratiquer des activités de diplomatie publique envers sa propre
population.
Au cours des dernières décennies, la diplomatie publique a été largement perçue comme
un moyen transparent par lequel un pays souverain communique avec des publics d'autres pays
afin d'informer et influencer le public étranger mais aussi dans le but de promouvoir l'intérêt
national et les objectifs de politique étrangère. Dans cette vision traditionnelle, la diplomatie
publique est considérée comme faisant partie intégrante de la diplomatie d'État à État, c'est-à-
dire la conduite des relations officielles, généralement privées, entre les représentants officiels
(dirigeants et diplomates) issus d’États souverains.
La pratique ancienne de la diplomatie publique se réfère plutôt à des efforts ou des
investissements effectués par le gouvernement d'un pays pour influencer le public d'autres pays.
Mais actuellement, en diplomatie publique moderne, le public participe activement. Ils peuvent
accéder facilement aux différents moyens d’expression de leurs opinions et peuvent ainsi porter
davantage d'attention à la façon dont la réputation internationale de leur pays influe sur leurs
intérêts personnels. Ainsi, les interactions se font dans les deux sens.
En fait, suite à l’attentat du 11 septembre 2001, la diplomatie publique a véritablement
attiré l’attention de tous les pays. Surtout au niveau du gouvernement, du Congrès, des think
thanks et du peuple des États-Unis qui ont mené de nombreuses réflexions autour de la question :
pourquoi les États-Unis ne sont-ils pas les bienvenus dans le monde ? La conclusion a soulevé
les problèmes du gouvernement américain dans la conduite de la diplomatie publique, à travers
laquelle les échanges avec les autres pays auraient dû être renforcées et que l’image
internationale des États-Unis aurait dû être améliorée. Par la suite, la diplomatie publique est
devenue progressivement l'un des problèmes diplomatiques les plus préoccupants pour la
première puissance mondiale, et aussi pour les pays occidentaux et émergents.
La définition de la diplomatie publique revêt diverses dimensions. Il peut être perçu, tout
à la fois comme :
- Une action politique destinée à influencer les attitudes des publics à l’étranger dans un
sens favorable à la politique étrangère ;
- Une diplomatie qui, faisant fi du canal traditionnel passant par les diplomates,
s’adresserait directement aux opinions publiques ;
- Une aide à la circulation internationale des informations et des idées ;
- Une interaction des groupes privés et des intérêts dans d’autres pays. 11
11 François-Bernard HUYGHE, Diplomatie publique, le retour, https://www.huyghe.fr/actu_296.htm
13
Selon les chercheurs américains Jowett et O’Donnell, « La diplomatie publique traite de
l'influence des attitudes du public sur la formation et l'exécution des politiques étrangères. Elle
englobe les dimensions des relations internationales au-delà de la diplomatie traditionnelle ;
l’influence par les gouvernements de l'opinion publique dans d'autres pays ; l’interaction des
groupes et des intérêts prives d’un pays à un autre ; l’analyse des affaires étrangères et de son
impact sur la politique ; la communication entre ceux dont le métier est la communication, en
tant que diplomates et correspondants étrangers ; et le processus de communication
interculturelle. »12
Quant aux instruments de la diplomatie publique, selon Nicholas CULL, historien
américain et directeur du programme de maîtrise en diplomatie publique à l'école de
communication et de journalisme Annenberg de l'Université de Californie du Sud, il y a quatre
types d’instruments de la diplomatie publique :
L’écoute : elle caractérise le rôle primaire par le biais des services secrets et constitue
également le point de départ de la diplomatie publique. Elle vise la prise de connaissance du
climat politique, l’identification des points de tensions dans l’opinion publique via l’écoute et
la veille (suivi de forums et de « chats »). La diplomatie publique peut se définir comme un
processus indissociable de la politique.
L’advocacy : en diplomatie publique, le plaidoyer se définit par la gestion de
l’environnement international via des activités de communication à un niveau international pour
promouvoir les politiques, les opinions ou les intérêts publics de l’acteur dans l’opinion
publique étrangère. Il caractérise les objectifs communément rattachés à la diplomatie publique :
améliorer la notoriété, gérer la réputation, amender la législation ou modifier les attitudes.
La diplomatie culturelle et d’échange : elle comprend les efforts fournis pour comprendre,
informer, impliquer et influencer les habitants d’autres pays. Echange d’idées, d’informations,
de valeurs, de formes d’art, de la culture et de la langue entre les nations pour renforcer la
compréhension mutuelle. En utilisant des instruments culturels, la diplomatie publique rejoint
les intérêts nationaux tout en évitant la « politisation ». Les agents de la diplomatie culturelle
apportent leur crédibilité par leur intégrité artistique ou académique (par exemple : les
expositions universelles, les Alliances françaises, etc.).
La diffusion audio-visuelle : elle permet de diffuser les valeurs et la politique extérieure
d’un État. Les pratiques et les activités incluent les médias visant les audiences étrangères, les
médias subventionnés et étatiques, la publicité et les campagnes de relations publiques, et
également les relations avec la presse tant ouvertes que souterraines. Leur objectif est
12 S. De CARVALHO SPÍNOLA, La diplomatie “publique” ou le pouvoir de négociation des organisations internationales : le cas du Service des Affaires Etrangères de l'UE (SEAE)
14
d’accroître le soutien d’audiences hors des frontières d’une nation en faveur de sa politique
extérieure, à travers la médiation de la diplomatie publique en termes d’efforts ciblés à plus
court terme, utilisant les médias de masse, internet inclus. 13
D’ailleurs, avec l’arrivée des technologies de l’information et de la communication
(internet, chaîne de télévision par satellite, téléphonie, etc.), la diplomatie publique a franchi
une nouvelle étape et devrait s’adapter à l’ère de la communication 2.0. Internet offre de grandes
potentialités et de nouvelles façons de diffuser plus largement et plus rapidement les
informations, avec l’ensemble de la communauté internationale, des gouvernements, des ONG
et des individus. Facebook, Twitter, Wechat et les autres réseaux sociaux sont également de
plus en plus utilisés par les Présidents, les chefs de gouvernements, les diplomates ou les
fonctionnaires de tous les domaines pour exprimer leurs opinions et leurs préoccupations. Tous
portent désormais la voix de leurs pays sur les réseaux sociaux.
Tableau 1. Comparaison entre diplomatie traditionnelle et diplomatie publique14
1.2 Principaux acteurs de la diplomatie publique
Les acteurs pour la prise de décision et de la mise en œuvre de la diplomatie publique sont
divers. On distingue les administrations publiques gouvernementaux, mais aussi les médias, les
organisations non gouvernementales, les entreprises transnationales et même les ressortissants
à l’extérieur.
13 CULL Nicolas, Public diplomacy: Seven lessons for its future from its past. Place Branding and Public Diplomacy,
2010, Vol. 6,1, p.11–17 14 DE CARVALHO SPÍNOLA, La diplomatie “publique” ou le pouvoir de négociation des organisations internationales : le cas du Service des Affaires Etrangères de l'UE (SEAE), Revue de Management et de Stratégie, p.33-54
15
1.2.1 Divers acteurs de la diplomatie publique en Chine
Comme cité supra, les émetteurs pour la mise en œuvre de la diplomatie publique en Chine
sont variés, on peut non seulement compter sur les administrations publiques du gouvernement
et du Parti, mais aussi sur les médias, les organisations non gouvernementales, les entreprises
transnationales et même les ressortissants chinois à l’extérieur.
Au niveau du parti, le Département de la Communication du Comité central du Parti
Communiste Chinois (中宣部 zhong xuan bu en chinois) est chargé de l’orientation des
décisions de la diplomatie publique chinoise. Le Département de la Communication du Comité
central du Parti Communiste Chinois est une organisation composée de hauts dirigeants du Parti.
Ils sont chargés d'élaborer des plans et des directives en matière de diplomatie publique, de
travailler avec les médias étrangers et d'orienter les médias nationaux, y compris ceux
intervenant sur le réseau Internet.
Au niveau gouvernemental, les acteurs principaux de la mise en œuvre de la politique de
la diplomatie publique sont le Bureau de l’information du Conseil d’État (国新办 guo xin ban
en chinois) et le Ministère des affaires étrangères (外交部 waijiao bu en chinois). Le Bureau
de l’information du Conseil d’État est établi en 199115. Peu de temps après la création de ce
Bureau, le gouvernement chinois a commencé à diffuser régulièrement des livres blancs
clarifiant la politique de la Chine sur des questions aussi cruciales que les minorités ethniques,
les droits de l'homme et la défense nationale. Les échanges éducatifs et culturels ont repris et la
Chine a progressivement commencé à accorder plus d'attention à son image à l'étranger. Au
sein du Ministère des affaires étrangères, le bureau de la diplomatie publique a été mis en place
en mai 2010 dans le département de l’Information (新闻司 xinwen si en chinois).
Plus récemment, on a aussi assisté à l’installation des instituts et des classes Confucius
dans le monde entier, la promotion des échanges académiques (projets de recherche scientifique
conjoints, finance de la construction de laboratoires, etc.) et la formation de professionnels,
l’implantation des principaux médias chinois (l’Agence Xinhua, Radio Chine International,
CCTV), la diffusion internationale de produits culturels (exportation de films et de feuilletons
chinois, etc.), ainsi que l’enthousiasme des dirigeants en matière de reconnaissance de biens ou
sites chinois comme patrimoine mondial de l’UNESCO16.
15 BRADY Anne-Marie, Guiding Hand: The Role of the CCP Central Propaganda Department in the Current Era, in Westminster Papers in Communication and Culture, vol. 3, no. 1, 2006, p. 58-77. 16 La Chine a actuellement inscrit 48 biens au patrimoine mondial de l’UNESCO.
16
En plus des émetteurs de la diplomatie publique chinoise, la société civile, les associations
et les ONG chinoises ont également fait sienne la notion de diplomatie publique. C’est
officiellement dans ce cadre qu’est fondée en décembre 2012 l’Association chinoise de
diplomatie publique (公共外交协会 gonggong waijiao xiehui en chinois), dont l’objectif est
d’améliorer la promotion de l’image de la Chine et de sa culture dans le monde. Composée
d’anciens diplomates, de fonctionnaires et d’hommes d’affaires, cette initiative présentée
comme un projet émanant de la société civile admet en réalité ouvertement un déficit d’image
de la Chine sur la scène internationale17.
D’autre part, les ONG chinoises renforcent également l'image du pays en coopérant avec
des organisations internationales et multilatérales et en faisant la promotion de leurs messages
dans des échanges internationaux.
1.2.2 Un acteur principal aux États-Unis : le sous-secrétaire d'État
à la diplomatie publique et aux affaires publiques
Bien que la Chine tienne compte de l’importance dans ce domaine au cours des dernières
années, elle est dans l'ensemble encore loin derrière des pays comme les États-Unis qui ont créé
un poste du sous-secrétaire d'État à la diplomatie publique et aux affaires publiques en 1999.
Tableau 2. Organigramme du Bureaux de diplomatie publique des États-Unis
Source : Département d'État des États-Unis
UNESCO, Nombre de biens du patrimoine mondial par Etat partie, http://whc.unesco.org/fr/list/stat#s2, le 29
novembre 2015. 17 Ministère chinois des Affaires Etrangères, China Public Diplomacy Association Established in Beijing, Beijing, le 31
decembre 2012
Sous-secrétaire à la diplomatie publique et aux affaires publiques
secrétaire adjoint aux affaires publiques
secrétaire adjoint à l'éducation et aux affaires culturelles
coordonateur pour les programmes d'information internationaux
bureau de la diplomatie publique et des affaires
publiques
17
Selon le site du Département d’État des États-Unis, la diplomatie publique américaine a
pour mission de soutenir la réalisation des objectifs de la politique étrangère des États-Unis, de
promouvoir les intérêts nationaux, d'améliorer la sécurité nationale en informant et en
influençant les publics étrangers, et de renforcer les relations entre les États-Unis et les peuples
du reste du monde.18
Le sous-secrétaire à la diplomatie publique et aux affaires publiques dirige les affaires de
la diplomatie publique américaine. Le bureau du sous-secrétaire se compose de cinq coopérants :
Bureau des affaires éducatives et culturelles, Bureau des programmes internationaux
d'information, Bureau des affaires publiques, Centre d'engagement mondial, Bureau de la
politique, de la planification et des ressources et Unité d'Expo.
1.3 Évolution de la diplomatie publique en Chine
Lorsqu’on veut analyser la diplomatie publique chinoise, nous devons tout d’abord
clarifier une contradiction en raison de différentes compréhensions de ce terme en chinois. En
effet, la diplomatie publique est un concept d’origine étrangère en Chine, auparavant, le terme
utilisé souvent par le gouvernement chinois est duiwai xuanchuan (对外宣传), ce qui signifie
« propagande extérieure ». Il vise la publicité réalisation chinoise et « vendre » l'image du pays
dans le monde entier. En chinois, contrairement à beaucoup d'autres traductions, le mot xuan
chuan (宣传 la propagande), a une connotation positive associée à des activités telles que la
communication et la publication des nouvelles, la mise en forme générale de l'idéologie, ou
même publicité. De plus, le terme xuan chuan a deux niveaux : la propagande interne (内宣
nei xuan) et la propagande extérieure (外宣 wai xuan) à laquelle appartient effectivement la
diplomatie publique chinoise.
1.3.1 Prémices de la diplomatie publique en Chine
Depuis sa fondation en 1921, le Parti Communiste Chinois a toujours attaché une grande
importance à duiwai xuanchuan (la propagande extérieure). Le gouvernement chinois l’a
18 Site du Département d’État des États-Unis : https://www.state.gov/r/
18
intensifiée suite à la Seconde Guerre mondiale, surtout après la fondation de la République
populaire de Chine en 1949.
L’initiative des Cinq Principes de la coexistence pacifique dans les relations
internationales est un événement marquant dans ce domaine. Sur fond de guerre froide, de
décolonisation, de l'indépendance et de la libération nationales en Asie, en Afrique et en
Amérique latine, les pays nouvellement indépendants aspiraient à l'instauration des relations
internationales d'égal à égal. La Chine avait également besoin de briser le blocus des pays
occidentaux et de créer une nouvelle situation diplomatique favorable pour son développement.
Les 28 et 29 juin 1954, la Chine a publié, respectivement avec l'Inde et le Myanmar, une
déclaration commune confirmant que les Cinq Principes19 s'appliqueraient aux relations Chine-
Inde et Chine-Myanmar, ainsi qu'aux relations que les trois pays entretenaient avec les autres
pays asiatiques et le reste du monde. La Chine a saisi l’opportunité pour mieux faire connaitre
sa politique extérieure au reste du monde, ce qui est devenu une initiative majeure dans les
annales des relations internationales et une contribution historique à la construction d'un
nouveau type de relations internationales justes et raisonnables. Cela a été considéré comme un
jalon historique dans « la propagande extérieure » de la politique extérieure du gouvernement
chinois.
Néanmoins, avec la mise en œuvre de la politique de réforme et d’ouverture il y a quarante
ans, le développement chinois se traduit en partie par une perception limitée et même déformée
de l'image de la Chine en Occident, via sa propre façon de « propagande extérieure ». Le
gouvernement chinois s’est rendu compte que la croissance économique chinoise ne suffisait
plus à donner une image positive du pays envers les pays étrangers. Sa politique de
« propagande extérieure » ne correspondait plus aux opinions publiques dans le monde entier.
Ces visions de la réalité ont démontré que la diplomatie publique reste sans conteste un élément
indispensable de communication et de présentation du développement chinois. Reconnaissant
que la puissance s’exerce également à travers la capacité d’un acteur à se faire reconnaître
comme une référence mondiale incontournable, le gouvernement chinois a intégré l’importance
de l’image internationale en misant sur la diplomatie publique. Ainsi, la nécessité du
développement d’une diplomatie publique chinoise a vu le jour. En outre, le concept de «
diplomatie dans l'intérêt du peuple » a permis une rapide avancée de la diplomatie publique
chinoise.
19 Les Cinq Principes de la Coexistence pacifique : le respect mutuel de la souveraineté et de l'intégrité territoriale, la
non-agression mutuelle, la non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures, l'égalité et les avantages mutuels, et
la coexistence pacifique.
19
De ce fait, en juillet 2009, le président chinois HU Jintao a initié la notion de la diplomatie
publique à la onzième conférence des ambassadeurs à Beijing. Il a souligné dans son allocution
que la Chine devait résolument sauvegarder la souveraineté et la sécurité nationales, adhérer
sans réserve au principe d'une seule Chine et sauvegarder la situation globale de la stabilité
périphérique de la Chine. Pour s'adapter aux changements des relations internationales et
promouvoir la diplomatie chinoise à tous les niveaux […] la Chine devait renforcer la
diplomatie publique et la diplomatie humanitaire, mener diverses formes d'échanges culturels
avec des pays étrangers et diffuser efficacement une excellente culture chinoise.20 Dès lors, ce
terme a été officialisé dans les pratiques du gouvernement chinois.
1.3.2 Développement de la diplomatie publique chinoise
L'utilisation récurrente du terme « diplomatie publique » dans les articles ou discours
officiels des dirigeants chinois montre une prise de conscience croissante des possibilités de cet
outil.
La discussion progressive du développement de la diplomatie publique en Chine remonte
à une période antérieure à 2009.
En 1993, un article publié par WANG Huning, conseiller du président Jiang Zemin et
professeur à l’Université Fudan, en appelait à renforcer le pouvoir d’attraction du pays, en
faisant de la culture chinoise sa principale ressource. 21 Relativement proche de la vision
occidentale, il est aujourd’hui aiguillé par une diplomatie publique embryonnaire dont le
domaine d’action est résumé par YANG Jiechi ( occupant la fonction du conseiller d’État à
l’époque) aux quatre types : valeurs, systèmes, opinions politiques et influence culturelle.22
En 2007, le Premier ministre chinois WEN Jiabao a déclaré dans un article paru dans le
journal national officiel chinois, le Quotidien du Peuple (人民日报 renmin ribao en chinois) :
« Nous devrions mener une diplomatie publique d'une manière plus efficace ».
En 2010, YANG Jiechi (en fonction du ministre des affaires étrangères de l’époque) a
systématiquement élaboré la diplomatie publique chinoise lorsqu’il répondait aux questions de
politique étrangère et de relations extérieures à la conférence de presse de la troisième session
de la onzième Assemblée populaire nationale(APN) à Beijing. Il a souligné que la diplomatie
20 HU Jintao, Allocution de la onzième conférence des ambassadeurs, Beijing, juillet 2009 21 WANG Huning, Culture as National Power: Soft Power, Journal of Fudan University, n° 3, mars 1993, Shanghai, pp.
23-28. 22 YANG Jiechi, Promoting Public Diplomacy, China Daily, Beijing, 2 septembre 2011
20
publique était une orientation importante pour la diplomatie chinoise, que la diplomatie
publique est née au bon moment et que beaucoup reste à faire.
YANG Jiechi a déclaré que l'un des contenus importants de la diplomatie publique était
d'introduire les politiques nationales et étrangères au public dans le pays et au public étranger
par des moyens tels que la communication et l'échange pour améliorer la compréhension et
réduire les malentendus. La Chine avait déjà lancé une diplomatie publique autour de sujets
aussi importants que le 60ème anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine.
En particulier, il a mentionné que les dirigeants chinois attachaient une grande importance à la
diplomatie publique dans les activités extérieures et avaient des contacts approfondis et étendus
avec tous les secteurs de la société et ont obtenu de bons résultats. Les diplomates ont également
mené diverses activités de diplomatie publique. Il a souligné que la diplomatie chinoise était la
diplomatie populaire, et que la sagesse de la diplomatie publique venait du peuple. En tant que
chef de la diplomatie chinoise, Yang Jiechi encourageait les diplomates chinois à devenir plus
actifs en Chine et à l’étranger, à entrer dans les universités, à se rapprocher des médias, à
présenter la situation intérieure de la Chine et les orientations de la politique étrangère chinoise
envers les peuples chinois et étrangers. 23
1.3.3 Aspect actuel de la diplomatie publique en Chine
La promotion de la diplomatie publique, étant un pilier important de la diplomatie chinoise
actuelle, est considérée comme une partie importante de la pensée du président XI Jinping dans
la diplomatie chinoise. Dans son rapport du 19ème congrès du Parti Communiste Chinois, XI
Jinping a souligné l’importance pour progresser globalement la diplomatie de grand pays à la
chinoise, de manière à mettre en place une diplomatie tous azimuts, multidimensionnelle et à
plusieurs niveaux, créant ainsi un environnement extérieur favorable au développement chinois.
La promotion de la diplomatie publique pourra être un levier pour jouir d'une influence accrue
sur le plan mondial, de susciter une adhésion croissante autour d'elle et de jouer un rôle chaque
jour plus actif dans le remodelage des relations internationales. C'est ainsi que la Chine a pu
apporter de nouvelles et importantes contributions à la paix et au développement dans le monde.
24
23 YANG Jiechi, conférence de presse de la troisième session du onzième Congrès national du peuple de Chine,
Beijing, le 7 mars 2010 24 XI Jinping, le rapport du 19ème congrès du parti communiste chinois, Beijing, le 18 octobre 2017
21
Depuis ces dernières années, la politique de la diplomatie publique chinoise a de plus en
plus attiré l’attention et les regards du monde. Bon nombre d’experts des relations
internationales observent que la Chine s'est efforcée activement de développer sa diplomatie
publique au cours des dernières années, à travers l'organisation des Jeux Olympiques à Beijing
en 2008, l'Exposition universelle de 2010 à Shanghai, la Conférence du premier Forum « la
Ceinture et la Route »(一带一路 yidai yilu en chinois) pour la coopération internationale, la
réunion des dirigeants de l'APEC, le sommet du G20 à Hangzhou et le sommet des BRICS à
Xiamen, etc. Parmi ces grands événements, la tenue du premier Forum de « la Ceinture et la
Route » avait une signification exceptionnelle pour la diplomatie chinoise.
Le président XI a accueilli à Pékin pendant deux jours (le 14 et 15 mai 2017), une trentaine
de chefs d’État pour ce sommet. Proposée par le président XI en 2013, l'initiative de l’OBOR
(One Belt, One Road), acronyme anglais de « la ceinture et la route », vise à bâtir des réseaux
commerciaux et d'infrastructures reliant l'Asie à l'Europe et à l'Afrique, le long et au-delà des
anciennes Routes de la soie. Elle se compose d'une Ceinture économique de la Route de la soie
et d'une Route de la Soie maritime du 21ème siècle : d’un côté, une ceinture économique
composée des voies terrestres traversant la Russie, l’Asie centrale et le Pakistan jusqu’à
l’Europe orientale ; de l’autre, une route de la soie maritime reliant par les océans les pays
émergents d’Asie du Sud-Est et du Sud, jusqu’à l’Afrique et l’Amérique du Sud. Selon des
journalistes étrangers, c’était un exercice de diplomatie publique spectaculaire de la Chine25 et
surtout de M. XI, secrétaire général du Parti Communiste Chinois et Président de la République
populaire de Chine. Lors de son discours d’ouverture du sommet, il a largement évoqué
l’histoire millénaire chinoise et l’esprit de la Route de la soie, inspiré par la paix et la
coopération.
Aujourd'hui, la Chine continue d'approfondir sa réforme et son ouverture. Elle est devenue
une grande réussite pour la nation chinoise par la diplomatie publique pour mieux expliquer la
situation réelle de la Chine au monde, gagner la compréhension et le soutien des pays du monde
pour le rêve chinois. Le renforcement et la promotion de la diplomatie publique doivent
s'appuyer sur la réforme, le développement et la stratégie étrangère du pays, dans le but de
promouvoir la compréhension mutuelle et la reconnaissance mutuelle entre les peuples chinois
et étrangers. La diplomatie publique est un canal important pour échanger avec les partenaires
étrangers et une pierre angulaire pour construire de bonnes relations internationales. Parmi les
partenaires internationaux, les pays africains restent toujours importants et indispensables.
25 PEDROLETTI Brice (correspondant du Monde à Beijing), Nouvelles routes de la soie : les ambitions planétaires de Xi Jinping, LE MONDE, le 4 août 2017
22
PARTIE II :
DIPLOMATIE PUBLIQUE CHINOISE EN AFRIQUE :
NOUVEL ENJEU POUR LA COOPERATION SINO-
AFRICAINE
« La Chine et les pays africains sont des amis à toute épreuve. C’est ce que nous ne
pouvons jamais oublier. »26
--XI Jinping
Les relations entre la Chine et le continent africain remonterait au 15ème siècle où le grand
navigateur chinois Amiral ZHENG He, à la tête de la flotte impériale forte de plus de 200
bateaux, a sillonné dès 1405 la mer Rouge (Egypte) et les côtes de l'Afrique (Mozambique).
La distance géographique ne semble pas constituer un obstacle au développement des
relations sino-africaines. Bien que très éloignée de la Chine, l'Afrique est considérée comme
une proche voisine dans le cœur des dirigeants et du peuple chinois.
2.1 Aperçu global du partenariat sino-africain
Les domaines de collaboration de la Chine en Afrique sont aussi multiples que variés. Que
ce soit sur le plan politique ou économique, la Chine noue et renforce ses liens de coopération
avec les pays africains qui voient en elle un modèle de développement.
2.2.1 Confiance mutuelle sur le plan politique
La confiance mutuelle Chine-Afrique sur le plan politique est la base du développement
stable des relations sino-africaines. La confiance mutuelle s'est davantage raffermie entre la
Chine et l'Afrique, avec une intensification des échanges de haut niveau, une collaboration et
26 Entretien entre Président XI Jinping avec son homologue zimbabwéen Robert Mugabe lors d’une visite d’État à
Beijing, le 25 août 2014
23
une coordination dans les affaires régionales et internationales, ainsi qu’un consensus sur les
questions fondamentales tels que Taiwan et la mer de Chine méridionale.
2.2.1.1 Echanges de haut niveau
« La Chine attache beaucoup d’importance aux relations personnelles et à ces rencontres
en face à face. Elle est le seul pays à avoir instauré ce principe de visites aussi régulières et
nombreuses », explique Hannah RYDER, ancienne diplomate de l’ONU et directrice à Beijing
du cabinet de consultant Development Reimagined. 27
Les échanges des dirigeants politiques entre la Chine et les pays africains sont
particulièrement actifs. Dans une période récente, les relations sino-africaines remontent aux
années 50. Dès le début des années 1950, la Chine et le Parti Communiste Chinois ont soutenu
les mouvements de libération anticolonialistes en Afrique. La conférence de Bandung en 1955
était le point de départ de la mise en œuvre d’une véritable politique chinoise en Afrique,
officialisée par le 8ème Congrès du Comité central du Parti de 1956. En 1960, Sékou TOURE,
le premier président de la République de Guinée, était le premier dirigeant africain à se rendre
en visite officielle en République Populaire de Chine. L’année d’après, c’est le tour du président
ghanéen, Nkrumah. Au seuil des indépendances, trois États sont ainsi au premier rang dans les
relations avec la chine pour leurs relations avec la Chine : le Ghana, la Guinée et le Mali. Ces
relations ont été fortement activées et diversifiées suite à la visite du premier ministre chinois
ZHOU Enlai en 1964 dans dix pays africains : Egypte, Maroc, Algérie, Soudan, Guinée, Ghana,
Mali, Ethiopie, Somalie et Tunisie. Ce déplacement est placé sous le signe d’une solidarité sino-
africaine se construisant contre l’impérialisme.
Depuis le dernier sommet du FOCAC à Johannesburg en fin 2015, le président chinois XI
Jinping, le président du Comité permanent de l'Assemblée populaire nationale (APN) de Chine,
ZHANG Dejiang, et le président du Comité national de la Conférence consultative politique du
peuple chinois (CCPPC, équivalent du Sénat), YU Zhengsheng, ont tous effectué des visites en
Afrique. De l'autre côté, plus de 20 chefs d'État et chefs de gouvernement africains ont visité la
Chine. « Cela signifie que les échanges entre les dirigeants des deux parties sont à leur plus
haut niveau, et qu’il s'agit d'une ‘coordination des idées’ », analyse LIN Songtian, directeur à
l’époque du département des affaires africaines du ministère chinois des affaires étrangères
27 LE BELZIC Sébastien, En dix ans, la diplomatie chinoise a visité la quasi-totalité des pays africains, LE MONDE, le 19
février 2018, http://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/02/19/en-dix-ans-la-diplomatie-chinoise-a-visite-la-
quasi-totalite-des-pays-africains_5259363_3212.html
24
Plusieurs centaines de représentants ministériels africains ont également visité la Chine par la
suite. Selon LIN, pour réaliser les programmes fixés au cours du sommet sino-africain, une
quarantaine de pays du continent africain ont créé des mécanismes de coordination dirigés
directement par le chef d'État ou le chef de gouvernement pour collaborer avec leurs
homologues chinois.28
2.2.1.2 Soutien réciproque dans les affaires nationales et internationales
La Chine a apporté un soutien indéniable à la décolonisation de l’Afrique en utilisant toutes
les tribunes internationales pour dénoncer le colonialisme et l'impérialisme. En 1958, la Chine
a été le premier pays non arabe à reconnaître le Gouvernement provisoire d'Algérie. Elle a par
ailleurs manifesté sa solidarité à l'Egypte nassérienne durant la crise du Canal de Suez.
Le soutien de la Chine à la décolonisation du continent africain a été récompensé par la
contribution de l'Afrique à la reconnaissance internationale de la République populaire de Chine.
En 1971, la Chine a finalement retrouvé sa place à l'ONU avec l'appui des pays africains. Sur
les 76 votes obtenus à l'Assemblée Générale, 26 émanent des pays africains. Reconnaissant, le
président chinois MAO Zedong a dit : « si maintenant nous sommes rentrés à l'ONU, c'est que
les frères d'Afrique nous ont épaulés ». A la fin des années 70, 44 États africains ont des
relations diplomatiques avec la République populaire de Chine. Depuis lors, la coopération
entre la Chine et l'Afrique qui se structure autour des principes de la coexistence pacifique, n'a
cessé de croître.29
2.2.1.3 Question de Taiwan et de la mer de Chine méridionale
Le principe de l’unicité de la Chine 30 , constitue la politique fondamentale dans
l’établissement des relations de la Chine avec les autres pays.
Le gouvernement chinois insiste sur le fait qu’il n’y a qu’une seule Chine dans le monde
et que Taiwan en fait partie de manière inaliénable. S’attacher au principe de l’unicité de la
28 CHEN Junxia, reportage de l’Agence Xinhua : Les trois tendances de la coopération sino-africaine depuis le sommet de Johannesburg, le 27 avril 2017, http://french.xinhuanet.com/2017-04/27/c_136240834.htm 29 NIQUET-CABESTAN Valérie, La stratégie africaine de la Chine, Politique étrangère, 2006/2 (Été), p. 361-374.
https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2006-2-page-361.htm 30 Interprété comme le principe une seule Chine (一个中国原则 en chinois)
25
Chine et ne développer aucun lien officiel avec Taiwan est toujours considéré comme la ligne
rouge dans les relations bilatérales avec la Chine.
Excepté une période de relatif repli autour de la question de Taiwan, entre le début des
années 1980 et le milieu des années 1990, la relation politique sino-africaine reste globalement
saine et pérenne. De 2016 à 2018, la Gambie, le Sao Tomé-et-Principe et le Burkina Faso ont
choisi de rompre leurs relations avec Taiwan pour établir des relations diplomatiques avec la
Chine. Jusqu’à aujourd’hui, parmi les 54 pays africains, 53 ont établi des relations
diplomatiques avec la République populaire de Chine (voir l’annexe « les pays africains ayants
des relations diplomatiques avec la Chine »).
En ce qui concerne la question de la mer de Chine méridionale, plus de 30 pays africains
ont déclaré leur soutien au regard de la position du gouvernement chinois, en estimant que le
litige sur la mer de Chine méridionale devrait être résolu pacifiquement par le biais de
consultations et de négociations directes conformément aux accords bilatéraux et au consensus
régional.31 Le gouvernement chinois le considère comme une grande réussite diplomatique.
2.2.2 Forte croissance dans les échanges économiques
Même si l’histoire des échanges commerciaux sino-africains peut remonter au 15ème siècle,
avec les voyages effectués en Afrique par l’Amiral ZHENG He. Jusqu’au milieu du 20ème siècle,
les échanges à proprement parler étaient minimes, et ils ont pris davantage d’ampleur à partir
de 1978 où la Chine a entrepris des politiques de réforme et d’ouverture sous DENG Xiaoping.
Mais ce n’est qu’à la fin de 20ème siècle, que les échanges commerciaux entre la Chine et le
continent africain se sont réellement intensifiés.
Depuis la 21ème siècle, la Chine et l'Afrique ont développé rapidement leurs rapports
économiques et commerciaux en entretenant désormais une coopération fructueuse. Cette
croissance de la coopération entre la Chine et l'Afrique se mesure aussi bien sur le plan des
échanges commerciaux qu’en matière d’investissements.
La Chine et l'Afrique ont connu une courbe ascendante en termes de densité et de qualité
des échanges commerciaux. En effet, ne dépassant pas 10 milliards de dollars US en 2000, ils
31 Reportage de l’Agence Xinhua : Mer de Chine méridionale : de nombreux pays africains appellent à un règlement pacifique, le 05 juillet 2016, http://www.seneweb.com/news/Afrique/mer-de-chine-meridionale-de-nombreux-
pay_n_186874.html
26
atteignaient 40 milliards en 2005 et 170 milliards en 2017, selon le Ministère chinois du
Commerce.32 En 2009, La Chine est devenue le premier partenaire commercial de l'Afrique.33
Certes, l'Afrique ne représente que 2,3 % des exportations de la Chine et 2 % de ses
importations, mais elle représente est un marché immense (environ 900 millions de
consommateurs potentiels), ouvert sans contraintes aux produits chinois de grande
consommation. Leurs diverses qualités sont compensées par des coûts adaptés au pouvoir
d'achat des populations africaines, contrairement aux produits manufacturés en occident qui,
s'ils répondent aux normes internationales en vigueur en matière de production, sont souvent
largement au-dessus de la bourse de l'Africain moyen. Par ailleurs, le gouvernement chinois a
mis en place des politiques privilégiées pour les partenaires africains. Depuis le 1er juillet 2007,
450 catégories de produits en provenance de 26 pays africains bénéficient du tarif douanier zéro
pour leur entrée en Chine.34
Au-delà des échanges commerciaux, l’Afrique apparaît comme un partenaire privilégié
aux investissements chinois. Selon les statistiques du ministère chinois du Commerce, les
investissements non financiers de la Chine en Afrique ont progressé de 22 % au cours de l’année
2017. C’est une sorte de raccourci dans la stratégie de mondialisation des grandes entreprises
chinoises encouragée par le gouvernement chinois. Les nouvelles plates-formes de coopération
telles que le Forum sur la coopération sino-africaine ont donné un nouvel élan aux investisseurs
chinois. En outre, La Chine et les pays africains sont extrêmement complémentaires en matière
de ressources et de technologies. L’Afrique présente globalement une situation particulièrement
favorable pour les investissements et les entreprises chinoises.
2.2.3 Nouveau modèle de coopération au développement : du
Consensus de Washington au Consensus de Beijing
Pendant une longue période, la Chine n’utilisait pas la notion « aide au développement »,
mais choisissait les termes « coopérations sud-sud » ou « assistance mutuelle ». Ce n’est que
dans le Livre blanc sur l’aide au développement publié en avril 2011 que le gouvernement
chinois a adopté cette notion. 35
32 Données du Ministère chinois du Commerce, 中国商务部 33 CHEN Deming (Ministre chinois du Commerce), La coopération économique et commerciale entre la Chine et l'Afrique aura un avenir plus radieux, 18 juillet 2012 34 Selon l'administration Générale des Douanes de la République Populaire de Chine 35 CABESTAN Jean-Pierre, Les relations Chine-Afrique : nouvelles responsabilités et nouveaux défis d'une puissance mondiale en devenir, Hérodote, mars 2013 (n° 150), P. 150-171
27
En Chine, l’aide publique au développement est cogérée par le Ministère du Commerce et
le Ministère des Affaires Etrangères. En plus de ces deux ministères centraux, l’Exim Bank
joue aussi un rôle très important. Le gouvernement africain soumet une demande à l’Exim Bank
et, après évaluation par le Ministère du Commerce, un accord cadre est signé entre les
gouvernements. Une fois qu’elles ont réalisé les projets, le gouvernement africain rembourse
les intérêts et le capital à l’Exim Bank.
L’histoire de l’aide chinoise au développement de l'Afrique peut remonter aux années
1950. Les premiers bénéficiaires de l’aide chinoise en Afrique étaient l’Egypte et l’Algérie36.
Depuis cette époque, la Chine a soutenu plus de 1000 projets en Afrique liés au développement
économique et social.
Lors du Sommet Johannesburg du FOCAC en décembre 2015, le président chinois XI
Jinping a annoncé 60 milliards de dollars d'aide au continent africain. Cette enveloppe a été
destinée à financer une dizaine de programmes de coopération notamment dans l’agriculture,
l’industrialisation, la réduction de la pauvreté et la sécurité. Près de 60 millions de dollars
seraient attribués aux programmes de paix et sécurité de l’Union africaine sans contrepartie.37
La Chine a montré un réel engagement encore plus fort pour soutenir ses partenaires africains
dans la réalisation du développement et de la prospérité.
Fidèle au principe de non-ingérence, la Chine n'impose aucune condition politique en
contrepartie de son aide en Afrique. La Chine n'assortit son aide d'aucune conditionnalité, ce
qui la différencie des pays occidentaux, qui sont souvent critiqués pour leurs clauses preçues
comme contraignantes et assimilées à de l’ ingérence dans les affaires intérieures et à une
orientation dans le seul intérêt du donataire.
L'attitude chinoise a conduit à remplacer le consensus de Washington par le consensus de
Beijing.38 Le terme de « consensus de Beijing », initié par un Américain Joshua Cooper Ramo,
qui était à l’époque journaliste traitant des questions internationales au magazine américain
Time.39 « L’émergence de la Chine redessine l’ordre international en introduisant une nouvelle
physique de développement et du pouvoir. »40 C’est un concept qui poursuivrait les mêmes
objectifs que le consensus de Washington en les déclinant selon un ordre différent : le premier
donne la priorité à la stabilité et au développement, alors que le second fait des réformes un
36 SEVERINO O. Charnoz, L’aide publique au développement, Coll. Repères, Paris, La découverte, 2007, P. 9-10 37 Allocution de XI Jinping, Président de la République populaire de Chine, à la cérémonie d'ouverture du Sommet de
Johannesburg du Forum sur la Coopération sino-africaine, ouvrons une nouvelle ère de la coopération gagnant-gagnant et du développement commun entre la Chine et l'Afrique, le 4 décembre 2015, Johannesburg 38 TIBERGHIEN Yves, Consensus de Washington contre consensus de Beijing, dans L'Asie et le futur du monde, Paris,
Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.), Nouveaux Débats, Chapitre 5, 2012, P. 153-166 39 RAMO Joshua Cooper, The Beijing Consensus, the Foreign Policy Center, Londres, 2004, P.2 40 YANG Yao, The End of the Beijing Consensus, revue Foreign Affairs, 2 février 2010,
http://www.foreignaffairs.com/articles/65947/the-end-of-the-beijing-consensus.
28
préalable au développement et à la stabilité.41 Alors que le consensus de Washington va subir
les conséquences de la crise de 2008, le consensus de Beijing pourrait séduire un nombre
croissant de gouvernements africains. Outre les responsables politiques qui mettent en avant la
stabilité politique chinoise pour justifier leur volonté de rester au pouvoir, les élites africaines
seraient de plus en plus nombreuses à préférer une Chine émergente à une Europe qu’ils jugent
en déclin.
2.2.4 Emergence de la Chine : nouveau modèle du développement
pour l’Afrique
Le modèle du développement de la Chine, qui a propulsé le pays à la seconde place
économique mondiale en 30 ans, séduit et inspire nombre d’Africains.
De plus en plus de pays africains se tournent vers l’Est pour trouver leur inspiration en
matière de développement économique et de gouvernance. L’ancien président zimbabwéen
Robert Mugabe l’a exprimé en mai 2005 à l’occasion du 25ème anniversaire de l’indépendance
du Zimbabwe : « il nous faut nous tourner vers l’Est, là où se lève le soleil ».42
Les progrès et la réforme de la Chine depuis la fin des années 70 servent de modèle de
développement pacifique et indépendant, notamment aux pays africains, qui sont dans une
phase de développement similaire à celle de la Chine d'il y a 30 ans. La Chine a montré qu'il
est possible pour un pays pauvre de se transformer, tant que la direction est engagée et suit des
réformes économiques concrètes soutenues par de puissantes institutions d'État. Parmi les
secteurs, c’est notamment la mutation de l’agriculture chinoise qui est scrutée et admirée par
de nombreux pays africains. Le secteur agricole, le plus gros employeur de main-d’œuvre au
sud du Sahara, se caractérise par l’extrême faiblesse de sa productivité. L’exemple chinois de
la réforme, qui a pu aider plus de 300 millions de ses habitants à sortir de la pauvreté, a de quoi
susciter des vocations.43
Autre modèle structurel que les pays africains peuvent inspirer sur la Chine est la lutte
contre la corruption. Comme dans d’innombrables pays d’Afrique, la Chine a souffert d’une
corruption institutionnalisée depuis longtemps. Le président chinois XI Jinping y attache une
41 CHAPONNIERE Jean-Raphaël, L'aide chinoise à l'Afrique : origines, modalités et enjeux, L'Économie politique,
février 2008 (n°38), P. 7-28, https://www-cairn-info-s.bibliopam-ena.fr/revue-l-economie-politique-2008-2-page-
7.htm 42 NIQUET-CABESTAN Valérie, La stratégie africaine de la Chine, Politique étrangère, février 2006, P. 361-374,
https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2006-2-page-361.htm 43 MAYA Isabelle, La Chine, second modèle de développement prisé par les Africains, 28 octobre 2016, https://revue-
afrique.com/chine-second-modele-developpement-afrique/
29
grande importance depuis sa prise en fonction du Secrétaire Général du Parti Communiste
Chinois. Dans son rapport au 19ème Congrès du Parti en octobre 2017, XI avait déclaré que «la
lutte contre la corruption demeure grave et complexe, mais nous restons inébranlables dans
notre résolution de continuer sur notre lancée et de remporter une victoire radicale ». Pour les
dirigeants africains, la Chine est un exemple en matière de lutte contre la corruption. La Chine
va réussir, parce qu’elle en a la volonté et la détermination, et qu’elle a compris très tôt que le
frein à son développement, c’est la corruption et c’est pourquoi elle s’attaque à ce fléau au plan
interne et externe.44 De son côté, l’Afrique s’en est aussi rendue compte. Le 30ème Sommet de
l’Union africaine d’Addis-Abeba, en Éthiopie, s’est concentré sur le thème « Gagner la lutte
contre la corruption : un chemin durable vers la transformation de l’Afrique ». Les dirigeants
africains ont unanimement décidé de mener la lutte contre la corruption sur le continent.45
2.3 Défis des relations sino-africaines et enjeux de la diplomatie
publique chinoise en Afrique
Au-delà de la coopération actuelle sur le plan politique et économique entre la Chine et les
pays africains, il convient de se demander si la Chine peut encore approfondir cette relation en
développant les échanges avec les peuples africains et la compréhension mutuelle, pour
favoriser un programme commun de développement et de prospérité.
Cependant, les préoccupations sur la coopération sino-africaine se maniferstent aussi bien
sur le plan économique, que sur le plan politique.
2.3.1 Inquiétudes sur le plan économique et commercial
Bien que la coopération économique sino-africaine soit fructueuse et bénéfique pour les
populations africaines, elle est encore souvent critiquée pour son objectif, ses moyens et ses
effets par les auteurs occidentaux et africains.
En tant que 2ème puissance économique mondiale, la Chine a véritablement besoin des
ressources naturelles. Vu que le continent africain est très riche en ressources naturelles, tels
que le pétrole, le gaz, l’or, la platine, le manganèse, etc., et que ces ressources sont largement
44 La chine, modèle de lutte anti-corruption pour les africains, publié par Chine Magazine, le 20 mars 2018 45 MAYA Isabelle, La Chine, second modèle de développement prisé par les Africains, 28 octobre 2016, https://revue-
afrique.com/chine-second-modele-developpement-afrique/
30
inexploitées en raison de l’instabilité politique persistante, du manque d’infrastructures et
d’investissements, la Chine a été accusée, pour ses investissements et son importation de
ressources naturelles d’Afrique, de vouloir « piller » ces ressources en appliquant une politique
« néo-colonisation ». La présence des groupes pétroliers chinois en Afrique, surtout au Soudan,
au Nigéria et en Angola, suscite souvent des inquiétudes.
En effet, ces inquiétudes viennent quasiment tous des anciens colonisateurs. L’ancien
président du Parlement européen, Antonio Tajani, a arbitrairement mis en garde les pays
africains au sujet de leurs relations avec la Chine, « l’Afrique risque aujourd’hui de devenir une
colonie chinoise, les chinois ne veulent que les matières premières. La stabilité ne les intéresse
pas. », a-t-il déclaré au quotidien allemand Die Welt en mars 2017.46
Puisque la croissance économique des bailleurs de fond traditionnels a ralenti et que les
conditions des investissements deviennent extrêmement exigeantes, les pays africains ont
tourné leur regard vers la Chine. Cela a provoqué des contestations sur l’effet de
l’investissement chinois en Afrique.
L’ancien Secrétaire d’État des États-Unis, Rex Tillerson, limogé par son président Donald
Trump durant sa première tournée en Afrique, a jugé que les prêts à taux d’intérêt préférentiels
accordés par la Chine en Afrique ont poussé certains pays d’Afrique subsaharienne à augmenter
le niveau de leur dette. Et pour Tillerson, les projets de l’Empire du milieu en Afrique
impliquent beaucoup de corruption et des contrats aux clauses pas toujours explicites.47
L’ancien chef de la diplomatie américaine n’est pas le premier qui s’alarmait, la directrice
générale du FMI (Fonds monétaire international) Christine Lagarde, à l'occasion d'un forum sur
les Nouvelles routes de la Soie à Beijing, s'exprimait également, « la coopération entre la Chine
et l’Afrique peut également conduire à un accroissement problématique de l'endettement des
pays africains, limitant leurs autres dépenses à mesure que les frais liés à la dette augmentent.
[…] Dans les pays où la dette publique est déjà élevée, une gestion attentive des termes
financiers est cruciale », a-t-elle dit.48
D’ailleurs, une mauvaise réputation sur le fait que le trafic d’ivoire incontrôlé dans le
marché chinois a suscité directement la diminution des éléphants africains, a également cassé
la perception de Nation Branding de Chine aux yeux des peuples africains.
46 MATESO Marin, L’Afrique serait-elle en passe de devenir une colonie chinoise ? le 20 septembre 2017,
http://geopolis.francetvinfo.fr/l-afrique-serait-elle-en-passe-de-devenir-une-colonie-chinoise-158653 47 KOUASSI Carole, En Afrique, Rex Tillerson veut aussi réduire l'influence chinoise qui "encourage la dépendance", le
7 mars 2018, http://fr.africanews.com/2018/03/07/en-afrique-rex-tillerson-veut-aussi-reduire-l-influence-chinoise-
qui-encourage// 48 Reportage de l’AFP : Routes de la Soie : le FMI s'inquiète de la dette des pays aidés par la Chine, 12 avril 2018, http://www.francesoir.fr/actualites-economie-finances/routes-de-la-soie-le-fmi-sinquiete-de-la-dette-des-pays-
aides-par-la
31
Que se passe-t-il réellement dans cette relation sino-africaine ?
Aujourd’hui, les matières premières, les mines africaines en cours d’exploitation
appartiennent pour plus de 90% à des entreprises occidentales. De plus, selon l’agence de
notation Standard& Poor, le commerce des ressources naturelles entre la Chine et les pays
africains demeure globalement bénéfique mutuellement. 49 La Chine finance des projets
d’infrastructures des matières premières en Afrique qui contribue à la croissance de l’économie
africaine. En ce qui concerne l’accusation d’alimenter le massacre de nombreux éléphants en
Afrique, le commerce d’ivoire est devenu totalement interdit en Chine depuis longtemps, le
gouvernement chinois a déjà conduit à la fermeture de toutes les usines et tous les points de
vente préalablement autorisés en Chine.
2.3.2 Malentendu sur le plan politique
Dans les médias occidentaux, les ONG et les partis politiques d’opposition en Afrique, le
gouvernement chinois est souvent accusé pour ses politiques extérieures en Afrique, comme
l’illustre l’affaire de Darfour.
En raison de son soutien au gouvernement soudanais, avec lequel elle a eu une fructueuse
coopération, la Chine est de longue date critiquée par sa position de la guerre de Darfour au
Soudan. Un rapport de Human Rights Watch a déclaré que « si le Conseil de sécurité des
Nations Unies est divisé sur la question du Soudan, c'est essentiellement parce que les États
membres ont des intérêts divergents. La Chine a souvent soutenu le gouvernement soudanais
pour des raisons idéologiques (non-interférence dans les affaires intérieures des autres États
membres) et a des intérêts économiques au Soudan. »50 D’ailleurs, un rapport d'Amnesty
International a attaqué le gouvernement chinois d'avoir envoyé plus de deux cents camions de
transports militaires chinois au Soudan en août 2005. Selon un député canadien, « la plupart
des armes utilisées pour tuer, violer, piller et le reste sont fabriquées au Soudan dans des usines
chinoises ». Il a critiqué aussi les utilisations répétées du droit de veto de Chine concernant des
résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies contraignant le Soudan à arrêter les
exactions des milices au Darfour.51
49 BHATIZ Ravi (Analyste principal), Présence de la Chine en Afrique : des perspectives tres prometteuses pour la
region subsaharienne, mais au prix d'un accroissement des risques potentiels, Londre,
https://www.spratings.com/documents/20184/86990/2015.05.21_SPRS_Presence%2Bde%2Bla%2BChine%2Ben%2BAfriqu
e/c224725a-fac3-42cb-89b2-3c7d02a25cec 50 Site de Human Rights Watch, https://www.hrw.org/fr/news/2008/04/25/crise-au-darfour 51 Compte-rendu officiel des débats de la Chambre des communes, 1er mai 2006,
http://www.noscommunes.ca/DocumentViewer/fr/39-1/chambre/seance-13/debats#Int-1511249
32
Néanmoins, la réalité fait état de faits différents. En effet, la Chine fait de son mieux pour
trouver une solution appropriée à la crise du Darfour, elle implique une série de médiation et
une participation active aux opérations de maintien de la paix dans la région. Lors de la visite
du président chinois de l’époque HU Jintao au Soudan, il a prononcé un discours public où sont
énoncés « quatre principes » de base pour une approche internationale de la question du
Darfour.52 Suite à cette visite, le gouvernement chinois a nommé LIU Guijin, un diplomate de
haut rang familier du terrain africain, comme envoyé spécial chinois pour le Darfour. Il a
longuement insisté sur les efforts déployés par la Chine pour faire avaliser par Khartoum la
mise sur pied d'une force hybride de maintien de la paix associant l'Union africaine et les
Nations Unies.53 En tant que premier pays extérieur à l'Afrique à être entré dans la région du
Darfour, la Chine s’est engagé à envoyer un contingent de 225 casques bleus dans la région.
Dans le cadre de l’aide humanitaire, le gouvernement chinois a versé plus de 80 millions de
RMB (environ 13 millions de dollars US) à la région et 1,8 million de dollars US
supplémentaires à la mission de maintien de la paix de l'Union Africaine.
2.3.3 Enjeux de la diplomatie publique chinoise en Afrique
Les inquiétudes et les malentendus entre la Chine et les pays africains reviennent à
s’interroger sur une politique diplomatique chinoise plus pertinente à séduire les masses sur le
continent africain à travers d’autres canaux que la puissance économique ou le poids politique :
la diplomatie publique.
La diplomatie publique, comme mentionné dans la première partie de ce mémoire, est une
façon efficace de la communication directe avec un public ou une population étrangère pour
objectif d’affecter ses pensées et ultimement celle de son gouvernement. Le gouvernement
chinois en tient déjà compte depuis ces dernières années.
Cependant, afin de promouvoir la diplomatie publique chinoise en Afrique dans le cadre
de la coopération sino-africaine, la Chine devrait obligatoirement faire face à de multiples défis.
52 Les quatre principes sont de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale du Soudan, de résoudre la crise par
des moyens pacifiques et en s'en tenant au dialogue et à la coordination basés sur l'égalité, d’améliorer l'efficacité de
la mission de maintien de la paix afin que les conditions soient favorables au rétablissement de la paix dans la région
et d'améliorer la situation au Darfour et les conditions de vie des habitants 53 WU Lei, Le pétrole, la question du Darfour et le dilemme chinois, Outre-Terre, 2007/3 (n° 20), p. 215-226,
https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2007-3-page-215.htm
33
2.3.3.1 Discours dominé par des pays occidentaux
Malgré les efforts du gouvernement et des organes de presse chinois, la voix de la Chine
en Afrique ne trouve pas beaucoup suffisamment d’écho. Les informations sur la Chine sont
toujours dominées par les médias occidentaux.
En septembre 2012, « l’étude et l’évaluation sur l’image de la Chine dans les pays africains
», publiée par le Centre de recherche de la communication internationale du Bureau chinois des
Affaires étrangères et Horizon Research Consultancy Group, montre que le public africain
s’intéresse aux informations liées à la Chine. Cependant, l’influence des médias chinois vis à
vis du public africain se trouve dans une situation désavantageuse. En effet, les médias locaux
seraient les principaux canaux d’information pour les africains concernant la Chine, opportunité
dont profitent les médias occidentaux.
Selon un sondage en Afrique du Sud, 81,4% de la population sud-africaine s’informent sur
la Chine à partir des médias locaux. Environ 42,5% des sud-africains reçoivent les informations
liées à la Chine par les médias d’autres pays, alors que 7,2% du public interrogé déclarent que
les médias chinois en ligne sont leurs principales sources d’information. Seulement 3,2% de la
population choisissent les médias traditionnels chinois comme leurs principaux canaux pour
obtenir des informations sur la Chine. 46,7% du public annonce que dans tous les cas, ils
n’utilisent pas les médias chinois. Les résultats de l’enquête démontrent que les médias
occidentaux manifestent une forte attraction pour le public en Afrique du Sud : CNN (16,4%),
BBC (15,6%) et Google News (13%). Ces chiffres montrent que les médias locaux sont les
premiers canaux d’accès aux informations sur la Chine et les médias occidentaux en sont les
seconds. Cependant, en réalité, les médias occidentaux ont une grande influence sur les médias
locaux africains en raison de la faible capacité des médias locaux à collecter de l’information.
Par conséquent, de nombreux reportages citent directement les médias occidentaux. Ensuite,
les médias traditionnels africains maintiennent une coopération étroite avec les médias
occidentaux en raison de la longue période coloniale.54
En outre, les anciens colonisateurs comme la France, dispose en Afrique d’atouts
importants que la Chine n’a pas : la présence en France d’une importante diaspora africaine
comme de communautés françaises en Afrique, la pénétration de la langue et de la culture
française, y compris un réseau étoffé de centres culturels et de lycées français en Afrique.
54 HE Shuang, Le soft power et les médias chinois peuvent-ils servir l’ambition de séduire les pays africains, Revue les
médias : approches géohistoriques et géopolitiques, N°6-7 mai-novembre 2015
34
2.3.3.2 Barrière linguistique et culturelle
Depuis longtemps, l’obstacle de la langue et de la culture freinent véritablement
l’approfondissement de la coopération sino-africaine, surtout dans la communication et
l’intégration de la présence chinoise en Afrique.
L'Afrique constitue une mosaïque linguistique et culturelle, les anciens pays colonisateurs
ont imposé aux colonisés le plurilinguisme comportant, outre les langues locales. Ce qui a
conduit à l'existence sur le sol africain, des espaces linguistiques francophones, anglophones,
lusophones, germanophones, etc.55
Je cite un exemple dans un pays francophone où j’ai résidé : la République du Mali. Au
Mali, le français est la seule langue officielle du pays, toutes les administrations maliennes
utilisent le français à l’oral et à l’écrit. En plus du français, les maliens parlent aussi leurs
langues locales comme le bambara, le bobo, le bozo, le dogon, le peul, le soninké, le songhay,
le sénoufo-mamara, le syenara, le tamacheq, le hassaniyya, le khassonké et le malinké. Parmi
toutes ces langues, le français et le bambara sont les plus utilisés. Le français et le chinois
appartiennent à des systèmes linguistiques fondamentalement différents par leur phonétique,
leur syntaxe et leur écriture, ce qui rend l’apprentissage chinois du français extrêmement
difficile. Contrairement à d’autres collaborateurs francophones, les chinois en Afrique n’ont
presque jamais eu l’occasion en Chine de se familiariser avec cette langue. En ce qui concerne
le bambara, il n’y a aucune université chinoise qui enseigne cette langue locale malienne. Cette
méconnaissance totale des langues est un handicap particulier pour les collaborateurs chinois
en Afrique.
2.3.3.3 Ignorance de l’opinion de population locale
Attachée à l’importance de l’autorité et aux élites africaines, la Chine doit être alertée sur
l’importance des échanges avec la population locale, elle ne pourra plus se concentrer seulement
sur les relations politiques et économiques, sinon, la politique étrangère chinoise risque d’être
éloignée de l’opinion publique dans les pays africains.
Au début de l’année 2018, un xiaopin (une sorte de sketch chinois) du gala du Nouvel An
chinois (春节联欢晚会 chunjie lianhuan wanhui en chinois) sur l’antenne de CCTV, mettant
55KOUMA Jean Cottin Gelin, Le facteur culturel dans la coopération sino-camerounaise : le cas de l'implantation de l'institut Confucius a l'institut des relations internationales du Cameroun, Université de Yaoundé II, 2010,
https://www.memoireonline.com/09/11/4824/m_Le-facteur-culturel-dans-la-cooperation-sino-camerounaisele-
cas-de-limplantation-de-linstitu17.html#fn269
35
en scène des acteurs grimés en noirs ou en animaux, a suscité un malentendu des certaines
diasporas africaines. Contrairement à l’objectif de cette petite comédie qui est censée
promouvoir l’amitié sino-africaine et les investissements chinois grandissants dans les
infrastructures en Afrique (la construction de la ligne de chemin de fer Nairobi-Mombasa), elle
a provoqué des critiques sur le racisme. Ce contresens a prouvé un fait qu’en Chine, il existe
véritablement une ignorance et une absence de sensibilités lorsqu’on évoque la question des
races.56
Par ailleurs, avec l’accélération du processus de démocratisation en Afrique, les
populations participent davantage aux élections politiques, une partie des dirigeants politiques
africains a l’intention de tirer profit de l’ignorance des populations locales sur la théorie du «
néo-colonialisme » contre la Chine construite par les médias occidentaux dans le but de se
rallier des partisans.57 En 2006, lors d’une campagne électorale présidentielle en Zambie, la
plupart des débats portait sur le problème de « l’exploitation » de la Chine en Afrique australe.
Le dirigeant de l’opposition Michael SATA a accusé les Chinois de dumping en Zambie et a
obtenu près d’un tiers des voix.58
D’ailleurs, les médias chinois mettent trop l’accent sur les relations gouvernementales, ils
ne se focalisent pas suffisamment sur les problèmes sociaux (la pauvreté, la famine, la maladie),
et n’expliquent pas suffisamment aux populations locales les investissements de la Chine en
Afrique.59
Face à ces défis de la promotion de la diplomatie publique chinoise en Afrique, quels
leviers stratégiques le gouvernement chinois peut-il mener pour établir une vision plus juste et
objective envers l’opinion publique africaine ?
56 LE BELZIC Sébastien, Les Chinois sont encore très ignorants des cultures du continent africain et de ses diasporas,
LE MONDE, le 6 mars 2018, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/03/06/les-chinois-sont-encore-tres-
ignorants-des-cultures-du-continent-africain-et-de-ses-diasporas_5266565_3212.html 57 LIU Ying., ZHOU Yu, L’Afrique : la percée importante pour la communication internationale des médias chinois (非
洲:中国媒体国际传播的突破口 Feizhou : zhongguo meiti guoji chuanbo de zhongyao tupokou), Chinese Journalist,
2012, n°10, p. 24-25. 58 LAFARGUE François, La rivalité entre la Chine et l'Inde en Afrique australe, Afrique contemporaine, février 2007 (n°
222), P. 167-179, https://www.cairn.info/revue-afrique-contemporaine-2007-2-page-167.htm 59 HE Shuang, Le soft power et les médias chinois peuvent-ils servir l’ambition de séduire les pays africains, Revue les
médias : approches géohistoriques et géopolitiques, N°6-7 mai-novembre 2015
36
PARTIE III :
POUR UN MEILLEUR NATION BRANDING : LEVIERS DE LA
DIPLOMATIE PUBLIQUE CHINOISE EN AFRIQUE
Dans un monde de plus en plus globalisé, les États sont davantage conscients de
l’importance d’un meilleur « nation branding » (marque de pays en français)60 dont l’objectif
est d’obtenir un environnement favorable au niveau national, régional et international basé sur
l’égalité et les bénéfices mutuels, à travers une opinion publique plus objective et amicale.
En vue de mettre en place un approfondissement de la coopération avec les partenaires
africains, le gouvernement chinois s’active sur un meilleur nation branding chinois en Afrique
qui dépend des leviers de la diplomatie publique tels que des échanges médiatiques, culturels,
éducatif et humanitaire, ils sont des traits d'union efficaces pour le rapprochement de la Chine
et des peuples africains.
3.1 Renforcer la coopération médiatique
Avec l’approfondissement des relations Chine-Afrique, la Chine se dote d’un cadre
institutionnel en matière de coopération médiatique. L’objectif de cette coopération est de
permettre une couverture médiatique relative à la coopération sino-africaine, à travers
l’implantation des médias chinois en Afrique, l’invitation aux journalistes africains en Chine et
la collaboration au niveau matériel et technique. 61 Cela est considéré comme un levier
important de la diplomatie publique chinoise en Afrique.
3.1.1 Implantation des médias chinois en Afrique
La diplomatie publique des pays occidentaux a mis à disposition depuis longtemps ses
propres chaînes en Afrique. La France a fait de la télévision par satellite, dans la continuité des
60 Le terme de « nation branding » est initié par le conseiller politique britannique Simon Anholt. Il l’a défini comme
« l’identité nationale rendue tangible, robuste, communicable et par-dessus tout utile » dans son livre The New Brand Management for Nations, Cities and Regions. 61 China’s African Policy, White paper, Beijing, 12 janvier 2006, publié par le bureau d’information du Conseil d’Etat
(guo xin ban en chinois).
37
missions assignées à Radio France Internationale (RFI), un instrument d’importance de
diffusion de sa politique à l’égard de l’Afrique francophone. De même, la chaîne francophone
par satellite TV5, lancée en 1984 en Europe, a-t-elle initié en 1992 une déclinaison africaine,
TV5 Afrique. 62 Cependant, principalement pour des raisons de financement, les médias
occidentaux sont en train de réduire leur présence en Afrique. La BBC a, par exemple, été
obligée de se séparer d’un certain nombre de correspondants, tandis que France 24 avait
annoncé une fusion avec RFI pour réduire les coûts.63
Dans ce cadre, l’implantation de plus en plus importante des médias chinois en Afrique
pourrait en permettre de relayer l’information sans passer par d’autres canaux jusque-là
dominés par les occidentaux.
L’agence Xinhua (Agence Chine Nouvelle), le RCI (Radio Chine International) et le
CCTV (Télévision Centrale de Chine) sont les trois acteurs chinois principaux dans le secteur
médiatique à être très actifs et reconnus en Afrique. Bien que le continent ne soit toujours pas
au centre de la stratégie d’internationalisation de groupes, qui continuent de se déployer
majoritairement sur les marchés asiatique et nord-américain, il n’en demeure pas moins que
l’Afrique est une pièce maîtresse de leurs activités internationales et un levier important pour
diffuser la voix chinoise sur ce continent.64
Le premier bureau de l’agence Xinhua en Afrique a été ouvert au Caire en 1958, et le
premier bureau en Afrique sub-saharienne a été ouvert à Conakry l’année suivante.
Consécutivement à la réorganisation des bureaux étrangers par zones régionales, le bureau du
Caire a devenu en 1985 bureau régional pour le Moyen-Orient, et l’année suivante, en 1986, le
bureau de Nairobi a passé bureau régional d’Afrique sub- saharienne.65 Le rythme d’ouverture
de nouveaux bureaux africains a continué de progresser au cours des années 2000 au rythme
moyen d’un bureau par an entre 2004 et 2011.66
Tout comme Xinhua dans le secteur de la presse chinoise en Afrique, RCI domine celui
de la radiodiffusion chinoise en Afrique. Son implantation sur le continent a fait preuve d’un
fort dynamisme, depuis la refondation du groupe en 1993, dans un marché en constante
évolution. Forts de leur implantation historique en Afrique, les groupes publics de
radiodiffusion des anciennes puissances coloniales ont maintenu leur présence. La RCI diffuse
62 MATTELART Tristan, L'Afrique subsaharienne au défi des médias internationaux, le 25.06.2015,
https://www.inaglobal.fr/television/article/lafrique-subsaharienne-au-defi-des-medias-internationaux-8325 63 RUE 89, Le « soft power » chinois s’étend en Afrique avec la CCTV, https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-chine/20120929.RUE2784/le-soft-power-chinois-s-etend-en-afrique-avec-la-cctv.html 64 XIN Xin, A Quarter Century of Creative Chaos : Xinhua News Agency 1980-2005, thèse de doctorat Media, Arts and
Design, Université de Westminster, 2006 65 Communique de presse de l’Ambassade de la Chine en Egypte, le bureau regional de l’agence Xinhua au Moyen-Orient inaugure ses nouveaux locaux, Le Caire, 26 novembre 2005. 66 XIN Xin, Xinhua News Agency in Africa, Journal of African Media Studies, vol. 1, n° 3, decembre 2009.
38
ses programmes dans plus de 60 langues et peut être captée sur internet et sur les téléphones
portables.
Quant à la télévision, en tant que réseau principal de télévision publique de la Chine, la
CCTV a lancé sa filière en Afrique depuis janvier 2012, un centre de production d’informations
basé au Kenya. Ses équipes et ses correspondants parcourent le continent pour proposer une
offre typiquement chinoise de l’information africaine. Le siège, installé à Nairobi, est doté de
son propre centre de production d’information (le premier du genre à voir le jour hors de Chine).
Tous ses programmes y sont fabriqués, et les images proviennent du réseau de correspondants
mis en place pour l’occasion. En outre, en vue de développer ses programmes et d’élargir son
audience et ses cibles, la chaîne francophone de CCTV est diffusée via satellite partout dans le
monde depuis le 1er octobre 2007. Parmi les programmes de CCTV-français, « Afrique infos »
est un quotidien de 20 minutes sur l’actualité africaine, traitant notamment des échanges
économiques et culturels entre la Chine et les pays africains.
Bref, dans la bataille médiatique en Afrique, la Chine ne peut plus rester distante et
indifférente. Donner une image positive de la Chine est devenu un des principaux objectifs de
la politique diplomatique chinoise. Comme l’a dit l’ambassadeur chinois au Kenya, Liu
Guangyuan, qui n’a d’ailleurs pas fait mystère de ses intentions lors de son discours
d’inauguration de CCTV Africa, « un grand nombre de médias ne donnent pas une vision de la
Chine sous tous ses aspects. L’implantation de média chinois se donnera pour mission de dire
la bonne vérité à propos de la Chine [...] et de présenter les expériences réussies de son
développement économique. »67
3.1.2 Collaboration matérielle et technique
La Chine a apporté dès les années 1960 un soutien matériel et technique au secteur africain
des médias, plusieurs partenaires de la Chine sur le continent bénéficièrent de ce type de
coopération, comme le Mali avec l’installation d’un centre émetteur radio dans la région de
Bamako en 1970 ou la Zambie qui a reçu en 1973 des équipements de radiodiffusion destinés
à la radio publique. La mise en place du FOCAC contribuait à la multiplication des projets sino-
africains dans les domaines croisés de la télécommunication et des médias.
Pour le gouvernement chinois, les projets réalisés contribuent non seulement à aider les
pays africains à améliorer leur système médiatique, mais aussi dans une politique plus générale,
67 LIU Guangyuan, Discours de l’ambassadeur de Chine au Kenya lors de la cérémonie d’inauguration de CCTV Africa à Nairobi, 11 janvier 2012
39
à l’objectif poursuivi par le parti qui est de faire entendre la voix de la Chine autour des peuples
africains.
3.1.3 Invitation aux journalistes africains aux séminaires en Chine
« 1 000 professionnels africains des médias seront formés par la Chine chaque année
pendant trois ans », a promis le président chinois XI Jinping en décembre 2015 à Johannesburg
au sommet FOCAC.68 La Chine a bien tenu sa promesse.
Chaque année, le gouvernement chinois organise des dizaines de séminaires de formations
pour les journalistes africains. Ce genre de séminaire, un voyage de presse africaine en Chine
et tous frais payés, a pour objectif de faire connaître une vraie Chine aux journalistes africains. .
Via leurs reportages, l’objectif est de renforcer la compréhension et l’amitié entre les deux
peuples, et établir ainsi une plateforme médiatique sino-africaine.
Dans le programme des séminaires, en plus de la formation, il y a des visites dans les
principaux organes médiatiques chinois (CRI, CCTV, CNTV69, le Quotidien du Peuple70,
Agence Xinhua), des visites culturelles et historique (la Grande Muraille, la Cité Interdite, le
Palais d’Eté, etc.). Au cours des séminaires, les professionnels des médias africains ont été
édifiés sur le développement et l’évolution des médias chinois et sur les missions des médias
en Chine. Les séminaristes ont souvent des échanges très instructifs avec les professionnels des
médias qui travaillent dans ces groupes de médias chinois.
Il existe aussi un programme similaire au Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères
en France. La Direction de la Communication et de la Presse du Quai d’Orsay invite chaque
mois, un groupe des 5 à 10 journalistes étrangers (la plupart proviennent de pays en
développement) pour une visite à Paris et en province d’environ une semaine. Ils ont également
des visites et des échanges avec les organes de médiatiques français.
Certes, chaque voyage des journalistes coûte cher, souvent des milliers de dollars qui
comprennent le déplacement à l'intérieur du pays, la restauration et les hôtels classés, en Chine
comme en France. Cependant, rien n'est fait à perte, car aucun pays ne peut négliger l’influence
de la plume.
Le rôle des médias dans la consolidation et la matérialisation de la coopération sino-
africaine est donc indispensable dans la mesure où les médias, informent la population sur la
68 Discours du Président XI Jinping lors de la Cérémonie d’ouverture du Sommet de FOCAC à Johannesburg,
décembre 2015 69 Télévision en réseau de Chine, 中国网络电视台 en chinois 70 人民日报 Renmin Ribao en chinois
40
coopération sino- africaine. Et, en même temps, les médias jouent un rôle primordial dans les
orientations politiques de décideurs sur les enjeux de ce partenariat et aussi en matière des
retombées positives de la coopération sino-africaine. Les médias apparaissent comme un
paramètre déterminant du fait qu'ils expliquent à l'opinion publique locale le bien fondé des
relations entre la Chine et l'Afrique avec un modèle exemplaire de la coopération sud-sud et
gagnant-gagnant.
3.2 Promouvoir les échanges culturels et éducatifs
Le développement de l’économie chinoise et l’ampleur de jour en jour élargie de la
coopération sino-africaine ont entraîné une forte hausse de la demande d’échanges culturels,
linguistiques et éducatifs.
La culture, comme un des piliers du développement, joue un rôle très important dans les
relations internationales. La Chine, avec une culture brillante de plus de cinq mille ans, multiple
les échanges culturels avec les pays africains tout en utilisant ses leviers linguistique, culturel
et éducatif.
3.2.1 Institut Confucius : atout prestigieux de l’Empire du Milieu
et l’enjeu de la localisation
Par rapport à l’influence de la politique et de l’économie, la diffusion culturelle et
linguistique semble être moins rapide, mais plus profonde au cœur des peuples africains. La
langue et la culture chinoise peuvent être vue comme un outil de la diplomatie publique
permettant d’étendre le soft power de la Chine en Afrique.
Ainsi, en 2004, afin d’encourager l’expansion du chinois dans le monde et pour accroître
l’influence de la langue et la culture chinoises, la Chine s’est inspirée des expériences
britanniques (British Council), françaises (Alliances françaises) et allemandes (Goethe Institut)
dans la promotion de la langue nationale. Elle a créé un organisme éducatif à but non lucratif
dédié à l’enseignement du chinois et à la diffusion de la culture chinoise : l’Institut Confucius.
71
71 Site officiel de l’Institut Confucius, http://www.hanban.org/confuciousinstitutes/
41
L’Institut Confucius est dirigé et financé par le Hanban (汉办), bureau national pour
l’enseignement du chinois comme langue étrangère, qui relève du ministère chinois de
l’Education.72
Connaissant en quelques années un développement fulgurant, l’Institut Confucius est
aujourd’hui devenu, pour les peuples du monde entier, un lieu d’apprentissage et de découverte
de la langue et la culture chinoises ainsi qu’un centre dédié aux échanges culturels entre la
Chine et le reste du monde. Œuvrant comme un pont destiné à renforcer la coopération entre le
peuple chinois et ceux du monde entier, il reçoit partout un chaleureux accueil, surtout en
Afrique.
Tableau 3. Évolution du nombre des Instituts Confucius en Afrique entre 2005 et 2016
Source : Hanban
Depuis l’ouverture, on compterait actuellement plus de 500 Instituts Confucius au total
dans le monde entier, dont 54 en Afrique. Ce nombre devrait passer à 100 d’ici à 2020. Bien
que ce ne soit pas le continent qui compte le plus grand nombre d'Instituts Confucius, l'Afrique
est considérée comme la région la plus efficace pour les Instituts Confucius dans le monde.
Selon MA Jianfei, Directeur général adjoint du Siège de l'Institut Confucius, les Instituts
Confucius en Afrique présentent trois caractéristiques. Premièrement, ils sont très dynamiques
et influents. En 2017, il y avait 150 000 étudiants inscrits et près de 2 500 activités culturelles
et académiques en Afrique, ce qui a attiré plus de 840 000 personnes à y participer. La deuxième
caractéristique est le haut niveau d'intégration. La langue chinoise est incluse au système
éducatif national dans les 14 pays africains, 21 universités africaines enseignent la langue
72 Site officel de Hanban, http://www.hanban.org
42
chinoise en tant que spécialité. En outre, l'Institut Confucius en Afrique fournit des cours de
chinois également à l’administration du gouvernement central ainsi qu’aux collectivités
territoriales pour permettre aux fonctionnaires d’apprendre le chinois sur place. La troisième
caractéristique la plus significative est que les cours de l'Institut Confucius en Afrique
combinent une formation en langue, culture et compétences professionnelles et offrent des
cours qui répondent de près aux besoins des peuples africains dont la finance, la comptabilité,
l’informatique, l’agriculture, etc.73
Tableau 4. Implantation des Instituts Confucius en Afrique en 2017
Source : Hanban
Contrairement au fait que certains pays occidentaux ont qualifié comme un outil de
propagande servant les intérêts politiques et idéologiques du gouvernement chinois74, et face
aux critiques que la Chine tendait à devenir une puissance hégémonique à travers son influence
culturelle75, les Instituts Confucius en Afrique sont très appréciés par les apprentis locaux. « Je
suis un passionné de culture chinoise », a dit Max Yolando, un jeune Ivoirien de 21 ans, qui
étudie le mandarin à l’Institut Confucius de l’Université à Abidjan : « Quand on parle de
Confucius, on pense d’abord à son image de sagesse et d’harmonie. C’est une très bonne chose
73 MA Jianfei (Directeur général adjoint du Siège de l'Institut Confucius), Interview de la conférence conjointe des
Instituts Confucius en Afrique, Maputo, 15 mai 2018 74 CHHAY Ellina, Instituts Confucius : L’atout charme de la Chine, revue « Repenser l’Afrique », France Forum, n66,
juillet 2017, https://lamenparle.hypotheses.org/632 75 ROCHE, F., Géopolitique de la culture : espaces d'identités, projections, coopération, Paris, L'Harmattan, 2007,
168p. P.39
43
dans un pays comme le mien qui a traversé une violente crise post-électorale. Beaucoup
d’étudiants comme moi cherchent la paix et l’harmonie. »76
Cependant, malgré tous les rayonnements de cet établissement culturel et linguistique en
Afrique, mais avec le développement rapide et vigoureux dans les pays africains, les Instituts
Confucius en Afrique sont également confrontés à des problèmes, parmi lesquels la nécessité
d’accorder plus d'attention à la localisation des pays africains.
Par rapport à d’autres institutions de promotion de la langue et de la culture, dont l’Alliance
française, la localisation des Instituts Confucius est loin d’être satisfaisante en termes de
localisation. A l’Alliance française, la plupart du personnel est constitué de locaux sachant
parler français ; même les enseignants sont plutôt des locaux. Ils forment souvent un club dédié
à l’apprentissage du français et ont organisé des activités culturelles régulières pour que les
locaux africains aient l’occasion d’être en contact avec la langue et la culture françaises. En
comparaison, les activités de l’Institut Confucius sont relativement simples, et ne sont pas assez
ouvertes et localisées. En plus des cours de chinois au sein de l’université, ils organisent des
activités destinées à présenter la culture chinoise à l’occasion des grandes fêtes chinoises et de
la Journée portes ouvertes de l’Institut Confucius. Le personnel africain de l’Institut Confucius
ne comprend qu’un directeur, des employés administratifs et très peu d’enseignants africains.
De ce fait, les Instituts Confucius en Afrique devraient davantage renforcer la formation
des enseignants africains pour que des locaux enseignent le chinois à d’autres locaux. En ce qui
concerne les manuels scolaires, sachant que le contenu des manuels rédigés sous l’égide du
Hanban n’est pas tout à fait pertinent aux apprentissages africains, il vaut mieux actualiser les
manuels scolaires en ajoutant des contenus locaux.77
3.2.2 Feuilletons chinois dans les pays africains : la popularité
d’une diffusion large avec langues locales
Le cas des séries chinoises en Afrique est particulièrement intéressant à analyser.
Étant donné le succès de Hollywood qui joue un rôle important pour la consolidation de
l’image des États-Unis, et les séries coréennes qui connaissent un véritable succès en Asie en
véhiculant les valeurs et traditions du pays hors de ses frontières, la Chine a lancé en 2010, ce
76 LE BELZIC Sébastien, L’opération séduction des Instituts Confucius en Afrique, LE MONDE, 11 juillet 2016,
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/07/11/l-operation-seduction-des-instituts-confucius-en-
afrique_4967787_3212.html 77 YUAN Qing, L’Institut Confucius tente un développement localisé en Afrique International, Herald Leader, le 8
novembre 2016
44
une première diffusion du feuilleton chinois à la télévision en Tanzanie, traduit en swahili, la
langue locale de Tanzanie. La production intitulée « A Beautiful Daughter-In-Law Era »78 a
connu un énorme succès populaire.
Depuis, l’engouement pour les séries chinoises en Afrique n’a cessé d’augmenter. En vue
de faire entrer plus des productions télévisuelles chinoises dans les familles du continent
africain, des groupes médiatiques nationaux tels que CRI et China International Television
Corporation (CITC) travaillent de concert au doublage et à l’exportation vers l’Afrique de 10
séries, 52 films, 5 dessins animés et 4 documentaires « made in China ». Ils ont été diffusés en
Afrique également sur les bouquets privés comme la compagnie StarTimes79. L’opérateur de
télédistribution chinois est désormais solidement implanté sur le continent et prévoit de
construire son siège régional au Kenya. Le patron de StarTimes, PANG Xinxing, affirme que
l’opérateur dispose de 320 canaux de diffusion en Afrique, avec des programmes en huit
langues dont le swahili, l’haoussa, le français, l’anglais et le portugais.80
Les séries chinoises sont accueillies favorablement par les habitants du continent et
représentent une nouvelle fenêtre leur permettant de mieux comprendre la Chine d'aujourd'hui.
Cela devient un instrument de la diplomatie publique et un indicateur pour mesurer l’image de
la « marque Chine » dans le continent africain.
3.2.3 Bourses du gouvernement chinois : nouvelle destination des
étudiants africains
Le gouvernement chinois accorde depuis longtemps une grande importance à la
coopération sino-africaine dans le domaine de l’enseignement supérieur. Il y a un proverbe
chinois qui dit : « Il vaut mieux apprendre à pêcher que donner du poisson ».81 Pour collaborer
avec les pays africains à accroître leurs capacités de se développer, le gouvernement chinois
renforce davantage la coopération sino-africaine sur le plan de la mise en valeur des ressources
humaines.
78 媳妇的美好时代 xifu de meihao shidai en chinois, et Doudou et ses belles-mères en français 79 StarTimes est un groupe international de médias d'origine chinoise, implanté en Afrique, proposant des services de
télévision numérique terrestre (TNT) et de télévision par satellite. StarTimes est également fournisseur de
technologies de télévision numériques aux pays et entreprises du secteur de la radiodiffusion qui passent de la
télévision analogique au numérique. 80 XUE Lei, la Chine au présent, le 26 September 2013, http://www.chinatoday.com.cn/french/Culture/article/2013-
09/26/content_570032.htm 81授人以鱼不如授人以渔 shou ren yi yu, buru shou ren yi yu en chinois
45
Selon les statistiques du ministère chinois de l'Education, le nombre d'étudiants étrangers
en Chine n'a cessé d'augmenter ces dernières années. Fin 2016, 442 773 étudiants étrangers
venant de 205 pays et régions faisaient leurs études en Chine. Il y a 67 ans, ils étaient moins
d'une centaine. C'est au printemps 1950 que la Chine a accueilli ses premiers étudiants étrangers.
En 67 ans, l'éducation en Chine s'est beaucoup internationalisée, attirant de plus en plus
d'étudiants étrangers.
Depuis les années 50, le gouvernement chinois octroie les bourses pour les étudiants
africains.82 En 2005, la Chine comptait 2 757 étudiants africains. En 2014, 41 677 étudiants
africains sont inscrits dans les universités chinoises, ce chiffre a atteint près de 50 000 en 2017.
La Chine se place ainsi juste derrière la France comme destination privilégiée des étudiants du
continent africain.83
Au début, la plupart d'entre eux venaient apprendre le chinois. Ces dernières années, cette
situation a beaucoup évolué. Le mandarin est passé du 2ème rang en 2012 au 5ème en 2016 parmi
les motivations des étudiants étrangers.84
Les jeunes représentent l'avenir et l'espoir pour n'importe quel pays. Le nombre croissant
de jeunes étudiants africains qui cherchent à parachever leurs études en Chine est un signe clair
de l’approfondissement de la coopération sino-africaine. Cela permet à ces jeunes africains de
mieux découvrir la Chine et dès leur retour au pays, ils jouent souvent un rôle du pont reliant
la Chine et les pays africaines.
Néanmoins, contrairement aux étudiants africains qui font leurs études dans les pays
occidentaux et choisissent diverses carrières politiques, économiques, culturelles ou éducatives,
la plupart des boursiers africains du gouvernement chinois plongent dans les affaires
économiques et commerciales après leurs études en Chine. Pour que ces jeunes
« ambassadeurs » sino-africains puissent apporter plus de contribution au développement dans
tous les domaines des relations sino-africaines, le gouvernement chinois devrait prendre en
considération de leurs choix de spécialité et leur orientation professionnelle.
Tableau 5. Nombre des étudiants africains en Chine de 2003 à 2014
82 LUO Wangshu, African student get real life experience, China Daily. 29 mars 2013. 83 Selon le Ministère de l’Education chinoise 84 Reportage de l’Agence Xinhua, La Chine accueille de plus en plus d'étudiants étrangers, le 17 octobre 2017,
http://french.xinhuanet.com/2017-10/17/c_136685250.htm
46
Source : Ministère chinois de l’Education (via Michigan State University)
3.3 Redonner la visibilité de l’aide humanitaire chinoise : cas de
l’équipe médicale chinoise en Afrique
L’aide humanitaire de la Chine en Afrique joue un rôle crucial dans de nombreux pays
africains, où les infrastructures et le personnel manquent. Souvent appelée « diplomate en
blanc », l’équipe médicale chinoise, depuis plus de 50 ans, ne cesse de contribuer à faire
bénéficier pleinement les populations locales et à réaffirmer l'amitié des peuples sino-africains.
En 1963, année suivant la libération du peuple algérien, son gouvernement lance un appel
d'urgence à l'aide médicale internationale face au délabrement de ses installations. La Chine est
le premier pays à réagir à cette demande en y envoyant, sous l'égide du Premier ministre Zhou
Enlai, une équipe composée de 24 médecins chinois, arrivée le 16 avril de la même année en
Algérie. Ainsi s'ouvre le chapitre de la mission d'assistance médicale de la nouvelle Chine avec
les pays africains.85
Depuis, près de 23 000 agents médicaux chinois se succèdent aujourd’hui pour travailler
dans 66 pays et régions du monde, dont 51 en Afrique. Ils fournissent des services et soignent
près de 270 millions de personnes et forment des dizaines de milliers de médecins locaux. Dans
beaucoup de pays africains, l’équipe médicale chinoise fait partie intégrante du système de santé
local et s’avère même indispensable.
85 Reportage de l’Agence Xinhua, Les médecins chinois en Afrique, "diplomates en blanc" pour l'amitié sino-africaine,
le 13 mai 2014, http://www.fmprc.gov.cn/zflt/fra/zfgx/whjl/t1155480.htm
47
En plus de travailler dans les hôpitaux, l'équipe médicale chinoise a également fourni des
services médicaux à de hauts fonctionnaires et hommes politiques africains à des niveaux tels
que le Président, le Premier ministre ou les ministres, mais aussi dans les communautés civiles,
ce qui a non seulement permis à plus de patients africains d’être soignés par les médecins
chinois. Elle a aussi fourni une excellente opportunité pour les faire mieux connaitre la Chine,
c’est donc également une promotion de la diplomatie publique en Afrique.
Outre l’équipe traditionnelle, depuis 2010, une mission de la caravane médicale chinoise
baptisée « Voyage de Clarté » 86 , composée d’ophtalmologistes chinois, s’est rendu dans
plusieurs pays africains dont le Zimbabwe, le Malawi, le Mozambique, la Guinée-Bissau,
Madagascar, etc., et y a opéré gratuitement plus de 3 000 patients atteints de cataracte.
Par ailleurs, lorsque la maladie à virus Ebola a fait rage dans trois pays d’Afrique de
l’Ouest en 2014 (la Guinée, la Libye et la Sierra Leone), la Chine a octroyé des aides d’urgence
à quatre reprises, pour un montant total d’environ 750 millions de yuans (environ 98,4 millions
d’euros). Elle a établi le premier laboratoire de sécurité biologique de niveau 3 en Afrique, et a
détaché 16 groupes d’experts cliniques et professionnels de la santé publique vers les pays
frappés par l’épidémie.87 Aussi, la Chine a aidé aux pays à construire des laboratoires mobiles
et des centres de traitement.
Cette aide a été appréciée non seulement par les pays africains, mais aussi par la
communauté internationale. Le Dr Bernhard Schwartländer, représentant de l'OMS en Chine, a
fait l'éloge de l'intervention du pays : « En 2014, la Chine a dirigé l'action mondiale de lutte
contre Ebola en Afrique de l'Ouest. » 88 En 2015, la 23ème équipe médicale chinoise en
République de Guinée, dont 19 membres viennent de l'hôpital Anzhen de Beijing, qui a aidé à
combattre l'épidémie d'Ebola en Guinée, a été distinguée pour son travail humanitaire lors de
la cérémonie de remise des Prix Sud-Sud 2015.89 A travers cette récompense du Prix Sud-Sud,
la Chine a promu le plus largement possible sa détermination et son influence en Afrique et
même dans le monde entier.
Toutefois, malgré tous les rayonnements, l’équipe médicale chinoise rencontre tout de
même à quelques difficultés, telles que la critique des médias pour une tendance de se
concentrer seulement dans les grandes villes et de se limiter dans la coopération bilatérale. Cela
86 光明行 guangming xing en chinois 87 JIAO Feng, Aux petits soins pour l'Afrique, revue La Chine au présent, 7 juillet 2015,
http://french.peopledaily.com.cn/n/2015/0707/c96852-8916700.html 88 JIAO Feng, Aux petits soins pour l'Afrique, revue La Chine au présent, 7 juillet 2015,
http://french.peopledaily.com.cn/n/2015/0707/c96852-8916700.html 89 Agence Xinhua, Une équipe médicale chinoise en Guinée récompensée aux Prix Sud-Sud, 27 septembre 2015,
http://french.xinhuanet.com/2015-09/27/c_134664939.htm
48
provoque des débats sur l’efficacité de l’équipe médicale chinoise en Afrique, bien que cela
s’explique souvent par les sollicitations du gouvernement local.
Face à ces handicaps, le gouvernement chinois devrait se coordonner davantage avec les
gouvernements et les médias locaux, et en même temps, explorer activement la possibilité de
développer une coopération tripartite (Chine-Afrique-UE ou États-Unis) dans le domaine
sanitaire.
Bref, l’équipe médicale chinoise, comme d’autres acteurs que j’ai énoncés dans ce
chapitre : les médias chinois, les journalistes invités africains, l’Institut Confucius, les boursiers
du gouvernements chinois et les feuilletons chinois, joue un rôle indispensable dans la
diplomatie publique chinoise en Afrique. Ils ont non seulement favorisé le développement du
pays et le bien-être du peuple en Afrique, mais ont aussi contribué à la coopération sino-
africaine tout en établissant un meilleur nation branding chinois vis-à-vis de l’opinion publique
africaine.
49
Conclusion
L’intérêt des analystes pour la relation entre la Chine et l’Afrique s’est accru durant la
dernière décennie. Plusieurs collègues des cycles internationaux précédents de l’ENA ont ainsi
mis l’accent sur les sujets concernant la coopération sino-africaine. Vu mon expérience de
travail au Ministère chinois des affaires étrangères et à l’Ambassade de Chine au Mali, ainsi
que mon stage à la Direction de la Communication et de la Presse du Quai d’Orsay, j’ai choisi
de travailler sur le sujet de la diplomatie publique de Chine en Afrique.
En effet, les relations entre la Chine et le continent africain sont anciennes et solides dont
les premiers contacts peuvent remonter jusqu’à la Dynastie Tang (618-907). Cependant, il
apparaît qu’en dépit de sa coopération au niveau économique et politique, la Chine n’a pas
encore acquis suffisamment de bienveillance de l’opinion publique en Afrique. En tant que tel,
la diplomatie publique est un processus dont l’objectif est de promouvoir davantage la
coopération entre la Chine et les pays africains. De ce fait, le gouvernement chinois est obligé
de briser le monopole occidental dans le domaine de l’information et diffuser sa vision de la
coopération sino-africaine et du monde. C’est la raison pour laquelle le gouvernement chinois
entend mener une diplomatie publique plus efficace et pertinente auprès des partenaires
africains à travers les leviers médiatique, culturel, linguistique, éducatif et humanitaire, par
lesquels il escompte conquérir l’estime de l’opinion publique africaine.
Tout au long de ce travail, j’ai voulu appréhender la problématique du rôle de la diplomatie
publique dans la conduite de la politique africaine de la Chine. Dans la première partie, j’ai
démontré la théorie et la pratique de la diplomatie publique, après une présentation du concept
« diplomatie publique ». J’ai essayé de montrer la situation du développement de la diplomatie
publique en Chine. Dans la deuxième partie, situation globale des relations sino-africaines, j’ai
essayé de fonder mon analyse sur les enjeux et les leviers de la mise en contexte de la diplomatie
publique chinoise en Afrique. Dans la dernière partie, en abordant des exemples très divers, j’ai
pu constater la grande disparité d'approches dans les actions de promotion du Nation branding
de Chine auprès de l’opinion publique des pays africains.
Pour terminer, quand bien même le gouvernement chinois, en tant qu’acteur principal de
la diplomatie publique chinoise, a mené tous ses efforts pour rendre la coopération sino-
africaine plus efficace et plus pertinente, il existe quand même des défis à relever. Donc, avec
la coordination des autres acteurs mentionnés dans ce mémoire, le gouvernement de l’Empire
50
du milieu devrait accroître ses efforts en termes de la diplomatie publique pour dissiper les
inquiétudes et les soucis liés à la coopération sino-africaine et pour conférer une meilleure
image à la Chine auprès de l’opinion publique en Afrique, afin de rendre cette coopération plus
constructive et plus fructueuse.
51
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55
Annexe :
Annexe 1
Les pays africains ayants des relations diplomatiques avec la Chine
Nom du pays Date de l’établissement des relations diplomatiques
avec la République populaire de Chine
Algérie 1958.12.20
Angola 1983.1.12
Bénin 1964.11.12 ; 1972.12.29
Botswana 1975.1.6
Burundi 1963.12.21; 1971.10.13
Burkina Faso 1973.9.15
Cameroun 1971.3.26
Cap-Vert 1976.4.25
Centre-Afrique 1964.9.29; 1976.8.20
Tchad 1972.11.28; 2006.8.6
Comores 1975.11.13
RDC 1961.2.20
Congo 1964.2.22
Côte d’Ivoire 1983.3.2
Djibouti 1979.1.8
Egypte 1956.5.30
Guinée-Équatoriale 1970.10.15
Érythrée 1993.5.24
Ethiopie 1970.11.24
Gabon 1974.4.20
Gambie 1974.12.14; 2016.3.27
Ghana 1960.7.5; 1972.2.25
Guinée 1959.10.4
Guinée-Bissau 1974.3.15; 1998.4.23
Kenya 1963.12.14
56
Lesotho 1983.4.30; 1994.1.12
Libéria 1977.2.17; 1993.8.10
Lybie 1978.8.9
Madagascar 1972.11.6
Malawi 2007.12.28
Mali 1960.10.25
Mauritanie 1965.7.19
Île Maurice 1972.4.15
Maroc 1958.11.1
Mozambique 1975.6.25
Namibie 1990.3.22
Niger 1974.7.20; 1996.8.19
Nigéria 1971.2.10
Rwanda 1971.11.12
Sao Tomé-et-Principe 1975.7.12; 2016.12.26
Sénégal 1971.12.7; 2005.10.25
Seychelles 1976.6.30
Sierra Leone 1971.7.29
Somalie 1960.12.14
Afrique du Sud 1998.1.1
Soudan du Sud 2011.7.9
Soudan 1959.2.4
Tanzanie 1964.4.26
Togo 1972.9.19
Tunisie 1964.1.10; 1971.10.8
Uganda 1962.10.18
Zambie 1964.10.29
Zimbabwe 1980.4.18
57
Annexe 2
Les douze premiers partenaires de la Chine en Afrique en 2011
(en millions de dollars américains et pourcentages des échanges chine-Afrique)
Source: National Bureau of Statistics of China, 2012
Annexe 3
Le stock d’investissements chinois en Afrique à la fin 2011
(en millions de dollars américains)
Source: National Bureau of Statistics of China, 2012
58
Annexe 4
L’évolution de l’échange commercial entre la Chine et les Pays africains
Annexe 5
Tableau de Durée du financement de la bourse du gouvernement chinois ( période de la
formation spécialisée et cours de langue chinoise )
Catégorie
du programme
Durée de formation Durée d’études du chinois
(Classe préparatoire)
Durée de la bourse
Licence 4 à 5 ans 1 à 2 ans 4 à 7 ans
Master 2 à 3 ans 1 à 2 ans 2 à 5 ans
Doctorat 3 à 4 ans 1 à 2 ans 3 à 6 ans
59
Annexe 6
Tableau de contenu et critère du financement de bourse du gouvernement chinois
Catégorie du
programme
Spécialité Frais
d’études/a
n
Frais de
logement/a
n
Vie
quotidienne
/an
Assurance
médicale
/an
Somme an
nuelle
Licence
1èrecatégorie 20000 8400 30000 800 59200
2èmecatégorie 23000 8400 30000 800 62200
3èmecatégorie 27000 8400 30000 800 66200
Master et
perfectionnement
général
1èrecatégorie 25000 8400 36000 800 70200
2èmecatégorie 29000 8400 36000 800 74200
3èmecatégorie 34000 8400 36000 800 79200
Doctorat et
perfectionnement
supérieur
1èrecatégorie 33000 12000 42000 800 87800
2èmecatégorie 38000 12000 42000 800 92800
3èmecatégorie 45000 12000 42000 800 99800
Note : La 1ère catégorie comprend la philosophie, l’économie, le droit, la pédagogie, les lettres
(sauf lettres & arts), l’histoire et la gestion. La 2ème catégorie comprend les sciences, la
technologie et l’agriculture. La 3ème catégorie comprend les lettres (lettres & arts) et la médecine.
Perfectionnement
général
1 an maximum 1 an maximum 2 ans maximum
Perfectionnement
supérieur
1 an maximum 1 an maximum 2 ans maximum
60
Annexe 7
Tableau des Instituts Confucius (et classes Confucius) en Afrique en 2017
Pays I.C. C.C Total
61
Source : Rapport annuel 2017 de l’Institut Confucius