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UNIVERSITÉ DE Lille 2 – DROIT ET SANTÉ
FACULTE DES SCIENCES POLITIQUES, JURIDIQUES ET SOCIALES
D.E.A. DROIT DES CONTRATS – OPTION : DROIT DES AFFAIRES
Année universitaire : 1999 - 2000
MEMOIRE DE D.E.A.
Présenté par ARNAUD DUCROCQ
RECHERCHES SUR LA NOTION DE DROIT POTESTATIF
Directeur de mémoire : Monsieur le Professeur JAMIN
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SOMMAIRE
Introduction
Chapitre I. Les caractères du droit potestatif
Section 1. L’existence d’un pouvoir direct sur une situation juridique
Section 2. La nécessité d’un lien de sujétion
Chapitre II. Le contrôle du droit potestatif
Section 1. Le principe d’un contrôle exercé par le juge
Section 2. La mise en œuvre du contrôle exercé par le juge
Conclusion générale
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ABREVIATIONS
art. Article
CA Cour d’appel
Cass. ass. plén. Assemblée
Cass. 1re Civ. Cour de cassation, première chambre civile
Cass. 2e Civ. Cour de cassation, deuxième chambre civile
Cass. 3e Civ. Cour de cassation, troisième chambre civile
Cass. com. Cour de cassation, chambre commerciale
Cf. Confère
ch. Chambre
chron. Chronique
coll. Collection
comp. Comparer
Contrats, conc., consom. Contrats, concurrence, consommation
D. Recueil Dalloz-Sirey
dact. Dactylographié
doctr. Doctrine
Defrénois Répertoire du notariat Defrénois
Dr. et patrimoine Droit et patrimoine
éd. Édition
Gaz. Pal. Gazette du Palais
Fasc. Fascicule
ibid. Ibidem
id. Idem
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IR Informations rapides
JCP (éd. G) Juris-Classeur Périodique, édition générale
JCP (éd. E) Juris-Classeur Périodique, édition entreprise
JCP (éd. N) Juris-Classeur Périodique, édition notariale
jurispr. Jurisprudence
loc. cit. Loco citato
obs. Observation
op. cit. Opere citato
Rev. Administrer Administrer
Rev. conc. Consom. Revue de la concurrence et de la consommation
Rev. jur. dr. aff. Revue de jurisprudence de droit des affaires
RD publ. Revue du droit public et de la science politique enFrance et à l’étranger
RID comp. Revue internationale de droit comparé
RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil
RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial
somm. Sommaire
V. Voir
TGI Tribunal de grande instance
TI Tribunal d’instance
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INTRODUCTION
Les droits potestatifs se définissent comme des pouvoirs par lesquels leurs
titulaires peuvent influer sur les situations juridiques préexistantes en les modifiant, les
éteignant ou en en créant de nouvelles au moyen d’une activité propre unilatérale1. Les
droits potestatifs donnent ainsi à leurs titulaires un pouvoir qui permet d’agir
unilatéralement sur une situation juridique intéressant autrui. Il s’exerce par une activité
propre unilatérale qui peut être réduit à une simple manifestation de volonté. Le droit
d’option qui se définit comme “ une prérogative juridique qui permet à son titulaire de
pouvoir, par un acte unilatéral de volonté de modifier une situation juridique incertaine,
et cela suivant une alternative précise et prévisible ”2 est un exemple de droits
potestatifs. Concrètement, le droit d’option né d’une promesse unilatérale de vente
engage le promettant dans les liens de la vente dès que son titulaire lève l’option.
La notion de droits potestatifs connaît des développements très importants en droit
italien, en droit suisse et en droit allemand. Des auteurs comme MESSINA en Italie ou
SECKEL en Allemagne ont consacré dans leurs pays de nombreuses études à son analyse.
Quel que soit le pays où ils font l’objet d’études, les droits potestatifs semblent toujours
être désignés par des vocables sensiblement identiques : en Italie, les droits potestatifs
sont connus sous le terme de “ diritti potestativi ” et en Allemagne, si les auteurs
français relèvent que les termes de “ Rechte des rechtlichen könnens ” ou de “ Kan-
Rechte ” s’utilisent3, il est sans doute plus exact aujourd’hui de désigner les droits
1 La définition proposée est celle de M. NAJJAR in NAJJAR (I.), Le droit d’option. Contribution à l’étudedu droit potestatif et de l’acte unilatéral, thèse, Paris : L.G.D.J., 1967, n° 99.2 NAJJAR (I.), op. cit., n° 45.3 Nous reprenons ici les termes même tels qu’ils sont employés par M. NAJJAR in NAJJAR (I.), op. cit., n°98. Il serait néanmoins plus conforme à l’usage de la langue allemande d’écrire “ Rechte des rechtlichenKönnens ”. En outre, dans l’avant-propos de la thèse de M. VALORY, M. le Professeur NAJJAR semblepréférer aujourd’hui à l’orthographe de “ Kan-Recht ” celle, sans doute plus moderne, de “ kannrechte ” àlaquelle il convient de faire la même remarque que précédemment. M. VALORY, citant différents auteurs
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potestatifs sous le terme de “ Gestaltungsrechte ”, qui “ ne sont rien d’autres que nos
"droits potestatifs" ”4 et dont la meilleure traduction est sans doute celle qu’utilise le
droit suisse qui parle quant à lui de “ droit formateur ”. Bien que ces termes traduisent
un même concept juridique, il est évident qu’ils ne correspondent cependant plus
toujours, du fait de l’importance, de l’évolution et de la place de la notion dans chacun
de ces pays, à la même réalité juridique.
D’origine étrangère, la notion de droits potestatifs n’a pas connu les mêmes
développements en France. Délaissé par la doctrine, elle n’apparaît que de manière
succincte chez certains auteurs de l’après-guerre5. D’autres ont mis en avant son
autonomie et sa richesse pour en faire application6, sans pour autant parvenir réellement
à imposer ce nouveau concept en droit civil français. Il revient à M. NAJJAR le mérite
d’avoir consacré en France une importante analyse sur le sujet qui encore aujourd’hui
tient lieu de référence7. Le sous-titre de sa thèse, Contribution à l’étude du droit
potestatif et de l’acte unilatéral, est à ce sujet suffisamment éloquent. L’auteur y affirme,
pour ce qui nous concerne, que “ le droit d’option est subjectif, parce qu’il est un droit
potestatif ”. Il montre, pour ce faire, d’une part que le droit d’option est un droit
potestatif et d’autre part que le droit potestatif est un droit subjectif. Malgré cette étude
et le prestige de son auteur, la notion de droits potestatifs reste néanmoins peu ou mal
connue en France. Le manque d’enthousiasme de la doctrine à étudier une notion qui lui
est étrangère est sans doute pour beaucoup dans ce constat. Les quelques auteurs qui
consacrent des recherches sur le sujet soulignent la réticence de la doctrine à introduire
en droit civil français un concept juridique jusque là inconnu de sa culture. Elle semble
vouloir ignorer l’importance et la fécondité de cette notion. Un auteur résume cette
attitude, lorsqu’il écrit, sur la notion de droit potestatif, que “ non seulement, on [peut] allemands, utilise quant à lui le terme de “ Kann-Recht ” in VALORY (S.), La potestativité dans lesrelations contractuelles, thèse, Aix-en-Provence : P.U.A.-M., 1999, Avant-propos de NAJJAR (I.), Préfacede MESTRE (J.), n° 6. Nous préférons, quant à nous l’expression de “ Gestaltungsrechte ”, œuvre deSECKEL, qui est celle la plus utilisée aujourd’hui en Allemagne. Ces remarques n’ont pas d’autre but quede montrer, s’il en est besoin, l’absence d’études comparatives sur le sujet.4 RIEG (A.), “ Bibliographie commentée ”, RID comp. 1993, p. 317. Dans la rigueur des définitionsjuridiques, le terme de “ Gestaltungsrecht ” ne désigne néanmoins qu’une des variétés du droit potestatifmis en lumière par MESSINA. Pour un exposé de ces différents groupes, cf. NAJJAR (I.), op. cit., n° 116.5 On cite généralement DABIN (J.), Le droit subjectif, Paris : Dalloz, 1952. Cf. VALORY (S.), op. cit., notede bas de page n° 17.6 Cf. notamment BOYER (L.), “ Les promesses synallagmatiques de vente, Contribution à la théorie desavants-contrats ”, RTD civ. 1949.1,n°27.
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douter de son intérêt pratique, mais encore il n’est pas évident qu’elle ait une vertu
explicative ”8.
De ce constat en découle très logiquement un autre : les sources sont rares. Les
manuels et ouvrages généraux ne traitent que rarement des droits potestatifs ; Lorsqu’ils
le font, leurs auteurs ne font qu’évoquer la notion9, parfois même simplement dans le
but de nier son existence10. Il n’y a pas, à notre connaissance, d’articles de fond qui ont
été consacrés exclusivement à cette question. La parution récente d’une thèse relativise
néanmoins ce propos et marquera peut-être le début de nouvelles approches et réflexions
doctrinales sur le sujet11. Elle montre à tout le moins un regain d’intérêt pour une notion
quelque peu oubliée et ouvre un champ de réflexions nouveau en droit. Elle démontre
aussi la volonté de décrire un mécanisme qui se meut incontestablement dans une réalité
juridique.
Car, les droit potestatifs sont nombreux. Sans prétendre à l’exhaustivité et pour ne
retenir que les plus connus, on peut citer le droit d’acquérir la mitoyenneté d’un mur12,
le droit de réméré13, les droits de préemption ou de retrait14, les droits d’option15, mais
également le droit de résiliation unilatérale dans les contrats à durée indéterminée16…
Ils en existent non seulement en droit des biens ou en droit des obligations mais
également en droit de la famille, en droit des successions, en droit judiciaire… Bien plus 7 NAJJAR (I.), op. cit., n° 97.8 LARROUMET (C.), “ Droit civil ”, Tome 3 : Les obligations, le contrat, 4e éd., Paris : Economica, 1998,n° 11.9 Cf. par exemple GHESTIN (J.), GOUBEAUX (G.) avec le concours de FABRE-MAGNAN (M.), Traité dedroit civil Introduction générale, 4e éd., Paris : L.G.D.J., 1994, n° 222.10 LARROUMET (C.), loc. cit.11 VALORY (S.), loc. cit. Compte tenu de l’importance des développements que consacre M. VALORY à lanotion de droits potestatifs qu’il englobe dans celle plus large de potestativité, la publication récente decelle-ci dont nous n’avions pas connaissance au moment du choix du sujet de ce mémoire et de lafaiblesse des sources par ailleurs, nous nous référerons constamment à ses travaux. Chaque fois que celas’avérera nécessaire nous soulignerons nos divergences de vue.12 Article 661 du Code civil.13 Article 1659 du Code civil.14 On peut citer l’article 37 de la loi du 31 décembre 1921 qui permet à la Réunion des musées nationauxd’acquérir des œuvres d’art vendues aux enchères en se substituant à leurs adjudicataires ou encorel’article 18 du Livre des procédures fiscales qui reconnaît à l’administration de l’enregistrement lapossibilité de se substituer à l’acquéreur d’un immeuble ou d’un fonds de commerce en payant le prixmajoré d’un dixième…15 V. l’importante étude que M. NAJJAR leurs consacrent in NAJJAR (I.), loc. cit.
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de nouveaux droits potestatifs sont créés par le législateur comme par exemple les droits
légaux de rétractation en droit de la consommation17 ou découverts par le juge comme le
droit de fixer unilatéralement le prix dans les contrats-cadres de distribution18… Les
droits potestatifs sont fréquemment utilisés dans la vie juridique et l’émergence de la
notion de droit potestatif correspond aussi à la multiplication du nombre de ces droits.
La validité des droits potestatifs d’origine légale ou ceux d’origine
jurisprudentielle ne saurait évidemment pas être contestée. Le législateur les édicte
généralement dans un but de protection, par exemple celle du consommateur ou du
preneur à bail, ou dans un but d’utilité public, comme c’est le cas pour les droits de
préemption ou de retrait. Le juge, quant à lui, s’en sert dans celui de poursuivre un
objectif impérieux comme par exemple la prohibition des engagements perpétuels dans
le cas du droit de résiliation unilatérale dans les contrats à durée indéterminée ou
l’impossibilité du maintien des rapports contractuels dans le droit de résoudre
unilatéralement un contrat en cas de comportement grave du débiteur19.
Le principe de la liberté contractuelle a pour conséquences que les droits
potestatifs d’origine conventionnelle sont également valables. Sous réserves du respect
de l’ordre public et des bonnes mœurs, les parties peuvent donc librement se consentir
de tels droits. Au regard de la stricte rigueur juridique, l’affirmation est contestable.
L’article 1101 du Code civil dispose que “ le contrat est une convention par laquelle une
ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à
ne pas faire quelque chose ”20. Le contrat a donc vocation à créer entre les
cocontractants un rapport d’obligation, ce que juridiquement n’établit pas le droit
potestatif21. Nul ne conteste néanmoins aujourd’hui la possibilité offerte par un contrat
16 Le droit de résiliation unilatérale ne fait l’objet d’aucune disposition légale mais est consacré par lajurisprudence et admise par une doctrine unanime. Cf. GHESTIN (J.) avec le concours de JAMIN (C.) etBILLIAU (M.), Traité de droit civil. Les effets du contrat, 2e éd., Paris : L.G.D.J., 1994, n° 238.17 Par exemple droit de rétractation en matière de démarchage et de vente à domicile (article L. 121-25 duCode de la consommation).18 Cass. ass. plén., 1re décembre 1995, JCP (édG.) 1996.II.22565, concl. JEOL, note GHESTIN.19 Cass. 1re civ., 13 octobre 1998, D. 1999, jurispr., p. 197, note JAMIN.20 C’est nous qui soulignons.21 V. infra Chapitre I. Section 1. §1.
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de créer un droit potestatif tel que le droit d’option22. Deux raisons sont évoquées23 :
Premièrement, les rédacteurs du Code civil ignorant le concept même de droit potestatif,
ne pouvaient imaginer le contrat sous une autre forme que celle d’un rapport
d’obligation. Deuxièmement, le contrat n’est plus aujourd’hui perçu de la même façon.
Le contrat se définit aussi comme “ un accord de volontés, qui sont exprimées en vue de
produire des effets de droit et auxquels le droit objectif fait produire de tels effets ”24. Il
apparaît qu’ainsi défini, le contrat fasse place pour admettre la licéité des droits
potestatifs25.
Mais si les droits potestatifs sont valables, ni le législateur, ni la jurisprudence ne
reconnait leur existence en tant que tels, c’est-à-dire en tant que catégorie autonome du
droit. La doctrine n’a pas contribué, on l’a vu, à les aider. La conséquence est que si le
régime de chacun des droits potestatifs est connu et fait l’objet d’études approfondies, le
régime du droit potestatif, s’il existe, reste en conséquence peu ou mal défini. Pour les
auteurs, il s’agit moins de dégager un régime commun qui donnerait à la notion un
intérêt pratique certain que de lister chacun des droits pour en exposer les différences.
Pourtant, on comprend l’intérêt qu’il y aurait à conceptualiser un phénomène aussi
présent dans la vie juridique. Dégager l’autonomie d’une notion pour en décrire le
régime, telle serait sans doute le défi ambitieux que pourrait relever le juriste…
Loin d’avoir la prétention de réaliser un tel travail, l’objet de ce mémoire n’a pour
seule ambition que de participer à l’effort déjà entrepris par d’autres à la
conceptualisation d’une part d’un phénomène croissant et à la promotion d’autre part
d’une notion qui décrit une réalité juridique et rend incontestablement des services.
Pour atteindre ce but, il nous apparaît nécessaire d’expliquer l’originalité du droit
potestatif et donc d’en exposer les caractères. Pour ce faire, la définition du droit
potestatif telle que l’a proposée M. NAJJAR traduit le mieux ce qu’il est : un pouvoir que
22 M. VALORY recense trois conventions susceptibles d’être la source d’un droit d’option - la promesseunilatérale de contrat, le pacte de préférence et le contrat générateur d’une obligation alternative - etquatre stipulations accessoires à un contrat - la clause de dédit, la clause d’essai, les clauses affectant ladurée et celles affectant l’objet d’un rapport contractuel in VALORY (S.), op. cit., n° 233 et suivants.23 VALORY (S.), op. cit., n° 232.24 GHESTIN (J.), “ La notion de contrat ”, D. 1990, chron., p. 147.25 Cf. sur cette question VALORY (S.), loc. cit.
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détient son titulaire d’agir sur la situation juridique intéressant autrui. Mais,
paradoxalement, cette définition n’explique pas ce sur quoi repose techniquement le
droit potestatif : un lien de sujétion (Chapitre I). Or, dans une conception restrictive, la
présence de ce dernier exclut toute forme de contrôle par le juge, offrant ainsi aux
titulaires du droit potestatif la possibilité d’en jouir pleinement. Cette conception
n’échappe cependant pas à la critique. Le droit potestatif, comme l’ensemble des droits
subjectifs, fait, par principe, l’objet d’un contrôle exercé par le juge dont il conviendra
de préciser les contours (Chapitre II). Les caractères du droit potestatif et son contrôle
seront donc successivement analysés, ce qui traduit un choix, celui d’un plan
“ classique ” mais traduit aussi une volonté, celle de comprendre un droit qui l’est sans
doute moins…
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CHAPITRE I. LES CARACTERES DU DROIT POTESTATIF
Dégager l’autonomie du droit potestatif revient à montrer que cette notion ne peut
se fondre dans les catégories juridiques connues du juriste. Déterminer ce qui caractérise
le droit potestatif devient alors une opération essentielle qu’il convient de mener avec
grand soin, du moins si l’on veut rechercher un critère capable de le distinguer avec
précision.
La définition du droit potestatif, proposée par M. NAJJAR, constitue un point de
départ utile à la réflexion. Les droits potestatifs sont des pouvoirs par lesquels leurs
titulaires peuvent influer sur les situations juridiques préexistantes en les modifiant, les
éteignant ou en en créant de nouvelles au moyen d’une activité propre unilatérale26.
Ainsi défini, le droit potestatif révèle une première caractéristique : il est un pouvoir
dont la finalité est d’agir sur la situation juridique d’autrui. Cependant, cette définition
ne met pas en évidence la technique du droit potestatif. Celle-ci révèle pourtant la
nécessité d’un lien de sujétion qui impose à un individu de subir les agissements du
titulaire du droit potestatif, ce qui démontre une seconde caractéristique.
Le droit potestatif se caractérise donc à la fois par l’existence d’un pouvoir qu’il
confère à son titulaire d’agir directement sur une situation juridique intéressant un
individu (Section 1), et par la nécessité d’un lien de sujétion qui impose à ce dernier de
subir cet agissement (Section 2).
26 La définition proposée est celle de M. NAJJAR in NAJJAR (I.), Le droit d’option. Contribution à l’étudedu droit potestatif et de l’acte unilatéral, thèse, Paris : L.G.D.J., 1967, n° 99. La définition est conformeen cela à celle que donne la doctrine allemande du « Gestaltungsrecht ».
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Section 1. L’existence d’un pouvoir direct sur une situation juridique.
Le droit potestatif procure à son titulaire un pouvoir d’agir sur une situation
juridique intéressant autrui. Cette seule affirmation est de nature à susciter
l’interrogation tant il est vrai qu’elle heurte la conception selon laquelle nul ne peut
empiéter sur la sphère juridique d’autrui. Pour clarifier le débat, il s’avère nécessaire de
préciser le sens de chacun des éléments de la définition.
Le pouvoir unilatéral octroyé au titulaire du droit potestatif (§1) et la modification
de la situation juridique intéressant autrui (§2) seront donc successivement étudiés.
§1. Le pouvoir unilatéral octroyé au titulaire du droit potestatif
La notion de pouvoir a fait l’objet de nombreuses définitions tant en droit public
qu’en droit privé. Il semble difficile de traiter de la question de manière exhaustive27. Il
convient, cependant, de préciser la notion de pouvoir au regard de celle de droit
potestatif.
Un auteur définit le pouvoir comme une prérogative susceptible de modifier
l’ordre juridique, d’empiéter sur la sphère juridique d’autrui28. Cette conception du
pouvoir est donc très proche de celle du droit potestatif29. Néanmoins, à cette notion,
l’auteur oppose celle de droit subjectif. La distinction vise à séparer les prérogatives
selon les intérêts pour lesquels elles sont conférées : le pouvoir serait une prérogative
exercée dans un intérêt au moins partiellement distinct du sien, alors que le droit
27 Sur la notion de pouvoir : GAILLARD (E.), Le pouvoir en droit privé, thèse, Paris : Economica, coll.Droit civil, préface CORNU (G.), cité par ENCINAS DE MUNAGORRI (R.), L’acte unilatéral dans lesrapports contractuels, thèse, Paris : L.G.D.J., 1996, préface LYON-CAEN (A.), et par VALORY (S.), Lapotestativité dans les relations contractuelles, thèse, Aix-en-Provence : P.U.A.-M., 1999, Avant-proposde NAJJAR (I.), Préface de MESTRE (J.).28 GAILLARD (E.), loc. cit., cité par VALORY (S.), op. cit., note de bas de page n° 28. Dans le même sens,ENCINAS DE MUNAGORRI (R.), op. cit., n° 281.29 C’est dans ce sens que M. VALORY analyse la “ potestativité ” in VALORY (S.), loc. cit.
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subjectif, dès lors défini restrictivement, correspondrait à une prérogative exercée dans
le seul intérêt de son titulaire. Ainsi défini, le droit potestatif est soit un pouvoir, soit un
droit subjectif, mais il ne peut être les deux.
L’appartenance du droit potestatif à la catégorie des droits subjectifs ne fait aucun
doute. Car, « rien dans la structure du droit potestatif ne fait obstacle à son admission
dans la catégorie des droits subjectifs aux côtés du droit de créance et du droit réel »30.
C’était déjà l’opinion de M. NAJJAR lorsque le droit subjectif était défini comme le
pouvoir d’exiger une prestation en vue de la satisfaction d’un intérêt juridique
légitimement protégé31. C’est également le cas lorsque la doctrine moderne définit le
droit subjectif comme “ une restriction légitime à la liberté d’autrui établie par la norme
objective en faveur du sujet qui bénéficie ainsi d’un domaine réservé pour exercer ses
pouvoirs ”32.
Dès lors, le droit potestatif ne peut être un pouvoir au sens où cette notion est
désormais définie. Le droit potestatif est d’ailleurs exercé dans le seul intérêt de son
titulaire et ne saurait se confondre avec « la situation où une personne représente les
intérêts d’autrui, et de celle où elle agit dans l’exercice d’une fonction au sein d’une
collectivité juridiquement organisée »33. Il semble néanmoins que le terme de pouvoir
est approprié pour caractériser le droit potestatif en raison de l’étymologie latine
commune de ces deux mots : « potestas (is) » a donné à la langue française non
seulement le mot « pouvoir », mais également celui de « potestatif ». Il ne faut donc pas
accorder une importance exagérée à la distinction proposée entre « droit subjectif » et
« pouvoir ». Le pouvoir au sens où il est employé en matière de droit potestatif doit 30 VALORY (S.), op. cit, n° 41.31 NAJJAR (I.), op. cit., n° 78 et suivants, et spécialement n° 91, et n° 103 et suivants. « Par le droit objectifsont attribués aux personnes des "potestas", c’est-à-dire des pouvoirs. La force de ces pouvoirs assure unesupériorité et cela pour la protection d’un intérêt légitime. Ces pouvoirs sont ou bien des droits subjectifs(si la force leur est donnée d’imposer à d’autres sujets le devoir d’une conduite déterminée vis-à-vis deleur titulaire), ou bien des droits potestatifs (si en face de ce pouvoir il y a une sujétion d’autrui). Dans lesdeux cas, nous avons prouvé qu’il fallait parler de "pouvoirs", parce que que (sic) ces deux cas seressemblent et aboutissent à une seule et même finalité. En résumé, nous dirions que le droit d’option estun droit potestatif, et par conséquent un droit subjectif d’une nature particulière ». C’est l’auteur quisouligne.32 GHESTIN (S.), GOUBEAUX (G.), avec le concours de FABRE-MAGNAN (M.), Traité de droit civilIntroduction générale, 4e éd., Paris : L.G.D.J., 1994, n° 203. Ce sont les auteurs qui le soulignent.L’appartenance des droits potestatifs au droit subjectif ne semble pas faire de doute dans l’esprit de cesauteurs.
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simplement “ être rapproché plus directement d’une prérogative exercée de manière
unilatérale ”34. C’est donc une autre élaboration de la notion de pouvoir qu’il convient
ici sans doute de retenir, et qui ajoute, on le regrette, un peu plus au “ chaos
terminologique en la matière ”35.
La mise en œuvre de ce pouvoir s’exerce au moyen d’une manifestation
unilatérale de volonté. Autrement dit, le titulaire du droit agit sur la situation juridique
intéressant autrui, dès l’instant où il exprime la volonté d’user de son droit. Par
exemple, l’introduction d’une demande en justice est la manifestation unilatérale de
volonté qui concrétise le droit d’agir en justice36. Mais la forme que prend cette
manifestation unilatérale de volonté est variée : il peut s’agir soit d’un acte juridique soit
d’une instance judiciaire ou d’un recours administratif37, soit d’un acte matériel38.
Les droits potestatifs qui s’exercent au moyen d’un acte matériel se situent
généralement dans le domaine des biens et des personnes : est citée en droit des biens la
servitude de passage39 et en droit de la famille, le droit des père et mère de garder
l’enfant40, le droit de le maintenir sous leur autorité jusqu’à sa majorité ou son
émancipation41 ou encore le droit de visite42, etc.
Les droits potestatifs qui s’exercent au moyen de l’introduction d’une demande en
justice sont les droits d’actions en justice. Ils sont naturellement très nombreux : action
en nullité, action en résolution ou en résiliation, action en révocation d’une donation
pour cause d’ingratitude, action en restriction d’une libéralité pour atteinte à la réserve,
action paulienne, action oblique, action en désaveu de paternité, action en contestation
33 ENCINAS DE MUNAGORRI (R.), op. cit., n° 287.34 ENCINAS DE MUNAGORRI (R.), op. cit., note de bas de page n° 26.35 ENCINAS DE MUNAGORRI (R.), op. cit., n° 187.36 Dans le même sens, NAJJAR (I.), op. cit., n° 125. V. Chapitre I. Section 1. §2.37 Relevant du droit administratif, l’hypothèse du recours administratif sera écartée.38 HACHE-CHAHINE (F.), “ Essai d’une nouvelle classification des droits privés ”, RTD civ. 1982.705, n°157. Il revient, selon l’auteur, à Messina d’avoir mis en avant les formes de « l’activité unilatéralepropre » qui semble inclure l’acte matériel exercé unilatéralement. Dans le même sens, NAJJAR (I.), op.cit., n° 99 ; VALORY (S.), op. cit., n° 57.39 Article 682 du Code civil.40 Article 371-2 du Code civil.41 Article 371-1 du Code civil.42 Article 311-13 et 371-4 du Code civil.
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de la reconnaissance d’un enfant naturel, action de recherche de paternité ou de
maternité, etc.
Les droits potestatifs qui s’exercent au moyen d’un acte juridique unilatéral se
trouvent principalement en matière contractuelle. Bien que la notion d’acte juridique
unilatéral suscite de nombreuses controverses, il ne fait pas de doute que la
manifestation unilatérale de volonté peut revêtir cette forme. Défini comme “ une
opération consistant en une manifestation de la volonté ayant pour objet et pour effet de
modifier la situation juridique en l’absence de consentement ”43. L’acte juridique
unilatéral peut mettre en œuvre des droits potestatifs dès lors que l’intention du titulaire
du droit est de faire produire des effets à sa déclaration de volonté. Il est à noter que le
régime de l’acte a vocation à s’appliquer en conséquence à la manifestation unilatérale
de volonté du titulaire du droit potestatif, même si le droit potestatif trouve sa source
dans le contrat. Dans ce cas, l’existence du droit potestatif qui est éventuellement né de
l’accord de volontés entre les cocontractants se distingue nettement de la manifestation
de volonté par laquelle le droit potestatif s’exerce et qui ne nécessite nullement le
consentement de celui contre qui il est dirigé. Sont aussi concernés le droit d’option né
d’une promesse unilatérale de contrat, les droits de préemption et de retrait, le droit de
préférence, le droit de rétractation...
La manifestation de volonté a pour effet de modifier la situation juridique d’autrui
immédiatement. Par exemple, c’est au moment de la levée d’option, manifestation
unilatérale de volonté du bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente, que la vente
se forme et en conséquence que le transfert de propriété se réalise44. Cette solution
justifie l’impossibilité pour le promettant de rétracter son consentement après la levée de
l’option, ce que la jurisprudence d’ailleurs confirme45. Mais, pour être efficace, elle ne
produira ses effets qu’à la condition d’être portée à la connaissance de celui contre qui le
droit est dirigé. Le droit positif retient une telle solution dans l’hypothèse des droits
potestatifs de rétractation en matière de consommation : lorsque le consommateur veut 43 ENCINAS DE MUNAGORRI (R.), op. cit., n° 90.44 Cass., 2ème civ., 21 décembre 1970, Bull. civ. II, n° 353 : « la promesse unilatérale de vente setransforme en vente parfaite dès que le bénéficiaire de cette promesse a, dans le délai imparti, manifestéen la portant à la connaissance du promettant, sa volonté d’acquérir la chose aux conditions proposées ».
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rétracter son consentement donné lors d’un contrat de crédit, le Code de la
consommation46 prévoit qu’il envoie un formulaire détachable joint à l’offre préalable,
dans le but d’informer expressément la banque47. La jurisprudence confirme également
l’obligation de porter à la connaissance de celui contre qui le droit potestatif est dirigé la
manifestation unilatérale de volonté, au moins en matière de promesse unilatérale de
vente. Les juges imposent au bénéficiaire du droit d’option l’obligation d’informer le
promettant de la levée d’option en temps utile, c’est-à-dire avant la fin du délai
d’option48. Cette solution se justifie car il serait pour le moins choquant que le titulaire
du droit potestatif puisse modifier une situation juridique intéressant autrui à son insu.
En conséquence, le droit potestatif procure à son titulaire un pouvoir qui s’exerce
au moyen d’une manifestation unilatérale de volonté dont l’effet est de modifier la
situation juridique d’autrui. Il reste cependant à analyser ce qu’est une situation
juridique, puisqu’il s’agit de la modifier.
§2. La modification de la situation juridique intéressant autrui
Par situation juridique, il faut entendre une situation à laquelle des conséquences
juridiques sont attachées49. Autrement dit, la situation juridique, au sens où M. NAJJAR
l’entend, est “ au sens propre du mot, une situation qui peut être décrite avec exactitude
et qui est juridique parce qu’il en découle des effets reconnus par la loi ou la
convention ”50. Parce que la loi ou la convention n’entendent pas leur conférer des effets
45 NAJJAR (I.), « La rétractation d’une promesse unilatérale de vente », D. 1997, chron. p. 119, à propos deCass., 2ème civ., 26 juin 1996.46 Article 311-15 du Code de la consommation.47 Classiquement, deux raisonnements s’offrent au juriste : le code prévoit-il une telle disposition en raisonde l’exception qu’elle représente au regard d’un principe général selon lequel la manifestation unilatéralene doit pas être portée à la connaissance de celui contre qui le droit est dirigé ? Ou, au contraire, reprend-il le principe, selon lequel la manifestation unilatérale doit être portée à la connaissance de celui contrequi le droit est dirigé, parce qu’il s’impose à tous ?48 CA Angers, 11 avril 1951, JCP (éd.G), 1951. I. 6615, note BECQUE.49 TERRE (F.), Introduction générale au droit, 3e éd, Paris : Dalloz, 1996, n° 259. C’est également cetteapproche de la situation juridique que retient M. VALORY in VALORY (S.), op. cit., n° 33.50 NAJJAR (I.), op. cit., n° 30. La définition de la situation juridique que propose M. NAJJAR est doncdifférente de celle de ROUBIER et de celle de DUGUIT. Pour un exposé de ces différentes conceptions de lanotion de situation juridique, cf. GHESTIN (J.), GOUBEAUX (G.) avec le concours de FABRE-MAGNAN (M.),op. cit., n° 193 et suivantes et n° 386 et suivantes (pour la conception de ROUBIER), n° 178 et suivantes(pour la conception de DUGUIT).
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de droit, certaines situations ne produisent aucune conséquence juridique. Par exemple,
la situation du piéton qui contemple un paysage ou celle du lecteur assis dans une
bibliothèque n’est pas juridique car elle n’engendre aucun effet de droit51. A l’opposé, la
promesse unilatérale de vente crée une situation juridique car de celle-ci découle un
ensemble de conséquences juridiques : le promettant ne peut plus vendre l’immeuble
promis au bénéficiaire. Au cas contraire, il doit indemniser le bénéficiaire. Le droit
potestatif ne porte donc pas sur le simple comportement d’un individu mais sur une
situation à laquelle la loi ou le contrat a entendu conférer des effets.
La situation juridique peut être constituée par un lien contractuel mais il peut
également s’agir d’un droit réel, d’un droit de la personnalité52… et plus généralement
par tous les éléments constitutifs d’un rapport juridique : par exemple, le droit de
substituer une personne à une autre est potestatif car il agit sur la situation juridique
qu’est la qualité de partie à un contrat ; le droit de modifier unilatéralement le prix d’un
contrat est potestatif car il agit sur la situation juridique qu’est l’objet même du
contrat…
La question se pose de savoir si des droits sont potestatifs indépendamment de
l’existence même d’une situation juridique. Elle est légitime en ce sens où tous les droits
potestatifs en raison d’une disposition légale existent alors qu’aucune situation juridique
ne préexiste. C’est le cas par exemple du droit de retrait : celui-ci a pour effet dans un
contrat de vente de permettre à son titulaire de se substituer à l’acquéreur choisi par le
vendeur. L’exercice du retrait n’est cependant possible que si, préalablement, un contrat
de vente, c’est-à-dire une situation juridique, a été formé. Autrement dit, c’est
l’existence du contrat de vente qui rend potestatif le droit de retrait. Plus généralement,
l’existence de la situation juridique apparaît comme une condition de l’existence du
caractère potestatif du droit.
Il apparaît logique d’affirmer que la situation juridique préexiste dès lors à
l’exercice du droit potestatif. C’est l’opinion de M. NAJJAR dans l’exemple qu’il retient
du droit d’option. Il est vrai qu’en cette matière, la situation juridique précède l’exercice 51 Nous empruntons l’exemple à Monsieur le Professeur TERRE in TERRE (F.), loc. cit.
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du droit potestatif, et se caractérise non seulement par l’incertitude « qui y plane » mais
également par l’alternative – faire ou ne pas faire tel ou tel des actes juridiques qui sont
possibles – qui en découle par l’effet de la loi ou de la convention53. Mais il existe par
ailleurs des droits potestatifs où l’existence de la situation juridique est concomitante à
l’exercice du droit : c’est le cas de l’action en justice. L’action en justice est définie
comme “ le droit, pour l’auteur d’une prétention, d’être entendu sur le fond de celle-ci
afin que le juge la dise bien ou mal fondée ”54. Le droit d’action “ dans les rapports des
plaideurs entre eux est un droit potestatif en ce que le demandeur impose à son
adversaire la qualité de défendeur avec toutes les qualités qui s’en suivent ”55. Il a pour
effet concret d’établir le lien juridique d’instance entre le titulaire du droit et son
destinataire en leur conférant les qualités de demandeur et de défendeur. Or ce lien
juridique d’instance constitue la situation juridique même du droit potestatif d’action,
car de ce lien juridique découlent des droits et obligations : le droit de former une
demande reconventionnelle, l’obligation de fournir la preuve des allégations
avancées56… Autrement dit, par l’exercice du droit potestatif d’action, il y a création de
la situation juridique. Elle ne peut donc préexister à l’exercice du droit potestatif et par
là même à son existence. Contrairement à la définition communément admise par la
doctrine, si l’existence de la situation juridique rend potestatif le droit, elle ne préexiste
pas nécessairement à son exercice.
La conséquence est que la situation juridique ne peut constituer l’objet du droit
potestatif, entendu comme « ce sur quoi porte le droit »57. Certains58 soutiennent que
l’objet du droit potestatif est la situation juridique elle-même et s’opposent à d’autres59
52 VALORY (S.), loc. cit.53 NAJJAR (I.), op. cit., n° 30 et suivants, spécialement n° 31 et n° 36.54 Article 30 du Nouveau Code de procédure civile.55 HAGE-CHAHINE (F.), “ Essai d’une nouvelle classification des droits privés ”, RTD civ. 1982.705, n° 49.C’est l’auteur qui souligne. Dans le même sens, Cf. NAJJAR (I.), op. cit., n° 123 et suivants, spécialementn° 125 ; VALORY (S.), op. cit., n° 64.56 VINCENT (J.), GUINCHARD (S.), Procédure civile, 24e éd., Paris : Dalloz, 1996, n° 72. Les auteurs nientcependant l’affirmation selon laquelle l’action serait un droit, car elle “ pourrait conduire à penser qu’il ya un droit subjectif là où il n’y a qu’exercice d’une liberté ou d’une faculté ” in VINCENT (J.), GUINCHARD(S.), op. cit., n° 71. Comp. TERRE (F.), op. cit., n° 624. Pour une position plus nuancée, GHESTIN (J.) etGOUBEAUX (G.), avec le concours de FABRE-MAGNAN (M.), op. cit., n° 586 et suivants, en particulier n°588.57 GHESTIN (J.), GOUBEAUX (G.) avec le concours de FABRE-MAGNAN (M.), op. cit., n° 221.58 VALORY (S.), loc. cit.59 DABIN (S.), Le droit subjectif, Paris : Dalloz, 1952, cité par MICHAELIDES-NOUAROS (G.), “ L’évolutionrécente de la notion de droit subjectif ”, RTD civ. 1966.216, p. 225.
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pour qui l’objet du droit potestatif serait non pas la situation juridique mais la “ liberté
du titulaire de droit ”, maître de sa décision.
Ces deux doctrines n’échappent pas à la critique : d’une part, la liberté de décision
résulte de la notion même de droit conçu comme un pouvoir de volonté60. D’autre part,
l’analyse qui considère la situation juridique comme l’objet du droit potestatif connaît
deux difficultés. Premièrement, les droits potestatifs accordés en vertu d’une disposition
légale existent préalablement à l’apparition de la situation juridique. Par exemple, le
droit de retrait alors même qu’il existe en vertu d’une disposition de loi serait sans objet
tant que le contrat de vente n’est pas conclu. Deuxièmement, les droits potestatifs où
l’existence de la situation juridique est concomitante à l’exercice du droit tel que le droit
d’action serait, jusqu’à la manifestation de volonté, sans objet.
Pour pallier la première difficulté, il est fait recours à la notion de “ droit
éventuel ”61. Le droit éventuel peut se définir comme celui dont la réalisation dépend
d’un élément essentiel à son existence. Or, l’objet serait précisément l’élément essentiel
qui fait défaut. Dès l’instant où l’objet naît – c’est-à-dire la situation juridique - le
titulaire du droit potestatif peut exercer son droit. Si ce raisonnement peut convaincre
dans les cas où l’existence de la situation juridique et l’exercice du droit potestatif ne
sont pas concomitants, le raisonnement évoqué est insuffisant en matière de droit
d’action puisqu’il est impossible qu’un droit s’exerce au moment même de l’apparition
de son objet, ou plus exactement que l’objet apparaisse au moment de son exercice62.
Pour pallier la seconde difficulté, il est fait cette fois-ci recours à la notion de “ situation
juridique future ”. L’objet existerait dès la naissance du droit, mais sous la forme d’une
situation juridique future : “ le droit potestatif [serait] donc un pouvoir reconnu à une
personne qui peut demeurer totalement inexistant à défaut de l’apparition d’une
situation juridique ”63. De l’ensemble de cette analyse, il résulte que l’objet du droit
potestatif est soit actuel, soit futur ou soit éventuel.
60 Ibid.61 Sur la notion de droit éventuel, cf. DEMOGUE (R.), “ Des droits éventuels et des hypothèses où ilsprennent naissance ”, RTD civ. 1905.48 ; Du même auteur, “ De la nature et des effets du droit éventuel ”,RTD civ. 1906.231.62 M. VALORY reconnaît la critique in VALORY (S.), op. cit.,n° 35.63 SAINT ALARY HOUIN (C.), Le droit de préemption, thèse, Paris : L.G.D.J., 1979, n° 510, cité parVALORY (S.), loc. cit.
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Parce que trop subtile - et peut-être sans intérêt - l’argumentation perd
incontestablement de sa force. Il serait peut-être plus simple de conclure avec d’autres
que “ …les efforts pour découvrir un objet des droits potestatifs (sic) n’ont pas été
couronnés de succès. Ce qui nous permet d’adhérer à l’opinion (…) qui considère que
ces droits sont dénués d’objet ”64. Le pouvoir unilatéral octroyé en vue de modifier la
situation juridique intéressant autrui est donc un droit sans objet65. Cette affirmation
laisse entrevoir des perspectives juridiques peut-être insoupçonnées, si l’on veut bien
admettre que les droits potestatifs vont se multiplier. Il faut cependant tout de suite en
limiter la portée : l’objet d’un droit n’a, semble-t-il, d’autre vocation que celle de les
classifier. Mais cela revêt une grande importance pour celui dont le but est de montrer
l’autonomie du droit potestatif…
Cette autonomie est d’autant plus affirmée que le droit potestatif repose
nécessairement sur un lien de sujétion.
64 MICHAELIDES-NOUAROS (G.), loc. cit.65 Dans le même sens, GHESTIN (J.), GOUBEAUX (G.), avec le concours de FABRE-MAGNAN (M.), op. cit.,n° 222.
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Section 2. La nécessité d’un lien de sujétion.
La définition communément admise du droit potestatif révèle le pouvoir octroyé à
son titulaire sur la situation juridique intéressant autrui. Mais paradoxalement, elle reste
silencieuse sur la technique juridique employée pour expliquer un tel pouvoir. C’est
pourtant l’existence d’un lien de sujétion, sur lequel repose nécessairement le droit
potestatif, qui seul explique le rapport qui unit le titulaire du droit potestatif et la
personne dont la situation juridique est intéressée par l’usage de ce droit. Or, ce lien, en
raison de son efficacité remarquable, est de nature à entraîner un arbitraire dont il
convient de préciser les contours.
Autrement dit, le lien de sujétion est un rapport de droit (§1), mais une source
d’arbitraire (§2).
§1. Un rapport de droit
Le droit potestatif repose techniquement sur un lien de sujétion qui unit le titulaire
du droit potestatif et la personne contre laquelle il est dirigé. Ce lien se définit comme
celui “ en vertu duquel une personne est tenue de subir l’empiétement d’une autre
personne sur sa sphère juridique sans qu’on lui assigne la moindre tâche à accomplir ”66.
Concrètement, le lien de sujétion permet au titulaire du droit, sujet actif, d’empiéter sur
la sphère juridique d’une autre personne, sujet passif. Il autorise alors le sujet actif à
apporter “ une diminution à la liberté, à la propriété du sujet passif ou à un droit que ce
dernier tient de la loi ou d’un acte juridique ”67. Par exemple, en matière de servitude de
passage68, il y a diminution du droit de propriété parce que le propriétaire est tenu de
laisser passer le titulaire du fond dominant, et plus généralement de tolérer ses actes.
66 HAGE-CHAHINE (F.), “ Essai d’une nouvelle classification des droits privés ”, RTD civ. 1982.705, n°4867 Ibid.68 Article 682 du Code civil. La servitude de passage est, en droit français, un droit réel, mais le droit de lademander est potestatif. Dans le même sens, NAJJAR (I.), op. cit., n° 121.
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L’atteinte portée sur le pouvoir du sujet passif se trouve ainsi justifié par l’existence
même du lien de sujétion.
Mais le lien de sujétion impose également au sujet passif de subir cet empiétement
sur sa sphère juridique, sans créer à sa charge une quelconque obligation. “ Le sujet
passif n’est tenu ni de fournir une prestation ni de rendre un service, il est tenu de subir.
Il n’est pas obligé de donner, de faire ou de ne pas faire mais de laisser faire. Il doit
supporter le pouvoir du titulaire de le mettre dans une position différente de la situation
juridique dans laquelle il était antérieurement soit en la modifiant ou en l’éteignant, soit
en créant une situation juridique nouvelle (…). Au sujet passif, il est seulement
demandé de subir, de tolérer, de souffrir et de laisser faire ”69.
Le sujet passif se trouve dés lors dans un état de sujétion par rapport au titulaire du
droit potestatif qui correspond vu d’un autre côté au pouvoir donné au titulaire du droit
potestatif. Cet état consiste pour le sujet passif “ à ne pas entraver l’exercice du droit du
titulaire et à ne pas gêner l’empiétement de ce dernier sur sa sphère juridique ”70. Il lui
interdit de se soustraire à l’efficacité du droit potestatif. Autrement dit, parce qu’il est
soumis à une sujétion, le sujet passif ne peut “ en aucune façon s’opposer à l’efficacité
juridique de la volonté du titulaire du droit ”71. Ainsi, l’existence du lien de sujétion a
pour résultat de conférer à la volonté du titulaire du droit potestatif sa pleine efficacité :
l’exercice du droit potestatif ne dépend que de la volonté de son titulaire, et son
efficacité est indépendante de celle du sujet passif72.
La mise en lumière du lien de sujétion permet de mieux comprendre ce qui
distingue le droit potestatif à la fois du droit réel et du droit de créance, car le lien de
sujétion caractérise un rapport juridique d’une nature différente : le droit réel “ que tout
le monde doit respecter ”73 est susceptible de violation ; le droit personnel, générateur
d’obligations est susceptible d’inexécution. A l’opposé, le droit potestatif qui impose au
sujet passif de subir ne peut faire l’objet ni de violation ni d’inexécution. La simple 69 Ibid. C’est l’auteur qui souligne.70 Ibid. C’est l’auteur qui souligne.71 BOYER (L.), “ Les promesses synallagmatiques de vente, Contribution à la théorie des avant-contrats ”,RTD civ. 1949.1, n° 27.72 NAJJAR (I.), op. cit., n° 99 bis.
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existence du pouvoir octroyé au titulaire du droit potestatif est insuffisante à créer un tel
rapport entre deux individus, mais, ajouté à l’élément de sujétion, il donne naissance à
un rapport juridique d’une nature différente de celles connues des juristes, qui interdit au
sujet passif de violer ou d’inexécuter un droit.
L’existence de ce lien de sujétion confère également son utilité au droit potestatif.
Parce que la volonté du sujet actif est toute puissante, et que le sujet passif est tenu de
subir, le droit potestatif est un instrument technique extrêmement efficace qui garantit
l’efficacité d’un mécanisme voulu74. Par exemple, en matière de droit de la
consommation, les droits de rétractation introduits par le législateur permettent aux
consommateurs un délai de réflexion durant lequel ils peuvent anéantir le contrat auquel
ils ont pourtant donné leur consentement. L’analyse du droit de rétractation en terme de
droit potestatif explique, seule, la possibilité donnée au consommateur de revenir sur
son consentement par une déclaration de volonté unilatérale et modifie en conséquence
la situation juridique en anéantissant le contrat pourtant valablement formé. Le
professionnel ne pouvant s’opposer à la volonté exprimée par le consommateur est tenu
de subir celle-ci, le lien de sujétion confère alors toute son utilité au droit de rétractation
qui vise à protéger le consommateur et en garantit l’efficacité. La même analyse, en
matière de droit d’option né d’une promesse unilatérale de vente, conduit cependant à
avoir une position critique à l’égard de la Cour de cassation. En raison du mécanisme
potestatif et une fois l’option levée par le bénéficiaire de la promesse, le contrat de vente
est formé. Le promettant est, avant la levée, dans une situation de sujétion dans laquelle
il est tenu d’attendre la manifestation de volonté du bénéficiaire. Or la jurisprudence en
décide autrement puisqu’elle permet au promettant de revenir sur son consentement à la
vente75. L’analyse du droit d’option en terme de droit potestatif étant une opinion
doctrinale répandue76, la position de la Cour de cassation, si elle devait se confirmer,
deviendrait alors critiquable au regard de cette analyse.
73 GHESTIN (J.), GOUBEAUX (G.) avec le concours de FABRE-MAGNAN (M.), op. cit., n° 223.74 M. VALORY dénombre quatre utilités majeures à la « potestativité » en matière contractuelle danslaquelle sont englobés les droits potestatifs contractuels. La « potestativité » serait pour lui un instrumentde technique contractuelle, de qualification juridique, d’utilité publique et de classification juridique.Mais, d’une manière générale, il s’accorde à dire que “ d’un point de vue technique, la potestativité reposesur les propriétés de la sujétion ” in VALORY (S.), op. cit., n° 322 et suivants.75 Cass., 3 civ., 15 décembre 1993, D. 1995, somm. commentés p. 88, note AYNES.76 Cf. les observations de M. le Professeur AYNES à ce sujet. Dans le même sens, NAJJAR (I.), op. cit., n°97 ; VALORY (S.), op. cit., n° 60 et suivants.
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Plus encore que l’existence d’un pouvoir d’agir sur une situation juridique donnait
naissance à un droit sans objet, c’est donc l’existence de ce lien de sujétion qui
caractérise le droit potestatif77. Dès lors que la modification, l’extinction ou la création
d’une situation juridique intéressant autrui ne dépend que de la volonté d’une personne
et est indépendante de l’autre partie, le lien de sujétion sera suffisamment caractérisé
pour que l’on soit en présence d’un droit potestatif. Mais en raison de l’efficacité
redoutable qu’il confère à la volonté du droit potestatif, le lien de sujétion peut être
source d’arbitraire.
§2. Une source d’arbitraire
Le simple emploi du terme “ potestatif ” conduit à s’interroger sur l’arbitraire que
peut receler la notion même de droit potestatif : si dans le Code civil, le mot
“ potestatif ” renvoie à la condition potestative, et donc à ce qui dépend de la volonté
d’une personne78, il désigne dans une conception rénovée de cette condition l’arbitraire
d’une personne contre une autre.
La condition potestative79, définie à l’article 1170 du Code civil, est “ celle qui fait
dépendre l’exécution de la convention d’un événement qu’il est au pouvoir de l’une ou
de l’autre des parties contractantes de faire arriver ou d’empêcher ”. Son régime est
précisé à l’article 1174 du Code civil qui annule toute obligation “ lorsqu’elle a été
contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ”. Il est
également fait mention de la condition potestative à l’article 944 du Code civil qui, sans
la nommer, énonce que “ toute donation entre vifs faite sous des conditions dont
l’exécution dépend de la seule volonté du donateur sera nulle ”. Pour déterminer le
77 En ce sens, cf. BAILLOD (R.), “ Le droit de repentir ”, RTD civ. 1994.227, n° 20.78 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri CAPITANT, 3ème éd., Paris : P.U.F., 1992.79 Pour un exposé complet de la notion de condition, Cf. TAISNE (J.-J.), Juris-Classeur civil, articles 1168à 1174, fasc. 40 à 43. Du même auteur, Juris-Classeur civil, articles 1175 à 1180, fasc. 44 à 46 et lesréférences citées. Cf. également DEROUIN (P.), “ Pour une analyse fonctionnelle de la condition ”, RTDciv. 1978.1 ; IZORCHE (M.-L.), “ Contrats conditionnels et définitifs ”, RTD com. 1998.521 ; LELOUTRE(A.), “ Etude sur la rétroactivité de la condition ”, RTD civ. 1907.753.
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champ d’application de la prohibition de l’interdiction édictée par l’article 1174 du
Code civil, la doctrine, en cela devenue classique, distingue entre les conditions
purement potestatives et celles simplement potestatives. La condition purement
potestative est celle qui porte sur le consentement lui-même80 alors que la condition
simplement potestative est celle qui porte sur un fait dépendant de la volonté81. Selon
cette distinction encore approuvée par certains auteurs82 et qui semble encore en
apparence avoir la faveur de certains tribunaux83, seules les conditions purement
potestatives sont soumises à la censure de l’article 1174. Il s’agissait, pour la doctrine
classique, de protéger la réalité du consentement. Cette distinction ne rend néanmoins
plus compte du droit positif. Dans une conception rénovée de la condition potestative, il
a été montré que les juges ne retiennent pas les qualifications schématiques décrites,
mais recherchent, concrètement, si le débiteur peut, arbitrairement, se dégager de tout ou
partie de son obligation84. La condition prohibée par l’article 1174 n’est pas seulement
celle qui prohibe le défaut d’engagement du débiteur, mais également celle portant sur
un événement en son pouvoir, du moins lorsque le créancier est abandonné à l’arbitraire
de son cocontractant. Au souci de protéger le créancier de la réalité de l’engagement de
la part du débiteur, les juges préfèrent aujourd’hui assurer la protection d’une partie
contre l’arbitraire de l’autre. Cette théorie a rencontré un vif succès et s’est tellement
imposée dans l’esprit du juriste qu’il a été écrit que, non seulement, “ la condition n’est
potestative que si sa réalisation est soumise à la volonté arbitraire du débiteur ”85, mais
80 Elle n’est rien d’autre que la condition qui s’exprime sous la forme de “ si je veux ” ou “ si tel est monbon plaisir ”.81 C’est, par exemple, la condition “ si je vais à Paris ” ou “ si j’abats tel arbre ”.82 STARCK (B.), ROLAND (H.), BOYER (L.), Droit Civil : les obligations. « 2. Contrat », 6ème éd., Paris :Litec, 1996, n° 1271.83 Par exemple, CA Rennes, 1ère ch. B1, 16 novembre 1995, Juris-Data n° 048104 ; TGI Paris, 1ère ch.,sect. 1, 2 juillet 1997, Juris-Data n° 044227 ; Cass. 3ème civ., 22 novembre 1995, Petites Affiches, 4septembre 1996, n° 107, p. 15, note BLERY ; D. 1996, jurispr. p. 604, note MALAURIE ; Defrénois, art.36272, n° 14, obs. MAZEAUD ; D. 1996, somm. commentés, p. 830, obs. MAZEAUD, RTD civ. 1997.128,n° 12, obs. MESTRE.84 GHESTIN (J.), “ L’indétermination du prix de vente et la condition potestative (de la réalité duconsentement à la protection de l’une des parties contre l’arbitraire de l’autre) ”, D. 1973, chron., p. 251 ;Cette solution est aujourd’hui admise par la plupart des auteurs : BUFFELAN-LANORE (Y.), Répertoire civilDalloz, v° Condition ; COSTA (J.-L.), “ Condition potestative et validité des contrats ”, Rev. Administrer,mars 1985, p. 5 ; GHESTIN (J.), “ La notion de condition potestative au sens de l’article 1174 du codecivil ”, in Mélanges dédiés à A. Weill, Paris : Dalloz, 1983, p. 243 ; GOUBEAUX (G.), “ Remarques sur lacondition suspensive stipulée dans l’intérêt exclusif de l’une des parties ”, Defrénois 1979, art. 31987 ;TAISNE (J.-J.), La notion de condition dans les actes juridiques. Contribution à l’étude de l’obligationconditionnelle, thèse dact., Lille, 1977.85 DAGORNE-LABBE (Y.), note sous Cass. 3ème Civ., 13 octobre 1993, JCP (éd. G), 1994. II. 22 280. Lesitaliques sont de nous.
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encore que “ le caractère potestatif de la condition se limite aux hypothèses où sa
réalisation dépend de la volonté arbitraire du débiteur, de son seul caprice ”86. Or ce
raisonnement, juridiquement contestable au regard de l’article 1170 du Code civil,
montre à quel point le terme de “ potestatif ” est lié dans l’esprit du juriste contemporain
à la notion d’arbitraire.
Il est alors légitime de s’interroger : le droit potestatif n’est-il pas arbitraire ? Ou
plus exactement le droit potestatif ne peut-il pas mener son titulaire à user de son
pouvoir de manière arbitraire ? Formulées ainsi, ces questions n’apportent qu’une
réponse affirmative. Parce qu’il dépend de la seule volonté de son titulaire de le mettre
en œuvre, l’exercice du droit potestatif est unilatéral : le droit potestatif est donc
nécessairement arbitraire. Combattre la puissance de la volonté d’agir sur la sphère
juridique d’autrui reviendrait pourtant à rejeter la notion même de droit potestatif et à
nier son utilité.
Le terme “ arbitraire ” révèle cependant un second sens. Il désigne également la
décision injuste, ou immorale, celle soumise au seul caprice et au bon vouloir du
titulaire d’un droit. Le terme « arbitraire » revêt dans ce sens incontestablement un sens
péjoratif. Dans cet emploi, le droit potestatif ne peut être qualifié d’arbitraire. Dans la
conception restrictive du droit potestatif, le lien de sujétion confère sa pleine puissance à
la volonté du sujet actif, qui ne saurait être entravée par une quelconque limite.
L’exercice du droit potestatif est conçu de manière libre et ne peut dès lors être
considéré comme capricieux. Autrement dit, et au risque d’être provocant, le droit
potestatif ne peut se voir reprocher le grief de “ potestativité ”87.
86 Ibid.87 Le terme de “ potestativité ”, bien qu’il ne figure pas dans le vocabulaire juridique, est d’apparitionrécente. Il semble aujourd’hui admis par la doctrine. Une thèse récemment publiée a pour principal objetde définir le concept de “ potestativité ”. Elle soutient que dans une première approche, la notion esthétérogène, car elle se rattache soit à la sujétion – c’est le cas des droits potestatifs -, soit à l’arbitraire -c’est le cas de la condition potestative -.
Dès lors, la conception duale de la “ potestativité ” ne ferait aucun doute. Elle s’expliquerait,selon l’auteur de la thèse mentionnée, par l’étymologie même du mot “ potestativité ”, la racine latinepotestas (is) signifiant puissance, pouvoir. L’adjectif “ potestatif ” exprime dès lors dans les deux cas,droit potestatif et condition potestative, l’idée de puissance et de domination. Dans la conditionpotestative, il s’agit du pouvoir conféré à l’une des parties sur l’événement érigé en modalité del’obligation. Dans le droit potestatif, il s’agit du pouvoir reconnu au titulaire de modifier unilatéralementla situation juridique d’autrui.
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Pourtant, l’affirmation selon laquelle le droit potestatif conduit son titulaire à
empiéter sur la sphère juridique d’autrui est choquante dans la mesure où il serait naturel
d’affirmer un principe qui interdirait une telle possibilité88. Il est alors plus juste, nous
semble-t-il, de considérer que la sujétion pourrait conduire à l’arbitraire. Car laisser
entre les mains d’une des deux parties un tel pouvoir peut la conduire à en faire un
usage qui ne serait pas nécessairement conforme à ce que l’autre a accepté ou est en
droit d’attendre.
La jurisprudence relative à l’indétermination du prix dans les contrats-cadre
fournit un bon exemple de cette affirmation. Par quatre arrêts du 1er décembre 199589, la
Cour de cassation a reconnu le droit de fixer unilatéralement le prix dans les contrats-
cadre90. Le juge reconnaît un droit, indubitablement potestatif, à l’une des parties. Cela
est d’autant plus remarquable que la jurisprudence relative à l’indétermination du prix
dans les contrats-cadre avait pour but de protéger l’une des parties contre l’arbitraire de
l’autre en ne laissant pas la fixation du prix, dans le contrat, à la volonté unilatérale de
De ce constat, l’auteur propose une approche unitaire de la notion de potestativité en rapprochant
arbitraire et sujétion. Pour ce faire, il substitue au critère de l’arbitraire celui de sujétion dans la théorie dela condition potestative, rejetant cette dernière. Cette théorie serait fausse car reposant sur unecontradiction que l’auteur résume ainsi : comment un événement qui, par essence, doit être incertain etextérieur à la volonté des parties, pourrait-il se trouver au pouvoir de l’une d’entre elles ? De l’aveu mêmede l’auteur, si le rejet de la théorie de la condition potestative confère au concept de “ potestativité ” unaspect unitaire, celui-ci reste relatif. Il est en effet difficile d’imaginer que le critère de sujétion puisseaussi être substitué à celui d’arbitraire et ainsi de confondre les deux notions. Pour citer l’auteur,“ l’arbitraire est un instrument de protection au service des juges alors que la sujétion est essentiellementun instrument technique à l’usage des particuliers ”. La finalité distincte de ces deux notions montre lalimite de l'homogénéité du concept de “ potestativité ”.
A l’instar de M. le Professeur NAJJAR, il est permis de penser que la potestativité, si elle existe,n’est pas une notion “ monochromatique ”. Mais tel qu’il est employé par la majorité de la doctrine, àl’exception notable, il est vrai, de M. le Professeur NAJJAR, le terme de “ potestativité ” ne renvoie qu’àune notion d’arbitraire. Il n’y a ni potestativité négative, ni potestativité positive. Il n’y a qu’unnéologisme, dont la création n’est pas en soi critiquable mais qui ne décrit qu’une situation arbitraire.Pour des références faisant appel à la notion de « potestativité », Cf. MESTRE (J.), obs. sous Cass. 3ème
civ., 22 novembre 1995, RTD civ. 1997. 128, n° 12 ; MALAURIE (P.), note sous Cass. 3e civ., 22 novembre1995, D. 1996, jurispr., p. 604 ; PENNEAU (A.), note sous Cass. 1re civ., 22 juin 1994, D. 1995, jurispr., p.368 ; KANDE DE BEAUPUY (S.), “ les clauses d’earn-out ”, Dr. et patrimoine, janvier 1994, p. 26 ; MOULY(J.), note sous CA Versailles, 15e ch., 3 novembre 1992, D. 1994, jurispr., p. 284 ; GAVALDA (C.), notesous Cass. 1re civ., 2 mai 1990, D. 1990, jurispr., p. 41.88 M. VALORY n’hésite pas à affirmer l’existence d’un tel principe. Cf. VALORY, op. cit., n° 16.89 Cass. ass. plén., 1er décembre 1995, JCP (éd. G), 1996.II.22565, concl. JEOL, note GHESTIN.90 JAMIN (C.), Réseaux intégrés de distribution : De l’abus dans la détermination du prix au contrôle despratiques abusives ”, JCP (éd. G) 1996.I.3959, n° 12.
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l’une des parties91. Mais le contrat ne pouvait pas non plus servir d’instrument
d’injustice en permettant à la partie qui fixe unilatéralement le prix d’alléger ses
obligations ou d’aggraver celles de son cocontractant92. Ainsi la nullité pour
indétermination du prix était aussi et surtout le moyen de permettre à l’une des parties
de sortir du contrat, afin qu’elle ne subisse pas des prix imposés par son cocontractant
qui pouvaient l’exclure du marché93. Autrement dit, fixer un prix ne relève pas en soi
nécessairement d’une volonté mesquine de l’un des cocontractant mais peut conduire à
l’arbitraire, pris en son sens négatif, si les prix imposés ne permettent pas au
cocontractant de faire face à la concurrence. Mutatis mutandis, le lien de sujétion ne se
confond pas avec l’arbitraire, mais celui-ci peut découler de celui-là en l’absence de
vigilance. Il apparaît, somme toute logiquement, que la Cour de cassation soumette, afin
que le titulaire du droit potestatif n’en fasse pas un usage arbitraire, ce droit à son
contrôle.
91 En ce sens, GHESTIN (J.), Traité de droit civil. La formation du contrat, 3e éd., Paris : L.G.D.J., 1993,n° 704.92 GHESTIN (J.), op. cit., n° 706.93 JAMIN (C.), “ Les apports au droit des contrats-cadre ” in “ La détermination du prix : nouveaux enjeuxun an après les arrêts de l’assemblée plénière ”, Colloque, Paris, 17 décembre 1996, RTD com. 1997.19,n° 9.
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Conclusion du Chapitre I.
Les caractères du droit potestatif mettent en relief non seulement ce qu’il est, un
pouvoir unilatéral octroyé en vue d’influer sur une situation juridique, mais également
ce sur quoi il repose, un lien de sujétion. Définir ces caractères permet au surplus au
juriste de le confronter à des catégories juridiques qu’il sait appréhender.
De cette confrontation, il se déduit que la classification des droits en fonction de
leur objet est insuffisante pour décrire la réalité du mécanisme que constitue le droit
potestatif. Le droit réel est « le droit qui porte directement sur une chose (Res), un
pouvoir dont une personne est titulaire sur cette chose »94. Le droit personnel est « le
droit dont une personne (le créancier) est titulaire contre une autre personne (le
débiteur), le pouvoir de contraindre celle-ci à faire ou à ne pas faire quelque chose »95. À
cette traditionnelle distinction entre les droits réels et les droits personnels, la doctrine
moderne a ajouté deux catégories juridiques formées ultérieurement : les droits
intellectuels qui portent sur une création intellectuelle, comme le droit d’auteur96, et les
droits de la personnalité qui portent sur certains aspects de la personne même du titulaire
du droit, tels que l’honneur, l’image, l’intimité de la vie privée97. À l’opposé, le droit
potestatif, pouvoir par lequel son titulaire peut influer sur la situation juridique
préexistante, et qui repose techniquement sur le lien de sujétion, est un droit sans objet.
Le droit potestatif semble dès lors constituer une catégorie juridique autonome.
Son régime, et c’est la limite de la démonstration, reste néanmoins à affirmer98. Il
convient, toutefois, de rester vigilant à l’égard de cette catégorie de droit tant le risque
94 MAZEAUD (H.), MAZEAUD (L.), MAZEAUD (J.), CHABAS (F.), Leçons de droit civil. Introduction àl’étude du droit, 1ère éd., Paris : Montchrétien, 1991, n°159.95 Ibid.96 GHESTIN (J.), GOUBEAUX (G.) avec le concours de FABRE-MAGNAN (M.), Traité de droit civilIntroduction générale, 4e éd., Paris : L.G.D.J., 1994, n° 225.97 GHESTIN (J.), GOUBEAUX (G.) avec le concours de FABRE-MAGNAN (M.), op. cit., n° 226.98 En droit allemand, les « Gestaltungsrechte » obéissent à un régime commun : l’exercice du droit estirrévocable, il ne peut donc en principe être soumis à une condition ou un terme, etc. Cf. PEDAMON (M.),Le contrat en droit allemand, Coll. Droit des affaires, Paris : L.G.D.J., 1993, n° 589.
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d’arbitraire est grand. C’est la raison pour laquelle un contrôle exercé par le juge
s’impose.
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CHAPITRE II. LE CONTROLE DU DROIT POTESTATIF
Parce qu’il constitue une limite potentielle à son exercice, le contrôle du droit
potestatif, fût-il juridictionnel, est contesté par la doctrine99. Les droits potestatifs ne se
réalisant que par une simple manifestation de volonté de la part de leur titulaire100,
l’empiètement sur la sphère juridique d’autrui serait permise, sans qu’il soit possible
d’entraver la volonté du titulaire du droit. Autoriser le juge à exercer un contrôle
reviendrait à limiter la pleine puissance de la pleine puissance du titulaire du droit
potestatif, et à nier l’existence du lien de sujétion. En conséquence et de ce point de vue,
la doctrine conclut que « le titulaire peut, impunément, empiéter sur la sphère juridique
d’autrui »101.
Mais il a été montré que le droit potestatif contient un risque d’arbitraire102. Cet
arbitraire-là, qui doit être, selon nous, combattu, justifie un contrôle du juge. Autrement
dit, les caractères du droit potestatif qui excluent classiquement le contrôle du juge au
nom de la pleine puissance de la volonté et de l’existence du lien de sujétion sont, au
contraire, en raison du risque d’arbitraire inhérent au droit potestatif, le fondement son
intervention.
Le droit potestatif fait donc l’objet d’un contrôle juridictionnel dont il convient de
montrer que le principe n’est pas incompatible avec la notion même de droit potestatif
(Section 1). Il est alors séduisant de montrer si, et dans l’affirmative comment, le juge
met, concrètement, ce contrôle en œuvre (Section 2). 99 GRAMMATIKAS (G.), Théorie générale de la renonciation en droit privé, Paris : L.G.D.J., 1971, n° 99,cité par VALORY (S.), La potestativité dans les relations contractuelles, thèse, Aix-en-Provence : P.U.A.-M., 1999, Avant-propos de NAJJAR (I.), Préface de MESTRE (I.), n° 47 ; HACHE-CHACHINE (F.), “ Essaid’une nouvelle classification des droits privés ”, RTD civ. 1982.705, n° 48.100 V. Supra. Chapitre I. Section 1. §1.101 HACHE-CHAHINE (F.), loc. cit. C’est nous qui soulignons.
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Section 1. Le principe d’un contrôle exercé par le juge.
Admettre le principe d’un contrôle du droit potestatif exercé par le juge revient à
s’interroger doublement : c’est se demander, d’une part, si l’intervention du juge n’est
pas de nature à remettre en cause la nature potestative du droit. Or cette intervention
peut avoir lieu à deux moments : ou bien le contrôle juridictionnel est préalable à
l’exercice du droit, ou bien le contrôle est postérieur à celui-ci. C’est, d’autre part, se
demander si l’ensemble des droits potestatifs sont soumis au contrôle exercé par le juge
ou s’il existe certains droits qui, presque par nature, lui échapperaient.
Autrement dit, poser en principe un contrôle du droit potestatif revient à
s’interroger sur le moment de ce contrôle (§1), et sur son étendue (§2).
§1. Le moment du contrôle
Une alternative s’offre au juriste : soit il soumet le droit potestatif à un contrôle
exercé par le juge a priori, et l’action aura dès lors pour conséquence de « valider » le
droit potestatif. Soit il admet que le droit potestatif est valable préalablement à toute
intervention et, dans ce cas, le contrôle exercé par le juge interviendrait nécessairement
postérieurement à l’exercice du droit. Dans les deux cas, contrôle a priori ou contrôle a
posteriori, il convient de se demander si l’intervention du juge ne modifie pas le
caractère potestatif du droit.
Or, si le droit potestatif ne peut être validé a priori au risque de modifier le
caractère potestatif même du droit (A), un contrôle a posteriori respecte celui-ci (B).
102 V. Supra. Chapitre I. Section 1. §2.
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A) Un contrôle a priori modifie le caractère potestatif du droit
Les caractères du droit potestatif, tels qu’ils sont définis103, justifient que
l’hypothèse d’une intervention préalable du juge soit posée. Soumis à la « validation »
du juge, un tel droit n’autoriserait pas moins un empiètement sur la sphère juridique
d’autrui en évitant le risque d’arbitraire lié à son exercice : par ce contrôle a priori, le
juge garderait la possibilité d’écarter le risque d’arbitraire avant même l’exercice du
droit potestatif par son titulaire.
De cette affirmation, il découle néanmoins que la seule volonté du titulaire ne
serait plus toute puissante à modifier la situation juridique intéressant autrui. La mise en
œuvre nécessiterait, certes une manifestation de volonté du titulaire, mais également
l’intervention du juge. Cette intervention préalable modifierait en conséquence
profondément le caractère potestatif de ce droit en niant la puissance de la volonté et
l’existence du lien de sujétion.
Ce changement, dans la nature même du droit, peut être illustré par l’exemple de
la résolution dans les contrats à durée déterminée : l’article 1184 du Code civil dispose
qu’en cas d’inexécution d’une obligation imputable au débiteur dans un contrat
synallagmatique, « le contrat n’est point résolu de plein droit ». La résolution, « qui doit
être demandée en justice », est prononcée par le juge. L’intervention du juge est donc
préalable à toute résolution du contrat. Il garde la faculté d’apprécier si la résolution doit
ou non être prononcée ; en aucune manière, il n’est obligé de la constater104. Parce qu’il
est des hypothèses où l’urgence ou la gravité du comportement de l’une des parties
justifie que le contrat soit immédiatement résolu, la jurisprudence a cependant reconnu
au cocontractant, à côté de l’article 1184, le droit de résoudre le contrat
103 V. Supra. Chapitre I.104 Sur la question, cf. GHESTIN (J.) avec le concours de JAMIN (C.) et BILLIAU (M.), Traité de droit civil.Les effets du contrat, 2e éd., Paris : L.G.D.J., 1994.
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unilatéralement105. Indépendamment de l’intervention préalable du juge, un des
cocontractants peut, dans ces circonstances, rompre le contrat par une simple
manifestation de volonté. Ces deux formes de résolution n’en présentent pas moins une
nature différente : la résolution judiciaire n’est pas un droit potestatif, l’intervention
préalable du juge étant nécessaire, la seule manifestation de volonté ne peut à elle seule
mettre fin au contrat. Le débiteur n’est donc nullement tenu de subir la volonté de ce
dernier cas106 : en exécutant son obligation, il fait échec à l’action du créancier. En
revanche, parce qu’il est un « pouvoir unilatéral octroyé […] à l’une des parties »107, le
droit de résoudre unilatéralement est un droit potestatif108 : la seule manifestation de
volonté de l’une des parties au contrat est suffisante pour mettre fin au contrat. Son
cocontractant est tenu de subir la volonté de ce dernier109. Dès lors, puisque « la seule
différence entre la résolution judiciaire et la résolution unilatérale tient au fait que
l’intervention [du juge] est préalable à la rupture du contrat et postérieure dans
l’autre »110, le contrôle a priori a pour effet de supprimer le caractère potestatif du droit
de résoudre unilatéralement le contrat111. Il nie, de ce fait, le concept même de droit
potestatif et l’utilité pratique qui en résulte.
Si le droit potestatif peut certes conduire à un arbitraire qu’il est légitime de
combattre, le contrôle a priori exercé par le juge rejette la notion même de droit
potestatif. Vouloir promouvoir le droit potestatif, tout en restant vigilant quant au risque
d’arbitraire, incite à s’interroger sur la pertinence d’un contrôle a posteriori.
105 Cass. 1ère civ., 13 octobre 1998, D. 1999, jurispr., p. 197, note JAMIN, et les nombreuses référencescitées par l’auteur.106 Sur l’ensemble de la question, cf. VALORY (S.), op. cit., n° 218 et suivants.107 JAMIN (C.), note sous Cass. 1re civ., 13 octobre 1998, D. 1999, jurispr., p. 197, n° 4.108 En ce sens, cf. VALORY (S.), op. cit., n° 20.109 La doctrine allemande se prononce également en ce sens en qualifiant de « Gestaltungsrechte » le droitde résoudre unilatéralement un contrat de droit allemand. BGB § 346-361 pour la résolution contractuelle(vertragliches Rücktrittsrecht) et § 327 pour la résolution légale (gesetzliches Rücktrittsrecht). Cf.PEDAMON (M.), Le contrat en droit allemand, Coll. Droit des affaires, Paris : L.G.D.J., 1993, p. 169.110 JAMIN (C.), op. cit., n° 5.111 Les codificateurs avaient sans doute pressenti le risque de reconnaître un tel droit, car en préférant leprononcé judiciaire de la résolution, c’est non seulement par souci de d’humanité à l’égard du débiteurauquel un temps supplémentaire était accordé, mais également pour denier au créancier « le droit de sedélier trop facilement d’un contrat, dont il n’aurait plus voulu, en se prévalant de son inexécution par ledébiteur ». Cela revenait à courir le risque de permettre au créancier par son seul caprice de modifier une
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B) Un contrôle a posteriori respecte le caractère potestatif du droit
La nécessité d’un contrôle du droit potestatif étant affirmée, le contrôle a
posteriori exercé par le juge se justifie dès l’instant où les limites du contrôle a priori
ont été démontrées. L’appartenance du droit potestatif à la catégorie du droit subjectif112
postule d’ailleurs à ce type de contrôle, au moins sur le fondement de la théorie de
l’abus de droit113. De nombreux droits potestatifs en font déjà l’objet : droit de fixer
unilatéralement le prix dans les contrats-cadre, droit de résolution unilatérale, etc.
Il pourrait néanmoins être opposé qu’en présence d’un tel contrôle, le sujet passif
n’est plus tenu de subir un empiètement sur sa sphère juridique. Pour répondre à cette
objection, il est nécessaire de mettre en relief une distinction : le recours au juge n’est
pas utile à la mise en œuvre du droit, son titulaire peut donc agir sur la situation
juridique intéressant autrui, et le sujet contre qui le droit est dirigé est tenu de subir
l’empiètement. En revanche, il peut en contester les conséquences juridiques. L’action
du sujet passif est donc dirigée contre les conséquences juridiques de la mise en œuvre
du droit potestatif, et non contre la mise en œuvre elle-même.
La résolution des contrats à durée déterminée offre une nouvelle fois une
illustration pertinente de cette affirmation. L’existence d’un contrôle a posteriori est
clairement affirmée en jurisprudence114, car « en disposant de la faculté de déclarer seul
le contrat résolu, le créancier exerce un pouvoir dont le juge doit être en mesure de
vérifier qu’il ne l’a pas détourné de son seul profit »115. En présence d’un tel pouvoir, le
cocontractant, tenu de subir la volonté du titulaire de droit, ne peut que constater la
rupture du contrat. Mais il lui est possible de contester les conséquences de la décision
de son cocontractant qui a agi « à ses risques et périls »116.
situation juridique acquise, et de faire place à un arbitraire trop grand, inacceptable pour l’époque, inJAMIN (C.), op. cit., n° 2.112 V. Supra. Chapitre I. Section 1. §1.113 JAMIN (C.), “ Typologie des théories juridiques de l’abus ”, Rev conc. consom. 1996, n° 92,supplément juillet - août , p. 7.114 Cass. 1ère civ., 13 octobre 1998, D. 1999, juripr., p. 197, note JAMIN.115 JAMIN (C.), note sous Cass. 1ère civ., 13 octobre 1998, D. 1999, juripr., p. 197,n° 5.116 Cass. 1ère civ., 13 octobre 1998, D. 1999, juripr., p. 197, note JAMIN.
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Le caractère potestatif du droit est donc respecté en présence d’un contrôle a
posteriori du juge. Mais pour admettre le principe d’un contrôle, il ne suffit pas de
s’interroger sur le moment du contrôle. Il convient aussi de montrer que tous les droits
potestatifs y sont soumis. Cela consiste à s’interroger sur l’étendue du contrôle exercé
par le juge.
§2. L’étendue du contrôle
Certains droits subjectifs se caractérisent par le fait que leur exercice abusif ne
peut être sanctionné par le juge. Les droits subjectifs étant présumés licites avant tout
contrôle préalable du juge117, ces droits échapperaient, presque par nature, à tout
contrôle juridictionnel118 : ces droits sont appelés « droits discrétionnaires »119. Le doyen
JOSSERAND parlait de « droits non-causés » ou « abstraits », le doyen RIPERT de droits
« arbitraires »120. Parce qu’ils ne font pas l’objet d’un contrôle juridictionnel, ces droits
s’opposent en tant que catégories juridiques aux droits contrôlés, encore appelés droits
relatifs ou causés121. C’est à ROUATS qu’il revient le mérite d’avoir formulé clairement
la distinction entre droit discrétionnaire et droit contrôlé dans un article qui aujourd’hui
fait encore référence122.
Certains droits incontestablement répertoriés dans la liste des droits potestatifs
sont considérés par la doctrine comme discrétionnaires. Il s’agit par exemple des droits
117 ENCINAS DE MUNAGORRI (R.), L’acte unilatéral dans les rapports contractuels, thèse, Paris : L.G.D.J.,1996, Préface de LYON-CAEN (A.), n° 485.118 ROETS (D.), “ Les droits discrétionnaires : Une catégorie juridique en voie de disparition ? ”, D. 1997,chron., p. 92.119 « Du latin discretio, l’adjectif "discrétionnaire" renvoie à la faculté de distinguer, séparer, dedifférencier. Au sens étymologique du terme, il est donc question de discernement. Une prérogative estalors discrétionnaire lorsque celui qui l'exerce a la faculté de discerner, par lui-même, toute la portée et lavaleur de son acte. C’est pourquoi un éventuel contrôle du juge est au mieux inutile, au pire incongru,voire même nuisible », in ENCINAS DE MUNAGORRI (R.), op. cit., n° 475.120 Sur la notion de droits discrétionnaires, cf. GHESTIN (J.), GOUBEAUX (G.) avec le concours de FABRE-MAGNAN (M.), Traité de droit civil Introduction générale, 4e éd., Paris : L.G.D.J., 1994, n° 773 etsuivants.121 La notion de « droit causé » renvoie à la cause dans les actes juridiques, in JAMIN (C.), “ Typologie desthéories juridiques de l’abus ”, Rev conc. consom. 1996, n° 92, supplément juillet - août , p. 10.122 ROUATS (A.), “ Les droits discrétionnaires et les droits contrôlés ”, RTD civ. 1944.1.
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de rétractation en matière de consommation123 ou encore le droit d’acquérir la
mitoyenneté d’un mur124. Un auteur considère même, et c’est à souligner, que les droits
d’option sont discrétionnaires, car « on conçoit mal que [les titulaires du droit d’option]
puissent subir les conséquences d’un choix auquel, de toute façon, ils doivent
procéder »125. Qualifier les droits potestatifs, à tout le moins certains d’entre eux, de
discrétionnaires, revient à affirmer que l’exercice abusif de ces droits ne peut en aucun
cas être soumis au contrôle du juge, et réduit à néant l’affirmation selon laquelle le droit
potestatif doit être soumis, par principe, à un contrôle juridictionnel.
Il convient néanmoins de ne pas confondre l’impossibilité d’abus dans l’exercice
d’un droit et l’exercice abusif d’un droit qui échapperait à tout contrôle par le juge.
Déduire de l’absence constatée d’abus dans l’exercice d’un droit potestatif son caractère
discrétionnaire est sans doute excessif. Autrement dit, « ce n’est pas parce qu’un abus
allégué n’est pas retenu dans une affaire, ni a fortiori parce qu’aucune décision
judiciaire sanctionnant un usage abusif de droit ne peut être citée, que l’on ne peut
conclure à l’existence d’un secteur échappant au contrôle »126. Si l’exercice de certains
droits potestatifs est difficilement susceptible d’abus, c’est le cas par exemple du droit
d’option, il n’en demeure pas moins que l’hypothèse d’un abus n’est pas à exclure.
Quant à l’idée selon laquelle l’exercice abusif de certains droits échapperaient au
contrôle du juge, la doctrine qui se fait pourtant l’écho de l’existence d’une telle
catégorie se montre aujourd’hui critique à l’égard de cette théorie, et réticente à
distinguer « droits discrétionnaires » et « droits contrôlés ». La difficulté à trouver un
critère permettant de donner à cette théorie un fondement unitaire semble à l’ origine du
rejet de la catégorie des droits discrétionnaires : ni le critère de « la précision minutieuse
123 FERRIER (D.), “ Les dispositions d’ordre public visant à préserver la réflexion des contractants ”, D.1980, chron., p. 177, n° 35 et n° 41 ; ROETS (D.), op. cit., p. 95. Comp. BAILLOD (R.), “ Le droit derepentir ”, RTD civ. 1994.227, n° 28.124 GHESTIN (J.), GOUBEAUX (G.) avec le concours de FABRE-MAGNAN (M.), op. cit., n° 773 ; ROUATS(A.), op. cit., n° 19 ; ROETS (D.), op. cit., p. 94.125 ROETS (D.), op. cit., p. 95.126 GHESTIN (J.), GOUBEAUX (G.) avec le concours de FABRE-MAGNAN (M.), op. cit., n° 773. Ce sont lesauteurs qui soulignent.
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du contour des droits »127 soutenu par le doyen JOSSERAND, ni celui du caractère
personnel des motifs du titulaire du droit, avancé par le doyen RIPERT128, ne semblent
permettre de définir un critère susceptible de caractériser suffisamment les deux
catégories juridiques.
Un auteur, au soutien de cette théorie, paraphrasant volontairement et
consciemment DABIN, a fait néanmoins valoir que « le souci d’équité qui fonde la
théorie de l’abus [devrait] parfois céder devant des considérations d’un autre ordre dont
la méconnaissance engendrerait plus d’inconvénients que le possible abus »129. Il justifie
l’existence de la catégorie des droits discrétionnaires au motif que « dans certains cas,
par hypothèse exceptionnelle, il est utile de neutraliser la théorie de l’abus de droit »130.
Nul ne contestera que le recours à la catégorie des droits discrétionnaires répond à un
choix des juges131. Mais, dès lors, « l’absence de contrôle est plus liée à un choix de
politique juridique opéré par les juges qu’à la prise en compte d’une catégorie de droits
devant laquelle ils ne pourraient que s’incliner »132.
C’est la raison pour laquelle on peut douter de l’existence de la catégorie juridique
des droits discrétionnaires, et par-là même affirmer que tous les droits potestatifs sont
susceptibles d’un contrôle par le juge. Ce contrôle intervient nécessairement
postérieurement à l’exercice du droit potestatif, afin de respecter la nature potestative du
droit. Il apparaît dès lors nécessaire de confronter cette affirmation au regard de la mise
en œuvre effective du contrôle qu’opère le juge sur les droits potestatifs.
127 JOSSERAND (L.), De l’esprit des droits et de leur relativité : théorie de l’abus des droits, 2ème éd.,Paris : Dalloz, 1939, n° 306, cité par GHESTIN (J.), GOUBEAUX (G.) avec le concours de FABRE-MAGNAN(M.), op. cit., n° 774.128 RIPERT (E.), La règle morale dans les obligations civiles, Paris : L.G.D.J., 1944, n° 99 et suivants, citépar GHESTIN (J.), GOUBEAUX (G.) avec le concours de FABRE-MAGNAN (M.), loc. cit. Nous empruntons laformule à ROETS (D.), in ROETS (D.), op. cit., p. 94.129 ROETS (D.), op. cit., p. 95.130 Ibid.131 Dans le même sens, cf. GHESTIN (J.), GOUBEAUX (G.) avec le concours de FABRE-MAGNAN (M.), op.cit., n° 775.132 ENCINAS DE MUNAGORRI (R.), op. cit., n° 487.
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Section 2. La mise en œuvre du contrôle exercé par le juge.
Alors que le principe du contrôle du droit potestatif exercé par le juge est dégagé
de manière abstraite, sa mise en œuvre suppose, au contraire, des références constantes à
la jurisprudence. Parce que le principe même d’un contrôle du droit potestatif est, en
droit, théoriquement possible, il est important, en fait, de montrer comment le juge met
concrètement en œuvre ce contrôle.
Il s’agit dès lors de s’interroger sur les différentes sanctions que le juge adopte
pour contrôler le droit potestatif. De ce constat, il se dégage l’hypothèse suivante : le
juge intervient pour contrôler l’arbitraire susceptible d’être engendré par le droit
potestatif.
Ainsi, si les sanctions infligées par le juge sont diverses (§1), la finalité de son
contrôle est commune à l’ensemble des droits potestatifs (§2).
§1. Des sanctions diverses
Le droit potestatif ne devrait pas a priori faire exception aux règles gouvernant la
violation de normes juridiques : en matière contractuelle, l’irrégularité commise lors de
la formation du contrat devrait entraîner sa nullité et a fortiori celle de la clause
potestative. En revanche, lors de l’exécution du droit, l’irrégularité prendrait la forme
d’une indemnisation car susceptible d’être constitutive d’un abus de droit dont la
sanction consiste en la condamnation de dommages et intérêts sur le fondement de la
responsabilité civile.
Ce schéma, au demeurant simpliste, ne révèle pas l’état du droit positif : d’une
part, la nullité est une sanction particulièrement efficace si le juge entend éradiquer le
droit potestatif ab initio. D’autre part, l’abus de droit apparaît souvent comme une
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notion difficile à mettre en œuvre et conduit parfois à des conséquences proches de la
nullité.
La nullité du droit potestatif (A) et l’indemnisation de son exécution fautive (B)
seront ainsi successivement analysées.
A) La nullité
La nullité est la sanction de la violation des règles de formation du contrat, ce qui
explique que seuls les droits potestatifs fondés sur une clause contractuelle sont
concernés par la nullité. A l’inverse, il n’est pas envisageable pour le juge de prononcer
une telle sanction à l’égard de droits dont le fondement puise sa force dans la volonté du
législateur, ou ceux dont le juge reconnaît lui-même la validité.
En matière contractuelle, lorsqu’une irrégularité dans les conditions de formation
du contrat est constatée, la nullité s’impose. L’effet de la nullité est d’anéantir toutes les
obligations auxquelles le contrat a donné naissance. Face à cette sanction
particulièrement énergique, la jurisprudence apporte une restriction : si la clause ou la
condition a été la cause impulsive et déterminante de la volonté du cocontractant, la
nullité de l’acte dans son entier doit être prononcée ; dans le cas contraire, seule la
clause est nulle ou ,plus exactement, réputée non écrite.
Parce que l’adage « pas de nullité sans texte » subordonne le prononcé de la nullité
par le juge à l’existence d’un texte, le juge sanctionne le contrat ou la clause potestative
sur le fondement de l’article 1174 du Code civil. Par exemple, est sanctionnée par la
nullité de l’article 1174 la clause qui permet à un concessionnaire de résilier sur simple
dénonciation de la convention qui lui concédait l’exclusivité d’achat d’un appareil au
cas où « il ne parviendrait pas à écouler chaque année une quantité déterminée
d’appareils, au motif qu’aucun "contrôle, aucune vérification n’était réservée au
cocontractant [du concessionnaire], alors que par une appréciation subjective et
- 43 -
unilatérale, ce dernier avait la faculté de refuser en cours d’exécution de tenir les
engagements par lui unilatéralement pris »133.
Le recours à l’article 1174 du Code civil marque une extension jurisprudentielle
significative de ce texte. : d’une nullité frappant originellement les obligations
contractées sous condition potestative, la jurisprudence déduit la nullité des clauses
potestatives. Elle se justifie pour deux raisons.
D’une part, et en dépit de leurs définitions différentes134, la doctrine explique
fréquemment le fonctionnement des droits potestatifs par le mécanisme de la condition.
Par exemple, la doctrine du XIXème siècle a recours à une telle analyse pour décrire le
fonctionnement de la promesse unilatérale de vente ou du pacte de préférence135. La
doctrine contemporaine suggère que le droit de rétractation notamment en matière de
consommation s’analyse en condition résolutoire. Il est ainsi possible de rapprocher
condition et droit potestatif.
D’autre part, il a été montré que droit potestatif et condition potestative peuvent se
substituer136. Cette substitution en terme de condition potestative s’explique par le fait
que les concepts de droit potestatif et de condition potestative désignent la même réalité
juridique dans l’hypothèse de conditions entendues au sens strict, c’est-à-dire
d’éléments subordonnant la fonction ou l’efficacité d’un acte juridique. Au risque de
trahir cette théorie, la démonstration peut-être illustrée par un exemple : dans un arrêt du
25 avril 1989137, une clause d’un contrat d’édition prévoyait que « l’éditeur se réserve le
droit d’apprécier, lors de la remise du manuscrit, si l’œuvre convient bien au public et
aux buts visés, et précise que, dans la négative, des modifications ne pourront être
refusées par les coauteurs et l’éditeur pourra même demander une nouvelle rédaction du
texte. L’œuvre commandée ayant été acceptée par l’éditeur, celui-ci s’engage à la
publier ». User du droit d’apprécier si l’œuvre convient au public, ou s’engager à la
publier à la condition que l’éditeur apprécie si l’œuvre convient au public correspond
133 Cass. com., 28 juin 1965, Bull. civ. III, n° 405.134 V. Supra, Chapitre I, Section 2, §2.135 VALORY (S.), op. cit., n° 161 et n° 162.136 VALORY (S.), op. cit., n° 159 et suivants.137 CA Paris, 1ère Ch. A, 25 avril 1989, D. 1997, somm. commentés, p. 58, note COLOMBET.
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pour les juges à la même réalité. La Cour d’appel frappe dès lors, sur le fondement de
l’article 1174 du Code civil, le contrat d’édition de nullité, parce qu’il « soumet
l’engagement des deux coauteurs à une condition purement potestative, dès lors que la
nature et l’étendue des prérogatives abandonnées à l’éditeur, qui se réservait le droit de
décider, seul et sans aucun contrôle, si l’œuvre convenait bien au public et aux buts
visés, livraient à son entière discrétion l’œuvre des auteurs ».
Cette analyse, qui explique le recours à l’article 1174 du Code civil, ne peut
néanmoins totalement emporter la conviction : si de nombreux droits potestatifs peuvent
se confondre avec des conditions potestatives, il en est d’autres qui ne présentent aucun
caractère conditionnel, et qui leur sont pourtant assimilés sur le fondement de l’article
1174. Ainsi, furent sanctionnées, avant revirement de jurisprudence, la faculté de résilier
un contrat à durée déterminée138, la faculté de remboursement anticipé139 ou celle fixant
l’intérêt annuel selon le taux bancaire de base140 en matière de contrat de prêt.
L’exemple le plus significatif est celui relatif aux clauses de prix : avant la
reconnaissance jurisprudentielle du droit de fixer unilatéralement le prix dans les
contrats-cadres141, les clauses de prix catalogue étaient annulées parfois sur le
fondement de la condition purement potestative142. De manière générale, la nullité sur le
fondement de l’article 1174 du Code civil était souvent invoquée143. Or être titulaire du
droit de fixer unilatéralement le prix, ou s’engager à la condition de fixer le prix, ne
revient pas au même pour le cocontractant qui est par ailleurs tenu par une clause
d’approvisionnement exclusif. La nullité de l’article 1174 ne sanctionne dès lors pas
l’absence d’un élément sans lequel l’obligation ne peut exister, mais vise à protéger l’un
des cocontractants. Louable dans son principe, la volonté des juges ne manque pas de
138 Cass., 3ème civ., 16 janvier 1974, Bull. civ. III, n° 22. La troisième Chambre civile de la Cour decassation écarte l’application de l’article 1174 du Code civil dans l’arrêt du 16 janvier 1974, au motif quela clause affectant la durée de la convention n’était pas une condition au sens de l’article 1168 du Codecivil, in GHESTIN (J.), en collaboration avec JAMIN (C.) et BILLIAU (M.), op. cit., n° 212.139 Cass., 1ère civ., 2 mai 1990, D. 1990, Juripr. p. 51, note GAVALDA. La première Chambre civile de laCour de cassation refuse implicitement d’analyser la clause en une condition potestative, mais casse l’arrêtde la Cour d’appel pour violation de l’article 1129 du Code civil.140 Cass., 1ère civ., 22 juin 1994, D. 1995, jurispr., p. 361, note PENNEAU. Même remarque queprécédemment.141 Cass., ass. plén., 1er décembre 1995, JCP (éd. G), 1996. II. 22 565, concl. JEOL, note GHESTIN.142 Cass., 1ère civ., 21 janvier 1971, JCP (éd. G), 1971. II. 16 885, note OURLIAC et JUGLART ; Cf.également FERRIER (D.), “ La détermination du prix dans les contrats stipulant une obligationd’approvisionnement exclusif ”, D. 1991, chron., p. 237, et plus spécialement n° 2 et n° 8.143 GHESTIN (J.), Traité de droit civil. La formation du contrat, 3e éd., Paris : L.G.D.J., 1993, n° 707.
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critiques : d’abord, la nullité, en ce qu’elle anéantit rétroactivement le contrat, s’avère
vite être une sanction inadaptée si l’on veut promouvoir le droit potestatif. Ensuite, le
recours à l’article 1174 du Code civil marque une extension notable de son champ
d’application pour des considérations de politique juridique. Pour cette raison, il est
source d’insécurité juridique. Enfin, le juge opère une confusion entre arbitraire et
risque d’arbitraire. User d’un droit potestatif, c’est faire jouer à la volonté sa pleine
puissance sans pour autant qu’un arbitraire illicite ou immoral en découle
nécessairement. Or la sanction d’une clause est moins destinée à combattre le risque
d’arbitraire que l’arbitraire lui-même.
Cette dernière critique est peut-être la raison pour laquelle le juge valide
aujourd’hui de nombreuses clauses potestatives, sous réserve d’indemniser leur exercice
abusif.
B) L’indemnisation
L’indemnisation est envisagée en matière de droit potestatif de manière générale
comme la sanction d’un abus commis lors de l’exercice d’un droit : la faute ainsi
commise donne lieu à réparation sur le fondement de la responsabilité civile.
Il n’est pas nécessaire de reprendre ici les controverses que suscite la théorie de
l’abus de droit, dont l’imprécision du critère est peut-être la raison même de son
succès144. Il doit cependant être souligné que les tribunaux ne se limitent pas à
l’intention de nuire qui a toujours constitué une limite à l’exercice illicite d’un droit. Il
semble que dès l’instant où le titulaire d’un droit en fait un usage contraire à sa finalité
sociale, il en abuse145. La jurisprudence sanctionne par exemple, en matière de
concession commerciale, l’abus dans l’exercice du droit de résilier le contrat146. C’est
l’importance du préjudice subi par le cocontractant en raison de la rupture brutale qui
144 V. Supra Chapitre II, Section 1, §2.145 Sur ce point, JAMIN (C.), “ Les apports au droit des contrats-cadres ” in “ La détermination du prix :nouveaux enjeux un an après les arrêts de l’assemblée plénière ”, Colloque, Paris, 17 décembre 1996,RTD com. 1997.19, n° 9.146 Cass. com., 5 octobre 1993, JCP (éd. G), 1994. II. 22 224, note JAMIN.
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paraît, plus que l’intention de nuire, justifier le caractère fautif dans l’exercice du droit
de résilier. L’imprécision du critère n’est d’ailleurs pas le seul inconvénient de la notion
d’abus de droit : la preuve de l’abus est généralement difficile à rapporter, notamment
en matière d’indétermination du prix147.
Il a été montré que le contrôle du juge sur le fondement de l’abus est en pratique et
exclusivement en matière contractuelle d’intensité variable148. A titre d’exemple, les
droits potestatifs étroitement contrôlés sont notamment le droit potestatif de rupture
unilatérale, le droit potestatif de rupture exercé en cas d’urgence, le droit potestatif
portant sur la fixation unilatérale du prix dans les conventions-cadres… A l’inverse, les
droits potestatifs faiblement contrôlés sont le droit potestatif de préemption et de retrait,
le droit potestatif de dédit, le droit potestatif de rétractation du consommateur, le droit
potestatif d’option…Chacun des droits potestatifs a donc, en la matière, un régime
propre. La raison de l’intensité variable du contrôle du droit potestatif est sans doute à
rechercher dans le fait que certains droits potestatifs font l’objet d’un préjugé de licéité
plus fort que d’autres149. Reste qu’en indemnisant le cocontractant sur le fondement de
l’abus, le juge reconnaît la validité de principe du droit potestatif.
Nullité et indemnisation sont les deux sanctions possibles consécutives à
l’intervention du juge. Il semble pourtant envisageable de dégager une finalité
commune.
§2. Une finalité commune
La lutte contre les situations arbitraires apparaît comme la finalité commune à
l’ensemble des droits potestatifs du contrôle exercé par le juge. Il s’agit pour ce dernier
147 En ce sens et en matière de fixation unilatérale de prix, cf. JAMIN (C.), “ Les apports au droit descontrats-cadre ” in “ La détermination du prix : nouveaux enjeux un an après les arrêts de l’assembléeplénière ”, Colloque, Paris, 17 décembre 1996, RTD com. 1997.19n° 11.148 VALORY (S.), op. cit., n°806. Nous ne reprendrons que très partiellement la thèse de M. VALORY enraison de la vision extensive de la potestativité de l’auteur qui inclut, en la matière, par exemplel’acceptation d’une offre de contrats.149 VALORY (S.), op. cit., n°804. La formule est empruntée à Monsieur le Professeur JAMIN in JAMIN (C.),“ Réseaux intégrés de distribution : De l’abus dans la détermination du prix au contrôle des pratiquesabusives ”, JCP (éd. G) 1996.I.3959.
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de protéger celui dont la situation juridique est modifiée, tout en respectant la pleine
puissance de la volonté du titulaire du droit.
Le rôle du juge ne saurait se limiter à cette seule finalité : il est des hypothèses où
l’intervention du juge est justifiée par la fraude ou par l’incertitude d’une situation dont
l’exacte qualification juridique doit être connue150. Les termes employés par la
jurisprudence laissent néanmoins transparaître son souci de combattre l’arbitraire
découlant des droits potestatifs. Par exemple, est sanctionnée par le juge, en
l’occurrence sur le fondement de la clause purement potestative, et donc par une
nullité151, la clause qui permet à une société de pouvoir « à son seul gré » décider ou
non d’acquérir un immeuble. Le juge fait parfois expressément référence à la notion
d’arbitraire. Par exemple, il sanctionne par une nullité la clause de prix qui permet au
débiteur de fixer une redevance « par une décision unilatérale et arbitraire »152. Par
contre, la clause de résiliation de plein droit est déclarée valable parce qu’elle « ne
constituerait pas un droit unilatéral abandonné à la volonté arbitraire d’une seule
partie »153.
Il est parfois difficile de distinguer les situations arbitraires de celles qui ne le sont
pas. Inspiré de la théorie des conditions potestatives dégagée par Monsieur le Professeur
GHESTIN154, il est possible de déterminer plusieurs critères de l’arbitraire.
150 Comp. VALORY (S.), op. cit., n°489 et suivants. M. VALORY considère que la requalification opéréepar le juge permet de transformer une « potestativité » prohibée en une « potestativité » licite. Ce travaildu juge présenterait l’avantage de conserver un mécanisme potestatif, mais dénué de tout arbitraire. Outrece qu’il a déjà été mentionné sur la notion de « potestativité », deux remarques s’imposent : d’une part, lejuge est tenu de redonner aux faits leur exacte qualification. Ce n’est donc pas un moyen en tant que teldonné au juge de lutter contre l’arbitraire. D’autre part, M. VALORY, au soutien de sa thèse, ne donne pasd’exemple de mise en œuvre arbitraire d’un droit potestatif qui, par une requalification active du juge,conserverait son efficacité juridique pourchassée de l’arbitraire. La requalification d’un contrat souscondition potestative en promesse unilatérale de contrat, qui n’est d’ailleurs pas admis en jurisprudence,procède plus, par un choix de l’auteur, d’une volonté de valider les conditions potestatives prohibées parl’article 1174 du Code civil, que de celle de pourchasser l’arbitraire qui découle d’un mécanismepotestatif. Autrement dit, en requalifiant le juge cède devant l’arbitraire au lieu de le combattre.151 Cass., 3ème civ., 13 octobre 1993, Bull. civ. III, n° 121, D. 1994, somm. commentés, p. 231, obs.Paisant, JCP (éd. G) 1994. II. 22 280, note DAGORNE- LABBE. C’est nous qui soulignons.152 CA Paris, 18 octobre 1984, Gaz. Pal. 1985. I. 221. C’est nous qui soulignons.153 Cass. Soc., 28 octobre 1983, Bull. civ. IV, n° 739. C’est nous qui soulignons.154 GHESTIN (J.), “ L’indétermination du prix de vente et la condition potestative (de la réalité duconsentement à la protection de l’une des parties contre l’arbitraire de l’autre) ”, D. 1973, chron., p. 251 ;du même auteur, “ La notion de condition potestative au sens de l’article 1174 du code civil ”, inMélanges dédiés à A. Weill, Paris : Dalloz, 1983, p. 243.
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Premièrement, l’exercice d’un droit potestatif n’est pas toujours arbitraire et
échappe en conséquence à la sanction du juge lorsque sa mise en œuvre porte atteinte
aux intérêts de son titulaire155. Le risque d’arbitraire est écarté par le juge en raison du
sacrifice que le titulaire du droit doit consentir s’il le met en œuvre. Par exemple, le
droit d’une société pétrolière de décider unilatéralement du prix à la pompe et donc de la
commission allouée au propriétaire d’une station-service, n’est pas arbitraire, car fixer
un prix à la baisse a pour conséquence directe pour la société pétrolière de diminuer ses
propres bénéfices156.
Une seconde illustration est fournie par la faculté de dédit : celle-ci est le droit
reconnu à l’une des parties en vertu d’une clause contractuelle (la clause de dédit) de
résoudre unilatéralement un contrat de vente moyennant l’abandon d’une somme
d’argent (le dédit)157. La faculté de dédit s’analyse comme un droit de repentir organisé
par le contrat lui-même qui permet à celui qui exerce la faculté de dédit de revenir sur
son engagement, dès lors qu’il s’est engagé. Concrètement l’une des parties au contrat
peut révoquer son consentement mais moyennant le paiement ou l’abandon d’une
somme d’argent. La faculté de dédit est un droit potestatif : le titulaire du droit a la
possibilité de résoudre unilatéralement le contrat de vente sans que son cocontractant ne
puisse s’y opposer. Mais elle se différencie des autres droits potestatifs par le versement
de la contrepartie financière. L’existence de cette contrepartie semble ôter pour une
partie de la doctrine et par le juge son caractère arbitraire à la mise en œuvre de la
faculté de dédit en raison du préjudice qu’elle cause à son titulaire158.
L’efficacité du critère laisse toutefois songeur : il est de nombreuses situations où
l’existence d’un sacrifice consenti, qui n’est somme toute qu’un sacrifice pécuniaire,
s’avère insuffisante à elle seule pour protéger le cocontractant.
Un second critère est utilisé par la jurisprudence. Le droit potestatif échappe à tout
arbitraire lorsque la volonté de son titulaire est subordonnée à des circonstances
155 Cf. VALORY (S.), op. cit., n° 478 et suivants.156 Cass. com., 17 décembre 1991, D. 1992, somm. commentés p. 267, obs. FORTIS.157 Cf. VALORY (S.), op. cit., n° 253.158 Cf. VALORY (S.), op. cit., n° 186 et n° 482.
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extérieures et objectives159. Par exemple, lorsqu’un installateur de distributeurs de
boissons se réserve contractuellement la possibilité de retirer ceux dont l’exploitation est
déficitaire depuis quinze jours après avoir avisé le dépositaire, ce dernier voit sa
demande d’annulation du contrat rejetée, au motif que la réalité du déficit peut être
vérifiée et ne dépend aucunement de la volonté de l’installateur160. En revanche, la
clause qui permet à un concessionnaire de résilier sur simple dénonciation la convention
lui concédant l’exclusivité d’achat d’un appareil, au cas où « il ne parviendrait pas à
écouler chaque année » une quantité déterminée d’appareils, est déclarée nulle dès lors
qu’aucun « contrôle, aucune vérification n’était réservée au cocontractant [du
concessionnaire], alors que par une appréciation subjective et unilatérale, ce dernier
avait la faculté de refuser en cours d’exécution de tenir les engagements par lui
unilatéralement pris »161.
Un contrôle efficace de l’arbitraire réside sans doute dans ce critère. Dans toutes
ces hypothèses, le juge recherche si la volonté de mettre en œuvre le droit repose sur des
éléments objectifs susceptibles d’un contrôle judiciaire. En cas contraire, le « grief
d’arbitraire » sera retenu162. Il ne s’agit donc pas de faire dépendre la mise en œuvre du
droit par des éléments extérieurs, mais d’apprécier ce qui détermine le titulaire à agir.
La jurisprudence fournit une illustration intéressante de cette distinction : en
matière de clause de prix, la clause d’approvisionnement exclusif, qui fait référence au
tarif en vigueur au jour des commandes d’approvisionnement à intervenir, n’est pas,
selon la jurisprudence, abusive lorsqu’elle concerne « une liste élargie de fournisseurs,
ou guide étendu des achats ainsi qu’un catalogue des produits et un tarif de vente
indicatif », et lorsque « le franchiseur a laissé au franchisé la liberté de négocier les prix
selon la loi du marché sans souffrir d’une position dominante et arbitraire du
franchiseur »163. Parce qu’il ne dépend plus de la volonté du bénéficiaire de la clause de
fixer les prix, la clause n’est plus en tant que telle un mécanisme potestatif. Il est permis
de s’interroger sur ce qu’il reste « en dernière analyse du droit de fixer unilatéralement
159 Cf. VALORY (S.), op. cit., n° 467 et suivants.160 Cass. com., 12 mai 1980, Bull. civ. IV, n°190.161 Cass. com., 28 juin 1965, Bull. civ. IV, n° 406.162 Dans le même sens, cf. VALORY (S.), op. cit., n° 734.163 Cass. com , 21 janvier 1997, D. 1997, Jurispr., p. 414, note JAMIN.
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le prix, éventuellement par le biais d’une clause "faisant référence au tarif en vigueur au
jour des commandes d’approvisionnement à intervenir", dont la validité n’est certes plus
contestable, si l’autre partie doit être en mesure de le négocier selon la loi du
marché »164 On en déduit que la volonté du titulaire de droit doit se déterminer en
fonction d’éléments objectifs si l’on veut conserver et promouvoir le droit potestatif et
non sa mise en œuvre.
L’usage de ce critère pourrait permettre ainsi de contrôler de nombreux droits
potestatifs en éradiquant toute forme d’arbitraire.
164 JAMIN (C.), note précitée.
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Conclusion du Chapitre II.
Contrairement à l’affirmation de départ, le droit potestatif peut théoriquement
faire l’objet d’un contrôle exercé par le juge. Par respect de la nature du droit potestatif,
ce contrôle est nécessairement a posteriori. En pratique, si le juge a conscience de
l’arbitraire néfaste qui peut découler de l’exercice du droit potestatif, celui-ci utilise
différentes sanctions. La nullité en matière contractuelle semble inappropriée à la
reconnaissance du droit potestatif, même si le fondement juridique peut s’expliquer.
L’indemnisation apparaît comme une sanction plus adaptée à la mise en œuvre du droit
potestatif, mais l’imprécision du critère de l’abus limite l’affirmation. Il reste dès lors à
inciter le juge et la doctrine à inventer des sanctions plus adéquates, qui permettent à la
fois de reconnaître les droits potestatifs tout en combattant l’arbitraire.
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CONCLUSION GENERALE
De l’exposé des caractères du droit potestatif se dégage la richesse et l’utilité
pratique de la notion. Parce qu’il repose sur un lien de sujétion, le droit potestatif donne
à son titulaire le pouvoir de modifier la situation juridique intéressant autrui. Mais, faute
de l’existence d’un régime véritablement commun, la portée de la catégorie juridique en
tant que telle est limitée. Néanmoins, rechercher les caractères du droit potestatif met en
lumière l’existence d’un risque d’arbitraire inhérent à la notion.
Dans une conception stricte, ce risque est souvent occulté en raison de sa faible
présence dans les droits potestatifs reconnus comme tels, comme par exemple le droit
d’option. Il justifie pourtant l’intervention du juge, d’autant que rien n’interdit,
contrairement à une opinion doctrinale contraire, l’exercice d’un contrôle par ce dernier,
au moins sur le fondement de l’abus de droit.
Le juge exerce d’ailleurs son contrôle notamment là où le risque semble le plus
grand, dans le contrat. En cette matière le juge a recours à l’article 1174 du Code civil
pour sanctionner l’exercice abusif du droit potestatif, au risque de confondre l’arbitraire
en tant que manifestation de la volonté unilatérale dans le contrat, et cet autre arbitraire
qui révèle l’utilisation illicite ou immorale du droit potestatif. La nullité apparaît
d’autant plus inappropriée si l’on se fixe comme objectif la promotion du droit
potestatif. Reste que l’indemnisation sur le fondement de l’abus de droit ne semble pas
être un mécanisme suffisamment protecteur du cocontractant.
Il reste dès lors à inviter juge et doctrine à faire preuve d’originalité pour
sanctionner les conséquences néfastes de la mise en œuvre du droit potestatif, si le bel
avenir promis à ce dernier se confirme.
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V. NOTES, CONCLUSIONS ET COMMENTAIRES DE JURISPRUDENCE
AUBERT (J.-L.),- obs. sous Cass. 3e civ., 7 juin 1983, Defrénois, art. 33326, n° 48
AUDIT (B.),- obs. sous Cass. 3e civ., 8 octobre 1980, D. 1981, IR, p. 441- obs. sous Cass. com., 9 décembre 1980, D. 1981, IR, p. 441
AYNES (L.),- obs. sous Cass. com., 5novembre et 19 novembre 1991, D. 1992, somm. commentés, p.266, n° 4 et 5- obs. sous Cass. 3e civ., 15 décembre 1993, D. 1995, somm. commentés, p. 87, n° 2- obs. sous Cass. 3e civ., 4 janvier 1995, D. 1995, somm. commentés, p. 236- note sous Cass. ass. plén. 1re décembre 1995, D. 1996, jurispr., p. 18
BECQUE (E.),- note sous CA Angers, 11 avril 1951, JCP (éd. G), 1951. II. 6615
BERR (C.-J.),- obs. sous Cass. 1re civ., 22 novembre 1989, D. 1991, jurispr., p. 68
BERR (C.-J.), GROUTEL (H.),- note sous TI Valenciennes, 13 mai 1982, D. 1984, jurispr., p. 408
BLERY (C.),- note sous Cass. 3e civ., 22 novembre 1995, Petites affiches, 4 septembre 1996, n° 107,p.15
CABRILLAC (M.), TEYSSIE (B.),- obs. sous Cass. com., 9 juin 1992, RTD com. 1992.652
CASAUX (L.),- note sous Cass. 1re civ., 9 février 1994, D. 1994, jurispr., p. 605
CHABAS (F.),- obs. sous Cass. 3e civ., 8 octobre 1980 et Cass. com., 9 décembre 1980, RTD civ.1981.851, n° 3
- 59 -
COLOMBET (C.),- obs. sous CA PARIS, 1re ch. A, 25 avril 1989, D. somm. commentés, p. 58
Dagorne- LABBE (Y.),- note sous Cass. 3e civ., 13 octobre 1993, JCP (éd. G) 1994.II.22280
FORTIS (E.),- obs. sous Cass. com., 17 décembre 1991, D. 1992, somm. commentés, p. 267
GOUBEAUX (G.),- obs. CA Paris, 15e ch., 15 mars 1974, JCP (éd G) 1974.II.17786
GAUTIER (P.-Y.),- note sous Cass. com., 19 juin 1990, D. 1991, jurispr., p. 436
GAVALDA (C.),- note sous Cass. 1re civ., 2 mai 1990, D. 1990, jurispr., p. 41
GAVALDA (C.), STOUFFLET (J.),- obs. sous Cass. 1re civ., 20 octobre 1982, JCP (éd E) 1986.II.14777, p. 596, n° 72
GHESTIN (J.),- note sous Cass. 1re civ., 29 novembre 1994, JCP (éd G) 1995.II.22371- note sous Cass. ass. plén., 1er décembre 1995, JCP (éd. G.) 1996.II.22565
GRILLET-PONTON (D.),- obs. sous Cass. com., 15 juin 1982, JCP (éd. G) 1984.II.20141
HEMARD (J.),- obs. sous Cass. com., 9 décembre 1980, RTD com. 1981.830, n° 12
JAMIN (C.),- note sous Cass. com., 21 janvier 1997, D. 1997, jurispr., p. 414- note sous Cass. 1re civ., 13 octobre 1998, D. 1999, jurispr., p. 197
LEVENEUR (L.),- note sous Cass. 1re civ., 29 novembre 1994, JCP (éd E.) 1995.II.662
MALAURIE (P.),- note sous Cass. 3e civ., 22 novembre 1995, D. 1996, jurispr., p. 604
MAZEAUD (D.),- obs. sous Cass. 3e civ., 22 novembre 1995, Defrénois, art. 36272, n° 14- obs. sous Cass. 3e civ., 22 novembre 1995, D. 1996, somm. commentés, p. 330- note sous Cass. 3e civ., 30 avril 1997, D. 1997, somm. commentés, p. 405
- 60 -
MAZEAUD (H.), MAZEAUD (L.),- obs. sous Cass. civ., 7 janvier 1955, RTD civ. 1955.516, n° 41
Mestre (J.),- obs. sous Cass. 3e civ., 7 juin 1983, RTD civ. 1984.713, n° 6- obs. sous Cass. 1re civ., 21 mars 1984, RTD civ. 1985.381, n° 6- obs. sous Cass. 1re civ., 2 mai 1990, RTD civ. 1991.111, n° 2- obs. sous Cass. 3e civ., 22 novembre 1995, RTD civ. 1997.128, n° 12
MOULY (J.),- note sous CA Versailles, 15e ch., 3 novembre 1992, D. 1994, jurispr., p. 284
NAJJAR (I.),- note sous Cass. 3e civ., 17 avril 1984, D. 1985, jurispr., p. 234
PAIRE (G.),- note sous CA Paris, 2e ch. A, 24 septembre 1991, D. 1992, jurispr., p. 246
PAISANT (G.),- obs. sous CA Paris, 5e ch. A, 4 avril 1990, D. 1991, somm. commentés, p. 162- obs. sous Cass. com., 26 février 1991 et 2 juillet 1991, D. 1992, somm. commentés, p.199- obs. sous Cass. 3e civ., 13 octobre 1993, D. 1994, somm. commentés, p. 231
PENNEAU (A.),- note sous Cass. 1re civ., 22 juin 1994, D. 1995, jurispr., p. 368
SERRA (Y.),- obs. sous Cass. soc., 12 avril 1995, D. 1996, somm. commentés, p. 246
STEMMER (B.),- obs. sous Cass. com., 22 novembre 1976, JCP (éd.G) 1978.II.18903
TOURNAFOND (O.),- obs. sous Cass. 3e civ., 5 avril 1995, D. 1996, somm. commentés, p. 8
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TABLE DES MATIERES
Sommaire
Abréviations
Introduction
Chapitre I. Les caractères du droit potestatif
Section 1. L’existence d’un pouvoir direct sur une situation juridique§1. Le pouvoir unilatéral octroyé au titulaire du droit potestatif§2. La modification de la situation juridique intéressant autrui
Section 2. La nécessité d’un lien de sujétion§1. Un rapport de droit§2. Une source d’arbitraire
Conclusion du chapitre I.
Chapitre II. Le contrôle du droit potestatif
Section 1. Le principe d’un contrôle exercé par le juge§1. Le moment du contrôle
A) Un contrôle a priori modifie le caractère potestatif du droitB) Un contrôle a posteriori respecte le caractère potestatif du droit
§2. L’étendue du contrôleSection 2. La mise en œuvre du contrôle exercé par le juge
§1. Des sanctions diversesA) La nullitéB) L’indemnisation
§2. Une finalité communeConclusion du chapitre II.
Conclusion générale
Bibliographie
Table des matières