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UNIVERSITE OMAR BONGO REPUBLIQUE GABONAISE ************* Union-Travail-Justice ********** FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES ************** DEPARTEMENT DE DROIT PRIVE ************** ANNEE ACADEMIQUE 2016-2017 NOTES DE COURS INTRODUCTION AU DROIT CEMAC ET OHADA 2 e Partie : Le droit matériel de la CEMAC et de l’OHADA Pr ETIENNE NSIE Agrégé de droit privé Faculté de Droit et des Sciences Economiques Université Omar BONGO 2 e partie : Le droit matériel CEMAC et OHADA

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UNIVERSITE OMAR BONGO REPUBLIQUE GABONAISE

************* Union-Travail-Justice

**********

FACULTE DE DROIT

ET DES SCIENCES ECONOMIQUES

**************

DEPARTEMENT DE DROIT PRIVE

**************

ANNEE ACADEMIQUE

2016-2017

NOTES DE COURS

INTRODUCTION AU DROIT CEMAC ET OHADA

2e Partie : Le droit matériel de la CEMAC et de l’OHADA

Pr ETIENNE NSIE

Agrégé de droit privé

Faculté de Droit et des Sciences Economiques

Université Omar BONGO

2e partie : Le droit matériel CEMAC et OHADA

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Le droit matériel désigne les domaines d’intervention ratione materiae des Traités

CEMAC et OHADA. A travers l’étude du droit matériel, il s’agit de déterminer les domaines

de l’harmonisation des activités économiques et financières ou du droit des affaires.

Pour ce faire, il convient de déterminer les sources du droit de la CEMAC et de

l’OHADA (chapitre 1) et de s’interroger sur les rapports entre les organisations d’intégrations

en Afrique centrale.

Chapitre 1 : Les sources du droit de la CEMAC et de l’OHADA

Le droit CEMAC et le droit OHADA ont deux sources qui se complètent. Il y a, d’une

part, les sources primaires et, d’autre part, les sources dérivées.

Section 1 : Les sources primaires

S’il existe une pluralité de sources primaires du droit CEMAC, le droit OHADA, en

revanche, n’a comme source primaire que le traité constitutif.

§1 : Les sources primaires du droit de la CEMAC

Il existe plusieurs sources du droit primaire CEMAC. C’est ce qui ressort de l’article

11 du Traité CEMAC selon lequel les institutions, organes et institutions spécialisées de la

CEMAC agissent en application du Traité et de son additif, des conventions créant l’UEAC et

l’UMAC ainsi que par les statuts et autres textes respectifs de ces institutions et organes.

Ainsi, le droit primaire CEMAC doit être recherché dans le traité et son additif, les actes

additionnels et les conventions prises en application du Traité.

I : Le Traité CEMAC et son additif

Le Traité CEMAC et son additif constituent les actes fondateurs de la Communauté

dont ils décrivent le système institutionnel et juridique. Ce système s’applique dans un champ

spatial et matériel déterminé.

A : Le champ spatial du Traité et de son additif

Le traité et son additif s’appliquent sur le territoire des Etats signataires qui sont

désignés comme Etats membres. Ces Etats membres sont cités dans le préambule du Traité. Il

s’agit, dans l’ordre alphabétique, du Cameroun, de la République Centrafricaine, du Congo,

du Gabon, de la Guinée Equatoriale et du Tchad. Ce champ spatial est confirmé par l’article

52 de l’additif au traité CEMAC relatif au système institutionnel et juridique de la

Communauté qui s’applique « sur le territoire de chacun des Etats signataires". Il en est

encore ainsi de l’additif au Traité CEMAC relatif à la transformation du Secrétariat Exécutif

en Commission. Cet additif est aussi applicable dans tous les Etats membres. Il résulte du

Traité et de ses additifs que l’Etat membre de la CEMAC est un des Etats signataires du Traité

et de ses additifs.

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Le champ spatial du Traité CEMAC peut être élargi en application de l’article 55 du

Traité qui permet l’adhésion à la CEMAC de tout Etat africain qui partage les mêmes valeurs

et idéaux que les Etats fondateurs de la CEMAC.

Par ailleurs, la CEMAC peut conclure des conventions d’association avec des Etats

non membres de la CEMAC. Ces conventions portent sur la participation d’un Etat non

membre à une ou plusieurs politiques de la Communauté. Les accords d’association ne

rendent pas le traité et son additif applicables dans l’Etat non membre.

B : Le champ matériel du Traité et de son additif

Le champ matériel désigne les domaines dans lesquels intervient la Communauté. Ces

domaines ont un rapport direct avec l’économie puisque le traité instituant la CEMAC met

l’accent sur la relation étroite entre le droit et l’économie. C’est parce que le droit permet la

réalisation du progrès économique que l’édification de la CEMAC passe par une unification

de la législation encadrant les activités économiques et financières. L’unification du droit

commercial est alors une condition de l’unification économique et monétaire.

Dans cette optique, le traité CEMAC vise, d’une manière générale, l’unification des

activités économiques et financières. Cette unification prend la forme de règlements (Voir les

articles 2-a, 4-a et 7 de la convention instituant l’UEAC ainsi que les articles 5-d et 31 à 34 de

la convention régissant l’UMAC).

II : Les Actes additionnels CEMAC

Selon les article 41 du Traité et 21 de son additif, l’acte additionnel est annexé au

Traité qu’il complète sans le modifier. L’acte additionnel est adopté en application de l’article

40 du Traité et 20 de son additif par la Conférence des Chefs d’Etat. Dans les faits, on

distingue les actes additionnels normatifs des actes additionnels décisionnels.

A : Les Actes additionnels normatifs

Les actes additionnels normatifs sont ceux qui complètent le Traité sans le modifier.

Ils constituent une source du droit primaire CEMAC en ce qu’ils régissent le système

institutionnel ou juridictionnel de la CEMAC. A ce titre, constituent par exemple des actes

additionnels normatifs :

- l’Acte Additionnel N° 06/00/CCE-041-CCE-CJ-02 portant Statut de la Chambre

judiciaire ;

- l’Acte Additionnel N° 07/00/CCE-041-CCE-CJ-02 portant Statut de la Chambre des

comptes ;

- Acte additionnel n° 05/CEMAC-176- CCE-11 du 25 juillet 2012 harmonisant la durée

des mandats des responsables des institutions, organes et institutions spécialisées de la

CEMAC ;

- Acte additionnel prorogeant le mandant des juges de la Cour de Justice de la CEMAC.

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Seuls ces actes font partie du droit primaire CEMAC, à l’exclusion des actes

additionnels décisionnels.

B : Les Actes additionnels décisionnels

A la différence des actes additionnels normatifs, les actes additionnels décisionnels ne

complètent ni a fortiori ne modifient le Traité. Ils ne contiennent pas des dispositions visant à

compléter le système institutionnel ou juridique de la Communauté. Les actes additionnels

décisionnels contiennent plutôt des mesures individuelles prises par la Conférence des Chefs

d’Etat. En effet, c’est par un acte additionnel que les Chefs d’Etat nomment ou prorogent les

mandants des responsables Institutions, des Organes et des Institutions spécialisées de la

CEMAC. Il en est par exemple ainsi des actes additionnels :

- n° 2 ou n° 3 CEMAC portant respectivement nomination du Président et du Vice-

Président de la Commission de la CEMAC ;

- n° 8 ou n° 9 portant nomination des Commissaires à la Commission de la CEMAC.

III : Les conventions

Les conventions sont prises en application de l’article 10 du Traité CEMAC pour régir

les Institutions, Organes et Institutions spécialisées de la Communauté. On distingue les

conventions institutionnelles des conventions organiques.

A : Les conventions institutionnelles

Ce sont celles qui régissent les 5 institutions prévues par l’article 10 du Traité. Il s’agit

des conventions suivantes :

- La Convention régissant l’Union économique de l’Afrique Centrale ;

- La Convention régissant l’Union monétaire de l’Afrique Centrale ;

- La Convention régissant la Cour de Justice Communautaire ;

- La Convention régissant la Cour des Comptes Communautaire ;

- La Convention portant création du Parlement communautaire.

Outre le Traité et son additif, c’est dans ces conventions qu’il faut rechercher les règles

applicables aux instituons qu’elles régissent.

B : Les conventions organiques

Les conventions organiques sont celles qui régissent les organes prévus par l’article 10

du Traité. Certaines conventions organiques ont été conclues dans le cadre de l’UDEAC pour

régir le système bancaire de la Communauté. Il s’agit de :

- La Convention portant création de la Commission bancaire de l’Afrique Centrale ;

- La convention portant création de BEAC.

D’autres conventions organiques ont été adoptées qui régissent les autres organes de la

Communauté. Il s’agit par exemple de la Convention portant création de la Banque de

Développement des Etats de l’Afrique Centrale.

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§2 : Le droit primaire OHADA

Il est constitué du Traité OHADA et des règlements et décisions pris en application du

Traité.

I : Le Traité de l’OHADA

Le droit primaire de l’OHADA est issu du Traité constitutif de l’Organisation dont il

faut déterminer le champ spatial et le champ matériel.

A : Le champ spatial du Traité

Le Traité OHADA est applicable sur le territoire des 16 Etats signataires. En

application de l’article 53, le Traité est aussi applicable à tout Etat qui y adhère comme l’a fait

la RDC en février 2010. Le Traité et les Actes uniformes de l’OHADA sont entrée en vigueur

en RDC en septembre 2012, après le dépôt des instruments de ratification auprès de la

République du Sénégal.

Le champ spatial de l’OHADA est confirmé par les différents Actes uniformes qui

déterminent leur champ d’application spatial. Ce champ est identique dans tous les Actes

uniformes qui sont applicables sur le territoire des Etats parties au traité OHADA. Ainsi du

point de vue géographique, le traité et les Actes uniformes de l’OHADA sont applicables dans

tous les Etats signataires.

B : Le champ matériel du Traité

Le champ d’application matériel de l’OHADA est déterminé par les articles 1 et 2 du

Traité. Selon le premier texte, l’OHADA vise à harmoniser le droit des affaires dans les Etats

membres. Le second texte précise ce qu’il faut entendre par droit des affaires en énumérant

les matières que le Conseil des ministres devra harmoniser. C’est l’ensemble de ces matières

qui constitue le champ matériel du droit OHADA. L’article 2 du Traité OHADA énumère les

matières suivantes :

- Le droit des sociétés commerciales et le GIE ;

- Le droit commercial général ;

- Le recouvrement des créances et les voies d’exécution ;

- Le droit des sûretés ;

- Le droit des procédures collectives ;

- Le droit de l’arbitrage ;

- Le droit du travail ;

- Le droit bancaire ;

- Le droit de la vente et le droit des transports.

En application de l’article 2, le Conseil des Ministres de l’OHADA est habilité à

étendre le champ matériel en y incluant des matières autres que celles qui sont prévues par le

Traité. Par une décision du 30 mars 2001, le Conseil des Ministres de l’OHADA a étendu le

champ d’application matériel du Traité aux matières suivantes :

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- droit bancaire ;

- droit de la concurrence ;

- droit de la propriété intellectuelle ;

- droit des sociétés coopératives et mutualistes,

- droit des sociétés civiles, le droit des contrats et le droit de la preuve.

II : Les règlements d’application et les décisions

Il s’agit de règlements d’application et des décisions prévus par l’article 4 du Traité

OHADA.

Prévus par l’article 4 du Traité OHADA, Les règlements et les décisions pris en

application du Traité visent à assurer l’organisation et le fonctionnement des organes et

institutions de l’OHADA.

Les règlements d’application et décisions sont adoptés à la majorité absolue par le

Conseil des Ministres de l’OHADA. Ils sont soumis, avant leur adoption, au contrôle de la

CCJA. D’ailleurs, la CCJA assure leur application et leur interprétation.

Depuis qu’elle a été créée, l’OHADA a adopté les deux principaux règlements

suivants :

- Règlement de procédure de la CCJA ;

- Règlement d’arbitrage de la CCJA.

Parmi les décisions prises par le Conseils des Ministres de l’OHADA, on peut

notamment citer la décision du 23 mars 2001 relative au programme d’harmonisation du droit

des affaires.

Section 2 : Les sources dérivées

Les sources dérivées sont constituées des actes juridiques pris par les organes

normatifs de la CEMAC ou de l’OHADA en application des traités respectifs des deux

Organisations. Ces actes juridiques sont adoptés dans les domaines de compétence et selon les

procédures définis par chacun des deux Traités. Dans les deux Organisations, il existe des

sources dérivées principales auxquelles s’ajoutent d’autres sources dérivées.

§1 : Les principales sources dérivées

Si le règlement est la principale source dérivée du Traité CEMAC, en revanche, en

droit OHADA, l’Acte uniforme constitue la source dérivée par excellence.

I : Les règlements CEMAC

Pour la mise en œuvre du programme d’harmonisation des activités économiques et

financières dans la CEMAC, le Conseil des Ministres adopte, en application de l’article 40 du

Traité, des règlements.

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Le règlement CEMAC est un texte de portée générale qui contient des dispositions

relevant de la loi en droit interne et qui est directement et obligation applicable dans chaque

Etat membre. C’est à travers le règlement que sont adoptées les règles communes encadrant

les activités monétaires, bancaires et financières dans la zone CEMAC. Le règlement

constitue ainsi le droit dérivé ou matériel de la CEMAC. Depuis l’entrée en vigueur du Traité

CEMAC, les règlements suivants ont été adoptés, selon les cas, par le Conseil des Ministres

de l’UEAC ou le Comité Ministériel de l’UMAC :

• Le droit bancaire issu de la convention portant harmonisation de la réglementation

bancaire le 17 janvier 1992. De nombreux règlements fixant le régime des

établissements de crédit et des opérations financières sont dérivés de cette convention.

Quant au contrôle du respect de la réglementation bancaire, il est assuré dans l’espace

CEMAC par la Commission des Opérations Bancaires de l’Afrique Centrale créée par

la convention du 16 octobre 1990.

- Le droit communautaire de la concurrence issu du Règlement n° 1/99/UEAC-CM-

639 du 25 juin 1999 portant réglementation des pratiques commerciales

anticoncurrentielles ;

- Le droit des transports de marchandises issu du règlement n° 08/12-UEAC-088-

CM-23 du 22 juillet 2012 portant Code communautaire de la marine marchande ; de

l’acte n° 4/96-UDEAC-611-CE-31 du 05 juillet 1996 portant convention Inter-Etats de

transport multimodal de marchandises ; de la Convention Inter-Etats de Transport

Routier de Marchandises Diverses (CIETRMD), adoptée par le conseil des chefs

d’Etats suivant acte n°15/84 UDEAC-146 du 19 décembre 1984 ; du règlement n°

2/99/UEAC-CM-654 du 25 juin 1999 portant réglementation du transport des

marchandises dangereuses par route ; du Règlement n° 10/00-CEMAC-066-CM-04

du 21 juillet 2000 portant adoption du Code de l'Aviation Civile de la CEMAC ; du

règlement n°14/99/CEMAC-036-CM-03 du 17 Décembre 1999 portant Code de

la Navigation Intérieure CEMAC-RDC

- Le droit douanier issu de l’acte N° 8/65-UDEAC-37 du 14 décembre 1965 portant code des douanes de la CEMAC ;

- Le droit boursier issu du Règlement 06/03-CEMAC-UMAC du 12 novembre 2003

portant organisation, fonctionnement et surveillance du marché financier de l’Afrique

centrale.

- Le droit des instruments de crédit et de paiement issu du règlement du 04 avril

2003 relatif aux systèmes, moyens et incidents de paiement.

Cette énumération montre que l’unification par la CEMAC n’a conservé qu’un

nombre restreint de matières, ce qui n’est pas le cas de l’OHADA qui a adopté de nombreux

Actes uniformes.

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II : Les Actes uniformes de l’OHADA

Selon l’article 5 du Traité OHADA, on entend par Acte uniforme tout Acte pris pour

l’adoption des règles communes prévues par l’article 1er du Traité. C’est à travers l’adoption

des Actes uniformes que le Conseil des Ministres harmonise le droit des affaires dans les Etats

membres.

Les Actes uniformes sont adoptés selon une procédure particulière décrite par le Traité

OHADA. Le projet d’Acte uniforme est préparé par le Secrétariat Permanent de l’OHADA,

en concertation avec les États membres dont il recueille les observations écrites, avant de

consulter pour avis la CCJA, le tout dans les délais prescrits par le Traité88. À la fin de ce

processus, le Secrétariat Permanent rédige le texte définitif du projet et propose son

inscription à l’ordre du jour du prochain Conseil des Ministres. Depuis le 1er janvier 1998, le

Conseil des Ministres a adopté les Actes uniformes suivants :

• Le droit des sociétés commerciales et du GIE (révisé) ;

• Le droit commercial général (acte uniforme révisé);

• Le droit des sûretés (acte uniforme révisé) ;

• Les procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution ;

• Le droit des procédures collectives d’apurement du passif (révisé) ;

• Le droit de l’arbitrage ;

• Le droit comptable et l’information financière (révisé) ;

• Le droit des transports de marchandises ;

• Le droit des sociétés coopératives.

§2 : Les autres sources dérivées

Ces sources dérivées sont principalement prévues par le traité CEMAC. Il s’agit, d’une

part, des directives et, d’autre part, des décisions, recommandations et avis.

I : Les directives

La directive vise à rapprocher les législations en laissant aux Etats membres le soin de

l’adapter en droit interne. Cette adaptation se fait par une transposition de la directive en droit

interne. Mais chaque Etat conserve sa compétence en ce qui concerne la forme, les moyens et

le moment de la transposition.

Les directives sont prises, selon les cas, par le Conseil des Ministres et

le Comité Ministériel.

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II : Les décisions, recommandations et avis

La décision n’a pas un caractère général. Son caractère normatif ne vaut qu’à l’égard de son destinataire qui peut s’en prévaloir devant la

juridiction communautaire en cas de violation.

Les décisions sont prises par la Conférence des Chefs d’Etat, le Conseil des Ministres, le Comité Ministériel, les premiers responsables des Institutions, organes et Institutions spécialisées de la Communauté.

Les recommandations et les avis n’ont aucun caractère normatif. Par

la recommandation, les Etats membres sont invité à agir dans un certain

déterminé.

A travers un avis, les organes ou les institutions de la Communauté émettent une opinion au sujet d’une question qui leur est posée. Comme la recommandation, l’avis n’a pas de force exécutoire.

Le Conseil des Ministres, le Comité Ministériel, les premiers

responsables des Institutions, organes et Institutions spécialisées de la

CEMAC formulent des recommandations et des avis.

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Chapitre 2 : Les rapports juridiques entre les organisations

La coexistence de plusieurs ordres juridiques supranationaux sur un même territoire

pose la question des rapports qu’ils entretiennent entre eux. Mais la détermination de ces

rapports nécessite au préalable que soit déterminée la nature juridique de chaque organisation.

Section 1 : La nature juridique de la CEMAC et de l’OHADA

Pour déterminer la nature juridique de la CEMAC et de l’OHADA, il convient au

préalable de se prononcer sur la nature des deux Organisations. C’est seulement après avoir

déterminé la nature de chaque organisation que l’on pourra qualifier le droit que secrète

chaque organisation.

§ 1 : La nature des Organisations

Au regard des objectifs des deux Traités constitutifs, on peut dire que la CEMAC et

l’OHADA sont deux organisation d’intégration de nature différente.

I : La nature de la CEMAC

La CEMAC est une organisation d’intégration économique et monétaire. Une telle

organisation a pour but la construction d’un marché commun ou, de façon plus achevée, un

marché intérieur par l’abolition des frontières entre États membres. Pour atteindre cet objectif,

la communauté harmonise les législations des États membres ayant un lien avec les activités

économiques et financières. Autrement dit, l’uniformisation des règles est non pas le but de

l’organisation mais un moyen de parvenir à la constitution d’un marché commun. S’il existe

de nombreux exemples de communautés économiques (citer par exemple le MERCOSUR ou

l’Accord de Libre-Échange Nord-Américain (ALENA) ou l’Association des Nations du Sud-

Est Asiatique (ASEAN), c’est véritablement l’Union européenne qui constitue le modèle de

référence de l’organisation d’intégration économique et/ou politique.

Historiquement, c’est avec le Traité de Rome du 25 mars 1957 qu’a été créée la

Communauté économique européenne, qui visait à mettre en place un marché commun en

rapprochant les politiques économiques nationales et en permettant la libre circulation des

marchandises. Le Traité de Rome a été complété par l’Acte unique européen qui a étendu le

principe de la libre circulation aux personnes et aux capitaux. Il en est résulté un marché

unique européen que le Traité de Maastricht a transformé en Union économique et monétaire.

À cette occasion, les pouvoirs des institutions européennes ont été élargis et l’Union a été

dotée d’une monnaie unique. On est ainsi progressivement passé d’une Europe économique et

monétaire à une union politique, aujourd’hui dénommée Union européenne, qui va au-delà de

la simple intégration. C’est pour parvenir à cette Union que les législations des États membres

sont harmonisées.

Ce modèle d’intégration économique et monétaire a été repris en Afrique centrale et de

l’ouest où ont été respectivement créées la CEMAC et de l’UEMOA. Il s’agit de

communautés constituées, chacune, en une organisation interétatique ayant pour but de

parvenir à l’intégration économique de ses membres par la création d’un marché commun ou

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10

d’un espace économique unifié. Comme dans le cadre de l’Union européenne,

l’harmonisation des législations des États membres est un moyen de parvenir à la création du

marché commun.

C’est parce que le marché commun constitue le but premier de la communauté ou de

l’union économique que les frontières internes sont abolies. Ainsi est appliqué, en principe,

dans les zones CEMAC et UEMOA, le principe de la libre circulation des personnes30, des

biens et des services, et des capitaux, mais aussi la liberté d’établissement31 des ressortissants

de la communauté. C’est dans cette optique que la communauté réglemente la concurrence

entre États membres32. Cette réglementation s’inscrit normalement dans un processus de

construction d’une union économique pour permettre la libre circulation, sur le territoire de la

communauté, des biens et des capitaux. Comme la communauté garantit aussi la libre

circulation des personnes, la boucle est pour ainsi dire bouclée et le processus d’intégration

achevé33. C’est ce que l’on observe dans le cadre de l’UEMOA et, dans une moindre mesure,

de la CEMAC34. Comme ces deux organisations ont pour ambition de constituer un marché

commun35, elles ont réglementé, dans leurs espaces communautaires respectifs, le droit de la

concurrence.

Reste alors la question des frontières externes de la communauté qui commerce avec

des États tiers. Les libertés de circulation, commerciales et d’établissement ne s’appliquent

qu’aux ressortissants de la communauté ou de l’union économique. Dès lors que l’on sort de

ses frontières, la communauté applique un tarif extérieur commun auquel sont soumis tous les

États non membres.

II : La nature de l’OHADA

L’OHADA est une organisation d’intégration juridique qui ne présente pas les

caractéristiques fondamentales de la communauté ou de l’union économique. En effet, à la

différence de celle-là, l’OHADA n’a pas pour objet la constitution d’un marché commun.

Alors que l’harmonisation des législations n’est qu’un moyen qu’utilise la communauté ou

l’Union économique pour atteindre son objectif d’intégration économique par la constitution

d’un marché commun, l’OHADA, en revanche, procède à une telle harmonisation36 sans

poursuivre le but de constitution d’un marché commun.

Certes, en application de l’article 2 du Traité, le Conseil des Ministres de l’OHADA a

étendu le champ de l’harmonisation au droit de la concurrence. L’exégète pourrait alors

penser que, à l’instar de la CEMAC et de l’UEMOA, l’OHADA poursuivrait désormais un

objectif de création d’un marché commun. Si tel était le cas, la nature juridique de

l’organisation pourrait s’en trouver modifiée et le droit qui en serait issu requalifié en droit

communautaire38. Mais une telle conclusion serait hâtive car l’objectif prioritaire de

l’OHADA n’a pas évolué39. Il en est de même, conséquemment, de la qualification de

l’organisation, qui n’est pas non plus une union politique.

En effet, L’OHADA n’est pas une union politique entre les États membres et ayant des

objectifs politiques clairement définis dans le Traité constitutif. Dans la théorie des

organisations d’intégration, l’union politique est le stade ultime qui permet de doter

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11

l’organisation commune d’une constitution ou, à tout le moins, de renforcer, comme dans le

cadre de l’Union européenne, les pouvoirs des institutions de la communauté. L’OHADA ne

poursuit pas un tel objectif et ne peut donc être considérée comme une union politique.

Certes, on s’est interrogé sur le rôle politique et judiciaire respectivement dévolus par

le Traité au Conseil des Ministres et à la CCJA. Mais le rôle politique du Conseil des

Ministres était limité au domaine de l’harmonisation du droit des affaires, seule compétence

législative que les États membres ont accepté de transférer à l’Organisation commune. Plus

problématique paraît la construction d’un espace judiciaire de l’OHADA, la CCJA imposant,

par ses avis41 et décisions, une interprétation et une application uniformes du nouveau droit.

Toutefois, ce rôle fondamental de la CCJA ne peut transformer en union politique une

organisation internationale interétatique dont l’unique but est d’harmoniser le droit des

affaires dans les États membres. Parce qu’elle n’est pas une union politique, l’OHADA ne

peut donc secréter un droit communautaire43.

Toutefois, l’institution, en 2008, de la Conférence des Chefs d’État et de

Gouvernement de l’OHADA a contribué à complexifier la détermination de la nature

juridique de l’OHADA. En effet, le Traité révisé de 2008 a modifié la structure

institutionnelle de l’OHADA en consacrant la Conférence des Chefs d’État et de

Gouvernement comme l’organe suprême de l’organisation. Il faut lire M. KAMTO qui nous

apprend qu’il ressort du « Compte rendu de la réunion du Conseil des Ministres » tenue à

Malabo, en Guinée Équatoriale, du 12 au 14 septembre 2014, qu’un État membre et les

experts de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ont initialement été

réticents à l’idée d’instituer cet organe44. Ils se fondaient notamment sur le fait qu’une telle

institution pourrait « transformer l’OHADA en organisation politique alors qu’elle a été

conçue à l’origine comme un organe technique d’intégration juridique »45. D’ailleurs,

ajoutaient-ils, « ni l’OAPI, ni la CIMA, qui ont la même finalité d’intégration juridique, ne

sont dotés d’un tel organe ». Certes, le risque redouté47 d’une évolution vers une organisation

politique semble avoir été conjuré par l’article 27, qui précise que le nouvel organe se réunit

en tant que de besoin et limite son champ de compétence à toute question relative au Traité48.

Mais la crainte de transformer l’OHADA en une union politique n’est pas sans fondement49,

la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement faisant « perdre un peu plus à l’OHADA

son caractère de simple outil technique ».

Quoiqu’il en soit, l’institution de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement

a relancé le débat sur la nature juridique de l’OHADA et, par voie de conséquence, sur la

qualification du droit qu’elle secrète. Ce risque d’une évolution vers une union politique

semble toutefois maîtrisé. En effet, la conférence des Chefs d’État et de Gouvernement

présente un intérêt pratique car elle aura pour principales missions de « définir les grandes

orientations de la politique d’harmonisation, donner une impulsion à l’action de l’OHADA et

coordonner celle-ci avec celles des autres organisations africaines d’intégration économique ;

elle pourrait également veiller au bon fonctionnement des organes et des institutions de

l’organisation »51. En somme, le nouvel organe suprême de l’organisation pourrait se

contenter de « traduire une volonté politique pour pérenniser le modèle OHADA et non

d’intervenir directement dans le fonctionnement de l’OHADA. Si tel est le cas et il est

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souhaitable qu’il soit toujours ainsi, la conception de l’OHADA comme outil technique reste

sauve ». Il en résulte que la qualification retenue en application du Traité originel n’a pas

changé avec la révision intervenue en 2008.

LA QUALIFICATION RETENUE

L’intégration juridique n’est qu’un objectif incident des organisations d’intégration

économique. Les traités constitutifs de la CEMAC et de l’UEMOA visent, en effet, la création

d’un marché commun. C’est cet objectif qui induit l’harmonisation des législations des États

membres. Ce processus est totalement inversé avec l’OHADA dont le but n’est pas de

constituer un marché commun. Le Traité de Port-Louis révisé au Québec assigne à

l’organisation commune la mission de réaliser l’intégration juridique des États membres.

Cette mission influe sur la qualification de l’OHADA, qui est une organisation d’intégration

juridique dont l’unique mission est d’harmoniser le droit des affaires des États membres.

Une organisation d’intégration juridique

On pourrait reprendre, pour bien faire ressortir la caractéristique fondamentale de

l’OHADA, la phrase évocatrice du Professeur POUGOUE : « l’Organisation pour

l’Harmonisation en Afrique du

Droit des Affaires (OHADA), ce n’est que du droit ». Ainsi, depuis l’adoption des premiers

Actes uniformes en 1998, l’OHADA est « plus de 2000 articles et une jurisprudence

abondante »54. Tel est le produit de l’harmonisation du droit des affaires par l’OHADA.

Traditionnellement, c’est dans le cadre d’une organisation d’intégration économique ou

politique, qui postule une communauté économique ou politique, que le droit est harmonisé.

C’est ce que l’on observe dans le cadre de la CEMAC et de l’UEMOA, qui se rapprochent du

modèle d’intégration de l’Union Européenne. Pour aboutir à la création d’un marché commun

ou d’un marché intérieur, les États membres coordonnent leurs politiques économiques et

mettent en oeuvre les principes de libre circulation des personnes, des biens, des services et

des capitaux. C’est la volonté d’atteindre ces objectifs économiques qui conduit à

l’harmonisation du droit qui a nécessairement une nature communautaire.

La logique est inversée avec l’OHADA, qui vise à doter les États membres, qui se sont

engagés à les appliquer, de règles communes, identiques, simples et adaptées à leurs

économies. À la différence des organisations d’intégration économique qui tentent de

coordonner les politiques économiques en vue de créer un marché commun, l’OHADA, en

revanche, est une organisation internationale intergouvernementale dont la mission est de

coordonner la politique d’harmonisation du droit

des affaires décidée par les États membres56. Il ne s’agit nullement de donner naissance à une

communauté ou une union politique et, par voie de conséquence, à un droit communautaire57.

D’ailleurs, pour bien marquer la différence avec les organisations d’intégration économique,

l’OHADA est souvent qualifiée « d’espace »58, traduisant ainsi l’idée d’une absence de

communauté économique ou politique.

Si l’OHADA diffère fondamentalement de la CEMAC et de l’UEMOA,

l’Organisation se rapproche, en revanche, d’autres organisations d’intégration juridique dans

le domaine du droit des affaires. Parmi ces organisations on peut principalement citer

l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI)59 et la Conférence

Interafricaine des Marchés d’Assurance (CIMA)60, qui ont respectivement doté les États

membres d’un régime uniforme de protection de la propriété littéraire et artistique et de la

propriété industrielle61 et d’un droit des assurances62, directement et obligatoirement

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13

applicable dans les États membres. Certes, l’OAPI et la CIMA, à la différence de l’OHADA,

ont un champ d’application que les traités constitutifs limitent à la propriété intellectuelle et

au droit des assurances63. Mais ces deux organisations ont la même nature juridique que

l’OHADA. Il s’agit d’organisations d’intégration juridique64 qui diffèrent fondamentalement

des organisations d’intégration économique et monétaire comme la CEMAC et l’UEMOA.

L’article 1er du Traité de l’OHADA confirme cette analyse, qui confère à l’organisation la

mission exclusive d’harmoniser le droit des affaires des États membres.

La mission unique : l’harmonisation du droit des affaires

Si l’organisation d’intégration économique vise à créer un marché commun et

harmonise, pour ce faire, le droit des activités économiques, l’OHADA ne poursuit pas cet

objectif économique. Les États membres ont accepté de confier à l’organisation commune une

compétence exclusive consistant à élaborer, à leur profit, des règles communes, interprétées

selon des procédures judiciaires appropriées65. Cette mission, qui n’a pas évolué avec la

révision de 2008, a nécessité la création d’un organe normatif, le Conseil des Ministres,

chargé d’édicter les règles communes avec l’assistance d’un organe exécutif, le Secrétariat

Permanent, et d’un organe juridictionnel, la CCJA, ayant pour mission principale d’assurer

l’interprétation et l’application uniformes des règles communes. C’est parce que ces organes

ont une fonction technique que l’on qualifie l’OHADA d’organisation internationale, ayant «

un caractère intergouvernemental et technique », qui est « chargée de coordonner la

coopération entre les États membres dans le domaine de l’harmonisation du droit des affaires

». Même la personnalité juridique internationale prévue par l’article 46 du Traité ne suffit pas

à changer la nature juridique de l’OHADA. C’est peut-être parce que son unique et exclusive

mission est d’harmoniser le droit des affaires dans les États membres que l’œuvre

d’harmonisation de l’OHADA est quantitativement plus importante que celle de la CEMAC

ou de l’UEMOA. En effet, malgré un domaine d’harmonisation qui englobe les activités

économiques et financières70, la CEMAC et l’UEMOA n’ont harmonisé que les domaines

relatifs au droit bancaire71, au droit monétaire72, au droit financier73, à la comptabilité des

entreprises privées74 et au droit de la concurrence75 dans le marché communautaire.

L’étroitesse des matières harmonisées contraste avec l’harmonisation généralisée du droit

commercial dans le cadre de l’OHADA. Même si le champ des matières à harmoniser a été

étendu par le Conseil des Ministres, d’une révision à l’autre, la mission unique de l’OHADA

reste cantonnée à l’intégration juridique des États membres. Il s’ensuit que la nature juridique

de l’organisation reste inchangée, avec les conséquences qui s’en infèrent sur la qualification

du droit que secrète l’organisation commune.

§ 2 : La nature des droits

La qualification des droits dépend étroitement de la qualification des organisations qui

secrètent ces droits. Ce raisonnement s’applique pour la détermination de nature du droit

CEMAC et du droit OHADA.

I : La nature du droit CEMAC

Parce qu’il est secrété par une organisation d’intégration économique et monétaire, le

droit CEMAC est un droit communautaire. La notion de droit communautaire a initialement

servi à qualifier le droit de l’Union européenne dont le modèle d’intégration, fondé sur la

constitution d’un marché commun ou d’un marché intérieur, a inspiré la CEMAC et

l’UEMOA. Pour cette raison, la CEMAC et l’UEMOA sont des organisations d’intégration

économique et monétaire.

Page 15: UNIVERSITE OMAR BONGO REPUBLIQUE GABONAISE

14

Le droit CEMAC présente les caractères qui font la spécificité du droit

communautaire. En effet, en application de l’article 44 du Traité, le droit CEMAC est

d’application directe et obligatoire dans tous les Etats membres, nonobstant toute disposition

nationale contraire, antérieure ou postérieure. C’est le principe de supranationalité qui fonde

la suprématie du droit communautaire CEMAC sur les droits internes des pays membres.

II : La nature du droit OHADA

Comme l’OHADA n’est ni une organisation d’intégration économique et monétaire ni

une organisation politique, le droit que secrète l’organisation en peut être qualifié de droit

communautaire. Il s’agit plutôt d’un droit uniforme ou supranational.

Toutefois, le droit OHADA est parfois à tort qualifié de droit communautaire parce

qu’il emprunte les caractères de ce droit. En effet, en application de l’article 10 du Traité

OHADA, le droit OHADA est directement et obligatoirement applicable dans les Etats

membres. Ainsi, comme l’article 44 du Traité CEMAC, l’article 10 du Traité OHADA

contient le principe de la supranationalité du droit OHADA qui fonde sa supériorité sur les

droits internes des pays membres. C’est cette similitude de caractères qui conduit certains à

qualifier, à tort, le droit OHADA de droit communautaire. Il s’agit en réalité d’un droit

uniforme ou supranational qui est le même dans les Etats membres de l’Organisation.

Cette caractéristique fondamentale du droit CEMAC et OHADA traduisent la création

par chaque organisation d’un ordre juridique.

Section 2 : Les ordres juridiques CEMAC et OHADA

Dès lors que l’existence des ordres juridiques CEMAC et OHADA est établie, il

convient, d’une part, de déterminer les rapports que ces ordres juridiques entretiennent avec

les ordres juridiques nationaux et, d’autre part, entre ordres juridiques supranationaux.

§1 : L’existence des ordres juridiques

Dans la limite des pouvoirs qui leur sont conférés par leurs Traités respectifs, la

CEMAC et l’OHADA jouissent d’une autonomie normative et juridictionnelle. Cette double

autonomie permet de conclure à l’existence d’un ordre juridique dans chaque espace.

I : L’autonomie normative des ordres juridiques

L’autonomie normative signifie que la CEMAC et l’OHADA possèdent leurs sources

normatives propres radicalement différentes des sources de la loi en droit interne et des

sources du droit international.

La CEMAC et l’OHADA possèdent leurs sources normatives propres, radicalement

différentes des sources de la loi en droit interne et des sources du droit international. Cette

autonomie se résume en quelques éléments qui mettent en exergue la spécificité des droits

CEMAC et OHADA. En premier lieu, les Traités CEMAC et OHADA, comme tous les

Traités internationaux, s’intègrent dans l’ordonnancement juridique interne des États dès leur

ratification et leur publication dans le journal officiel des États signataires. Mais là s’arrête

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15

l’analogie avec le droit international car, outre leur durée illimitée, les Traités CEMAC et

OHADA créent des organes – La Conférence des Chefs d’État de Gouvernement, le Conseil

des Ministres et le Secrétariat permanent – chargés respectivement de faire fonctionner et de

représenter l’Organisation. En second lieu, l’autonomie normative de la CEMAC et de

l’OHADA s’infèrent de la procédure spécifique d’adoption des règlements CEMAC et des

Actes uniformes de l’OHADA.

Par exemple, en ce qui concerne l’OHADA, tout projet d’Acte uniforme est préparé

par le Secrétariat Permanent de l’OHADA, en concertation avec les États membres dont il

recueille les observations écrites, avant de consulter pour avis la CCJA, le tout dans les délais

prescrits par le Traité. À la fin de ce processus, le Secrétariat Permanent rédige le texte

définitif du projet et propose son inscription à l’ordre du jour du prochain Conseil des

Ministres. Il s’ensuit que le Conseil des Ministres légifère directement en adoptant des actes

qui s’imposent aux États membres et créent des droits et obligations au profit ou à l’encontre

de leurs sujets de droit, sans que, à un moment quelconque dans le processus, le législateur

national n’intervienne.

L’autonomie normative se manifeste, enfin, dans les modes de production des droits

CEMAC et OHADA qui prennent respectivement la forme juridique de règlement et d’Actes

uniformes intervenant dans les domaines traditionnellement réservés à la loi en droit interne.

II : L’autonomie juridictionnelle des ordres juridiques

L’autonomie normative de la CEMAC et de l’OHADA est complétée par une

autonomie juridictionnelle qui est fondée sur l’objectif de sécurité judiciaire dans les deux

espaces. Cette autonomie se manifeste par la création de la Cour de Justice de la CEMAC et

de la CCJA qui sont chargées, chacune en ce qui la concerne, d’interpréter et de contrôler

l’application uniforme du droit CEMAC et du droit OHADA. Le rôle de la CJ de la CEMAC

et de la CCJA parachève la construction de l’autonomie institutionnelle des droits CEMAC et

OHADA. Ces juridictions supranationales sont chargées d’unifier l’application et

l’interprétation de leurs droits respectifs.

Les techniques d’interprétation du droit supranational

Pour atteindre les objectifs qu’ils se fixent, les législateurs CEMAC et OHADA

instituent des techniques diverses qui permettent d’assurer la supériorité des juridictions

supranationales et l’unité d’interprétation du droit des deux organisations. Ces mécanismes

sont mis en œuvre par les juridictions supranationales instituées par le droit primaire. Ces

juridictions ont l’exclusivité de l’interprétation de la législation supranationale. Toutefois,

l’on constate que la souveraineté judiciaire des Etats n’est pas complètement remise en cause.

Il existe, en effet, une sorte de dialogue entre les juridictions nationales et les juridictions

supranationales. Ce dialogue est instauré sous la forme d’une répartition des compétences sur

le plan fonctionnel. Seules diffèrent les modalités visant à assurer cette répartition des

compétences. A la subordination hiérarchique qui prévaut dans les rapports entre la CCJA et

les juridictions nationales s’oppose le principe de coopération entre la CJ CEMAC et les

juridictions nationales. Ce dialogue entre juridictions supranationales et juridictions nationales

peut prendre la forme d’une cassation sans renvoi ou d’un recours préjudiciel.

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16

La cassation sans renvoi en droit OHADA

Traditionnellement, la cour de cassation n’est pas un troisième degré de juridiction. Sa

mission essentielle consiste à unifier l’application et l’interprétation de la règle de droit. En

tant que Cour régulatrice, elle vérifie par conséquent la bonne application de la règle de droit

par les juridictions inférieures et assure, par la censure qu’elle opère, le cas échéant, l’unité

d’application et d’interprétation de la législation Certes, il existe des cas de cassation sans

renvoi en droit interne. Mais outre qu’il s’agit d’une faculté, les hypothèses retenues par le

législateur montrent que la Cour régulatrice n’est pas conduite à examiner à nouveau les faits

qui restent de la compétence des juges du fond. Enfin, il convient de noter que les cas de

cassation sans renvoi sont limitativement énumérés par la loi. La cassation sans renvoi

apparaît donc comme une exception au principe du renvoi devant une juridiction inférieure.

C’est ce système d’unification de l’application et de l’interprétation de la règle de droit qui est

en vigueur devant les juridictions judiciaires des pays francophones membres de de la

CEMAC ou de l’OHADA.

Force est alors de reconnaître que le système retenu par le traité de l’OHADA tranche

singulièrement avec les règles traditionnelles. En effet, dans le cadre de la phase contentieuse,

la cassation sans renvoi est la technique d’unification par excellence de la jurisprudence

OHADA retenue par le législateur de l’OHADA. Elle consiste pour la CCJA à évoquer et

statuer au fond chaque fois qu’elle casse une décision rendue par la juridiction d’appel d’un

Etat membre dans toutes les questions relatives à l’application du droit dérivé. Autrement dit,

il revient à la CCJA, chaque fois qu’elle annule une décision qui lui est soumise, de trancher

le litige. A rebours de la règle classique, les rédacteurs du traité de l’OHADA ont clairement

opté pour la jonction des faits et du droit devant la CCJA. L’article 14 qui prévoit cette règle

érige donc la CCJA en troisième degré de juridiction. Non seulement elle examine les moyens

de droit, mais elle est aussi autorisée à se prononcer sur le fond de l’affaire chaque fois qu’elle

annule une décision d’une juridiction nationale. Autrement dit, en cas de cassation, la CCJA

ne renvoie pas l’affaire devant un juge national.

Cette caractéristique fondamentale place les juridictions nationales sous la

subordination hiérarchique de la CCJA. Craignant la cassation de leurs décisions par la Haute

juridiction, les juridictions nationales seront nécessairement conduites à rendre des décisions

en tenant compte de la doctrine de la CCJA. A priori, le système retenu par le législateur de

l’OHADA est singulier car il n’est utilisé par aucune autre juridiction supranationale pour

unifier l’interprétation du droit uniforme.

On constatera, par exemple, que les Cours de Justice de la CEMAC, de l’UEMOA ou

des communautés européennes utilisent la procédure du recours préjudiciel. Peut-être faut-il

voir dans l’innovation du législateur de l’OHADA l’empreinte de l’ampleur de l’unification

du droit commercial ainsi qu’un signal fort en direction des opérateurs économiques rassurés

par l’existence d’un juge de cassation unique à l’échelle communautaire qui tranche les litiges

sans renvoyer devant une juridiction inférieure.

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17

Pour promouvoir une technique aussi novatrice dans l’espace judiciaire en Afrique

francophone, le législateur de l’OHADA a dû tenir compte de la nécessité d’assurer la

cohérence, l’efficience et l’unité de l’ordre juridique OHADA. Pour ce faire, sur le plan

judiciaire, il a opéré une répartition des compétences entre la CCJA et les juridictions

nationales. A cet égard, il convient de signaler que les Etats membres ont accepté une

compétence territoriale limitée en ce qui concerne l’application du droit dérivé. C’est ce

qu’exprime l’article 13 du traité selon lequel le contentieux relatif à l’application des actes

uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions des Etats parties.

En cas de pourvoi, l’article 14 du traité fait de la CCJA l’unique Cour de cassation,

habilitée à se prononcer sur le fond de l’affaire. Cette limitation territoriale de la souveraineté

judiciaire des Etats est une conséquence directe du principe de la supranationalité du droit

OHADA, tel qu’il découle de l’article 10 du traité de l’OHADA. Sur le plan judiciaire, cette

supranationalité induit des abandons de souveraineté judiciaire au profit de la CCJA qui

assure l’unité d’interprétation du droit OHADA. De ce fait, la doctrine de la Haute juridiction

a vocation à devenir l’unique source prétorienne du droit OHADA.

A travers le mécanisme de la cassation sans renvoi, le dessein avoué est de faire en

sorte que la CCJA joue un rôle fondamental dans la formation de la jurisprudence

commerciale, ce qui devrait aussi lui permettre d’œuvrer à la diversification des sources du

droit commercial. Si l’on y ajoute la primauté absolue reconnue aux sources supranationales,

il s’agit, en perspective, d’un véritable bouleversement des sources du droit commercial dans

tous les pays membres de l’OHADA. Ce bouleversement est d’autant plus plausible que, à

l’instar des autres juridictions supranationales, la CCJA peut aussi mettre en œuvre la

procédure du recours préjudiciel.

Le recours préjudiciel devant la CCJA et la CJ de la CEMAC

Le recours préjudiciel aussi dénommé question préjudicielle consiste pour une

juridiction confrontée à un problème d’interprétation d’une norme à interroger une autre

juridiction qui se prononcera sur l’interprétation de la norme. Ainsi la juridiction saisie de la

question principale doit surseoir à statuer jusqu’à ce que la juridiction compétente pour

trancher la question préjudicielle se prononce. Cette caractéristique fondamentale de la

question préjudicielle interdit de la confondre avec la question préalable. En effet, si celle-ci

est tranchée par la juridiction saisie, celle-là, en revanche, ne peut être connue que par une

juridiction autre que celle qui a été saisie de la question principale. C’est cette technique de la

question préjudicielle en interprétation qui a été retenue par les traités CEMAC et OHADA

pour unifier l’interprétation du droit qu’ils secrètent.

Si à l’occasion d’un litige devant le juge national survient un problème d’interprétation

du droit supranational, ce dernier diffère sa décision et interroge le juge supranational, seul

habilité à se prononcer sur la question préjudicielle. Le procès ne reprend que lorsque le juge

national reçoit la réponse du juge supranational.

La question préjudicielle en interprétation diffère de la question préjudicielle en

validité d’un acte supranational. La question préjudicielle en interprétation sert à conjurer ce

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18

risque d’interprétation plurielle de la norme supranationale. Cette technique permet ainsi

d’assurer la primauté du droit et de l’ordre juridique supranationaux sur le droit et l’ordre

juridique internes. Cette primauté s’instaure en douceur car le mécanisme de la question

préjudicielle aboutit à une coopération entre le juge national et le juge supranational.

Dans le cadre de l’OHADA, le recours préjudiciel est facultatif. Il résulte de la mission

d’interprétation et d’application du droit OHADA confiée à la CCJA par l’article 14 du traité.

Il prend la forme d’avis sollicités par une juridiction nationale de fond sur tout contentieux

relatif à l’application des Actes uniformes.

Sur le fondement de ce texte, et à la demande de certaines juridictions nationales ou

d’un Etat membre, la CCJA a rendu divers avis, notamment sur le régime des nullités ou la

compétence du juge des urgences dans le cadre de l’Acte uniforme relatif aux procédures

simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ou sur la portée et l’effet abrogatoire de

la législation interne par le droit uniforme, en application de l’article 10 du traité instituant

l’OHADA.

Dans un avis rendu à la demande du TPI de Libreville, la CCJA a clairement défini

son rôle dans le cadre d’une procédure préjudicielle. (CCJA, Avis n° 001/99/JN du 7 juillet

1999). Pour la Haute juridiction supranationale, les avis qu’elle émet doivent permettre « aux

juridictions nationales de bien rendre le droit suivant la jurisprudence qu’aura à unifier la

Haute Cour, surtout dans l’incertitude de la règle ou du principe à appliquer dans laquelle

elles pourront se trouver. Désormais, grâce à cette procédure d’avis, on peut penser que les

juridictions nationales épargneront les justiciables des décisions les plus fantaisistes ».

La CCJA admet clairement que l’avis qu’elle rend est « dépourvu de tout effet

décisoire découlant de l’autorité de la chose jugée et la force de chose jugée ». Dans le

principe, ni la CCJA ni la juridiction nationale demanderesse ne sont liées par un avis.

Toutefois, il ne faut pas perdre de vue la mission d’unification de la jurisprudence confiée à la

CCJA. Les avis rendus par la Cour dans le cadre d’une procédure préjudicielle poursuivent cet

objectif.

D’ailleurs, la CCJA affirme elle-même qu’il serait difficilement compréhensible

qu’elle se déjuge si, saisie de la même question par la voie contentieuse, elle rendait une

décision contraire à son avis (CCJA, Avis n° 001/99/JN du 7 juillet 1999). On voit ainsi que,

même facultative, la procédure du recours préjudiciel met en évidence le rapport hiérarchique

qui existe entre la CCJA et les juridictions nationales, ce qui contraste singulièrement avec le

recours préjudiciel organisé par le traité instituant la CEMAC.

, En effet, si les rapports entre les juridictions nationales et la CCJA sont dominés par

la logique de la subordination hiérarchique, il n’en va pas de même des rapports que la Cour

de Justice de la CEMAC entretient avec les juridictions nationales. Ces rapports ressortissent

plutôt d’une logique de coopération.

S’il survient une question d’interprétation de la loi communautaire CEMAC à

l’occasion d’un procès devant le juge national statuant en dernier ressort, ce dernier surseoit à

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19

statuer et renvoie la question devant la CJ de la CEMAC qui indique le sens de

l’interprétation. Le juge national statuant en dernier ressort saisit obligatoirement la Cour

communautaire qui dégage le sens de la norme considérée.

A la différence de la procédure prévue dans le cadre de l’OHADA, le juge national est

lié par l’interprétation de la règle. Il doit en faire application dans le litige qui lui est soumis.

Ce faisant, il assure, en collaboration avec la CJ de la CEMAC, l’homogénéité de

l’interprétation du droit CEMAC. C’est en se fondant sur ces différents principes que la

CCJA et la Cour de Justice de la CEMAC construisent actuellement leur jurisprudence qui

constituera, au regard de sa force obligatoire, une importante source formelle du nouveau

droit commercial.

§ 2 : Les rapports avec les ordres juridiques nationaux

Il existe une hiérarchisation entre les ordres juridiques nationaux et les ordres

juridiques supranationaux au profit de ces derniers. Cette hiérarchie se manifeste par la

suprématie des normes et de la jurisprudence supranationales.

I : La suprématie des normes supranationales

Elle est assurée par le principe de la supranationalité duquel s’infère l’application

directe et obligatoire des droits CEMAC et OHADA.

A : Le principe de l’application directe

Selon le Cour de Justice des Communautés Européennes, l’application directe suppose

que les normes communautaires ou supranationales « doivent déployer la plénitude de leurs

effets d’une manière uniforme dans tous les Etats membres, à partir de leur entrée en vigueur,

et pendant toute la durée de leur validité ; qu’ainsi, ces dispositions sont une source

immédiate des droits et obligations pour tous ceux qu’elles concernent, qu’il s’agisse des

Etats membres ou des particuliers qui sont parties à des rapports juridiques relevant du droit

communautaire ».

Cette définition de l’application directe par le juge communautaire européen est

parfaitement transposable en droit CEMAC et OHADA car elle fait ressortir les deux aspects

fondamentaux de ces droits : un aspect formel et un aspect matériel. L’aspect formel permet

l’insertion des droits CEMAC et OHADA dans l’ordre juridique interne sans le support d’une

norme de droit interne. Tel est bien le cas des règlements CEMAC et des Actes uniformes de

l’OHADA. Quant à l’aspect matériel, il renvoie à la création par les droits CEMAC et

OHADA, à l’instar de la loi nationale, de droits et obligations au bénéfice ou à la charge des

particuliers. Cette analyse se vérifie quand on s’intéresse aux différents fondements textuels

de l’application directe du droit dérivé.

Dans l’espace CEMAC, l’unification des règles encadrant les activités économiques et

financières est réalisée par le biais de règlements. Or, l’article 21 de l’additif au traité

CEMAC relatif au système institutionnel et juridique de la communauté définit le règlement

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20

comme un texte de portée générale directement applicable dans tout Etat membre. Tel est

aussi le cas des actes uniformes OHADA qui sont directement applicables dans tous les Etats

parties en vertu de l’article 10 du traité de l’OHADA.

Ainsi, à l’instar de la CJCE (CJCE. ; 15 juillet 1964, Aff. 6/64, Costa, Rec. P. 1141; 0

mars 1978, aff 106/77 Simmental, Rec 1978, p. 629) et du juge français (Cass. Com, 20

octobre 1998, RJDA 1999, p. 292, n° 366), on peut affirmer que l’établissement d’un ordre

juridique supranational indépendant des ordres juridiques nationaux commande l’application

directe et obligatoire du droit supranational. On retrouve ainsi les principes qui fondent

l’applicabilité en droit interne des règles supranationales.

B : Le principe de l’application obligatoire

Le principe de l’application obligatoire vient compléter le caractère direct et permet

d’assurer la primauté de l’ordre juridique supranational sur l’ordre juridique interne. En effet,

l’unité juridique de l’ordre supranational et son indépendance par rapport aux ordres

juridiques nationaux ne peuvent être réalisées que si le droit supranational revêt un caractère

obligatoire. Ce caractère obligatoire permet une hiérarchisation des ordres juridiques au profit

de l’ordre juridique supranational.

C’est dans cette optique que les traités instituant la CEMAC (article 21) et l’OHADA

(article 10) contiennent le principe de l’application obligatoire du droit dérivé. Ce caractère

obligatoire est fondé sur la supranationalité de la législation supranationalité. Dans quatre

arrêts rendus entre 2001 et 2002 (CCJA, arrêt n° 2 du 11 octobre 2001, Juris OHADA n°

1/02, p. 24 ; arrêt n° 3 du 10 janvier 2002, Juris OHADA n°2/02, p. 23 ; arrêt n° 12 et 13 du

18 avril 2002, Juris OHADA n° 3/02, p. 3 et 10 ; arrêt n° 18 du 27 juin 2002, Juris OHADA

n° 41021, p. 52), la CCJA a clairement affirmé, en application de l’article 10 du traité, ce

caractère obligatoire qui induit la suprématie de la législation supranationale sur le droit

interne des pays membres.

APPLICATION N° 1 : LA SUPRANATIONALITE DU DROIT OHADA (CCJA,

avis du 30 avril 2001)

Il était demandé à la CCJA de donner l’interprétation de l’article 10 du traité de

l’OHADA ainsi rédigé : « Les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires

dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou

postérieure ».

Réponse de la CCJA

L’article 10 énonce le principe de la supranationalité du droit OHADA parce qu’il

prévoit l’application directe et obligatoire de ce droit. Par ailleurs, il consacre la suprématie de

ce droit sur le droit interne. Il en résulte qu’en application de l’article 10, toute disposition

contraire de droit interne, antérieure ou postérieure, est purement et simplement abrogée. En

outre, les Etats s’interdisent de légiférer dans le même domaine que le droit OHADA. Ainsi

sont interdites les dispositions de droit interne, présentes ou à venir, ayant le même objet que

les Actes uniformes et étant contraires à celles-ci. Cette interdiction concerne aussi les

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21

dispositions de droit interne identiques à celles des Actes uniformes. Par disposition, il faut

entendre un article d’une loi, un alinéa ou une phrase de cet article. Certes, l’avis rendu par la

CCJA n’a pas un caractère obligatoire. Mais la Cour ne se déjugera pas si la question lui était

posée dans un cadre contentieux.

Sanction du non-respect du principe de la supranationalité

En application du principe de la supranationalité, toutes les dispositions modifiant,

complétant ou contraires aux Actes uniformes sont réputées non écrites. Dans le principe,

elles ne peuvent donc recevoir application.

APPLICATION N° 2 : CCJA, arrêt n° 043/2005 du 7 juillet 2005, Affaire A. Y et

autres c/ Sté TOGO TELECOM. L’immunité d’exécution des entreprises publiques

Pour obtenir le paiement d’une somme de 118 970 213 millions de Francs CFA qui

leur était due, des créanciers ont procédé à une saisie-attribution de créances entre les mains

de divers établissements financiers de Lomé sur les comptes de leur débiteur TOGO

TELECOM qui est une société détenue à 100% par l’Etat togolais.

Contestant les saisies pratiquées, TOGO TELECOM prétendait qu’étant une entreprise

publique, elle bénéficiait de l’immunité d’exécution prévue par l’article 30, alinéa 1, de l’Acte

uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies

d’exécution. D’après TOGO TELECOM, cette immunité d’exécution s’oppose à ce que les

entreprises publiques fassent l’objet d’une mesure d’exécution forcée.

A la suite du Tribunal de Première Instance, la Cour d’appel de Lomé adopte ce

raisonnement et ordonne la mainlevée de toutes les saisies-attribution pratiquées sur les

comptes bancaires de TOGO TELECOM.

La CCJA approuve les juges togolais d’avoir ordonné la mainlevée desdites saisies. En

effet, pour la Haute juridiction, l’article 30 précité pose le principe général d’immunité

d’exécution des personnes morales de droit public et des entreprises publiques. Il en résulte

qu’aucune exécution forcée ni mesure conservatoire ne sont applicables à ces personnes ou

entreprises. Les saisies pratiquées sur les comptes de TOGO TELECOM contredisaient donc

ce principe. C’est pour cette raison que la mainlevée a été prononcée.

La CCJA ajoute que les créanciers plaignants ne pouvaient recouvrer leurs créances

qu’en mettant en œuvre les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 30. Ce texte atténue le

principe général de l’alinéa 1 en prévoyant une compensation avec les dettes certaines,

liquides et exigibles des entreprises publiques. Autrement dit, si la société TOGO TELECOM

était débitrice des plaignants, la somme qu’ils réclamaient serait venue en déduction de celle

qu’ils devaient à TOGO TELECOM.

Seul le mécanisme de la compensation permet à un créancier de recouvrer les

créances qu’il détient sur une personne morale de droit public ou une entreprise

publique. En l’absence de dettes réciproques, le créancier ne peut user à l’encontre d’une

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entreprise publique des mesures traditionnelles de recouvrement prévues par l’Acte uniforme

portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.

Par ailleurs, les créanciers plaignants se fondaient sur la loi togolaise du 4 décembre

1990 portant réforme du cadre institutionnel et juridique des entreprises publiques. L’article 2

de cette loi soustrait les entreprises publiques du régime de droit public pour les soumettre au

droit privé. Autrement dit, TOGO TELECOM ne bénéficiait plus de l’immunité d’exécution

depuis le 4 décembre 1990. Cette argumentation est rejetée par la CCJA qui applique le

principe de la supranationalité du droit uniforme.

En vertu de ce principe contenu dans l’article 10 du traité de l’OHADA et dans

l’article 332 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de

recouvrement et des voies d’exécution, la législation OHADA s’applique obligatoirement

dans tous les Etats membres de l’OHADA et abroge toutes les dispositions contraires des lois

nationales. Il en résulte que dès son entrée en vigueur, l’article 336 de l’Acte uniforme précité

a nécessairement abrogé l’article 2 de la loi togolaise plaçant les entreprises publiques sous un

régime de droit privé. En d’autres termes, l’immunité d’exécution prévue par l’article 30

de l’Acte uniforme ne peut être remise en cause par un législateur national.

Application n° 3 : Le caractère d’ordre public de l’Acte uniforme relatif au droit

des sociétés commerciales (CCJA, avis du 26 avril 2000)

Question posée à la CCJA par l’Etat sénégalais : les SA régies par l’Acte uniforme

relatif au droit des sociétés commerciales et au GIE peuvent-elles créer un poste de vice-

président dans les organes dirigeants de la société ?

Réponse de la CCJA

Une telle démarche serait contraire à l’article 909 de l’acte uniforme relatif à la mise

en harmonie des statuts des sociétés commerciales avec l’Acte uniforme. Autrement dit,

l’article 909 circonscrit le cadre de l’harmonisation et les associés ne peuvent aller au-delà des

dispositions de ce texte.

Application n° 4 : la modification du code des participations au Gabon

(Ordonnance n° 3/2008 du 18 janvier 2008)

Les articles 1, 14, 15, 17, 20, 21 et 22 du code des participations issu de la loi n° 8/83

du 31 décembre 1983 ont été modifiés par l’ordonnance n° 3/2008 du 18 janvier 2008.

L’examen des dispositions modifiées révèle que le législateur national a méconnu le principe

de la supranationalité du droit OHADA déduit de l’article 10 du traité OHADA. Sont

principalement concernés, les articles 14, 17, 20, 21 et 22 de l’ordonnance. On s’en tiendra

aux exemples tirés des articles 14 et 17 de l’ordonnance de 2008.

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Article 14

Les dividendes dus à l’Etat doivent être acquittés dans un délai de 9 mois suivant la

clôture de l’exercice (alinéa 3), toute prorogation de ce délai devant être demandée au juge 15

jours au plus tard avant l’expiration du délai de 9 mois (alinéa 4). La prorogation consentie

par le juge ne peut excéder 3 mois (alinéa 5), ce qui signifie que la mise en paiement des

dividendes dus à l’Etat ne peut, prorogation comprise, excéder un délai de 12 mois.

Commentaire

L’article 146, alinéa 2, de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et

au GIE prévoit que tous les dividendes, non pas seulement ceux dus à l’Etat, doivent être mis

en paiement dans le même délai de 9 mois à compter de la clôture de l’exercice. En outre, le

juge peut accorder une prorogation qui ne peut excéder trois (3) mois. En prévoyant des

dispositions similaires ou en les complétant, l’article 14 méconnaît le principe de la

supranationalité du droit OHADA qui interdit aux Etats membres de prendre des dispositions

modifiant, complétant ou ayant le même objet que les Actes uniformes.

Article 17

Toute augmentation ou réduction de capital est soumise à l’agrément préalable du

ministre en charge des participations, après avis de la Direction des participations.

Commentaire

Dans la SARL comme dans la SA, les modifications de capital sont de la compétente

exclusive de l’assemblée générale extraordinaire (AGE). Celle-ci se prononce à la majorité

des associés représentant au moins les trois quarts (3/4) du capital social (article 358 pour la

SARL) ou des deux tiers (2/3) des voix exprimés (articles 554 pour la SA). Une société

commerciale, même à participation financière publique, ne peut procéder à une modification

de capital que dans les conditions fixées par l’Acte uniforme. L’article 17 est contraire aux

dispositions de l’Acte uniforme relatives aux variations du capital et porte atteinte au principe

de la supranationalité du droit OHADA.

Application n° 5 : La rémunération des dirigeants des sociétés publiques et para-

publiques (Décret n° 0295 du 30 juin 2010)

L’article 1er de ce texte plafonne la rémunération des « Présidents, vices présidents,

des conseils d’administration et des personnels de direction des établissements publics, des

entreprises publiques et des sociétés d’Etat ». Les sommes plafonnées figurent dans un

tableau en annexe du décret, selon la répartition suivante :

PCA : de 1 500 000 à 3 000 000

Vice-Président du conseil d’administration : de 1 000 000 à 2 500 000

P-DG : de 3 000 000 à 5 000 000

DG : de 2 500 000 à 5 000 000

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DGA : de 2 500 000 à 3 500 000

Commentaire

La rémunération des dirigeants visés dans le décret de 2010 est en principe régie par

l’Acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE.

Rémunération du Président-Directeur Général (P- DG)

Article 467 : les modalités et le montant de la rémunération du P-DG sont fixés par le

Conseil d’Administration (CA) dans les conditions de l’article 430.

Article 430 : hormis les sommes perçues dans le cadre d’un contrat de travail, les

administrateurs ne peuvent recevoir, au titre de leurs fonctions, aucune autre rémunération,

permanente ou non, que celles visées aux articles 431 et 432 du présent Acte uniforme.

Toute clause statutaire contraire est réputée non écrite. De même, toute décision

contraire est nulle.

Rémunération du Président du Conseil d’Administration (PCA)

Article 482 : Le CA fixe les modalités et le montant de la rémunération de son

président dans les conditions prévues à l’article 430 du présent Acte uniforme.

Rémunération du Directeur Général (DG) et du Directeur Général Adjoint

(DGA)

Article 490 : Les modalités et le montant de la rémunération du DG sont fixés par le

CA qui le nomme.

A la lecture de ces dispositions, il ressort clairement que le CA est le seul organe

habilité à fixer le montant et les modalités de la rémunération des dirigeants sociaux. Ces

principes s’appliquent à toutes les sociétés commerciales installées dans l’espace OHADA,

même aux sociétés dans lesquelles l’Etat ou une personne morale de droit public est associé.

En d’autres termes, les sociétés publiques, para-publiques ou les sociétés d’Etat sont soumises

à l’Acte uniforme dès lors qu’elles ont la forme d’une société commerciale.

En conséquence, le décret du 30 juin 2010 plafonnant la rémunération des dirigeants

des entreprises publiques et des sociétés d’Etat contredit le principe de la supranationalité du

droit OHADA ainsi que les dispositions pertinentes de l’Acte uniforme sur les sociétés

commerciales. Parce qu’elles sont contraires au droit uniforme, ces dispositions sont réputées

non écrites.

II : La suprématie de la jurisprudence supranationale

La cohérence des ordres juridiques CEMAC et OHADA n’aurait pu être assurée si les

juridictions nationales avaient conservé la plénitude de leurs pouvoirs en matière

d’interprétation de la loi commerciale. Ainsi, aux abandons de souveraineté législative se sont

ajoutés des abandons de souveraineté judiciaire, l’interprétation de la loi uniforme étant

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confiée à des organes juridictionnels supranationaux. Pour permettre l’application directe,

obligatoire et exclusive de la jurisprudence supranationale dans les Etats membres, tous les

traités instituant des juridictions supranationales accordent l’autorité de la chose jugée et la

force exécutoire aux décisions qu’elles rendent.

A : L’autorité de forcée jugée des décisions

L’autorité de la chose jugée attachée aux décisions de justice signifie que, sous réserve

des voies de recours, elles ont la force de la vérité légale qui empêche que la même cause soit

à nouveau jugée entre les mêmes parties dans un nouveau procès. Toutes les décisions

rendues par les cours de la CEMAC (article 5 de la convention régissant la Cour de Justice de

la CEMAC) et de l’OHADA (articles 20 du traité de l’OHADA ; 47 et 49 du règlement de

procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage) revêtent cette autorité.

Même s’il semble confondre l’autorité de la chose jugée avec la force de chose jugée

attachée à une décision, le législateur communautaire a voulu signifier que les Cours de

justice communautaires ont un pouvoir juridictionnel autonome qui les soustrait à tout

contrôle interne. Les décisions qu’elles rendent s’appliquent dans les Etats membres sans le

secours d’une convention internationale d’entraide judiciaire.

La CCJA confirme, a contrario, cette caractéristique fondamentale des arrêts qu’elle

rend. En effet, en affirmant que ses avis n’ont ni l’autorité de la chose jugée ni la force de

chose jugée, elle laisse entendre que les arrêts rendus en application des articles 14 et 15 du

traité de l’OHADA revêtent ces caractères.

Parce que les Cours supranationales ont l’exclusivité de l’interprétation du droit

uniforme dans leurs domaines respectifs, le législateur supranational a craint que les Etats ne

mettent en échec les décisions supranationales, c’est-à-dire l’interprétation uniforme de la loi

uniforme. C’est la raison pour laquelle, à l’autorité de la chose jugée, s’ajoute la force

exécutoire que les traités étudiés attachent aux décisions des juridictions supranationales.

B : La force exécutoire des décisions

La force exécutoire est un ordre par lequel les autorités ordonnent l’exécution d’un

acte ou prêtent leur concours à cette exécution. Seules les décisions rendues par les

juridictions nationales ont en principe la force exécutoire. En raison de la souveraineté des

Etats, les décisions rendues par une juridiction étrangère n’acquièrent cette force sur le

territoire d’un autre Etat qu’à la suite d’une décision d’exequatur rendue par le juge national.

L’exequatur permet donc l’application dans un pays d’une décision rendue par une juridiction

étrangère. Or la décision d’exequatur est rendue après une longue procédure qui occasionne,

en outre, des frais importants. Enfin, les Etats peuvent mettre en échec la décision rendue par

une juridiction étrangère en refusant de l’appliquer.

Pour éviter cet inconvénient, les traités CEMAC et OHADA confèrent la force

exécutoire aux décisions rendues par les juridictions supranationales. Ces décisions sont ainsi

appliquées dans tous les Etats membres dans les mêmes conditions que les décisions des

juridictions nationales. Il en résulte qu’une décision d’exequatur n’est pas nécessaire et que

les autorités nationales sont tenues d’apposer la formule exécutoire en procédant à la seule

vérification de l’authenticité de la décision. L’abandon de souveraineté judiciaire conduit

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donc à assimiler les décisions supranationales à celles qui sont rendues par les juridictions

nationales.

Cette assimilation ne concerne toutefois que les conditions d’application des décisions

supranationales. Dans le principe, ces décisions bénéficient d’un imperium supranational,

comme si le juge communautaire détenait une fraction de la puissance publique à l’intérieur

de chaque Etat membre, c’est-à-dire, entre autres, du pouvoir de requérir la force publique ou

d’ordonner une astreinte.

Toute velléité de résistance des autorités ou des juridictions nationales est d’ailleurs

annihilée puisque la force exécutoire est complétée par l’interdiction formelle faite à tous les

Etats membres d’appliquer sur leur territoire une décision contraire à la jurisprudence

supranationale. La force exécutoire assure la supériorité des juridictions supranationales et

permet, en conséquence, la construction sereine de leur œuvre prétorienne.

Le principe de la supranationalité qui induit la force obligatoire et la force abrogatoire

du droit et de la jurisprudence de la CJ de la CEMAC et de la CCJA de l’OHADA assure la

cohésion, la cohérence et l’unité des ordres juridiques créés par chaque organisation.

Reste alors à savoir, dans les rapports avec l’ordre juridique interne, si les droits

CEMAC et OHADA ont une valeur supra-constitutionnelle qui leur donneraient la primauté

sur les normes constitutionnelles contraires. Le Conseil constitutionnel du Sénégal est en ce

sens approuvé par une doctrine qui estime, s’agissant du droit OHADA, que « la supériorité

du droit international sur le droit constitutionnel semble préférable en tant que correspondant

à l’évolution et à l’efficacité du droit international, spécialement en présence d’un processus

d’intégration, comme c’est le cas de l’OHADA… ». Cette doctrine suggère cependant que la

supériorité des droits issus des organisations d’intégration comme la CEMAC et l’OHADA

sur les normes constitutionnelles contraires soit conditionnée à la nécessité de respecter «

l’identité constitutionnelle » des États membres.

§ 3 : Les rapports entre les ordres juridiques supranationaux

La coexistence, dans un même Etat, de plusieurs ordres juridiques supranationaux

pose la question des rapports entre ces ordres juridiques supranationaux. Si le principe de leur

indépendance se situe dans l’ordre des choses, il reste que certains plaident pour une

suprématie de l’ordre juridique OHADA.

I : L’indépendance de principe des ordres juridiques

En principe, chaque corps de règles détermine « sa sphère d’applicabilité matérielle et

spatiale et celle-ci s’impose aux ordres juridiques internes des États membres. Aucune norme

communautaire ne peut davantage régler la question de l’applicabilité du droit communautaire

produit par les autres institutions que celle qui a produit la norme. Ainsi, il ne revient pas à

une norme CEDEAO ou OHADA de traiter de l’applicabilité d’une norme UEMOA ». Il

s’ensuit que les ordres juridiques supranationaux sont indépendants les uns des autres. Chaque

ordre juridique supranational a ses propres sources normatives et juridictionnelles qui sont

irréductibles à celles d’un autre ordre juridique supranational.

II : L’affirmation de la suprématie de l’ordre juridique OHADA

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Malgré l’indépendance de principe des ordres juridiques supranationaux fondée sur

une approche formaliste, le droit OHADA apparaît de plus en plus comme un droit

supranational qui, en vertu d’une approche finaliste, prime toutes les normes internes, les

droits communautaires CEMAC et UEMOA ainsi que les normes issues des régimes spéciaux

de l’OAPI et de la CIMA. Cette autorité absolue du droit OHADA sur les droits

communautaires CEMAC et UEMOA ne fait cependant pas l’unanimité car elle envisage les

rapports entres les droits supranationaux sous un angle hiérarchique.

Peut-être conviendrait-il, en dernière analyse, de repenser les rapports entre, d’une

part, le droit OHADA et les droits internes et, d’autre part, le droit OHADA et les droits

CEMAC et UEMOA, pour aboutir à une nouvelle articulation qui conduirait à admettre la

pluralité et la complémentarité des ordres juridiques dans l’espace OHADA. Une telle

approche consacrerait le dépassement de l’État-nation devenu État membre quand il

abandonne à une organisation commune une partie de sa souveraineté législative et judiciaire.

La nature supranationale du droit OHADA s’en trouverait confortée, sans d’ailleurs que soit

remise en cause la qualification du droit que l’on pourra déduire du champ d’application des

Actes uniformes.