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-1- UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS (PARIS II) Année universitaire 2016-2017 TRAVAUX DIRIGES 1 ère année Licence Droit DROIT CIVIL Cours de Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS ____________________________________________ Distribution : 27 février au 4 mars 2017. TREIZIÈME SÉANCE LACQUISITION DE LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE ----------------------------------------------------------------------------------------------- I.- Première approche La personnalité juridique est laptitude à être titulaire actif et passif des droits subjectifs que le droit objectif reconnaît à chacun. On a vu que la personnalité juridique est accordée aussi bien aux personnes physiques quaux personnes morales. Cest toujours uniquement au regard des premières les personnes physiques que doit se comprendre le thème de la première séance. La question posée est la suivante : quelles sont les frontières de la personnalité ? Autrement dit, quand commence la personnalité juridique et quand finit-elle ? Si la question mérite une particulière attention, cest quen amont comme en aval, avant et après, se posent des questions difficiles, objet de polémiques et dincertitudes. La personnalité juridique nest en effet accordée à lêtre humain que sil est en vie. Mais cette simple vue recouvre nombre dinterrogations. II.- Les conditions d’acquisition de la personnalité juridique La personnalité juridique débute avec la naissance : lêtre humain doit être né vivant et viable pour acquérir la personnalité juridique. Il en résulte quavant de naitre, lêtre humain car lenfant dans le ventre de sa mère est bien un être humain est privé de la personnalité juridique. Il est une part de sa mère, mais na pas, en tant que tel, dexistence juridique autonome : il nest pas sujet de droit.

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UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS (PARIS II)

Année universitaire 2016-2017

TRAVAUX DIRIGES – 1ère

année Licence Droit

DROIT CIVIL

Cours de Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS

____________________________________________

Distribution : 27 février au 4 mars 2017.

TREIZIÈME SÉANCE

L’ACQUISITION DE LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE

-----------------------------------------------------------------------------------------------

I.- Première approche – La personnalité juridique est l’aptitude à être titulaire actif et passif

des droits subjectifs que le droit objectif reconnaît à chacun. On a vu que la personnalité

juridique est accordée aussi bien aux personnes physiques qu’aux personnes morales. C’est

toujours uniquement au regard des premières – les personnes physiques – que doit se

comprendre le thème de la première séance.

La question posée est la suivante : quelles sont les frontières de la personnalité ? Autrement

dit, quand commence la personnalité juridique et quand finit-elle ? Si la question mérite une

particulière attention, c’est qu’en amont comme en aval, avant et après, se posent des

questions difficiles, objet de polémiques et d’incertitudes. La personnalité juridique n’est en

effet accordée à l’être humain que s’il est en vie. Mais cette simple vue recouvre nombre

d’interrogations.

II.- Les conditions d’acquisition de la personnalité juridique – La personnalité juridique

débute avec la naissance : l’être humain doit être né vivant et viable pour acquérir la

personnalité juridique. Il en résulte qu’avant de naitre, l’être humain – car l’enfant dans le

ventre de sa mère est bien un être humain – est privé de la personnalité juridique. Il est une

part de sa mère, mais n’a pas, en tant que tel, d’existence juridique autonome : il n’est pas

sujet de droit.

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Dès lors, l’atteinte par imprudence ou négligence à la vie d’un fœtus – même d’un âge avancé

– ne devrait pas être constitutif d’un homicide.

Document 1 : Ass. plén, 29 juin 2001, Bull. A.P, n° 8 ; D. 2001.2917, note Mayaud et 2907,

obs. Pradel ; JCP 2001.II.10569, rapp. Sargos, concl. Sainte-Rose et note Rassat.

La règle selon laquelle la personnalité juridique ne débute qu’à la naissance est toutefois

infléchie par une fiction très célèbre, selon laquelle l’enfant conçu est réputé né toutes les fois

qu’il y va de son intérêt (infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus

agitur). C’est une fiction, c’est-à-dire, un artifice de technique juridique consistant à supposer

un fait ou une situation différents de la réalité en vue de produire un effet de droit : il s’agit de

faire comme si…En l’espèce : faire comme si l’enfant simplement conçu était né, manière de

lui accorder la personnalité alors qu’il n’est, en réalité, pas né (et donc logiquement

insusceptible de se voir reconnaître la qualité de sujet de droit doté de la personnalité

juridique) :

Document 2 : Extraits de Roland et Boyer, Adages du droit français, Litec, n° 162.

Document 3 : Cass. civ. 1ère

, 10 décembre 1985, Bull. civ. I, n° 339.

III.- Le statut juridique de l’embryon - Les plus grandes difficultés - les plus grands débats

- concernent le statut de l’embryon. Du fait qu’il n’est pas doté de la personnalité, faut-il

conclure qu’il n’est toujours qu’une chose ? Une telle qualification est-elle admissible ? Dans

cette mesure, ne mérite-t-il pas toutefois une particulière protection ?

La législation en matière d’avortement participe évidemment avec acuité à cette discussion.

Document 4 : Décision n° 2001-446 DC du 27 juin 2001 - Loi relative à l’interruption

volontaire de grossesse et à la contraception.

La loi du 29 juillet 1994 a par ailleurs posé des règles, dans le cadre de l’assistance médicale à

la procréation, censées poser des limites. Le Conseil constitutionnel a reconnu sa conformité à

la Constitution (v. fiche précédente, doc.1).

Les dispositions initiales de la loi de 1994 ont ultérieurement été modifiées et complétées, en

particulier, récemment, par la loi du 6 août 2013 (sur sa conformité à la Constitution, v. fiche

précédente, doc. 2) et par celle du 26 janvier 2016 relative à la modernisation de notre

système de santé, que le Conseil constitutionnel a également déclarée conforme à la

Constitution (DC 21 janv. 2016, n° 2015-727).

Ainsi, la recherche sur l’embryon humain ou sur les cellules souches embryonnaires qui en

sont issues ne peut être autorisée par l’Agence de biomédecine que si quatre conditions sont

satisfaites : la pertinence scientifique de la recherche, la finalité médicale de celle-ci,

l’impossibilité, en l’état des connaissances scientifiques, de mener la recherche sans recourir à

ces embryons ou ces cellules, et si, enfin, le projet et les conditions de mise en œuvre du

protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules

souches embryonnaires. En second lieu, ce n’est qu’à partir d’embryons conçus in vitro dans

le cadre de l’assistance médicale à la procréation, lesquels ne doivent pas faire l’objet d’un

projet parental, que la recherche peut être menée (CSP, art. L. 2151-5).

Document 5 : Articles L. 2141-1 et s. du Code de la santé publique.

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Document 6 : Articles L. 2151-1 et s. du Code de la santé publique.

Par ailleurs, sur un autre sujet mais avec toujours des relations directement liées avec la

question du statut de l’enfant avant la naissance (vivant et viable), la loi du 8 janvier 1993 a

introduit dans le Code civil un article 79-1 permettant l’établissement d’un acte d’enfant sans

vie. Cette disposition a une portée symbolique forte.

Document 7 : Article 1er

du décret n° 2008-800 du 20 août 2008 relatif à l’application du

second alinéa de l’article 79-1 du Code civil.

Document 8 : Extraits de la circulaire du 19 juin 2009.

IV- La gestation pour autrui - C’est enfin la gestation pour autrui qui, aujourd’hui, soulève

de nombreuses questions. En effet, si la pratique est expressément interdite en France, certains

couples y ont néanmoins recours dans certains pays étrangers l’autorisant. Or, le lien de

filiation des enfants ainsi conçus peut-il être reconnu en France, à l’égard des parents ayant

pourtant contrevenu à l’interdiction ? À la suite des condamnations de la France par la Cour

européenne des droits de l’homme, les solutions évoluent. Elles pourraient aussi évoluer à la

faveur du changement de président de la République. On se demandera ainsi quel est le

programme des candidats à la présidentielle, qu’il s’agisse de PMA ou de GPA.

Document 9 : Article 16-7 du Code civil.

Document 10 : Cass. civ. 1ère

, 6 avr. 2011, n° 09-66.486 ; JCP G 2011.441, obs. Vialla et

Reynier ; RTD civ. 2011.340, obs. Hauser ; D. 2011.1064, obs. Labbée.

Document 11 : Ass. plén., 3 juill. 2015, n° 15-50.002 ; RTD civ. 2015.581, obs. Hauser ; D.

2015.1481, obs. Bollée ; D. 2015.1819, obs. de Fulchiron ; AJ fam. 2015.364, obs. Dionisi-

Peyrusse.

Document 12 : CEDH, 19 janv. 2017, n° 44024/13, Laborie c. France.

III.- Exercice :

Dissertation : L’enfant avant la naissance

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Document 1 : Ass. plén, 29 juin 2001.

Sur les deux moyens réunis du procureur général près la cour d’appel de Metz et de Mme X... :

Attendu que le 29 juillet 1995 un véhicule conduit par M. Z... a heurté celui conduit par Mme X...,

enceinte de six mois, qui a été blessée et a perdu des suites du choc le foetus qu’elle portait ; que

l’arrêt attaqué (Metz, 3 septembre 1998) a notamment condamné M. Z... du chef de blessures

involontaires sur la personne de Mme X..., avec circonstance aggravante de conduite sous l’empire

d’un état alcoolique, mais l’a relaxé du chef d’atteinte involontaire à la vie de l’enfant à naître ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir ainsi statué, alors que, d’une part, l’article 221-6 du

Code pénal réprimant le fait de causer la mort d’autrui n’exclut pas de son champ d’application

l’enfant à naître et viable, qu’en limitant la portée de ce texte à l’enfant dont le cœur battait à la

naissance et qui a respiré, la cour d’appel a ajouté une condition non prévue par la loi, et alors que,

d’autre part, le fait de provoquer involontairement la mort d’un enfant à naître constitue le délit

d’homicide involontaire dès lors que celui-ci était viable au moment des faits quand bien même il

n’aurait pas respiré lorsqu’il a été séparé de la mère, de sorte qu’auraient été violés les articles 111-3,

111-4 et 221-6 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;

Mais attendu que le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte

de la loi pénale, s’oppose à ce que l’incrimination prévue par l’article 221-6 du Code pénal, réprimant

l’homicide involontaire d’autrui, soit étendue au cas de l’enfant à naître dont le régime juridique relève

de textes particuliers sur l’embryon ou le fœtus ;

D’où il suit que l’arrêt attaqué a fait une exacte application des textes visés par le moyen ;

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi.

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Document 2 : Extraits de Roland et Boyer, Adages du droit français.

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Document 3 : Cass. civ. 1ère

, 10 décembre 1985.

Sur le moyen unique : vu le principe selon lequel l’enfant conçu est réputé ne chaque fois qu’il y va de

son intérêt ;

Attendu que Bernard Y..., au service de la société Comex, avait adhéré, le 20 aout 1979, a une police

d’assurance-groupe souscrite par son employeur pour son personnel auprès de la compagnie

européenne d’assurances sur la vie (Euravie), laquelle garantissait, en cas de décès, le paiement d’un

capital d’un montant de 200 % du salaire de base, majore de 30 % par enfant à charge vivant au foyer

de l’assure ;

Que Bernard Y..., déjà père de trois enfants, dont deux issus d’un premier mariage, a désigné comme

bénéficiaire de l’assurance-groupe sa seconde épouse, Brigitte Y..., née x... Et, à défaut, ses enfants ;

Qu’il est décédé le 1er mars 1980 ;

Que Mme Y... a mis au monde deux jumeaux le 24 mai 1980 ;

Que la compagnie Euravie lui a réglé la somme de 522.300 francs mais a refusé de tenir compte des

deux enfants qui n’étaient pas nés au moment de la réalisation du risque ;

Que Mme Y... a, le 30 juillet 1981, assigne cet assureur en paiement de la somme complémentaire de

108.062 francs, 25 ;

Attendu que l’arrêt attaque a rejeté sa demande, aux motifs essentiels que la seule bénéficiaire

contractuellement désignée de l’assurance décès était Mme Y..., que la clause de la police était

“envisagée comme une notion de seul fait” et que les enfants simplement conçus dont il s’agit ne

vivaient pas au foyer de l’assure” ;

Attendu, cependant, que si les conditions d’application du contrat d’assurance décès doivent être

apprécies au moment de la réalisation du risque, la détermination des enfants à charge vivant au foyer,

doit être faite en se conformant aux principes généraux du droit, spécialement à celui d’après lequel

l’enfant conçu est réputé ne chaque fois qu’il y va de son intérêt, étant observé que la majoration du

capital-décès, lorsqu’il existe des enfants à charge, est destinée à faciliter l’entretien de ces enfants ;

Qu’en statuant comme elle l’a fait, en écartant, pour le calcul de la majoration du capital-décès, les

enfants simplement conçus et qui, en l’espèce, sont nés viables, la cour d’appel a violé la règle et le

texte susvisé ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l’arrêt rendu le 24 mai 1984, entre les parties, par la Cour d’appel de Paris.

Document 4 : Décision n° 2001-446 DC du 27 juin 2001.

[…]

1. Considérant que les sénateurs auteurs de la saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative

à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, définitivement adoptée le 30 mai 2001, et

contestent la conformité à la Constitution, en tout ou en partie, de ses articles 2, 4, 5, 8 et 19 ;

- SUR L’ALLONGEMENT À DOUZE SEMAINES DU DÉLAI PENDANT LEQUEL PEUT ÊTRE

PRATIQUÉE UNE INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE LORSQUE LA FEMME

ENCEINTE SE TROUVE DANS UNE SITUATION DE DÉTRESSE

2. Considérant que l’article 2 de la loi déférée, qui modifie l’article L. 2212-1 du code de la santé

publique, porte de dix à douze semaines de grossesse le délai pendant lequel peut être pratiquée une

interruption volontaire de grossesse lorsque la femme enceinte se trouve, du fait de son état, dans une

situation de détresse ;

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3. Considérant que, selon les requérants, cette disposition :

- méconnaîtrait le principe de la sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme de dégradation

en raison, en particulier, du « risque certain de pratique eugénique tendant à la sélection des enfants à

naître » résultant, d’après les requérants, de la possibilité de déceler, à ce stade de la croissance du

fœtus, « un plus grand nombre d’anomalies » et de « discerner le sexe de l’enfant à naître » ;

- porterait atteinte, selon les requérants, « au principe du respect de tout être humain dès le

commencement de sa vie » dès lors que la loi autorise l’interruption du développement « d’un être

humain ayant accédé au stade du fœtus », lequel « constitue une personne humaine en puissance” et

jouirait “d’une protection juridique renforcée » ;

- méconnaîtrait, en ignorant les obligations de prudence qui s’imposent au législateur « en l’absence de

consensus médical » sur ces questions, le principe de précaution qui constituerait un objectif de valeur

constitutionnelle résultant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de

1789 ;

- violerait enfin le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, le « changement de la

nature et de la technique de l’intervention » faisant courir des risques médicaux accrus à la femme ;

4. Considérant qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d’un pouvoir

général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au

regard de l’état des connaissances et des techniques, les dispositions ainsi prises par le législateur ;

qu’il est à tout moment loisible à celui-ci, dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes

antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; que

l’exercice de ce pouvoir ne doit cependant pas aboutir à priver de garanties légales des exigences de

valeur constitutionnelle ;

5. Considérant qu’en portant de dix à douze semaines le délai pendant lequel peut être pratiquée une

interruption volontaire de grossesse lorsque la femme enceinte se trouve, du fait de son état, dans une

situation de détresse, la loi n’a pas, en l’état des connaissances et des techniques, rompu l’équilibre

que le respect de la Constitution impose entre, d’une part, la sauvegarde de la dignité de la personne

humaine contre toute forme de dégradation et, d’autre part, la liberté de la femme qui découle de

l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; qu’il ressort du deuxième alinéa de

l’article 16-4 du code civil que seule peut être qualifiée de pratique eugénique “toute pratique ...

tendant à l’organisation de la sélection des personnes” ; que tel n’est pas le cas en l’espèce ; qu’en

réservant la faculté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse à « la femme enceinte que son

état place dans une situation de détresse », le législateur a entendu exclure toute fraude à la loi et, plus

généralement, toute dénaturation des principes qu’il a posés, principes au nombre desquels figure, à

l’article L. 2211-1 du code de la santé publique, « le respect de l’être humain dès le commencement de

sa vie » ;

6. Considérant que, contrairement à ce qu’affirment les requérants, le principe de précaution ne

constitue pas un objectif de valeur constitutionnelle ;

7. Considérant, enfin, que, si l’interruption volontaire de grossesse constitue un acte médical plus

délicat lorsqu’elle intervient entre la dixième et la douzième semaine, elle peut être pratiquée, en l’état

actuel des connaissances et des techniques médicales, dans des conditions de sécurité telles que la

santé de la femme ne se trouve pas menacée ; que la loi déférée comporte, à cet égard, des garanties

suffisantes ; que, dans ces conditions, le grief tiré d’une violation du onzième alinéa du Préambule de

la Constitution de 1946 doit être rejeté ;

[…]

Décide :

Article premier :

Sont déclarés conformes à la Constitution les articles 2, 4, 5, 8 ainsi que le V de l’article 19 de la loi

relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

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Document 5 : Articles L. 2141-1 et s. du Code de la santé publique.

Article L. 2141-1

L’assistance médicale à la procréation s’entend des pratiques cliniques et biologiques permettant la

conception in vitro, la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert

d’embryons et l’insémination artificielle. La liste des procédés biologiques utilisés en assistance

médicale à la procréation est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l’Agence de

la biomédecine. Un décret en Conseil d’Etat précise les modalités et les critères d’inscription des

procédés sur cette liste. Les critères portent notamment sur le respect des principes fondamentaux de la

bioéthique prévus en particulier aux articles 16 à 16-8 du code civil, l’efficacité, la reproductibilité du

procédé ainsi que la sécurité de son utilisation pour la femme et l’enfant à naître. L’Agence de la

biomédecine remet au ministre chargé de la santé, dans les trois mois après la promulgation de la loi

n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, un rapport précisant la liste des procédés

biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation ainsi que les modalités et les critères

d’inscription des procédés sur cette liste.

Toute technique visant à améliorer l’efficacité, la reproductibilité et la sécurité des procédés figurant

sur la liste mentionnée au premier alinéa du présent article fait l’objet, avant sa mise en œuvre, d’une

autorisation délivrée par le directeur général de l’Agence de la biomédecine après avis motivé de son

conseil d’orientation.

Lorsque le conseil d’orientation considère que la modification proposée est susceptible de constituer

un nouveau procédé, sa mise en œuvre est subordonnée à son inscription sur la liste mentionnée au

même premier alinéa.

La technique de congélation ultra-rapide des ovocytes est autorisée.

La mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation privilégie les pratiques et procédés qui

permettent de limiter le nombre des embryons conservés. L’Agence de la biomédecine rend compte,

dans son rapport annuel, des méthodes utilisées et des résultats obtenus.

La stimulation ovarienne, y compris lorsqu’elle est mise en oeuvre indépendamment d’une technique

d’assistance médicale à la procréation, est soumise à des règles de bonnes pratiques fixées par arrêté

du ministre chargé de la santé.

Un arrêté du ministre chargé de la santé, pris sur proposition de l’Agence de la biomédecine, définit

les règles de bonnes pratiques applicables à l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur.

Article L. 2141-2 L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple ou d’éviter la

transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. Le

caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué.

L’homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir

préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination. Font obstacle à l’insémination ou au

transfert des embryons le décès d’un des membres du couple, le dépôt d’une requête en divorce ou en

séparation de corps ou la cessation de la communauté de vie, ainsi que la révocation par écrit du

consentement par l’homme ou la femme auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l’assistance

médicale à la procréation.

Article L. 2141-3 Un embryon ne peut être conçu in vitro que dans le cadre et selon les objectifs d’une assistance

médicale à la procréation telle que définie à l’article L. 2141-1. Il ne peut être conçu avec des gamètes

ne provenant pas d’un au moins des membres du couple.

Compte tenu de l’état des techniques médicales, les membres du couple peuvent consentir par écrit à

ce que soit tentée la fécondation d’un nombre d’ovocytes pouvant rendre nécessaire la conservation

d’embryons, dans l’intention de réaliser ultérieurement leur projet parental. Dans ce cas, ce nombre est

limité à ce qui est strictement nécessaire à la réussite de l’assistance médicale à la procréation, compte

tenu du procédé mis en œuvre. Une information détaillée est remise aux membres du couple sur les

possibilités de devenir de leurs embryons conservés qui ne feraient plus l’objet d’un projet parental.

Les membres du couple peuvent consentir par écrit à ce que les embryons, non susceptibles d’être

transférés ou conservés, fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues à l’article L. 2151-

5.

Un couple dont des embryons ont été conservés ne peut bénéficier d’une nouvelle tentative de

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fécondation in vitro avant le transfert de ceux-ci sauf si un problème de qualité affecte ces embryons.

Article L. 2141-4

Modifié par Ordonnance n°2016-800 du 16 juin 2016 - art. 7

I.- Les deux membres du couple dont des embryons sont conservés sont consultés chaque année par

écrit sur le point de savoir s’ils maintiennent leur projet parental.

II.- S’ils n’ont plus de projet parental ou en cas de décès de l’un d’entre eux, les deux membres d’un

couple, ou le membre survivant, peuvent consentir à ce que :

1° Leurs embryons soient accueillis par un autre couple dans les conditions fixées aux articles L.

2141-5 et L. 2141-6 ;

2° Leurs embryons fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues à l’article L. 2151-5 ou,

dans les conditions fixées par cet article et les articles L. 1121-4 et L. 1125-1, à ce que les cellules

dérivées à partir de ceux-ci entrent dans une préparation de thérapie cellulaire à des fins exclusivement

thérapeutiques ;

3° Il soit mis fin à la conservation de leurs embryons.

Dans tous les cas, le consentement ou la demande est exprimé par écrit et fait l’objet d’une

confirmation par écrit après un délai de réflexion de trois mois. En cas de décès de l’un des membres

du couple, le membre survivant ne peut être consulté avant l’expiration d’un délai d’un an à compter

du décès, sauf initiative anticipée de sa part.

III.- Dans le cas où l’un des deux membres du couple consultés à plusieurs reprises ne répond pas sur

le point de savoir s’il maintient ou non son projet parental, il est mis fin à la conservation des

embryons si la durée de celle-ci est au moins égale à cinq ans. Il en est de même en cas de désaccord

des membres du couple sur le maintien du projet parental ou sur le devenir des embryons.

IV.- Lorsque les deux membres d’un couple, ou le membre survivant, ont consenti, dans les conditions

prévues aux articles L. 2141-5 et L. 2141-6, à l’accueil de leurs embryons et que ceux-ci n’ont pas été

accueillis dans un délai de cinq ans à compter du jour où ce consentement a été exprimé par écrit, il est

mis fin à la conservation de ces embryons.

Article L. 2141-5 Les deux membres du couple peuvent consentir par écrit à ce que les embryons conservés soient

accueillis par un autre couple dans les conditions prévues à l’article L. 2141-6.

En cas de décès d’un membre du couple, le membre survivant est consulté par écrit sur le point de

savoir s’il consent à ce que les embryons conservés soient accueillis par un autre couple dans les

conditions prévues à l’article L. 2141-6.

Article L. 2141-6 Un couple répondant aux conditions prévues à l’article L. 2141-2 peut accueillir un embryon lorsque

les techniques d’assistance médicale à la procréation au sein du couple ne peuvent aboutir ou lorsque

le couple, dûment informé dans les conditions prévues à l’article L. 2141-10, y renonce.

L’accueil de l’embryon est subordonné à une décision de l’autorité judiciaire, qui reçoit préalablement

le consentement écrit du couple à l’origine de sa conception. Le juge s’assure que le couple

demandeur remplit les conditions prévues à l’article L. 2141-2 et fait procéder à toutes investigations

permettant d’apprécier les conditions d’accueil que ce couple est susceptible d’offrir à l’enfant à naître

sur les plans familial, éducatif et psychologique. L’autorisation d’accueil est délivrée pour une durée

de trois ans renouvelable.

Le couple accueillant l’embryon et celui y ayant renoncé ne peuvent connaître leurs identités

respectives.

Toutefois, en cas de nécessité thérapeutique, un médecin pourra accéder aux informations médicales

non identifiantes concernant le couple ayant renoncé à l’embryon.

Aucun paiement, quelle qu’en soit la forme, ne peut être alloué au couple ayant renoncé à l’embryon.

L’accueil de l’embryon est subordonné à des règles de sécurité sanitaire. Ces règles comprennent

notamment des tests de dépistage des maladies infectieuses.

Seuls les établissements publics ou privés à but non lucratif autorisés à cet effet peuvent conserver les

embryons destinés à être accueillis et mettre en œuvre la procédure d’accueil.

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Article L. 2141-7 L’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut être mise en œuvre lorsqu’il existe un

risque de transmission d’une maladie d’une particulière gravité à l’enfant ou à un membre du couple,

lorsque les techniques d’assistance médicale à la procréation au sein du couple ne peuvent aboutir ou

lorsque le couple, dûment informé dans les conditions prévues à l’article L. 2141-10, renonce à une

assistance médicale à la procréation au sein du couple

Article L. 2141-8 Un embryon humain ne peut être conçu ni utilisé à des fins commerciales ou industrielles.

Document 6 : Articles L. 2151-1 et s. du Code de la santé publique.

Article L. 2151-1

Comme il est dit au troisième alinéa de l’article 16-4 du code civil ci-après reproduit :

Art. 16-4 (troisième alinéa).-Est interdite toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant

génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée.

Article L. 2151-2 La conception in vitro d’embryon ou la constitution par clonage d’embryon humain à des fins de

recherche est interdite.

La création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite.

Article L. 2151-3 Un embryon humain ne peut être ni conçu, ni constitué par clonage, ni utilisé, à des fins commerciales

ou industrielles.

Article L. 2151-4 Est également interdite toute constitution par clonage d’un embryon humain à des fins thérapeutiques.

Document 7 : Article 1er

du décret n° 2008-800 du 20 août 2008 relatif à l’application du

second alinéa de l’article 79-1 du Code civil.

L’acte d’enfant sans vie prévu par le second alinéa de l’article 79-1 du code civil est dressé par

l’officier de l’état civil sur production d’un certificat médical établi dans des conditions définies par

arrêté du ministre chargé de la santé et mentionnant les heure, jour et lieu de l’accouchement.

Document 8 : Extraits de la circulaire du 19 juin 2009.

La présente circulaire a pour objectif de préciser les règles à respecter en matière d’enregistrement à

l’état civil, de délivrance d’un livret de famille et de prise en charge des corps pour les enfants soit

décédés, avant la déclaration de naissance, soit pouvant être déclarés sans vie. Pour ce faire, elle tient

compte, notamment, de l’évolution réglementaire résultant des décrets et arrêtés susmentionnés parus

le 20 août 2008 qui contribuent à apporter une réponse aux souffrances des familles confrontées à un

deuil. Elle recommande, en outre, aux établissements de santé, dans son annexe I, les modalités à

mettre en œuvre en vue d’un meilleur accompagnement des familles endeuillées et, dans son annexe

II, les modalités nécessaires au recueil de données épidémiologiques.

I – Enregistrement à l’état civil

1.1 – Conditions d’établissement des actes de naissance et de décès

L’aliéna 1er de l’article 79-1 du code civil prévoit que, lorsqu’un enfant est décédé avant que sa

naissance soit déclarée à l’état civil, l’officier de l’état civil établit un acte de naissance et un acte de

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décès sur production d’un certificat médical indiquant que l’enfant est né vivant et viable et précisant

les jour et heure de sa naissance et de son décès.

1.2 – Conditions d’établissement d’un acte d’enfant sans vie

En l’absence d’un certificat médical attestant que l’enfant est né vivant et viable, l’officier d’état civil

établit un acte d’enfant sans vie, inscrit sur les registres de décès (art. 79-1 alinéa 2 du code civil), qui

énonce notamment les jour, heure et lieu de l’accouchement.

Le nouveau dispositif résulte du décret n° 2008-800 du 20 août 2008 et de l’arrêté du même jour

relatif au modèle de certificat médical d’accouchement. La délivrance d’un acte d’enfant sans vie est

désormais conditionnée à la production d’un certificat attestant de l’accouchement de la mère, dont le

modèle est annexé à l’arrêté du 20 août 2008.

Le nouveau dispositif n’est donc plus fondé sur le seuil de viabilité défini par l’Organisation mondiale

de la santé – OMS – (soit 22 semaines d’aménorrhée ou un poids du fœtus de 500 grammes). […]

1.2.2 – Modalités d’établissement de l’acte d’enfant sans vie

L’officier de l’état civil du lieu de l’accouchement établit l’acte d’enfant sans vie sur déclaration faite

par les parents, par l’un d’eux, ou par un tiers déclarant, et sur la production du certificat

d’accouchement susvisé.

Le tiers déclarant peut être un représentant de l’établissement de santé, le praticien ayant effectué

l’accouchement ou tout autre tiers, qui agit à la demande des parents.

Le certificat d’accouchement remis à l’officier de l’état civil est représenté par le seul volet inférieur

de ce document, tel que défini par l’annexe de l’arrêté du 20 août 2008.

En effet, la partie supérieure de ce certificat est conservée dans le dossier médical.

Dans l’éventualité où l’intégralité du formulaire lui serait présentée, l’officier de l’état civil conserve

la partie qui lui est destinée et remet la partie supérieure au déclarant.

L’acte d’enfant sans vie est inscrit à sa date sur les registres de décès, lorsqu’il existe dans la

commune des registres spéciaux à chaque catégorie d’actes. Il énonce les jour, heure et lieu de

l’accouchement, les prénoms et noms, dates et lieux de naissance, professions et domiciles des père et

mère, et le cas échéant, ceux du déclarant.

Un ou des prénoms peuvent être donnés à l’enfant sans vie, si les parents en expriment le désir. En

revanche, aucun nom de famille ne peut lui être conféré et aucun lien de filiation ne peut être établi à

son égard. En effet, la filiation et le nom de famille constituent des attributs de la personnalité

juridique.

Celle-ci résulte du fait d’être né vivant et viable et ne peut en conséquence être conférée à l’enfant

sans vie.

L’enregistrement de l’acte d’enfant sans vie n’est soumis à aucun délai. En effet, le délai de

déclaration prévu à l’article 55 du code civil n’est applicable qu’aux déclarations de naissance.

Les parents peuvent donc prendre le temps de la réflexion et n’ont pas à décider de déclarer l’enfant

sans vie dès l’accouchement. […]

Document 9 : Article 16-7 du Code civil.

Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle.

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Document 10 : Cass. civ. 1ère

, 6 avr. 2011.

Attendu que Z... est né le 30 mai 2001, à

Fosston (Minnesota, Etats-Unis), après qu’une

personne eut accepté de porter l’embryon issu

des gamètes de M. X... et de Mme Y..., son

épouse ; qu’un jugement du 4 juin 2001 du

tribunal de Beltrami (Minnesota) a prononcé

l’adoption en leur faveur de l’enfant après

avoir constaté par décision du même jour son

abandon par sa mère ; que l’acte de naissance

délivré le 6 juin 2001 à Fosston, mentionne les

noms de M. X... et de Mme Y..., épouse X...,

en qualité de père et mère de l’enfant ; que cet

acte a été transcrit le 11 juillet 2003 sur les

registres de l’état civil du consulat général de

France à Chicago, puis enregistré par le service

central de l’état civil de Nantes ; que sur

assignation du procureur de la République près

le tribunal de grande instance de Paris, qui

avait limité sa demande à l’annulation de la

transcription relative à la seule filiation

maternelle de l’enfant, l’arrêt confirmatif

attaqué (Paris, 26 février 2009) a dit que Mme

Y... n’était pas la mère de Z... et a annulé dans

la transcription de l’acte de naissance de

l’enfant, la mention relative à Mme Y... ;

Sur le second moyen :

Attendu que les époux X... font grief à l’arrêt

d’avoir accueilli la demande, alors, selon le

moyen :

1°/ que pour déclarer inopposable en France un

jugement étranger, les juges du fond sont tenus

de constater l’incompétence du juge étranger,

la contrariété à l’ordre public international ou

la fraude à la loi française ; que la conception

française de l’ordre public international ne se

confond pas avec celle de l’ordre public

interne en ce qu’elle n’intervient que pour

écarter l’application normale du droit étranger

en cas d’incompatibilité avec certains principes

fondamentaux ou valeurs considérées comme

absolues par la société française ; qu’en se

bornant, pour remettre en cause le lien de

filiation maternelle établi par deux jugements

américains d’abandon et d’adoption de l’enfant

Z... et annuler la transcription de ces jugements

dans le registre français d’état civil, à déduire

de la contrariété à l’ordre public interne du

recours à la gestation pour autrui, sur le

fondement des articles 16-7 et 16-9 du code

civil, la contrariété à la conception française de

l’ordre public international, la cour d’appel a

méconnu les textes susvisés ;

2°/ que le respect de la vie privée et de la vie

familiale impose le maintien d’un lien de

filiation établi depuis plusieurs années

permettant le développement et l’intégration

familiale de l’enfant ; qu’en conséquence,

l’annulation de la transcription, dans le registre

français, de l’acte d’état civil étranger

établissant un lien de filiation maternelle plus

de six ans après son autorisation initiale a pour

conséquence de priver l’enfant de tout lien de

filiation maternelle et est donc contraire au

respect de la vie privée et familiale de l’enfant

; qu’en retenant, en l’espèce, que le statut

d’enfant adultérin constituait une atteinte

moins grave au respect dû à sa vie privée que

celle obtenue par la falsification de son état, la

cour d’appel a violé l’article 9 du code civil,

ensemble l’article 8 de la Convention

européenne de sauvegarde des droits de

l’Homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu’en retenant, dans un premier temps, que

le respect de la vie privée et de la vie familiale

impose la primauté de la transparence soit, en

d’autres termes, la conformité de l’état civil

avec les conditions dans lesquelles l’enfant est

venu au monde, sur l’inscription de la filiation

maternelle avec la mère d’intention et, dans un

second temps, qu’il convenait d’annuler la

transcription des jugements étrangers dans le

registre français d’état civil, conférant ainsi à

l’enfant issu d’une gestation pour autrui à

laquelle ont eu recours deux époux, soit

l’enfant génétique d’un couple marié, un statut

d’enfant adultérin qui ne correspond pas avec

la réalité de sa venue au monde, la cour

d’appel s’est prononcée par des motifs

contradictoires et a ainsi méconnu l’article 455

du code civil ;

4°/ que le principe de primauté de l’intérêt

supérieur de l’enfant, qui trouve son

fondement dans l’article 3-1 de la convention

de New-York du 26 janvier 1990 relative aux

droits de l’enfant, impose au juge de

rechercher concrètement si l’intérêt de l’enfant

guide la mesure qu’il ordonne ; qu’en se

bornant à affirmer que l’annulation de la

transcription des jugements d’abandon et

d’adoption étrangers dans les registres français

d’état civil ne conduisaient pas à une

méconnaissance de l’intérêt supérieur de

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l’enfant, la cour d’appel n’a pas motivé sa

décision, ou, à tout le moins, s’est prononcée

par des motifs insuffisants à justifier

légalement sa décision et ainsi privé sa

décision de base légale au regard du texte

susvisé ;

5°/ qu’en tout état de cause, l’intérêt supérieur

de l’enfant impose que le maintien d’un lien de

filiation établi depuis plusieurs années

permettant le développement et l’intégration

familiale de l’enfant et, en conséquence, que sa

filiation maternelle établie par deux jugements

étrangers et transcrits dans le registre français

d’état civil depuis plus de six ans ne soit pas

remise en cause ; qu’en disant en 2007 que

Mme X... n’est pas la mère de l’enfant Z... né

en 2001 et en ordonnant la transcription de ces

mentions dans les registres d’état civil, lui

conférant ainsi en France le statut d’enfant

adultérin, la cour d’appel a violé l’article 3-1

de la convention de New-York du 26 janvier

1990 relative aux droits de l’enfant ;

Mais attendu qu’est justifié le refus de

transcription d’un acte de naissance établi en

exécution d’une décision étrangère, fondé sur

la contrariété à l’ordre public international

français de cette décision, lorsque celle-ci

comporte des dispositions qui heurtent des

principes essentiels du droit français ; qu’en

l’état du droit positif, il est contraire au

principe de l’indisponibilité de l’état des

personnes, principe essentiel du droit français,

de faire produire effet, au regard de la filiation,

à une convention portant sur la gestation pour

le compte d’autrui, qui, fût-elle licite à

l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre

public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du

code civil ;

Que, dès lors, la cour d’appel a retenu, à bon

droit, que dans la mesure où ils donnaient effet

à une convention de cette nature, les jugements

"américains" du 4 juin 2001 étaient contraires

à la conception française de l’ordre public

international, en sorte que l’acte de naissance

litigieux ayant été établi en application de ces

décisions, sa transcription sur les registres

d’état civil français devait être, dans les limites

de la demande du ministère public, rectifiée

par voie de suppression de la mention de Mme

Y... en tant que mère ; qu’une telle

rectification, qui ne prive pas l’enfant de sa

filiation paternelle, ni de la filiation maternelle

que le droit de l’Etat du Minnesota lui

reconnaît, ni ne l’empêche de vivre avec les

époux X... en France, ne porte pas atteinte au

droit au respect de la vie privée et familiale de

cet enfant au sens de l’article 8 de la

Convention européenne des droits de l’homme,

non plus qu’à son intérêt supérieur garanti par

l’article 3 §1 de la Convention internationale

des droits de l’enfant ; que le moyen n’est pas

fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

Document 11 : Ass. plén., 3 juillet 2015.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 16 décembre 2014), que Y... X..., reconnue par M. X...le 1er

février 2011, est née le 30 mai 2011, à Moscou ; que son acte de naissance, établi en Russie, désigne

M. Patrice X..., de nationalité française, en qualité de père, et Mme Lilia Z..., ressortissante russe, qui

a accouché de l’enfant, en qualité de mère ; que le procureur de la République s’est opposé à la

demande de M. X...tendant à la transcription de cet acte de naissance sur un registre consulaire, en

invoquant l’existence d’une convention de gestation pour autrui conclue entre M. X...et Mme Z... ;

Attendu que le procureur général fait grief à l’arrêt d’ordonner la transcription, alors, selon le moyen :

1°/ qu’en l’état du droit positif, il est contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes,

principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention

portant sur la gestation pour le compte d’autrui, qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité

d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil, tel qu’affirmé par la jurisprudence de

la Cour de cassation ;

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-15-

2°/ qu’est justifié le refus de transcription d’un acte de naissance établi en exécution d’une décision

étrangère, fondé sur la contrariété à l’ordre public international français de cette décision. Cette

solution, qui ne prive pas l’enfant de sa filiation paternelle, ni de la filiation maternelle que le droit de

l’État étranger lui reconnaît, ni ne l’empêche de vivre au foyer de M. Patrice X..., ne porte pas atteinte

au droit au respect de la vie privée et familiale de cet enfant au sens de l’article 8 de la Convention

européenne des droits de l’homme, non plus qu’à son intérêt supérieur garanti par l’article 3 § 1 de la

Convention internationale des droits de l’enfant ;

Mais attendu qu’ayant constaté que l’acte de naissance n’était ni irrégulier ni falsifié et que les faits

qui y étaient déclarés correspondaient à la réalité, la cour d’appel en a déduit à bon droit que la

convention de gestation pour autrui conclue entre M. X...et Mme Z... ne faisait pas obstacle à la

transcription de l’acte de naissance ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

Document 12 : CEDH, 19 janv. 2017, Laborie c. France.

[…]

4. La première requérante est née en 1969, le deuxième requérant est né en 1972 et les troisième et

quatrième requérants sont nés en 2010. Ils déclarent élire domicile à l’adresse du cabinet de leur

avocate.

5. Les requérants indiquent que, consultant informatique spécialisé en sécurité informatique, le

deuxième d’entre eux s’est installé à Karkhov en Ukraine en août 2010 en vue d’y créer une

entreprise. Ils ajoutent que la première requérante l’y a rejoint le 23 octobre 2010.

6. Les troisième et quatrième requérants sont nés le 22 novembre 2010 à Karhov. Les actes de

naissance établis le 30 novembre 2010 par les autorités ukrainiennes indiquent que la première

requérante est leur mère et que le deuxième requérant est leur père.

7. Le 14 février 2011, les premiers requérants déposèrent une demande de transcription des actes de

naissance des troisième et quatrième requérants à l’ambassade de France en Ukraine.

8. Par une lettre du 15 mars 2011, le procureur de la République de Nantes leur répondit qu’il

« [s]’oppos[ait] à cette transcription compte-tenu des indices sérieux réunis par [le] poste diplomatique

que ces naissances soient intervenues dans le cadre d’un contrat de gestation pour autrui prohibé par

l’article 16-7 du code civil ». […]

SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION :

16. Invoquant l’article 8 de la Convention, les requérants se plaignent d’une violation de leur droit au

respect de leur vie privée et familiale résultant du refus de transcription des actes de naissance

ukrainiens des troisième et quatrième d’entre eux sur les registres de l’état civil français au motif que

les premiers d’entre eux avaient eu recours à une convention de gestation pour autrui. Ils invoquent

l’article 8 de la Convention, aux termes duquel :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa

correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que

cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société

démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du

pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de

la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

Page 16: UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS (PARIS II)travauxdiriges.com/data/uploads/droitpersbiens2017/fiche... · 2017. 2. 21. · précédente, doc. 2) et par celle du 26 janvier 2016 relative

-16-

[…]

Appréciation de la Cour

29. La Cour constate que la situation des requérants en l’espèce est similaire à celle des requérants

dans les affaires Mennesson, Labassee, Foulon et Bouvet (précitées), dans lesquelles elle a jugé qu’il

n’y avait pas eu violation du droit au respect de la vie familiale des requérants (les parents d’intention

et les enfants concernés), mais qu’il y avait eu violation du droit au respect de la vie privée des enfants

concernés.

30. Considérant les circonstances de l’espèce, la Cour ne voit aucune raison de conclure autrement que

dans les affaires Mennesson, Labassee, Foulon et Bouvet précitées.

31. Comme dans les arrêts Foulon et Bouvet précités (§ 56), la Cour prend bonne note des indications

du Gouvernement relatives au revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation le 3 juillet

2015, postérieurement à l’introduction de la présente requête et au prononcé des arrêts Mennesson et

Labassee. Elle observe aussi que le Gouvernement entend déduire de ce nouvel état du droit positif

français que le deuxième requérant et les troisième et quatrième requérants ont désormais la possibilité

d’établir leur lien de filiation par la voie de la reconnaissance de paternité ou de la possession d’état,

ou par la voie de l’action en établissement de filiation prévue par l’article 327 du code civil. Elle

constate toutefois qu’à supposer cette circonstance avérée et pertinente – ce que contestent les

requérants –, le droit français a en tout état de cause fait obstacle durant presque quatre ans et huit

mois à la reconnaissance juridique de ce lien de filiation (les troisième et quatrième requérants étant

nés le 22 novembre 2010).

32. La Cour conclut en conséquence qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention

s’agissant du droit des requérants au respect de leur vie familiale, mais qu’il y a eu violation de cette

disposition s’agissant du droit des troisième et quatrième requérants au respect de leur vie privée. […]

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ :

1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’article 8 de la Convention ;

2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention s’agissant du droit des requérants au

respect de leur vie familiale ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention s’agissant du droit des troisième et

quatrième requérants au respect de leur vie privée.