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BioOne sees sustainable scholarly publishing as an inherently collaborative enterprise connecting authors, nonprofit publishers, academic institutions, research libraries, and research funders in the common goal of maximizing access to critical research. Usages ordinaires et rituels de la viande dans le bassin de l'lénisseï : l'exemple du renne et du mouton Author(s): Vladimir I. D'Iatchenko and Francine David Source: Anthropozoologica, 45(1):11-23. 2010. Published By: Muséum national d'Histoire naturelle, Paris DOI: http://dx.doi.org/10.5252/az2010n1a1 URL: http://www.bioone.org/doi/full/10.5252/az2010n1a1 BioOne (www.bioone.org ) is a nonprofit, online aggregation of core research in the biological, ecological, and environmental sciences. BioOne provides a sustainable online platform for over 170 journals and books published by nonprofit societies, associations, museums, institutions, and presses. Your use of this PDF, the BioOne Web site, and all posted and associated content indicates your acceptance of BioOne’s Terms of Use, available at www.bioone.org/page/terms_of_use . Usage of BioOne content is strictly limited to personal, educational, and non-commercial use. Commercial inquiries or rights and permissions requests should be directed to the individual publisher as copyright holder.

Usages Ordinaires et Rituels de la Viande Dans le Bassin de L'Lénisseï : L'Exemple du Renne et du Mouton

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Usages ordinaires et rituels de la viande dans le bassin de l'lénisseï :l'exemple du renne et du moutonAuthor(s): Vladimir I. D'Iatchenko and Francine DavidSource: Anthropozoologica, 45(1):11-23. 2010.Published By: Muséum national d'Histoire naturelle, ParisDOI: http://dx.doi.org/10.5252/az2010n1a1URL: http://www.bioone.org/doi/full/10.5252/az2010n1a1

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ANTHROPOZOOLOGICA • 2010 • 45 (1) © Publications Scientifiques du Muséum national d’Histoire naturelle, Paris. 11

ABSTRACTOrdinary and ritual uses of meat in Ienisei Basin: The example ofreindeer and sheepOn the territory of Ieniseï in Central Siberia live people of different linguisticfamilies, from the North to the South: Samoyed, Tungus and others ofTurkish languages . Reindeer and sheep are essential as resources in subsistenceand in the economy of the region . We tried to show similarities in acquisitionand consumption of the meat and the lack of limit between ordinary andritual practices .

MOTS CLÉSIenisseï,mouton,renne,

abattage,consommation .

Vladimir I. D’IATCHENKOMusée d’Anthropologie et d’Ethnographie

(Kunstkamera)

Universitetskaia nab.3, 189 034 Saint-Pétersbourg (Russie)

[email protected]

Francine DAVIDLaboratoire d’Ethnologie préhistorique

Maison René Ginouvès

21 allée de l’Université, 92023 Nanterre Cedex (France)

[email protected]

D’iatchenko V. I. & David F. 2010. — Usages ordinaires et rituels de la viande dans le bassinde l’Iénisseï : l’exemple du renne et du mouton. Anthropozoologica 45(1): 11-23.

RÉSuMÉSur le territoire de l’I�nisseï, en Sib�rie centrale, vivent des peuples dediff�rentes familles linguistiques, du Nord au Sud : Samoyèdes, Toungouzes etautres peuples de langue d’origine turque . Le renne et le mouton sontessentiels comme ressources de subsistance et dans l’�conomie de la r�gion .Nous avons tent� de montrer la communaut� des usages dans l’acquisition etla consommation de la viande ainsi que l’absence de limite entre les pratiquesordinaires et rituelles .

Usages ordinaires et rituels de la viande

dans le bassin de l’Iénisseï :

l’exemple du renne et du mouton

KEYWORDSIeniseï,sheep,

reindeer,killing,

consumption .

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D’iatchenko V .I . & David F .

Situ� au centre de la Sib�rie, le bassin de l’Enissei(Fig . 1) s’allonge sur quelque 5 000 km de long etcomprend des paysages vari�s (Fig . 2) : la toundraau nord, la taïga au centre puis la steppe bord�e decollines �rod�es et de montagnes avec taïga vers le

sud . Son peuplement s’est effectu� par migrationssuccessives en provenance du sud vers le nord, lesuns repoussant les autres le long du fleuve et de lataïga (Levin&Potapov 1964) . échanges et empruntsculturels ont �t� nombreu� et ont marqu� chacunde ces diff�rents groupes, qu’ils soient nomades ous�dentaires . Ils ont alors gard� des traits culturelscommuns malgr� les diff�rences de leurs d’envi-ronnements .Au nord, se trouvent des chasseurs-�leveurs derennes : Samoïèdes comme les Nganassanes(Popov 1948), et Toungouzes comme les Nenets(Khomitch 1966), Evenkes (Nikolalev 1964),Dolganes (D’iatchenko 2005) et Kètes(Alekseenko 1967) . Le renne (Fig . 3), qu’il soitdomestique ou sauvage, joue un rôle pr�pond�rantdans leur vie �conomique . Il reste la base de leuralimentation .Vers le sud, desTurcs d’origine comme les Hakasses(Boutanaev 1995) et lesTouvines (Vaïnchtein 1991),sont �leveurs demoutons, chevau� et bovins (Fig . 4)et, à l’occasion, chasseurs en taïga .Dans cet article, nous avons tent� de montrer, àtravers les e�emples du renne et du mouton, lacommunaut� d’usages dans l’acquisition et laconsommation de la viande ainsi que l’absence delimite entre l’ordinaire et le rituel . Cette absencer�vèle l’importance de la relation homme-animal,l’animal �tant l’interm�diaire qui permet à l’hommed’acc�der au surnaturel et d’assurer sa survie(Hamayon 1990) .Nous avons pris comme e�emplesle renne et le mouton car ce sont deu� animau�essentiels dans la subsistance et l’�conomie desgroupes de cette r�gion, mais, dans un cas, nousavons �galement fait r�f�rence au cheval .

fig. 1. — Carte de situation de la zone concernée.

fig. 2. — Paysages du bassin de l’Ienisseï : A. Toundra été ethiver (Taïmyr) ; B. Steppe (Hakassie) (photo I. Gratchev) et C.Taïga en été (Sayan) (photo L. Pavlinskaya).

fig. 3. — Région de Sopotchnoe. Troupeau de rennes en toun-dra (photo Mission Ethno-Rennes).

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1 . À notre connaissance, de nos jours, une femme chasse dans le Nord chez les Dolganes, mais les rennes etles moutons domestiques sont toujours tu�s par les hommes . Toutefois, dans certaines ethnies, les femmespeuvent effectuer la d�coupe du renne au retour de la chasse (Lavriller 2005) .

raissent très rapidement . C’est pourquoi nous avonsparfois conjugu� au pass� .

ACQUISITION DE LA VIANDE

AbAttAge ordinAireL’abattage, quel qu’il soit, est effectu� par les hommes .Les femmes n’y participent pas1 . Au Sud commeau Nord, on peut distinguer quatre principalesm�thodes ordinaires de tuer les animau� domes-tiques (D’iatchenko, David & Gratchev 2007) .Au sud de la r�gion �tudi�e, chez lesTurcs d’origine,une première façon, couramment utilis�e, estd’�gorger le mouton (Fig . 5) après avoir sectionn�la moelle �pinière au niveau de la nuque ou l’avoirassomm� d’un revers de hache .Une seconde façon, courante, en particulier pourle mouton, parfois aussi pour le cheval chez lesTouvines, consiste à arracher l’aorte post�rieure(Fig . 6) sans r�pandre sur le sol le sang qui est alorsr�cup�r� (Vaïnchtein 1991) .Une troisième façon traditionnelle de tuer moutonset chevau� est de planter un couteau au niveau dela première cervicale, m�thode encore utilis�e dansle Nord, chez les Evenkes et les Dolganes, pour lerenne (Fig . 7) .

fig. 4. — Troupeaux de moutons (A), chevaux (B) et bovins (C)dans le sud (Sayan) (photos L. Pavlinskaya).

Les donn�es que nous �voquons sont tir�es en grandepartie de la litt�rature concernant principalementle xxe siècle et si croyances et traditions sont encoremaintenant vivantes, certaines changent et dispa-

fig. 5. — Égorgement d’un mouton (Hakassie).

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fig. 6. — Arrachage de l’aorte d’un mouton chez les Turquesd’origine (photo S. Shapiro).

fig. 7. — Renne sauvage blessé achevé d’un coup de couteaudans la nuque (Dolgane).

Enfin, un dernier moyen, pratiqu� aussi par lesTouvines et les Hakasses, est d’�touffer le mouton,les mains sur le nez . De même, �trangler le renneau lasso (Fig . 8) est encore très r�pandu en toundrachez les Nenets et les Nganassanes, mais aussi,autrefois, chez certains Evenkes (Nikolaev 1964) .Cette technique permet de ne verser aucune gouttede sang, car le r�pandre est consid�r� comme unefaute pour les animau� domestiques .

AbAttAge rituelLes Turcs d’origine, pour demander prosp�rit� etbonheur lorsque la maladie touche une personneou du b�tail, offrent les animau� consacr�s, chevau�,bovins, moutons, soit en les laissant partir à volont�dans la nature, soit par une mise à mort rituelle par�touffement . Au xxe siècle, lorsqu’il s’agissait, pare�emple, de sacrifier un cheval, ils choisissaient unjeune d’environ trois ou quatre ans, alezan ou grisclair, ni fonc� ni tachet� . Ils l’aplatissaient sur leventre les pieds �cart�s, et l’�touffaient à l’aide d’unecorde serr�e autour des naseau� . Une fois l’animalcomplètement vid�, à l’int�rieur de la peau, laiss�eentière, à laquelle tenait encore attach�s la tête, laqueue et les m�tapodes, on plaçait le cœur, lespoumons et les os de l’animal puis on cousaitgrossièrement . Le tout �tait ensuite suspendu sur

fig. 8. — Nenets étranglant un renne (d’après Arktika moï dom1990).

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fig. 9. — A. Sacrifices de cheval (Altaï), début du XXe siècle(aquarelle de Goorkine). B. Sacrifice de bovin (Yakoutie).C, D. Rennes sacrifiés près d’une tombe (Nganassanes)(photos Kunstkamera).

une perche, la tête du cheval tourn�e vers l’est(Vaïnchtein 1991) (Fig . 9A, B) .Dans l’Altaï, à l’occasion d’un enterrement, on tuaitles chevau� d’un coup de couteau dans la nuque etla mâchoire inf�rieure �tait enlev�e avec la trach�e,les poumons et le coeur . La tête et la peau avec lespattes �taient dispos�es sur une perche �troite, orien-t�e vers l’est comme pr�c�demment . La viande �taitmang�e pour le repos de l’âme du mort . Dans latombe, une partie �tait d�pos�e, suppos�e permettreau mort de vivre dans le futur (D’iakonova 2001) .Dans leNord, au d�but de la nuit polaire, au coucherdu soleil, ou encore, après l’enterrement ou près dela tombe d’une personne venant de mourir, Kètes(Alekseenko 1967) et Nganassanes sacrifiaient unrenne . S’il s’agissait d’un homme, de chaque côt�

du renne se tenaient deu� personnes avec chacunune pique appoint�e . Une troisième personne setrouvait derrière et, d’un coup de gourdin, brisaitla colonne vert�brale du renne . Aumêmemoment,les deu� personnes qui �taient debout, en avant,transperçaient le cœur du renne de chaque côt� .Une fois l’animal tu�, ils dirigeaient la tête en direc-tion du soleil couchant (Popov 1936) .Tête et peauconserv�es d’une pièce �taient dispos�es sur uneperche près de la tombe comme pour les chevau�(Fig . 9C, D) . Pour une femme, le renne �tait affal�au sol sur le ventre, les pattes �cart�es comme plushaut, mais il �tait tu� d’un coup de couteau dansla nuque comme pour le cheval dans l’Altaï (Diako-nova 2001) . Au d�but du xxe siècle, les Nenets del’Ienissei tuaient aussi parfois les rennes de cettemanière, mais seulement en cas de c�l�bration avecun chamane (Khomitch 1966) .Pour un sacrifice au� esprits, certainsHakasses duSud�touffent le mouton, les mains sur le museau, aprèslui avoir, �galement,bris� la colonnevert�brale (Fig .10) .

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Dans le nord, lors de divers d�sastres, les Nganas-sanes suppliaient le soleil et lui demandaient del’aide, par e�emple, pour unmalade . S’il gu�rissait,ils tuaient un renne blanc en l’�tranglant(Popov 1936) . La peau, la tête et les sabots �taientjet�s dans un arbre comme le font encore couram-ment les Dolganes (D’iatchenko 2005) (Fig . 11) .Lorsqu’il s’agit d’un sacrifice au feu, lesTurcs pren-nent un mouton blanc avec les oreilles et les jouesnoires et lui arrachent l’aorte . Les Evenkes, eu�,utilisaient, autrefois, cette m�thode pour les joursdu souvenir des morts et lors de c�r�monies dirig�espar un chamane (Vaïnchtein 1991) .Enfin, comme partout, les fun�railles sont l’occasiond’un repas et donc d’abattage d’animau� . Dans leNord, la tête de l’animal choisi est tourn�e vers lecoucher du soleil et on l’�gorge . À l’inverse desabattages ordinaires, tout le sang est vers� à la terrecomme nourriture (Popov 1936) .Ces quelques e�emples d’abattage (Fig . 12)mettenten �vidence, du sud au nord, les nombreuses relationsqui ont e�ist� entre les diff�rentes communaut�svivant le long du fleuve . L’orientation de la tête estimportante . La tête de l’animal sacrifi� est dirig�etantôt vers l’est pour les sacrifices ou les c�r�moniesdu souvenir, tantôt vers le soleil couchant ou versla tombe du mort pour les enterrements et parfoisaussi pour certaines c�r�monies du souvenir . LesToungouzes dans le Nord ne pratiquent ni l’�gor-gement ni l’arrachage de l’aorte .Un même groupe peut, selon les circonstances,utiliser diff�rentes m�thodes traduisant les diverses

fig. 10. — Colonne vertébrale d’un mouton brisée sur uneperche avant d’être étouffé (Hakassie) (photo Kunstkamera).

fig. 11. — Après avoir étranglé un renne en sacrifice, les Nga-nassanes jetaient la peau, la tête et les sabots dans un arbrecomme ici chez les Dolganes.

valeurs accord�es au�moyens demise à mort . Ainsiles Nganassanes peuvent pratiquer l’�tranglementpour les sacrifices rituels, mais dans les manifesta-tions fun�raires pour un d�funt, comme chez lesHakasses du Sud, ils brisent la colonne vert�braleet transpercent le cœur du renne, tandis que pourune d�funte, ils portent un coup de couteau dansla nuque . Quant au sang de la victime, on �vite dele r�pandre sur le sol, sauf dans le Sud à l’occasiondes enterrements où les Touvines en nourrissent laterre . Dans tous les cas, il s’agit d’animau� domes-tiques ; pour les animau� sauvages, les m�thodesd’approche du gibier et la façon de le tuer ne sontpas « ritualis�es » .Cette distinction entre abattage ordinaire et rituelne tient qu’à des d�tails . Pour le renne et le mouton,cette diff�rence se fait surtout dans la manière dedisposer la d�pouille une fois l’animal mort .Comme le rappel J . Delort (1984 : 110), « Danstoutes les civilisations, l’immolation du vivant a dessignifications bien pr�cises ; elle souligne le rapportà la divinit� : l’e�piation, le remerciement, l’offrandepropitiatoire destin�s à se concilier les faveurs dudieu . Enfin, selon M . Mauss, ce rite permet d’assu-rer l’impossible liaison entre profane et sacr� » .

CONSOMMATION DE LA VIANDE

Pour les diff�rentes ethnies de cette vaste r�gion,on constate que tout semange dans le renne commedans lemouton, à peu d’e�ceptions près . La consom-

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Hakasses Hakasses

fig. 12. — Tableau de méthodes d’abattage.

mation de la viande est une vraie fête pour tout lemonde, mais, de même que dans la gestion des os,elle suit des règles strictes .En effet, pour les peuples chasseurs, les os repr�-sentent la source première de la vie de la personneet de l’animal, source qui permet à l’espèce de sereproduire (Gourvitch 1977, Hamayon 1990) .C’est pourquoi, pour les sacrifices comme dans lessituations ordinaires, on ne casse pas les os desanimau�, on les recueille, on les enterre, on les metsur des estrades oudans les arbres (D’iatchenko2005) .Les os à moelle font e�ception : une fois l’animaltu�, d�sarticul� et la viande retir�e, il est possiblede les casser pour r�cup�rer la moelle (Fig . 13) .Autrefois, dans le sud, les Mongols supposaientque l’âme de la cr�ature vivante se situait dans lesang, et il �tait interdit de la laisser partir . En nelaissant pas partir le sang, on ne brisait pas, ainsi,l’int�grit� de la cr�ature . L’âme des morts traver-sait alors provisoirement le monde r�el tout enrestant invisible et pouvait ensuite renaître à nou-veau dans les descendants . En ce qui concerne le

fig. 13. — Il est possible de casser les os des métapodes derennes pour, une fois décharnés, en consommer la moelle(Dolganes).

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troupeau, cette r�tention du sang permettait qu’au-cune tête ne se perde . Tandis que la perte du sangou le bris des os, et donc de l’âme, interrompaitla chaîne de la renaissance et infligeait ainsi unirr�parable pr�judice à l’e�ploitation dont le trou-peau �tait la principale richesse (Hamayon 1990,Boutanaev 1995) .

les morceAux APPréciésDans la manière de consommer la viande (Fig . 14),il faut tenir compte de la qualit� gustative de chaque�l�ment et de leur hi�rarchie . Cette appr�ciationest, dans le cas pr�sent, la même pour tous lesgroupes �voqu�s ici . C’est la valeur de la graisse quiparaît lamieu� partag�e ainsi que celle desmorceau�les plus gras (Karlin & Tchesnakov 2007) — cequi peut s’e�pliquer dans une r�gion au� hiversrigoureu� . La langue, la moelle, la cervelle, le foie,la graisse, sp�cialement celle autour des yeu� pourles Nenets, sont des morceau� très appr�ci�s etconsid�r�s comme des gourmandises, en particulierpar les ethnies du Nord . Ainsi, après avoir tu� unrenne, les chasseurs consomment cru, le foie, lesrognons et de la moelle .

lA viAnde que l’on donne d’ordinAireD’ordinaire, lorsqu’il y a abattage, il y a partagede la viande . Chez les chasseurs nomades, c’estune manière d’assurer sa survie, aussi bien dansla vie sur terre que dans le futur . Cette coutumedu partage e�iste depuis le Pal�olithique où, pare�emple, il a �t� d�montr� sur le site de Pincevent(Seine-et-Marne, France) l’e�istence du partagedu renne entre les diff�rentes unit�s d’habitationd’un même campement (Enloe 1991) . Nomadeset s�dentaires suivent cette pratique à des degr�sdiff�rents suivant divers facteurs dont l’environ-nement et la temp�rature . Elle est toutefois raredans les r�gions tropicales où l’abondance denourriture est quasi �gale toute l’ann�e . Les moda-lit�s du partage sont comple�es, elles peuventvarier selon la perception des besoins en nourri-ture, la distance de parent�, le statut du chasseur,la taille du gibier et son �ventuel surplus, etc .(Mauss 1923-24, Gubser 1965, Balikci 1968, Lee&Devore 1968,Woodburn 1968, Clastres 1972,Simtchenko 1976, Binford 1978, Bahuchet 1984,Enloe 1991, Lavriller 2005) .

Chez les Turcs d’origine du bassin de l’I�nisseï, lecôt� droit du mouton est r�serv� au� hommes, legauche au� femmes . Les jours d’abattage, lesmeilleursmorceau� de viande de la partie droite de la carcasseson cuits pour les voisins . La partie gauche esthabituellement pr�par�e pour les femmes, en par-ticulier lors des comm�morations fun�raires (Bouta-naev 1995) .Toujours pour le mouton, la meilleure part deviande appr�ci�e par tout le monde est l’arrière-train . Les Hakasses et les Touvines y ajoutent laqueue grasse, kyrdiouk, qui est obligatoirementofferte au plus respectable des invit�s . C’est à lakyrdiouk que les Saïano-Turcs accordent le plus devaleur en tant que nourriture car le gras signifierichesse, sant� et donc vie . Cette queue grasse estpr�sent�e lors de toutes les r�unions, à l’e�ceptiondes enterrements (Boutanaev 1995) .Chez les chasseurs-�leveurs toungouzes, l’arrière-train est �galement lemorceau avec lequel on honoreles invit�s . Les Nenets en pr�sentent la moiti�,vertèbres lombaires comprises, qu’ils font bouilliravec la poitrine (sternum) (Khomitch 1966) .Dans le Sud, la poitrine est �galement un �l�menttrès gras que l’on donne au� invit�s respectables .Celle du mouton est offerte ordinairement à lafemme la plus estim�e (Vaïnstein 1991) .Tout comme les chasseurs �voqu�s plus haut, les�leveurs Nenets qui ont particip� à l’abattage com-mencent par manger cru un morceau de foie et derognon, tremp� dans le sang (Khomitch 1966) .Si le contenu de l’estomac se mange cru, les autresabats se consomment gel�s, crus ou cuits, toutcomme la graisse de l’arrière-train (qui peut avoirjusqu’à cinq doigts d’�paisseur) et la moelle des os .Enfin, tout se cuisine dans le renne, du velours desbois, que l’on fait griller, jusqu’au� sabots en passantpar le fœtus, le pis après en avoir suc� le lait et lestendons des m�tapodes . LesTouvines consommentde la viande de renne sauvage mais, le foie et lecœur mis à part, les autres abats sont e�clus ; enrevanche, ilsmangent ceu� des animau� domestiquesdont le sang est transform� en boudin (Fig . 15) .Le mouton se diff�rencie du renne en ce que les osne sont pas cass�s pour en e�traire la moelle et ence qui concerne les yeu�, nous savons qu’ils sontcuits avec la tête entière, alors que dans le Nord,les yeu� du renne sont mang�s crus .

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Fig. 14. — Tableau de distribution de la viande. Les quartiers des animaux sont nommés par les os, leur nom et leur découpevariant suivant les groupes.

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fig. 15. — Fabrication de boudin de rennes domestiques :Evenkes (A) et Turcs d’origine (B) (photo L. Pavlinskaya).

lA viAnde d’utilisAtion rituelleTous les morceau� peuvent avoir un sens . Chaquepartie porte en elle une valeur diff�rente et nousles pr�senterons suivant un ordre qui nous paraîtêtre un ordre d’importance .La tête de renne, pour les chasseurs toungouzes,garantit la chance et le succès à la chasse . Le chas-seur ne la donne à personne pour ne pas perdrecette chance . Dans certains cas, une fois le premieranimal abattu au moment de la migration, le chas-seur dolgane en d�tache la tête avec la trach�e, lespoumons et le cœur (Fig . 16) (Gourvitch 1977) .Il ne les mange pas mais les transporte avec luijusqu’à la fin de la chasse pour garder la chancepour lui . Dans d’autre cas, il laisse la tête entièresur place près de l’endroit où l’animal a �t� tu�, àmoins qu’il ne transporte avec lui sur son premiertraîneau le corps entier du renne congel�, avec latête, pour n’en consommer la viande qu’à la fin dela migration .Chez les Nganassanes, si la tête du renne sauvageest mang�e crue sur place par les chasseurs, les yeu�,eu�, sont enterr�s en sacrifice pour la « Terre-Mère » .

fig. 16. — La tête avec la trachée, les poumons et le cœur sonttransportés sur le traîneau jusqu’à la fin de la migration pourgarder la chance (Dolganes) (d’après Gourvitch 1977).

Après cela, la tête est mise dans un endroit �lev�pourquepersonnenepuisse l’enjamber (Popov1936) .Dans le Nord, chez les Dolganes, les têtes, intactes,sont d�pos�es au-dessus de la tombe du mort(Fig . 17) .

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Lors des fun�railles, toujours chez les Turcs d’ori-gine, on apporte une tête de b�lier pour un hommeet celle d’une brebis pour une femme . On faitbouillir la tête, avec encore la laine, dans une mar-mite mais la mandibule et la langue en sont retir�eset laiss�es à la maison . La tête est mise dans lecimetière dans la direction de la tombe, fi��e surune branche fourchue . Ce sont encore des têtes quisont apport�es par la famille au cimetière les joursde comm�morations des morts, huit ou quarantejours après l’enterrement . Ces jours-là, chez lesHakasses, les frères et oncles dumort apportent destêtes de mouton avec trois pieds . Les carcasses et lepied ant�rieur droit sont laiss�s à la maison . Suivantla tradition, la tête est consid�r�e comme un grandhonneur pour les repas fun�raires et les jours dusouvenir . Plus il y a de têtes, plus le mort est honor�par la famille . On destine des morceau� de vianded’animau� mâles au� hommes et au� garçons, defemelles au� femmes et au� filles (Vainchtein 1991) .La patte ant�rieure droite du mouton a une signi-fication sacr�e . Quand on tue un animal, le sangdumouton et la patte ant�rieure droite doivent êtreapport�s dans la yourte du propri�taire, les autres

fig. 17. — Cimetière dolgane. Têtes, pattes et ramures derennes sont accrochées au-dessus de la tombe pour honorer lemort (Sopotchnoe, Taîmyr) (photo Mission Ethnorennes).

pieds restent dehors . Un fianc� apporte commecadeau au� parents de sa promise unmouton entier,vid�, mais sans pied ant�rieur droit .Parce que la queue grasse, kyrdiouk, est une r�servede graisse, lors des mariages touvines ou hakasses, lefianc� doit en apporter obligatoirement entre di� etvingt . Il pr�sente au� personnes importantes l’arrière-train d’un mouton avec une moiti� de kyrdiouk . Lechef de la yourte installe la marmite au centre ducercle d’invit�s et partage la graisse des kyrdiouk qu’ila reçue . On pense que la personne qui consommecette graisse aura de la chance et sera remplie d’�ner-gie . La poitrine dumouton, parce que c’est aussi unmorceau très gras, est pr�sent�e à lamari�e . Chez lesDolganes, au retour de la chasse, le chasseur offre aufeu un petit morceau de graisse ou de viande pourgarder la chance, dans le futur .L’�paule du mouton, interdite au� femmes, estpr�sent�e à un visiteur masculin très respect� . Lacouleur de la face de la scapula pass�e au feu, claireou fonc�e, indique la prosp�rit� ou la malchancepour le troupeau ; elle est ensuite obligatoirementbrûl�e (Katanov 1897) .La rotule et l’astragale des moutons ont un carac-tère sacr� . L’astragale protège la prosp�rit� dutroupeau . Quand 100 ou 1 000 astragales ont �t�accumul�s dans la maison, ils sont enterr�es àdroite de l’entr�e ou au centre de l’enclos à b�tail,en souhaitant que se multiplient les moutonsjusqu’à 1 000 têtes . L’astragale symbolise l’animalsur pied en offrande au� esprits . Ceci rappellel’accumulation des quelque 20 000 astragales del’Antre corycien, en Grèce (Poplin 1984) . Lecalcaneum du pied droit ne peut être s�par� del’astragale . Ils sont plac�s ensemble dans un sacfi�� à la porte de la yourte en direction du trou-peau (Boutanaev 1995) .Après l’abattage, l’atlas, les deu� premières côtesdroites et le f�mur d’un mouton, chez les Turcs,sont obligatoirement cuits avec le premier plat deviande fraîche propos� au� voisins . Ils sont donn�sau maître de la yourte . Personne d’autre que lui n’ale droit de les manger, au risque de voir le troupeaune pas se renouveler . On ne jette jamais l’atlas, ilest gard� à la maison, le maître des lieu� y voyantune protection de sa propre tête . Encore à pr�sent,les Dolganes accrochent un atlas de renne au-dessusde la porte du balok (cadre en bois recouvert de

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D’iatchenko V .I . & David F .

peau� de renne mont� sur skis) pour empêcherles mauvais esprits d’y entrer (Fig . 18) (D’iatchenko2005) .Les deu� premières côtes sup�rieures droites dumouton ne se divisent jamais et ne sont jamais entiè-rement consomm�es . Lemaître demaison enmangeun peu mais garde intactes les têtes de ces côtes .Hakasses etTouvines croient que si l’atlas et les deu�premières côtes sont mang�s par quelqu’un d’autreque le propri�taire, le troupeau ne s’agrandira pas .Demême, lemaître demaisondoitmanger lui-mêmele f�mur ou tout au moins « sa partie sup�rieure »(Boutanaev 1995) qu’il ne donne à personne et dontil coupe un petit morceau pour le feu ; le reste pou-vant être offert à un invit� respectable .Le foie dumouton s’utilise dans la nourriture pourles mariages qui se terminent par une d�licatesserituelle, le c�ac�lik, pr�par� avec des morceau� defoie et de lard des entrailles (Boutanaev 1995) .Enfin, lors des sacrifices, Nganassanes et Nenetsenduisent de sang — symbole de la vie — et degraisse de renne les repr�sentations en bois desesprits de parents morts et d’autres objets sacr�s .

CONCLUSION

En conclusion, ces quelques e�emplesmontrent quece sont les animau� les plus communs qui serventautant l’ordinaire domestique que le rituel . La dis-tinction entre « ordinaire » et « rituel » n’est ici pasais�e, car tout est impr�gn� de signification symbo-lique . En ce qui concerne la consommation, si toutse mange dans l’animal, que ce soient les yeu� ou lefœtus du renne, tout est toujours très codifi� et enrelation avec les esprits avec lesquels il faut n�gocier .Les choses bonnes au goût sont pour les personnesimportantes et respect�es . Pour le mouton commepour le renne, tout est consommable .On garde avec soi, pour favoriser la chance, la têteet l’atlas, au�quels s’ajoutent, pour lesTurcs d’origine,les deu� premières côtes, le f�mur, la patte avantdroite, l’astragale, seul ou avec le calcaneum . Onoffre au visiteur ou au mort, d’une part ce qu’onaime comme la viande la plus grasse, c’est-à-direl’arrière-train, la poitrine, la graisse, la kyrdiouk ;d’autre part, la tête, elle, se donne dans les manifes-tations fun�raires en raison de sa valeur symbolique .

Pour tous, il est très important de pr�server le futuren gardant les organes vitau� comme la tête, entièreou seulement repr�sent�e par la mandibule, avec ousans la trach�e, le cœur et les poumons .Ces traditions sont certainement très anciennes .Elles ont �t� fi��es dans la litt�rature au xIIIe siècleoù, par e�emple, il �tait dit que lorsqu’un Mongoltransgressait la loi ou rompait un contrat ou unaccord, le Han permettait de tuer le coupable enlui cassant la colonne vert�brale car son sang nedevait pas être vers� afin que la chaîne de la renais-sance des hommes et des animau� ne soit pas rompue(Victorova 1980) .

RemerciementsNous avons b�n�fici� de l’aide de la missionEthnorennes lors de deu� s�jours auTaïmyr et d’unemission en taïga . Nous remercions �galement leMus�e d’Anthropologie et d’Ethnographie (Kunst-kamera) de Saint-P�tersbourg pour sa documen-tation photographique ainsi que L . Pavlinskaya,S . Shapiro, I . Gratchev qui nous ont propos� leursphotos . Les autres photos dont les auteurs ne sontpas mentionn�s sont des auteurs de cet article .

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fig. 18. — Les Dolganes accrochent l’atlas devant la porte dubalok pour empêcher les mauvais esprits d’entrer.

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Usages ordinaires et rituels de la viande dans le bassin de l’I�nisseï

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Soumis le 30 janvier 2009 ;accepté le 30 août 2010.