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© Masson, Paris. ARTICLE Ann. Ft. Anesth. R6anim., 4: 451-454, 1985. SPF=ClAL Utilisation des morphiniques par voie gen6rale dans le traitement de la douleur aigu6 Systemic morphine derivatives in the treatment of acute pain A.M. KORINEK D~partement d'Anesthesie-Reanimation, CHU Piti6-Salpdtriere, 83, boulevard de I'H6pital, F 75013 Paris Les morphiniques administr6s par voie g6n6rale restent, en 1985, le traitement de choix de la douleur aigu6. La morphine garde une place primordiale pour soulager les douleurs rencontr6es en milieu m6dical. En anesthEsiologie, l'apparition de nouvelles mol6cules, plus puissantes, la mise au point de modes d'administra- tion diff6rents et enfin une meilleure connaissance de la pharmacologie des morphiniques devraient permettre de mieux moduler l'utilisation de ces substances par voie g6n6rale, suivant l'effet d6sir6. Les qualitEs demand6es ~ un morphinique sont diff6rentes pendant et apr~s l'op6ration. En p6riode perop6ratoire, la mol6cule doit procurer une analg6sie puissante sans effet-plafond; son action doit 6tre rapide et de courte dur6e, avec une absence d'effet-rebond et d'accumulation; les actions h6modynamiques doivent ~tre minimes et la mol6cule non histaminolib6ratrice; enfin, il faut poss6der un antidote sp6cifique, puissant et efficace pour neutraliser une 6ventuelle d6pression respiratoire. En p6riode postop6ratoire, les morphiniques ayant une longue dur6e d'action, un index th6rapeutique 61ev6, une variabilit6 interindividuelle limit6e et le minimum d'effets secondaires (respiratoires, h6modyna- miques, digestifs ou psychiques) seront pr6f6r6s. Ces qualit6s diff6rentes, voire oppos6es, sont sous la d6pen- dance de param&res pharrnacologiques, dont la connais- sance permet de pr6voir le comportement d'une mol6cule. 1. Parametres pharmacologiques determinant les qualit6s d'un morphinique 1. I. Configuration moleculaire Elle intervient au niveau de la liaison au r6cepteur morphinique et d6termine : a) l'affinit6 pour ce r6cep- teur: plus la mol6cule a un coefficient d'association 61ev6, plus sa puissance analg6sique sera grande; b) la dur6e de liaison : elle d6pend du coefficient de dissocia- tion entre la mol6cule et le r6cepteur. Les morphiniques de courte dur6e d'action quittent rapidement le site r6cepteur, alors que le lofentanil, connu pour sa dur6e d'action prolong6e, reste fix6 dix fois plus longtemps que la morphine. 1.2. Liposolubilit6 C'est un facteur essentiel pour la distribution de la mol6cule : plus celle-ci est liposoluble, plus son volume de distribution est grand. Les substances liposolubles diffusent facilement au travers des membranes cellu- laires (constitu6es en majorit6 par des lipides) et se r6partissent donc tr~s largement dans l'organisme. En outre, la liposolubilit6 conditionne la rapidit6 du passage au travers de la barfi~re h6mato-m6ning6e et donc la rapidit6 d'action de la mol6cule au niveau des r6cepteurs c6r6braux. Mais le passage se fait dans les deux sens, et une mol6cule liposoluble, d~s que la concentration s6rique baisse, quitte plus vite le tissu c6r6bral qu'une mol6cule plus hydrosoluble. Enfin, les capacit6s de stockage du produit dans les graisses de l'organisme sont d'autant plus importantes que la mol6cule est lipophile, expliquant ainsi des risques d'accumulation et une longue demi-vie d'61imi- nation. 1.3. Liaison aux protoinos plasrnatiques [11, 13] Les morphiniques sont plus ou moins li6s aux prot6ines plasmatiques ~ pH 7,4. Seule la fraction libre est directement diffusible et donc directement active. En effet, la vitesse de transfert d'une substance ~ travers une membrane perm6able est proportionnelle dans la majorit6 des cas ~ la concentration de la fraction libre : une mol6cule peu li6e diffuse plus facilement h travers la barfi~re h6mato-m6ning6e qu'une mol6cule ayant une forte liaison aux prot6ines plasmatiques. Cette liaison Re~u le 16 avril 1985; accept6 apr~s r6vision le 30 juin 1985. ANN. FR. ANESTH. RI6ANIM., 4, 1985 56

Utilisation des morphiniques par voie générale dans le traitement de la douleur aiguë

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Page 1: Utilisation des morphiniques par voie générale dans le traitement de la douleur aiguë

© Masson, Paris. ARTICLE Ann. Ft. Anesth. R6anim., 4: 451-454, 1985. SPF=ClAL

Utilisation des morphiniques par voie gen6rale dans le traitement de la douleur aigu6

Systemic morphine derivatives in the treatment of acute pain

A.M. KORINEK

D~partement d'Anesthesie-Reanimation, CHU Piti6-Salpdtriere, 83, boulevard de I'H6pital, F 75013 Paris

Les morphiniques administr6s par voie g6n6rale restent, en 1985, le traitement de choix de la douleur aigu6. La morphine garde une place primordiale pour soulager les douleurs rencontr6es en milieu m6dical. En anesthEsiologie, l'apparition de nouvelles mol6cules, plus puissantes, la mise au point de modes d'administra- tion diff6rents et enfin une meilleure connaissance de la pharmacologie des morphiniques devraient permettre de mieux moduler l'utilisation de ces substances par voie g6n6rale, suivant l 'effet d6sir6.

Les qualitEs demand6es ~ un morphinique sont diff6rentes pendant et apr~s l'op6ration. En p6riode perop6ratoire, la mol6cule doit procurer une analg6sie puissante sans effet-plafond; son action doit 6tre rapide et de courte dur6e, avec une absence d'effet-rebond et d'accumulation; les actions h6modynamiques doivent ~tre minimes et la mol6cule non histaminolib6ratrice; enfin, il faut poss6der un antidote sp6cifique, puissant et efficace pour neutraliser une 6ventuelle d6pression respiratoire. En p6riode postop6ratoire, les morphiniques ayant une longue dur6e d'action, un index th6rapeutique 61ev6, une variabilit6 interindividuelle limit6e et le minimum d'effets secondaires (respiratoires, h6modyna- miques, digestifs ou psychiques) seront pr6f6r6s. Ces qualit6s diff6rentes, voire oppos6es, sont sous la d6pen- dance de param&res pharrnacologiques, dont la connais- sance permet de pr6voir le comportement d'une mol6cule.

1. Parametres pharmacologiques determinant les qualit6s d'un morphinique

1. I. Configuration moleculaire

Elle intervient au niveau de la liaison au r6cepteur morphinique et d6termine : a) l'affinit6 pour ce r6cep- teur: plus la mol6cule a un coefficient d'association 61ev6, plus sa puissance analg6sique sera grande; b) la

dur6e de liaison : elle d6pend du coefficient de dissocia- tion entre la mol6cule et le r6cepteur. Les morphiniques de courte dur6e d'action quittent rapidement le site r6cepteur, alors que le lofentanil, connu pour sa dur6e d'action prolong6e, reste fix6 dix fois plus longtemps que la morphine.

1.2. Liposolubilit6

C'est un facteur essentiel pour la distribution de la mol6cule : plus celle-ci est liposoluble, plus son volume de distribution est grand. Les substances liposolubles diffusent facilement au travers des membranes cellu- laires (constitu6es en majorit6 par des lipides) et se r6partissent donc tr~s largement dans l'organisme. En outre, la liposolubilit6 conditionne la rapidit6 du passage au travers de la barfi~re h6mato-m6ning6e et donc la rapidit6 d'action de la mol6cule au niveau des r6cepteurs c6r6braux. Mais le passage se fait dans les deux sens, et une mol6cule liposoluble, d~s que la concentration s6rique baisse, quitte plus vite le tissu c6r6bral qu'une mol6cule plus hydrosoluble.

Enfin, les capacit6s de stockage du produit dans les graisses de l'organisme sont d'autant plus importantes que la mol6cule est lipophile, expliquant ainsi des risques d'accumulation et une longue demi-vie d'61imi- nation.

1.3. Liaison aux protoinos plasrnatiques [11, 13] Les morphiniques sont plus ou moins li6s aux

prot6ines plasmatiques ~ pH 7,4. Seule la fraction libre est directement diffusible et donc directement active. En effet, la vitesse de transfert d'une substance ~ travers une membrane perm6able est proportionnelle dans la majorit6 des cas ~ la concentration de la fraction libre : une mol6cule peu li6e diffuse plus facilement h travers la barfi~re h6mato-m6ning6e qu'une mol6cule ayant une forte liaison aux prot6ines plasmatiques. Cette liaison

Re~u le 16 avril 1985; accept6 apr~s r6vision le 30 juin 1985.

ANN. FR. ANESTH. RI6ANIM., 4, 1985 56

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aux prot6ines est non sp6cifique et rapidement r6ver- sible, r6gie par la loi d'action de masse_

1.4. pKa de la mol6cule [12-14]

T o u s l e s morphiniques sont des bases faibles et la r6partition entre formes ionis6e et non ionis6e ob6it l '6quation d'Henderson-Hasselbalch :

log [non ionis6] + pKa = pH [ionis6]

Une mol6cule comme l'alfentanil dont le pKa est acide 6,5 est, au pH sanguin, essentiellement sous forme non ionis6e (92 %), alors que le fentanyl (pKa 8,4) est 9 1 % ionis6. La fraction non ionis6e a une plus grande liposolubilit6 que la fraction ionis6e, et donc diffuse mieux. Par ailleurs, la liaison aux prot6ines est fonction de la concentration de base libre dans le plasma. Lorsque le pH sanguin d6croit, la fraction non ionis6e d'alfentanil change peu, alors que les morphiniques ayant un pKa basique voient leur fraction non ionis6e diminuer de moiti6; il s 'ensuit une augmentation de la partie non li6e aux prot6ines plasmatiques. L'influence du pKa intervient aussi au niveau des tissus. Au niveau de la paroi gastrique, oil le p H e s t tr6s bas, la concentration de fentanyl non ionis6 est extr6mement faible, si bien qu'il existe un gradient permanent entre la muqueuse et le plasma, conduisant ~ l 'accumulation de la mol6cule dans la paroi gastrique. De m6me, l'excr6- tion urinaire des morphiniques d6pend du pH des urines : h pH acide, la fraction non ionis6e est faible et la r6absorption tubulaire est minime, alors qu'elle peut &re pratiquement compl6te si les urines sont alcalines.

2. Caract6ristiques des nouveaux morphiniques

2.1. L'alfentanil [2, 7, 8, 12, 17]

L'alfentanil, d6riv6 du fentanyl, est 3 ~ 7 fois moins puissant. Ses caract6ristiques principales sont son bref d61ai d'action et surtout sa dur6e d'action courte (4 fois moindre que celle du fentanyl). Au plan pharmacolo- gique, il est moins liposoluble que le fentanyl et son pKa est acide, ce qui rend compte de son faible volume de distribution. Ces facteurs pouvaient faire pr6voir un

risque moindre d'accumulation et de ~ remorphini- sation , , malgr6 une elairance h6patique plus faible, ce qui a 6t6 v6rifi6 chez l 'animal [7]. La stabilit6 h6mody- namique qu'il procure est comparable h celle du fentanyl [2].

L'alfentanil parait dont le morphinique de choix pour les interventions de courte dur6e; pour les interventions plus longues, la perfusion semble pr6f6rable ~ la r6injection sous forme de bolus qui, du fait de la courte dur6e d'action de la mol6cule, induit souvent une irr6gularit6 dans l 'analg6sie procur6e. Les doses pr6co- nis6es pour maintenir un niveau d'analgdsie suffisant sont une dose de charge de 176 ~tg • kg -1, suivie d 'une perfusion de 1,3 ~tg • kg -1 • min -1 [8].

2.2. Le sufentani! [3, 9]

II s 'agit d 'un produit ayant pratiquement les m6mes caract6ristiques pharmacologiques que le fentanyl, mise

part sa puissance analg6sique qui est 3 a 6 fois sup6rieure. I1 est deux fois plus liposoluble que le fentanyl et tr6s li6 aux prot6ines plasmatiques. Sa demi-vie d'61imination est interm6diaire entre celle de l'alfentanil et celle du fentanyl (tableau I). A dose mod6r6e (1,5 ~tg. kg-1) , ~ l 'induction, le sufentanil hloque la r6ponse adr6nergique produite par l 'intubation de la m6me mani6re qu'une dose 6qui-analg6sique de fentanyl (7,5 ~tg. kg -1) [9]. A fortes doses [15], les variations h6modynamiques sont mod6r6es et le produit n'est pas histaminolib6rateur.

2.3. Le Iofentanfl [6]

Peu de donn6es pharmacocin6tiques sont disponibles pour cette mol6cule. Ses caract6ristiques principales sont une puissance analg6sique pouvant atteindre 1 000 fois celle de la morphine, un d6but d 'action lent mais une dur6e d 'action extr6mement longue (sup6rieure ~t 12 h). I1 pourrait 6tre le morphinique id6al de la p6riode op6ratoire et postop6ratoire, avec un index de s6curit6 d6passant 10 000. Malheureusement, la d6pression respiratoire est parall61e a l'analg6sie, et donc de longue dur6e; elle est peu contr61able, avec d'importantes variations interindividuelles, et surtout difficilement neu- tralis6e par la naloxone_ En effet, l'affinit6 de la

Tableau I. - - Caract6ristiques pharmacocin6tiques des nouveaux morphiniques.

Puissance D61ai Dur6e t ½ Vd analg6sique d'action d'action (rain) (1 • kg -t)

(vs morphine) (rain) (min)

pKa Clairance (ml - kg -1 - min 1)

Liaison prot6ique

(%)

Fentanyl 50 h 100 1 ~ 3 60 219 4,2 Alfentanil 30 0,5 h 1 15 90 0,9 Sufentanil 300 1 h 3 60 150 2,86 Lofentanil 300 ~ 1 000 15 ~ 30 720 ~ 1 440 - - - - Bupr6norphine 30 10 h 20 360 ~t 480 184 3

8,4 6,5 8 7,82 8,42

8 h 1 2

5 h 7 12

15 ~ 20

84 90 92,5 95 96

t : demi-vie d'61imination; V d volume de distribution.

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UTILISATION DES MORPHINIQUES PAR VOlE GENI~RALE 453

molecule pour les rrcepteurs morphiniques est telle qu'il faut de trrs fortes doses de naloxone pour la ddplacer. Enfin, les effets psychodysleptiques semblent impor- tants.

2.4. La buprenorphine [5, 6]

La buprEnorphine est un agoniste-antagoniste caractE- rise par une forte puissance analgEsique (30 fois celle de la morphine) et une durEe d'action longue. Elle est trrs liposoluble et possrde une forte affinitE pour les rEcepteurs morphiniques. Elle peut &re intEressante pour couvrir la prriode per- et postopEratoire; cependant, comme tousles agonistes-antagonistes, elle possrde un effet-plafond proche des doses efficaces (dose efficace pour un adulte : 0,3 mg; effet-plafond " 1,2 mg).

En prriode post0prratoire, ses avantages sont nom- breux: possibilit6 d'utilisation par voie sublinguale, longue durEe d'action, effets cardiovasculaires minimes, pas d'effets psychodysleptiques, peu d'action sur le transit intestinal, peu de nausEes. NEanmoins, parallrle- ment ~ l'analgrsie, la depression respiratoire peut &re de longue durre et surtout n'apparaitre que de faqon retardre (3 h aprrs l'injection). De plus, cette depression n'est que partiellement neutralisEe par la naloxone et est potentialisEe par les associations mEdicamenteuses. Toutefois, aux doses thErapeutiques usuelles, le risque de depression respiratoire para~t plus faible qu'avec les autres morphiniques. Enfin, les rEinjections doivent ~tre espacres, car il existe un important risque d'accumu- lation.

3. Nouveaux modes d'administration des morphiniques

3.1. Administration continue perop6ratoire [8, 18]

Les avantages de la perfusion continue peroprratoire sont sEduisants. Les doses sont en gEnEral moindres, comparEes ?~ l'administration intermittente; la stabilitE hEmodynamique est plus grande, dans la mesure ota les taux plasmatiques sont constants, 6vitant les a-coups tensionnels dus ~ la levee de l'analgEsie; enfin, le rrveil est plus rapide, ~ condition bien entendu d'utiliser des produits de courte durEe d'action et liposolubles.

Cependant, il semble que le risque d'accumulation soit plus important avec cette mrthode. D'autre part, il n'existe pas toujours de relation fixe entre la concentra- tion plasmatique et les effets obtenus; cela est particulir- rement vrai pour les molecules peu liposolubles, qui pEnrtrent difficilement au travers des membranes cellu- laires, et pour les medicaments qui se dissocient lentement du rrcepteur (dont la vitesse de dissociation est suprrieure ~t celle de leur Elimination plasmatique). Enfin, il est encore difficile actuellement de modEliser complrtement les paramrtres pharmacocinEtiques et de determiner la dose ~ administrer en fonction du produit, du patient et du type de chirurgie.

3.2. Administration de hautes doses de morphiniques en periode peroperatoire [4, 16]

Cette technique, utilisre ~ l'origine avec la morphine (2 h 4 mg - kg-l) , a EtE ensuite surtout rralisfe avec le fentanyl dont l'index de srcuritE est plus ElevE. Les doses employees vont de 50 a 150 ~tg-kg i. Les avantages de cette mEthode, en chirurgie cardiaque essentiellement, sont: la production d'une analgrsie profonde; le blocage des reactions de stress dues aux stimuli nociceptifs; une bonne stabilitE hrmodynamique, avec une diminution de la prrcharge et de la postcharge, pouvant am61iorer les performances du myocarde; une technique anesthrsique simple et reproductible; une bonne rdversibilit6 par la naloxone.

I1 existe pourtant un certain nombre d'inconvrnients. L'analgEsie mrme profonde n'Evite pas la mEmorisation de la pEriode perop6ratoire, et il faut adjoindre du N20 ou un hypnotique, ce qui fait perdre l'avantage de l'absence de depression myocardique recherche avec les morphiniques seuls; il faut atteindre des doses considE- rabies pour supprimer toute dEcharge de catEcholamines, en particulier au moment de la sternotomie puis de la mise sous CEC; bien entendu, la curarisation est nrcessaire pour permettre la ventilation car, h ces posologies, la rigiditE thoracique est constante; la stabilitE hEmodynamique est effective en cours d'inter- vention, mais il existe souvent h l'induction une vasodila- tation nEcessitant un remplissage parfois important; l'hypothermie est frEquente et rapide. Enfin, en pEriode postopEratoire, la depression respiratoire est de longue durEe, imposant la ventilation artificielle pendant 24 h voire plus. I1 s'y ajoute le risque de ~ remorphini- sation ~ tardive, essentiellement avec le fentanyl, ce qui nEcessite de maintenir les patients en unites de soins intensifs.

3.3. Administration continue adaptee a la demande en p6riode postoperatoire It0]

II s'agit d'une technique augmentant l'efficacit6 de l'analgEsie malgrE des doses moindres; le patient s'administrant lui-mrme le morphinique en fonction de sa propre sensation douloureuse, la variabilit6 dans la rEponse analgEsique est ainsi obligatoirement diminuEe. Malheureusement, cette technique nEcessite un materiel cofiteux (pompes programmables, permettant de rrgler la dose h administrer et l'intervalle minimum entre deux injections) et impose une surveillance continue de l'Etat respiratoire, c'est-~t-dire, en pratique, le srjour en salle de soins intensifs.

4. Conclusion

Le morphinique ideal n'existe pas malgrE l'apparition de nouveaux produits et de diffrrentes mEthodes d'utili- sation. Enfin, il faut se souvenir que la plus ancienne molecule, la morphine, administrEe per os (grace ~ une

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pr6para t ion ga l6n ique n o u v e l l e , ~ dg l i t emen t lent) , ne doi t pas 6tre oub! ige dans l ' a r s e n a l des th6rapeu t iques an ta lg iques ma jeu re s ! [1].

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Une carence aigu~ en thiamine au cours de la nutrition parent6rale totale peut entrainer une acidose lactique reversible par administration de thiamine. Trois observa- tions rapportent une telle complication, qui paraTt ~tre constatee pour la premiere fois. Cette ~tiologie de I'acidose lactique est peu connue; elle West pas relev~e dans la revue recente de Perret dans les Annales, ni par Cohen. La thiamine est une coenzyme de deux r6actions de degradation du glucose, dont la r~action de decar- boxylation qui permet la conversion de pyruvate en ac~tyl-coA; on comprend facilement que le blocage de cette r6action entra~ne une acidose lactique. Habituelle- ment sont connus comme consequence de carence en

thiamine le beriberi et rencephalopathie de Wernicke. L'apparition d'une acidose metabolique par carence en thiamine est connue comme une forme particuliere de b6rib6ri aigu (Shosin b6rib~ri), constat6 chez les ethy- liques. Ce travail rappelle s'il en otait besoin I'importance d'un complement vitaminique chez les sujets en nutrition parent~rale et doit faire penser a une carence en thiamine devant I'apparition d'une acidose metabolique aigu~ trou anionique augment~ au cours d'une nutrition paren- t6rale. C'est peut-~tre la seule acidose lactique B reversible par un traitement specifique.

V. BANSSILLON