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La conclusion selon laquelle le terme « État », figurant à l’article 12 (2) du Statut, ne correspond pas à un « État », tel qu’il est défini par le droit international, est en contradiction avec le fait que la compétence est déléguée à la CPI, par les États et que seuls les États peuvent conférer une compétence pénale sur le terrain. La majorité aurait dû procéder à une analyse indépendante des critères d’État et de territoire définis par le statut. Au lieu de cela, elle a adopté sans critique le récit unilatéral du conflit israélo-palestinien articulé dans les résolutions de l'ONU. La majorité attribue des conséquences juridiques en particulier à la résolution 67/19 (2012) de l'Assemblée générale des Nations Unies qu'elle n'a pas - par définition. La décision est en contradiction avec les accords d'Oslo. Elle porte atteinte à la souveraineté d’Israël, sape l’ordre juridique international et risque d’entraver le processus de paix. La Cour a ignoré l’avis de nombreux États et d’experts du droit international - avis que la Cour elle-même avait sollicités pour renforcer la légitimité de la décision de la Cour. Cela compromet encore davantage la crédibilité de la Cour. Ce document, traduit par ELNET, a été réalisé par Thinc., une organisation néerlandaise basée à La Haye dont la mission est de promouvoir l’application juste et équitable du droit international dans les relations internationales, en particulier vis-à-vis de l’État d’Israël et dans le conflit israélo-palestinien. Vendredi 5 février 2021, la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale (CPI) a rendu sa décision sur la « compétence » que pourrait avoir la CPI pour poursuivre les dirigeants israéliens et palestiniens, pour des crimes commis « sur le territoire palestinien ». La décision, prise à la majorité de la Chambre - deux juges sur trois – a confirmé l'opinion de la Procureure selon laquelle, bien que la Palestine ne soit pas un État au regard du droit international, elle est un « État » au sens de l'article 12 (2) du Statut du Rome, et la Cour est donc compétente. En outre, cet « État de Palestine » étant composé de la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza, et la Procureure a donc le droit d'enquêter sur d'éventuels crimes de guerre sur ce territoire. Le juge Péter Kovács a vivement critiqué le raisonnement de la majorité qui, selon lui, n’a « aucune base légale dans le Statut de Rome, et encore moins dans le droit international public » et a parlé d’ « acrobaties avec les dispositions du Statut qui ne peuvent masquer la réalité juridique. » Le raisonnement de la majorité est controversé et repousse les limites du droit international à bien des égards: QUAND LA CPI REPOUSSE LES LIMITES DU DROIT INTERNATIONAL 1 Source : Thinc. Traduction : ELNET France

V La CPI repousse les limites du droit int

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La conclusion selon laquelle le terme « État », figurant à l’article 12 (2) du Statut, ne correspondpas à un « État », tel qu’il est défini par le droit international, est en contradiction avec le fait que lacompétence est déléguée à la CPI, par les États et que seuls les États peuvent conférer une compétencepénale sur le terrain.La majorité aurait dû procéder à une analyse indépendante des critères d’État et de territoire définis parle statut. Au lieu de cela, elle a adopté sans critique le récit unilatéral du conflit israélo-palestinienarticulé dans les résolutions de l'ONU.La majorité attribue des conséquences juridiques en particulier à la résolution 67/19 (2012) del'Assemblée générale des Nations Unies qu'elle n'a pas - par définition.La décision est en contradiction avec les accords d'Oslo. Elle porte atteinte à la souveraineté d’Israël,sape l’ordre juridique international et risque d’entraver le processus de paix.La Cour a ignoré l’avis de nombreux États et d’experts du droit international - avis que la Courelle-même avait sollicités pour renforcer la légitimité de la décision de la Cour. Cela compromet encoredavantage la crédibilité de la Cour.

Ce document, traduit par ELNET, a été réalisé par Thinc., une organisation néerlandaise basée à La Hayedont la mission est de promouvoir l’application juste et équitable du droit international dans les relationsinternationales, en particulier vis-à-vis de l’État d’Israël et dans le conflit israélo-palestinien.

Vendredi 5 février 2021, la Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale (CPI) a rendu sa décisionsur la « compétence » que pourrait avoir la CPI pour poursuivre les dirigeants israéliens etpalestiniens, pour des crimes commis « sur le territoire palestinien ».

La décision, prise à la majorité de la Chambre - deux juges sur trois – a confirmé l'opinion de la Procureureselon laquelle, bien que la Palestine ne soit pas un État au regard du droit international, elle est un «État » au sens de l'article 12 (2) du Statut du Rome, et la Cour est donc compétente. En outre, cet « Étatde Palestine » étant composé de la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza, et la Procureure a donc ledroit d'enquêter sur d'éventuels crimes de guerre sur ce territoire.

Le juge Péter Kovács a vivement critiqué le raisonnement de la majorité qui, selon lui, n’a « aucune baselégale dans le Statut de Rome, et encore moins dans le droit international public » et a parlé d’ « acrobatiesavec les dispositions du Statut qui ne peuvent masquer la réalité juridique. »

Le raisonnement de la majorité est controversé et repousse les limites du droit international à bien deségards:

QUAND LA CPI REPOUSSE LES LIMITES DU DROIT INTERNATIONAL

1

Source : Thinc.Traduction : ELNET France

Au lieu d’être un gage de sécurité et de légitimité juridiques, comme l'avait espéré la procureure, ladécision introduit de l'incertitude dans la procédure.

Il faut reconnaître que cette décision est le résultat d'une campagne de plusieurs décennies pour faireadopter les résolutions de l'Assemblée générale des Nations Unies reconnaissant un « État dePalestine » qui n'existe pas dans la réalité. Cette campagne a réussi parce que les États qui nereconnaissent même pas la Palestine comme État n’ont pas voté à l’ONU contre de telles résolutions. LesÉtats parties à la CPI n’ont pas non plus fait objection à l’acceptation de la Palestine à l’Assemblée des Étatsparties de la CPI. Tous ces États partagent donc la responsabilité de ce résultat.Ce n'est que le début de ce qui sera un long processus. De nombreux problèmes juridiques de fond et depreuves, ainsi que des obstacles politiques, devront être surmontés avant que des individus ne soienteffectivement inculpés pour des crimes. Dans l'intervalle, cette décision est susceptible d'avoir desrépercussions politiques importantes et un impact sur la position de la CPI au sein de la communautéinternationale. Un certain nombre d'États parties à la CPI ont immédiatement critiqué la décision dela Cour, qui faisait déjà l'objet d'un examen approfondi en raison de ses faibles performances et de sonmanque de résultats au cours de ses 19 ans d'existence.

I. HISTORIQUE

1. Le conflit israélo-palestinien

Les droits des Juifs, d'Israël, des Arabes et des Palestiniens et le statut de la zone géographique connuedepuis 135 après JC sous le nom de « Palestine » font l'objet de différends depuis la chute de l'Empireottoman pendant la Première Guerre mondiale. En 1922, la communauté internationale a reconnu ledroit du peuple juif à rétablir sa patrie « en Palestine » et a confirmé ces droits ainsi que les droitscivils et religieux de tous ses habitants dans le « Mandat pour la Palestine ». Les dirigeants politiquespalestiniens et le monde arabe ont rejeté le mandat et le droit du peuple juif à une patrie, tout comme lesplans et propositions de partition.Une grande partie de la Palestine a été occupée entre 1948 et 1967 par la Jordanie et l'Égypte. Le terme «Cisjordanie » a été introduit par la Jordanie pour désigner le territoire situé à l'ouest du Jourdain.Historiquement, cette région a communément été appelée « Judée et Samarie ».Dès son indépendance en 1948, Israël a été attaqué par ses voisins arabes. Cette guerre d'indépendance aabouti à des accords d'armistice. L'Accord d'armistice avec la Jordanie a établi ce qui est depuis lors connusous le nom de « Ligne verte » ou « lignes d'avant 1967 ».Ayant survécu à plusieurs guerres ultérieures (1967 et 1973) destinées à l’anéantir, Israël a conclu desaccords de paix avec l'Égypte (1979) et la Jordanie (1994).Au début des années 90, Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ont conclu une séried’accords (les « accords d’Oslo ») destinés à résoudre leur différend.

2. Le statut de la « Palestine » à l'ONU L'Organisation de libération de la Palestine (OLP) a été créée par la Ligue arabe en 1964 avec pourobjectif de « libérer » le territoire de la Palestine sous mandat. L'article 9 de la Charte nationalepalestinienne (1968) déclare que « la lutte armée est le seul moyen de libérer la Palestine ». L'OLP aconstamment utilisé la terreur pour atteindre ses objectifs. Officiellement, l'OLP continue de nier l'existencede l'État d'Israël. Dans sa soumission à la Chambre préliminaire en mars 2020, le professeur EyalBenvenisti (Université de Cambridge) a confirmé que, malgré les promesses faites par Yasser Arafat aunom de l'OLP en 1993, il n'y a « aucune preuve » que les Palestiniens ont amendé la Charte pour supprimerces dispositions niant le droit de l’État d’Israël d’exister.Au milieu des années 70, l’OLP a été acceptée au sein de l’ONU comme « le seul représentant légitime dupeuple palestinien ».

2

Dans les années 1990, Israël et l'OLP ont conclu les accords d'Oslo afin de « mettre fin à desdécennies de confrontation et de conflit, de reconnaître leurs droits légitimes et politiques mutuels et des'efforcer de vivre dans une coexistence pacifique et dans la dignité et la sécurité mutuelles, et parvenir à unrèglement de paix juste, durable et global et à une réconciliation historique grâce au processus politiqueconvenu. »Après l'échec des négociations de paix de Camp David en 2000, la deuxième Intifada a éclaté.En 2011, le président de l'OLP, Mahmoud Abbas, a annoncé son intention de mobiliser lesinstitutions internationales afin d'atteindre l'objectif de création d'un État palestinien.En 2012, une majorité d'États à l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution 67/19accordant à la « Palestine » le statut d '« État non membre observateur » des Nations Unies. Cetterésolution a permis à la « Palestine » de rejoindre de nombreux traités multilatéraux. L'un d'eux est le Statutde Rome, qui a établi et régit la CPI. Cette résolution est au cœur de cette affaire, car c'est sur la base de larésolution 67/19 que la « Palestine » a adhéré au Statut de Rome en 2015.

3. La Palestine et la CPI

La CPI a été créée par le Statut de Rome en 2000. Il y a actuellement 123 États parties à la CPI. Israëlet un certain nombre d'autres États (comme les États-Unis, la Chine, la Russie et la plupart des pays d'Asie)ne sont pas parties au Statut de Rome.La « Palestine » (qui, de l'avis général, n'est pas un État en droit international) cherche à accéder à la CPIdepuis 2009. La « Palestine » a signé le Statut en 2015, en soumettant ses documents d '« adhésion » auSecrétaire général de l’ONU, conformément aux procédures énoncées dans le Statut de Rome en vertudesquelles « tout État » peut adhérer (c'est-à-dire devenir partie) au traité. Le Secrétaire général a décidéd’accepter ces documents, bien qu’il ait reconnu que cela ne signifiait pas que la Palestine constituait un «État ». La Palestine a ainsi été adoptée à l '« Assemblée des États parties » (au Statut de Rome).

Depuis 2015, la Procureure examine la « Situation en Palestine » et en arrive à l’idée que les politiquesisraéliennes de « colonisation » et la conduite d’Israël et du Hamas pendant les conflits de Gaza depuis 2004constituent des crimes de guerre au sens du Statut de Rome.La CPI ne peut poursuivre que les crimes qui ont été commis par un ressortissant d'un État qui estdevenu partie au Statut de la CPI (ou ont autrement accepté la compétence), ou qui ont été commis surle territoire d'un tel État (article 12 (2)). Il existe également une troisième possibilité - le renvoi d'une « situation » à la CPI par le Conseil de sécurité agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte desNations Unies (art. 13 (b)).

La Procureure a pris conscience du caractère controversé de cette affaire parce qu'Israël n'est pas partie auStatut de Rome, le statut de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est étant vivement contesté et juridiquementincertain, et il est largement reconnu que la Palestine n'est pas un « État » au sens conventionnel du statutd'État en droit international. Par conséquent, pour être certaine qu'elle avait le pouvoir d'enquêter sur cescrimes, en janvier 2020, la Procureure a demandé à la Chambre préliminaire de décider si la « Palestine »est un « État sur le territoire duquel le comportement en question s'est produit » (article 12 (2) a) du Statut).Étant donné qu'Israël n'est pas un État partie et que le Conseil de sécurité de l'ONU n'a pas renvoyé lasituation à la CPI, ce serait la seule base sur laquelle la CPI pourrait avoir « compétence » pour enquêter surles crimes « en Palestine » commis par des dirigeants israéliens ou palestiniens.

En mars 2020, le Chambre préliminaire a invité tous les États ainsi qu'un certain nombre d'expertsjuridiques à présenter leurs observations pour l'aider dans sa prise de décision. Plus de 50 observationsont été faites. La Procureure a répondu à ces observations en avril 2020. La Chambre préliminaire a misprès d'un an pour délibérer sur la question de sa compétence.

II. RÉSUMÉ DE LA DÉCISION

La décision de la Chambre préliminaire a été prise par deux juges sur trois (le juge français Marc Perrin deBrichambaut et la juge Reine Adélaïde Sophie Alapini-Gansou du Bénin). Le troisième juge (PéterKovács) n’a pas souscrit au raisonnement et aux conclusions de la majorité et a déposé une opiniondissidente.La majorité a décidé que le Statut lui demandait d’éviter la question complexe et politiquementcontroversée de savoir si la Palestine était réellement un « État » au sens normal du droit international. 3

Au lieu de cela, il a été décidé que le simple fait que l'ONU a permis à la Palestine de devenir un « Étatpartie » au Statut de Rome, sur la base de la résolution 67/19 de l'Assemblée générale des NationsUnies de 2012, était suffisant pour qu'elle puisse être qualifiée d'État sur le territoire duquel lecomportement en question s'est produit conformément à l'article 12 (2) a) du Statut de Rome.En outre, ils ont soutenu que le « territoire » de la Palestine est le territoire occupé par Israël depuis 1967, àsavoir Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est - simplement parce que c'est le territoire visé dans larésolution 67/19.Le juge Kovács (de Hongrie) était fermement en désaccord. Il a rédigé un avis puissant et détaillé de plusde 160 pages et plus de 500 notes de bas de page critiquant la majorité pour avoir adopté des «acrobaties » qui « masquent la réalité juridique ». Il attaque ce qu’il considère comme de nombreusesfailles juridiques et factuelles dans la décision de la majorité. Le juge Kovács a effectué une quantitéincroyable de recherches sur le contexte juridique, historique et politique. Il a estimé que la Cour ne pouvaitpas éviter de décider si la Palestine était ou non un État de droit international. Il conclut que la Palestinepeut devenir un État à l'avenir, mais ce n'est pas encore un État. La réalité juridique actuelle est régie par unréseau complexe d'instruments de droit international, y compris les accords d'Oslo, qui sont des traités quilient à la fois Israël et les Palestiniens. Dans le cadre de ces accords, Israël et l'OLP se sont mis d'accord surune répartition des responsabilités. Cela signifie que le « territoire » palestinien aux fins du Statut de Romeest limité aux zones A et B de la Cisjordanie - où les institutions palestiniennes ont une certaine compétencepénale en vertu des accords d’Oslo.

Selon le juge Kovács, la Procureure n’a pas le droit d’enquêter sur les crimes commis dans la zone Cou « Jérusalem-Est » sans le consentement d’Israël.

III. RÉACTIONS POLITIQUES À LA DÉCISION

L'OLP, la Ligue arabe, l'Organisation de la coopération islamique et les ONG qui défendent la causepalestinienne ont salué cette décision comme une « victoire pour la justice ».Israël a répondu avec colère à la décision. Le Premier ministre Netanyahu a déclaré: « Il estprofondément troublant de voir que la Cour est devenue un outil pour faire avancer les intérêts palestiniensmême après que sept États parties et des experts de renommée mondiale se soient opposés à la compétencede la Cour dans cette affaire. La CPI a non seulement ignoré les principes acceptés du droitinternational, mais a failli à son mandat de préserver les droits de l'homme et la justice pénaleinternationale. Finalement, cette décision politisée ne fera pas progresser la paix israélo-palestinienne maisdurcira les positions entre les deux parties. »L'Australie, le Canada, l'Allemagne, la Hongrie et les États-Unis ont publié des déclarations critiquant ladécision, soulignant qu'ils ne reconnaissent pas la Palestine en tant qu'État.

IV. QUELQUES IMPLICATIONS JURIDIQUES ET POLITIQUES DE LADÉCISION

La décision soulève un certain nombre de problèmes juridiques et politiques. Voici quelquesremarques initiales sur notre analyse préliminaire de la décision de la majorité, et de l’opinion dissidente dujuge Kovács.

1. Paradigmes juridiques et historiques des accords d'Oslo

Une comparaison de la décision majoritaire de la Chambre préliminaire avec l’opinion dissidente du jugeKovács révèle une interprétation très différente du conflit israélo-palestinien. La majorité sembleprendre pour acquis que la Palestine est une entité à part entière et que le conflit est simplement undifférend frontalier entre Israël et la Palestine. Le juge Kovács, quant à lui, explique que le conflit a unehistoire beaucoup plus ancienne, complexe et multifactorielle que ne le perçoit la majorité.Cela se traduit par exemple dans la manière dont la majorité et le juge Kovács interprètent les accordsd’Oslo. Les accords d'Oslo sont un ensemble complexe d'accords conclus au cours des années 1990 entreIsraël et l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP). Ces accords, qui ont été approuvés par lacommunauté internationale, engageaient les deux parties à faire des concessions. Elles ont convenu d'unefeuille de route vers un accord de paix global destiné à régler toutes les questions litigieuses.

4

La majorité considère que ces accords ne sont pas pertinents pour leur décision. Ils ignorent le fait, parexemple, qu'en vertu de ces accords, la juridiction civile et pénale d'Israël et de l'Autoritépalestinienne sont soigneusement circonscrites.

Comme Dennis Ross, intimement impliqué dans les négociations d'Oslo, l'avait expliqué à la Cour, cesaccords contiennent une répartition soigneusement définie des droits et obligations. Il a écrit depuis : «Les accords avaient plusieurs objectifs tout aussi importants, y compris la sécurité israélienne, lacoexistence pacifique, l'éducation à la paix, et le développement d’une gouvernance palestinienne efficace.L'autodétermination ne pouvait pas pleinement progresser au-delà des dispositions provisoires d’autonomied’Oslo, à moins que ces autres objectifs ne soient remplis. Le bureau de la Procureure ignore ces conditionspréalables mais il considère toutefois l’autodétermination palestinienne comme une fin en soi, lui donnantnécessairement le droit à être un Etat. »

Tant que les accords d'Oslo seront en vigueur, la question de savoir si la Palestine deviendra ou nonun État peut être déterminée uniquement par le processus convenu entre les parties. Israël n’est pas lesimple occupant d'un territoire appartenant à un autre Etat souverain. Israël, depuis sa création en 1948, aune revendication souveraine valide sur les territoires qui sont désormais connus sous le nom de «Jérusalem-Est » et de « Cisjordanie ». Jusqu'en 1967, ces revendications étaient vis-à-vis de la Jordanie quiavait également revendiqué ces territoires comme les siens. Cependant, la Jordanie a signé un accord depaix avec Israël en 1994 et a retiré ses revendications en 1998. Les Palestiniens affirment un droit àl'autodétermination dans ces territoires, par opposition aux revendications souveraines d’un État existant,Israël.

Dans cet environnement complexe, il est difficile de comprendre comment la majorité peut arriver à laconclusion que la Palestine doit être considérée comme un État avec un territoire couvrant tout l’espacecontesté, et que les accords d'Oslo sont sans rapport avec la question.

Selon le juge Kovács, les accords d'Oslo ne sont pas seulement des accords bilatéraux contraignants,ils font aussi partie d'un « réseau d'instruments de droit international» complexe:

« 4. La décision majoritaire fait à juste titre abstraction de la sensibilité politique de la question (qui n'estcertainement pas à évaluer par la Chambre) et de la complexité de la situation israélo-palestinienne.Cependant, à mon avis, l'implication profonde de l'Organisation des Nations Unies dans la recherched'une solution appropriée pour la réalisation de la soi-disant « vision à deux États », la contribution duQuatuor à la Feuille de route et aux précédentes initiatives de paix généralement soutenues et promues parles Nations Unies et reflétées dans la longue série de résolutions adoptées par l'Assemblée générale desNations Unies, le Conseil de sécurité des Nations Unies ainsi qu'à d'autres organes des Nations Unies, etles références dans ces résolutions aux accords d'Oslo I (« Oslo I » ou « Déclaration de principes ») et auxaccords d'Oslo II (« Oslo II » ou « accord intérimaire »), forment ensemble un important réseaud'instruments de droit international. Ces instruments ne doivent pas être balayés par l'observation formellede l'instrument d'adhésion de l'État de Palestine et son interaction avec la résolution 67/19 de l'Assembléegénérale de l'ONU. »

2. L'importance de la certitude juridictionnelle sur la question étatique

La question de savoir si la CPI est compétente n'est pas seulement une question technique et juridique. Ladétermination de la compétence d'une institution internationale vise à garantir qu'elle n'excède passon mandat et ne se retrouve pas impliquée dans des questions à caractère politique qui peuvent (ounon) être moralement défendables mais qui dépasseraient sa capacité juridique. Toutes les institutions onttendance à vouloir élargir leur champ d’action. Elles doivent se prémunir d'un tel dépassement. Pour cetteraison, la question juridique de la compétence doit être abordée avec prudence. Un tribunal doit être certainde sa compétence avant de pouvoir procéder. La crédibilité d’une cour - son intégrité même - estcompromise si elle déborde de ses attributions constitutionnelles.

5

Le Statut de Rome contient des dispositions délimitant la compétence personnelle et territoriale de laCour afin de garantir précisément qu’elle n’excède pas son mandat et ne poursuive que les crimes quisont suffisamment liés à un État partie au Statut de Rome. Cela reflète le fait que la Cour est créée par lesÉtats, et qu’elle ne peut poursuivre que les crimes qu’un État partie au Statut de Rome ne peut ou ne veutpas poursuivre lui-même. Si le crime n'est pas commis par un ressortissant d'un État partie au Statut deRome, ou s'il n'est pas commis sur le territoire d'un État partie, la Cour n'a tout simplement pas à lepoursuivre, aussi odieux que soit le crime.

Comme les professeurs Blank, Corn, Rose et d'autres l'ont déclaré dans leurs observations à la Cour en mars2020 :

« En tant que l'une des réalisations les plus importantes du XXe siècle, la CPI joue un rôle essentiel pourmettre fin à l'impunité et poursuivre les individus responsables des crimes les plus graves qui préoccupentla communauté internationale dans son ensemble. »

« Les États ont créé la CPI pour combler un vide. En tant que premier tribunal pénal internationalpermanent, il se concentre sur les individus plutôt que sur les États, institutionnalisant le passage d'unsystème juridique international centré sur l'État à un système qui concerne également les individus. La CPIse concentre sur la responsabilité pénale des individus, et elle doit continuer à le faire, comme sesfondateurs l'ont voulu. »

« Les bases juridictionnelles de l'article 12 du Statut de Rome et le principe de complémentarité reflètentun équilibre entre «la primauté des procédures internes » et l'objectif de « mettre fin à l'impunité » grâceà la compétence universelle à l'égard des crimes internationaux. Cependant, la délégation de lacompétence pénale par les États reste la pierre angulaire de la compétence de la Cour. Lorsque des entitésdont le statut en tant qu'États est incertain, ou dont le territoire est indéterminé, prétendent déléguer leurcompétence à la Cour, cela pose des défis importants à cet équilibre. L'incertitude qui existe en l'espècenécessite la prudence de la part de la Cour dans l'évaluation de sa compétence, et la reconnaissance du faitque, dans un tel cas, la responsabilité doit être traitée par d'autres moyens, comme la négociation oul'action du Conseil de sécurité. »

« Les questions de compétence dont la Cour est saisie portent atteinte à sa structure-même,principalement fondée sur la délégation étatique, risquant ainsi l’affirmation d’une compétence fondée surla délégation putative de pouvoirs par une entité, au sujet de laquelle demeure une incertitude de statutsubstantielle. C’est-à-dire en tant qu'État, et donc en tant qu'entité pouvant adhérer au Statut de Rome et auconsentement à la juridiction. Reconnaître sa compétence face à une telle incertitude substantiellerenverserait complètement le concept international fondamental de la délégation de pouvoirs des États.Comme l'a expliqué la Cour internationale de Justice (CIJ), ce sont les États qui délèguent des pouvoirs àdes organisations internationales comme la Cour, afin de promouvoir des intérêts communs, et nonl'inverse. En effet, le Procureur reconnaît que la Palestine ne constitue pas un État au regard des principesreconnus du droit international. Sa tentative d’étendre la compétence de la Cour au territoire d’une entiténon étatique sape l’équilibre délicat atteint dans le Statut. »

En s'autorisant à poursuivre les crimes sur les territoires palestiniens, tout en reconnaissant que laPalestine n'est pas un État au sens normal et accepté en droit international, la Cour sembleenfreindre ce principe.

3. L’approche de la Chambre préliminaire sur la notion d’État

La Chambre préliminaire fait valoir que puisque l'objectif de la CPI est de « mettre fin à l'impunité», le Statut de Rome doit être interprété de manière à garantir que cette fin soit atteinte. Cela signifieque puisque que la Procureure a identifié un comportement qu'elle considère comme criminel, la Cour doitinterpréter le Statut de manière à garantir que ces criminels soient poursuivis. En d'autres termes, lareconnaissance de la Palestine comme État, même si cela est contraire aux principes généraux du droitinternational, se justifie par le fait que cette reconnaissance est une nécessité pour garantir que la justice soitrendue.

6

Deuxièmement, cette approche « téléologique » repose sur une présomption non prouvée : à savoirque les Israéliens vivant en dehors de la Ligne verte le font suite à un crime au sens du Statut deRome. Mais cela soulève de nombreuses questions auxquelles il faudrait répondre pour déterminer si cescrimes ont été commis. En supposant que ces crimes ont pu être commis, la Cour met sans doute lacharrue avant les bœufs. Ici aussi, le juge Kovács dénonce le manque de logique dans l’approche adoptéepar la majorité pour interpréter le Statut.

Il y a un certain nombre de problèmes avec cette approche :

La première est que si les traités doivent être interprétés à la lumière des objectifs généraux du traitéen question, pour autant, on ne peut jamais justifier de déformer le sens ordinaire des motseffectivement utilisés par les rédacteurs du traité. La majorité de la Chambre fait un énorme acte defoi lorsqu'elle estime qu’une entité qui a été acceptée techniquement par le Secrétaire général des NationsUnies et devient donc un « État partie » au Statut de Rome signifie qu'elle est un État aux fins dedéterminer la compétence de la Cour en vertu de l'article 12 du Statut de Rome. Le juge Kovács dénoncele manque de logique dans cet argument. Pour diverses raisons, il est beaucoup plus probable que lorsqueles rédacteurs ont utilisé le mot « État » au paragraphe 2 de l’article 12, ils n’entendaient ni plus ni moinsce terme qu’en vertu des principes généraux du droit international.

4. L’approche de la Chambre préliminaire en matière de droit international

La majorité de la Chambre a décidé que les principes généraux du droit international ne sont pas pertinentspour savoir si la Palestine est ou non un État au sens du Statut de Rome, ce qui a des implicationsconsidérables. Ce faisant, la Cour semble avoir permis à un État palestinien qui n'existe ni en droit ni enfait, d'être reconnu comme existant au sein de la CPI. La CPI a donc créé sa propre réalité virtuelle.

Cette approche est en contradiction avec les conseils que la Cour a reçus de plusieurs avocats internationauxde premier plan, notamment les professeurs Malcolm Shaw, Eyal Benvenisti, Robert Badinter, GuglielmoVerdirame, Laurie Blank et plusieurs autres.

Le juge Kovács critique cette approche comme suit :

« Du fait de son refus de prendre en considération les règles pertinentes du droit international, la majorité anon seulement fondé son raisonnement sur des présomptions irréfutables présentées par la Procureure, maisest allée encore plus loin en créant proprio motu une fiction juridique, notamment en ce qui concerne l’État etle territoire de la Palestine. Je suis convaincu que la majorité a fondé son raisonnement sur une perceptionde l’État et du territoire de la Palestine qui est très éloignée de la position réelle, bien connue et biendocumentée de l’ONU. Les interprétations grammaticales, contextuelles, systémiques et pratiques desdocuments de l’ONU ne corroborent pas la position de la majorité. De plus, il me semble que la majorité vaconsidérablement au-delà de la position officielle adoptée par l’État de Palestine / Autorité palestinienne,telle qu’elle se présentait au moment de cette décision. » (paragraphe 261)

5. Le statut des résolutions de l'ONU

Selon la majorité, la formalité de l’acceptation par le Secrétaire général de l’ONU de l’adhésion de la Palestineau Statut de Rome est décisive. Elle a déclaré que la Cour ne se pencherait pas sur ce processus formeld’adhésion, car le faire reviendrait à s’engager dans la question politique et complexe de savoir si la Palestineest en fait un État, ce qui n’est pas le travail de la Cour. Si les États parties à la CPI n'avaient pas voulu que laPalestine soit traitée comme un État, ils auraient dû s'opposer à son adhésion à la Cour à l'époque. Au lieu decela, soutient-elle, la Palestine a été acceptée à l'Assemblée des États parties de la CPI et a été autorisée àparticiper en tant que membre à part entière de la CPI. Sur quelle base la Cour devrait-elle alors décider que laPalestine n'est pas un État partie ?

Mais même en ses propres termes, la résolution 67/19 n'a pas changé le statut de la Palestine au regard dudroit international. En outre, cette résolution n'a pas été adoptée à l'unanimité, mais à la majorité : denombreux États n’ayant pas voté, s'abstenant ou votant contre.

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Même un certain nombre d’États qui ont voté en sa faveur ont indiqué que la résolution ne devait pas êtreinterprétée comme une reconnaissance de l’existence de la Palestine. Le juge Kovács décrit en détaill'historique et le statut juridique de cette résolution.

L’approche de la majorité donne aux résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies un poidsplus important qu’elles n’ont en vertu du droit international. Comme l'a souligné le juge Kovács, àl'exception des résolutions du Conseil de sécurité adoptées en vertu du chapitre VII de la Charte, lesrésolutions de l'ONU ne sont pas contraignantes.

6. Le territoire des États

La Cour considère la déclaration de l'Assemblée générale des Nations Unies dans la résolution 67/19 sur la «réaffirmation du droit du peuple palestinien à l'autodétermination et à l'indépendance dans son État dePalestine sur le territoire palestinien occupé depuis 1967 » comme le déterminant de la portée territoriale decet État de Palestine putatif. Selon la Cour, cette conclusion est « dans le seul but de définir la compétenceterritoriale de la Cour » et n’a pas pour objet de déterminer la frontière entre Israël et l’État de Palestine.

Il est difficile de comprendre la logique de cette approche.

Premièrement, supposer que la Palestine couvre tout ce territoire va à l’encontre de l’histoire. En vertudu mandat pour la Palestine, traité international, la patrie juive devait être située sur le territoire à l'ouest duJourdain. La Transjordanie a été créée en 1921 pour être la patrie du peuple arabe palestinien. En 1949, aprèsavoir été attaqué par cinq armées arabes destinées à l'effacer de la carte, Israël a conclu des accordsd'armistice durement débattus avec ses ennemis. Cela comprenait un accord avec la Jordanie, dans lequel lesparties ont convenu de cesser les combats sur la base de la ligne de cessez-le-feu, désormais connue sous lenom de « Ligne verte ». Les parties ont expressément convenu que la Ligne verte n'était pas destinée àconstituer la frontière entre elles. Israël n’a jamais accepté cette ligne comme frontière, et aucun instrumentjuridique contraignant n’a jamais été adopté ou de décision prise pour régler le statut de la frontière orientaled’Israël.

Deuxièmement, il est difficile de voir comment la définition de l’étendue du territoire palestinien, bienqu’elle ne soit « que dans le seul but de définir la compétence territoriale de la Cour », peut être séparéede la question du territoire d’Israël. Les deux sont pourtant inséparables. Bien entendu, la Cour reconnaîtque la CPI n'a pas le pouvoir de prendre une décision contraignante sur ce dernier. Mais si les lignesd'armistice de 1949 ne sont pas les frontières internationales de l'État d'Israël, et si Israël a la prétentionlégitime qu'au moins une partie du territoire au-delà de ces lignes fait partie de l'État d'Israël, sur quelle basela Cour peut-elle en venir à l’idée que tous ces territoires font partie de l’État de Palestine, et ne font donc paspartie de l’État d’Israël ? Et s'il y a une possibilité que des parties de la Cisjordanie et de Jérusalem-Estappartiennent à Israël, alors de toute évidence, il ne peut pas être illégal pour des Israéliens de vivre dans cesterritoires.

Il est important de souligner qu’en 2004, la Cour internationale de Justice (dans son avis consultatif sur lemur) a soigneusement évité de se prononcer sur le statut territorial de Jérusalem-Est et de laCisjordanie. La CPI est sur un terrain glissant en se prononçant sur un sujet dans lequel même la CIJ n'a pasosé s'aventurer.

Le juge Kovács a critiqué l’hypothèse de la majorité selon laquelle Jérusalem-Est et la Cisjordanien'appartiennent pas à Israël. Après avoir soigneusement examiné le statut des territoires occupés dans denombreuses régions du monde, le juge Kovács a fait remarquer :

«271. … Le Procureur déclare également que «la souveraineté sur le territoire occupé n’incombe pas à lapuissance occupante mais au souverain « réversible ». S'il s’agit certainement d’une règle générale, ilconvient de reconnaître que cela suppose que 1) le possesseur précédent (ou « réversible ») était un Étatsouverain et 2) son titre sur le territoire était également souverain. Ces conditions sont-elles remplies dans lasituation qui nous occupe ? Je ne pense pas. »

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« 272. De plus, si l'ancien possesseur (État B) était également une puissance occupante sur le territoireappartenant auparavant à un État souverain (État A) et que la nouvelle puissance occupante (État C) agit entant que « libérateur » en faveur de la État souverain auparavant dépossédé (État A), il est clair que leraisonnement du Procureur est vicié. Un tel raisonnement montre également ses limites là où le titre juridiquede l’État souverain dit « réversible » sur le territoire donné n’est pas reconnu (par exemple, par une coalitionvictorieuse à laquelle appartient la nouvelle puissance occupante). »

« 273. Les réalités historiques et internationales sont beaucoup plus complexes que la règle ci-dessus citéepar le Procureur… »

7. La criminalisation des colonies aura probablement un impact négatif sur les négociations

La CPI poursuit des individus - et non des États - pour des crimes odieux. Mais en examinant ce qu'elleappelle la « situation dans l'État de Palestine », elle dépeint l’Etat d’Israël lui-même comme criminel et lepeuple palestinien dans son ensemble comme victime.

La procédure de la CPI peut être un obstacle au règlement pacifique du différend entre Israël et laPalestine. Un point focal du différend est la question des colonies, c'est-à-dire les lieux situés dans lesterritoires où vivent des Israéliens, et la question de savoir si des citoyens israéliens ont été « transférés oudéportés » dans les territoires au sens de l'article 49 (6) de la Quatrième Convention de Genève. Ces questionscomplexes à plusieurs niveaux, ainsi que le conflit centenaire concernant le droit des Juifs de vivre àJérusalem, en Judée et en Samarie, ne peuvent être réduits à la seule question des colonies.

En d'autres termes, se concentrer sur les colonies - comme le fait l'OLP en engageant ces procédures -empêche une prise en compte adéquate des nombreux autres problèmes qui doivent être abordés par lesparties pour parvenir à une résolution consensuelle de tous les aspects du conflit, y compris celui des colonies.

Cette décision ignore également le fait (comme le professeur Benvenisti l’a signalé à la Chambre) que l'OLPcontinue de rejeter l'existence de l'État juif d'Israël. Certains commentateurs soutiennent que l'acceptationmutuelle de l'autre est une condition sine qua non pour une paix à long terme.

La criminalisation des politiques de colonisation d’Israël, indépendamment des autres aspects du conflit, peutavoir l’apparence superficielle de résoudre le problème d’une impunité perçue comme telle. Mais cela pourraitavoir comme effet néfaste d'éloigner encore plus les parties l’une de l’autre, et d'entraver le sentiment deconfiance mutuelle et la volonté de compromis, nécessaires pour qu'Israéliens et Palestiniens vivent côte àcôte sur ce petit morceau de terre.

V. QUE VA-T-IL SE PASSER ENSUITE ?

Cette décision n'est que le début de ce qui promet d'être un très long processus avant que des individusne soient inculpés (et encore moins condamnés) pour crimes. Un certain nombre de choses peuvent arriver.La première est qu'Israël pourrait prendre certaines mesures, comme mettre fin à la coopération avecl'OLP ou bien retirer son financement à l'Autorité palestinienne.

D'autres États pourraient également prendre des mesures semblables comme se retirer de la CPI, oumettre en œuvre des sanctions, comme l'a fait l'ancienne administration américaine.

En termes de procédure judiciaire, l’article 19 du Statut pourrait être interprété comme donnant à Israëlla possibilité de contester la décision de la Cour.

Une autre possibilité est que d'autres États de la CPI pourraient déclencher un « différend » au titre del'article 119 du Statut, qui devrait être résolu par la Cour. Il sera particulièrement intéressant de voircomment réagiront les États qui se sont officiellement opposés à l'affirmation de la compétence de la CPI danscette affaire (Australie, Autriche, Brésil, République tchèque, Allemagne, Hongrie, Ouganda).

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Il est possible que d’autres contestations de la compétence de la Cour s’élèvent à l’avenir. Comme l’a notéPnina Sharvit Baruch, « la décision de la majorité déclare que les conclusions de la Chambre concernentl’étape actuelle de la procédure, à savoir l’ouverture d’une enquête par la Procureure. Cependant, si desdemandes de mandat d'arrêt ou d'assignation à comparaître sont soumises, ou si des contestations decompétence sont soumises par un suspect ou un État, la Cour sera en mesure d'examiner d'autres questionsde compétence qui pourront se poser à ce moment-là. Cette déclaration indique que si des poursuites sontouvertes contre des individus pour crimes de guerre dans les territoires palestiniens, les suspects pourrontégalement faire valoir l'absence de compétence territoriale à des stades ultérieurs. Comme le note le jugedissident, les juges de la majorité n'ont en fait pas donné à la Procureure ce qu'elle demandait - une décisionclaire et contraignante concernant la compétence. »

Même si aucune contestation juridique ou politique n’est faite, la Procureure aura besoin de lacoopération d’Israël pour ouvrir une enquête sur les crimes commis à Jérusalem-Est ou en Cisjordanie.Il va sans dire que cela ne se produira pas immédiatement. En tout état de cause, le processus difficile decollecte de preuves, d'obtention de déclarations de témoins et de témoignages de victimes prendra des annéesavant de conduire à des mises en accusation. En ce qui concerne les colonies, d'autres problèmes juridiques etde preuves se posent. La Procureure aura la lourde tâche d'interpréter les dispositions de l'article 8 (2) b) viii)du Statut (et son article équivalent 49 (6) de la Quatrième Convention de Genève) et de déterminer les faitssur lesquels une infraction à cette disposition pourrait être établie avec suffisamment de certitude, étant donnéque cette dernière n'a jamais fait l'objet d'une enquête judiciaire.

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