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J Radiol 2004;85:552-554 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2004 formation médicale continue cas clinique Valeur du scanner dans l’occlusion mécanique de l’intestin grêle P Chevallier, A Denys, S Schmidt, S Novellas, P Schnyder et JN Bruneton Histoire de la maladie Monsieur C, âgé de 57 ans, sans antécédents médicaux ni chirur- gicaux, est admis dans le service des urgences pour des douleurs abdominales à type de coliques, à début brutal, évoluant depuis environ 48 heures, et associées à des nausées et des vomissements. Le patient est apyrétique et présente une défense péri-ombilicale à la palpation de l’abdomen. Le bilan biologique montre une poly- nucléose neutrophile isolée. Un scanner abdomino-pelvien avec injection iodée intra-veineuse, opacification colique rétrograde avec un produit de contraste hydrosoluble et coupes jointives de 5 mm d’épaisseur est réalisé dans l’heure suivant l’admission (fig. 1). Questions 1. De quel type d’occlusion souffre ce patient ? 2. Quelles sont vos hypothèses étiologiques ? 3. Ce patient doit-il être traité médicalement ou chirurgicale- ment ?

Valeur du scanner dans l’occlusion mécanique de l’intestin grêle

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J Radiol 2004;85:552-554© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2004 formation médicale continue cas clinique

Valeur du scanner dans l’occlusion mécanique de l’intestin grêle

P Chevallier, A Denys, S Schmidt, S Novellas, P Schnyder et JN Bruneton

Histoire de la maladieMonsieur C, âgé de 57 ans, sans antécédents médicaux ni chirur-gicaux, est admis dans le service des urgences pour des douleursabdominales à type de coliques, à début brutal, évoluant depuisenviron 48 heures, et associées à des nausées et des vomissements.Le patient est apyrétique et présente une défense péri-ombilicaleà la palpation de l’abdomen. Le bilan biologique montre une poly-nucléose neutrophile isolée.Un scanner abdomino-pelvien avec injection iodée intra-veineuse,opacification colique rétrograde avec un produit de contraste

hydrosoluble et coupes jointives de 5 mm d’épaisseur est réalisédans l’heure suivant l’admission (fig. 1).

Questions

1. De quel type d’occlusion souffre ce patient ?2. Quelles sont vos hypothèses étiologiques ?3. Ce patient doit-il être traité médicalement ou chirurgicale-ment ?

J Radiol 2004;85

P Chevallier et al. 553Valeur du scanner dans l’occlusion mécaniquede l’intestin grêle

Fig. 1 : Coupes axiales tomodensitométriques.

Fig. 1: Axial CT slices.

a bc de fg

J Radiol 2004;85

554 P Chevallier et al.Valeur du scanner dans l’occlusion mécanique de l’intestin grêle

DiagnosticOcclusion mécanique de l’intestin grêle avec incarcérationd’une anse grêle pelvienne, dans une hernie interne trans-méso-sigmoïdienne.

Réponses1. Les coupes tomodensitométriques montrent la dilatationd’une anse grêle pelvienne emplie totalement de liquide (fig. 1c-g),mesurant 3 cm de diamètre, et en forme de U (fig. 1f-g) ou de Uinversé (fig. 1c-e). Au pied de cette anse dilatée (fig. 1d), onn’identifie pas de syndrome de masse tissulaire et on visualise lesanses afférente (côté gauche du patient) et efférente collabées etdistantes d’environ 3 cm. L’intestin grêle plus proximal est luiaussi dilaté (fig. 1a), alors que l’iléon distal, à proximité du cæ-cum, ne l’est pas (fig. 1c-e). On est donc en présence d’un segmentd’intestin grêle occlus en deux points sur sa longueur avec dessites d’obstruction proches l’un de l’autre.2. L’existence d’une incarcération d’une anse grêle, nomméedans la littérature anglaise « closed-loop obstruction » (1), sansautre anomalie visible et chez un patient sans antécédent médicalni chirurgical, doit faire évoquer les diagnostics d’occlusion liée àune bride intra-péritonéale ou une hernie interne.Par argument de fréquence, la bride intra-péritonéale est plusprobable qu’une hernie interne, bien que la survenue d’une oc-clusion sur bride en l’absence d’antécédents de chirurgie ou depéritonite ne représente que 5 % de l’ensemble des occlusions surbride (2).La présence dans l’observation d’une anse grêle incarcérée aucontact du côlon sigmoïde doit faire également évoquer le dia-gnostic de hernie interne du méso-côlon sigmoïde. Les herniesinternes sont responsables de 1 à 3 % des occlusions aiguës de l’in-testin grêle (3). Parmi celles-ci, les hernies internes du méso-côlon sigmoïde sont rares, avec quelques dizaines de cas décrits(4), ne représentant que 5 % de l’ensemble des hernies internes, etse situant par ordre de fréquence, après les hernies para-duodénales,les hernies trans-mésentériques, les hernies para-cæcales et leshernies à travers le hiatus de Winslow (4).Il existe trois variétés de hernies du méso-côlon sigmoïde (3-4).La hernie inter-sigmoïdienne est la plus fréquente (deux-tiersdes cas) et correspond à l’engagement de l’intestin grêle dans undéfaut d’accolement de la fossette inter-sigmoïdienne qui est unespace triangulaire limité en avant par la face postérieure du méso-côlon libre, en arrière par le péritoine pariétal postérieur, en de-hors par le côlon lui-même et en dedans par la racine du méso-côlon. Les hernies intra- et transméso-sigmoïdienne sont les deuxautres types de hernies du méso-côlon sigmoïde avec engage-ment de l’intestin grêle dans la déhiscence respectivement d’unou des deux feuillets du méso-côlon sigmoïde. Les deux premierstypes de hernies se font à travers des orifices paranormaux et sontlimités par un sac ; pour le troisième type de hernie, la hernietrans-méso-sigmoïdienne, l’orifice est pathologique et la hernie,correspondant plus volontiers à un prolapsus ou une procidenceinterne, n’est pas limitée par un sac. L’aspect tomodensitométri-

que de ces hernies internes reste méconnu. Dans l’observationprésentée ici la distance de plusieurs centimètres, au pied de l’in-carcération, entre les anses afférente et efférente pourrait consti-tuer un argument en faveur du diagnostic de hernie, ces dernièresétant habituellement plus proches en cas d’incarcération surbrides.3. Pour ce patient l’option thérapeutique doit être chirurgicale.En effet, il présente de nombreux signes évocateurs d’un étran-glement digestif, correspondant par définition à une occlusionmécanique compliquée d’ischémie pariétale digestive (1).L’examen clinique ainsi que les examens biologiques, bien quepeu spécifiques, sont plutôt en faveur d’une occlusion compli-quée, en mettant en évidence une irritation péritonéale ainsiqu’une polynucléose neutrophile.L’examen tomodensitométrique montre quant à lui de nom-breux signes, directs ou indirects, évocateurs d’une ischémie pa-riétale. Le seul signe direct est un discret épaississement de laparoi digestive (3 mm) (fig. 1f), cette paroi ayant par ailleurs unrehaussement normal de sa densité après injection iodée intra-veineuse. On note comme signes indirects, une infiltration(fig. 1e) et un épanchement liquidien (fig. 1g) du mésentère, aucontact de l’anse incarcérée, ces signes étant les plus sensibles encas d’étranglement digestif (59-87,5 %) et ayant une spécificitécomprise entre 45 et 98 % (5-7). Enfin, l’incarcération digestive,comme la suspicion de hernie interne, constituent des situationsanatomiques se compliquant très fréquemment d’une ischémiedigestive (1, 4).Sur la base de ce faisceau d’arguments, le patient a été opéré4 heures après l’examen tomodensitométrique. Cette interven-tion chirurgicale a mis en évidence une incarcération d’une ansejéjunale distale dans une hernie interne trans-méso-sigmoïdienneavec un infarcissement hémorragique transpariétal sur unelongueur de 15 cm, nécessitant une résection digestive et uneréparation de la brèche du méso. Les suites opératoires ont étésimples.

Références1. Balthazar EJ, Birnbaum BA, Megibow AJ, et al. Closed-loop and

strangulating intestinal obstruction: CT signs. Radiology 1992;185:769-75.

2. Furukawa A, Yamasaki M, Furuichi K, et al. Helical CT in the dia-gnosis of small bowel obstruction. Radiographics 2001;21:341-55.

3. Berthet B, Assadourian R. Une forme rare de hernie interne : lahernie du mésocolon sigmoïde. J Chir 1993;130:170-2.

4. Gullino D, Giordano O, Gullino E. Les hernies internes de l’abdo-men. À propos de 14 cas. J Chir 1993;130:179-95.

5. Zalcman M, Sy M, Donckier V, et al. Helical CT signs in the dia-gnosis of intestinal ischemia in small-bowel obstruction. AJR2000;175:1601-7.

6. Ha HK, Kim JS, Lee MS, et al. Differenciation of simple and stran-gulated small-bowel obstructions: usefulness of known CT criteria.Radiology 1997;204:507-12.

7. Catel L, Lefèvre F, Laurent V, et al. Occlusion du grêle sur bride :quels critères scanographiques de gravité rechercher ? J Radiol 2003;84:27-31.