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F O N D S A F R I C A I N D E D É V E L O P P E M E N T A F R IC A N D E V E L O P M E N T F U N D B A N Q U E A F R IC A I N E D E D É V E L O P P E M E N T Évaluation de l’assistance de la Banque africaine de développement aux États fragiles Département de l’évaluation des opérations Groupe de la Banque africaine de développement 2012

Évaluation de l’assistance de la BAD aux États fragiles · F O N D S A F RI C AIN DE D É V E L O P P E M E N T A F R I C A N D E V E LOP M E T F U N D B A N Q U E A R IC A IN

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FONDS AFRICAIN DE DÉVELO

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AFRI

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BANQUE

AFRICAINE

DE DÉVELOPPEMENT

Évaluation de l’assistance de la Banque africaine

de développement aux États fragiles

Département de l’évaluation des opérationsGroupe de la Banque africaine de développement

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Évaluation de l’assistance de la Banque africaine

de développement aux États fragiles

Département de l’évaluation des opérationsGroupe de la Banque africaine de développement

2012

FONDS AFRICAIN DE DÉVELO

PPEMENT

AFRI

CAN D

EVELOPMENT FUND

BANQUE

AFRICAINE

DE DÉVELOPPEMENT

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© 2012 – Banque africaine de développement (BAD)Groupe de la Banque africaine de développement15 Avenue du Ghana,Angle des rues Pierre de Coubertin et Hedi NouiraBP 323, 1002 Tunis BelvédèreTunisie

Exclusion de résponsabilitéSauf indication contraire expresse, les constatations, interprétations et conclusions exprimées dans cette publication sont celles de ses divers auteurs et ne correspondent pas nécessairement aux vues de la direction de la Banque africaine de développement (la « Banque ») et du Fonds africain de développement (le « Fonds »), de leurs Conseils d’administration, Conseils des gouverneurs ou des pays qu’ils représentent.

Le lecteur consulte cette publication à ses seuls risques. Le contenu de cette publication est présenté sans aucune sorte de garantie, ni expresse ni implicite, notamment en ce qui concerne la qualité marchande de l’information, son utilité à telle ou telle fin et la non-violation de droits de tierce-parties. En particulier, la Banque n’offre aucune garantie et ne fait aucune déclaration quant à l’exactitude, l’exhaustivité, la fiabilité ou le caractère “à jour” des éléments du contenu. La Banque ne peut, en aucun cas, notamment en cas de négligence, être tenue pour responsable d’un préjudice ou dommage, d’une obliga-tion ou d’une dépense dont on ferait valoir qu’ils sont consécutifs à l’utilisation de cette publication ou au recours à son contenu. Cette publication peut contenir des avis, opinions et déclarations provenant de diverses sources d’information et fournisseurs de contenu. La Banque n’affirme ni ne se porte garante de l’exactitude, l’exhaustivité, la fiabilité ou le caractère “à jour” d’aucun d’entre eux ni d’aucun autre élément d’information provenant d’une source d’information quel-conque ou d’un fournisseur de contenu, ni d’une autre personne ou entité quelle qu’elle soit. Le lecteur s’en sert à ses propres risques.

A propos d’OPEVLa mission du Département de l’évaluation des opérations est d’aider la Banque africaine de développement à promouvoir une croissance durable et la réduction de la pauvreté en Afrique au moyen d’évaluations indépendantes et influentes.

Directeur: Rakesh Nangia, [email protected] de Division, Evaluation des projets et programmes : Mohamed Manai, [email protected] de Division, Evaluations de haut niveau : Odile Keller, [email protected]

Département de l’Évaluation des OpérationsTéléphone : (216) 71 102 841Fax : (216) 71 194 460Site web : http:// www.afdb.org/opevEmail : [email protected] Questions ? Contactez Felicia Avwontom,Spécialiste en communication et gestion du savoir, [email protected]

Copyright© 2012 – Banque africaine de développement (BAD)

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département de l’évaluation des opérations mars 2012 iii

Table des matières

Sigles et abréviations IVPréface VRésumé analytique VI

Introduction 11. Pertinence de l’assistance de la BAD aux États fragiles 22. Efficience 93. Efficacité organisationnelle 104. Qualité 125. Résultats 166. Conclusions et recommandations 18

Annexe 1 : Situations de fragilité et en voie de stabilisation : vers d’autres définitions et critères envisageables pour un appui supplémentaire 22

Annexe 2 : Résumé des bonnes pratiques internationales et des orientations en vigueur pour les institutions 24

Annexe 3 : Principales lacunes des données de la revue du portefeuille 27Annexe 4 : Extrait de la revue des publications – Le rôle de la BAD dans les situations de fragilité 28

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iv évaluation de l’assistance de la Banque africaine de développement aux états fragiles

Sigles et abréviations

APD Aide publique au développementBAD Banque africaine de développementFAD Fonds africain de développementRAPP Revue annuelle de la performance

du portefeuilleEPIP Évaluation de la politique et des

institutions du paysOPEV Département de l’évaluation des

opérations

OSFU ou FSU Unité des États fragilesPCCF Mécanisme en faveur des pays sortant

de conflitPMR Pays membres régionauxUC Unité de compteVP Vice-présidence

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département de l’évaluation des opérations mars 2012 v

Préface

Le présent rapport récapitule les résultats, les conclu-sions et les recommandations de l’évaluation. Il se fonde sur un ensemble d’études réalisées dans la phase 1 de l’évaluation, dont une revue du porte-feuille et une analyse des publications pertinentes ; ainsi que des études de la phase II, notamment une étude ciblée sur l’information recueillie au siège, trois études sur le terrain (Libéria, Guinée Conakry et République Démocratique du Congo) et trois études sur documents (Comores, Côte d’Ivoire et République du Congo. Les documents de travail sont disponibles sur demande auprès du Département de l’évaluation des opérations et le rapport de synthèse sera affiché sur la page d’accueil du département: http://www.afdb.org/OPEV.

La Banque africaine de développement joue un rôle important dans la reconstruction des pays membres régionaux (PMR) sortant de conflit. Actuellement, environ 40 % de l’ensemble des États africains sont classés comme États fragiles, ce qui représente pour la Banque un enjeu considérable au plan de la reconstruction.

Le présent rapport évalue la contribution apportée par la Banque africaine de développement au cours des dix dernières années pour relever les défis de développement de ses PMR en situation de fragilité. Le rapport met en particulier l’accent sur la période écoulée depuis l’adoption, en 2008, de la Stratégie d’engagement renforcé dans les États fragiles. Confor-mément à ses termes de référence, le rapport évalue les performances par rapport aux objectifs et normes fixés dans cette Stratégie, ainsi que les normes de bonnes pratiques internationales sur lesquelles la Stratégie est fondée. Plus précisément, il passe en revue la pertinence, l’efficience ainsi que l’efficacité organisationnelle de l’appui de la Banque aux États fragiles.

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vi évaluation de l’assistance de la Banque africaine de développement aux états fragiles

Résumé analytique

La présente étude a été réalisée, à la demande des Plénipotentiaires du Fonds Africain de Développe-ment (FAD), par le Département de l’évaluation des opérations (OPEV), en vue d’évaluer l’assistance de la Banque Africaine de Développement (BAfD ou la Banque) aux États fragiles sur la période 1999-2011. Elle examine la pertinence, l’efficacité et l’efficience de cette assistance. L’étude se fonde sur une analyse des publications, une revue du portefeuille, une étude réalisée au siège de la Banque, trois études de cas nationales réalisées sur place et trois études de cas nationales réalisées sur dossiers.

Les principaux résultats de l’évaluation sont les suivants :Approche des États fragiles : Au cours de la décennie écoulée, la Banque a développé une approche plus explicite et systématique du travail dans les États fragiles. Les grandes étapes ont été l’adoption des directives d’assistance aux pays sortant de conflit en 2001, la création d’une Facilité en faveur des pays sortant de conflit en 2004, et l’adoption de la Stratégie pour l’engagement renforcé dans les États fragiles, appuyée par la Facilité en faveur des États fragiles (FEF) en 2008. Grâce à ces mesures, la Banque a renforcé la sensibilisation générale sur les besoins spéciaux des États fragiles dans ses activités, et alloué des ressources financières supplémentaires substan-tielles pour répondre à ces besoins.

Identification des États fragiles et application des critères d’éligibilité  : Depuis 2008, la Banque afri-caine de développement (BAD) a pris un train de mesures en vue d’améliorer et de différencier son soutien aux États fragiles. Les critères d’éligibilité ont été appliqués de manière transparente, et une approche flexible a été parfois adoptée en fonction des besoins. Toutefois, la classification des États fra-giles et les critères d’éligibilité pour les allocations

financières suscitent des préoccupations de fond et au plan opérationnel.

Volume de l’assistance de la BAD : La plupart des États fragiles font face à d’énormes besoins et de grande portée auxquels la BAD a apporté des contributions importantes. Dans quelques cas, ces contributions ont joué un rôle catalyseur, mais elles ont été rare-ment déterminantes en elles-mêmes. Depuis 1999, les engagements de la BAD en faveur des États fragiles ont globalement eu tendance à augmenter plus vite que dans les États non fragiles. Les allocations en volume ont généralement été pertinentes et adaptées à l’évolution des capacités d’absorption et de gestion financière des pays concernés.

Utilisation des instruments : Les instruments et les modalités de la BAD ont répondu à une vaste gamme de besoins et de capacités des pays et ont été renforcés par de nouveaux appuis introduits par la création de la Facilité pour les pays sortant de conflit en 2004 et par la FEF en 2008. Les programmes réguliers et spéciaux de la Banque ont produit des résultats significatifs au plan de l’apurement des arriérés, de la réhabilitation des infrastructures et du renforcement des capacités dans certains domaines. L’utilisation de l’appui budgétaire par la Banque a bénéficié à des gouvernements d’États sortant de conflit. Des trois piliers fonctionnels de la FEF, le Pilier II consacré à l’apurement des arriérés a obtenu de bons résultats par rapport aux objectifs fixés dans la stratégie, les performances du Pilier I sur l’appui supplémentaire aux pays sortant d’une situation de conflit ont été modérément bonnes, tandis que les performances du Pilier III consacré au renforcement des capacités et l’assistance technique ont été décevantes.

Efficience  : Globalement, par rapport aux critères classiques d’efficacité utilisés par la BAD, les résultats

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département de l’évaluation des opérations mars 2012 vii

sont mitigés, compte tenu du fait que les situations de fragilité nécessitent des actions plus rapides et plus flexibles. Depuis 2008, la FEF a apporté davantage de flexibilité et de réactivité aux besoins des États fragiles. L’apurement des arriérés a été rationalisé. Bien que les performances dans les États fragiles aient été, sans surprise, inférieures à la moyenne par rapport aux mesures types de la Revue Annuelle de Performance du Portefeuille (RAPP), le Pilier I a été un mécanisme efficace pour des transferts supplémentaires impor-tants avec des contraintes additionnelles limitées. Le Pilier III n’a pas encore pris la forme programma-tique prévue en tant qu’instrument flexible et efficace d’appui au renforcement des capacités.

Efficacité organisationnelle : La prise de décisions pour les programmes en faveur des États fragiles a surtout suivi les pratiques normales de la Banque, malgré une attention de plus haut niveau accordée à l’apurement des arriérés et aux situations de crise, et des disposi-tions efficaces pour la gestion du programme spécial d’assistance technique qui n’ont pas encore été mises en place. Globalement, la vision de la Stratégie consistant en un engagement renforcé et plus réfléchi de toute la BAD dans les États fragiles n’a pas encore été soutenue par un plan de mise en œuvre réaliste et graduel ainsi que par les types de changements institutionnels et de systèmes d’appui nécessaires. À ce stade, la Banque n’a pas encore mis en place les dispositions appropriées au niveau supérieur pour garantir une attention et une coordination stratégiques soutenues dans ce domaine ; les fonctionnaires de l’Unité des États fragiles (FSU) ne sont pas déployés avec le maximum d’effet et ceux qui sont chargés de programme ne sont pas encore outillés pour appliquer le savoir de la fragilité et les outils pertinents dans le cadre de leur travail dans les États fragiles. Un surcroît de décentralisation serait d’une grande utilité, sans pour autant représenter une solution miracle.

Qualité de la réponse : L’appui de la BAD aux États fragiles a certes été adapté aux demandes et aux

besoins urgents, mais dans la plupart des cas, il n’a pas été soutenu par une analyse suffisante du très important contexte politique et des causes du conflit et de la fragilité. Des liens explicites n’ont pas été établis sur comment la programmation de la Banque doit être intégrée dans les objectifs nationaux en matière de consolidation de la paix et d’édification de l’État1, comme le prévoit la Stratégie. Comme le souligne le premier principe de bonnes pratiques internationales, cette absence d’une « optique de fragilité » et l’approche de « maintien du statu quo » créent de gros risques d’échec et éventuellement de dommages plus graves suite aux interventions de la Banque. Bien que la coordination et le travail d’équipe soient particulièrement importants dans les situations de fragilité, le travail en partenariat de la Banque a été jusqu’à présent limité et réalisé essentiellement au niveau des projets plutôt qu’au niveau stratégique.

Contributions aux résultats  : Les contributions les plus significatives de la BAD dans les États fragiles ont été apportées dans la normalisation des relations internationales de ces États à travers l’apurement des arriérés et les allègements de dette qui en résultent. Il s’agit d’effets de haut niveau et de fort impact. Une contribution significative a également été apportée à la reconstruction des infrastructures de base et la fourniture de l’accès aux services essentiels ainsi qu’aux réformes de la gestion des finances publiques. En revanche, la Banque a manqué des opportuni-tés importantes de contribuer systématiquement au renforcement des capacités, aux processus de

1 Les termes « édification de l’État » renvoient aux processus en place dans un pays permettant de renforcer les capacités, les institutions et la légitimité de l’État et reposant sur les relations entre l’État et la société au sens large (OCDE, 2008). Les termes « consolidation de la paix » renvoient à un processus complexe, de long terme visant à créer les conditions nécessaires pour une paix positive et durable en s’attaquant de manière globale aux causes structurelles profondes des conflits violents. Il met en jeu un train de mesures de réduction des risques de tomber ou de retomber dans le conflit, en renforçant les capacités nationales de gestion des conflits et en jetant les bases d’une paix durable. Le concept et la pratique de consolidation de la paix jouent un rôle à la fois de prévention et d’intervention dans la situation des pays sortant de conflit (UNDPKO, 2008).

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viii évaluation de l’assistance de la Banque africaine de développement aux états fragiles

reconstruction et de réconciliation et à l’édification de l’État de manière générale.

En conclusion, la BAD a renforcé ses contributions à la reprise et à la reconstruction dans les États fragiles, surtout depuis l’adoption d’instruments stratégiques de politique en 2004 et 2008. Ses opérations d’apu-rement des arriérés en particulier ont apporté une contribution significative aux résultats. Toutefois, l’ambitieuse vision développée dans la Stratégie en faveur des États fragiles de 2008 n’a pas été suivie de réformes organisationnelles et d’engagements insti-tutionnels pour faire de cette vision une réalité. Il est évident qu’un changement d’orientation s’impose, fondé sur le fait que la BAD a un rôle stratégique à jouer dans les situations de fragilité partout en Afrique, mais elle ne peut pas tout faire.

Recommandations1. La Banque doit envisager une approche pro-grammatique plus large pour les « situations de fragilité et en voie de stabilisation » où les fonctions essentielles et la résilience de l’État, de la société et/ou de l’économie sont gravement compromises ou sont particulièrement vulnérables aux chocs, lorsque le redressement à l’issue de chocs graves se poursuit. Une telle approche répondrait mieux aux besoins des catégories d’« États fragiles » qui ne sont pas convenablement couverts dans la Stratégie de 2008 et ceux des PMR et des régions qui sont en voie de stabilisation après un conflit et/ou une mutation politique fondamentale. Elle permettra aussi de prendre en compte un aspect important, celui de la prévention2. Des approches axées sur le mérite et une pratique de partenariat de premier plan, pourraient servir de base permettant à la Banque d’attirer davantage d’appui pour ses interventions dans des situations de fragilité, par exemple, de la part de bailleurs de fonds non classiques.

1.1 Au lieu de recourir à une formule d’allocation axée sur les pays pour l’octroi des financements

supplémentaires, de la même manière que les allo-cations de base du FAD fondées sur les performances, la nouvelle approche fixerait un petit nombre d’ob-jectifs et de critères clés pour l’assistance de la BAD et allouerait ensuite les ressources supplémentaires disponibles du FAD, de la BAD et autres ressources de manière réactive (comme c’est le cas avec l’apure-ment des arriérés) à travers une approche d’allocation glissante basée sur le mérite.

1.2 Les objectifs et les critères devraient être dictés par des évaluations plus en profondeur des besoins dans les différentes situations de fragilité et en voie de stabilisation, et par les atouts avérés de la Banque dans les domaines concernés.

1.3 Ce financement réactif ne doit pas être soumis à des délais normaux de désengagement, mais être disponible pour les projets à plus court et à plus long termes. Il doit être alloué sur la base d’évaluations plus fréquentes (éventuellement trimestrielles) du contexte et de la solidité des propositions émanant des pays et des équipes.

1.4 Étant donné l’importance des enjeux et la diffi-culté des appréciations qu’impliquent ces décisions d’allocation, celles-ci devraient être prises à un niveau élevé avec la contribution d’un personnel spécialisé.

1.5 Les objectifs fondamentaux assignés actuelle-ment aux trois piliers pourraient être maintenus, à savoir renforcer les opérations régulières, soutenir l’apurement des arriérés et créer un guichet haute-ment flexible pour l’assistance technique et le renfor-cement des capacités dans les situations de fragilité et

2 Pour une présentation plus détaillée de définitions éventuelles et des critères, voir Annexe 1, « Situations de fragilité et en voie de stabilisation : vers d’autres définitions et critères envisageables pour un appui supplémentaire. » La Banque mondiale vise simultanément à adopter une approche plus large et plus souple. Voir, « Intégrer les thèmes du Rapport sur le développement dans le monde 2011 : conflits, sécurité et développement », Banque mondiale, avril 2011.

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département de l’évaluation des opérations mars 2012 ix

– et le recours au suivi (y compris la surveillance de l’environnement externe) dans chaque proposition de programme dans les situations de fragilité et en voie de stabilisation. L’Unité devrait également être chargée de la formation systématique du personnel de la BAD concerné afin de le préparer à appliquer les connaissances pertinentes.

3. La Banque doit déterminer le complexe qui a le plus de chances de jouer le rôle de chef de file dans la mise en œuvre des changements institu-tionnels nécessaires pour permettre à l’ensemble de la Banque de donner suite aux engagements valables de sa Stratégie de 2008 et aux révisions qui sont à présent nécessaires ainsi que d’assurer la coordination permanente requise. L’Unité des États fragiles doit être logée dans un tel complexe.

4. Avec des responsabilités couvrant tout le conti-nent africain et la nécessité d’assumer un rôle stra-tégique utile dans tous les pays et régions d’Afrique en situation de fragilité et en voie de stabilisation, la BAD doit appliquer et promouvoir des efforts internationaux mieux concertés, harmonisés et coordonnés. Elle jouit d’un potentiel unique pour devenir un champion efficace du partenariat, de l’échange pratique des données d’expérience enraciné dans les conditions africaines, et de la réponse aux conditions de fragilité par-delà les frontières.

4.1 La Banque doit consacrer davantage d’efforts aux mécanismes actuels de coordination entre les bailleurs de fonds, en particulier au niveau straté-gique, et contribuer activement à bâtir des méca-nismes additionnels ; faire avancer le processus de

en voie de stabilisation (incluant parfois les besoins anticipés urgents).

2. Rationaliser et réaffecter les responsabilités au sein des structures de la Banque pour permettre une intervention institutionnelle efficace dans les situations de fragilité.

2.1 Les bureaux extérieurs, les départements régio-naux et sectoriels de la Banque doivent avoir un niveau de responsabilité suffisant (ainsi que des res-sources adéquates) pour la planification et l’exécution des programmes dans les situations de fragilité et en voie de stabilisation (y compris le renforcement des capacités et l’assistance technique) ainsi que pour la réalisation des travaux d’analyse et l’application des orientations stratégiques nécessaires pour ces activi-tés. Il faudrait procéder à une revue des mécanismes de responsabilisation et d’incitation des départements régionaux et sectoriels afin d’encourager davantage de travaux d’analyse et d’approches évolutives néces-saires dans les États fragiles.

2.2 L’unité des États fragiles ne doit plus être chargée de la gestion directe des activités d’assistance tech-nique et de renforcement des capacités au titre du Pilier III, ainsi que des fonctions vagues et irréalistes de « coordination » et de « facilitation » qui lui avaient été assignées en 2008. L’Unité doit être réformée pour devenir une ressource spécialisée de savoir et jouer un rôle dans l’allocation des ressources afin de conserver ses liens opérationnels et son influence par une prise en compte systématique et effective du savoir. Elle doit intégrer les orientations interna-tionales les plus récentes axées sur la pratique3 (voir Annexe 2) et l’expérience propre de la Banque afin de produire rapidement des orientations pratiques et des outils opérationnels adaptés aux besoins et capacités actuels de la BAD. Cela doit inclure des directives pour les évaluations tenant compte de la fragilité à intégrer dans les Documents de stra-tégie-pays – principal outil directif de la Banque

3 Cette bonne pratique internationale qui a été élaborée directement à partir des Principes pour les États fragiles avec la pleine participation des États fragiles eux-mêmes, est à présent disponible sous une forme facilement adaptable, brève, et faisant autorité dans « Un New deal pour un engagement international dans les États fragiles », les résultats de 2011 du Dialogue international sur la consolidation de la paix et l’édification de l’État, et les Lignes d’action du CAD-OCDE, 2011, sur l’« Appui à l’édification de l’État dans les situations de conflit et de fragilité », surtout le Chapitre 5 sur l’« Amélioration des opérations des partenaires au développement ».

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x évaluation de l’assistance de la Banque africaine de développement aux états fragiles

décentralisation au profit des États fragiles et doter les bureaux nationaux de responsabilités, de pouvoir de décision et de ressources.

5. La Banque doit élaborer un plan opérationnel pour les réformes transversales requises par la Stratégie de 2008, qui incluent de meilleurs parte-nariats extérieurs, un travail d’analyse plus robuste, la formation et des mesures d’incitation appropriées du personnel à travailler dans les États fragiles.

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département de l’évaluation des opérations mars 2012 1

Introduction

Les principales limites de l’évaluation sont les suivantes :

• Les comparaisons et le suivi pendant la décennie écoulée ne peuvent avoir qu’un caractère général et être établis à titre indicatif. Le terme États fragiles est relativement récent dans les milieux du développement et la Banque a utilisé le terme pays sortant de conflit avant d’identifier la caté-gorie des États fragiles en 20085. Par ailleurs, il est difficile d’assurer le suivi dans la mesure où les pays entrent et sortent des situations de fragilité.

• Les lacunes et faiblesses des données institution-nelles de la BAD ressortent fréquemment de l’analyse6, comme l’ont aussi constaté d’autres études. Les constats et conclusions sont par conséquent adaptés à la qualité des données disponibles.

1. Le présent rapport de synthèse de l’évaluation de l’Assistance de la BAD s’appuie sur les données tirées d’une revue de portefeuille, d’une revue des publications, d’une étude au siège de la Banque, de trois études par pays sur le terrain (Libéria, Guinée Conakry et République Démocratique du Congo) et trois études de cas sur dossiers (Comores, Côte d’Ivoire et République du Congo). Conformément à ses termes de référence, l’évaluation mesure surtout les performances par rapport aux objectifs déclarés et aux normes établies dans la Stratégie pour les États Fragiles de 2008 et dans les Principes de l’engagement dans les États fragiles ainsi qu’aux normes en évolution de bonnes pratiques que la Banque est tenue d’appliquer aux termes de la Stratégie4. Des données détaillées sur les termes de référence et la méthodologie de l’éva-luation, qui respectent les normes internationales de qualité, sont disponibles auprès d’OPEV.

2. Les principales questions auxquelles l’évaluation répond sont les suivantes :Pertinence Comment et dans quelle mesure la BAD a-t-elle identifié les États fragiles en Afrique et leurs besoins particuliers

en matière de reprise et de reconstruction, et fixé les conditions d’éligibilité aux différents types d’assistance ?

L’évolution du volume de l’aide ciblée et régulière aux États fragiles a-t-elle été adaptée à la réponse à l’évolution des besoins des pays?

Quelles ont été la pertinence et l’efficacité des divers instruments de la BAD pour ce qui est de leur contribution aux résultats de la reprise et de la reconstruction ?

Efficience D’un point de vue économique, dans quelle mesure les ressources/intrants axés sur l’assistance aux États fragiles ont-ils été convertis en contributions aux résultats ? Comment et pourquoi cela a-t-il changé pendant les périodes sous revue ?

Efficacité organisa-tionnelle

Dans quelle mesure les structures et le personnel du siège de la BAD ont-ils été efficaces dans l’appui aux contribu-tions de la Banque dans les États fragiles ?

Qualité La qualité des réponses de la BAD aux besoins des États fragiles a-t-elle été suffisante, et s’est-elle améliorée ? Pourquoi et dans quelle mesure ?

Résultats Quels sont les résultats réalisés dans les domaines de la reprise et de la reconstruction pendant les périodes perti-nentes, et quelle est la probabilité qu’elles soient durables ? Quelle a été la contribution de l’assistance de la BAD ?

4 Comme on le constate dans la liste des sources de l’évaluation, beaucoup de travail supplémentaire a été accompli depuis les premiers Principes du CAD-OCDE et la Banque y a pris part. L’étude la plus complète et la plus récente des analyses et de la réflexion se trouve dans « Conflit, sécurité et développement », le Rapport sur le développement dans le monde 2011 (Banque mondiale). Les bonnes pratiques internationales font l’objet de la meilleure présentation dans « Un New Deal pour l’engagement international dans les États fragiles », les résultats 2011 du Dialogue international sur la consolidation de la paix et l’édification de l’État et les Lignes d’action du CAD-OCDE de 2011 sur l’« Appui à l’édification de l’État dans les situations de conflit et de fragilité ».

5 La notion d’État en situation de fragilité est relativement récente : c’est en 2005 que la notion a commencé de revêtir de l’importance dans les milieux du développement. C’est ainsi que la Banque utilisait la notion de pays sortant d’un conflit avant d’adopter celle de pays à faible revenu en difficulté (LICUS) en 2000, puis celle d’États en situation de fragilité en 2005. Avant 2008, la BAD utilisait la notion de pays sortant d’un conflit. Pour en savoir plus, voir la revue des publications, chapitre 2.

6 L’annexe 3 présente en détail les lacunes et faiblesses des données disponibles.

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2 évaluation de l’assistance de la Banque africaine de développement aux états fragiles

• La présélection des pays pour une étude plus approfondie a été guidée par des critères d’échan-tillonnage axés sur des objectifs précis, ce qui ne permet par conséquent pas de généralisations catégoriques.

• La prise en compte limitée de l’appui du secteur privé. Les activités du secteur privé ont été cou-vertes dans la revue du portefeuille et des publi-cations, et non pas dans les études de cas, qui ont porté essentiellement sur la mise en œuvre de la Stratégie de 2008.

3. Les principaux auditoires visés par l’évaluation sont : les membres du Conseil d’administration et les hauts responsables de la BAD ; les parties prenantes dans les pays concernés, les chefs de projets et le personnel qui travaillent sur les programmes de ces pays ; le personnel de l’Unité des États fragiles ; et d’autres partenaires clés au sein et en dehors de la BAD.

1. Pertinence de l’assistance de la BAD aux États fragiles

a. Comment et dans quelle mesure la BAD a-t-elle identifié les États fragiles en Afrique et leurs besoins particuliers en matière d’assistance à la reprise et à la reconstruction, et défini les critères d’éligibilité ?

4. Durant la durée écoulée, la BAD a pris plusieurs mesures positives visant à recentrer son action sur les États fragiles. Ces mesures comprennent l’adoption de :

• directives d’assistance aux pays sortant de conflit en 2001 ;

• la Facilité en faveur des pays sortant de conflit en 2004 ;

• la Stratégie pour l’engagement renforcé dans les États fragiles et de la FEF en 2008.

Grâce à ces mesures, la Banque s’est orientée vers une approche plus explicite et plus systématique, a renforcé la sensibilisation générale sur les besoins spéciaux des États fragiles et alloué des ressources financières supplémentaires substantielles pour répondre à ces besoins7.

Critères d’éligibilité5. L’identification adéquate des États fragiles et de leurs besoins spéciaux représente un défi constant pour la communauté internationale. Les efforts de la BAD pour définir des critères objectifs et mesurables d’identification des États fragiles et surtout orienter les allocations financières ont été un pas dans la bonne direction et ont contribué à faire face à ce défi. La définition des critères d’éligibilité aux trois différents piliers de la FEF8 était une tentative utile d’organiser l’accès aux ressources supplémentaires limitées. Ces critères ont été appliqués avec trans-parence et de manière généralement cohérente.

6. Toutefois, dans les faits, la définition des « États fragiles » dans la Stratégie et les directives opération-nelles, et les conditions d’éligibilité aux piliers de la Facilité, ont suscité un certain nombre de graves préoccupations de fond et au plan opérationnel9. Il s’agit notamment des faits suivants :

• Le terme « État fragile » a un caractère stigma-tisant et est considéré par certains comme un frein majeur à la stabilisation politique et à la reprise économique, et les critères appliqués ne rendent pas compte des diverses situations de fragilité.

7 L’Annexe 4 de l’étude réalisée au siège fournit davantage d’informations sur la part de l’aide de la BAD accordée aux États fragiles.

8 Tous les pays ont accès au Pilier III pour le renforcement des capacités et la gestion du savoir ; les critères d’éligibilité concernant les efforts en faveur d’un accord de paix et de réconciliation donnent accès à l’appui supplémentaire sur les ressources du FAD au titre du Pilier I (des conditions remplies par 9 pays en 2008) ; et le Pilier II est conçu spécifiquement pour l’apurement des arriérés, avec probablement deux pays qui peuvent remplir les conditions pertinentes chaque année.

9 Un examen plus détaillé de la notion de fragilité et de sa justification théorique est présenté au chapitre 3 de la revue des publications.

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département de l’évaluation des opérations mars 2012 3

• Les limites de l’utilisation des notes d’évaluation des politiques et institutions nationales (EPIP) en tant que critère de définition du statut de fragilité, tel que l’énonce la critique figurant dans la Stratégie en faveur des États fragiles, restent valables10.

• Actuellement, l’éligibilité des nouveaux candi-dats aux ressources supplémentaires est évaluée et négociée au début de chaque cycle triennal du FAD. Vu le caractère imprévisible de la situa-tion de fragilité (sans compter le fait que les pays entrent dans la situation de fragilité et en sortent), cette méthode ne permet pas assez de flexibilité pour s’adapter rapidement à l’évolution des circonstances.

• Les formules actuelles d’allocation suscitent des interrogations quant à la répartition équi-table des ressources entre grands et petits pays. Adapter les allocations aux volumes potentiels des fonds spéciaux du FAD et à d’autres sources de financement des activités de la BAD dans les États fragiles susceptibles d’être disponibles au cours des années à venir peut aussi poser des problèmes avec une approche basée sur une formule.

• Les critères actuels ne prennent pas en compte les différences de situation entre les États fragiles, comme par exemple pour les critères de première et deuxième étape pour le principal appui sup-plémentaire au titre du Pilier I de la Facilité. Les critères tels que l’existence d’un accord de paix et de réconciliation sont toujours principalement orientés vers les situations des « pays sortant de conflit » plutôt que vers des situations de fragi-lité11. Ces critères sont déjà utilisés au maximum, mais excluent encore certains pays qui sont de toute évidence dans les situations de fragilité, et presque certainement d’autres pays confrontés à des défis et besoins comparables12.

7. La classification, la définition et les critères d’assistance aux États fragiles dans la Stratégie en faveur des États fragiles devront par conséquent être réexaminés. Cette nécessité est reconnue et certains travaux sont déjà en cours.

b. L’évolution du volume de l’appui ciblé et régu-lier de la BAD aux États fragiles a-t-elle été adaptée à l’évolution des besoins des pays ?

8. La plupart des États fragiles ont des besoins tellement énormes et de grande portée que les ten-tatives de chiffrer leurs besoins en assistance ne dépassent jamais le cadre des demandes d’urgence. Compte tenu de cette situation, la Stratégie en faveur des États fragiles et les Principes pour l’engagement international dans les États fragiles supposent que les volumes des besoins d’aide sont plus élevés et les flux plus rapides, plus flexibles, soutenus et prévisibles. L’aide n’est que l’une parmi de nombreuses ressources, et la BAD n’est qu’une source d’aide parmi plusieurs autres. À titre d’exemple, en 2009 la contribution de la BAD dans des pays comme Djibouti et la Répu-blique démocratique du Congo a représenté environ 12 % de la totalité des ressources d’aide publique au développement (APD). Son influence directe sur l’aide peut donc être considérable. Dans d’autres cas, comme ceux de la Côte d’Ivoire, de la Guinée ou de Sao Tome-et-Principe, l’aide de la BAD était inférieure à 3 % du total des ressources d’APD13.

10 Stratégie en faveur des États fragiles paragr. 3.3 – l’utilisation des notes EPIP est critiquée pour sa base rétrospective, et pour l’instauration d’une concurrence inégale pour les ressources entre les pays sortant d’un conflit aux faibles capacités et les pays performants.

11 Par exemple, la Guinée ne remplit pas les critères d’éligibilité de la BAD au financement du Pilier I et II de la FEF.

12 Par exemple, les Comores et la Guinée présentent les caractéristiques typiques de la fragilité et des mesures d’amélioration, et aucun des deux ne peut être classé comme « sortant d’un conflit » et remplir les conditions préalables nécessaires. Les Comores ont reçu de l’aide au titre du pilier supplémentaire d’appui aux États fragiles, tandis que la Guinée n’a rien reçu.

13 L’annexe 4 de l’étude du siège fournit plus d’informations sur l’assistance de la BAD en proportion du total des ressources d’APD.

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4 évaluation de l’assistance de la Banque africaine de développement aux états fragiles

Graphique 1 : Total des approbations, 1999-2010

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Année

Millions (UC)

0

300

600

900

1200

1500

9. L’existence de la FEF et du mécanisme précur-seur, à savoir la Facilité en faveur des pays sortant de conflit pour l’apurement des arriérés témoignent de la volonté de la BAD de maintenir et, si possible, augmenter les parts de financement disponibles pour soutenir les États fragiles14. Avant l’adoption d’une politique applicable à l’ensemble de la Banque, les approbations annuelles par le Conseil en faveur des États fragiles se chiffraient en moyenne à 124,28 mil-lions d’UC, et depuis la mise en œuvre de la Facilité en faveur des États sortant de conflit, ce montant est

passé à 181,49 millions d’UC15. Enfin, depuis l’adop-tion en 2008 de la Stratégie d’engagement renforcé dans les États fragiles, les approbations annuelles du Conseil ont augmenté à 303,98 millions d’UC en moyenne (à l’exclusion de l’apurement des arriérés).

14 Avant 2004, seule la RDC a bénéficié sur une base ponctuelle d’un apurement des arriérés financé sur le revenu net de la Banque. Cette opération d’un montant de 1,15 milliards d’UC approuvée en 2002 au profit de la RDC représente plus de 37 % de la totalité des fonds approuvés pour les États fragiles entre 1999 et 2009.

15 Cette valeur pour la période 1999 – 2003 exclue l’apurement en 2002 des arriérés de la RDC. En incluant l’apurement en 2002 des arriérés de la RDC, la valeur passe à 1,78 milliards d’UC pour cette période.

10. En termes de volumes absolus, les augmentations des approbations de financement depuis 1999 dans les États fragiles ont été plus importantes que pour un ensemble de pays comparables non fragiles, comme le montre le tableau ci-après :

11. Le graphique 4 présente le niveau des approba-tions entre 1999 et 2010 au niveau des pays.

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département de l’évaluation des opérations mars 2012 5

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Année

0

100

200

300

400

500

600

Valeur d’indice États Non-Fragiles

Valeur d’indice États Fragiles

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Année

Millions (UC)

0

50

100

150

200

250

300

350

Graphique 2 : Total des approbations, 1999-2010, à l’exclusion de l’apurement des arriérés

Graphique 3 : Valeurs d’indice du financement total approuvé pour les États fragiles et les pays de comparaison non fragiles

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6 évaluation de l’assistance de la Banque africaine de développement aux états fragiles

Graphique 4 : Total des approbations, 1999-2010, par niveau de pays

12. Les études de cas nationaux concluent qu’en général le volume de l’assistance de la BAD aux pays membres régionaux en situation de fragilité a été pertinent et adapté à l’évolution de leurs capacités d’absorption et de gestion financière, en particulier :

• Dans certains cas, les engagements ont claire-ment évolué à la hausse en réponse aux besoins des pays et de leurs capacités d’absorption et de gestion financière (ex, Libéria, Côte d’Ivoire, Congo).

• Dans les cas où des contraintes d’absorption et de capacités se sont posées, la BAD a mis en place des stratégies d’atténuation (ex. Congo, Comores).

• En Guinée, où l’avenir politique a été incertain entre 2008 et 2010, les volumes de l’aide de la BAD en réponse aux contraintes des capacités et d’absorption ont diminué, et elle a même été suspendue à un moment donné.

c. Dans quelle mesure les divers instruments de la BAD ont été adaptés et efficaces dans leur

16 CAD-OCDE « Appui à l’édification de l’État dans des situations de conflit et de fragilité » 2011.

17 Voir les rapports sur les études de cas par pays pour plus de détails sur la combinaison spécifique d’instruments et la répartition sectorielle.

18 Les opérations multisectorielles de la Banque comprennent aussi bien les opérations à l’appui des réformes que l’apurement d’arriérés.

Angola 1,92%

Zimbabwe 0,06%

Burundi 3,17%RAC 1,00%

Tchad 4,19%Comores 1,18%

Congo 1,83%Djibouti 3,46%

RDC 46,21%Erythée 1,37%

Gambie 2,00%

Guinée 6,76%

Guinée-Bissau 1,10%

Côte d’Ivoire 12,63%

Libéria 5,91%

Sao Tomé-et-Principe Sierra Leone 4,44%

Somalie 0,02%Soudan 0,28%

Togo 2,00%

contribution aux résultats de la reprise et de la reconstruction ?

13. Les études de cas montrent que la combinaison des instruments réguliers et spéciaux ont permis à la Banque de répondre avec flexibilité aux besoins divers et changeants, un atout de taille dans les contextes de fragilité16. Au niveau national, la BAD a utilisé une large combinaison d’instruments financiers disponibles au sein des six États fragiles considérés17. Le financement d’urgence a été également fourni à quatre de ces pays. Les modalités vont des opérations d’apurement des arriérés à des projets et programmes, à plus récemment des opérations d’appui budgétaire. Ces instruments ont permis à leur tour à la Banque d’appuyer une vaste gamme de secteurs dans les pays concernés, ainsi que d’importantes opérations multisectorielles18.

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département de l’évaluation des opérations mars 2012 7

Graphique 5 : Total des approbations, 1999-2010, par secteur

Agriculture 8,54%

Industrie/Mine/Carrière 5,16%

Environnement 0,74%

Transport 9,01%

Approvisionnement Eau Potable et Assainissement 5,55%

Énergie 4,06%

Finance 2,25%

Social 9,30%

Developpement Urbain 0,06%

Multi-Secteur 55,35%

19 Voir les rapports sur les études de cas pour plus d’informations sur la combinaison spécifique d’instruments et l’utilisation de la conditionnalité.

20 Au Congo, par exemple, elles ont servi à exercer des pressions en faveur des réformes en matière de gouvernance et d’équité. En Guinée, par contre, où d’autres bailleurs de fonds avaient imposé des conditionnalités politiques, la BAD a évité d’en faire autant, apparemment en tant que signal conscient d’appui au gouvernement en place.

14. Le choix de l’instrument/la modalité a, en géné-ral été flexible et adapté à la fois aux besoins des pays et à l’évolution des capacités nationales19. Les études de cas présentent des exemples clairs d’adap-tation rapide à l’évolution des priorités nationales, par exemple en Guinée et en Côte d’Ivoire, et des réponses positives aux demandes des pays suite à l’évolution des demandes de financement. La Banque a également modifié son utilisation des conditionna-lités au niveau des projets et des portefeuilles dans les pays considérés20. Les utilisations les plus osées de ces conditionnalités semblent intervenir dans les cas où la stratégie pays reconnaît de manière explicite sa situation de fragilité, par exemple en mettant l’accent sur le rôle de la BAD dans l’appui aux réformes de la gouvernance.

15. Le graphique 6 présente l’accroissement de l’appui budgétaire depuis 1999. Dans quatre des six États fragiles examinés (Côte d’Ivoire, RDC, République du Congo et Liberia), la BAD a été pour-voyeuse et défenseur de l’appui budgétaire, parfois avec une avance sur les autres bailleurs de fonds, ce qui confirme l’argument selon lequel il existe des raisons impérieuses de soutenir l’appui budgétaire aux États en situation de fragilité pour renforcer

les systèmes nationaux. En Côte d’Ivoire, l’appui budgétaire fourni par la Banque a permis d’amé-liorer l’espace budgétaire et les mesures de réforme soutenues par le programme ont facilité la mise en œuvre du programme de sortie de crise de 2009. Au Congo, la Banque a contribué à la promotion de la stabilité macroéconomique et, plus précisément à la gestion des ressources publiques. L’évaluation indé-pendante des opérations à l’appui des réformes de 2010 a également examiné deux études de cas d’États fragiles. En Sierra Leone, l’appui budgétaire a joué un rôle de premier plan dans le relèvement du pays à la suite du conflit. Toutefois, malgré un engagement financier important à travers les opérations à l’appui de réformes, la Banque n’a pas participé au dialogue sur les politiques. En RDC, la Banque était en mesure de répondre de manière rapide et efficace aux besoins urgents en matière de balance des paiements et de budget d’un PMR sortant de conflit, se trouvant

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8 évaluation de l’assistance de la Banque africaine de développement aux états fragiles

dans une situation particulièrement fragile et dont les systèmes sont très déficients. La Banque pouvait intervenir ainsi en recourant à l’approche définie dans sa politique de riposte à la crise financière inter-nationale (qui permettait une plus grande marge de manœuvre pour la reprogrammation des ressources du FAD) et en œuvrant en étroite coordination avec d’autres bailleurs de fonds qui accordent une aide similaire. Cependant, les risques fiduciaires conti-nuent de faire l’objet de débat au sein de la Banque, la décision de celle-ci de recourir à l’appui budgétaire est généralement intervenue après plusieurs années d’efforts de renforcement des compétences en gestion financière21.

La Facilité en faveur des États fragiles (FEF)16. Les trois piliers de la FEF en particulier ont été appliqués avec flexibilité en réaction aux besoins et aux opportunités tels qu’ils se sont présentés, profi-tant dans quelques cas de synergies potentielles entre les piliers. Ceux-ci sont présentés ci-après par ordre d’importance22.

17. Le Pilier II (et la Facilité pionnière en faveur des États sortant de conflit) pour l’apurement des arriérés

21 En Guinée, par exemple, la BAD a travaillé en étroite collaboration avec la CEDEAO, l’UA, la Banque mondiale et le FMI pour soutenir la mise en œuvre d’une feuille de route économique et financière parallèlement à la feuille de route politique, afin d’appuyer un retour ordonné à l’ordre constitutionnel en 2009. En RDC, en 2011, la BAD a déployé des efforts considérables pour créer un cadre adapté à la fourniture du soutien budgétaire dont la nécessité se faisait cruellement sentir, y compris en période préélectorale, même si cela s’est finalement avéré impossible.

22 Dans le cadre du FAD-11 et du FAD-12, un montant total de 659 millions d’UC pour le Pilier I, de 667 millions d’UC pour le Pilier II et de 85 millions d’UC pour le Pilier III ont été engagés pour la FEF. Jusqu’au milieu de 2011, les décaissements au titre du Pilier II se chiffraient au total à 256 millions d’UC, au titre du Pilier I à 112 millions d’UC et au titre du Pilier III à 11 millions d’UC.

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Année

Millions (UC)

0

20

40

60

80

100

Graphique 6 : Prêts à l’appui des réformes aux États fragiles, totaux par an

a atteint les objectifs qui lui ont été assignés. Ce pilier a aidé les pays comme le Togo et la Côte d’Ivoire à normaliser leurs relations avec les partenaires inter-nationaux, à obtenir un allègement de la dette et à libérer les ressources intérieures pour les besoins de reconstruction et de réhabilitation, ainsi qu’à attirer d’autres sources de financement. Les résultats ont été très bons.

18. Le Pilier I a largement atteint les objectifs de la Stratégie concernant un appui supplémentaire visant à remédier aux lacunes en matière de réhabi-litation des infrastructures et de renforcement des capacités. Ce Pilier a contribué à accroître l’accès aux services essentiels et à soutenir la réforme de la

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département de l’évaluation des opérations mars 2012 9

gestion financière ; dans ce cas, le gros volume des financements a été un facteur contributif. Par rap-port aux mesures types de la Banque (telles qu’elles figurent dans le RAPP), les performances des projets du Pilier I dans les États fragiles ont généralement été inférieures à la moyenne, malgré les améliorations en cours en 201023. Cela reflète les difficultés de mise en œuvre prévisibles dans les États fragiles, surtout après une période de suspension des opérations.

19. Le Pilier III n’a pas atteint les objectifs présentés dans la Stratégie, malgré les mesures de correction de la trajectoire qui ont été appliquées. Les ressources ont certes été bien utilisées dans quelques rares cas (comme la dotation des ministères des Finances en capacités techniques), mais le pilier n’est pas encore sur une orientation claire et efficace pour produire les résultats escomptés : « une assistance technique qui comble les lacunes en termes de délais de ciblage des opérations régulières  ; des dons de montants modestes à des entités non souveraines pour combler les lacunes de service critiques dans les États en situa-tion de fragilité pour la prestation de services ; l’appui au renforcement des connaissances et au dialogue ». Comme pour les autres composantes de la Stratégie, il n’y a aucune preuve que ce Pilier soit utilisé pour apporter une contribution cohérente de la Banque à des approches intégrées de consolidation de la paix. Suite aux nouvelles directives émises en 2010, un tra-vail est en cours pour élaborer une réserve de projets plus précise afin d’améliorer l’utilisation, bien qu’il soit trop tôt pour évaluer les résultats des nouvelles directives.

2. Efficienced. Dans quelle mesure les ressources organi-sationnelles et les procédures internes de la BAD ont été efficacement déployées pour soutenir ses contributions dans les États fragiles ?

20. L’efficience connaît des difficultés spéciales dans les États fragiles qui ont généralement des capacités

limitées, des systèmes dégradés et une faible gouver-nance. La revue de portefeuille et une revue interne réalisées en 2011 par rapport aux indicateurs de per-formance types de la BAD ont relevé une améliora-tion des résultats au fil du temps comparativement aux États Africains non fragiles. On peut citer à tire d’exemples : des taux plus élevés d’achèvement des projets depuis 2004 dans les États fragiles en com-paraison des États non fragiles comparables ; des taux inférieurs d’abandon de projets ; une vitesse supérieure d’approbation de projets et des projets exécutés depuis 2005 ; l’entrée en vigueur plus rapide des prêts à l’appui de réformes après leur approbation par les Conseils ; et des taux globaux de décaissement légèrement plus élevés, à l’exception du Pilier II de la FEF24. Vu le besoin de célérité et de flexibilité dans l’appui aux États fragiles, ce progrès est encourageant.

21. Les études de cas par pays mettent en évidence une série d’obstacles à l’efficience du côté tant des pays que de la Banque. L’absence d’un bureau national de la Banque est confirmée comme étant un obstacle à la communication, l’élaboration, la mise en œuvre et la supervision efficientes des projets25. Au nombre d’autres sources d’inefficacité mentionnées dans les interviews au siège ou au niveau des pays figurent la mauvaise communication avec Tunis, la lenteur des réponses et de la prise de décisions (même avec un bureau extérieur en place), le manque de coordination des missions de la Banque et des besoins en infor-mation ; des procédures lourdes et bureaucratiques, des difficultés techniques liées au système SAP de la Banque, et la rotation du personnel. Plusieurs des obstacles identifiés du côté des pays concernent leurs

23 REPP pour 2009 (sur 31 opérations) p. 13, REPP pour 2010 sur 66 opérations p. 28.

24 Étude de la Revue du portefeuille et « Opérations du secteur public de la Banque dans les États fragiles - Leçons apprises et recommandations » (2011).

25 L’évaluation de la décentralisation réalisée en 2008 a établi que lorsqu’un rôle important est assigné aux bureaux extérieurs il en résulte des améliorations généralisées (par exemple, en matière de supervision de projets, d’assainissement de portefeuille et de concertation au plan local).

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10 évaluation de l’assistance de la Banque africaine de développement aux états fragiles

capacités limitées, surtout lorsqu’ils sortent de conflit ou se trouvent dans une situation de fragilité, pour préparer, établir un ordre de priorité, coordonner et mettre à des postes du personnel pour les demandes d’assistance et les opérations. Les difficultés de maî-trise des règles de passation des marchés et de décais-sement du Groupe de la Banque sont également citées. En réponse à ce problème, des mesures sont en cours pour décentraliser l’expertise en matière de passation des marchés.

22. Les études de cas attestent que l’efficacité, la vitesse et la flexibilité des procédures de la Banque ont été meilleures dans des cas urgents et bien en vue comme la Côte d’Ivoire, qui a bénéficié de l’apure-ment des arriérés et d’un train de mesures de suivi. Un débat est en cours au sein de la Banque concer-nant la charge de travail supplémentaire imposée par l’application des processus et des modalités d’établissement de rapports parallèles du FAD et du Pilier I. Mais il n’y a aucun doute que sa formule complémentaire généreuse, les dispositions spéciales pour des paiements d’avance et l’appui budgétaire, et sa capacité à s’appuyer sur un financement supplé-mentaire important sur la base d’une programmation existante en ont fait un mécanisme efficace pour les transferts substantiels d’appui supplémentaire aux États fragiles éligibles.

23. Le Pilier III, bien que de loin plus petit, a été conçu pour être le plus flexible des trois piliers en matière de réponse rapide aux besoins urgents de capacités des États fragiles. On a des raisons de penser que dans certains cas précis, il a atteint ces objectifs26, mais en général, les objectifs n’ont pas été entièrement atteints en raison de budgets fluctuants, des difficultés de définition et de vulgarisation d’une stratégie claire, des résultats attendus, des responsabilités gérables, d’un système adéquat de conservation de données et de production de rapports27, ainsi que de dispositions appropriées de prise de décisions et de gestion. Les incertitudes, les budgets fluctuants, les orientations

et les exigences, ainsi que la mauvaise communica-tion autour du Pilier III ont affecté la rapidité et la flexibilité des réponses attendues de ce guichet.

24. L’évaluation n’a relevé aucune preuve explicite de la mise en œuvre des dispositions de la Stratégie relatives à des « initiatives supplémentaires en vue de l’amélioration des résultats et de la performance dans le contexte des États fragiles »  : des procé-dures spécifiques de réponse rapide pour accélérer les activités de décaissement et de passation des marchés  ; et des critères et le suivi de toutes les activités de passation des marchés et de décaisse-ment dans les pays bénéficiaires afin d’éviter des retards inutiles.

3. Efficacité organisationnellee. Dans quelle mesure les structures, le person-nel et les procédures de la BAD ont été efficaces pour soutenir ses contributions dans les États fragiles ?

25. La Stratégie en faveur des États fragiles de 2008 comprenait les premières dispositions organisation-nelles pour soutenir les opérations de la BAD dans les États fragiles. Elle envisage une approche à l’échelle de la Banque, les opérations dans ces pays étant menées dans les structures normales de l’institu-

26 Les exemples sont, entre autres : les vastes programmes de renforcement des capacités utilisant des procédures plus rapides que les procédures normales de la Banque ; efforts d’intégration des plans de développement dans les pays derrière lesquels les bailleurs de fonds peuvent s’aligner ; et de bons exemples de renforcement des capacités de gestion des finances publiques sont cités aux Comores, au Sud Soudan et au Libéria. Les autres exemples cités sont notamment, en Sierra Leone, un projet d’élimination des « enseignants fantômes », comme prélude à l’appui budgétaire dans le secteur de l’éducation. En RDC, les experts en gestion de la dette ont été rapidement recrutés sur le marché, ce qui a permis d’éviter un délai de 3 à 4 ans pour la mise en œuvre complète du programme. Détaillé au chapitre 2 de l’étude du Siège pour l’Évaluation.

27 Les dossiers financiers, y compris sur les décaissements, sont vraisemblablement rendus disponibles pour l’audit chaque année, mais le programme d’information normalement exigé pour des besoins de gestion n’était pas disponible pendant l’évaluation.

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département de l’évaluation des opérations mars 2012 11

tion, avec une Unité des États fragiles (FSU) jouant un rôle de facilitation28.

26. Le rôle de l’Unité des États fragiles. Les respon-sabilités de « facilitation » et de « coordination » assignées à la FSU sont de vaste portée, trop ambi-tieuses et non soutenues par des structures organi-sationnelles adéquates29. La revue n’a pas établi que l’unité est assez proche des unités opérationnelles clés et des bureaux nationaux pour construire de l’intérieur une approche de sensibilité à la fragilité, ni qu’elle est assez influente pour diriger ou catalyser de l’extérieur les structures opérationnelles appropriées. La vision de la dotation en personnel qui sous-tend la Stratégie est celle d’un petit noyau de spécialistes des situations de fragilité en tant que ressources, bien connectés aux services opérationnels de la Banque, et qui contribuent à former le personnel de toute la Banque à l’application d’une « approche fragilité » et des outils pertinents et gérables aux opérations dans ces pays et à toutes les étapes. Cette vision n’a enre-gistré qu’un progrès marginal depuis 2008, en raison du fait que les effectifs croissants des spécialistes de l’Unité des États fragiles sont très souvent détournés vers d’autres tâches, principalement vers la gestion des opérations relevant du Pilier III, et impliqués seulement de temps à autre dans les opérations clés30.

27. Système d’incitation et de responsabilisation. La structure institutionnelle de la Banque implique que les responsabilités de gestion, les ressources du savoir, la prise de décision et le suivi des performances et des leçons tirées des opérations dans les États fragiles sont dispersés dans l’ensemble de la Banque. Toute fois, le personnel non spécialisé d’autres parties de la Banque n’a pas bénéficié d’incitations ou de ressources nécessaires pour apprendre et appliquer le savoir sur la fragilité dans son travail régulier. La majeure partie des incitations et des mécanismes de responsabilité destinés au personnel de la Banque (favorisant l’engagement et l’approbation rapides du Conseil, puis un décaissement régulier31) vont

à l’encontre des approches plus analytiques et évo-lutives particulièrement nécessaires dans les États fragiles.

28. Procédures. Les procédures de la Banque en matière de gestion de l’assistance aux États fragiles, que ce soit à travers des mécanismes normaux ou spéciaux, ont été principalement évaluées en rapport avec l’utilisation des divers instruments et l’efficacité globale. L’évaluation a établi que les procédures de gestion des ressources de la FEF (à l’exception d’une ou de deux opérations en vue) ne sont généralement pas moins lourdes que les procédures régulières appli-cables aux ressources de la Banque. La riposte rapide et la capacité flexible envisagées se sont concrétisées en partie par les montants plus importants de res-sources supplémentaires fournies d’avance par le biais du Pilier I et un mécanisme plus rationnel d’apu-rement des arriérés32. À une échelle similaire mais encore non négligeable, des difficultés importantes persistent dans la conception, la mise en œuvre et la gestion du programme d’assistance technique et

28 Selon le paragraphe 8.8 de la Stratégie, la nouvelle unité sera chargée i) d’assurer la supervision administrative de la FEF ; ii) de garantir la cohérence du programme, la capacité d’intervention rapide et une boucle de rétroaction courte pour l’apprentissage ; iii) de faciliter la coordination, l’ harmonisation et l’alignement des activités de la Banque avec celles des organisations et agences internationales intervenant dans les États fragiles ; iv) de contribuer activement à la préparation et la diffusion de politiques, directives et procédures applicables aux questions opérationnelles nécessaires à la mise en œuvre rigoureuse du programme d’assistance aux États fragiles de la Banque ; v) de collaborer avec les départements régionaux et le bureau de l’économiste en chef à la préparation et la diffusion d’études économiques et sectorielles ; vi) de fournir une aide supplémentaire et consultative aux départements régionaux et sectoriels dont les activités portent sur les États fragiles ; vii) de gérer le programme de détachement de personnel ; et viii)de contribuer à la mise en œuvre du programme d’apurement des arriérés de la Banque. La Stratégie estime que la dotation en effectif de l’Unité sera modeste, consistant en trois professionnels et deux membres du personnel d’appui.

29 Voir par exemple les sections 8.7 à 8.10 de la Stratégie et la figure 4.30 Le chapitre 4 de l’étude réalisée au siège analyse de manière plus

détaillée les défis auxquels se heurte OFSU dans l’exercice de son mandat.

31 Ces mesures d’incitation reposent essentiellement sur le système KPI.32 Elles sont principalement contenues dans les règles d’origine qui

font l’objet de dérogation en matière de passation des marchés, la fourniture préalable des fonds pendant trois ans, des dispositions moins draconiennes – avec l’approbation spécifique du Conseil – pour l’utilisation de l’appui budgétaire, et davantage d’activités conjointes et l’utilisation des Fonds fiduciaires multidonateurs. En dehors de ces exceptions, toutes les procédures devraient encore être conformes aux systèmes et normes en vigueur de la Banque.

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12 évaluation de l’assistance de la Banque africaine de développement aux états fragiles

de renforcement des capacités du Pilier III33. C’est toujours le cas même après les mesures correctives prises en 2010. Les interviews ont montré que les utilisateurs finaux de ce Pilier (dans les équipes de projet et les pays) trouvent contraignant ce niveau supplémentaire de gestion.

4. Qualitéf. La qualité des réponses de la BAD aux États fragiles a-t-elle été adéquate, et s’est-elle améliorée ? Pourquoi et dans quelle mesure ?

29. La qualité de l’assistance de la Banque aux États fragiles est évaluée par rapport à plusieurs critères : l’utilisation du savoir, l’analyse et l’apprentissage ; la flexibilité et la réactivité de la programmation ; l’échelonnement et la sélection ; l’utilisation de par-tenariats ; le suivi et l’évaluation ; et l’acceptation et la gestion des risques34.

Savoir, analyse et apprentissage30. Avant 2008, la Banque disposait déjà d’une base du savoir pratique et implicite sur les défis qui se posent dans les États fragiles. La Stratégie en faveur des États fragiles était une tentative utile de rendre ce savoir plus systématique, mieux éclairé par une réflexion plus large sur le terrain, et plus facilement accessible. Conformément aux Principes pour l’en-gagement international dans les États fragiles du CAD-OCDE (figurant à l’Annexe 2) sur lesquels elle se fonde35, la Stratégie de la Banque l’engage à réaliser à une série d’activités d’analyse spécifiques afin de fournir une base solide pour la program-mation dans les États fragiles36. Cet accent mis sur l’analyse tient compte des risques et complexités spécifiques aux opérations dans les États fragiles. Par exemple, les projets d’infrastructures et même l’appui au renforcement des capacités peuvent avoir des avantages et coûts dangereusement biaisés dans les situations de fragilité où les failles de l’inégalité et de l’exclusion – sur la base de l’ethnie, du sexe ou de la région – peuvent être les causes essentielles des

conflits. Ces failles peuvent même être aggravées ou rouvertes par inadvertance par les opérations d’aide, ce qui fait que le premier principe de ces opérations consiste à « éviter de causer du tort ».

31. Les études de cas en RDC, en Guinée, en Côte d’Ivoire et au Liberia montrent que l’analyse de la Banque est solide en matière de gouvernance finan-cière et macroéconomique, mais faible sur l’ana-lyse du contexte considérée comme essentielle par la Stratégie pour une programmation éclairée dans les États fragiles. En République du Congo et aux Comores, un effort important a été fait afin d’analy-ser les questions politiques et de gouvernance, mais ce travail a été plus descriptif qu’analytique et il est devenu plus superficiel au cours des dernières années. On conclut d’une manière générale que la BAD n’a pas systématiquement procédé à une analyse approfondie de l’économie politique, de la fragilité et des conflits, des moteurs du changement, ou des problèmes d’équité, et n’a pas non plus utilisé de façon claire l’analyse entreprise par d’autres ins-titutions pour éclairer ses décisions en matière de programmation. Les questions et thèmes structurels qui déterminent ou touchent l’état de fragilité et le potentiel de développement d’un pays ont été au mieux notés, mais leurs conséquences n’ont pas été analysées.

32. C’est ainsi que la Banque n’a pas été en mesure d’accompagner ses ambitions affichées dans la Straté-gie par des efforts soutenus pour améliorer, à des fins opérationnelles, sa compréhension « des obstacles au changement, de la dynamique de gouvernement, de

33 Tel que détaillé dans les conclusions de l’étude du Siège pour l’Évaluation.

34 Ils sont proches des principaux paramètres de bonnes pratiques énoncés dans les Principes de l’engagement international dans les États fragiles et les directives internationales du CAD-OCDE en vigueur (2011), ibid.

35 Stratégie pour l’engagement renforcé dans les États fragiles, BAD 2008, p. 2.

36 L’accent particulier devait être mis sur « l’analyse des obstacles au changement, la dynamique du gouvernement, l’édification de l’État et les moteurs potentiels des réformes ». Stratégie, p. 15.

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l’édification de l’État et des moteurs potentiels des réformes », en tant que moyen d’éclairer ses propres politiques et stratégies37.

Réactivité de la programmation33. En général, dans les pays étudiés, les programmes et les investissements ont été alignés sur a) les besoins urgents ; b) les projets et demandes d’appui des gou-vernements ; et c) les orientations stratégiques de la Banque telles qu’articulées dans la Stratégie de 2008, notamment la réhabilitation et la reconstruc-tion des infrastructures de base et le renforcement des capacités. Comme c’est très souvent le cas, les plans nationaux sur lesquels la BAD s’est alignée sont des documents généraux qui n’imposent aucune contrainte aux donateurs dans leurs choix. Par consé-quent, les partenaires au développement disposent de suffisamment de marge de manœuvre pour appliquer leurs propres programmes.

34. À quelques exceptions près38, l’étude n’établit pas de preuves que les opérations de la BAD recon-naissent en pratique que les questions de « paix, de sécurité et de développement économique et social sont liées »39, ou situent l’appui de la Banque dans une approche intégrée d’édification de l’État et de consolidation de la paix, comme le promet la Stra-tégie. Les programmes de la Banque mettent princi-palement l’accent sur les capacités de l’État à remplir ses missions principales dans les domaines comme la réforme de la gestion des finances publiques. Ce constat n’implique pas que les priorités de la Banque dans ces pays sortent du cadre de l’édification de l’État. Plusieurs investissements dans la prestation des services, les secteurs productifs et la gouvernance macroéconomique et budgétaire y contribuent en effet, mais les bonnes pratiques montrent que le fait de reconnaître directement les processus politiques qui sous-tendent l’édification de l’État dans une situa-tion de fragilité donnée peut améliorer l’élaboration des stratégies et la programmation. Reconnaître ces processus est par conséquent plus susceptible de

produire des résultats durables tout en minimisant les risques et en évitant de causer du tort.

Échelonnement des activités et choix de la programmation35. La Stratégie en faveur des États fragiles de 2008 visait un programme de réformes coordonné et global dans les États fragiles, organisé en fonction des grandes priorités, avec une division claire du travail entre bailleurs de fonds40. L’orientation actuelle réaffirme l’importance d’une hiérarchisation et d’un échelonnement des activités fondées sur un ensemble clair de priorités prévisibles, éclairées par une analyse contextuelle et une justification claire des choix41.

36. L’évaluation constate des progrès généralement insuffisants dans la hiérarchisation et l’échelonne-ment des activités, de la part des États fragiles eux-mêmes, de leurs bailleurs de fonds pris collectivement, et de la Banque dans ses opérations. Dans la plupart des pays, l’approche de la BAD n’a pas été fondée sur un ensemble bien défini de priorités, éclairées par une analyse et des choix stratégiques clairs. Les stratégies nationales n’apportent pas d’orientation sous la forme d’objectifs partagés reflétant les priorités en matière d’édification de l’État. La flexibilité dans la volonté de redéfinir les stratégies et hiérarchiser les activités sur la base d’une évolution du contexte est soit ponctuelle (RDC) soit seulement très récente (Guinée). Parfois, des changements importants n’ont pas été fondés sur l’évaluation stratégique du contexte42. La cohérence

37 L’objectif que s’est fixé la Stratégie consistant à concevoir des outils d’alerte rapide sur les sources de la fragilité s’est avéré encore plus excessivement ambitieux.

38 Parmi les exemples figurent le travail d’appui au désarmement, à la démobilisation et la réintégration des ex-combattants au Congo et en RDC, et un soutien minimal du dialogue de consolidation de la paix au Libéria.

39 Voir p.4 de la Stratégie en faveur des États fragiles. 40 Ibid., p. 1641 « Échelonner et hiérarchiser les réformes – décider du type et de la

portée des changements que les sociétés devront opérer en premier lieu, ceux qui seront effectués plus tard, et les calendriers de réalisation des changements » (Rapport sur le développement dans le monde, 2011) ; voir aussi OCDE (2011)

42 Par exemple, dans le projet de changement des priorités aux Comores pour passer de l’eau et de l’assainissement à l’énergie, après seulement deux ans d’engagement dans le précédent programme.

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14 évaluation de l’assistance de la Banque africaine de développement aux états fragiles

de l’approche fait également défaut, et se traduit par une dilution des objectifs clairs et l’absence d’une hiérarchisation précise.

Travail en partenariat37. La Stratégie de 2008 met l’accent sur les engage-ments de la BAD de travailler en étroite collabora-tion avec les autres partenaires sur des programmes globaux de réforme, avec des stratégies et des pro-grammes conjoints, des approches harmonisées, une division du travail, et des outils communs43. Vu l’im-portance des besoins et les limites des contributions potentielles de chacun des acteurs, il est indispensable d’œuvrer activement de concert.

38. La coordination entre les bailleurs de fonds dans la plupart des états fragiles est un phénomène récent, et la majorité des partenaires au développement ont des difficultés à assurer cette coordination. Il existe quelques bons exemples de rôles joués par la BAD dans le renforcement des partenariats44, par exemple en tant que contributeur actif aux efforts de coordination en matière de gouvernance macro-économique, d’appui budgétaire et de statistiques. Toutefois, cela n’a abouti que de manière ponctuelle à une analyse et une coordination conjointes et une certaine division du travail, surtout avec la Banque mondiale. Dans les pays qui n’ont pas un bureau extérieur de la BAD, les partenariats sont limités, ce qui réduit le rôle de la Banque aux plans straté-gique et tactique/opérationnel. Dans les autres pays, il est établi que la BAD ne consacre pas nécessai-rement beaucoup d’efforts à la coordination avec d’autres partenaires étatiques et non étatiques, ou les partenaires internationaux dans les États fragiles au niveau stratégique : dans la plupart des cas la coordination a lieu au niveau du projet ou du sec-teur. Une nouvelle initiative conjointe en matière de création d’emplois dans les États fragiles menée par la Banque avec cinq autres organisations inter-nationales45 représente une évolution encourageante dans un domaine crucial des besoins.

Suivi et évaluation39. La Stratégie de la BAD en faveur des États fragiles et les bonnes pratiques internationales reconnaissent que le contexte mouvant et volatile des situations de fragilité nécessite un suivi et une évaluation plus régulière et plus flexible46. Ce besoin spécial inclut à la fois le suivi des résultats, et la revue – ou l’utilisation des données de suivi disponibles – de l’environne-ment externe, par exemple, les progrès en matière de consolidation de la paix et d’édification de l’État et l’évolution des rôles des acteurs internationaux.

40. À quelques exceptions positives près (par exemple, Comores, Congo), le suivi et l’évaluation par la BAD de sa programmation dans les États fragiles n’utilisent que les mécanismes normaux de gestion de la performance de l’institution. Ces systèmes ont des lacunes connues : ils sont rigides par nature et largement axés sur les ressources et les dépenses (exemple, taux de décaissement et d’achèvement des projets) au niveau des projets et des programmes uniquement, plutôt que sur les résultats et les effets.

41. La présente évaluation n’a pas mis en évidence beaucoup de faits qui prouvent que le suivi ou l’éva-luation des résultats a influencé la programmation ou les opérations de la BAD dans les États fra-giles. Les consultations autour des Documents de Stratégie-Pays ne semblent pas produire des leçons utilisables sur les défis particuliers que posent les opérations dans ces pays. « Les leçons retenues »

43 Voir de nombreuses références dans la Stratégie p.17. Cet accent est conforme aux leçons des bonnes pratiques internationales.

44 Exemple, le Document d’approche commune de 2010 avec la Banque mondiale sur la fourniture de l’appui budgétaire dans les situations de fragilité ; participation au Dialogue international sur la consolidation de la paix et l’édification de l’État ; bonne coordination autour de grandes initiatives comme l’apurement des arriérés et l’allègement de la dette, et un travail stratégique conjoint et des dispositions de division du travail comme au Libéria et en Côte d’Ivoire.

45 Banque mondiale, OIT, PBSO, PNUD et CEA. 46 Stratégie, p. 19, voir aussi CAD-OCDE 2011: Appui à l’édification de l’État.

Selon les bonnes pratiques reconnues dans les situations de fragilité, la gestion de l’information doit être plus immédiatement intégrée aux procédures de planification et de programmation.

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concernent principalement la mise en œuvre et ne sont pas toujours partagées avec les autres parties et/ou suivies par la BAD et les autorités nationales. Il existe quelques rares exemples de rétroaction et d’apprentissage systématiques de l’expérience de la BAD dans les États fragiles jusqu’au niveau des régions et du Siège bien que la nécessité d’in-tégrer les processus d’apprentissage dans les pro-cessus d’élaboration de la stratégie nationale soit en principe reconnue. Au contraire, les boucles de rétroaction dépendent en grande partie des intérêts de chaque membre du personnel et de ses propres réseaux informels. Les approches plus intégrées ou latérales ou des liens avec la stratégie et la program-mation sont peu développés et rien n’indique que le suivi est assuré sur la base du cadre de résultats de la Stratégie en faveur des États fragiles. Il semble qu’on utilise peu ou pas du tout les données dis-ponibles sur l’environnement externe qui est lié à l’édification de l’État et la consolidation de la paix en cours.

Acceptation et gestion des risques42. Les quatre principaux risques de la coopération au développement – fiduciaire, de performances/mise en œuvre, stratégique et politique/de réputation – ont tendance à être plus élevés lorsque l’on travaille dans les États fragiles où les capacités peuvent être limitées, la légitimité de l’État contestée, et les accords politiques encore en cours de négociation. La BAD, en tant qu’institution financière internationale, est sensible à tous les types de risques, mais surtout au risque fiduciaire.

43. La Stratégie en faveur des États fragiles com-prenait un exposé des risques auxquels la Straté-gie elle-même est exposée47, mais elle accordait peu d’attention à l’analyse et la gestion des risques des programmes exécutés dans les États fragiles. La documentation au niveau des pays fait mention des risques de reprise des conflits mais sans les détails complémentaires ou les implications de ces risques

pour la programmation. L’analyse des risques fait partie des programmes, mais elle se limite à l’analyse au niveau micro/méso des risques fiduciaires et de performance/mise en œuvre, et l’analyse au niveau macro des risques politiques et de réputation. On n’a pas procédé systématiquement à une analyse plus large et approfondie des risques, par exemple les risques potentiels importants aux plans des politiques et du développement qui sont hors de portée de la BAD mais qui présentent néanmoins des risques liés à la planification et aux opérations. La plupart des mesures d’atténuation proposées sont au mieux superficielles48.

44. En revanche, la BAD manifeste la volonté d’accepter les risques liés à ses opérations dans les États fragiles à travers son engagement rapide après les conflits et l’expansion progressive des porte-feuilles. Parfois, la Banque s’est montrée disposée à prendre des risques assez élevés aux niveaux stra-tégique/politique et fiduciaire, comme l’atteste son utilisation de l’appui budgétaire. Toutefois, au niveau de la mise en œuvre, les processus et procédures institutionnels, découlant de l’aversion de la BAD pour les risques en tant qu’institution financière internationale, ont souvent freiné les opérations sur le terrain, entraînant des retards de mise en œuvre avec parfois, comme l’attestent les cas du Libéria et de la Guinée, des effets négatifs sur les relations avec les partenaires.

Présence de la BAD45. La BAD est engagée dans un processus de décen-tralisation. Trois des pays étudiés pour les besoins de cette évaluation ont des bureaux extérieurs (RDC, Côte d’Ivoire et Libéria, bien que les deux derniers soient récents). Les programmes dans d’autres pays (Congo, Guinée et Comores), sont gérés à distance.

47 Examinée dans l’étude du siège pour l’Évaluation.48 La Côte d’Ivoire fait exception. Ici, la BAD a procédé dans la récente

phase d’appui à une revue générale des risques et analysé les mesures d’atténuation multiformes.

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16 évaluation de l’assistance de la Banque africaine de développement aux états fragiles

L’absence ou le retrait des bureaux extérieurs dans les trois pays ci-dessus a représenté une grave contrainte, affectant les relations avec les partenaires et les opérations sur le terrain49. Il n’existe pas de corrélation claire entre la taille du portefeuille et la présence de la Banque dans le pays, mais les pays qui ne disposent pas de bureau extérieur, et où les opé-rations ont enregistré de mauvaises performances, ont clairement demandé une présence accrue dans le pays à travers des visites de suivi, comme moyen d’atténuation. Les pays où des bureaux extérieurs ont été créés récemment, comme au Libéria et en Côte d’Ivoire, suscitent plus d’opportunité pour une programmation éclairée mais doivent bénéfi-cier d’une délégation accrue de pouvoirs, comme le prévoit la feuille de route de la Banque pour la décentralisation. Ce qui est particulièrement vrai pour la passation des marchés, en tant que moyen d’amélioration de l’efficience de l’organisation elle-même. Enfin, il convient de noter qu’il n’y a aucune preuve que la Banque a élaboré des approches spéci-fiques pour gérer les défis qui se posent en matière de ressources humaines dans les États fragiles, y compris les connaissances spécialisées requises et les conditions de travail et de vie difficiles.

5. Résultats g. Quels sont les résultats obtenus dans les domaines de la reprise et de la reconstruction pendant les périodes pertinentes, et quelles sont les chances qu’ils soient durables? Quelles contri-butions à ces résultats peuvent être liées de manière plausible à l’assistance de la Banque en particulier ?

46. Cette section évalue les contributions de la BAD aux résultats dans les six États étudiés. Elle identifie la valeur ajoutée par la Banque et les opportunités de contribution qu’elle a pu rater. Pour diverses raisons, il est très difficile d’attribuer les résultats au niveau de l’impact à l’aide aux États fragiles50. Toutefois, notre étude a identifié un certain nombre de résul-tats intérimaires communs (niveau des résultats

escomptés) dans les États fragiles auxquels la Banque a contribué51. Ils se produisent dans tous les six pays, à l’exception des Comores, pour lesquels les données ne sont pas disponibles.

49 L’Évaluation de la décentralisation de 2008 a établi que le manque d’un bureau extérieur au Libéria (utilisée comme cas de figure opposé dans l’évaluation) avait eu les effets suivants : i) compréhension par les parties prenantes de la Banque – de la manière dont elle fonctionne, de ses objectifs, de ses principales motivations ; ii) communication déficiente et certains malentendus avec la Banque ; iii) présence limitée – pas de visibilité, pouvoir mobilisateur limité ; iv) les parties prenantes ayant du mal à entretenir les relations avec la BAD par l’intermédiaire du bureau extérieur de Sierra Leone en raison du manque de réactivité/retards ; v) absence de responsabilité partagée lorsque la Banque cède son pouvoir de décision à des bailleurs de fonds dans le pays.

50 Premièrement, les systèmes statistiques sont probablement faibles ou inexistants. Deuxièmement, le flux d’aide peut être récent, comme dans plusieurs cas ici. Troisièmement, le prolongement du processus de stabilisation et de reconstruction implique que l’amélioration des résultats de développement attendus peut nécessiter du temps pour prendre effet. Enfin, une très forte proportion des ressources de reconstruction et de prestations de services est généralement financée de l’extérieur.

51 Application de l’analyse de la contribution comme dans Mayne, J (2001) et telle qu’utilisée récemment dans plusieurs autres études internationales, notamment l’Évaluation de la Déclaration de Paris, Appui budgétaire sectoriel et général.

52 Des informations plus détaillées sur les résultats tangibles figurent dans les rapports sur les études de cas.

47. Les aspects ci-après de la valeur ajoutée de la BAD ont été identifiés au niveau des procédures52:

• Un rôle de premier plan dans l’assistance aux pays pour la normalisation de leurs relations internationales et l’obtention d’un allègement de la dette/accès aux autres sources de financement (tous les pays) ;

• Les efforts de renforcement de la confiance au gouvernement et de sa légitimité, par exemple, à travers les ministères clés et l’utilisation de l’appui budgétaire sans les conditions politiques classiques (Guinée, Libéria) ;

• Un rôle prépondérant dans la réforme de la ges-tion des finances publiques et le développement des infrastructures/accès aux services essentiels (tous les pays, le cas échéant) ;

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Résultat escompté Contribution précise Niveau de contribution

Relations normalisées avec les insti-tutions internationales, les bailleurs de fonds et les investisseurs, débouchant sur un meilleur accès à d’autres ressources de développe-ment et à l’allègement de la dette

Apurement des arriérés (sauf la Guinée) ; Initiative PPTE et autre allègement de la dette (sauf les Comores) ; mobilisa-tion de ressources additionnelles (tous les pays)

Contribution importante

Stabilisation macroéconomique, gestion et contrôle budgétaires améliorés

Progrès dans la gestion des finances publiques, notam-ment : amélioration des capacités de planification fiscale et de gestion de la dette (tous) ; coordination et suivi renforcés des réformes économiques et financières (Guinée, Libéria, Côte d’Ivoire) ; amélioration de la planification budgétaire, des procédures de contrôle et d’exécution (tous) ; amélio-ration des procédures d’audit (Libéria, Guinée, Congo) ; amélioration de la politique fiscale et des procédures de l’administration fiscale (Congo, Libéria) ; amélioration de la transparence et de la responsabilité dans la dépense publique (Congo, Libéria)

Contribution importante (tous les pays)

Accès amélioré aux infrastructures clés et aux services essentiels

Amélioration des infrastructures physiques par la construction de routes nationales et de pistes rurales, et des ponts (Libéria, RDC, Guinée) ; amélioration de l’accès à l’enseignement primaire et secondaire (Côte d’Ivoire, Guinée) ; accès à l’électricité (Côte d’Ivoire, Guinée, RDC) ; accès à l’eau et aux installations d’assainissement (Libéria, Guinée, RDC)

Une certaine contribution (généralement entravée par les retards de décaissement et de mise en œuvre)

Réintégration/inclusion sociale et économique

Création d’emplois, surtout pour les ex-combattants (RDC, Congo, Libéria)

Une certaine contribution

Amélioration de la production, surtout en zones rurales

Améliorations des activités rurales à travers les progrès du secteur agricole (Guinée, Libéria) ; meilleur accès au micro-crédit (Libéria, RDC) ; réduction des taxes/tarifs douaniers sur les intrants agricoles (Libéria) ; appui au développe-ment du secteur privé (RDC, Congo)

Une certaine contribution

Amélioration de la gouvernance et de la transparence suite à l’améliora-tion des notes d’EPIP

Améliorations spécifiques de la transparence et de la responsabilité (Congo, Libéria) ; amélioration de la gouvernance de secteurs spécifiques (secteurs des indus-tries extractives et de la forêt (Guinée) ; secteur pétrolier (Congo))

Contribution limitée

Amélioration des capacités statistiques

Amélioration de la capacité de suivi du développement et de la base statistique (Libéria, Congo, Côte d’Ivoire)

Contribution limitée

• Preuves d’une approche échelonnée/hiérarchisée en fonction de l’évolution du contexte (tous les pays) ;

• Accélération de la prise de décisions, si possible, par exemple l’appui budgétaire en Guinée et l’apurement des arriérés et l’appui au suivi en Côte d’Ivoire.

48. Dans les limites des domaines prioritaires de la Banque, il existe un certain nombre d’opportunités manquées de contribution de la BAD aux processus de reconstruction et d’édification de l’État :

• Réforme du secteur public pour soutenir le processus de reconstruction : par exemple, la rationalisation et la simplification, la gestion renforcée des ressources humaines et le déve-loppement des compétences locales ;

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18 évaluation de l’assistance de la Banque africaine de développement aux états fragiles

• Développement des institutions et des capaci-tés des acteurs non étatiques dans le processus d’édification de l’État et de consolidation de la paix, y compris la société civile et le secteur privé

• Règlement des problèmes d’inégalité et d’ex-clusion, notamment celles qui sont liées au genre, à la région et à l’ethnie, qui n’ont pas été systématiquement abordées dans le cadre de la programmation sectorielle ou du pays et dont l’omission pose des risques si l’inégalité a été une cause du conflit.

• Un rôle explicite dans les réformes institution-nelles et de la gouvernance pour soutenir les pro-cessus de réconciliation nationale et de recons-truction, l’État de droit et le secteur judiciaire, les mécanismes de supervision et de responsabilité comme le parlement.

• Un appui généralement limité aux politiques de développement des compétences/stratégies nationales, et peu d’attention à l’amélioration du mécanisme de coordination de l’aide.

49. Ces opportunités ont été manquées pour un certain nombre de raisons, notamment :

• l’interprétation souvent trop prudente par la BAD du caractère apolitique de sa « mission », ce qui entraîne une analyse insuffisante du contexte politique53;

• une interprétation étroite de l’accent mis par la Banque sur les infrastructures et la réforme de la gestion des finances publiques ;

• l’accent placé sur l’appui au niveau ministériel ou sectoriel au lieu du contexte national ;

• un système de performances fondé surtout sur les décaissements (ressources et dépenses) plutôt

que sur les résultats (produits, résultats escomp-tés, impact) ;

• une structure centralisée, avec des ressources et des responsabilités limitées déléguées au niveau du pays ;

• le fait d’appliquer principalement les systèmes usuels de la Banque pour la gestion dans les États fragiles, sans procéder à la plupart des ajustements annoncés dans la Stratégie de 2008 ;

• le peu d’attention et d’effort consacrés au travail en partenariat, afin de tirer parti des contri-butions directes de la Banque et d’appuyer la consolidation de la paix et l’édification de l’État de manière générale.

50. Pour l’avenir, la programmation de la Banque dans les États fragiles nécessitera une vision plus claire de la contribution que ses opérations appor-teront à l’édification de l’État et le cas échéant à la consolidation de la paix, de la manière avec laquelle ces efforts seront complémentaires avec ceux des autres partenaires au développement, à la fois pour réduire les risques et maximiser sa contribution aux résultats.

6. Conclusions et recommandations

Conclusions51. Pendant la décennie écoulée, la Banque a déve-loppé une approche plus explicite et systématique concernant les États fragiles, par l’adoption des Direc-tives d’assistance aux pays sortant de conflit (2001),

53 Le fait de ne réaliser qu’une analyse non économique très limitée pour se préparer et faire face aux risques politiques augmente en fait les risques au plan des résultats, des stratégies et de la réputation de la Banque dans les États fragiles. En revanche, dans des cas comme ceux du Soudan du Sud et du Zimbabwe la Banque a fait montre d’atouts inhérents lorsqu’elle est bien préparée pour intervenir sur terrain hautement politique.

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la création de la Facilité en faveur des pays sortant de conflit (2004) et l’adoption de la Stratégie pour l’engagement renforcé dans les États fragiles (2008). Elle a mis en place des critères d’éligibilité transpa-rents pour déterminer les États fragiles et structurer l’accès aux ressources supplémentaires limitées. Les critères ont été appliqués de manière transparente et cohérente, mais la pratique a montré qu’ils ne tien-nent pas compte des diverses situations de fragilité (par exemple, la condition relative à l’existence d’un accord de paix et de réconciliation vise plutôt les pays sortant de conflit que les situations de fragilité) et ne donnent pas suffisamment de latitude pour intervenir dans des circonstances en évolution rapide.

52. L’existence de la Facilité en faveur des États fra-giles et de celle qui l’a précédée, à savoir la Facilité en faveur des pays sortant de conflit, a augmenté les financements disponibles pour soutenir les États fragiles en vue de l’apurement des arriérés. Les allo-cations en volume ont généralement été pertinentes et adaptées à l’évolution de la capacité d’absorption et de gestion financière du pays concerné. Les contri-butions les plus utiles de la Banque ont été apportées dans les cas où elle a été en mesure de répondre aux besoins inattendus des pays (par exemple, en Guinée et en Côte d’Ivoire). La Banque a été moins utile lorsqu’elle a tenté d’appliquer une approche « d’allo-cation-pays » consistant à affecter d’abord des blocs de ressources additionnelles, et à en programmer ensuite l’utilisation.

53. Les instruments et les modalités de la BAD ont été en mesure de répondre à une vaste gamme de besoins et de capacités des pays. Ses contributions ont joué un rôle catalyseur en matière d’apurement des arriérés ; elles ont atteint un niveau substantiel dans le cadre de la reconstruction des infrastructures de base et des réformes de la gestion des finances publiques, mais elles ont été limitées dans le domaine du renforcement des capacités, des processus de reconstruction et de réconciliation et de l’édification de l’État.

54. Les contributions stratégiques de la Banque sont loin d’être à la hauteur de la vision de l’engagement de toute la Banque promise dans la Stratégie de 2008, notamment l’adhésion aux normes de bonnes pra-tiques internationales en évolution. En particulier, les interventions de la Banque n’ont pas été soutenues par une analyse systématique du contexte politique et des causes du conflit et de la fragilité, comme l’avait envisagé la Stratégie de 2008, ce qui s’est traduit par une approche progressive plutôt que stratégique au niveau des pays et une élaboration de programmes et de projets qui ne tenait pas dûment compte du contexte spécifique des États fragiles. Compte tenu du fait que les situations de fragilité nécessitent des actions plus rapides et plus souples, les résultats au plan de l’efficience globale sont contrastés, en particu-lier du fait des difficultés au niveau de la passation des marchés. Les partenariats de la Banque avec d’autres parties prenantes interviennent essentiellement au niveau des projets plutôt qu’au niveau stratégique.

55. L’ambitieuse Stratégie de 2008 n’a pas été suivie de réformes organisationnelles et des allocations de ressources nécessaires. Il ne s’agit pas simplement de laisser plus de temps à la Stratégie pour prendre pied, il existe des preuves irréfutables de la nécessité d’un changement d’orientation. Cela inclut des réformes de haut niveau pour fixer des objectifs plus concrets et réalistes, et procéder à des améliorations concrètes, étape par étape, basées sur les bonnes pratiques inter-nationales. Une feuille de route des réformes serait un outil essentiel dans ce processus.

Recommandations1. La Banque doivent approuver une approche programmatique plus large pour intervenir dans des « situations de fragilité et en voie de stabilisa-tion » où les fonctions essentielles et la résilience de l’État, de la société et/ou de l’économie sont dégradées ou très vulnérables aux chocs, ou si la reprise suite à de graves chocs est encore en cours. Une telle approche répondrait mieux aux besoins des

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catégories d’« États fragiles » qui ne sont pas suffi-samment pris en compte dans la Stratégie de 2008, et aux PMR et régions qui sont en cours de stabili-sation à la suite d’un conflit et/ou d’un changement politique fondamental. Cela donnerait également une dimension prévention importante à son action54. Pour une certaine élaboration d’éventuels critères et définitions, voir l’Annexe 1. Des approches renforcées basées sur le mérite et la pratique optimale du par-tenariat comme il a été suggéré plus haut pourraient servir de base permettant à la BAD d’attirer un sou-tien supplémentaire à ses activités dans les situations de fragilité, par exemple auprès des bailleurs de fonds non traditionnels.

1.1 Au lieu d’allouer des fonds aux pays sur la base de formules au titre de l’appui supplémentaire de la même manière que les allocations de base du FAD fondées sur la performance, la Banque doit fixer un petit nombre d’objectifs et de critères essentiels pour son assistance et ensuite allouer les ressources supplémentaires disponibles de la BAD, du FAD et d’autres sources de manière réactive (comme dans le cas de l’apurement des arriérés), à travers une approche glissante basée sur le mérite.

1.2 Les objectifs et les critères doivent être dictés par des évaluations plus approfondies des besoins dans les différentes situations de fragilité ou en voie de stabilisation, et par les points forts confirmés de la BAD dans les domaines pertinents.

1.3 Ce financement réactif ne doit pas être soumis à des délais types de désengagement, mais être dis-ponible pour les projets à plus court ou à plus long termes. Il doit être alloué à travers des évaluations plus fréquentes (peut-être trimestrielles) du contexte et de la solidité des propositions venant des pays et des équipes.

1.4 Compte tenu des enjeux élevés et des jugements difficiles qu’elle implique, ces décisions d’allocation

devront être prises à un niveau élevé avec une contri-bution du personnel spécialisé.

1.5 Les objectifs élémentaires ciblés par les trois piliers actuels pourraient être maintenus, à savoir le renforcement des opérations régulières, l’appui à l’apurement des arriérés et la création d’un guichet hautement flexible d’assistance technique et de projets de renforcement des capacités dans les situations de fragilité et en voie de stabilisation (y compris parfois, des besoins urgents immédiats).

2. Rationaliser et redéfinir les responsabilités au sein des structures de la Banque afin de permettre une réponse institutionnelle efficace aux questions de fragilité.

2.1 Les bureaux extérieurs et les départements régio-naux et sectoriels de la Banque doivent avoir un niveau approprié de responsabilité (et des ressources suffisantes) pour la planification et l’exécution des programmes dans les situations de fragilité et en voie de stabilisation (y compris le renforcement des capacités et l’assistance technique), pour la réalisation des travaux d’analyse et l’application des orientations stratégiques pour ces activités nécessaires. Il faudrait procéder à une revue des mécanismes de responsabi-lisation et d’incitation des départements régionaux et sectoriels afin d’encourager davantage de travaux d’analyse et d’approches évolutives nécessaires dans les États fragiles.

2.2 L’unité des Etats fragiles ne doit plus être respon-sable de la gestion directe des activités d’assistance technique et de renforcement des capacités au titre du Pilier III, ainsi que des fonctions vagues et irréalistes

54 Pour une certaine élaboration d’éventuels critères et définitions, voir l’Annexe 1, « Situations de fragilité et en voie de stabilisation : vers d’autres définitions et critères envisageables pour un appui supplémentaire. La Banque mondiale recherche en même temps une approche plus large et plus flexible. Voir « Intégrer les thèmes du Rapport sur le développement dans le monde 2011 : conflits, sécurité et développement », Banque mondiale, avril 2011.

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de « coordination » et de « facilitation » qui lui avaient été assignées en 2008. L’Unité doit être réformée pour devenir une ressource spécialisée de savoir et jouer un rôle dans l’allocation des ressources afin de conserver ses liens opérationnels et son influence par une « prise en compte systématique » et effective du savoir. Elle doit intégrer les orientations internatio-nales les plus récentes axées sur la pratique55 (voir Annexe 2) et l’expérience propre de la Banque afin de produire rapidement des orientations pratiques et des outils opérationnels adaptés aux besoins et capacités actuels de la BAD. Cela doit inclure des directives pour les évaluations tenant compte de la fragilité à intégrer dans les Documents de stra-tégie-pays – principal outil directif de la Banque – et le recours au suivi (y compris la surveillance de l’environnement externe) dans chaque proposition de programme dans les situations de fragilité et en voie de stabilisation. L’Unité devrait également être chargée de la formation systématique du personnel de la BAD concerné afin de le préparer à appliquer les connaissances pertinentes.

3. La Banque doit déterminer le complexe qui a le plus de chances de jouer le rôle de chef de file dans la mise en œuvre des changements institu-tionnels nécessaires pour permettre à l’ensemble de la Banque de donner suite aux engagements valables de sa Stratégie de 2008 et aux révisions qui sont à présent nécessaires ainsi que d’assurer la coordination permanente requise. L’Unité des États fragiles doit être logée dans un tel complexe.

4. Avec des responsabilités couvrant tout le conti-nent africain et la nécessité d’assumer un rôle stra-tégique utile dans tous les pays et régions d’Afrique en situation de fragilité et en voie de stabilisation, la BAD doit appliquer et promouvoir des efforts internationaux mieux concertés, harmonisés et coordonnés. Elle jouit d’un potentiel unique pour devenir un champion efficace du partenariat, de l’échange pratique des données d’expérience enraciné

55 Cette bonne pratique internationale qui a été élaborée directement à partir des Principes pour les États fragiles avec la pleine participation des États fragiles eux-mêmes, est à présent disponible sous une forme facilement adaptable, brève, et faisant autorité dans « Un New deal pour un engagement international dans les États fragiles », les résultats de 2011 du Dialogue international sur la consolidation de la paix et l’édification de l’État, et les Lignes d’action du CAD-OCDE, 2011, sur l’« Appui à l’édification de l’État dans les situations de conflit et de fragilité », surtout le Chapitre 5 sur l’« Amélioration des opérations des partenaires au développement ».

dans les conditions africaines, et de la réponse aux conditions de fragilité par-delà les frontières.

4.1 La Banque doit consacrer davantage d’efforts aux mécanismes actuels de coordination entre les bailleurs de fonds, en particulier au niveau straté-gique, et contribuer activement à les consolider dans d’autres domaines ; faire avancer le processus de décentralisation au profit des États fragiles et doter les bureaux extérieurs de responsabilités, de pouvoir de décision et de ressources.

5. La Banque doit élaborer un plan opérationnel pour les réformes transversales requises par la Stratégie de 2008, qui incluent de meilleurs parte-nariats extérieurs, un travail d’analyse plus robuste, la formation et des mesures d’incitation appropriées du personnel à travailler dans les États fragiles.

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Annexe 1 : Situations de fragilité et en voie de stabilisation : vers d’autres définitions et critères envisageables pour un appui supplémentaire.

caractérisée, l’instabilité politique ou un changement de système politique ; la militarisation ; de profondes divisions et inégalités ethniques ou sociales ; une forte détérioration de la situation économique et de l’emploi ; la pression démographique ; de très faibles niveaux de développement humain ; les pressions sur l’environnement ; et/ou les effets de pressions internationales très néfastes.

La Banque doit éviter les effets néfastes d’une ten-tative d’application d’indicateurs rigides pour tra-duire une gamme de situations complexes comme base pour effectuer des allocations anticipées aux pays des ressources supplémentaires disponibles. En revanche, elle devra prendre la responsabilité de faire preuve de jugement éclairé dans la sélec-tion des programmes et projets dans les situations où son appui peut faire le plus de différence57. Pour répondre aux besoins émergents, ces choix doivent

Il est vrai que la tentative de la Stratégie de 2008 d’appliquer des définitions des États fragiles basées sur des indicateurs reflétait la pratique en vigueur à cette époque, mais elle avait commencé à produire des effets indésirables en tant que base d’identifica-tion et d’allocation d’un appui supplémentaire aux pays qui en ont besoin. La Banque a besoin d’une classification plus précise, plus inclusive et durable des situations de fragilité et en voie de stabilisation dans les pays africains, reflétant à la fois son expé-rience et les leçons tirées par d’autres, surtout les pays affectés56. La Banque ne doit plus qualifier (et ce faisant peut-être stigmatiser) des États de fragiles, bien que l’appui supplémentaire soit principalement orienté au niveau des pays. Cette approche révisée impliquera la reconnaissance de la nécessité d’une meilleure appréciation dans l’orientation des efforts spéciaux de la Banque et, le cas échéant, des res-sources supplémentaires en réponse à ces situations.

L’approche renforcée des situations de fragilité et en voie de stabilisation de la Banque doit répondre à des situations où les fonctions essentielles et la résilience de l’État, de la société et/ou de l’écono-mie sont gravement menacés ou très vulnérables aux chocs, ou dans les cas où la relance après des chocs majeurs est encore en cours. Les particularités seront parfois beaucoup plus une différence d’am-pleur que de nature par rapport à d’autres défis de développement et ne se prêteront généralement pas à la mesure par de simples indicateurs. Les chocs sous-jacents ou les vulnérabilités pourraient avoir plusieurs sources, notamment : les conflits armés ou la violence généralisée ; une mauvaise gouvernance

56 La revue la plus complète et la plus récente des analyses et de la réflexion politique se trouve dans « Conflit, sécurité et développement », le Rapport 2011 de la Banque mondiale sur le développement dans le monde. Les bonnes pratiques internationales, qui découlent directement des Principes pour les États fragiles avec une forte contribution des « États fragiles », font désormais l’objet de la meilleure présentation dans « Un New Deal pour l’engagement international dans les États fragiles », les résultats de 2011 du Dialogue international sur la consolidation de la paix et l’édification de l’État.

57 Dans le même domaine, le Fonds fiduciaire multidonateur pour l’édification de l’État et la consolidation de la paix (créé aussi en 2008) présente quelques traits intéressants bien qu’il nécessite également une mise à jour. Le fonds est en mesure de financer les activités pour des objectifs largement spécifiés dans tous les pays, en accordant la priorité aux activités dans les pays remplissant un ou plusieurs des cinq critères de la fragilité ou de la vulnérabilité. Les objectifs et les activités indicatives ont aussi été fournis. Voir l’article du Département des politiques et ressources opérationnelles, 25 mars 2008. Pour ce qui est d’une procédure d’allocation basée sur les propositions parallèlement aux allocations basées sur la performance, la BAD a déjà un précédent dans le domaine du programme d’appui aux activités d’intégration régionale.

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être faits de façon régulière et continue, peut-être tous les trois mois. Les décisions devront être prises selon une procédure rigoureuse et transparente sur la base de critères pertinents à un niveau d’autorité élevé au sein de la Banque, compte tenu des enjeux et des responsabilités qu’elles impliquent.

Les objectifs de l’engagement spécial de la Banque dans les situations de fragilité et en voie de stabili-sation doivent être de contribuer à la restauration et au renforcement des fonctions essentielles et de la résilience gravement affaiblies de l’État, de la société et/ou de l’économie et, les prémunir contre les vul-nérabilités aux chocs. Pour déterminer les types et les domaines les plus appropriés de son engagement, la Banque doit être guidée par des besoins et prio-rités fixées localement, une analyse minutieuse du contexte de fragilité ou en voie de stabilisation, et une détermination réaliste de ses domaines spéciaux de compétence et des capacités d’intervention.

Il existe probablement des possibilités importantes de contribution de la Banque conformément à son orientation actuelle fortement axée sur l’appui à la gouvernance et la gestion économique, les infras-tructures essentielles et l’intégration régionale, et la Banque pourrait ou pourrait ne pas souhaiter préciser les domaines où elle est la plus compétente dans les situations de fragilité ou en voie de stabili-sation ou citer des activités indicatives. Mais toutes ces contributions devront être mieux éclairées et configurées par une analyse explicite du très impor-tant contexte politique dans ces situations, et où et comment les contributions de la Banque s’intègrent dans de plus vastes processus d’édification de l’État et de consolidation de la paix. Cela influerait la prise en compte de l’évolution dans d’autres domaines de gestion économique et d’administration publique, de gouvernance, de l’état de droit, de la sécurité et de l’inclusion et de la justice sociales. Étant donné l’ampleur des besoins, et les limites des capacités de tous les bailleurs de fonds à y répondre, toutes

ces mesures doivent être mises en œuvre en étroite collaboration et en synergie avec d’autres acteurs.

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24 évaluation de l’assistance de la Banque africaine de développement aux états fragiles

Annexe 2 : Résumé des bonnes pratiques internationales et des orientations en vigueur pour les institutions

2. PRIORITÉ – L’engagement à soutenir des voies déterminées et dirigées par les pays pour sortir de la fragilité

Cet engagement inclut :

• Une évaluation de la fragilité – évaluation régu-lière, dirigée au niveau national, des causes et des aspects de la fragilité et des sources de résilience pour établir la base d’une vision unique et d’un plan unique ;

• Une vision unique, un plan unique pour sortir de la fragilité – Un plan et une vision appropriés et dirigés par les pays (pour s’attaquer aux prio-rités à court, moyen et long termes de consolida-tion de la paix et d’édification de l’État) ; suivis, révisés et ajustés sur une base annuelle.

• Un accord pour assurer l’harmonisation et la coordination entre les bailleurs de fonds, réduire les doubles emplois et la fragmentation et capable d’orienter le choix des modalités de l’aide/fournir une base pour les affectations des ressources des bailleurs de fonds alignées sur les priorités dirigées par les pays.

• Utilisation des objectifs pour assurer le suivi des progrès au niveau des pays.

• Le soutien au dialogue et au leadership poli-tique, notamment le soutien aux initiatives mon-diales, régionales et nationales pour renforcer les capacités du gouvernement, des dirigeants

A. Résumé de « Un New Deal pour l’engagement dans les États fragiles », les résultats de 2011 du Dialogue international sur la consolidation de la paix et l’édification de l’État (basé sur la Déclara-tion de Paris, les Principes pour les États fragiles et d’autres engagements/déclarations)

1. Objectifs de consolidation de la paix et d’édification de l’état

Les cinq objectifs sont :

• Légitimité politique – Promouvoir des accords politiques inclusifs et la résolution des conflits

• Sécurité- Établir et renforcer la sécurité des personnes

• Justice - Remédier aux injustices et accroitre l’accès des personnes à la justice

• Fondements économiques – Créer des emplois et améliorer les moyens de subsistance

• Revenus & services – Gérer les revenus et ren-forcer les capacités de prestation de services responsables et équitables

Ces objectifs aideront à identifier les priorités de consolidation de la paix et d’édification de l’État au niveau des pays. D’ici septembre 2012, un ensemble d’indicateurs pour chaque objectif sera développé par les États fragiles et les partenaires internationaux.

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de la société civile, ainsi que des institutions pour orienter les efforts de consolidation de la paix et d’édification de l’État, un soutien spéci-fique ciblé sur la participation des jeunes et des femmes au dialogue politique et aux initiatives de leadership.

3. CONFIANCE – Des engagements pour des résultats

Renforcer la confiance mutuelle en fournissant l’aide et en gérant les ressources avec plus d’efficacité, en harmonisant ces ressources pour atteindre des résul-tats. Cela inclut :

• La transparence – Utilisation plus transparente de l’aide (APD et non-APD).

• La prise de risques partagée – Identification de stratégies spécifiques au contexte et communes aux donateurs pour atténuer les risques et mieux les gérer.

• L’utilisation et le renforcement des disposi-tifs nationaux – Définitions communes des mesures de contrôle et de reddition des comptes ; systèmes nationaux renforcés de gestion des finances publiques ; fourniture accrue de l’aide à travers les dispositifs nationaux.

• Le renforcement des capacités – Augmentation de la proportion des fonds destinée au renforce-ment des capacités ; réduction du nombre d’uni-tés parallèles de mise en œuvre des programmes ; ciblage de l’utilisation de l’assistance technique externe ; entente sur les codes de rémunération de conduite entre les gouvernements et les par-tenaires internationaux pour la rémunération des experts nationaux ; facilitation de l’échange Sud-Sud et de l’échange des données d’expé-rience entre les pays fragiles en ce qui concerne les transitions pour surmonter la fragilité.

• Aider au bon moment et de manière prévi-sible – Développer et utiliser des procédures simplifiées et accélérées pour la gestion finan-cière ; examiner les cadres légaux nationaux pour soutenir nos objectifs communs ; améliorer la prévisibilité de l’aide ; utiliser avec plus d’effica-cité les fonds mondiaux et nationaux en faveur de la consolidation de la paix et de l’édification de l’État ; fournir des données nécessaires au Comité d’aide au développement (CAD) pour permettre des rapports réguliers sur la volatilité.

B. Résumé du Chapitre 5, Amélioration des opé-rations des partenaires au développement, OCDE (2011), Appui à l’édification de l’État dans des situa-tions de conflit et de fragilité : Orientations pour l’engagement international, DAC Guidelines and Reference Series, publications de l’OCDE. http://dx.doi.org/10.1787/9789264074989-en

1. Renforcer la présence sur le terrain et améliorer la capacité d’intervention en matière d’édification de l’État dans des situations de fragilité

Premièrement, déléguer davantage de responsabilités au personnel sur le terrain.

Deuxièmement, augmenter le ratio de dépenses entre le personnel et l’aide.

Troisièmement, mettre en place des mesures visant à inciter le personnel le plus qualifié, ayant une connais-sance utile du pays et un savoir-faire technique.

Quatrièmement, former le personnel à la complexité des interventions dans les situations de fragilité et de conflit.

2. Gérer les risques liés aux interventions dans les situations de fragilité ou de conflit et tirer les enseignements des échecs

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Premièrement, valoriser l’innovation et la réac-tivité du personnel face aux opportunités  ; favo-riser l’apprentissage en mettant en évidence les pratiques qui contribuent à la réussite ou à l’échec de l’intervention.

Deuxièmement, partager les risques en collaborant avec d’autres organismes partenaires au développe-ment – bilatéraux ou multilatéraux.

Troisièmement, assurer une meilleure communi-cation avec les instances parlementaires et le public autour de la complexité, de l’intérêt et de la durée des processus de soutien de l’édification de l’État dans les situations de fragilité.

Quatrièmement, s’adapter aux évolutions de la situation.

3. Mettre en place des mesures incitant à la collaboration et à une coopération à l’échelle de l’ensemble de l’administration

Premièrement, renforcer l’intégration et la coopé-ration entre les services de l’organisation et créer des mesures incitant le personnel à travailler avec l’ensemble des services et les autres acteurs concernés.

Deuxièmement, mettre en place des mesures incitant les responsables-pays et le personnel de terrain à coo-pérer, plutôt qu’à faire concurrence aux autres par-tenaires au développement, en incluant par exemple cette coopération dans les évaluations du personnel.

Troisièmement, promouvoir une culture organisa-tionnelle qui reconnaisse l’importance des réseaux et valorise l’échange informel de connaissances et d’analyses.

Quatrièmement, s’assurer que le système d’évalua-tion des performances individuelles récompense dûment le temps passé et les efforts mis en œuvre

pour établir les relations et faciliter le changement, plutôt que les seules qualités techniques ou la réali-sation des objectifs de décaissement.

4. Réviser les procédures et réglementations pour atteindre les objectifs d’édification de l’État

Premièrement, tenir compte de l’impact que les politiques des partenaires au développement peuvent avoir sur les efforts d’édification de l’État.

Deuxièmement, réviser les procédures de passation des marchés et de recrutement au niveau des pays afin de minimiser les aspects négatifs et mettre en valeur l’impact positif sur le marché du travail et l’économie locale.

Troisièmement, fournir en temps voulu aux pays partenaires des informations précises et complètes sur les décaissements de l’aide, en portant une atten-tion particulière aux données concernant le soutien extrabudgétaire.

Quatrièmement, s’assurer que le personnel étranger non diplomatique se soumet à la législation relative à l’impôt sur le revenu dans son pays de résidence

Cinquièmement, s’assurer que les entrepreneurs respectent les lignes directrices régissant les activités dans les situations de fragilité ou de conflit.

5. Prendre conscience de l’impact de sa présence et de son comportement sur sa propre légitimité

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Annexe 3 : Principales lacunes des données de la revue du portefeuille

En partant de 1999, la revue du portefeuille s’est heurtée à un certain nombre de lacunes importantes : i) l’exactitude des données du SAP ; ii) absence d’in-clusion systématique dans le SAP des opérations d’apurement d’arriérés ; iii) absence de base de don-nées centralisée pour les projets de tous les Piliers au moment de la revue ; iv) classement de l’apurement des arriérés et des opérations à l’appui des réformes dans la catégorie multisectorielle et classement effec-tué manuellement ; et v) absence dans le SAP de chiffres effectifs disponibles sur les financements des partenaires.

Pour permettre de mieux comprendre le portefeuille des activités dans les États fragiles, une comparai-son de base avec six autres États à faible revenu non fragiles a été réalisée, les données recueillies étant les mêmes que celles concernant les États fragiles.

Les États non fragiles ont été choisis en fonction des critères suivants : une note EPIP supérieure à 3,2 mais inférieure à 4,0, des activités de la Banque dans au moins six secteurs de l’économie et au moins deux sources de financement de la Banque. La diversité géographique et linguistique était également recher-chée dans le choix de pays bordant les États retenus pour les études de cas, ainsi que le choix des pays avec des origines linguistiques similaires (anglais, français ou portugais). Les données ont été reclassées manuellement comme dans le cas du portefeuille des États fragiles. Un indice a été créé pour comparer les modifications approuvées du financement au profit de ces pays et des États fragiles retenus dans l’étude. L’indice 100 a été utilisé comme valeur pour 1999, l’année de référence, la valeur de l’indice étant ajusté à la hausse ou à la baisse en fonction des modifica-tions de la valeur par rapport à l’année de référence.

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28 évaluation de l’assistance de la Banque africaine de développement aux états fragiles

Annexe 4 : Extrait de la revue de littérature – Le rôle de la BAD dans les situations de fragilité

L’une des principales conclusions est que les politiques de la Banque ont été élaborées suivant les principes déduits du contexte international plus large. Pen-dant toute la période considérée, les points de départ de l’analyse et de l’élaboration des politiques de la Banque découlent de la pratique des institutions comme la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI), ou des décisions et politiques du CAD-OCDE. Les politiques relatives aux États fragiles étaient donc globalement en phase avec l’état des connaissances même si des retards étaient parfois accusés dans leur mise en œuvre. Il ressort des publi-cations que la mise en œuvre semble avoir été limitée par les restrictions des ressources et les lacunes au plan de l’organisation.

La création en 2004 du Mécanisme en faveur des pays sortant de conflit (PCCF) représente une étape importante. Les arriérés de dette avaient été identifiés comme un problème de taille, dans la mesure où ils empêchaient les pays sortant de conflit d’être éligibles à l’allégement de dette au titre de l’initiative PPTE ainsi que d’avoir accès à la gamme plus élargie des services de la Banque. Les actions dans ce domaine ont été coordonnées avec la Banque mondiale et le FMI et une assistance au titre du PCCF a été accordée à la RDC (2002), au Burundi (2004), à la République Centrafricaine RCA (2006) ainsi qu’au Libéria et aux Comores (2007). Une revue interne du PCCF en 2007 a, d’une manière générale, salué l’initiative et a fait remarquer que les pays qui avaient bénéficié d’une assistance au titre du PCCF étaient ensuite devenus éligibles à l’initiative PPTE. Cependant, la revue a parallèlement souligné l’importance de la flexibilité et d’une approche au cas par cas ainsi que les coûts de transaction élevés qu’impliquait cette assistance

et la nécessité d’une coopération étroite avec d’autres donateurs. Aucune remarque n’a été formulée sur le fait de savoir si ces politiques pourraient être liées ou non à la réduction de la pauvreté.

Après 2008 : Stratégie en faveur d’un engagement renforcé dans les États fragilesLa Stratégie en faveur d’un engagement renforcé dans les États fragiles a été élaborée au lendemain de la Déclaration de Paris et de l’évaluation par la Banque mondiale du programme LICUS et présente des signes manifestes de cette influence. Son adop-tion marque une réorientation de l’intérêt, passant des « pays sortant de conflit » aux « États fragiles ». La stratégie n’a été formellement adoptée qu’en 2008 mais représentait le résultat d’une série de délibéra-tions, qui avaient commencé deux années auparavant.

En 2006, la Banque a publié son « Plan d’action sur l’harmonisation, l’alignement et la gestion axée sur les résultats » en réponse à la Déclaration de Paris. Dans le contexte des États fragiles, ce Plan d’action exhortait la Banque à renforcer la coordination et l’harmonisation de ses opérations avec celles d’autres bailleurs de fonds et, si possible, intensifier l’aligne-ment. Le Plan d’action proposait aussi que la Banque centre ses efforts sur les travaux d’analyse par pays et l’établissement de « partenariats stratégiques ». Un document publié par la suite sur l’appui budgétaire et les approches sectorielles (également inspiré par la Déclaration de Paris) envisageait que la Banque pourrait jouer un rôle en soutenant de telles initia-tives dans les États fragiles, mais uniquement dans le contexte des fonds spéciaux multidonateurs. Par ailleurs, il se posait des problèmes d’ordre juridique,

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département de l’évaluation des opérations mars 2012 29

qu’il fallait régler avant que la Banque ne participe à des opérations axées sur une approche sectorielle.

En 2006, la Banque a également publié des propo-sitions sur une politique révisée en faveur des États fragiles. Ce document ambitieux identifiait 25 pays africains comme étant «fragiles », dont 16 étaient des États soit « fondamentalement » soit « margi-nalement » fragiles58. Il concluait que les politiques actuelles de la BAD à l’égard des États fragiles lais-saient à désirer : « plusieurs instruments d’interven-tion classiques dans les pays à faible revenu semblent inapplicables aux États fragiles », tandis que « les modalités, procédures et processus opérationnels ont des lacunes qui les rendent inappropriés ou inutiles dans les situations des États fragiles ».

Reposant d’une manière générale sur la Déclara-tion de Paris, sur l’étude de la Banque mondiale sur les bonnes pratiques dans les États fragiles et sur l’évaluation par IEG du programme LICUS,59 le docu-ment de la BAD a par ailleurs présenté un ensemble de propositions. Il identifiait quatre domaines prio-ritaires dans lesquels la Banque pourrait jouer un « rôle catalyseur » : acquisition et diffusion du savoir ; rétablissement de la capacité de l’État ; remise en état et reconstruction des infrastructures ; et prestation de services d’enseignement supérieur. Il proposait par ailleurs que la Banque œuvre de concert avec des partenaires multilatéraux et bilatéraux à l’appui des réformes économiques et structurelles ainsi qu’au développement de l’intégration économique et d’un programme régional. La Banque a toutefois estimé qu’elle n’avait ni le mandat ni la compétence dans les domaines de la paix et de la sécurité qu’elle considé-rait relevant de la prérogative d’autres organisations multilatérales et régionales. Ce document a surtout proposé par ailleurs de rehausser le PCCF en le trans-formant en une Facilité en faveur des États fragiles dotée de deux guichets : l’un consacré aux arriérés et l’autre aux dons accordés aux États fondamenta-lement ou marginalement fragiles. Il a aussi proposé

des modifications pour permettre à la Banque de participer pleinement aux Fonds fiduciaires multi-donateurs tout en critiquant sans réserve l’utilisation généralisée des UEP par la Banque.

La « Stratégie en faveur d’un engagement renforcé dans les États fragiles » (SEEFS) proprement dite n’a été finalisée qu’en 2008. La Stratégie était orga-nisée suivant une « approche de continuum », de fait une version transposée du modèle d’entreprise de la Banque mondiale. Elle a fait de la Facilité en faveur des États fragiles le volet central de la SEEFS, mais au lieu de deux guichets, elle en comprend désormais trois. Le premier de ces volets (Pilier 1) était consacré au financement supplémentaire pour les pays sortant de crise/en transition. Ce volet se fondait sur la reconnaissance du fait que le système de prêts à l’appui des réformes en vigueur pénalisait considérablement les États fragiles et que les systèmes de financement en place étaient trop lents et encom-brants. En principe, le nouveau système double le montant de l’allocation axée sur les prêts à l’appui des réformes pour les États fragiles. Le Pilier 2 est l’ancien PCCF consacré à l’apurement des arriérés, alors que le Pilier 3 représente un fonds relativement modeste réservé à l’appui ciblé des pays sortant de conflit ou d’une crise.

58 La fragilité se détermine ici sur la base des résultats EPIP d’un pays et de son indice de vulnérabilité (CVI). Le CVI est un indice pondéré de différentes mesures de la vulnérabilité, qui combine certains agrégats de l’EPIP, de l’Indice de développement humain (IDH) du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et d’autres sources de vulnérabilité comme les chocs externes (les augmentations des prix du pétrole), la forte dépendance à l’égard des matières premières et l’exposition aux catastrophes naturelles fréquentes.

59 Ceci apparaît très clairement dans l’adoption par la BAD du modèle d’entreprise présenté dans Banque mondiale (2005; 2006a).

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La production de cette publication a été coordonnée par Mme Felicia AvwontomSpécialiste en Communications et gestion du savoirDépartement de l’évaluation des opérationsBanque africaine de développement

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FONDS AFRICAIN DE DÉVELO

PPEMENT

AFRI

CAN D

EVELOPMENT FUND

BANQUE

AFRICAINE

DE DÉVELOPPEMENT

Évaluation de l’assistance de la Banque africaine de développement aux États fragiles

La présente étude a été réalisée, à la demande des Plénipotenti-aires du Fonds africain de développement, par le Département de l’évaluation des opérations (OPEV), en vue d’évaluer l’assis-tance de la Banque Africaine de Développement aux États fragiles sur la période 1999-2011. Elle examine la pertinence, l’efficacité et l’efficience de cette assistance. L’étude se fonde sur une analyse des publications, une revue du portefeuille, une étude réalisée au siège de la Banque, trois études de cas nationales réalisées sur place et trois études de cas nationales réalisées sur dossiers.

Le Groupe de la Banque africaine de développement (BAD) a pour objectif premier de faire reculer la pauvreté dans ses pays membres régionaux en contribuant à leur développement économique durable et à leur progrès social. A cet effet, il mobilise des ressources pour promouvoir l’investissement dans ces pays et leur fournit une assistance technique ainsi que des conseils sur les politiques à mettre en œuvre.

La mission du Département de l’évaluation des opérations est d’aider la Banque africaine de développement à promouvoir une croissance durable et la réduction de la pauvreté en Afrique au moyen d’évaluations indépendantes et influentes. OPEV évalue de manière indépendante les opérations, les politiques et les procédures de la Banque en vue de garantir l’apprentissage et l’obligation de rendre compte dans le cadre des opérations de la Banque et de promouvoir l’impact des opérations sur le développement.

Directeur : M. Rakesh Nangia, [email protected] de division, Evaluation des projets et programmes : Mohamed Manai, [email protected] de division, Evaluations de haut niveau : Odile Keller, [email protected]

Département de l’evaluation des operations, Banque africaine de developpementBP 323, 1002 Tunis-Belvedere, TunisieTel : (216) 71 102 841 Fax : (216) 71 194 460

Helpdesk : [email protected] www.afdb.org/opev