6
INTRODUCTION L’année 2010 célébrera le cinquan- tenaire de l’invention du laser. À l’approche de cette échéance, on peut dresser un bilan rapide sur la pénétration de ce magnifique outil dans le tissu industriel. De nos jours, le laser est une technologie mature dont la progression dans le milieu industriel est constante depuis 39 ans malgré 2 années de récession (1992 et 2009), présen- tant même une accélération depuis 15 ans. L’industrie du laser pré- sente aujourd’hui les signes d’un marché à maturation puisque la croissance se fait sur des applica- tions de niches. Le laser est consi- déré maintenant comme un com- posant des process. L’usinage des matériaux concerne 29 % du mar- ché mondial du laser évalué à 7 milliards de dollars en 2008 et représente approximativement 10 % du marché de la machine- outil. En termes de vente, 42 % des unités concernaient le marquage, 22 % la découpe, 12 % le soudage, 10 % le micro-usinage, 8 % le per- çage et 6 % les autres applications. Pour donner une vue simplifiée, un laser regroupe les trois briques élémentaires suivantes : une cavité résonnante, un milieu amplifica- teur et une source d’énergie de pompage. D’un point de vue phy- sique, le rayonnement laser est caractérisé par divers paramètres comme la longueur d’onde (cou- leur), la puissance moyenne, le régime continu ou impulsionnel, la durée d’impulsion, la diver- gence, le profil d’intensité et la qua- lité de faisceau. D’un point de vue utilisateur, le laser est une source de lumière intense, directionnelle, Les applications du laser dans l’industrie du verre Laser technology is currently widely used throughout industry in many domains such as manufacturing, elec- tronics, packaging and med- icine. The aim of this article is to present a panorama of dif- ferent laser applications in the glass industry, where laser technology is a major source of innovation and process differentiation. We first present the state of the art and discuss current limi- tations in macroscopic pro- cesses, principally engraving and cutting. Secondly we will present microscopic pro - cesses currently in develop- ment and discuss associated perspectives. Ve rre VOL.15 N°6 • DÉCEMBRE 2009 24 Le laser est aujourd’hui une technologie largement diffusée au niveau industriel sur divers secteurs tels que la métallurgie, l’électronique, l’emballage ou le médical. Le but de cet article est de dresser un rapide panorama des applications du laser dans l’industrie du verre, pour laquelle cette technologie est une source d’innovations et de différenciation. Dans un pre- mier temps, nous présentons l’état de l’art et les limitations sur les applications macroscopiques, principalement le mar- quage et la découpe, puis nous abordons les applications microscopiques et les nouvelles perspectives associées. TECHNIQUE LASER John Lopez (1,2) (1) ALPHANOV, centre technologique optique et laser (2) CELIA, Unité Mixte de Recherche CNRS-CEA-Université Bordeaux 1 Figure 1 : spectre électromagnétique et longueurs d’onde

Verre vol 15 n∞6 VERRE VOL 11 N∞1 · 2010. 3. 24. · tions de niches. Le laser est consi-déré maintenant comme un com-posant des process. L’usinage des matériaux concerne

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Verre vol 15 n∞6 VERRE VOL 11 N∞1 · 2010. 3. 24. · tions de niches. Le laser est consi-déré maintenant comme un com-posant des process. L’usinage des matériaux concerne

INTRODUCTIONL’année 2010 célébrera le cinquan-tenaire de l’invention du laser. Àl’approche de cette échéance, onpeut dresser un bilan rapide sur lapénétration de ce magnifique outildans le tissu industriel. De nosjours, le laser est une technologiemature dont la progression dans le

milieu industriel est constantedepuis 39 ans malgré 2 années derécession (1992 et 2009), présen-tant même une accélération depuis15 ans. L’industrie du laser pré-sente aujourd’hui les signes d’unmarché à maturation puisque lacroissance se fait sur des applica-tions de niches. Le laser est consi-

déré maintenant comme un com-posant des process. L’usinage desmatériaux concerne 29 % du mar-ché mondial du laser évalué à7 milliards de dollars en 2008 etreprésente approximativement10 % du marché de la machine-outil. En termes de vente, 42 % desunités concernaient le marquage,22 % la découpe, 12 % le soudage,10 % le micro-usinage, 8 % le per-çage et 6 % les autres applications.Pour donner une vue simplifiée,un laser regroupe les trois briquesélémentaires suivantes : une cavitérésonnante, un milieu amplifica-teur et une source d’énergie depompage. D’un point de vue phy-sique, le rayonnement laser estcaractérisé par divers paramètrescomme la longueur d’onde (cou-leur), la puissance moyenne, lerégime continu ou impulsionnel,la durée d’impulsion, la diver-gence, le profil d’intensité et la qua-lité de faisceau. D’un point de vueutilisateur, le laser est une sourcede lumière intense, directionnelle,

Les applications du laser dans l’industrie du verre

Laser technology is currentlywidely used throughoutindustry in many domainssuch as manufacturing, elec-tronics, packaging and med-icine. The aim of this article isto present a panorama of dif-ferent laser applications inthe glass industry, wherelaser technology is a majorsource of innovation andprocess differentiation. Wefirst present the state of theart and discuss current limi-tations in macroscopic pro -cesses, principally en gravingand cutting. Secondly we willpresent microscopic pro -cesses currently in develop-ment and discuss associatedperspectives.

Verre VOL.15 N°6 • DÉCEMBRE 200924

Le laser est aujourd’hui une technologie largement diffuséeau niveau industriel sur divers secteurs tels que la métallurgie,l’électronique, l’emballage ou le médical. Le but de cet articleest de dresser un rapide panorama des applications du laserdans l’industrie du verre, pour laquelle cette technologie estune source d’innovations et de différenciation. Dans un pre-mier temps, nous présentons l’état de l’art et les limitationssur les applications macroscopiques, principalement le mar-quage et la découpe, puis nous abordons les applicationsmicroscopiques et les nouvelles perspectives associées.

TECHNIQUELASER

John Lopez (1,2)(1) ALPHANOV, centre technologiqueoptique et laser(2) CELIA, Unité Mixte de RechercheCNRS-CEA-Université Bordeaux 1

Figure 1 : spectreélectromagnétiqueet longueursd’onde

Page 2: Verre vol 15 n∞6 VERRE VOL 11 N∞1 · 2010. 3. 24. · tions de niches. Le laser est consi-déré maintenant comme un com-posant des process. L’usinage des matériaux concerne

cohérente et de couleur définie(figure 1). Le processus d’interac-tion laser-matière et la qualité d’unusinage dépendent de ces caracté-ristiques et de la nature de la cible.Ce processus peut être thermique(fusion, vaporisation), photochi-mique (rupture de liaisons cova-lentes) ou ultrabref (absorptionmultiphotonique et avalanched’ionisation).Le but de cet article est de dresserun rapide panorama des applica-tions du laser dans l’industrie duverre. Nous verrons en particulierque dans ce secteur le laser est unesource d’innovations et de diffé-renciation. Dans un premiertemps, nous présenterons l’état del’art et les limitations sur les appli-cations macroscopiques, principa-lement le marquage et la découpe,puis nous aborderons les applica-tions microscopiques et les nouvel-les perspectives associées.

LES APPLICATIONSMACROSCOPIQUESLes principales difficultés sur ladécoupe ou le marquage du verrepar laser tiennent au fait que leverre soit, sauf composition parti-culière, transparent dans le visibled’une part et cassant sous l’effetd’une variation brutale de tempé-rature d’autre part. Néanmoins, ungrand nombre d’applicationsindustrielles ont pu voir le jour surles deux dernières décennies. Glo-balement, on distingue deux caté-gories de lasers pour le marquageet la découpe de verre.Premièrement, les lasers CO2émettant dans l’IR lointain(10,6 μm) et dont le rayonnementest absorbé en surface du verre. L’é-chauffement brutal et localiséinduit une micro fissuration ensurface sur quelques microns deprofondeur. D’un point de vuemacroscopique, cette micro fissu-ration donne un rendu qui s’appa-rente à celui obtenu par sablagemais moins esthétique que ce der-nier. Cette micro fissuration peutêtre mise à profit pour graver leverre en surface ou pour entaillerle verre avant clivage par pression

mécanique. Pour information, lesmicrofissures ainsi produites peu-vent facilement être révélées ousimplement exacerbées en expo-sant l’entaille macroscopique pro-duite par le laser à un liquide de fai-ble tension de surface (alcool,détergent, etc.).La seconde catégorie concerne leslasers proches IR (YAG pompépar diode, vanadate, laser à disque,laser à fibre) qui émettent entre1030 et 1090 nm et dont le rayon-nement est absorbé en volumedans le verre puisque l’absorption

est plus faible dans cette gamme delongueurs d’onde. Les applicationsdes lasers proches IR concernentprincipalement l’ablation d’unrevêtement organique, le mar-quage intra-volume ou encore ladécoupe directe (sans clivagemécanique ultérieur). Ce rayonne-ment laser autour de 1 μm présentel’avantage non négligeable d’êtretransportable par fibre optiqueentre la source et le poste de travail,ce qui confère une grande sou-plesse de travail et simplifie le trajetoptique.Dans les deux cas, le processus d’a-blation ou d’usinage est principa-lement thermique. Il faudra doncs’attendre à une zone affectée ther-miquement plus ou moins mar-quée selon les paramètres laser, lematériau et le procédé utilisé.

MARQUAGEIl faut savoir que le marquage deverre a longtemps été la principaleapplication des lasers CO2 de fai-ble puissance moyenne (<25 W).Pour une question d’esthétique, lemarquage de verre par laser CO2 ararement une fonction de décora-tion, il est plutôt réservé à unefonction de traçabilité (horoda-tage, numéro de lot…), d’identifi-cation ou d’authentification (codeDataMatrix) dans de nombreuxsecteurs d’applications : fenêtresdans le bâtiment, écrans plats etcathodiques, bouteilles, flacons de

parfums (fig ure 2), lames demicroscopes, ampoules d’éclairageou enseignes lumineuses, pare-bri-ses automobile, etc. Le marquages’effectue en gravure directe soit enmode vectoriel (déplacement duspot laser selon une trajectoiredéfinie) soit en mode « raster »(nuage de points). Une limitationmajeure concerne les dimensionsminimales du spot. En effet, les loisde l’optique imposent que le dia-mètre de spot soit limité par la lon-gueur d’onde. En pratique, il estdifficile de focaliser un laser CO2de faible puissance sur un diamètreinférieur à 80 μm, voire 50 μm àl’extrême, de fait ce type de laser nepermet pas de produire des motifsde petites dimensions sur le verre.Par exemple, il sera difficile de mar-quer des lettres inférieures au milli-mètre ou encore de réaliser unDataMatrix 16x16 de moins de5 mm de côté. Les lettres les plusfines sont obtenues en minimisantle nombre de spot dans le motif.Nous verrons au paragraphe 3 qued’autres technologies lasers sontplus adaptées au micro marquage.Si la pièce en verre est marquée àchaud (plusieurs centaines dedegrés), il est possible de produireun marquage superficiel sansmicro fissuration. On a toujourscette limitation sur la taille mini-male du motif, et dans les faits, il ya une forte disparité sur la taille duspot. Ce procédé est utilisé aujour -

VOL.15 N°6 • DÉCEMBRE 2009 Verre 25

TECHNIQUE ‡ LASER

Figure 2 : marquage laser sur flacon de parfumerie

© E

s Te

chno

logy

Page 3: Verre vol 15 n∞6 VERRE VOL 11 N∞1 · 2010. 3. 24. · tions de niches. Le laser est consi-déré maintenant comme un com-posant des process. L’usinage des matériaux concerne

d’hui pour graver un DataMatrixanti-contrefaçon sur certains fla-cons ou fioles pour les secteurs dumédical et de la parfumerie.Les lasers proches IR sont plusadaptés au marquage intra-volume. Cette technique consisteà focaliser le faisceau laser sous lasurface d’un matériau transparentafin de créer un ensemble dedéfauts ou bulles, lesquelles diffu-seront la lumière et donneront uncontraste à l’échelle macrosco-pique. Le faisceau laser doit êtrefortement convergent de tellesorte que l’intensité laser soit infé-rieure au seuil d’ablation du verreen surface mais qu’elle soit suffi-sante pour provoquer une modifi-cation de la matière à la profon-deur souhaitée (de 1 à 30 mmtypiquement sous la surface) pardes effets dits non-linéaires aupoint focal. L’effet produit au planfocal résulte d’un échauffementlocal puis d’une rupture qui s’appa-rente en général à un petit éclat dehauteur 0,5 mm et de diamètre0,1 mm approximativement. Gé -né ralement, ce procédé requiertune durée d’impulsion de quelquesdizaines de nanosecondes et uneénergie par impulsion de plusieursmJ. En utilisant un laser YAG dou-blé (émettant dans le visible) il estpossible de réduire sensiblementles dimensions de l’éclat demanière à améliorer la qualité et lafinesse du motif usiné. Ce procédéde marquage intra-volume est uti-lisé de manière in dustrielle pourdu marquage décoratif, par exem-ple une petite tour Eiffel ou unvisage dans un bloc de verre, oupour du marquage anti-contrefa-çon macroscopique. Le procédé nerequiert pas de pré ou post-traite-ment du verre. Le marquage ainsiproduit est pérenne et inaltérabledepuis la surface, néanmoins il y adeux inconvénients majeurs : pre-mièrement le petit éclat produitest susceptible de provoquer larupture de verre si celui-ci est tropmince, deuxièmement la taille duspot élémentaire ne permet pas deréaliser du micro marquage dans lamasse. Là encore nous verrons

dans un prochain paragraphe qu’ilest nécessaire de faire appel à destechnologies spécifiques, notam-ment il est possible de descendre àdes tailles de spot de quelquesmicrons en utilisant des lasers àimpulsions brèves (picoseconde etsurtout femtoseconde).

DÉCOUPE ET PRÉDÉCOUPECe thème déchaîne les passionsdepuis de nombreuses an nées tantle challenge et l’enjeu sont impor-tants. Plusieurs solutions techno-logiques de découpe de verre parlaser existent et sont exploitéesaujourd’hui de manière indus-trielle, néanmoins les spécialistescherchent à améliorer les perfor-mances du procédé. D’unemanière générale, la découpe deverre par laser présente plusieursavantages majeurs :– Une méthode sans contact– Des bords de coupe francs avec

peu de débris et qui ne nécessi-tent pas une étape de polissageultérieure

– La possibilité de découper desverres multicouches ou feuilletés

– La possibilité de découper desformes 2D complexes ou descourbes “splines”

– Un gain en productivité (jusqu’à50 %) par rapport à la découpepar voie mécanique

– Une durabilité des pièces deux àtrois fois supérieure à celle obte-nue par voie mécanique clas-sique (découpe directe à la sciediamantée ou entaille à la pointediamantée puis clivage par pres-sion mécanique) car la découpelaser introduit moins de micro-fissures.

– Une perte de matière minimalepar rapport à une scie diamantée(pour laquelle la largeur decoupe est proche de 1 mm)

– Une même source pouvant êtreutilisée pour l’ablation d’un revê-tement (ou une peinture) sur leverre à faible puissance, puis unedécoupe à plus forte puissancemoyenne.

Initialement, la découpe de verreconcernait uniquement le laserCO2 et s’effectuait en deux étapes.

Le principe en était le suivant : lapremière étape consiste à produireune entaille en surface par échauf-fement localisé (on parle alors de« scribing » ou « dicing ») puisdans une seconde étape à propagerla fissure en volume par pressionmécanique de manière à provo-quer une rupture du verre sur touteson épaisseur depuis l’entailleinitiale. Cette technique permetde couper jusqu’à 10 mm de verre.En augmentant l’intensité laser, ilest possible de découper le verre enune seule étape sur des épaisseursde 30 μm à 2 mm avec des lasersCO2 de puissance moyenne 100 à400 W. Pour ce type de découpe,un défaut fréquemment observéest une déviation du chant decoupe de quelques degrés à l’ap-proche de la face arrière. Ce pro-cédé est, par exemple, utilisé pourla découpe de verre teinté décora-tif. À noter cependant que la pola-risation du laser est un paramètreà prendre de compte pour avoirune coupe régulière dont la qualitéet la conicité ne soient pas tribu-taires de la direction de coupe. Au-delà de 2 mm d’épaisseur, la puis-sance moyenne requise pourcouper serait trop importante etles microfissures provoquées ensurface sous l’effet du laser CO2seraient susceptibles de se propa-ger de manière incontrôlée dans leverre jusqu’à provoquer une rup-ture complète de la pièce. Ainsi, ladécoupe de verre d’épaisseur supé-rieure à 2 mm par laser CO2 n’estpas exploitable. A contrario duverre, les matériaux de grandepureté, homogène et à faible coef-ficient de dilatation tels le quartzou la silice fondue se révèlent êtreparticulièrement bien adaptés à ladécoupe par laser. La puissancelaser requise est plus faible et desmotifs plus fins peuvent être obte-nus. En outre, le quartz présenteune bonne absorption du rayon-nement CO2.Les progrès techniques sur leslasers YAG observés depuis unedizaine d’années, et surtout l’arri-vée récente des lasers à disque et àfibre offrant une excellente qualité

26

TECHNIQUE ‡ LASER

Verre VOL.15 N°6 • DÉCEMBRE 2009

Page 4: Verre vol 15 n∞6 VERRE VOL 11 N∞1 · 2010. 3. 24. · tions de niches. Le laser est consi-déré maintenant comme un com-posant des process. L’usinage des matériaux concerne

de faisceau ont permis d’étendre lechamp d’applications des lasersproches IR comme la possibilité desouder à distance (>1 m) ou en -core de découper en seule étape leverre. En termes d’applicationsindustrielles on peut citer parexemple la découpe d’écran plasmaou de verre laminé par laser àdisque, la découpe de verre parlaser YAG ou à fibre pour le pho -tovoltaïque ou encore la découpede tube pour le pharmaceutiqueou d’enseignes lumineuses par cestrois types de sources. La méthodeMLBA (multiple laser beamabsorption, procédé breveté par lasociété Rofin) permet d’augmen-ter de manière significative l’effica-cité de la découpe par laser prochesIR (YAG ou à disque) et autorisela découpe de verre forte épaisseuren une seule étape. Cette méthodeconsiste à obtenir un double pas-sage du faisceau laser dans le verreen plaçant un miroir concave enface arrière de la pièce à découper.Par cette technique, il est au -jourd’hui possible de découper encoupe directe du verre pour desépaisseurs comprises entre 0,2 et24 mm avec des lasers de plusieurscentaines de watt, voire plus. Parcette technique il est possible dedécouper deux plaques de verrel’une sur l’autre.Le marquage intra-volume évoquédans le paragraphe 2.1 peut égale-ment être mis à profit pour réaliserce que l’on appelle du « stealthdicing ». Le principe en est le sui-vant : à l’aide d’un laser YAG nano-seconde, on vient produire dans lamasse un plan de défauts (éclats)vertical, une pression mécaniquecontrôlée vient ensuite provoquerla rupture de la plaque de verre auniveau du plan de défauts intra-volume. C’est donc le plan dedéfauts initial qui oriente la rup-ture du verre. L’avantage majeur estl’absence de débris produit pen-dant la découpe.Enfin, la technique Laser micro jet(procédé breveté par la sociétéSynova) consistant à combiner unjet d’eau sous pression (environ120 bars) et un faisceau laser pro-

che IR (<100 W) ne convient paspour le verre, essentiellement pourune question défaut d’absorptiondu rayonnement par le matériautransparent.

DÉCAPAGEDepuis quelques années, le laserYAG ou à fibre est utilisé pour ladécoration de bouteilles ou flaconsen verre. Le décapage par laserpeut intervenir à deux niveaux,soit pour éliminer un revêtementorganique ou métallique (filmmince) sur le verre, soit pour élimi-

ner un résidu de verre dans unmoule de bouteille ou de flacon.Le processus de décapage faitappel, selon les paramètres laser, àune ablation directe du revête-ment ou à un effet de type « choclaser ». Dans le premier cas, lerevêtement est vaporisé sans affec-ter le verre. Ce procédé peut êtreutilisé pour éliminer localementaussi bien un revêtement orga-nique qu’un film métalliquemince. Le rendu macroscopiqueest excellent et esthétique. Dans lesecond cas, l’impulsion mécaniqueliée au départ de matière par abla-tion laser conjuguée à l’échauffe-ment localisé de la surface condui-sent à la formation d’une ondeacoustique qui se propage de la sur-face vers le cœur du matériau. Pourun verre revêtu par un film orga-nique (vernis, laque, peinture)cette onde acoustique peut êtremise à profit pour créer un effet decisaillement à l’interface et ainsiséparer localement le revêtementdu substrat de verre, voire expulserce même revêtement. Ce procédépeut être transposable à d’autrescouples revêtement-substrat àcondition qu’il y ait une disconti-nuité de matière suffisammentmarquée pour avoir cet effet decisaillement. Les deux processus dedécapage décrits ci-dessus trou-vent aujourd’hui bon nombred’applications industrielles, parexemple pour dénuder de la fibre

optique, la démétallisation ou l’a-blation de laque sur des flacons deparfums (figure 3), l’ablation d’unecouche de peinture pour matéria-liser les graduations sur des béchersen Pyrex de chimie de laboratoire.Pour ce type d’application, leslasers proches IR sont en généralpréférables au laser CO2 car à l’in-verse des premiers le laser CO2 estabsorbé à la fois par le revêtementet le substrat de verre, il est doncdifficile d’éliminer sélectivement lerevêtement sans affecter le verre.Les lasers proches IR seront doncplus adaptés à une ablation sélec-tive sur le verre que les lasers CO2.

SOUDAGE ET REFUSIONLe laser CO2 est également utilisépour des applications spécifiquesoù il est nécessaire de fondre demanière localisée le verre depuis lasurface dans les secteurs de la pho -tonique ou de la chimie de labora-toire par exemple. La clef est engénéral une rotation régulière de lapièce sous le faisceau de manière àproduire un échauffement le plushomogène possible.

LES APPLICATIONSMICROSCOPIQUESJusqu’ici, nous avons évoqué lesapplications macroscopiques dulaser, en soulignant les limitationslorsque l’on souhaite réduire lataille des motifs à des dimensionscomprises entre quelques millimè-

27

TECHNIQUE ‡ LASER

VOL.15 N°6 • DÉCEMBRE 2009 Verre

Figure 3 : ablation laser sur flacon de parfumerie

© E

s Te

chno

logy

Page 5: Verre vol 15 n∞6 VERRE VOL 11 N∞1 · 2010. 3. 24. · tions de niches. Le laser est consi-déré maintenant comme un com-posant des process. L’usinage des matériaux concerne

tres voire quelques microns, élimi-ner la zone affectée ou encore amé-liorer la qualité de l’usinage. Pours’affranchir de ces limitations il estnécessaire d’utiliser des technolo-gies laser plus spécifiques. Globa-lement, pour ces applicationsmicroscopiques, on distingue deuxcatégories de lasers : les lasers UV(YAG à 355 nm ou 266 nm, ou lesExcimères) et les lasers à impul-sions brèves (picoseconde, femto-seconde). Malheureusement, cestechnologies laser sont souventmoins productives que celles évo-quées dans les paragraphes précé-dents. Ainsi, pour usiner propre-ment la matière (y compris leverre) il faudra enlever peu dematière à la fois, mais compenserce faible débit matière en renouve-lant l’opération d’ablation le plussouvent possible, notamment parl’utilisation de laser à taux de répé-tition élevé (jusqu’à 2 MHz pourles lasers femtosecondes de der-nière génération).Dans le cas des lasers UV, le pro-cessus d’ablation des matériauxdiélectriques met en jeu une dé -com position photochimique de lamatière. Pour simplifier, chaquephoton UV dispose de suffisam-ment d’énergie pour casser à lui

seul une liaison covalente dans lamatière. Plus le matériau absorbe àla longueur d’onde du laser UV,moins il y aura d’effets thermiques.En outre, la plupart des matériauxabsorbent plus dans l’UV que dansl’IR. Pour des applications de gra-vure de surface, on rechercheradonc une absorption maximalepour minimiser l’épaisseur dematière affectée et diminuer l’en-dommagement matière. Par exem-ple, les lasers à excimères ArF(193 nm) sont utilisés pour la gra-vure de verres de lunette, la réalisa-tion d’optique de Fresnel ouencore le prototypage de microsystèmes de type « lab-on-a-chip » dédiés à la micro fluidique(canaux de largeur 10 à 100 μm).Au contraire, pour des applica-tions en volume, telle la gravure deréseaux de Bragg sur fibre optiqueon préférera les lasers YAG à355 nm ou 266 nm pour lesquelsle rayonnement pénétrera dans lamatière puisque le verre n’est quepartiellement absorbant à ces lon-gueurs d’onde.Pour les lasers à impulsions pico-secondes ou femtosecondes, leprocessus d’ablation de la matièreest fondamentalement différent.D’une manière générale, les effets

thermiques diminuent avec ladurée d’impulsion du laser. En des-sous d’une durée d’impulsion de1ps (10-12 seconde), la durée del’impulsion est inférieure au tempscaractéristique de diffusion de lachaleur, la chaleur est donc piégéedans le volume irradié et ne diffusepas en dehors de celui-ci. De fait,la zone affectée thermiquement estnégligeable voire inexistante. Parailleurs, malgré des puissancesmoyennes faibles, l’intensité lasersur la cible est considérable (1012-1014 W/cm²), il est donc possiblede micro usiner par un processusd’absorption dit multiphotoniquedes matériaux a priori peu absor-bants à la longueur d’onde du laser.En focalisant en surface du verre,il est possible de graver, de marquer(photos 4 et 5), de découper ou depercer avec une grande précision(quelques microns) et une qualitéinégalée en laser. En focalisantdans la masse, il est possible deréaliser un marquage interne soiten produisant un petit éclat dequelques microns de diamètre soitun changement d’indice de réfrac-tion (densification locale de lamatière, sans éclat). Cette capacitéunique à modifier localement l’in-dice de réfraction sans produire

28

TECHNIQUE ‡ LASER

Verre VOL.15 N°6 • DÉCEMBRE 2009

Figure 4 : DataMatrix (photo prise au microscope électronique à balayage)

Figure 5 : DataMatrix de dimensions 500μm gravésur silicium – crédit photo Alphanov h

d

© A

lpha

nov

Page 6: Verre vol 15 n∞6 VERRE VOL 11 N∞1 · 2010. 3. 24. · tions de niches. Le laser est consi-déré maintenant comme un com-posant des process. L’usinage des matériaux concerne

d’éclat dans la matière est au jour -d’hui utilisée pour graver des gui-des d’onde ou pour réaliser unmarquage intra-volume anti-cont-refaçon basé sur un effet diffractifuniquement (procédé Nagimelsbreveté et exploité par la sociétéTrackinside [figures 6 et 7]). Descodes DataMatrix de 50 μm à2 mm de côté peuvent ainsi êtreinscrits dans la masse du verre, àdes cadences compatibles avec lessecteurs de la parfumerie ou de lapharmaceutique (typiquement70 ms pour un code DM 16x16 dedimensions 0,5x0,5 mm²). La pro-fondeur de marquage intra-volume varie de quelques millimè-tres à une centaine de micronssous la surface. La technologieactuelle permet de marquer et derelire un DataMatrix 16x16 surune section équivalente à la sec-tion d’un cheveu.Des travaux récents ont égalementmontré la capacité de réaliser unréseau de canaux 3D dans la massed’un verre spécifique (Foturan) parune attaque chimique HF d’unezone préalablement photosensibi-lisée au laser femtoseconde. Lescanaux enterrés ainsi obtenus peu-vent faire jusqu’à 8 μm de diamètre.

CONCLUSIONAu travers de cet article, nousavons pu montrer que la technolo-gie laser est un vecteur d’innova-tion et de différenciation dans l’in-dustrie du verre. La transparence

du verre et son côté cassant en fontun matériau à part qui nécessite dedévelopper des approches d’usi-nage originales mais néanmoinsperformantes (découpe avec dou-ble passage du faisceau, « steathdic ing », décapage d’un revête-ment par ablation sélective…).Enfin, les lasers développés pour lemicro-usinage ouvrent la voie à denouvelles applications telles que leprototypage de micro systèmespour la micro fluidique ou encorele marquage intra volume anti-contrefaçon quasi invisible de partsa taille. On pressent bien que l’a-venture du laser dans le monde duverre ne fait que commencer. n

29

TECHNIQUE ‡ LASER

VOL.15 N°6 • DÉCEMBRE 2009 Verre

Figure 6 : marquage intra-volume anti-contrefaçon

Figure 7 : marquage intra-volume anti-contrefaçon

Remerciements et sources :Amplitude Systemes, Eolite Systems, ES Technology, Novalase, Rofin, Synrad, Trackinside

h

h

© A

lpha

nov

© A

lpha

nov