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Vers une ontologie fibrillaire structurante § Towards a structuring fibrillar ontology J.-C. Guimberteau Institut Aquitain de la main, 56, alle ´e des Tulipes, 33600 Bordeaux-Pessac, France MOTS CLÉS Ontologie ; Structurant ; Chaos ; Fibrilles ; Microvolumes ; Microvacuoles ; Matière ; NéoDarwinisme Résumé La difficulté rencontrée dans les décennies et siècles précédents pour définir la manière dont la matière de nos corps pouvait être organisée, architecturée, était parfaitement expliquée par l’impossibilité à l’explorer en détail. Depuis l’apparition du microscope, la perception de l’unité basique qui est la cellule a été essentielle pour comprendre le fonctionne- ment de la reproduction, de la transmission mais n’a pas pu expliquer la notion de forme. Car les cellules ne sont pas partout et ne sont pas réparties de façon apparemment équilibrée. Reste non seulement le problème de la forme, du volume mais aussi du lien. Le concept de l’architecture multifibrillaire façonnant de microvolumes interfibrillaires dans l’espace permet d’apporter une solution à tous ces questionnements. Les structures architecturantes mises en évidence, faites de fibres, fibrilles et microfibrilles du niveau mésoscopique au niveau microscopique, donnent à la notion de forme vivante un rationalisme structurant permettant d’associer la biodynamique physicochimique moléculaire à la physique quantique : la forme peut alors se décrire et s’interpréter et une véritable ontologie structurante est élaborée au travers d’une unité fonctionnelle basique qui est la microvacuole, volume intrafibrillaire et interfibrillaire, d’orga- nisation fractale et de répartition chaotique. Bien sûr, de nouveaux concepts moins linéaires, moins finalistes et moins déterministes seront sous-tendus par cette ontologie, incitant à penser que l’émergence de la vie aurait eu lieu dans la soumission à des forces qui auraient imposé la forme originelle et orienté la finalité adaptative. # 2012 Publié par Elsevier Masson SAS. KEYWORDS Ontology; Structuring; Chaos; Fibrils; Microvolumes; Microvacuoles; Matter; Summary Over previous decades and centuries, the difficulty encountered in the manner in which the tissue of our bodies is organised, and structured, is clearly explained by the impossibility of exploring it in detail. Since the creation of the microscope, the perception of the basic unity, which is the cell, has been essential in understanding the functioning of reproduction and of transmission, but has not been able to explain the notion of form; since the cells are not everywhere and are not distributed in an apparently balanced manner. The problems that remain are those of form and volume and also of connection. The concept of multifibrillar architecture, shaping the interfibrillar microvolumes in space, represents a solu- tion to all these questions. The architectural structures revealed, made up of fibres, fibrils and microfibrils, from the mesoscopic to the microscopic level, provide the concept of a living form Annales de chirurgie plastique esthétique (2012) 57, 527529 § Nous remercions Mr Guimberteau et la société EndoVivo de nous avoir autorisés à reproduire dans le présent article et son complément en ligne les photos 1 et 2. Toute demande de reproduction desdites photos et vidéos doit être adressée à : [email protected]. Adresse e-mail : [email protected]. Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com 0294-1260/$ see front matter # 2012 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2012.07.004

Vers une ontologie fibrillaire structurante

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Vers une ontologie fibrillaire structurante§

Towards a structuring fibrillar ontology

J.-C. Guimberteau

Institut Aquitain de la main, 56, allee des Tulipes, 33600 Bordeaux-Pessac, France

MOTS CLÉSOntologie ;Structurant ;Chaos ;Fibrilles ;Microvolumes ;Microvacuoles ;Matière ;NéoDarwinisme

Résumé La difficulté rencontrée dans les décennies et siècles précédents pour définir lamanière dont la matière de nos corps pouvait être organisée, architecturée, était parfaitementexpliquée par l’impossibilité à l’explorer en détail. Depuis l’apparition du microscope, laperception de l’unité basique qui est la cellule a été essentielle pour comprendre le fonctionne-ment de la reproduction, de la transmission mais n’a pas pu expliquer la notion de forme. Car lescellules ne sont pas partout et ne sont pas réparties de façon apparemment équilibrée. Reste nonseulement le problème de la forme, du volume mais aussi du lien. Le concept de l’architecturemultifibrillaire façonnant de microvolumes interfibrillaires dans l’espace permet d’apporter unesolution à tous ces questionnements. Les structures architecturantes mises en évidence, faitesde fibres, fibrilles et microfibrilles du niveau mésoscopique au niveau microscopique, donnent àla notion de forme vivante un rationalisme structurant permettant d’associer la biodynamiquephysicochimique moléculaire à la physique quantique : la forme peut alors se décrire ets’interpréter et une véritable ontologie structurante est élaborée au travers d’une unitéfonctionnelle basique qui est la microvacuole, volume intrafibrillaire et interfibrillaire, d’orga-nisation fractale et de répartition chaotique. Bien sûr, de nouveaux concepts moins linéaires,moins finalistes et moins déterministes seront sous-tendus par cette ontologie, incitant à penserque l’émergence de la vie aurait eu lieu dans la soumission à des forces qui auraient imposé laforme originelle et orienté la finalité adaptative.# 2012 Publié par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDSOntology;Structuring;Chaos;Fibrils;Microvolumes;Microvacuoles;Matter;

Summary Over previous decades and centuries, the difficulty encountered in the manner inwhich the tissue of our bodies is organised, and structured, is clearly explained by theimpossibility of exploring it in detail. Since the creation of the microscope, the perceptionof the basic unity, which is the cell, has been essential in understanding the functioning ofreproduction and of transmission, but has not been able to explain the notion of form; since thecells are not everywhere and are not distributed in an apparently balanced manner. Theproblems that remain are those of form and volume and also of connection. The concept ofmultifibrillar architecture, shaping the interfibrillar microvolumes in space, represents a solu-tion to all these questions. The architectural structures revealed, made up of fibres, fibrils andmicrofibrils, from the mesoscopic to the microscopic level, provide the concept of a living form

Annales de chirurgie plastique esthétique (2012) 57, 527—529

§ Nous remercions Mr Guimberteau et la société EndoVivo de nous avoir autorisés à reproduire dans le présent article et son complément enligne les photos 1 et 2. Toute demande de reproduction desdites photos et vidéos doit être adressée à : [email protected].

Adresse e-mail : [email protected].

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

0294-1260/$ — see front matter # 2012 Publié par Elsevier Masson SAS.

http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2012.07.004

NeoDarwinism with structural rationalism that permits the association of psychochemical molecular biody-namics and quantum physics: the form can thus be described and interpreted, and a truestructural ontology is elaborated from a basic functional unity, which is the microvacuole, theintra and interfibrillar volume of the fractal organisation, and the chaotic distribution. Naturally,new, less linear, less conclusive, and less specific concepts will be implied by this ontology,leading one to believe that the emergence of life takes place under submission to forces that theoriginal form will have imposed and oriented the adaptive finality.# 2012 Published by Elsevier Masson SAS.

528 J.-C. Guimberteau

Figure 1 Croisement de fibrilles colonisées par des cellules.

Un système global, un maillage que l’onretrouve partout, dans l’ensemble du corps

Tous les organes peuvent être imaginés constitués par cetype de trame avec bien sûr des spécificités architecturales.L’étude de la peau et de son organisation entre épidermederme et hypoderme est parfaitement démonstrative del’intégration des fonctions cellulaires au sein de ce tramagedont la densité, le remplissage plus ou moins cellularisé enfonction du rôle, déterminent les fameuses couches. Mais cescouches en fait n’existent pas. Elles nous arrangent pour lacompréhension seulement. Par ailleurs, l’étude minutieusede la surface de l’épiderme divisée en petits polyèdresd’environ 500 m, prouve que ces formes sont étroitementla conséquence du maillage fibrillaire sous-jacent.

Même les alvéoles pulmonaires ou une coupe de foie ou detube digestif inspirent cette organisation ainsi que lesystème dit Haversien osseux. Alors, si le lien est total duniveau mésoscopique au niveau microscopique et si ce lienest généralisé à la forme, il est assez logique de faire unerelation entre ce lien et la forme et d’essayer d’aborder unenouvelle ontologie structurante.

Vers une ontologie structurante

Un rationalisme structurant sous l’influencedes forces et règles physiques

À travers des observations irréfutables [1—5], s’impose unecontinuité dans l’architecture du vivant faite de connexionsspatiales dans les trois dimensions reliant les parties dans untout organique. La matière s’organise qualitativement pourdonner des formes et cette morphogenèse demande undéploiement des unités structurantes pour engendrer uneunité concrète, réelle et perceptible.

Le concept de microvacuole ou micro espace avec sarépartition d’échelles aux alentours des 10 m, de scissiparitépour assumer la croissance en faisant participer lephénomène du branching respectent les forces physiquesprimordiales qui induisent à sélectionner des formes, maisaussi les règles de la physique newtonienne et quantique(Fig. 1).

Tous ces éléments permettent de penser à l’organisationde la forme, humaine en la circonstance, mais aussi pour lesautres espèces animales et végétales.

La forme peut se concevoir à travers toutes nos observa-tions comme un empilement de ces microvacuoles non pas encouches, non pas en strates mais en réseaux non hiérar-chisés, soit remplies de glycoaminoglycanes soit par deséléments cellulaires de toute nature et fonction.

On peut aussi désormais avec tous les renseignementsobtenus par vidéo, [6] penser à la façon dont bougent lesstructures, puis reviennent à l’état de repos, comment ellesreçoivent toutes les informations sans aucune discontinuitétissulaire hormis la nécessité fonctionnelle.

Par ailleurs, le lien avec l’organisation fibrillaire de col-lagène et son organisation moléculaire est déjà plus imagi-nable mais aussi le lien avec la cellule elle-même avec toutesles intégrines et les différents collagènes, assurant la cohé-sion intercellulaire.

Car tous les constituants auront inévitablement unespécification. La vision, même, des chromosomes peut alorss’interpréter en termes morphologiques, d’alignement deprotéines certes spéciales mais qui ne sont pas différemmentdisposées de celles du collagène en restant dans un cadrepurement morphodynamique.

Et donc la protéine trouve sa place dans cette organisa-tion et la biochimie peut alors s’interpréter non pas entermes chimiques mais en dynamique intégrée dans le mou-vement général. Les représentations traditionnelles devrontavoir leur pendant dynamique. La cytochimie, la biochimiesouvent vécues en parallèles avec le vivant, trouverontcertainement au travers de ce lien morphodynamique unenouvelle interprétation. Le lien peut être établi de façonassurée car issu de l’observation.

Le maillage multimicrovacuolaire, cette dispositionpseudo géométrique au sein même de la matière, lui servantd’architecture basique fait donc la jonction entre les mathé-maticiens, les biochimistes et les physiciens. Par ses

Figure 2 Volutes vasculaires.

Vers une ontologie fibrillaire structurante 529

capacités à s’adapter à l’espace, à créer le lien qui n’est quephysicochimique depuis la surface cutanée et l’assemblagemoléculaire, à réaliser toutes les formes possibles, ce tissageen trois dimensions fibrillaire puis moléculaire associe lacapacité de répondre aux accroissements de forme, decomplexité et à leurs changements sous l’effet des forcesphysiques.

Ce concept d’assemblage, pour une fois, est issu d’uneobservation reproductible à partir du vivant qui, seule,pourra apporter les éclaircissements nécessaires à la pour-suite du chemin sans risque d’égarements théoriciens oumêmes modélisateurs.

Le rationalisme structurant envisage la matière vivantecomme un système dynamique en recherche d’équilibre, unetotalité organisée par un système architectural bien iden-tifiable répondant à des lois changeantes en fonction de larelativité d’échelle car la dimension fractale est une condi-tion préalable à toute perception scientifique et toujourssous la même influence des forces universelles.

Ces forces physiques qui sont les pressions osmotiques,atmosphériques, les polarités de l’électromagnétisme, latempérature, la gravité, les forces nucléaires fortes et fai-bles ont imposé des formes qui persisteront dans l’évolution.

La connexion structurale et l’organisation positionnelle deséléments n’est pas une simple contiguïté spatiale. La disposi-tion, la variété en formes, volumes, couleur des lobulesgraisseux n’est pas hasardeuse. Ce problème qui peut semblermineur, recèle en lui toutes les interrogations possibles. Autreproblème souvent éludé, comment l’eau se répartit-elle dansle corps ? Comment assume t-elle le volume en garantissant lespressions ? Comment circule t-elle ? L’observation endosco-pique actuelle ne permet pas des certitudes et de nombreuxtravaux sont à prévoir pour le futur.

Il faut admettre que, contrairement au néo-darwinisme,le primat du fonctionnel ne peut résumer la finalité internemais bien au contraire est soumis à des règles déjà déter-minées par les forces organisatrices de la structure basiquemaillant le volume.

C’est là le mérite de D’Arcy Thomson [7] que d’y avoirsongé alors qu’il n’avait pas les capacités d’observationmicroscopique ou endoscopique actuelle. Il a introduit lerôle des forces physiques dans l’élaboration de la forme et a,en son temps, essayé de résister à la théorie de l’évolutiondarwinienne qui, en dehors du contexte politique, aurait pus’acclimater à cette autre vision du développement carcomplémentaire.

Cette instance organisatrice de la matière est essentielleet détermine la forme. On peut écrire que pour constituerdes assemblages morphologiques, les architectures du vivantrespectent les forces physiques primordiales qui induisent àsélectionner des formes (Fig. 2).

Mais, prudence ! Il faut aussi éviter de penser que cettesorte d’influence aux forces détermine une « harmoniepréétablie » permettant de s’affranchir de toute autre hypo-thèse et revenant à considérer la matière au travers d’unholisme métaphysique.

Il faut rester fidèle à l’observation et à l’expérimentation.

Toute prétention à un concept ontologique ne peut sefaire maintenant que sur une observation du réel. C’est ceque nous avons essayé de faire. Cette observation est acces-sible et reproductible. Je ne reprendrais pour finir qu’unephrase de Spinoza qui nous rappelle que « La matière va versce qui permet à sa puissance d’exercer ».

La matière, un terme galvaudé par des décennies dedialectique matérialiste, doit revenir sereinement au centredu débat scientifique.

La matière est certainement le principe explicatif detout.

Déclaration d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-tion avec cet article.

Références

[1] Guimberteau JC, Sentucq-Rigall J, Panconi B, Boileau R, MoutonP, Bakhach J. Introduction to the knowledge of subcutaneoussliding system in humans. Ann Chir Plast 2005;50(1):19—34[Microchirurgie].

[2] Guimberteau J.C. http://www.futura-sciences.com. Au coeurde la science http://www.futura-sciences.com/comprendre/d/dossier533-1.php?word=720643944 2005.

[3] Guimberteau JC, Delage JP, Wong J. The role and mechanicalbehavior of the connective tissue in tendon sliding. Ann Chir Main2009;29/3:155—66.

[4] Guimberteau JC, Delage JP, Wong J. Faire peau neuve. Ann ChirPlast 2009;55(4):255—66.

[5] Guimberteau JC, Delage JP, Mcgrouther DA, Wong JKF. Themicrovacuolar system: how connectivetissue sliding works. JourHand Surg 2010;1—9.

[6] Guimberteau J.C. « Architectures d’intérieur » film video Endo-vivoProductions. 2011. www.endovivo.com.

[7] D’arcy Thomson. Forme et croissance. Sources du savoir. Seuil.