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Eco-pâturage caprin des Renouées asiatiques invasives : une stratégie de lutte efficace permettant de bonnes performances animales Stefan JURJANZ 1,2 , Catherine SIRGUEY 3 , Alice MICHELOT-ANTALIK 4 , Paul MONTAGNE 5 , Sylvain LERCH 1 1 Unité de Recherche Animal et Fonctionnalités des Produits Animaux, Université de Lorraine-INRA, ENSAIA de Nancy, 2 avenue de la forêt-de-Haye, BP 20163, 54505 Vandoeuvre-lès-Nancy Cedex 2 Association « Amis de la chèvre de Lorraine », siège à l’ENSAIA de Nancy, BP 20163, 54505 Vandoeuvre-lès-Nancy Cedex 3 Laboratoire Sol et Environnement, Université de Lorraine- INRA, ENSAIA de Nancy, 2 avenue de la forêt-de-Haye, BP 20163, 54505 Vandoeuvre-lès-Nancy Cedex 4 Laboratoire Agronomie et Environnement, Université de Lorraine-INRA, ENSAIA de Nancy, 2 avenue de la forêt-de-Haye, BP 20163, 54505 Vandoeuvre-lès-Nancy Cedex 5 Association Floraine, 100 rue du Jardin Botanique, 54600 Villers-lès-Nancy Contact [email protected] Résumé (400 mots max) : Les Renouées asiatiques sont des plantes exotiques envahissantes provoquant d’importants dommages environnementaux (affaiblissement de la biodiversité, uniformisation du paysage…), ainsi que des problèmes de sécurité (visibilité le long des routes, embâcle des cours d’eau…). Face à cette problématique, l’éco-pâturage peut représenter une méthode de lutte intéressante pour les collectivités, puisqu’elle permet d’éviter l’usage d’herbicides et d’intervenir sur des sites peu mécanisables. Malgré de nombreux témoignages encourageantes, à

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Eco-pâturage caprin des Renouées asiatiques invasives : une stratégie de lutte efficace permettant de bonnes performances animales

Stefan JURJANZ1,2, Catherine SIRGUEY3, Alice MICHELOT-ANTALIK4, Paul MONTAGNE5, Sylvain LERCH1

1 Unité de Recherche Animal et Fonctionnalités des Produits Animaux, Université de Lorraine-INRA, ENSAIA de Nancy, 2 avenue de la forêt-de-Haye, BP 20163, 54505 Vandoeuvre-lès-Nancy Cedex

2 Association « Amis de la chèvre de Lorraine », siège à l’ENSAIA de Nancy, BP 20163, 54505 Vandoeuvre-lès-Nancy Cedex

3 Laboratoire Sol et Environnement, Université de Lorraine-INRA, ENSAIA de Nancy, 2 avenue de la forêt-de-Haye, BP 20163, 54505 Vandoeuvre-lès-Nancy Cedex

4 Laboratoire Agronomie et Environnement, Université de Lorraine-INRA, ENSAIA de Nancy, 2 avenue de la forêt-de-Haye, BP 20163, 54505 Vandoeuvre-lès-Nancy Cedex

5 Association Floraine, 100 rue du Jardin Botanique, 54600 Villers-lès-Nancy

Contact [email protected]

Résumé (400 mots max)   : Les Renouées asiatiques sont des plantes exotiques envahissantes provoquant d’importants dommages environnementaux (affaiblissement de la biodiversité, uniformisation du paysage…), ainsi que des problèmes de sécurité (visibilité le long des routes, embâcle des cours d’eau…). Face à cette problématique, l’éco-pâturage peut représenter une méthode de lutte intéressante pour les collectivités, puisqu’elle permet d’éviter l’usage d’herbicides et d’intervenir sur des sites peu mécanisables. Malgré de nombreux témoignages encourageantes, à ce jour très peu de données techniques sont disponibles afin d’objectiver i) l’efficacité de cette stratégie pour affaiblir ces plantes et ii) son intérêt nutritionnel (valeur fourragère de ces plantes) et iii) son éventuel risque sanitaire pour l’animal. En effet, les massifs de Renouées s’installent souvent sur des sols déprisés comme des remblais et nous ne connaissons pas le taux de transfert d’éléments traces métalliques depuis le sol vers les organes aériens des plantes pâturés par les animaux.

Afin de renseigner les deux premières questions (efficacité et valeur nutritionnelle), deux expérimentations ont été mise en place autour de Nancy. Un premier site « Sadoul » (Laxou 54) permet depuis 2015 un suivi de l’éco-pâturage avec deux boucs adultes de race Lorraine sur un petit terrain (1300 m²) en forte pente, complètement envahie par la Renouée de Sakhaline. En 2016, un deuxième site (0,9 ha) sur la commune périurbaine de Belleville (54) est pâturé par 6 à 14 chevrettes de la même race en croissance. Ce deuxième site est composé

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d’une végétation complexe contenant une surface enherbée, un ravin envahi par la Renouée du Japon et une petite bande embroussaillée.Lors du pâturage alternatif, la biomasse à l’entrée et à la sortie de la parcelle ont été mesurée à chaque changement de parcelle par la méthode des quadrats à Sadoul suivie d’une analyse biochimique de la matière sèche des feuilles et des tiges récoltées afin d’estimer leurs valeurs nutritives (UFL et PDI via le recours aux équations INRA et au logiciel Prev’Alim). Ce suivi sur trois ans montre une diminution de la biomasse produite à la mi-juillet par la plante entre la 1ère année (13 t MS/ha) et les années 2 et 3 (9 et 10 t MS/ha) versus un témoin non fauché (envions 15 t MS/ha stable sur les trois ans). Les animaux ingèrent de manière quasi exclusive les feuilles de Renouées en délaissant les tiges. Cette défoliation semble particulièrement efficace dans l’épuisement de la plante dont la vigueur et la propagation ont diminué sur les deux sites. La valeur nutritionnelle des feuilles est proche de celles d’une herbe d’une prairie permanente au plan énergétique (d’avril à juillet 0,9 à 0,7 UFL/kg MS) et même supérieure au plan protéique (110 à 90 g PDIE/kg MS). Par contre, les valeurs notionnelles des tiges s’effondrent très rapidement après le début de la saison de pâturage pour atteindre celles de la paille. Par ailleurs, les animaux n’ingèrent quasiment plus de tiges à partir du mois de mai.Les chevrettes à Belleville ont eu une croissance régulière de 2-3 kg par mois et les boucs ont présentés de bonnes performances reproductives autant en centre d’insémination artificielle qu’en saillie naturelle. En respectant la prophylaxie antiparasitaire, aucun trouble sanitaire notable n’est à mentionner lors des trois ans sur les deux sites d’essais.

Afin de répondre à la troisième question relative au risque de transfert d’éléments traces métalliques, une expérimentation en conditions contrôlées a été conduite. Des Renouées du Japon ont été mis en culture à partir de sections de rhizomes soit sur une terre agricole « classique » (témoin) soit sur ce même sol enrichi en cinq éléments traces métalliques: cadmium (Cd), plomb (Pb), cuivre (Cu), nickel (Ni) et zinc (Zn). Après 6 semaines de culture en conditions optimales de croissance (en Phytotron à 23°C et 80% d’humidité), les plantes ont été récoltées, séparées en trois organes (rhizomes, tiges et feuilles), séchées (72h à 70°C) et broyées (grille d’1,5 mm) avant analyse des éléments traces métalliques par spectromètre à plasma à couplage inductif (ICP-AES). Les plantes cultivées sur un sol enrichi ne contenaient pas plus de Pb ou de Cu que les plantes du sol témoin. En revanche, les concentrations en Cd, Ni et Zn étaient plus élevées (P < 0.001) sur sol enrichi, notamment dans les parties aériennes de la plante. Cependant, les niveaux atteints pour le Ni et le Zn (par kg de matière sèche de la plante : 25 et 15 mg Ni, et 130 et 80 mg Zn /kg matière sèche pour les feuilles et les tiges respectivement) sur ce sol étaient loin des concentrations considérées comme à risque pour la santé des animaux et la sécurité sanitaire de leurs produits (lait, viande). Seul le Cd, avec une concentration sur sol pollué de 1 mg/kg de matière sèche pour les feuilles est proche du seuil réglementaire pour les aliments pour animaux (Directive 2002/32/UE). La concentration élevée dans le sol (8,6 mg Cd/kg de sol sec) et le seuil réglementaire très bas pour ce métal hautement toxique peuvent expliquer cette grande sensibilité qui, par contre, n’est pas propre aux Renouées.

En conclusion, l’éco-pâturage est une stratégie de lutte efficiente afin d’endiguer une invasion en Renouée asiatiques. Par ailleurs, les feuilles de Renouée représentent une ressource fourragère intéressante ce qui est confirmé par les bonnes performances de croissance et de reproduction observées chez les caprins. Le risque sanitaire pour les animaux et leurs produits d’un transfert d’éléments traces métalliques d’un sol modérément contaminé vers les parties aériennes des Renouées est très limité même si un tel risque semble plausible sur des sites fortement contaminés.