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N°37 Décembre 2010 Le Violoncelle Revue de l’Association française du violoncelle Violoncelle37:Mise en page 1 23/11/10 11:11 Page1

Violoncelle37:Mise en page 1 - Association Française du ... · pour violoncelle et piano, Geneviève Teulières-Sommer, ... Légende, Offenbach : Fauré : Après un rêve, Schumann

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N°37D é c e m b r e 2 0 1 0

Le VioloncelleRevue de l ’Associat ion française du violoncel le

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SommaireEditorial..................................................p.3

Informations ........................................p.3-4

Bilan de 10 années d’activités de l’AFV ......p.5

Des nouvelles de Janos Starker .................p.5

Concerts et masterclass .........................p.6-7

Les rencontres de violoncelle d’Amsterdam........................................p.8-9

Enregistrement d’un ensemble de violoncelles : conversation avec Roland Pidoux ........p.10-12

Orchestre : entretien avec Nadine Pierre.....p.12-13

Coup d’œil sur la Chine...........................p.14

Répertoire..............................................p.14

Les ancêtres du violoncelle.................p. 16-17

Une approche philosophique de l’interprétation ............................p.18-20

L’ostéopathie au service des violoncellistes ..............................p.21-22

Le coin desenfants.........p.24

Le Violoncelle

Directeur de la publication : Michel OrianoImprimerie : Expressions II, Paris 20e

N° ISSN 1628-4135N° 37 - Décembre 2010

Présidents d’honneur :Maud Tortelier

Janos Starker Étienne Vatelot

2, rue Jacques Cœur75004 ParisSite internet : www.levioloncelle.com

Revue de l’Association française du violoncelle

Tous leschemins mènentau violoncelle !

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Le Violoncelle N°37 - Décembre 2010 - P 3

Du fait de l’immensité de leur territoire, les Etats-Unis ont crééde nombreuses associations permettant à toutes sortes desphères professionnelles de mettre en contact ceux qui partagent des activités analogues, qu’ils habitent la CôteOuest, la Côte Est, le Middle West, le Texas, l’Arizona, leMontagnes Rocheuses, etc. C’est en suivant ce modèle américainque s’est développé en Europe ce type d’associations, notam-ment depuis les années 1980.

En ce qui concerne l’univers du violoncelle, l’idée de créer uneassociation est née sous l’impulsion de Janos Starker, dont denombreux jeunes Français ont suivi les cours à Bloomington,dans l’Illinois. Le maître leur conseilla de suivre l’exempleaméricain, et de fédérer les amoureux français du violoncelle.Ainsi naquit en décembre 2000 l’Association française duvioloncelle, qui fête aujourd’hui son dixième anniversaire.

A vrai dire, ceci ne constituait pas une nouveauté absolue dansnotre pays, puisque, de 1922 à 1933, nos prédécesseurs avaientdéjà publié un bulletin mensuel, dont nous avons reproduitcertains articles au fil des années. Mais la situation avaitbeaucoup évolué depuis les années 1920, époque du début del’essor de l’école française du violoncelle. Au 21ème siècle,cette «école» n’a plus à faire ses preuves, et notre objectifn’est plus de faire découvrir notre instrument, dont tous lesmélomanes connaissent le répertoire, lequel s’est énormémentdéveloppé au cours du siècle dernier. Il s’agissait essentiellementpour nous d’aider les amoureux du violoncelle, qu’ils soientprofessionnels, étudiants, amateurs, luthiers, compositeurs outout simplement mélomanes, à développer des contacts en les

tenant au courant des activités musicales liées au violoncelle eten leur donnant l’occasion de s’exprimer. Ainsi naquirent notresite internet, fréquenté par des centaines d’internautes, et notrerevue trimestrielle. Si certains craignaient que nous nousconcentrions sur un microcosme, la plupart ont compris qu’àtravers la spécificité du violoncelle, notre objectif est de servirla musique et la culture en général.

Outre notre revue et notre site internet, nous avons, grâce autravail d’un petite équipe de bénévoles, stimulés par la fidélitéet les encouragements de nos adhérents dont le nombre atteintaujourd’hui 1400, organisé diverses manifestations musicalesdont vous trouverez la liste dans ce numéro de notre revue. En décembre 2010 ces activités ont atteint un premier pointculminant avec les trois journées de «VioloncellenSeine»,dont nous rendrons compte dans notre prochain numéro.

Pour l’avenir, nous ne manquons pas de projets, et nos activitésvont dépasser les frontières de notre hexagone, puisque nousallons entrer en partenariat avec des associations étrangèrespour organiser des manifestations internationales, à commencerpar la Grande Bretagne, les Pays Bas, la Suisse, l’Allemagne etla République tchèque.

Plus que jamais, la vie de notre association repose sur lesoutien de nos fidèles adhérents. Tout ce que vous pourrezfaire pour en recruter de nouveaux sera bien venu. Et n’hésitezsurtout pas à nous soumettre vos commentaires, vos idées etvos suggestions. Nous vous en remercions par avance.

Michel Oriano

ÉDITORIALÉDITORIAL

� ASSEMBLÉE GÉNÉRALEA noter dans vos carnets : la prochaine assemblée généralede l’AFV se tiendra le 12 mars 2011 à 14h15 au Conservatoire,

7 rue Duranti, 75011 Paris.

� ANNIVERSAIRESNous ne manquerons naturellement pas de vous rendre compte

de nos journées VioloncellenSeine (3-5 décembre 2010) dans

notre prochain numéro, en espérant que vous aurez pu yassister nombreux pour profiter des concours de lutherie etde jeunes violoncellistes, de l’audition des concerts et desmasterclass, et de la célébration du 10ème anniversaire del’AFV. www.violoncellenseine

Signalons que, par le fruit du hasard, nos amis violonistesont également célébré en novembre le 10ème anniversairede leur association L’AMiRéSol

INFORMATIONSINFORMATIONS

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� INTERNETPour entendre Hervé Chiapparin jouer au sommet d’unemontagne, il suffit de cliquer sur le forum du site de l’AFV,www.levioloncelle.com (rubrique Auditorium). Dans unsalon, dans une église, dans un champ, sur le flanc decollines boisées, il joue également des pièces diverses etvariées allant de mouvements des Suites de Bach à desvariations de Sevcik. Une chouette balade !

La même rubrique de notre site vous permettra d’entendredes vidéos effectuées par des amis violoncellistes fréquentantde notre forum.

� PARTITIONS• Dvorak : Légende pour 8 violoncelles, original pourorchestre, transcription Roland Pidoux (Billaudot).

• Alain Bernaud : Partita en ut mineur (Combre).

• Claude Pascal : Ricordanza pour violoncelle et piano(Combre).

• Farid Zehar : Romance pour violoncelle et piano(Billaudot).

• Roselyne Masset-Lecocq : Tryptique pour violoncelle etpiano (Billaudot).

• Turina : Circilo, op 91, pour piano, violon et violoncelle(Union Musical ediciones).

• Tarrega: Recuerdos de Alambra, pour piano, violon etvioloncello (Schott).

• Gabrielli : 7 Ricercare, pour violoncelle seul (Schott).

• Heller : Patchwork, quatuor à cordes n°3 (Schott).

• Heller : La Caleta, quatuor à cordes n°2 (Schott).

• Bruch : Kol Nidrei, réduction pour violoncelle et piano(Schott).

• Fauré : Sicilienne, pour violoncelle et piano (Schott).

• Claus-Dieter Ludwig : Happy Birthday, une sérénade encinq services pour violoncelle et piano. (Schott).

• Chopin : Sonate pour violoncelle et piano, urtext (Henle Verlag).

• The Cello Collection : 3 recueils s’adressant à des violon-cellistes débutants ou d’un niveau plus élevé, accompagnésde disques et d’une partie d’accompagnement de piano.Offre spéciale réservée aux professeurs de violoncelle(15,45 euros au lieu de 23,45 euros). (De Hasque, e-mail :[email protected] ; www.dehaske.com).

� DISQUES• Rachmaninov : « Silent Night » : Sonate, 2 mélodies,Vocalise. Marie-Paule Milone, Denis Pascal, piano. (Polymi).

• Strauss : Sonate op.6 ; Romance en fa ; Lalo : Sonatepour violoncelle et piano, Geneviève Teulières-Sommer,Daniel Adri, piano. (Lyrinx).

• Schubert : Arpeggione, Sonatine, Trio op 99, MarcCoppey, Il y a Gringolis, violon, Peter Laul, piano. (Aeon).

• Méditations pour 8 violoncelles : (Arrangements deRoland Pidoux) : Bloch, Prière, Casals, Chant des oiseaux,Rachmaninov : Vocalise, Dvorak : Légende, Offenbach :Les Larmes de Jacqueline, Fauré : Après un rêve,Schumann : Gedichte, Liederkreis n° 1, 5 et 7, Wagner : O du, main holder Abendstern (Tannhauser), Verdi : Ellagiammai m’amo (Don Carlo), Tchaikovsky : Andantefunèbre. Emmanuelle Bertrand, Eric-Maria Couturier,Emmanuel Gaugué, Xavier Phillips, Raphaël Pidoux,Roland Pidoux, Nadine Pierre, François Salque. (Mirare).

• Strauss : Sonate op.6 ; Romance en fa ; Lalo : Sonatepour violoncelle et piano, Geneviève Teulières-Sommer,Daniel Adri, piano. (Lyrinx).

• Britten : Symphonie pour violoncelle et orchestre ; Suitepour violoncelle n°1. Peter Wispelwey, orch. Symphoniquede Flandres, dir. Seikyo Kim. (Abeille).

• Saint Saens : Concerto pour violoncelle, Sonate pourvioloncelle, Carnaval des animaux, Henri Demarquette,Ensemble Orchestral de Paris (Mirare).

• Chopin : Sonate op.65, Introduction et Polonaise op.3,Grand Duo Concertant op. 16 pour piano et violoncelle,Trio op.8. Andrzej Bauer, J.-K. Brja pianoforte, J. Jakowicz,violon. (Codaex).

• Davidoff : Concertos pour violoncelle. Wen-Sinn Yang,orch symphonique de Shangai, dir. Terje Mikkelsen.(Codaex).

• Holbrooke : Concerto cambien pour violoncelle et autresœuvres, Raphael Wallfish, Royal Liverpool PhilharmonicOrchestra, dir. George Vass (Dutton).

Signalons également les nouveaux CD devioloncelle réalisés à partir de disques vinyl,sous le label FORGOTTEN RECORDS :

• Kodaly : Sonate pour violoncelle et piano, Duo pourviolon et violoncelle, Sonate pour violoncelle seul, JanosStarker, Arnod Eidus, violon, Otto Herz, piano (enr. 1950).

• Katchaturian : Concerto, Max Bruch : Sonate et KolNidrei, André Navarra, Orchestre Colonne (enr. 1957).

• J.S. Bach : 3 Sonates pour violoncelle et clavecin ;

• Vivaldi : 6 Sonates pour violoncelle et clavecin, AntonioJanigro, Robert Veyron-Lacroix, clavecin (enr. 1956).

� VENTE D’INSTRUMENTA vendre : violoncelle de Jacques Bauer, 1985, en parfaitétat. Valeur : 16 500 euros. Contact : C. et M.P. Gauthier,26bis rue du Lieutenant Augé, 44230 Saint Sébastion ; tél.02 40 34 67 38 ; e-mail : [email protected]

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> Création du site internetwww.levioloncelle.com, fréquenté par des milliers d’internautes.

> Publication de 37 numéros de la revue trimestrielle «Le Violoncelle ». Informations sur l’actualité ;environ 400 articles illustrés par des centaines d’images,interviews d’une soixantaine devioloncellistes, luthiers, compo-siteurs, musiciens professionnelset amateurs, mélomanes, plasticiens, cinéastes, éditeurs de disques et de partitions, écrivains, élèves, médecins, etc.,coups d’œil sur divers paysétrangers, courriers des lecteurs,etc.

> Participation annuelle au Salon Musicora.

> Parainage de concerts.

> Masterclass de Luis-GarciaRenart, 2003.

> Participation à l’hommage à Maurice Gendron (CNSMD)2004.

> Journée d’hommage à Maurice Baquet, 2005.

> Colloque sur l’acoustique du violoncelle (en coll. avec le CNRS), 2005.

> Elaboration d’un dossier sur levioloncelle dans «La Lettre duMusicien », 2005.

> Invitation aux journées du patrimoine de Mirecourt, 2006.

> Hommage à Pierre Fournier à Lyon et à Paris, 2006.

> Masterclass d’Anner Bylsma(fév. 2007).

> Journées d’hommage à l’écolefrançaise de violoncelle àLondres (en coll. avec la London Cello Society), 2007.

> Invitation de l’Ensemble de violoncelles de ChampagneArdennes, 2007 et 2008.

> Participation au repiquage en CD d’enregistrements dequelques grands violoncellistesfrançais du 20ème siècle, sous le label «Forgotten Records »,2008.

> Partenariat avec le concoursRostropovitch 2005 et 2009.

> Concours Rostropovitch junior,2005 et 2009.

> Co-production d’un film consacréà Janos Starker, 2010.

> Journées «VioloncellenSeine »,2010.

Janos Starker, 86 ans, Maitre Musicien, certainement l’un des derniersgrands «monstres sacrés» vivants de l’histoire des interprètes du XXèmesiècle, est toujours, et peut être plus que jamais, porteur d’une traditionauprès de la jeune génération des musiciens venus des quatre coins du monde

à la Jacob School of Music de Bloomington, où planent les légendaires présences des Gingold, Sebok et Pressler, purs produitsde la période du «brain trust » américain, une université attachée à capter les musiciens les plus significatifs de l’Europe : cetteécole de musique a ainsi contribué à sauver la tradition mise en péril par l’écroulement culturel de la Mittel Europa au sortir dudeuxieme conflit mondial. Une tradition qui constitua le véritable chaînon manquant entre le début et la fin du XXème siècle,période où la musique classique, le sens et la vie ne font qu’un.

Au mois de novembre, avec mon mari Denis Pascal, nous avons eu la joie de passer 8 jours auprès de Janos à Bloomington, enassistant aux 2h30 de cours qu’il dispense chaque jour : un retour sur ces lieux mythiques, pour reprendre le fil des conversations commencées avec lui lors de ses dernières masterclasses en Europe à Bâle.

Le geste aiguisé, l’esprit éclatant, une virtuosité sans faille, l’archet ciselant les plus précieux phrasés dans Kodaly, Beethoven,Bach, Brahms, Strauss, le message est toujours aussi convain-quant, porteur, structurant pour la vie de tous les jeunesmusiciens qui viennent des quatre coins du monde pour seperfectionner en suivant ses cours.

Nous nous réjouissons de l’incroyable chance d’avoir puétablir avec un tel héritier de la tradition de la musiqueoccidentale, un échange qui, loin de se tarir avec les années,illumine comme un défi le temps qui passe.

Des nouvelles de Janos StarkerDes nouvelles de Janos StarkerPar Marie-Paule Milone

Président d’honneur de notre association, Janos Starker a été célébré par l’AFVle 3 décembre au CRR de Paris par la projection du film d’Etienne Blanchon,co-produit par notre association. Marie-Paule Milone, qui lui a récemmentrendu visite aux Etats-Unis, nous donne ici quelques nouvelles de lui.

ESQUISSE DE BILAN DES ACTIVITES DE L’AFVESQUISSE DE BILAN DES ACTIVITES DE L’AFV(2000-2010)(2000-2010)

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CONCERTS ET MASTERCLASSCONCERTS ET MASTERCLASS

Peut-on se divertir en jouant des Etudes ? Sous l’égidede l’AFV, c’est ce que tenteront de faire les violoncellistesdu réseau des Conservatoires de Paris (Centre de Paris, XIeet XVIe) en interprétant les «40 Etudes Amusantes » pourvioloncelle et piano (ou deux violoncelles) de FrédéricBorsarello, harmonisées par le compositeur Alain Bernaud,les 5 Mars (XVIe) et 12 Mars 2011 (XIe).

Création du Concerto de Fabien Gregorutti parRomain Garioud, les 14 et 15 décembre 2010 à l’Eglise dela Trinité, Paris.

Hommage à Maurice Gendron. Bernard Scoatariu,violoncelle solo de l’Orchestre de Bretagne et ancien élèvede Maurice Gendron et de Jean Hubeau, nous a fait parvenirle message suivant :

Le 3 avril 2011, l’anniversaire de la disparition de MauriceGendron sera célébré au cours d’une journée d’hommage à l’Abbaye de Royaumont, qui sera l’occasion de fêter sa personnalité musicale, son humanisme, sa carrière, sarelation à l’enseignement...

Maître de musique plutôt que violoncelliste, son jeu agrandement fait évoluer la technique du violoncelle, etPablo Casals disait de lui : « enfin quelqu’un qui ne joue pascomme moi... ! »

Cultivé, ami des artistes de son temps, exigeant à l’extrême, ilétait très attaché à l’enseignement et nous a ouvert une voie depureté et d’absolu qui sont pour tous un objectif à atteindre,une visée constante... Sa sonorité magnifique et cristalline,son sens du phrasé et des coups d’archet, son discours musicalen font un musicien qu’il faut absolument découvrir.

Cette journée de convivialité et de partage rassembleraanciens élèves, étudiants, musiciens de tous bords, autourde concerts, de films, de photos, de correspondances, detémoignages, d’un buffet etc...

Informations et réservations via le site internet de l’Abbaye etl’Association Française du Violoncelle, www.levioloncelle.com

Hommage au compositeur Paul Sacher. PaulSacher né le 28 avril 1906 à Bâle et mort le 26 mai 1999dans cette même ville, était un chef d’orchestre et un industriel suisse, connu pour être un grand mécène de lamusique classique contemporaine.

En 1976, Mstislav Rostropovitch commanda un cycle dedouze œuvres pour violoncelle seul à douze compositeursdifférents ayant pour thème le «nom» de S-A-C-H-E-R :mi, la do, si, mi, ré) en hommage à Paul Sacher. Dans lecourant de l’année 2011, le violoncelliste tchèqueFrantisek Brikcius consacrera un concert à l’interprétationintégrale de ces douze pièces, signées respectivement par C.Beck, L. Berio, P. Boulez, B. Britten, H. Dutilleux,W. Fortner, A. Ginastera, C. Halfter, H.W. Henze, H.Holliger, K. Huber et W. Lutoslawski. Voir www.Brickcius.com

A l’initiative de ses professeurs de violoncelle, Marina Nguyen The et Clara Zaoui, le ConservatoireMaurice-Ravel de Levallois aura le grand plaisir d’accueillirles 21 et 22 janvier 2011 le violoncelliste et pédagogueXavier Gagnepain pour une double prestation : un récitalvioloncelle seul (le 21) et une master-class publique (le 22),dispensée aux élèves de la classe de violoncelle duConservatoire de Levallois.

Xavier Gagnepain, titulaire de prix internationaux,chambriste engagé (Quatuor Rosamonde), invité par lesgrands ensembles européens, consacre aussi une partie deson temps à la direction d’orchestre. Son dernier disqueconsacré à l’œuvre complète de Gabriel Fauré pour violoncelle et piano a reçu l’éloge unanime de la critique.Professeur au Conservatoire à Rayonnement Régional deBoulogne-Billancourt, sa réputation de pédagogue estimmense. Son livre, « Du musicien en général… au violoncellisteen particulier», commandé par la Cité de la Musique,connaît un vif succès.

Le concert et la master-class auront lieu dans la salle Ravel du tout nouveau Conservatoire de Levallois et serontl’occasion de rendre accessible aux violoncellistes de tousniveaux, mais aussi au grand public et à tous les amoureux

Paul Sacher

Maurice Gendron

Le Violoncelle N°37 - Décembre 2010 - P 6

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de la musique, la richesse des enseignements d’un grandmusicien.

- Vendredi 21 janvier 20h30 : Concert : Récital violoncelleseul.Tarifs : 10 et 15 Euros

- Samedi 22 janvier de 14h à 18h : Master class. Entréelibre sur réservation.

En 2011, André Navarra aurait eu 100 ans. A samémoire, Yvan Chiffoleau, professeur au CNSM de Lyon,donnera un récital le 4 février 2011 à la Salle Gaveau,accompagné par la pianiste Danièle Renault-Fasquelle, quifut en son début de carrière la pianiste de classe de Navarra.Le programme conçu à partir d’un répertoire qu’affectionnaitNavarra, comportera des œuvres de Valentini, Bach,Beethoven, de Falla et Brahms.

Ainsi que nous l’avons déjà annoncé, nos amisvioloncellistes sont cordialement invités à nous signalerleurs activités (concerts, masterclass, etc), que nousserons heureux d’annoncer à nos lecteurs, à conditiond’en recevoir l’information suffisamment à l’avance,en tenant compte des délais d’impression.

La MarionnetteLa MarionnetteDans un DVD enregistré en 1999, une marionnette jouedu violoncelle. Pendant qu’elle joue, elle est dérangéepar les fils qui sont tirés ponctuellement, et qui la fontjouer faux et l’empêchent même de jouer. Lors dumontage, ces moments de dérangement et les erreurssont sélectionnés et arrangés de façon à recréer unenouvelle composition. L’ensemble des images et dessons hachés transforme la musicienne sérieuse en unpersonnage absurde et désopilant.

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Le Violoncelle N°37 - Décembre 2010 - P 8

Les journées de la deuxièmeBiennale de violoncelled’Amsterdam se sont dérou-lées du 5 au 13 novembre2010. Un public nombreux aassisté aux divers volets decet événement qui a pris unedimension internationale,puisque des violoncellistes

allemands, russes, américains, français, chinois et lithua-niens sont venus se joindre à leurs collègues néerlandais, cequi nous a donné l’occasion de rencontrer des musiciensvenant des quatre coins du monde, ainsi que des luthiers,des éditeurs de disques et de partitions, et de nombreuxmélomanes.

Chaque journée était inaugurée à 9 heures 30 par une séanceintitulée Bach and Breakfast, au cours de laquelle un violon-celliste interprétait une Suite de Bach. Le lundi, après avoirjoué la 5ème, Raphaël Pidoux nous a notamment déclaré quejouer ces œuvres aux aurores s’avére agréable, dans la mesureoù l’on se sent particulièrement frais et dispos.

Une série de master classes ont été données successivementpar Natalia Gutman, Giovanni Solima, Jean-GuihenQueyras, Raphael Wallfisch, Valter Despali, Richard Aaron,Dmitry Ferschtman, Michel Strauss, Louise Hopkins,Miklos Perenyi, Alban Gerhardt et Anner Bylsma, lequels’est par ailleurs entretenu publiquement avec certains de ses collègues pour parler de la situation actuelle duvioloncelle dans le monde.

En marge d’un concours national , l’occasion a été donnéeà des jeunes élèves de se produire en public et de mettre enlumière la florissante école de violoncelle néerlandaise,parfois encore trop méconnue. A noter en particulier leconcert donné par un ensemble qui ne réunissait pas moinsde 140 jeunes violoncellistes !

On put également découvrir quelques uns des quelque140 compositeurs hollandais qui ont écrit pour notreinstrument, et dont certains ont fait récemment l’objet detrois enregistrements (voir le site www.cellosonate.nl) quiseront bientôt suivis d’un quatrième, lequel a été présentéau cours d’un concert donné par la violoncelliste DorisHochscheid et le pianiste Frans van Ruth. (1)

Sans être exclusif, le répertoire contemporain a occupéune place centrale dans ces journées au cours desquellesplusieurs œuvres ont été interprétées en première mondiale,parmi lesquelles on peut citer : «Vision and Labyrinth», deWilbert Bulsink, «Blue White Porcelain», de Yang-Yi Bo,«Nieuw work», de Ernst Reijster (interprété par l’auteur,un violoncelliste réputé pour son don de l’improvisation),«Niew werk voor celloen piano», de Theo Verby, «TheArco Arena», de Chiel Meijering, «Notes for Cello», deJan van de Putte, deux concertos de Martijn Padding et deUnsuk Chin.

Plusieurs violoncellistes de renommée internationale ontdonné des concerts en solistes, à savoir Raphael Wallfisch,Michel Strauss, Pieter Wispelwey, Anssi Kartunen, MiklosPerenyi, Christophe Coin, Jean-Guihen Queyras et NataliaGutman.

Les ensembles de violoncelles foisonnaient également aucours de ces journées, ce qui aurait comblé de bonheurPablo Casals qui, au début du 20ème siècle, rêvait de voirnaître un orchestre composé exclusivement de violoncelles :

- L’ensemble Les Violoncelles français (voir p. 10) a notamment donné un concert en alternance avec un quatuorcomposé de Christophe Coin, Raphaël Pidoux, Bruno Philippeet Martin Zeller.

- Sous le titre «Twelve Angry Men» les 12 violoncellistesdu Philharmonique de Berlin ont interprété un programmeoriginal avec leur virtuosité et leur énergie bien connues. (A noter qu’il y a quelques années l’un de ces violoncel-listes allemands nous avait déclaré que cet ensemble necomprenait que des hommes, parce que « comme dans uneéquipe de football, le public n’aurait pas compris que desfemmes s’y joignent». Mais avec le temps, les chosesévoluent, et, une jeune femme s’est récemment jointe à cesmessieurs, à savoir la Française Solène Kermarrec).

- Une soprano s’est jointe à l’ensemble KCello du RoyalConcertgebouw d’Amsterdam pour interpréter notammentdes pièces oubliées, parmi lesquelles figurait l’un des quatrequatuors de violoncelles écrits au 19ème siècle par levioloncelliste russe Kouznetsov, qui fut l’élève de Davidov.

- Dans une chorégraphie originale, des danseurs se sontjoints à 8 violoncellistes néerlandais pour interpréter despièces de Philip Glass qui se prêtaient magnifiquement à cetype de spectacle intitulé Cello et Danse.

LA BIENNALE LA BIENNALE DE VIOLONCELLE D’AMSTERDAMDE VIOLONCELLE D’AMSTERDAM

Photographie de François Séchet

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- L’Ensemble des 6 violoncellistes du Philharmonique de Pékin a interprété un répertoire qui réunissait descompositeurs européens et chinois, tels que Yang Yi-Bo etWang Li-Ping. Cet ensemble a été créé par Chu Wi-Bing,qui fut l’élève de Maurice Gendron. (voir p. 14)

- L’ensemble All-American Cello Band a programmé despièces composées par des élèves de la Juilliard School deNewYork. A noter que ces pièces écrites par Anne Wilson,Gity Raas, Elizabeth Lim et Athena Adamopoulos ont reçude nombreux prix, et que certaines de ces jeunes composi-trices figurent dans le répertoire de Yo-Yo Ma.

- Composé de troisvioloncellistes lithua-niens, l’Ensemble TakeFive s’est distingué parune énergie à touteépreuve, dans unprogramme de pop etde rock, qui rappelle lestyle d’Apocalyptica.

En conclusion, noussouhaitons féliciterles organisateurs deces journées, qui ontconnu un très grandsuccès. A l’avenir,l’Association françaisedu violoncelle sera

heureuse de collaborer avec eux. Par exemple,pourquoi ne pas faire alterner les journéesd’Amsterdam avec des rencontres du même type àParis tous les deux ans ? Affaire à suivre…

1) Voici les noms de ces compositeurs néerlandais enregistrés sur lesdisques Dutch Cello Sonatas : Willem Piper (1842-1907), LuctorPonse (1914_1986), Rudolph Escher (1912-1980), Julius Rohinger(1858-1932), Daniel ve Gohn (1856-1904), Jan Ingerhoven (1876-1951), Matthije Vermenhen (1888-1967).

14 rue de l’Échiquier, 75010 Paris, Francewww.billaudot.com [email protected]

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Le Violoncelle N°37 - Décembre 2010 - P 9

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M.O. On sait que tu as transcrit un nombre de pièces pourensemble de violoncelles. Peux-tu d’abord rappeler ce quit’a incité à le faire ?

R.P. Grâce aux quelques années passées à l’Orchestre del’Opéra de Paris, dont je garde un excellent souvenir, j’aidécouvert un répertoire extraordinaire qui ne m’était pasfamilier. Mon désir de transcrire certainesœuvres pour ensemble de violoncelles est néen partie de cette passion pour l’opéra.

Tout a commencé dans les années 90, à lasuite d’un rêve particulièrement étrange etenvahissant. Un de ces rêves que l’on croitréalité tellement les détails sont précis.C’était une représentation de Carmen deGeorges Bizet où tous les personnagesétaient joués par des violoncelles ! Desinstruments personnifiés, mis en scène,chacun jouant son rôle. Je me souviensencore de cette Carmen, de Michaela, deDon José, d’Escamillo, chantant avec leurvioloncelle les paroles absolument compré-hensibles de leurs airs respectifs.Impressionnant, inquiétant même ! Plutôtque de confier le récit de ce spectacle insolite à unpsychiatre…, j’ai préféré me lancer dans la réalisationmatérielle de ce délire. Tel fut le point de départ de manouvelle activité.

L’ensemble de mes transcriptions est principalement écritpour huit violoncelles, nombre idéal à mon avis pourobtenir une profondeur et une spatialisation du son, tout engarantissant une mise en place efficace, qu’un plus grandnombre rendrait délicate.

M.O. J’ai eu le privilège d’assister à l’enregistrement detreize de ces pièces, que tu as transcrites pour un ensemblede huit violoncelles dans le Temple Luthérien Bon Secoursà Paris. Cette expérience m’a littéralement fasciné. Pourquelle raison as-tu choisi ce lieu magique et silencieux ?Jouer dans une église implique-t-il une adaptation du jeu ?

R.P. Sans aller jusqu’à choisir des cathédrales gigantesques,comme l’a fait Rostropovitch dans la basilique de Vézelay,je pense que l’acoustique de cette église se prête bien à cetype d’enregistrement, car la sécheresse de certains studioss’avère parfois démoralisante. Avec Régis et BrunoPasquier, j’y avais déjà enregistré des trios pour flûte etcordes, un disque qui fut le dernier qu’effectua Jean-PierreRampal, et j’en avais apprécié la qualité, notamment pour

faire ressortir les graves. Jouer dans un lieu comme celui-cin’implique pas une modification de la technique du jeu,mais la dynamique de l’acoustique et certaines réverbéra-tions nous ont parfois amenés à faire de légers réglages, carnous n’avions pas eu l’occasion d’y répéter avant lesséances d’enregistrement.

M.O. En tant qu’auditeur,j’ai senti qu’une prédomi-nance était accordée à lasonorité plutôt qu’audiscours. Tes transcriptionssont en effet des mélodiessans paroles, surtout deslento, qui permettent desonder le potentiel desonorité de notre instru-ment. Quand je parle desonorité plutôt que dediscours, ceci a-t-il unrapport avec l’art vocal ?Peut-on dire que le violon-celle disparait derrière lavoix, derrière l’incantation,

au sens étymologique du terme ? Jusqu’à quel point peut-ondire que les termes «vocalise» ou « incantation» définissentl’ensemble du message de ce disque ? Peut-on dire que, demême qu’une chorale n’est composée que d’un seul instru-ment (la voix), un ensemble de violoncelles se distingued’un orchestre où se côtoient toutes sortes d’instruments ?Que l’instrument disparait derrière le corps ?

R.P. L’instrument s’efface en effet derrière la voix. Chaquepièce comporte une partie soliste qui, à travers ces mélodiessans paroles, chante, parle et raconte quelque chose.

Mais si, comme dans une chorale, l’ensemble n’estcomposé que d’un seul instrument, celui-ci se distingue dela chorale dans la mesure où chacun des violoncellistes doitaborder à un moment ou à un autre toutes les tessitures,depuis celle de la basse jusqu’à celle du soprano. Pour desraisons d’équilibre, je veille en effet à ce que les aigus et lesbasses ne soient pas localisés dans l’espace, que les aigus neviennent pas toujours de la gauche et les graves de la droite.Ceci signifie que mes transcriptions requièrent un très bonniveau technique , et, par exemple, la Légende de Dvorak,éditée récemment par Billaudot, pose quelques problèmesaux 7ème et au 8ème violoncelles qui s’imagineraient jouersimplement les basses.

L’ENREGISTREMENT L’ENREGISTREMENT D’UN ENSEMBLE DE VIOLONCELLESD’UN ENSEMBLE DE VIOLONCELLES

Conversation avec Roland Pidoux

Après avoir remporté un grand succès dans de nombreux festivals, l’ensemble Les Violoncelles français auquel participent Emmanuelle Bertrand, Eric-Maria Couturier, Emmanuel Gaugué, Xavier Phillips, Raphaël et RolandPidoux, Nadine Pierre et François Salque, a effectué pour la première fois un enregistrement de pièces transcritespar Roland Pidoux. Ce disque intitulé «Les Violoncelles français» et sous- titré «Méditations», est paru sous le labelSony (1). Michel Oriano a rencontré Roland Pidoux à ce sujet.

Chaque concert de notre ensemble etson florilège de répétitions, formentcomme un mini salon du violoncelle avecessais d’instruments, d’archets, com-mentaires sur nos illustres prédéces-seurs, discussions sur les pièces nou-velles... sans oublier les rencontres entregénérations quand nous accueillons desplus jeunes. Il est particulièrement stimu-lant de partager la scène avec ses col-lègues et amis du même instrument, à lafois si proches et si différents. On en res-sort avec de nouvelles idées de modesde jeu, de gestuelle, de timbre, de phrasé,de projection sonore...

François Salque

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M.O. En écoutant le disque,intitulé Méditations, j’aiperçu une identité d’inspira-tion ; plutôt qu’une suite demorceaux disparates, il règneune atmosphère constantequi aboutit à l’œuvre uniqueque constitue ce CD où secôtoient des compositeursaussi différents que Schumann,Dvorak, Fauré, Offenbach,Wagner, Tchaikowsky, Bloch,Rachmaninov, Casals et Verdi.Comment ce programme a-t-il été conçu ?

R.P. Le programme a étéconçu en collaboration avecRené Martin, qui aime le violoncelle et tout particulièrementles ensembles de violoncelles. Il s’agissait d’interpréter despièces courtes susceptibles de faire ressortir un maximumdu potentiel de notre instrument. La virtuosité ne joue qu’unrôle secondaire et son rôle s’estompe derrière l’émotion, quien constitue l’essence primordiale. Il règne une couleurhomogène vue par différents compositeurs. C’est un peucomme si on avait soumis un même thème à différentspeintres en leur demandant de l’exprimer selon leur stylepersonnel. Je dirais que chaque pièce du disque constitueune variation sur un même thème.

M.O. Malgré la diversité des compositeurs, j’ai en effetressenti que ce disque avait un fil conducteur, à savoir ledépassement de la vie, une dimension extraterrestre qui sereflète dans certains titres (Après un rêve, Andante funèbre,Légende, Prière, etc. et même Les Oiseaux de Casalss’envolent au-delà de notre planète). C’est de la poésie danslaquelle prédomine une omniprésence de la mélancolieromantique : le non fini, l’évasion de la terre, une dimensionpresque lugubre (au bon sens du terme) : on est transportéailleurs, et l’on ne retombe pas sur terre pendant que vousjouez ; il y a un côté inachevé, une évanescence. Tout sediffuse. On oublie le concret, l’instrument disparait derrièrela musique.

En assistant à vos séances d’enregistrement, j’ai pu observercombien chacun des huit violoncellistes de votre ensemblevivait intensément cette expérience, ce qui se reflétait dans

le comportement de chacun,même lorsque son rôle serésumait épisodiquement àsoutenir les autres en jouantdes rondes. Les gestes,l’expression des visages dechacun des membres del’ensemble est homogène : lemoi de chacun s’effacederrière la communauté.Ainsi, par exemple, mêmelorsqu’elle a plusieursmesures de silence, le regardd’Emmanuelle Bertrand seperd dans l’abstrait danslequel la musique la plonge,ce qui illustre ce que nousdisions sur la disparition de

l’instrument derrière la musique : Emmanuelle continue àjouer, même lorsqu’elle ne joue pas. Et pourtant, comme sesconfrères, Emmanuelle est une musicienne au talent largementconfirmé, qui est loin d’en être à ses premiers pas.

R.P. Il est vrai qu’en assistant à nos séances, tu as pumesurer combien l’œil peut jouer un rôle dans l’écoute de lamusique, ce qui devrait réconforter les musiciens quipensent que le disque ne peut jamais tout à fait remplacerl’écoute d’un concert.

Je dois dire que le talent des violoncellistes de cet ensembles’avère extrêmement gratifiant. Ce sont tous des grandes pointures de lagénération qui gravite autour de laquarantaine, mais font preuve d’unegrande modestie. Loin d’être sujets à unesprit de compétition, il règne entre euxune admiration et un respect mutuels, etils se glorifient de jouer ensemble. Aucunn’exerce de pression individuelle sur lesautres. Paradoxalement, c’est grâce auniveau de leur talent qu’ils savent s’effa-cer quand il le faut, ce qui est égalementdû à leur expérience de chambristes.Chacun joue un instrument de qualité

exceptionnelle, tels qu’un Goffriller, un Cappa, unGagliano, etc… Leur sonorité se mélange harmonieuse-ment, et cette richesse harmonique magnifie l’accompagne-ment. Contrairement à un pianiste qui joue sept notes à lafois avec ses propres mains, ce sont sept individus qui sefondent en un seul en jouant chacun sa propre note.

M.O. J’ai remarqué que, dans certains passages, il arrive que,même lorsque deux violoncellistes jouent à l’unisson, ilsn’adoptent pas nécessairement la même technique. Ainsi, parexemple, dans un certain passage pianissimo, tu tires ton archetprès du chevalet, alors que Xavier Phillips joue sur la touche.

R.P. Ceci est dû à la différence des instruments. Il n’y a pasde recette universelle : pour obtenir une certaine sonorité,on est parfois amené à adapter sa technique en fonction dela facture de son violoncelle. Ceci fait également partie dutravail d’homogénéisation.

Les moments partagés avec l’ensemble « Les Violoncelles Français »sont toujours une fête, une occasion de retrouver les copains, de rire,de jouer ensemble alors que nos activités respectives nous conduisentla plupart du temps à fréquenter des musiciens non-violoncellistes. Etpuis les transcriptions de Roland sont un vrai bonheur, une chance depouvoir s’approprier certaines des plus belles pages symphoniques oulyriques. De l’intérieur, je trouve intéressant de constater l’équilibre quis’opère; cela pourrait être comparé à une forme de mosaïque sonore ;avec un peu de recul on entend un ensemble homogène alors qu’àl’intérieur chacun garde une identité forte à travers son jeu

Emmanuelle Bertrand

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> Peux-tu d’abord nous dire comment tu as commencé ta carrière ?

C’est par hasard que je suis devenue violoncelliste. En effet, quandj’étais petite, je désirais me mettre à la guitare classique, mais,lorsque, à l’âge de sept ans, mes parents ont voulu m’inscrire auconservatoire de Châtillon, où nous habitions, il n’y avait plus deplace dans la classe de guitare et ladirectrice m’a conseillé de faire duvioloncelle, en soulignant que cesdeux instruments se ressemblaient unpeu !

Mais le hasard fait bien les choses, carmon premier professeur fut MartineBailly, qui allait ensuite entrer violon-celle solo à l’Orchestre de l’Opéra deParis, et qui m’a fait progresser très rapidement, au point qu’au boutd’un an, je jouais déjà l’Elégie de Fauré (hum). Martine me fascinait,et je rêvais de devenir comme elle.

Par la suite, j’ai eu la chance de bénéficier des cours de professeurs éminents, puisque, après son départ, Martine fut remplacée successivement par Michel Strauss et Philippe Muller !

> Et bien dis donc, tu as été gâtée ! Peux-tu dire ce que t’ontapporté de particulier chacun de ces grands pédagogues ?

J’ai eu beaucoup de chance ! Ils étaient très différents les uns desautres. Pour schématiser, je dirais que Martine Bailly attachait uneimportance particulière à la main gauche, alors que MichelStrauss insistait surtout sur son approche personnelle de la technique de l’archet. Quant à Philippe Muller, il m’a incitée àjouer moins vite, à travailler des mouvements lents en insistant surla sonorité, le phrasé, la propreté du jeu.

Cet éventail d’approches m’a été très bénéfique, et, après avoirpréparé le conservatoire avec Jean Brizard et Michel Strauss àBoulogne, je suis entrée à 15 ans au CNSM dans la classe dePhilippe Muller. Puis, avec le Quatuor Kandinsky, en perfection-nement de musique de chambre, dans celle de Roland Pidoux. J’ai« retrouvé » plus tard Martine Bailly quand celle-ci m’a permis dela remplacer occasionnellement dans l’Orchestre de l’Opéra et defaire mes premières armes professionnelles.

> Considérant tout ceci, peut-on dire que tu es un pur produitde l’école française de violoncelle ?

Sans doute d’un point de vue pure-ment technique, mais je n’avais pasencore atteint ma maturité lorsqueje suis sortie de CNSM, et j’aiensuite eu la chance d’élargir monouverture d’esprit au cours d’uneannée de perfectionnement auCanada, à la Banff School of FineArts, où j’ai bénéficié des conseils

de grands violoncellistes et musiciens tels que Bylsma, Pressler,Perenyi, Helmerson ou Starker. Toutes ces petites graines seméesau cours de mes années de formation ont ensuite pu éclore petit àpetit dans ma vie professionnelle.

> Et tu as ensuite choisi de partager ta carrière entrel’orchestre et la musique de chambre.

Oui. Parallèlement à mon activité de chambriste au sein duQuatuor Kandinsky, je suis entrée à 22 ans 2ème soliste àl’Orchestre National, dirigé par Lorin Maazel, puis, en 1992, j’aiété recrutée comme violoncelle solo à l’Orchestre Philharmo-nique de Radio France, dirigé par Marek Janowski, un chef qui abeaucoup compté pour moi : sa manière de travailler nous appre-nait à connaître une symphonie sur le bout des doigts en troisheures.

J’ai également joué occasionnellement dans plusieurs orchestreseuropéens, ce qui m’a permis d’enrichir mon approche du métierde musicien d’orchestre.

> Dans le n° 6 de notre revue, Etienne Cardoze, membre del’Ensemble Orchestral de Paris, avait fait remarquer que la« culture orchestrale était plus développée dans certainspays qu’en France, que l’individualisme de nos compatri-otes les amenait à résister, parce que, dans un orchestre, ils

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ORCHESTREORCHESTREEntretien avec Nadine Pierre

M.O. Il faut ajouter que tu n’es pas pour rien dans cetteréussite, car tes arrangements sont magnifiques.

R .P. Il ne s’agit que d’arrangements, car je ne suis pas uncompositeur, et je mets un point d’honneur à respecter lespartitions des compositeurs que je choisis. Mais il est vraique, contrairement aux « réductions» réalisées par exemplepour le piano à partir de conducteurs d’orchestre, les huitvioloncelles donnent de l’ampleur à certaines partitions depiano écrites par exemple pour accompagner un chanteur.

Ceci est notamment frappant dans les Lieder de Schumann,dont l’incroyable richesse harmonique apparait encoremieux lorsqu’on les confie à huit violoncelles, dont lasonorité particulièrement expressive la met en valeur. Ils’agit essentiellement de jouer avec les couleurs en utilisantle potentiel spécifique du violoncelle, lequel se rapprochede celui de la voix humaine et se révèle singulièrement apteà interpréter un répertoire lyrique.

Violoncelle solo de l’Orchestre Philharmonique de RadioFrance, Nadine Pierre fait également partie de l’Octuor « LesVioloncelles français », qui a donné un concert à Amsterdam, oùnous l’avons rencontrée.

L’influence du monde baroque a eu deseffets bénéfiques sur la conception dudialogue à l’intérieur de l’orchestre, oùle chef cesse d’être un « tyran » et considèreses musiciens comme des collabora-teurs, plutôt que comme des esclaves.

(1) Programme du disque : Bloch : Prière, Casals : Chant des oiseaux, Rachmaninov : Vocalise, Dvorak : Légende (Largo de la Symphonie duNouveau Monde), Offenbach : Les Larmes de Jacqueline, Fauré : Après un rêve, Schumann : Gedichte op. 35 n°122 «Alte Laute», Liederkreisop. 39 n°1 « In der Freunde», n° 5 «Mondnacht», et n°7 «Auf einer Burg», Wagner : Tannhauser «O du, mein holder Abenstern», Verdi : DonCarlo «Ella giammai m’amo», Tchaikovsky : Andante funèbre du Quatuor à cordes n°3.

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ont l’impression d’être embrigadés. Ils disait notammentqu’ « en France, quand on n’est pas ensemble, on a tendanceà rejeter la faute sur le chef, alors qu’à Berlin, au contraire,face à un mauvais chef, les musiciens seront deux fois plus attentifs et solidaires et réagiront de façon collective àune situation inconfortable ». Penses-tu, comme Etienne,que notre pays souffre d’une déficience de « cultured’orchestre » ?

Je pense en effet qu’en mettant moins l’accent sur le brio indi-viduel, les Allemands ou les Anglais ont un esprit collectif plusdéveloppé. Mais je demeure optimiste, et je pense que les chosesévoluent dans le bon sens, grâce notamment au développementdes contacts internationaux. Personnellement, j’aimerais voir sedévelopper des échanges entre musiciens d’orchestres européens,comme le font les étudiants dans le cadre d’Erasmus.

En France, nous avons longtemps ététributaires d’un système d’éducation quimettait l’accent sur la réussite individu-elle plutôt que sur l’insertion dans descollectivités. Mais ceci est moins vraiaujourd’hui, car les concours deviennentde plus en plus convoités et difficiles !Les étudiants et les professeurs connaissent mieux le prix d’uneplace de titulaire dans un orchestre… J’ajoute que l’influence dumonde baroque a eu des effets bénéfiques sur la conception dudialogue à l’intérieur de l’orchestre où le chef cesse d’être un« tyran » et considère ses musiciens comme des collaborateurs,plutôt que comme des esclaves ! Entre pupitres également, unfonctionnement plus « démocratique » permet à l’orchestre detendre vers un idéal de musique de chambre à grande échelle.

> Mais ne continue-t-il pas à exister un certain esprit de con-currence, en fonction des pupitres qu’on occupe ?

Tu veux dire en fonction de la « chaise » qu’on occupe dans lepupitre ? Oui, c’est vrai. Si l’on fige un tel ou une telle à telle outelle place, ce danger risque en effet de polluer l’esprit de groupeet de développer l’égocentrisme des uns et des autres. Mais,encore une fois, ceci est en train de changer. Dans mon orchestre,par exemple, une « tourne » est instaurée à l’intérieur de chaquepupitre de cordes, ce qui permet à chacun de jouer « devant » ou« derrière », et les violonistes sont tous appelés à jouer égalementchez les premiers violons ou les seconds. Non sans grincementsde dents au début de cette réforme ! Chacun est ainsi amené àprendre en compte l’importance de ce que l’on considérait commedes « parties secondaires ».L’esprit de hiérarchie s’efface ainsidevant celui de collectivité. En changeant de chaise selon lessemaines, on aboutit à un engagement identique des uns et desautres : chacun prête l’oreille à la partie jouée par son voisin, etl’on se respecte mutuellement. Car, après tout, le rôle d’un pupitred’orchestre n’est-il pas de se mêler dans un ensemble pour pro-duire un son collectif, issu de la fusion des egos individuels ?

Par ailleurs, je suis partie prenante dans le projet du Philar, quivise à valoriser auprès des étudiants le métier de musiciend’orchestre pour que celui ci cesse d’être mal connu et du couppeu reconnu. J’aimerais que le musicien français ne soit plusobligé de « cacher » son poste d’orchestre, mais qu’au contraire,il en soit fier !

Je dois dire que les professeurs ont aussi une grande responsabil-ité dans ce domaine. L’académie du Philharmonique intègre tem-porairement des étudiants dans l’orchestre en leur offrant des con-ditions de travail professionnelles. Il s’avère que les jeunes y pren-nent un grand plaisir et apportent de la fraîcheur ; inversement, les

vieux routiers cessent de se sentir cloués sur leurs chaises et sontrevivifiés par le devoir de transmettre leur expérience. Je reviensici sur l’idée d’échange, que j’avais évoquée plus haut en parlantde stages au sein de diverses formations européennes selon lemodèle des programmes Erasmus. Après tout, l’échange ne con-stitue-t-il pas le concept clef de la vocation d’un musiciend’orchestre ?

> Pour développer cet esprit, ne serait-il pas opportund’inciter les musiciens d’orchestre à jouer de temps entemps dans des petites formations ?

La musique de chambre permet en effet de développer la commu-nication entre les uns et les autres. Il y règne un esprit d’écoute etde dialogue que les grands orchestres ont également intérêt à voirse développer. J’ai fait partie de ceux qui ont milité pour la pro-motion des concerts de musique de chambre à l’intérieur de

l’orchestre, avec la participation de tousles musiciens et non plus seulement dessolistes. Evidemment, il est égalementsouhaitable que chacun puisse s’épanouiren dehors de l’orchestre, comme j’ai lachance de le faire au sein du Trio GeorgeSand (1).

> Parallèlement à ta participation à l’Orchestre de RadioFrance, tu as créé un ensemble, les Phil’Art’Cellistes, avectes collègues violoncellistes. Comment comparerais-tu l’ex-périence de la musique de chambre traditionnelle avec celled’un ensemble de violoncelles ?

Il est sans doute plus facile et plus naturel de jouer avec d’autresinstruments qu’au sein d’un ensemble de violoncelles, dans lequelil s’avère plus délicat de trouver sa place. Je dirais que dans unensemble de violoncelles, la principale difficulté vient dumélange des timbres d’instruments identiques, ainsi que de l’util-isation de toutes les tessitures y compris le suraigu ! Il y a un côtécirque, très jouissif mais aussi très « casse-gueule ». J’ai parfoisl’impression de me retrouver au sein d’une pyramide d’acrobates,ceux du dessous portant ceux du dessus, lesquels planent enéquilibre à 10 mètres du sol ! On trouve plus aisément sa place àcôté d’un violon, avec qui il s’avère plus facile de trouver son rôlede basse, le mélange des sonorités, la justesse…

> Dans ton ensemble, tu joues avec tes collègues de tonorchestre, avec qui tu as l’habitude de collaborer. Eprouves-tu les mêmes sentiments au sein de l’Octuor Les VioloncellesFrançais , composé de musiciens venant d’horizons plusdivers et où se côtoient, outre des violoncellistes d’orchestre,des solistes et des chambristes. (voir p. 10)

Cet octuor bénéficie d’un niveau technique et musical exception-nel. Les arrangements de Roland Pidoux sont particulièrementbien écrits, inspirés par sa profonde connaissance du répertoirelyrique, symphonique et de musique de chambre. Ses orchestra-tions « spatialisées » permettent à chacun de se trouver à tour derôle au sommet de la pyramide. et confèrent à l’ensemble unegrande richesse sonore. Malgré le haut niveau musical de chacundes membres, il règne une modestie, une humilité remarquables.Ces violoncellistes n’ont plus rien à prouver, ils sont tous recon-nus dans leur métier; chacun range son ego pour se fondre avecles autres, en y éprouvant un très grand plaisir ! L’ambiance y estparticulièrement joyeuse. J’ajoute qu’une telle atmosphère seraitsans doute inimaginable chez d’autres instrumentistes, comme lesviolonistes, car la solidarité des violoncellistes n’est pas unelégende.

Propos recueillis par Michel Oriano

Dans un ensemble de violoncelles,il y a un côté cirque, un côtééquilibriste : c'est une pyramideoù l'on risque de perdre sonéquilibre, ce qui engendre le trac.

1) Composé de Anne Lise Gastaldi, Virginie Buscail et Nadine Pierre, le Trio George Sand a enregistré un disque Lili Boulanger/Claude Debussy chezIntégral et un disque comprenant les trios de Ravel, Fauré et Mel Bonis doit prochainement paraître chez Zigzag Territoires.

2) Dans nos précédents numéros, nous nous sommes déjà entretenus avec des violoncellistes d’orchestre, parmi lesquels figurent notamment CyrilleTricoire (n°5, Octobre 2002), Etienne Cardoze, (n°6, Janvier 2003), et Martine Bailly (n°18, Mars 2006).

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Dans le numéro 27 de notre magazine (mai 2007), nous avionsannoncé la parution de A Cellist’s Companion, a ComprehensiveCatalogue of Cello Literature, dont nous avons eu le plaisir derencontrer les auteurs, le Hollandais Henk Lambooij etl’Américain Michael Feves, lors desjournées de la biennale d’Amsterdam.Ceux-ci nous ont dit quelques mots de cecolossal ouvrage, qui constitue une inépuisablesource d’information pour les amoureux denotre instrument.

Tous deux violoncellistes d’orchestredepuis de nombreuses années, cesmusiciens ont également bénéficié d’uneformation de musicologues; ils ont profitéde leur retraite récente pour paracheverune recherche qu’ils menaient depuis35ans. Jusqu’à une époque récente, l’onavait en effet coutume de penser quenotre instrument avait été quelque peunégligé par les compositeurs, mais dansles années 1970, lorsqu’ils avaient été

sollicités pour jouer à la radio des pièces rares, ils avaienteu la surprise de découvrir un gigantesque répertoire oubliéou négligé. Ils ont alors glané les bibliothèques de notreplanète, dans lesquelles ils ont repéré quelque 45 000 parti-

tions écrites depuis 300 ans par 15 000compositeurs pour violoncelle seul ouaccompagné par le piano, la voix oul’orchestre, aussi bien que pour desensembles de toutes dimensions. Y sontégalement recensés un florilège deméthodes et d’études, dont les premièress’inspiraient de la technique du violonavant de se concentrer plus spécifiquementà la spécificité du violoncelle, à l’époquede Duport.

Il s’agit donc ici du premier ouvragerecensant notre répertoire, et nos amisvioloncellistes sont invités à consultercette mine pour y découvrir une myriaded’œuvres oubliées, susceptibles d’élargirleur horizon.

REPERTOIREREPERTOIRE

COUP D’ŒIL SUR LA CHINECOUP D’ŒIL SUR LA CHINEA Amsterdam nous avons eu le plaisir d’échanger quelques mots avecChu Yi-Bing, professeur au Conservatoire de Pékin, qui nous araconté qu’il avait commencé le violoncelle en Chine, à une époqueoù notre instrument n’y était guère répandu. Il y avait cependantrencontré Paul Tortelier, qui s’y était rendu dans le sillage de laRévolution culturelle.

A l’âge de 17 ans, il vint en France, où il passa 5 ans et demi dans laclasse de Maurice Gendron, puis dans d’autres pays européens, etnotamment en Suisse et en Allemagne où il fut violoncelle solo del’Orchestre de la radio bavaroise.

Au bout de 21 ans de séjour à l’étranger, de retour dans son pays natal,il constata les progrès accomplis dans le domaine de la musique, ledéveloppement des orchestres, de la lutherie, dont il dit que ce ne sontque des meubles, mais que les artisans chinois sont de grands expertsquand il s’agit d’effectuer des réparations, des écoles et des gigantesques salles de concert. Mais il souligne que, s’il y a beaucoupde solistes, la musique de chambre y est encore très peu pratiquée.

Il s’efforce personnellement de corriger cette lacune ; avec ses élèves,il a créé un ensemble qui tourne dans le monde et avec qui il a notamment enregistré deux disques..

L’ensemble de violoncelles Chu Yi-Bing

Et puisque nous parlons aujourd’hui de répertoire oublié, nous vous signalons la réédition par G. Henle Verlag del’urtext d’un Intermezzo et d’un Scherzo de Debussy pour violoncelle et piano.

Il s’agit là des premières œuvres pour violoncelle écrites par le compositeur à l’âge d’une vingtaine d’années.L’Intermezzo est un arrangement. Debussy n’avait pas prévu de le publier, mais le manuscrit en fut conservé parPiatigorsky qui le confia en 1945 à un éditeur, avec des annotations de doigtés et de coups d’archet, mais cette premièreédition fut retirée du marché suite à l’intervention de l’administratrice de la succession de Debussy. Quant au Scherzo,il fut publié pour la première fois en 1945 sous le titre « Nocturne et Scherzo».

Commentaire de Philippe Muller : si le Scherzo peut être considéré comme une pièce de moindre importance,l’Intermezzo mérite vraiment d’avoir sa place dans le répertoire des violoncellistes.

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Le Violoncelle N°37 - Décembre 2010 - P 16

La vielle (à ne pas confondre avec la vielle à roue et àclavier), pratiquée par les musiciens cultivés, existaitsous plusieurs formats, dont les plus grands jouaient lerôle de l’alto et de la basse, comportant chacun sixcordes accordées par quartes. Les cordes étaient plusfines et moins tendues que celles des instruments de lafamille du violon moderne, les tables moins épaisses,les éclisses plus hautes, les ouïes en forme de c et nonde f. Le manche était garni de sillets marquant lesdemi-tons, comme c’est encore le cas de la guitare.

Le rebec, en forme de poire arquée en bas : apparenté aurebab mauresque auquel il emprunta le chevillier renverséet le recouvrement de la table d’harmonie par une faussetable en bois ou en métal, il comportait une caisse ventruese rétrécissant jusqu’aux chevilles sans l’intermédiaired’un manche. On entrouve également plusieurs formats.

Le corps de l’instrument est creusé dans la masse de bois,le faisant ressembler à une coque de barque. La peau,

tendue sur le rubab au-dessus dela caisse, est remplacée par unevéritable table d’harmonie. Lenombre de cordes est généralementde trois, parfois quatre.

L’instrument fut surtout utilisédu XVe au XVIIe siècle, parti-culièrement pour accompagnerles danses.

Les ancêtres du violoncelle

La Vielle

Le Rebec

Tromba Marina

Le rebab marocain

Viola pomposa

Lira de gamba

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Curiosités... 5 pièces pour violoncelle seul

pour expérimenter des réflexes digitaux et gestuels.

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Frédéric BORSARELLO

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Le Violoncelle N°37 - Décembre 2010 - P 17

Viole d’amour

L’archet de Marin Marais

Viole de gambeJoueuse de viole

Tête de viole

Viola di bordone

Tête de viole d’amour

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Depuis Pythagore et Platon, selon qui « la musique était une loi morale, qui donne une âme à notre cœur , des ailes àla pensée, de l’essor à l’imagination», beaucoup de philosophes ont réfléchi sur le phénomène de la musique. Pour n’endonner que quelques exemples, Jean-Jacques Rousseau, auteur d’un petit opéra intitulé « Le Divin», écrivit dans sesConfessions : « je recréais mes yeux avec de la musique qui chante bien». Plus tard, Nietzsche, grand admirateur deWagner, et qui pratiqua le piano dès son plus âge , déclara que « la vie sans musique serait une erreur», parce que « il n’y a pas de vérité ; il n’y a que des interprétations».

Au 20ème siècle, on sait qu’Adorno mena une double carrière de musicologue et de philosophe. En réfléchissant sur lephénomène musical, Bergson fut amené à fonder sa réflexion sur le fait que « la durée n’est pas figée, mais est en perpétuelmouvement, car elle détermine le mouvement de la conscience». Autre exemple, en décrivant l’audition d’une mélodie,Edmund Husserl, qui initia le mouvement phénoménologique, a montré comment la conscience donne un sens à lasuccession des notes perçues, établissant que le présent est le passage du passé vers le futur.

Violoncelliste amateur de très bon niveau, Ellen Moysan poursuit actuellement des études de philosophie. Sous la directiondu Professeur Dominique Pradelle, elle vient de soutenir à la Sorbonne un mémoire de master sur l’interprétationmusicale, qui s’appuie sur une étude approfondie du «Prélude» de la quatrième Suite pour violoncelle seul de Bach.

Elle nous a parlé de son travail dont nous citons ensuite deux extraits.

UNE APPROCHE PHILOSOPHIQUE UNE APPROCHE PHILOSOPHIQUE DE L’INTERPRETATIONDE L’INTERPRETATION

Rencontre avec Ellen Moysan

> Un travail universitaire de philosophieconsacré à l’expérience des violoncel-listes, cela ne court pas les rues ! Qu’est-ce qui vous amenée à choisir ce sujet ?

Je viens d’une famille de musiciens et demélomanes, et j’ai commencé à étudier levioloncelle à l’âge de 9 ans. Au bout d’uncertain nombre d’années une mauvaiseposition physique a bloqué ma progression; à l’aide d’une professeure russe j’ai doncdû réapprendre à tenir mon violoncelle de manière plussaine et je suis repartie sur de nouvelles bases. J’ai alorscommencé à réfléchir sur le processus de l’interprétation.Dans le courant de mes premières années d’étude dephilosophie j’ai d’abord travaillé sur l’implication du soidans l’interprétation, puis ma réflexion s’est orientée vers laquestion du temps musical, dela justesse au violoncelle.Enfin, en m’appuyant sur lapensée de Levinas, j’ai travaillésur le problème de l’altéritédans la pratique musicale,notamment sur la relation del’interprète à son public.

> Et dans votre mémoire,vous vous êtes concentrée surl’interprétation.

Oui, j’ai passé ma dernièreannée de master à Rome et j’y ai découvert Pareyson,philosophe italien, qui m’aaidée à approfondir ce thème.Cependant, au lieu de réfléchirà l’expérience créatrice ducompositeur, ou à celle del’auditeur, j’ai désiré partir

d’un point de vue bien précis : celui de l’instrumentiste-violoncelliste. En un mot, je me suis posé la question desavoir en quoi l’interprétation est une double révélation : dutexte à travers l’interprète, et de l’interprète à travers letexte. Je me suis pour cela appuyée sur les travaux de deuxgrands courants philosophiques : la phénoménologie et l’her-

méneutique. Ceci m’a permisd’étudier d’abord la notion dechant intérieur, puis lesproblèmes proprement textuels.

> Mais le violoncelle constitue-t-il un cas particulier ?

Ce que j’ai écrit constitue unnoyau qui pourrait être étenduà d’autres instruments, mais ilfaudrait alors réévaluercertaines questions. L’analysephilosophique n’est pas lamême lorsque l’interprète estvioloncelliste, lorsque c’est unchanteur qui doit lire un textedans une langue donnée véhic-ulant des concepts, ou lorsquec’est un organiste qui doitjouer une partition à plusieursportées en coordonnant les

«Ce qu’il faut c’est rendre vivant ce qui est écrit,lui insuffler la vie et non éviter timidement cettevie. Aucune théorie, si savante soit-elle, aucuneédition, aussi chargée d’annotations qu’onpuisse la présenter, ne pourront remplacer cetteinterprétation, car l’âme d’un chant ne pourrajamais être mise sur papier. »

Pablo Casals

La musique donneune âme à nos cœurset des ailes à nospensées.

Platon

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mains et les pieds. Dans le cas du chanteur il faut plusétudier la question du langage, et dans celui de l’organistecelle du geste, de l’unité corporelle.

> Sur l’interprétation de quelles œuvres vous êtes-vousparticulièrement concentrée ?

Je me suis appuyée sur l’étude du «Prélude» de la 4èmeSuite pour violoncelle seul de Bach, en effectuant d’abordune analyse formelle, puis dans un second temps uneanalyse comparée de quatre éditions, à savoir celles deWestphal, Bazelaire, Barenreiter et Fournier : leurs annota-tions, leurs doigtés, leurs coups d’archet, les liaisons, lesaccents, révèlent en effet des regards très différents sur lamême œuvre. Dans un troisième temps, à partir d’enre-gistrements, j’ai analysé les interprétations respectives deCasals, Tortelier, Bylsma, Queyras, Pergamenshikov etPandolfo. J’ai établi des tableaux comparatifs du tempsd’exécution, des tempos, etc., en tenant compte des époquesde ces enregistrements, qui révèlent une évolution desapproches, ou de l’âge des musiciens, car on ne joue pas dela même manière toute sa vie.

A quelques exceptions près, à commencer par celle deCasals, peu de violoncellistes ont parlé de leur art. Je mesuis donc beaucoup appuyée sur les entretiens de Casalsavec Corredor et sur l’ouvrage de Xavier Gagnepain, « Dumusicien en général au violoncelliste en particulier », que

j’ai découvert grâce au forum du site internet de l’AFV, etqui analyse l’évolution de l’approche d’un interprète, àmesure qu’il travaille une œuvre, en suivant les étapes qu’ildénomme : « je lis», « j’entends», « je joue», « j’écoute»,lesquelles se suivent pendant le travail de l’œuvre.

> Ce qui implique une intervention de l’écoute intérieure,sur laquelle insiste en effet Xavier Gagnepain?

Ce que Casals dénommait « résonance». Elle est en effet lepoint névralgique de l’interprétation dans la mesure où elleest une émanation du texte que l’on travaille, qu’elle senourrit de la culture musicale, de la sensibilité etc. del’interprète, et qu’elle est la condition essentielle d’uneinterprétation personnelle.

> Quel lien peut-on établir entre l’interprète et le texte ?

Vous posez là la question de l’objectivité et du pluralisme.Pour penser cette question il faut d’abord chercher quelssont les critères d’une interprétation correcte, en analysantcette question à l’aide de la notion de traduction : dans notrecas ce serait le respect des notes, du rythme, des nuances...Puis il faut poser la question de la VERITE. Cette véritéexiste-t-elle ? Elle serait alors subjective, plurielle.Comment y a-t-on accès ? Faut-il chercher à jouer comme

on jouait à l’époque du compositeur, comme le compositeurl’aurait voulu, ou au contraire selon nos conditions spatio-temporelles actuelles ? Il y a principalement deux écueils :chercher ou bien la pureté du texte, ou bien la pure subjec-tivité de l’interprète. Le moyen d’y échapper serait alors des’y inscrire dans la tradition, qui donne une distancetemporelle avec le texte respectant son intégrité, et de s’ennourrir pour exprimer sa propre vision de l’œuvre.

Je suis convaincu que votre réflexion, qui s’appuie sur laphénoménologie et l’herméneutique, est susceptibled’intéresser beaucoup de violoncellistes, et je vousencourage à continuer à en parler sur le forum de notresite www.levioloncelle.com.

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Bergson Husserl

NietzcheSchopenhauerLevinas

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TEMPS, TEMPORALITÉET TEMPO DANS LE PRÉLUDEDE LA 4ÈME SUITE DE BACH

En ce qui concerne le traitement tempo-rel de l’œuvre, nous ferons la différenceentre trois paramètres : le temps qui estle minutage de l’extrait, la temporalitéqui est l’impression produite par l’inter-prétation, et le tempo qui est indiqué parle métronome. Ces trois paramètres sontdistincts l’un de l’autre. En effet, letemps réel n’est pas toujours accordé àla temporalité produite. Les interpréta-tions du Prélude de la 4ème Suite parCasals et par Tortelier, qui sont d’unetrès grande régularité du début à la fin,donnent par exemple la même sensationde lenteur alors qu’il y a entre elles plusd’une minute de différence. A l’inverse,l’interprétation de Pandolfo donne uneimpression de grande rapidité alorsqu’elle est légèrement moins rapide quecelle de Bylsma. L’interprétation quinous semblait la plus posée à savoircelle de Pergamenshikov, est en fait laplus rapide. L’impression de l’auditeurest donc beaucoup plus fortement liée autempo choisi par l’interprète qu’au

temps réel. En effet, Casals et Tortelieront en commun d’avoir choisi un tempoà la noire tandis que tous les autres ontchoisi un tempo à la blanche. Le lié pardeux donne donc l’impression d’uneplus grande lenteur. Ajoutons à cela lalongueur effective du temps chezTortelier et nous obtenons un effet d’emphase. Bylsma et Queyras qui ontexactement le même tempo c’est à dire50 à la blanche, semblent par rapport àeux plus mesurés. Pergamenshikov produit la même impression bien queson tempo soit plus rapide.Étudions à présent la progression géné-rale de l’œuvre et les caractéristiquesformelles. Là encore nous avons deuxgrandes tendances : l’une où l’on sentqu’il y a une recherche de la direction etde l’unité générale du texte, à savoirCasals et Tortelier, et l’autre où l’on sentque le sens du détail prime sur le tout àsavoir Bylsma et Pandolfo. Il s’agit là dedeux caractéristiques propres à lamusique romantique pour la première, et

à la musique baroque pour la seconde.Reste alors Queyras qui semble tra-vailler aussi bien l’un que l’autre, nousmontrant par là qu’il a assimilé les deuxhéritages, et Pergamenshikov qui sembledonner sens au texte par la mise en valeurdu contraste, aussi bien dans le détail quedans la totalité du texte, ouvrant alors uneautre voie interprétative.Étudions à présent chacune des interpré-tations séparément. Chez Casals il y aune avancée inexorable du début jusqu’àl’accord final. C’est une tension de plusen plus forte qui ne se résout jamais jus-qu’à la fin. Chez Tortelier la progressionest également régu-lière et calme dudébut jusqu’à lafin. Il n’y a pasd’interruption dansla mesure où lesdoubles sont traités a tempo et partici-pent donc dans les deux cas de la pro-gression générale. Il s’agit d’une inter-prétation plus ample que celle de Casals,contemplative et lumineuse. ChezBylsma le tout est très enlevé, et commele détail prime sur le tout, l’écoute se faitdans l’instant. On alterne pourtant deux

séquences de style bien différent : lapartie harmonique et la partie lyrique.Il en va de même chez Pandolfo, où lepassage en double est un point dejonction entre deux arpèges. Queyrasnous présente quelque chose de très

enlevé avec une grande place attribuéeau développement naturel du son qu’onlaisse s’épanouir de lui-même dans larésonance...

CORPS ET RAISON, MÊME COMBATÊtre son corps c’est accepter que celui-ciait son mot à dire. Le corps s’exprime, ilest vivant, il a ses propres lois. En cesens, on peut parler d’une sagesse pre-mière du corps qui sait poser des limites.Là où la raison voudrait aller toujoursplus loin, continuer à avancer malgrétout, le corps sait, lui, où sont les limites.L’interprète doit parfois faire face à unrefus du corps lorsque, épuisé il consta-te qu’il ne peut pas aller plus loin parceque ses doigts ne répondent plus. Onpourrait malgré cela penser que la raisonest toujours capable de dompter le corps,de le soumettre à son bon vouloir. Maisle corps rattrape toujours celui qui lemalmène. Faut-il alors en conclure qu’ily a une opposition permanente entre lecorps et la raison ? Dans un combat de

l’un contre l’autre ce serait tantôt la rai-son qui gagnerait, tantôt le corps. Onrejoint alors des pensées plus anciennesqui dressaient l’un devant l’autre le

corps et la rai-son. Or, l’inter-prétation s’im-pose justementà nous commele lieu où l’on

peut apprendre à être à l’écoute de ceque dit le corps. Ce dernier sait parfoismieux que la raison et on peut sanscrainte le laisser dicter ses lois. On nepeut pas améliorer l’interprétation encombattant le corps. Tant de temps par-fois à répéter le même geste sans obtenirde résultat. Et pourtant, le lendemain,celui-ci arrivait sans effort. Victoire ducorps sur la volonté de la raison diraientles uns. Liberté propre du corps diraientles autres. Un corps qui ne veut pas n’estpas un corps qui soumet la raison arbi-trairement, c’est un corps libre qui ouvrele chemin. Si le corps sait parfois mieuxque la raison quand il faut s’arrêter, onpeut tout à fait considérer qu’il sait par-fois également mieux quel cheminemprunter pour donner une belle inter-prétation. Il faut alors se retirer au plusintime de soi-même, dans ce queLevinas appelle la «clairière de l’être »pour laisser s’exprimer la liberté propredu corps. L’interprétation nécessite doncune collaboration du corps et de la rai-son. Dans la mesure où l’un et l’autreont leur propre langage, c’est seulementlorsqu’il y a dialogue que le progrès estpossible. On n’avance pas dans la vio-lence et celle qui est exercée par la rai-son sur le corps n’est finalement pasplus justifiée que celle du corps sur laraison. La relation entre les deux estcomme une relation de politesse où cha-cun cèderait à tour de rôle le passage àl’autre. La véritable liberté de l’être estl’expression de cette politesse réci-proque du corps envers la raison et de laraison envers le corps...

Ellen Moysan

DEUX EXTRAITS DU MÉMOIRE DE ELLEN MOYSAN

L’interprétation s’impose ànous comme le lieu où l’onpeut apprendre à être àl’écoute de ce que dit le corps

L’impression de l’auditeurest plus fortement liée autempo choisi par l’interprètequ’au temps réel.

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> Vous travaillez aujourd’hui dans un cabinet paramé-dical d’ostéopathie spécialisé dans la prise en chargedes musiciens, et singulièrement des violoncellistes.Qu’est-ce qui vous a amené à choisir cettevoie ?

J’avais observé que certains de mes professeurs de violoncelle souffraient parfois de douleursphysiques variées, ayant ou non entrainé l’arrêt deleur pratique, et je me suis demandé quelles enétaient les raisons. Il existe aujourd’hui des kinési-thérapeutes spécialisés dans la prise en charge desmusiciens, comme Madame Campion, MonsieurChamagne, kinésithérapeutes de l’AssociationMédecine des arts, mais on en trouve moins dans ledomaine de l’ostéopathie. Jusqu’à présent, aucun livre n’aété publié sur ce sujet en France, alors qu’il s’avéreraitimportant de créer des séminaires sur la prévention et lessoins à apporter aux postures adoptées par les instrumen-tistes, ce qu’organisent quelques professeurs isolés commeIsabelle Lequien, Xavier Gagnepain ou Jérôme Pernoo,ainsi que quelques conservatoires.Xavier Gagnepain évoque ce sujetdans son livre intitulé «Du musicienen général au violoncelliste en parti-culier», et j’ai notamment bénéficiéde ses précieux conseils durant larédaction de mon mémoire. J’aiégalement pu observer et communi-quer avec les élèves respectifs deMme Lequien, M. Gagnepain, M.Pernoo, ainsi qu’avec des musiciensde l’Orchestre National de France.

> Le violoncelle crée-t-il des troublesphysiques spécifiques ?

Le maintien prolongé de positionsanormales des épaules, les mouve-ments du poignet ou du coude, àgauche comme à droite, peuventsusciter des contractions musculairesanormales dès les premières annéesd’apprentissage. Le bassin, et doncl’ensemble de la colonne vertébrale, sont également deséléments à prendre en compte dans la posture desmusiciens. Ainsi, un bassin qui n’est pas assez mobilepourra entrainer, par suite de compensations musculo-ligamentaires, faciales ou neurologiques, des tensions surl’épaule, puis sur le bras, l’avant-bras et le poignet. Un

exemple de travail pour ce type de dysfonctionnement est defaire travailler l’élève sur un ballon pour lui faire prendreconscience des mouvements possibles du bassin, et de sa

liberté nécessaire pour quela colonne puisse s’adaptersans douleur. La pathologiela plus souvent rencontréechez les musiciens est leSyndrome de Surmenagequi peut apparaître mêmelorsqu’un musicien joue4heures par jour. En effetcelui-ci est principalementlié à des attitudes vicieuses.

Il se manifeste par des douleurs qui peuvent être présentesaprès quelques minutes de pratique ou lorsque le musicienne joue plus, ce qui lui fait dire que la douleur n’est pas liéeà son jeu instrumental.

Une approche préventive s’avère alors nécessaire, et les diffé-rents professionnels que j’ai rencontrés (musiciens

d’orchestre, professeurs de musique, professionnels desanté) mettent l’accent sur la sensibilisation à la préventionqu’il faut mener auprès des musiciens.

Mais toute généralisation est à proscrire. Il est ainsi primordial de prendre en compte les critères personnels :

L’OSTEOPATHIE AU SERVICE L’OSTEOPATHIE AU SERVICE DES VIOLONCELLISTESDES VIOLONCELLISTES

Entretien avec Thibault Espérandieu

Agé de 24 ans, Thibault Espérandieu a d’abord étudié le violoncelle à Saint Germain en Laye avec Alain Fléau, ancien élève de Paul Tortelier, puis au conservatoire de Garches, dans la classe de Brigitte Crépin. Pendant son adolescence, il a choisi une autre voie professionnelle que la musique : tout en continuant à pratiquer son instrumenten amateur éclairé, il s’est orienté vers l’ostéopathie et vient de terminer un mémoire intitulé « Prévalence des dysfonctions somatiques chez les violoncellistes».

Le bassin, et doncl’ensemble de lacolonne vertébrale,sont des éléments àprendre en comptedans la posture desmusiciens.

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morphologie (sexe, âge, corpulence), brasdominant, capacité de coordination motrice,compétences instrumentales, caractéris-tiques de l’instrument, notion de stress.Tous ces éléments permettent d’expliquerpourquoi certains musiciens sont plussujets à des douleurs que d’autres alorsqu’ils présentent les mêmes charges detravail.

> Avez-vous des commentaires à fairesur l’analyse de la posture du violon-celliste ?

Cette analyse présente évidemment desdifficultés tant elle se révèle personnelle etdifférente sur plusieurs points. Concernantl’instrument, deux éléments peuvent entreren compte : la caisse de résonance et saplus ou moins grande largeur, l’orientationde la pique et sa longueur qui influence lastabilité. Quant aux éléments qui peuventvarier en fonction de chaque musicien, onobserve la corpulence du musicien,l’importance de l’assise, les différences decoordination motrice, les différencesmorphologiques et physiologiques de lamain. Il faut intégrer dans cette analyse lesfacteurs qui ne semblent pas varier entrechaque musicien d’un même instrument.Une analyse de la gestuelle doit être effec-tuée de manière simultanée. Et c’estl’ensemble de ces différents éléments quientre en compte dans l’établissement de la douleur.

> Chacun a conscience du rôle des bras, des épaules, despoignets, des doigts. Qu’en est-il des autres parties ducorps ?

Encore une fois, notre corps est un tout dont aucune desparties n’est indépendante des autres. Ainsi le poignetdépend-il de l’épaule, du bras, de la colonne et du bassin,mais l’inverse est également vrai. J’ai déjà évoqué le rôleessentiel du bassin, mais il faut aussi mentionner la respira-tion. Celle-ci est effectuée grâce à la contraction d’unmuscle appelé le diaphragme. Sa contraction entraine sonabaissement, ce qui gonfle, dans un premier temps, leventre, puis le thorax. Lorsque le thorax se gonfle enpremier, on parle de « respiration paradoxale», non physio-logique, qui entraine la contraction de muscles au niveau ducou, dits « respirateurs accessoires», qui prennent le relais.Ce phénomène est à l’origine de tensions anormales auniveau du cou, mais également au niveau des épaules et de

la partie supérieure du dos. Un travail sur la respiration pourretrouver une respiration « physiologique » permet dediminuer les tensions musculaires lorsque cet élément en estla principale cause. Un travail sur la respiration est également nécessaire lorsque le musicien joue, sans enprendre conscience, certains passages en apnée. Dans cetteperspective, certains professeurs appuient leurs mains sur leventre des élèves afin de leur permettre d’en prendreconscience, ce qui limite les effets négatifs d’une respirationparadoxale ou de l’apnée produite par une concentrationexcessive. J’insiste sur ce point qui ne me semble pastoujours être suffisamment pris en compte. Il est à noter quecela s’inscrit aussi dans la gestion du stress. Alors les patho-logies des musiciens méritent une prise en charge globale etune approche ostéopathique se justifie pleinement. Elles’inscrit tant en terme de prévention qu’en terme de prise encharge des conséquences mécaniques liées à la pratique del’instrument. Dans l’intérêt des musiciens il est indispensabled’avoir une approche pluridisciplinaire.

Coralie Cousin : Le Musicien, sportif de haut niveau (Ad-hoc)Marie-Claire Matheu : Gestes et postures du musicien ; réconcilier le corps avec l’instrument (Sully)Ph. Champagne : Education physique préventive (Alexière)J.-R. Lobet et S.F. Molas : L’Entraînement physique des musiciens. (Alexière)Michel Chamagne : Prévention des troubles physiques chez les musiciens (Alexière)J.-P. Chereau : La Colonne d’harmonie (Sully)

INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

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Le coin des enfantsPUZZLE

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