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VOLTAIRE 78 i par PIERRE DE BOISDEFFRE V oltaire est-il un philosophe? Valéry le niait (1). Certes, si on le compare à Spinoza, à Descartes et même à Leib- niz, Voltaire n'est pas un philosophe. Mais qu'est-ce qu'un phi- losophe ? Le mot n'avait pas le même sens au xvni' siècle qu'au- jourd'hui. Un philosophe n'était pas nécessairement un fonda- teur de système, un technicien de la pensée pure au sens que lui ont donné Kant, puis Hegel. On pouvait être philosophe sans faire de la métaphysique. I l suffisait d'être bon observateur du genre humain. La valeur d'un philosophe, disait Lessing, tenait moins à « la vérité qu'il possède ou croit posséder » qu'à « l'effort sincère qu'il fait pour s'en rapprocher ». « Si Dieu, ajoutait Les- sing, tenait enfermée dans sa main droite la vérité entière, et dans sa main gauche l'aspiration éternelle vers la vérité, et s'il me disait : « Choisis », je choisirais humblement la main gau- che... (2) » La définition convient à Voltaire. Il était de ces hommes qui préfèrent poser les questions qu'y répondre. (Gide a pu dire que l'important, pour un écrivain, est de savoir s'il est de ceux qui posent les questions ou de ceux qui apportent les réponses.) Bien que sa soif de vérité ait pu paraître inextinguible, cet esprit toujours en mouvement était très capable de l'oublier sur un coup de tête ou, simplement, pour préserver ses intérêts. (1) « Les philosophes après lui, écrit-il, ne voudront point qu'il soit philosophe. Ils lui refusent un titre que toute son époque lui donnait... Non, il n'est pas philosophe. Il est un homme qui s'est essayé dans tous les genres, qui a touché à tout. * (Paul Valéry, Variété, Bibliothèque de la Pléiade). (2) G . E . Lessing, Eine Duplik, Œuvres, XVI, cité par Paul Hazard. (La Pensée européenne du xviir 3 siècle, Fayard).

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par PIERRE DE BOISDEFFRE

V oltaire est-il un philosophe? Valéry le niait (1). Certes, si on le compare à Spinoza, à Descartes et même à Leib­

niz, Voltaire n'est pas un philosophe. Mais qu'est-ce qu'un phi­losophe ? Le mot n'avait pas le même sens au xvni ' siècle qu'au­jourd'hui. U n philosophe n'était pas nécessairement un fonda­teur de système, un technicien de la pensée pure au sens que lui ont donné Kant, puis Hegel. On pouvait être philosophe sans faire de la métaphysique. I l suffisait d'être bon observateur du genre humain. L a valeur d'un philosophe, disait Lessing, tenait moins à « la vérité qu'il possède ou croit posséder » qu'à « l'effort sincère qu'il fait pour s'en rapprocher ». « Si Dieu, ajoutait Les­sing, tenait enfermée dans sa main droite la vérité entière, et dans sa main gauche l'aspiration éternelle vers la vérité, et s'il me disait : « Choisis », je choisirais humblement la main gau­che... (2) »

L a définition convient à Voltaire. Il était de ces hommes qui préfèrent poser les questions qu'y répondre. (Gide a pu dire que l'important, pour un écrivain, est de savoir s'il est de ceux qui posent les questions ou de ceux qui apportent les réponses.) Bien que sa soif de vérité ait pu paraître inextinguible, cet esprit toujours en mouvement était très capable de l'oublier sur un coup de tête ou, simplement, pour préserver ses intérêts.

(1) « Les philosophes après lui, écrit-il, ne voudront point qu'il soit philosophe. Ils lui refusent un titre que toute son époque lui donnait... Non, il n'est pas philosophe. Il est un homme qui s'est essayé dans tous les genres, qui a touché à tout. * (Paul Valéry, Variété, Bibliothèque de la Pléiade).

(2) G.E. Lessing, Eine Duplik, Œuvres, XVI, cité par Paul Hazard. (La Pensée européenne du xviir3 siècle, Fayard).

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Voltaire était un esprit critique : un de ces hommes qui remettent tout en question et qui, parce qu'ils ne respectent rien, font progresser l'esprit humain. I l était un homme de son époque, très curieux, très ouvert, i l s'estimait libre à l'égard de tous les préjugés, mais en même temps i l était obsédé par quelques idées fixes : le goût du bonheur et, plus encore, la volonté d'être heu­reux ; la haine du christianisme et, plus encore, celle de l'Eglise ; l'adoration de la raison ; le goût de la liberté, mais d'une liberté conçue par et pour une classe, dont i l convenait d'exclure « la populace ».

P our imaginer sa jeunesse, nous n'avons qu'à songer à quel­ques jeunes fous d'aujourd'hui, par exemple à un Jean-

Edern Hallier qui ne serait pas encore devenu Sartre.

Voltaire n'a jamais su, si ce n'est sur ses vieux jours, jus­qu'où l'on peut aller trop loin, comme dira Cocteau. Il avait l'art, dès qu'on lui faisait une faveur, de se rendre insupportable. Etu­diant à Caen, i l y fait scandale par son « libertinage » ; secré­taire du marquis de Châteauneuf, notre ambassadeur à La Haye, i l faut aussitôt qu'il s'éprenne de la jeune Pimpette au risque de se brouiller avec Châteauneuf ; à Paris, i l brocarde le Régent. I l n'a pas vingt-trois ans qu'il täte déjà de la Bastille ; six ans plus tard, alors qu'il devient à la mode et que la reine le pen­sionne, c'est la fâcheuse histoire avec le chevalier de Ronan, l'indigne bastonnade. Bref, « il avait peur des coups et passait son temps à se jeter dans des affaires où il pouvait en recevoir (3) ».

Sa « philosophie », Voltaire ne l'a guère puisée dans les livres, mais dans une vie remuante, au milieu d'un monde qui se défait. Malgré tous les avatars d'une vie tumultueuse, i l n'a pas cessé de croire au progrès des idées et des moeurs, ni de prédire l'avènement d'un monde meilleur. Ses idées, i l ne les a pas inven­tées, i l les a puisées dans le fonds commun de sa génération : à Descartes, i l préfère John Locke et Y Essay on human understan-ding, Pierre Bayle et son dictionnaire philosophique, et, d'une manière générale, tous ceux qui allaient contribuer au dévelop­pement de Y Aufklärung. Comme i l était plus doué pour la vul-

(3) Pierre Gaxotte.

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garisation que pour l'exégèse, i l assimila rapidement ces idées que véhiculaient alors toutes sortes de feuilles et de lettres (4).

A peine sorti de la Bastille, i l avait trouvé en Angleterre (1726-1728) le peuple de ses rêves : un pays où l'on ne jugeait pas les gens sur leur naissance, ni sur leurs prétentions (« En France est marquis qui veut »), mais sur ce qu'ils faisaient : sur leur aptitude à ramener une cargaison au port, à fonder une manu­facture, à gouverner une colonie. I l avait aimé le juste orgueil de ces marchands qui osaient se comparer, non sans quelque raison, aux citoyens romains. L a résidence d'un simple négo­ciant, comme Falkener, pouvait rivaliser avec la demeure de Rubens. Le prince, tout-puissant pour faire du bien, avait les mains liées pour faire le mal, et c'était la nation qui lui avait hé les mains ! Elle avait su « régler son pouvoir en lui résistant ». Grand exemple, dont i l était temps de s'inspirer à Paris !

A son retour en France (à la fin de 1728) Voltaire com­mence à jongler avec les idées. Ces idées, i l va les faire passer dans ses pièces, ses vers, ses essais, mais sans avoir l'air d'y tou­cher. I l se garde bien de brosser un exposé magistral, i l se moque de convaincre les spécialistes, i l veut plaire, toucher le grand public — les vingt ou trente mille personnes qui constituent l'opinion. Son domaine, c'est l'esprit. Encore ne s'agit-il pas de l'étaler, mais d'y faire croire :

« Ce qu'on appelle esprit est tantôt une comparaison nou­velle, tantôt une allusion fine ; d'ici l'abus d'un mot qu'on pré­sente dans un sens et qu'on laisse entendre dans un autre ; là, un rapport délicat entre deux idées peu communes ; c'est une métaphore singulière, c'est une recherche de ce que l'objet ne présente pas d'abord, mais de ce qui est en effet dans lui ; c'est l'art ou de réunir deux choses éloignées, ou de diviser deux choses qui paraissent se joindre, ou de les opposer l'une à l'autre ; c'est de ne dire qu'à moitié sa pensée ; pour la laisser deviner... »

I l excelle à ce jeu et n'y trouvera pas de rival. Mais ce n'est qu'à la fin de sa vie qu'il osera rejeter tout artifice pour écrire avec le naturel et l'humour d'un homme qui n'a plus besoin de masque. Son premier brûlot, les Lettres philosophiques (1734),

(4) La Correspondance de Voltaire est une part essentielle de son œuvre. Celle qu'il a échangée avec la marquise du Deffand est justement classique. Rien que dans sa retraite de Ferney, pendant les dix-sept dernières années de sa vie, Voltaire écrira six mille lettres. La publication des derniers inédits a rendu célèbre M . Théodore Bestermann (102 volumes parus).

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n'est pas un traité de philosophie, mais un essai, comme nous dirions aujourd'hui. Vingt-quatre lettres consacrées à l'Angle­terre ; l'éloge du mode de vie britannique n'est qu'un prétexte, une machine de guerre contre la monarchie absolue et le catho­licisme romain. A ce dernier, Voltaire oppose le christianisme primitif et rural des bons quakers comme i l oppose à l'impé­rieuse logique de Descartes le pragmatisme de ces philosophes anglais qui n'ont pas la tripe métaphysique, qui ne construisent pas de grands systèmes, mais qui observent patiemment les phé­nomènes et qui tirent de cette observation des fruits utiles à l'humanité : ainsi firent Bacon, Locke, Newton, ainsi les Anglais ont-ils jugulé la petite vérole, alors que neus refusons d'utiliser, pour de sottes raisons « métaphysiques », la vaccine de Jenner. Locke ne prétend pas reconstruire le monde ; i l agit comme un anatomiste qui explique les ressorts du corps humain, comme un éducateur qui prend l'enfant au moment de sa naissance et suit pas à pas ses progrès. Dans la vingt-cinquième et dernière lettre, la plus longue, Voltaire prend, contre Pascal, le parti de l'huma­nité — de cette humanité mise en accusation par ce misanthrope sublime : « / / s'acharne à nous peindre tous méchants et mal­heureux... j'ose assurer que nous ne sommes ni si méchants ni si malheureux qu'il le dit. »

Le pouvoir fait un mauvais sort aux Lettres philosophiques : livre condamné, éditeur arrêté, auteur poursuivi (5). Voltaire feint de s'étonner : « Vraiment, puisqu'on crie tant sur ces fichues Lettres, je me repens bien de n'en avoir pas écrit davantage ! Va ! Va ! Pascal, laisse-moi faire, tu as un chapitre sur les pro­phéties où il n'y a pas l'ombre de bon sens. Attends, attends. » I l se réfugie chez Mme du Châtelet. Il est bien content : on parle de lui, c'est l'essentiel !

Le voilà lancé. I l était homme de théâtre (6), poète, auteur de libelles et d'épîtres, i l va devenir un esprit universel : passionné de politique et de littérature (pour lui, c'est la même chose, et c'est cela qu'il appelle la « philosophie »), mais aussi de scien­ces (il résume, à Cirey, les Eléments de la philosophie de Newton et compose, pour l'Académie des sciences, un Mémoire sur la

(5) Une édition anglaise avait paru en 1733 ; l'édition française de Jore fut saisie et brûlée par arrêt du Parlement. Mais Voltaire put s'enfuir à Cirey, où il va vivre près de quinze ans auprès de Mme du Châtelet.

(6) Brutus (1730), Zàire (1731), la Mort de César (1735)...

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nature du feu), tout en s'occupant de ses placements (ceux-ci vont lui permettre de restaurer et de remeubler Cirey). Bref, Cirey est un aimable exil qui anticipe sur Ferney où, déjà, i l commence à régenter l'Europe. Le voici commis-voyageur des Lumières

T a philosophie française du xvm° siècle a suscité d'innom-J - J brables travaux ; la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, regor­gent de « dix-huitiémistes ». Chez nous, les travaux de Paul Hazard, de Bernard Groethuysen, de R. Pomeau (7) font autorité. A côté de Montesquieu, de Diderot, de d'Alembert, d'Helvétius... de Holbach, de Jean-Jacques Rousseau, quel est le rôle de Vol ­taire ?

Longtemps on a vu en lui le « chef des philosophes », parce qu'il menait le même combat et que sa gloire, depuis 1740, (c'est l'année où i l rend, à Berlin, sa première visite à Frédéric II ; les contrefaçons de ses œuvres se multiplient ; en 1745, i l sera nommé historiographe du roi ; l'année suivante, i l sera élu à l'Académie française) était devenue universelle. Mais VEncyclo-pédie elle-même lui doit peu ; i l ne collabora que tardivement (à partir de 1756) au célèbre Dictionnaire. Diderot lui-même le tenait certes pour un dramaturge illustre et pour le premier poète de son temps, mais aussi pour un philosophe « dépassé », comme nous dirions aujourd'hui.

Voltaire était-il réellement « dépassé », comme le croyait Diderot ? Etait-il un « mondain » de grand talent, un esprit super­ficiel et moqueur, comme le répétaient ses ennemis ? Avait-il une « pensée » (8) ? Touche-à-tout de génie, i l avait approché, deviné, tous les systèmes, mais aucun d'eux ne l'avait convaincu. Il était fondamentalement sceptique, bien plus que Montesquieu lui-

(7) Paul Hazard : la Crise de la conscience européenne, la Pensée euro­péenne au xvm e siècle (Fayard) ; Bernard Groethuysen : Philosophie de la Révolution française (Gallimard).

(8) Le fait est que Voltaire se montre plus à l'aise comme vulgarisateur que comme « penseur ». Il excelle dans le pamphlet, les mémoires ad hoc, l'ar­ticle écrit à la hâte. Il donne toute sa mesure dans un ouvrage de propa­gande, comme le Dictionnaire philosophique portatif (1764) où, en 614 arti­cles, sautant de la critique littéraire à la philosophie, et de la religion à la politique, il passe en revue toute l'actualité. Il n'est jamais ennuyeux et même il tient à se montrer « un peu gai ». (t On m'a dit que cela est bon pour la santé. ») D'où le succès de l'ouvrage. Un auteur qui, non seulement n'ennuie pas, mais qui vous rend intelligent, comme c'est bon ! Mais les « spécialistes » vous font grise mine : c'est presque normal.

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même (l'auteur de l'Esprit des lois pensait qu'il existe des lois qui correspondent à la nature des hommes, lois distinctes selon les régimes). A l'inverse de Montesquieu, Voltaire pensait que les lois étaient le fruit des circonstances. On les avait faites « après coup, comme on calfate des vaisseaux qui ont des voies d'eau » (9). I l avait souvent changé d'avis, et i l ne le regrettait pas. I l avait beaucoup parlé de la vérité mais, à la fin de sa vie, i l doutait que la vérité pût exister. « La vérité, l'attrape qui peut. Je l'ai cherchée toute ma vie, sans pouvoir la rencontrer. Je n'ai aperçu que quelque lueur qu'on prenait pour elle (10). » A son avis, la science seule pouvait parler du réel parce qu'elle était capable de le mesurer (Voltaire se montrait ici très en avan­ce sur son siècle) : « Ce que nos yeux et les mathématiques nous démontrent, il faut le tenir pour vrai ; dans tout le reste, il n'y a qu'à dire : j'ignore (11). » L'homme n'était qu' « une goutte d'eau, dans un océan immense » (Micromégas), une goutte qui « nageait dans l'incertitude ». Une seule maxime aurait dû l'inspirer : « Dans notre ignorance profonde, faisons de notre mieux ! (12) » Inutile, donc de « philosopher» ! (« Ce que c'est que l'âme, nous n'en saurons jamais rien. ») Les vrais savants, comme Newton, s'en gardaient bien ; l'important, ce n'était pas la métaphysique, c'était la morale (13).

Sa philosophie, c'est cela : savoir comment on peut agir. Et son ambition, c'est d'agir sur le comportement des hommes. C'est cela, son combat : peser sur l'histoire du genre humain, l'aider à secouer ses chaînes, à combattre les préjugés, éclairer les esprits « d'un bout de l'Europe à l'autre ». Dans ce combat, i l rencontre un grand adversaire, dont la masse immobile obscur­cit l'horizon : c'est l'Eglise. Voltaire va la combattre impitoya­blement. « Courage ! La lumière se communique de tous les côtés. Le règne de la raison se prépare. Que les philosophes s'unissent entre eux, et ils seront les maîtresje ne démordrai de mon entreprise qu'en mourant... Jusqu'à mon dernier souffle, je répéterai... Ecrasez l'Infâme ! C'est une grande lutte, la lutte

(9) Lettre à Catherine II, 20 juillet 1770. (10) Lettre à la marquise du Deffand, 18 mai 1772. (11) Lettre de Voltaire à L.M.C. (1768), cité par B. Groethuysen. (12) Lettre au prince royal de Prusse, 28 novembre 1770. (13) « Je ramène toujours, autant que je peux, ma métaphysique à la

morale », écrit-il à Frédéric.

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de tous les êtres pensants contre les êtres non-pensants (14). » Lorsqu'il parle du christianisme et de l'Eglise, Voltaire perd tout sang-froid. Il n'est plus sceptique, i l est passionné. Parfois, i l lasse ses propres disciples : « Ecrasez l'Infâme, écrasez l'Infâme !... cela est bientôt dit quand on a cent mille livres de rente {et qu')on a su... se rendre indépendant de tout », soupire d'Alembert.

L a thèse de Voltaire était simple. Elle était même courte. Le Dieu des chrétiens avait eu dix-sept siècles devant lui. Ses dis­ciples n'en avaient rien fait (15). A u lieu de secourir les misé­rables, ils avaient passé leur temps à persécuter les incrédules, ou les croyants d'autres religions. Dans YEpître à Uranie, V o l ­taire dénonçait ce que nous appellerions aujourd'hui la culpabili­sation religieuse :

Je veux aimer ce Dieu, je cherche en lui mon père On me montre un tyran que nous devons haïr. Il créa des humains à lui-même semblables Afin de les mieux avilir ; Il nous donna des cœurs coupables Pour avoir le droit de nous punir... Il venait de créer un homme à son image On l'en voit soudain repentir Comme si l'ouvrier n'avait pas dû sentir Les défauts de son propre ouvrage...

Bref, i l butait, comme tout le monde, sur le problème du Mal . Mais i l ne s'arrête pas là. Voltaire veut agir : dénoncer les injustices, éliminer les préjugés. Alors, i l redevient relativement optimiste : la médiocrité de l'homme ne doit pas l'empêcher de lutter pour améliorer son sort. Certes, « le monde est un chaos d'absurdités et d'horreurs ». Mais i l faut tâcher de les dissiper. Sans doute, ne disparaîtront-elles pas en un jour et certaines sub­sisteront encore bien après l'avènement des Lumières. Néan­moins, le travail de la raison n'est pas inutile. Que les meilleurs s'y emploient ! Et que les meilleurs gagnent !

(14) Lettres à d'Alembert. La graphie Ecr. L'inf. (Ecrasez l'Infâme!) revient cinq ou six fois dans certaines lettres.

(15) « Depuis dix-sept cents ans, la secte chrétienne n'a jamais fait que du mal », écrit Voltaire à Frédéric II (5 juillet 1767).

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V oltaire — i l ne s'en cache pas et cela lui vaut aujourd'hui les fureurs de M . Henri Guillemin — est furieusement

élitiste. « Le gros du genre humain a été longtemps insensé' et imbécile. J'aime mieux obéir à un beau lion qu'à deux cents rats de mon espèce. » I l détestait l'Eglise parce qu'elle mettait la pensée sous le boisseau, mais i l se serait sûrement accommodé d'un pape philosophe. I l détestait la monarchie française parce que le monarque le dédaignait, mais si Louis X V I I I avait occupé la place du pauvre Louis X V I , Voltaire aurait fini par s'enten­dre avec lui. Le règne d'un despote écairé — « un Louis XIV sans jésuites » — lui paraissait bien préférable au pouvoir de la « canaille » et même à celui d'une assemblée où les sots ris­quaient de se trouver en nombre. Car « un despote a toujours quelques bons moments. Une assemblée de despotes n'en a jamais ». Quant au peuple, i l ne méritait même pas qu'on l'écou-tât. C'était aux hommes éclairés qu'il appartenait de faire son bonheur.

Certes, Voltaire reconnaissait mieux la nation dans le tiers état que dans le personnage sacralisé d'un monarque confiné dans son Versailles, abêti par les prêtres et confisqué par les nobles. Mais de là à consentir à ce que le peuple tout entier décide librement de son sort, i l y avait un pas qu'il se refusait à franchir : « J'entends par peuple la populace qui n'a que ses bras pour vivre. Je doute que cet ordre de citoyens aient jamais le temps ni la capacité de s'instruire ; ils mourraient de faim avant de devenir philosophes (16). » Le trait est plaisant, mais peu démo­cratique ! Voltaire consentait à ce que les « artisans les plus rele­vés » commencent à lire et même à réfléchir, mais i l devait être entendu que la lumière devait « descendre par degrés ». « Celle du bas peuple sera toujours confuse. » Aux gens de la populace, « l'exemple de leurs supérieurs » suffisait (17). L'Assemblée consti­tuante divisant les électeurs en citoyens actifs (ceux qui possèdent, et donc qui votent) et passifs (les pauvres, qui, n'ayant rien, n'ont pas le droit de faire les lois, et donc ne doivent pas voter) est dans le droit fil de la pensée voltairienne. Encore l'auteur du Siècle de Louis XIV aurait-il trouvé trop nombreux les quel­que 200 000 électeurs du Corps législatif. « / / est à propos que

(16) Lettre de Voltaire à Damilaville, 1er avril 1776. (17) Lettre à Longuet, 15 mars 1767.

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le peuple soit guidé et non pas qu'il soit instruit ; il n'est pas digne de l'être. Quarante mille sages, c'est à peu près tout ce qu'il faut (18). »

Contrairement à ce qu'on pense, le rêve voltairien des « qua­rante mille sages » — que Renan reprendra, en le ramenant à l'idée d'un gouvernement des savants — a la vie dure. En Chine et même en Union soviétique, modèles des démocraties avancées — et qui, de fait, se disent démocraties populaires —, le pou­voir est resté — toutes proportions gardées — entre les mains des « quarante mille sages » de Voltaire. Les membres éclairés (les militants ne le sont pas tous) du Parti décident de tout. Là-bas, et quoiqu'ils disent le contraire en public, beaucoup pensent avec Voltaire qu'il ne convient pas de « tout céder à la canaille » (19). Mais dans le « monde libre », aussi, les pays ne manquent pas où le vernis démocratique cache, plus ou moins mal, l'appropriation du pouvoir par une classe, voire par quel­ques ploutocrates, technocrates ou militaires de haut vol. L a grande démocratie américaine elle-même est restée longtemps l'affaire d'un petit nombre de citoyens éclairés et fortunés, qui ne repré­sentaient guère que 5 % de la population. Washington, Jeffer-son, étaient des gentlemen-farmers qui vivaient sur leurs terres et possédaient des esclaves (20). Voltaire se serait senti chez lui dans le Boston aristocratique de Beacon Hi l l et la Virginie des Pères fondateurs.

a « philosophie » voltairienne vaut par ce qu'elle affirme

Le malheur, c'est qu'elle nie beaucoup plus qu'elle n'affirme ! Voltaire est un polémiste-né, dont on ne se lasse pas de répé­ter les bons mot (21). I l excelle dans le libelle, le sonnet ven­geur, l'épigramme assassine (la Canonisation de saint Cucufin ; Un chrétien contre six juifs). Son rire n'épargne rien ; le grand homme ne connaît pas de plus grande joie que de ruiner une répu-

(18) Lettre de Voltaire à Damilaville (19 mars 1766). « Damilaville n'est pas d'accord, il veut que le peuple reçoive une instruction » (B. Groethuysen, op. cit.).

(19) « Il y a une autre canaille à laquelle on sacrifie tout et cette canaille est le peuple », écrit Voltaire à Condorcet (27 janvier 1776).

(20) Jefferson possédait 4 000 hectares et 200 esclaves à Monticello. (21) Le Franc de Pompignan, Jean Fréron, Gresset, l'abbé Trublet, en

ont su quelque chose !

et pèche par ce qu'elle nie.

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tation (par exemple, celle des Cantiques sacrés de Pompignan : « Sacrés ils sont, car personne n'y touche. ») ou de mettre en pièces un système révéré (qu'il s'agisse d'Aristote ou du Dieu des chrétiens). « Grand démolisseur », i l se vante d'être de « ces honnêtes gens qui ne savent point ce qui est, mais qui savent fort bien ce qui n'est pas » (22). Pour ruiner la bonne conscience des imbéciles et l'orgueil des fondateurs de religion, Voltaire n'a pas son pareil. Sur la bêtise humaine, i l est inépuisable. Candide, l'Ingénu, Micromégas... autant d'apologues qui contiennent de savoureux rappels à l'ordre. I l n'est pas vrai, comme le prétend l'optimiste, que tout soit bien. Tout ce que l'optimiste pourrait dire, c'est « Tout est mieux » et ce « mieux » n'est pas gai. Pan-gloss rend Leibniz ridicule lorsqu'il explique à Candide : « Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes pos­sibles ; car enfin, si vous n'aviez pas été chassé d'un beau châ­teau à grands coups de pied dans le derrière pour l'amour de Mlle Cunégonde, si vous n'aviez pas été mis à l'Inquisition, si vous n'aviez pas couru l'Amérique à pied... vous ne mangeriez pas ici des cédrats confits et des pistaches (23). »

Devant le spectacle du mal, l'homme se sent impuissant. Mais Candide, courant de catastrophe en catastrophe, n'a pas tort de cultiver son jardin. Quant aux philosophes, ils ne doivent pas se contenter de « rire des erreurs des hommes », ils ont à « les écraser » (24). « Tâchez toujours d'écraser l'Infâme ! (25) »

Après avoir ainsi déblayé le terrain, Voltaire voudrait bien construire un nouvel édifice, qui ne doive rien à la « supersti­tion », et qui, cependant, puisse répondre à notre besoin d'ordre et de logique. Le malheur, c'est que toute pensée ambitieuse lui paraît présomptueuse ; le « roseau pensant » de Pascal •— ce petit homme, minuscule et fragile, qui prétend justifier son exis­tence — le fait rire, tout comme « les polissons qui gouvernent le monde avec leur écritoire ».

Certes, la lutte contre le christianisme a été la grande affaire de sa vie ; i l en fait un devoir à tous ses amis, Frédéric II en

(22) Lettre à d'Alembert, 5 avril 1765. (23) Fin de Candide. (24) Lettre à d'Alembert (26 mai 1766). « Les philosophes sont trop tièdes ;

ils se contentent de rire des erreurs des hommes, au lieu de les écraser. » (25) C'est le grand leitmotiv : « Notre principale occupation dans cette

vie doit être de combattre le monstre... Si vous n'écrasez pas l'Infâme, vous avez manqué votre vocation », écrit Voltaire à d'Alembert (26 mai 1766).

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tête (26). Plus i l vieillit, plus i l devient « implacable envers l'In­fâme » (27). Mais en même temps qu'il combat prêtres et dévots, i l révère la Nature et son grand architecte :

// est vrai, j'ai raillé Saint-Médard et la Bulle ; Mais j'ai sur la nature encore quelque scrupule : L'univers m'embarrasse, et je ne puis songer Que cette horloge existe et n'ait point d'horloger (28).

Il doute de l'immortalité de l'âme (« Avant de dire que cette âme subsistera, sachons ce qu'elle est »), mais i l aimerait pour­tant que les âmes puissent communiquer entre elles « sans qu'il soit besoin des corps » (29). Malgré sa fureur contre l'Eglise (« Tout dogme est ridicule, funeste. Toute contrainte sur le dogme, abominable. Ordonner de croire est absurde. Bornez-vous à ordonner de bien vivre ! »), i l continue à croire en Dieu :

Soit qu'un être inconnu, par lui seul existant Ait tiré depuis peu l'univers du néant ; Soit qu'il ait arrangé la matière éternelle, Qu'elle nage en son sein ou qu'il règne loin d'elle ; Que l'âme, ce flambeau si souvent ténébreux, Ou soit un de nos sens, ou subsiste sans eux, Vous êtes sous la main de cet Etre invisible... (28).

Le déisme de Voltaire nous paraît aujourd'hui presque incompréhensible. En effet, si nous sommes chrétiens, c'est à l'Evangile que nous nous référons, et non au « Grand Architecte ». Et si nous ne le sommes pas, nous n'hésitons pas à tirer des conséquences radicales de notre athéisme, si bien que nous vivons à l'aise dans la négation. I l y a loin du combat anticlérical de Voltaire à la « mort de Dieu » nietzchéenne.

L'auteur du Dictionnaire philosophique écarte le Dieu de la Révélation juive, mais c'est pour maintenir un Dieu architecte

(26) D'où sa déception : « J'avais autrefois compté sur le prince... pour la destruction du christianisme, mais depuis qu'il est monté sur le trône, il s'est tellement livré à ta politique qu'il en néglige tout à fait la bonne cause. » (Cité par Harel, Recueil Voltaire, Porrentruy, 1781).

(27) Lettre à Damilaville, 9 mai 1763. (28) Les Cabales (1772). (29) Mémoires de d'Argenson.

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et horloger. I l n'hésite pas à se déclarer persuadé de l'existence d ' « un Etre suprême aussi bon que puissant, qui a formé tous les êtres étendus ; qui perpétue leur espèce, qui punit sans cruauté les crimes, et récompense avec bonté les actions vertueuses ». S'il n'est pas assez téméraire pour décider comment Dieu agit, pardonne ou punit, i l sait que « Dieu agit et qu'il est juste ».

Lorsqu'il trace le portrait du « théiste » dans le Dictionnaire, son propos ne manque pas d'allure :

« Réuni dans ce principe avec le reste de l'univers, il (le théiste) n'embrasse aucune des sectes qui toutes se contredisent. Sa religion est la plus ancienne et la plus étendue : car l'adora­tion d'un Dieu simple a précédé tous les systèmes du monde. Il parle une langue que tous les peuples entendent, pendant qu'ils ne s'entendent pas entre eux. Il a des frères depuis Pékin jusqu'à la Cayenne, et il compte tous les sages pour ses frères. Il croit que la religion ne consiste ni dans les opinions d'une métaphy­sique inintelligible, ni dans de vains appareils, mais dans l'adora­tion et dans la justice. Faire le bien, voilà son culte ; être soumis à Dieu, voilà sa doctrine. Le mahométan lui crie : « Prends garde à toi si tu ne fais le pèlerinage de La Mecque. » « Malheur à toi, lui dit un récollet, si tu ne fais pas un voyage à Notre-Dame de Lorette. » // rit de Lorette et de La Mecque ; mais il secourt l'indigent et il défend l'opprimé (30). »

E n somme, Voltaire oppose, comme nos chrétiens modernes, Yorthopraxie à Yorthodoxie. Ce qui compte, c'est de faire le bien. Débarrassons-nous donc des « branches gourmandes qui encom­brent le tronc planté par Dieu même depuis que l'univers existe » (31), de ces « simagrées » inventées par les curés. Mais gardons notre foi en Dieu :

Entends, Dieu que j'implore, entends du haut des deux Une voix plaintive et sincère. Mon incrédulité ne doit pas te déplaire ; Mon cœur est ouvert à tes yeux : L'insensé te blasphème et moi je te révère ; Je ne suis pas chrétien, mais c'est pour f aimer mieux.

Epître à Uranie

(30) Dictionnaire philosophique, 1764 — Article : Théiste. (31) Lettre au pasteur Vernes.

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Trente ans plus tard, i l ira jusqu'à dire, comme les mys­tiques :

Mon cœur peut s'égarer, mais il est plein de toi.

Ou, bien plus prosaïquement :

Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer.

Antireligieux, fanatiquement anticlérical (il aurait été à l'aise en Ecosse, où les pasteurs n'ont point de hiérarchie), Voltaire croit donc en Dieu. Mais que pense-t-il de l'Evangile ? Tantôt, i l loue dans l'homme de Nazareth l'exemple de toutes les vertus... méconnues et bafouées par les Eglises. Tantôt, i l n'est pas loin de voir en Jésus un brouillon et un fanatique. A u reste, i l se soucie peu du Christ. Ce qui l'intéresse, c'est l'usage que font les hommes de l'Evangile. Hélas ! la religion de Voltaire est plus proche de M . Thiers que du Vicaire savoyard. Sans doute entre-t-il de l'humour dans l'admonestation qu'il adresse — après avoir fait sortir ses domestiques — à ses amis d'Alembert et Condorcet : « Messieurs, continuez vos propos contre Dieu ! Mais comme je ne veux pas être égorgé cette nuit par mes domes­tiques, il est bon qu'ils ne vous écoutent pas. » Chose plus curieuse, i l tient l'athéisme pour un monstre pernicieux chez ceux qui gouvernent. « Sans ce frein, je regarderai les rois et leurs ministres comme des bêtes féroces. » Lorsque d'Holbach déclare qu'on doit aimer le vice qui rend heureux, Voltaire s'insurge, comme le ferait n'importe quel moraliste chrétien. « Cette maxime est exécrable ! Quand il serait vrai qu'un homme ne peut être vertueux sans souffrir, il faudrait l'encourager à l'être... On dit à un soldat, pour l'encourager : « Souviens-toi que tu es du régi­ment de Champagne. » On devrait dire à chaque individu : « Sou­viens-toi de ta dignité d'homme ! » — Mot superbe, qui fait son­ger à Montherlant.

Mais c'était là son langage noble. Il disait aussi, plus fami­lièrement : « // faut un Dieu, pour que je ne sois ni volé ni cocu. » Ou encore : « Mon ami, je ne crois pas plus à l'enfer éternel que vous, mais sachez qu'il est bon que votre servante, que votre tailleur et surtout que votre procureur y croient (32). » Cette religion-là, bonne pour le peuple, dégoûte les cœurs purs.

(32) Œuvres complètes. Edition Moland, T. XVII.

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I l semble qu'il ait espéré, un moment, fonder sur les ruines du christianisme une religion nouvelle (33) : sage, simple, tolé­rante, muette sur le chapitre de la métaphysique mais active en matière sociale, assez proche en somme de celle que les quakers d'Amérique (que Voltaire admirait) s'efforçaient alors de mettre en œuvre. U comptait sur Frédéric II pour l'imposer, mais le grand roi était trop pragmatique, trop politique aussi, pour s'intéresser à de telles fariboles. (Le roi de Prusse pensait que le peuple, une fois libéré des anciennes croyances, ne tarderait pas à forger des « superstitions nouvelles », ou « quelque absurdité qui l'empor­terait sur le culte pur et simple de l'Etre suprême » (34). I l n'avait sans doute pas tort.)

Dans sa conception d'un christianisme purifié, débarrassé du dogme, tourné vers le bien du prochain, Voltaire était en avance sur son siècle. Depuis Vatican II, une telle religion ne nous choque plus.

P I E R R E D E B O I S D E F F R E (A suivre)

(Ce texte est extrait d'un volume à paraître dans la collec­tion « Génies et Réalités » (Hachette).

(33) A cet effet, il avait songé à s'établir à Cleves, chez le roi de Prusse, avec des philosophes de ses amis. Ce projet de 1766 n'eut pas de suite.

(34) Briefwechsel Friedrichs mit Voltaire, Leipzig (24 octobre 1766).