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Bernard Plasse Liliane Giraudon et Jean-Jacques Viton VOUS METTREZ ÇA SUR LA NOTE DIEM PERDIDI EDITEUR

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Un livre écrit par Liliane Giraudon, Jean-Jacques Viton et Bernard Plasse. Diem Perdidi éditeur, 2009

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Bernard PlasseLiliane Giraudon et Jean-Jacques Viton

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DIEM PERDIDI EDITEUR

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MODE D’EMPLOI

I Introduction

II Entretiens

III Echantillons

IV Translations

V Bibliographies

Compte tenu

Les revues

Ecriredessiner

Aviation

Alphonse Allais

Le rasoir de Borges

Emily DickinsonFederico Garcia Lorca

Bernard Plasse

Bernard Plasse,Jean-Jacques Viton,Liliane Giraudon

Liliane Giraudon,Xavier Girard

Jean-Jacques Viton

Liliane Giraudon

Liliane Giraudon etJean-Jacques Viton

Liliane Giraudon etJean-Jacques Viton

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COMPTE TENU

Ils aiment Marseille, Marseille semble ne pas les aimer, ils semblent ne pas aimer Marseille, Marseille semble ne pas les mériter, ils ne méritent pas de subir Marseille.Il faut beaucoup de philosophie pour vivre cet état, surtout quand la perception, au-delà du commun, qui fait la realité du poète l’amène à absorber, selon ses racines, toutes les subtilités positives de sa ville. Mais il est bien connu que l’on ne souffre que par les êtres ou les entités que l’on aime.Liliane Giraudon et Jean-Jacques Viton ont de la chance dans ce contexte puisqu’ils ne sont, ni l’un ni l’autre, confrontés à subir l’incompréhension de leur ville seuls.Deux individus, aux différences appuyées, aux divergences parfois radicales mais sachant réunir par un faisceau de subtilités ce qui fait leur existence, ce qui leur permet cette durable passion.Leur quotidien est fait de grandes causes et de minuscules. Aux teneurs de la poésie vont succéder le temps de cuisson des légumes, la rigueur des climats, les aléas des fournisseurs, les tracas du téléphone. Il sera juste le moment de reparler du bonheur ou de se pencher sur la façon de venir en aide à un ami.Ce document où il est question de poètes, bien sûr, évoque

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la traversée d’une ville et de son histoire. C’est aussi l’occasion d’évoquer le vivant, pour ne pas employer le galvaudé contemporain qui traîne curieusement d’un siècle à l’autre et finit par ne plus rien signifier d’utile. Des gens vivaces et de leur temps que l’on pourra juger sur leur travail au travers d’une conversation rythmée par ce qui fait leur être : les revues, la poésie, la prose, les lectures, les traductions, Marseille, le dessin ou le film introduit en contrebande.C’est encore, pour moi, le bonheur de témoigner qu’il existe toujours dans cette ville de Marseille le besoin de survivre par la poésie.Aujourd’hui, vus de loin, ils apparaissent comme des poètes importants. Je voudrais que Liliane Giraudon et Jean-Jacques Viton soient vus comme tels mais d’ici aussi.

Bernard Plasse

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Bernard Plasse : Ce n’est pas avec Les Cahiers du Sud que vous avez inauguré votre trajectoire « revues », Jean-Jacques Viton ?

Jean-Jacques Viton : En effet, je n’ai pas commencé par les Cahiers … J’ai ouvert la trajectoire avec Action Poétique, dirigée déjà par Henri Deluy. C’était 1958, j’avais fait la connaissance de Gérald Neveu, sans lequel je n’aurais peut-être pas rencontré les écrivains qui sont devenus mes amis, avec Henri Deluy, Joseph Julien Guglielmi et Jean Todrani, et ne serais peut-être pas monté au quatrième étage du 10 cours d’Estienne d’Orves où Jean Ballard avait établi les locaux des Cahiers du Sud et où j‘ai connu Jean Tortel, Raymond Jean, Gérard Arseguel, Jean Malrieu… C’est dans la Librairie Laffitte, alors située vers le haut de la Canebière et une fois par semaine ouverte jusqu’à 22h00, que j’ai rencontré Gérald Neveu. Un minuscule square, triste jardinet nanti d’une balançoire, existe à Marseille, dans le 9° arrondissement je crois, et porte son nom on se demande par quel hasard… Gérald Neveu, énigmatique et solaire, dont les Cahiers recevaient irrégulièrement la visite et comme avec une certaine méfiance. Il

LES REVUESCahiers du Sud,Action Poétique,Manteia,Banana Split, IF

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était sans emploi, pensionné des PTT, grand amateur de vin rosé, un beau visage à la Eluard mais en plus volontaire, il dégageait une rage contenue, parlait bas avec exactitude, les poches de sa veste étaient bourrées de petits livres et de poèmes en cours, il était classé comme ”queue de comète surréaliste” et on trouvait aux Cahiers du Sud que sa fréquentation était un peu délicate… Jamais, à ma connaissance, les Cahiers n’ont sérieusement aidé Gérald Neveu en lui proposant une collaboration suivie, lui qui dans son errance précaire écrivait sans cesse, une collaboration dont à son point de solitude et de dénuement il aurait eu besoin ne serait-ce que pour respirer. Je trouve lamentable que l’on trouve si peu trace de ce poète dans les sommaires des Cahiers... Restent deux ou trois livres publiés après sa mort…

BP : … Dont un Seghers, dans la collection Poètes d’aujourd’hui, réalisé par Jean Malrieu

JJV : C’est exact. Avec cette librairie, point de départ de ma relation avec les poètes de la ville, je voudrais citer aussi un bar qui devenait bar de nuit à partir de 19h00. Il s’appelait le Longchamp, place de l’Opéra. Il a été remplacé longtemps par une discothèque, boite à façade noire. J’y ai fait la connaissance d’Axel Toursky, Axel, et c’est souvent en sa compagnie que je choisissais de rester au Longchamp plutôt que d’accompagner Gérard Arseguel et Joseph Julien Guglielmi qui, chaque mercredi vers 17h00 entraient là où nous avions rendez-vous pour, après un verre ou

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deux, y aller, aux Cahiers… J’hésitais pourtant toujours: allais-je cette fois-ci encore préférer la chaleur des whiskies, l’excitation des petites amies, l’ouverture de la nuit et le dîner tardif dans un restaurant du quartier, aux conversations un peu convenues et aux commentaires un peu retenus sur nos lectures respectives dans ce bureau des Cahiers où, après avoir ouvert la lourde porte en bois, Jean Ballard, costume croisé, cigarette aux lèvres, sourcils hérissés, tout droit jailli d’un film de René Clair, nous conduirait, précédé d’un vigoureux ”voilà la jeune équipe !”, jusqu’à Marcou Ballard assise derrière une petite table prisonnière d’une pesante Remington, puis à Jean Lartigue au sourire chaleureux et enfin à Jean Tortel qui, impatient derrière ses lunettes, nous voyait venir...J’allais aux Cahiers du Sud de 1960 à 1966, deux fois sur quatre, ce rythme était hygiénique, il indiquait la distances que j’entendais conserver face à une équipe qui n’était pas vraiment la mienne et il était stratégique aussi car il me permettait de conserver ma place parmi les jeunes poètes qui avaient leurs entrées dans cette grande revue et y étaient parfois publiés.Comment comparer mon appartenance aux diverses revues auxquelles j’ai participé ou que j’ai cofondées et ma fréquentation des Cahiers du Sud ? Dans Action Poétique, au début du circuit, puis dans Manteia et ensuite, avec Liliane, dans Banana Split, IF, La Nouvelle BS, j‘étais plongé dans une dynamique d’avancée, une attention poétique, idéologique, les sommaires à construire étaient notre respiration d’écriture

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tandis qu’aux Cahiers je me sentais visiteur, prêt à recevoir des éclats de souvenirs de Valéry, Gaillard, Brauquier, Eluard, Saint John Perse sur ses sables, Bousquet dans sa chambre… je ne me risquais qu’à choisir sous le crayon comptable de Ballard parmi les livres du Service de Presse exposés sur un présentoir pour transformer vite mes futures lectures en de studieuses ”notes de lectures” dont les Cahiers étaient affamés pour leurs échanges éditoriaux…Comment ne pas être un peu interloqué, là haut dans ce grenier qui relevait d’un décor de Strindberg, par ce quelque chose d’un peu convenu où l’admiration déclarée pour certaines écritures n’étaient pas toujours appréciée, par exemple pour les poètes italiens du groupe Novissimi (Edoardo Sanguineti, Nanni Balestrini, Elio Pagliarani, Antonio Porta… qui, sous l’insistance que nous avons imposée, avec Arseguel et Guglielmi, ont réussi a paraître à un sommaire prestigieux), ou les français Maurice Roche, Jean-Pierre Faye du groupe Change ou Marcelin Pleynet, Philippe Sollers, Denis Roche du groupe Tel Quel (ces ”littérateurs” disait Saint John Perse…). Et qui donc aurions-nous dû admirer davantage à cette époque et dans ces circonstances de remise en question radicale de l’écriture ?Je demeurais donc en frontière, il y avait ceux des Cahiers et il y avait nous. Je les trouvais eux moins audacieux que nous. Le seul poète déjà reconnu auquel nous pouvions parler de nos textes était Jean Tortel, ami de Francis Ponge, ce qui ne faisait pas beaucoup de monde au regard des autres revues… Quant à Toursky, grand ami de Tortel, il s’y rendait bien rarement et finit

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même par en être exclu, cas unique dans l’histoire des Cahiers du Sud !

Liliane Giraudon : C’est pourtant grâce à Axel Toursky que durant la guerre les Cahiers du Sud ont pu se procurer le papier nécessaire à leur publication. Parmi tous les figurants de cette époque, Toursky, dont il ne reste dans la mémoire de cette ville qu’un nom de théâtre, était sans doute l’un des personnages les plus énigmatiques. La première fois que je l’ai vu, c’était, moi aussi, dans un bar de nuit. Je lisais. Il s’est approché de moi et m’a demandé ironiquement, me sembla-t-il, ce que je lisais. J’ai répondu agressivement ”Bataille !” , je lisais ”Le bleu du ciel”, il m’a répondu avec un superbe sourire attristé : ”Mademoiselle, j’espère pour vous que c’est Henri !”… C’était magnifique. Tout le dandysme ravageur de Toursky était là, dans cette répartie, une nuit, dans un bar de Marseille. Plus tard je l’ai revu à Avignon, chez les Tortel. Mais dans Banana Split nous n’avons publié un choix de poèmes et une de ses lettres à Jean Tortel qu’après sa mort.

BP : J’ai fréquenté Toursky au moment où il mettait la dernière main à ”Un drôle d’air”. Il m’avait dit que la poésie souriante était plus difficile à exprimer. Et le livre en question était particulièrement mélancolique, voire noir. Mais jamais il n’en avait cité un seul extrait.

LG : Ce n’était pas encore l’époque des lectures publiques qui semblaient n’exister qu’en URSS et aux USA…

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JJV : … Et je ne sais pas si Axel a même jamais lu un poème de lui en public …Nous en avons fait pas mal Liliane et moi… une lecture de poésie s’apparente à l’exposition d’un fragment, d’un détail tendu à l’attention, sinon à l’analyse, d’un public réuni dans ces musées provisoires en quoi sont transformées pour la circonstance les librairies concernées, espaces souvent choisis pour ces accrochages de la voix… Mais une lecture en public c’est aussi une manière d’exercice de tir, et comme pour toutes les démonstrations, il s’agit là d’adresse c’est-à-dire d’un contrôle de la trajectoire.

LG : Mais quel que soit le poète qui lit et quel que soit le fragment projeté, ne nous trompons pas : un poème lu en public ne fera jamais ni le bruit ni les dégâts d’une roquette artisanale destinée à pulvériser le sommet !

BP : Bigre ! ces lectures, peut-être moins bruyantes, n’ont-elles pas un double emploi avec les revues et ne cachent-elles pas l’ensemble derrière des détails fussent-ils explosifs ?... En un mot, pourquoi quand on est poète faire des revues de poésie ?

JJV : Peut-être une dépendance, une sorte d’intoxication mais tout de même pas une manie… Je constate que toutes ces dernières années se sont construites en circulant dans des infrastructures de revues. Il y a des écrivains qui disent que le temps consacré à une revue est du temps plombé quant au travail d’écriture, j’ai entendu ça… c’est un moteur du comportement qui aide

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justement chez un écrivain à entretenir une curiosité, à maintenir ou inventer une discipline et j’ai l’impression que je bouge mieux lorsque je suis entraîné de cette manière. Ce qui demeure fondamental dans ce travail de revue c’est la fréquentation textuelle d’auteurs nouveaux et le travail de traduction. Le texte étranger fait lire autrement sa propre littérature et permet de travailler mieux à l’intérieur de sa propre langue comme un étranger. C’est nécessaire et ça provoque des découvertes et un désir d’écriture. Il m’arrive souvent de m’arrêter dans un travail et de lire quelques pages, un ou deux passages d’un auteur étranger, prose, poésie, essai, catalogue… c’est une décharge et une recharge…

BP : … D’où ce besoin de plier un instrument à sa propre conception d’écriture et un enrichissement par des regards neufs ?

LG : Lorsque nous avons décidé de créer la revue Banana Split nous avons en même temps programmé son existence éditoriale sur une seule décennie. Les 27 numéros sont parus entre Février 1980 et Décembre 1990 et nous continuons à penser qu’une revue doit avoir une trajectoire brève, si possible brillante, une manière d’étoile filante… Banana Split a proposé un esprit de fabrication nouveau : interventions libres et directes des auteurs invités dans la mise en page de leurs travaux sur des cadres spéciaux mis à leur disposition (ces fameux faire-part encadrés de noir et ensuite photocopiés) et où apparaissaient aussi l’adresse de

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l’auteur de manière à ce qu’un contact entre auteurs et lecteurs soit immédiatement possible. Nous avons eu le souci du cosmopolite où le résolument contemporain restait inséparable de la redécouverte d’un texte ancien. Banana Split a été une revue de poèmes, de textes, de traductions (plus de 15 albums étrangers), d’entretiens, d’interventions d’artistes (26 plasticiens) et de musiciens. Et c’est par provocation que cette revue du mélange et de l’extraterritorialité avait pris pour titre le nom stupide de ce dessert internationalement connu…

BP : Comment est apparue la revue IF ?

JJV : La revue IF a été créée en 1992 par des écrivains qui ont un certain goût pour les revues puisqu’ils en ont inventé plusieurs, en ont traversé quelques unes et continuent à en fabriquer : Action Poétique, Les Cahiers du Sud, Manteia, Banana Split, Impressions du Sud, La Nouvelle BS, Irrégulomadaire...Dans IF il y a le nom du bois dont on faisait les arcs et la badine avec laquelle on corrigeait les élèves ignares, l’adverbe du conditionnel anglais et le nom du célèbre château au fond duquel les prisonniers écrivaient sur les murs. On peut voir là un véritable programme sur lequel rêver. Et sur la 4° de couverture, une carte marine bouge comme un feu et glisse sur son propre espace d’un numéro à l’autre, signalant ainsi un mouvement incessant, celui de la littérature, celui des revues qui se battent contre l’opacité du monde, tentent de traverser en parlant contre cette opacité, résistent à un enfermement et font passer des messages codés, pas

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toujours déchiffrés. Cette carte donne à voir ce qui est dessous le tracé. Dedans. Au fond. Pour naviguer en surface une connaissance des fonds est indispensable. Fabriquer une revue c’est apprendre à naviguer et à tenir une cargaison à flot.Le programme de IF est aussi éclairé par la liste des auteurs publiés, bien souvent étrangers. En effet là aussi une grande part est faite encore une fois à la traduction. La lecture de Mina Loy ou de Victor Sosnora, totalement occultés en France, comme celle de Marina Tsvétaïeva ou d’Emily Dickinson, d’Oscar Pastior, de Gertrude Stein ou de Barbara Guest, d’Adilia Lopès ou de Christine Lavant, semble directement concerner les écritures ”extrême contemporain” d’auteurs aussi différents que Katy Molnar ou Philippe Beck.

LG : Transmission. Translation. Transporter quelque chose d’un lieu à un autre, dans un certain ordre et selon une périodicité fixe. Deux numéros par an, un tirage de 600 exemplaires par numéro. Dans les cales de IF la cargaison semestrielle poursuit sa navigation, transporte de la langue stockée, vers ou prose, avec la même consigne : pas un seul voyage sans étranger.IF est un lieu pour lequel et dans lequel une distance est prise et maintenue par rapport à l’environnement de réflexion théorique et de tentative de modernité. Le nombre réduit d’écrivains à son comité de rédaction (trois personnes) est un choix, dans chaque numéro chacun insuffle ce qu’il veut faire apparaître de son approche de la littérature telle qu’elle se fait.”Chaque auteur contemporain doit trouver son sens

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intérieur de la contemporanéité”, cette réflexion de Gertrude Stein apporte une excellente dynamique à la construction des sommaires de IF.Programmée elle aussi sur un temps fixe compris entre le numéro 1 et le numéro 27, en imitation de Banana Split (°) cette revue IF a trahi ce programme et a poursuivi ses parution par un numéro 27+1 (soit 28 !) qui, à travers une BD de Christophe Chemin mettait en planches un roman inédit de LG et JJV, ”Le rasoir de Borgès”. Un plan de partenariat est alors passé avec Hubert Colas codirecteur du Centre Montévidéo pour une parution partagée une fois par an mettant en pages une partie du programme actOral de Montevideo. C’est actuellement la vitesse de parcours de IF.

BP : Cette année, ”1968” est célébré en France. La revue Manteia, créée en 1967, rencontre effectivement cet épisode...

JJV : J’en parle dans un livre collectif qui vient de sortir aux Editions Argol, Ecrire Mai 68, qui rassemble trente cinq écrivains invités par Catherine Flohic. Liliane Giraudon aussi témoigne dans ce livre en s’interrogeant sur l’effacement des katangais, l’absence quasi-totale de documents les concernant. Mais oui, bien sûr, Manteia traverse l’histoire elle-aussi… Nous n’étions pas également unis au comité de rédaction, c’est le moins que je puisse dire… Arseguel et Guglielmi, anciens membres du PCF me reprochaient mon appartenance au Parti en 1958, mon travail de chroniqueur de théâtre à La Marseillaise le

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quotidien communiste de Marseille et mes articles sur le Festival d’Avignon où j’ai vu Vilar bassement insulté, Béjart fustigé et Julian Beck, dont j’admirais le Living Theater, crier ”libérez les spectateurs !” en secouant les grilles du cloître des Carmes… Todrani restait le libertaire qu’il était redevenu, profondément, après un temps au PCF interrompu par les évènements tragiques de Budapest en 1956, quant à Charles Grivel, universitaire helvétique, il affichait une adhésion républicaine sérieuse sans alliance réelle. Je ne croyais pas trop à l‘ampleur politique ”68”, je m’attendais à une réaction forte de de Gaulle. Je me disais que le PCF et quelques milliers d’ouvriers entourés par quelques milliers de jeunes étudiants et lycéens ne feraient jamais reculer les blindés de Massu et le PCF ne possédait plus les structures ”militaires” qu’il avait à la Libération, il préparait Grenelle et ne voulait à aucun prix un affrontement frontal qu’il redoutait. J’avais quitté Action Poétique en 1965, j’ai quitté Manteia en 1974. Dans le même temps j’ai quitté aussi d’autres personnes et d’autres lieux, le PCF, la CGT, le journalisme, des groupes littéraires et politiques.

LG : Il est clair que si nous nous étions rencontrés à cette époque nous aurions eu peu de chance de collaborer… Mon goût pour les libertaires ne t’aurait certainement pas convenu… En fait quand on s’est rencontrés tu sortais d’une ”diète” bénéfique : quitter les groupes, les partis, les appartenances a toujours quelque chose de vital, ça nettoie la tête ! (°) Banana Split était située à Aix-en-Provence au 27

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Bd. du Roi René et a publié 27 numéros, à Marseille au 27 Ave. du Prado et aurait du s’arrêter au n°27 puisque nous voulions respecter cette ”loi du 27”… On sait que depuis Picabia il existe un lien entre revues et chiffres.

Liliane Giraudon : ”Sangsure VII”, 2006.

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Liliane Giraudon : Carnets moscovites, 2006.

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ECRIREDESSINER

BP : Je trouverais intéressant de revenir sur l’entretien ”que fait le dessin” publié en 2005 dans le catalogue ”Les Marseillaises” édité par le ”VAC, Ventabren art contemporain” sous la direction de Julien Blaine. Xavier Girard y introduit ton travail et te pose vingt deux questions sur ta pratique du dessin dans les marges du travail d’écriture.

JJV : On pourrait reprendre ces questions qui étaient assez étonnantes et tu pourrais tenter d’y répondre avec quelques variations…

LG : Pourquoi pas… Il faudrait alors redonner les réponses et y introduire comme en contrebande des variations. Une manière de fictionner ce que j’appelle ”écriredessiner”.

XG : Dans tes dessins que fait le crayon ?

LG : Avant d’être tenu, il est choisi. La main est une petite pince assez molle reliée au corps, c’est elle qui tient le crayon. La main corrige l’œil, elle le barre et le répare. Graphite ou couleur. Mais le noir est une

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couleur. Le crayon n’est pas la plume. Il glisse sans pouvoir griffer. Ne gratte pas. On peut sucer le crayon, mordre un peu le bois, mouiller la mine quand elle est en couleur.Mais le crayon est un mot pour dessiner, une sorte d’outil général. L’important serait de penser cet outil, cet objet qui prolonge la main. On peut aussi rêver les doigts comme outil. Peindre ou dessiner avec les doigts (vieux rêve enfantin).

XG : Que fait le corps ?

LG : Le corps est là. C’est lui qui envoie les signaux, guide la main ou plutôt transmet des flux. Parfois je suis un corps sans tête, ce sont mes exercices d’auto-décollation. La tête doit être déposée à côté du cahier avant de dessiner dans le cahier.Peut-être s’agit-il de retrouver son corps. Ou habiter un corps ancien, perdu. Imaginaire. Le modèle extérieur n’existe pas. Je ne copie pas (encore que copier a quelque chose de fascinant. Comme Gertrude Stein je crois au dupliqué. On ne répète pas un dupliqué. Ce qu’il faut c’est penser la différence entre répéter et dupliquer. Stein dit-elle parle de littérature mais ça peut s’appliquer au ”écriredessiner” - ”vous ne pouvez répéter un dupliqué, vous pouvez dupliquer”…). Je suis un objet intérieur. Je le suis dans le sens de suivre mais aussi dans celui d’être c’est-à-dire habiter. Je deviens moi-même un autre corps.

XG : Que fait le noir ?

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LG : Le noir trace. Il est profond. Très lisse aussi, souvent le plus luisant. Il suinte. Griffonne en buisson. S’étale.Si le noir est si présent c’est sans doute parce qu’à l’origine il y a le texte. On écrit noir sur blanc. Et mon ”écriredessiner”, ce petit concept commodément bricolé insiste sur le passage d’une pratique à l’autre. On peut dire que c’est un dispositif. Une manière peut-être de sortir du livre (ou d’y pénétrer autrement puisque je voudrais que mes dessins soient lus comme du texte)

XG : Que fait l’image ?

LG : L’image est morte. Ce qui la couvre ou l’enveloppe, la ranime. L’image est enterrée. Elle est comme le poisson pêché qui pense à l’eau, tant qu’il le peut.Ici il faudrait que je parle de ces corps découpés, généralement nus et sans visage, tous prélevés dans des magazines et qui aliment mes collages. Ils sont l’image à enluminer. Il y a aussi les gravures que j’utilise comme des fonds et que je sature. Mais l’image est souvent un corps ou un morceau de corps. Certains corps ouvrent une doublure fantômale. Ils fonctionnent par séries.

XG : Que fait le sexe ?

LG : Le sexe serre. C’est une corde. Serrer la corde. Manger la corde.Sans doute se pose la grande énigme du sexe dans

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ses rapports à l’art. Je dois avouer que ma réponse et cette histoire de corde m’est aujourd’hui (3 ans plus tard) totalement opaque. Je ne saisis plus ce que je voulais dire. Peut-être la difficulté de répondre. Mais la corde peut être déchiffrée comme une ligne, celle qu’on trace. Ce vieux travail en somme entre pulsion de vie et pulsion de mort. Et manger la corde serait avaler la question.

XG : Que fait le bouclier ?

LG : Le bouclier n ‘est qu’une légende. Un nom donné à une série de dessins sans objet. Mais la plupart des boucliers ont été exécutés dans la peur, quand pour moi le siècle semblait mauvais ou la constellation malveillante trop présente.

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C’est vrai que le mot bouclier a une forte connotation. Il a servi à légender une série de dessins à l’encre pour laquelle j’avais été dans l’obligation d’acquérir une grosse loupe. L’extrémité de la plume c’était un peu comme une aiguille et je brodais, noir sur blanc. Avec une application maniaque. Aucune figuration dans ces condensations et ces déplacements. Mais une fois publiés dans un livre de proses (”Greffe de spectres”, POL 2006) et bien que détournés par de fausses légendes qui fonctionnent en vis-à-vis aussi comme des titres ou des descriptions (je voulais que ce soit le texte qui illustre le dessin et non l’inverse) ces dessins apparaissent comme de véritables petits boucliers portables.

XG : Que fait la peau ?

LG : La peau c’est le papier. On peut y ”écriredessiner”.Oui, la peau c’est le papier. Dans le sens où quelqu’un a pu dire ”vous n’aurez pas notre peau, elle est dans nos livres”. Mais ici peut-être j’introduirais aujourd’hui cette notion de plaisir dont on parle trop peu. Le papier comme la peau donne accès au plaisir. A une des formes de la jouissance. C’est un vrai pervers polymorphe…

XG : Que fait la mort ?

LG : La mort travaille sous nos yeux. Inséparée de la vie… Pascal a raison ”le dernier acte est sanglant ”et il ajoute de manière superbe ”on jette la terre sur la

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tête et en voilà pour jamais”. La formule ”en voilà pour jamais” j’en rêve depuis qu’enfant je l’ai lue ou plutôt entendue dans la bouche d’une nonne qui nous lisait Pascal à l’étude du soir… Dessiner accompagne le travail de la mort, brode son linge le plus intime, mais dessiner me semble un acte plus vivant, plus vivace que celui d’écrire. Sans doute parce que je ne sais pas dessiner et que ça me semble une véritable critique en acte doublée d’un sabotage … Une entreprise de sabotage, quelque chose comme ça, de très violent et de secret…Faire quelque chose qu’on ne sait pas faire. Pour laquelle on n’est pas doué. Pas du tout. Y aller pourtant. Parce que justement aucune stratégie raisonnable n’a été suffisante pour empêcher la chose, c’est peut-être ça qui est intéressant. Qu’il faudrait se donner la peine d’interroger.

XG : Que fait l’écriture ?

LG : L’écriture poursuit. Elle poursuit en moi sans moi. Claudel parlait d’hémorragie du sens… Certains morceaux écrits, phrases, bribes de paragraphes… sont enfouis sous la plupart des dessins, ils fonctionnent comme de petites mines à retardement… pas pour les dessins mais pour les livres à venir. Quand je dessine l’écriture se tait. Le travail d’écrire est suspendu (une diète qui nettoie). Les voix du dessus cèdent la place à celles du dessous. Montent des champs de tension (ceux qui ne sont pas destinés à trouver un apaisement)… S’opèrent alors des séries de dénivelés…

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Il faudrait développer cette histoire de voix du dessus et de voix du dessous. Ces dénivelés. Mais pour la mise au silence de l’écriture, j’en serais moins sûre aujourd’hui. Je dirais plutôt qu’elle se trouve suspendue. Ou en apnée. Dessiner serait alors une manière de réarmer l’écriture (comme on le disait pour un appareil photo).

XG : Que fait la couleur ?

LG : Dessiner comme écrire ou traduire se fait dos à la couleur. La couleur est immobile. C’est elle qui maintient le dessin en état d’agitation. La couleur c’est la grandeur sexuelle, celle dont tout le monde rêve. Un lancé non retombé du ”Coup de dés”… Tout est permis… Dans mes rêves les plus bienheureux, j’ai

Liliane Giraudon : Mon muse m’use, 2006.

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les mains dans des bassines de couleur et j’y teins du linge. Certains crayons je n’ai fait que les tailler, jusqu’à disparition. D’autres m’ont servi à remplir mes carnets de ponctuation, des carnets emplis de points, virgules, parenthèses, points d’interrogation ou d’exclamation…Ce qui m’intrigue c’est que lorsque j’entends le mot ”couleur” j’exclus le noir et le blanc c’est-à-dire l’écriture et ce qu’on appelle le dessin. Exactement comme on le faisait pour la photo. Il y a la photo couleur d’un côté et la photo noir et blanc de l’autre. Alors qu’il n’est question que d’espace et de temps. Comment on l’occupe. Comment on le traverse.

XG : Que fait le collage ?

LG : Le collage déplace. C’est aussi un cadrage d’espace, une découpe. On prélève et on dépose. Je préfère le mot collure. Comme la composition rend le livre ”livre”, la collure a à voir avec la composition. On monte un livre après l’avoir tourné avec les yeux. Structure flottante, c’est ”Une-Forme-De-Vie”.Peut-être faudrait-il ajouter que le collage, à l’origine, je l’ai pratiqué tout à fait accidentellement, j’allais dire innocemment. Parce que je voulais fixer dans mes carnets certains éléments récoltés à droite et à gauche. Et je voulais les localiser dans le texte. Le contexte. Véritable acte de ”littérature arrêtée” au sens où l’entend Denis Roche. Dans un premier temps, c’était simplement les pièces de documents liés à une pratique de l’autobiographie. Pour ne pas qu’ils tombent du

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carnet, je les ai collés… Et très vite le problème d’ une organisation dans la page et de leur rapport au texte ou aux simples griffonnages s’est posé.

XG : Que fait le voyage ?

LG : Comme la collure , il déplace. Ouvre. Permet de flotter en fixant. Mes carnets sont mes cabanes, mes petites yourtes. Ecriredessiner sous des langues parfaitement étrangères comme respirer autre (pas autrement, autre). VoirEcouter en un seul mot. Faire du corps une petite machine enregistreuse. Fabrique de ce que j’appelle des cavaliers d’air ou des cavaliers d’eau, c’est-à-dire des séries de dessins qui sont jetés dans l’air d’un lieu précis ou bien dans l’eau, lac ou fleuve parfois simple rivière. Cette pratique aux allures païennes date d’un ancien voyage au Tibet. Dans un autre carnet, sont parfois consignés les lieux où sont jetés les dessins exécutés sur place… Le voyage fait aussi ce que fait la maladie quand elle est vécue comme une expérience mystique profane. Mais pour que les choses soient bien claires je voudrais ajouter cette phrase prise dans la bouche d’un personnage de Beckett ”et n’allez pas penser qu’on soit assez con pour croire qu’on aime voyager”.Le non-voyage serait d’ailleurs aussi intéressant à analyser. Aujourd’hui pour moi, sortir dans la rue c’est déjà un voyage… Mais disons : il y a eu voyages. J’ai des valises et des stocks accumulés. On puise dedans ou pas. On travaille et on regarde.

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Liliane Giraudon : ”Carnets milanais”, 2007

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XG : Que fait l’insomnie ?

LG : L’insomnie peut faire le dessin. Et le dessin défaire l’insomnie. Mais le dessin sert aussi à lutter contre le sommeil. Beaucoup de dessins de la série ”les yeux fermés” (où je dessinais au lit les yeux fermés, dans de petits carnets) ont été fabriqués pour repousser le sommeil, par peur du sommeil trop rapide.Le problème du sommeil ou plutôt le sujet ”sommeil” est capital. Je m’étonne qu’il soit si peu abordé lorsqu’on demande aux artistes de parler de leur travail… Cette autre vie dans notre vie. Cette articulation. L’état de non sommeil est-il la veille ? Tous deux sont les composantes d’un même temps. Tous deux sont les conditions de la possibilité de cette ”littégraphie”. J’aime dormir parce que j’aime basculer. Descendre. Et il y a le rêve. Très proche du dessin. De l’acte de dessiner. Il y a une phrase de Voltaire que j’ai mis des années à comprendre ”Celui qui vit un crayon à la main dort”. On pourrait aussi la renverser. Le dormeur est un rêveur. Au siècle dernier, Freud est venu nous confirmer le travail du rêve…

XG : Que fait l’ennui ?

LG : L’ennui recule. Parfois il avance encore plus prés. Il apprend. Il nous apprend.

XG : Que fait le temps ?

LG : Le temps est un grand maître. C’est lui qui remplit

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ma malle de cahiers. Sans lui je ne fais rien. C’est encore lui qui, aidé du soleil, efface la couverture de mes livres. Papier ou peau, il dessine plus vite que les meilleurs.Encore une citation : Céline considérait le temps comme une matière plus précieuse que le diamant. Je suis allée voir au Centre Pompidou la rétrospective de Louise Bourgeois qui est une artiste dont le travail m’a toujours passionnée. Le temps, dans la perception du déroulement des œuvres fonctionne vraiment comme un révélateur. C’est hallucinant. Les derniers dessins exécutés en 2007 (elle a prés de 97 ans) éclairent magnifiquement ceux qu’elle faisait en 1947…

XG : Que fait la beauté ?

LG : Elle bouge. Elle est partout. Je l’ai vue hier, dans le cadavre d’un bébé chauve-souris. Son nez plissé comme les pétales minuscules d’une fleur. La structure des ailes, ce noir, le dessin des pattes, le gris délicat du ventre.

XG : Que fait le papier ?

LG : Le papier est vivant. Il respire, s’efface. Je découvre des papiers au cours de mes voyages . Par exemple au Vietnam celui, fabriqué à partir d’un palmier sauvage et qui ressemble à du maïs. Les feuilles se ramollissent dans l’eau sans se décomposer. De la bile de poisson mélangée à l’encre rendait les dessins ineffaçables.Mais ce que j’aime c’est l’usage. L’usager. Au Tibet j’ai

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fait une série de dessins sur des morceaux de papier qui avaient servi à plier des morceaux de yack. En chine, j’ai écrit de petites proses sur des carrés de papier qui enveloppaient les fruits que je mangeais. Je suis encore plus amoureuse du papier depuis que je dessine sur mon ordinateur (chaque jour un ange. J’en ai une cohorte, tous légendés). Ils n’existent que sur écran. En couleurs élémentaires et comme découpés. Je les envoie à mes amis… Il semblerait que le dessin à l’ordinateur (avec un logiciel très élémentaire sans doute utilisé pour les enfants) ait combiné la pratique du collage à celle du coloriage. Mais en déréalisant le corps (le mien et celui des anges). On peut manger les couleurs (Van Gogh), renifler la colle, se tailler les veines aux ciseaux ou découper les poissons rouges avec (La comtesse de Ségur) quand on est dans le support papier. Rien à voir avec le coupé collé du traitement de texte ou l’exercice de logiciel.

XG : Que fait la nuit ?

LG : Il y a deux ans, durant un séjour en Islande (je voulais marcher, vraiment marcher sur la ligne du cercle polaire que je traçais en bleu sur les cartes que je décalquais à l’école, cette diagonale du fou ) j’ai découvert et expérimenté la non-nuit. Chaque non-nuit, à minuit, je m’installais pour écrire une page du carnet de Reykjavik et j’attendais la nuit qui ne venait pas. J’écrivais et lisais ces formidables récits en prose que sont les sagas. Dormais l’après midi. L’absence de nuit, cette soustraction m’a encore renforcée dans mon

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amour nécessaire de la nuit. Les dessins à la plume sont plus dans la nuit que les autres.J’ai écrit il y a plus de vingt ans un petit roman épistolaire qui s’appele”La nuit” (POL, 1985)… ”La nuit” était le nom d’une boîte de nuit. C’était en quelque sorte le ressort du livre. J’aime bien imaginer mes dessins dans des boîtes. Chacun d’eux est une sorte de boîte qui a quelque chose à voir avec la nuit.

XG : Que fait le combat ?

LG : Il terrasse. Finit par mettre en terre. Mais demeure inséparable de l’acte de VivrEcrireDessiner. Parce qu’on n’écrit pas ce qu’on EcritDessine mais on est là pour le faire, entre mémoire et agitation. Inséparable de la mémoire (tout ce qui nous précède comme nos contemporain, inclus dans cette mémoire où l’oubli aussi travaille, efface, répète ou trahit) les formes les plus anciennes ajoutées au lieu le plus actif de ce qu’on peut appeler le renouvellement formel… ça peut déboucher sur des objets ratés. Fabriquer de l’échec. Mais demeure dans le corps un état de condensation (toute l’énergie stockée). Je pense souvent à l’ancien programme si prémonitoire du concept de ”Poésie élargie” dont parlait Novalis.Mais peut-être que le combat ”écrire” est plus opaque. Quand on écrit, ce qui est devant soi est opaque. Ce qui est convoqué est opaque. Alors que dans dessiner il y a une sorte de hors-temps. Une a-chronologie. On tombe. On se jette…

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XG : Que fait la bête ?

On a parlé du sommeil des bêtes. De la qualité, la profondeur de ce sommeil là. Une sorte d’état. Un abrutissement… L’exécution de certains boucliers, la répétition du geste sous la loupe, ce noir en boucles et pointes posées m’abrutit. Développe un état obsessionnel où la fatigue enferme la tête, invalide la pensée. J’ai souvent rêvé aux Travaux des Dames, ce qu’en disait Djuna Barnes, cette intensité, fabrique d’absence, de disparition, une énigme de la totale présence autorisant la fuite (dans les contes de fées ce qui rend invisible). Un ”ne plus être là”. Là où la loi vous assignait… La destruction systématique des bêtes, leur domestication , est-ce que je peux dire sans être obscène que cette simple idée parfois me ronge. Le rang des bêtes n’est pas pour moi lié à une chute mais à un être au monde autre. Rien de plus bouleversant que les traces laissées par les animaux (griffures sur les troncs d’arbres, empreintes dans le lit des rivières…) Relire Pascal mais à l’envers, en le renversant.

XG : Que fait la solitude ?

LG : La solitude est un cadeau. Un don. Souvent inséparable d’une sorte d’exercice de concentration où écriredessiner devient un vêtement ouvert-fermé. On est dans le monde et séparé. Mes cahiers-carnets sont mes cabanes. Petites yourtes j’y écrisdessine. Avant je disais ”j’écris dans des trous”. Un être là tout en faire autre chose et le faire furieusement, dans une concentration

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extrême. Il y a dans les lettres d’Emily Dickinson des choses magnifiques à ce sujet.

XG : Que fait l’enfant ?

LG : Il dort. L’enfant dort. Heureusement, s’il s’éveillait il se sentirait ici comme un renard dans un magasin de fourrures.

Liliane Giraudon : Chacun son tour, 2006

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AVIATION

étudier à pied le sol sur une bonne distancecouper les obstacles gênants pour l’essor ou transporter à main l’avion sur un champ voisin

éviter de se trouver dès la lisière du champ au dessus des villes des bois des ravins tous terrains impraticables

s’attacher se détacher plusieurs foisvérifier fermeture et ouverture de sa ceintureil ne faut jamais s’envoler sans être attachéc’est une règle immuablefaire longtemps tourner le moteuril faut toujours partir face au ventc‘est une règle immuable

si le sol est bon diminuer l’espace de lancementil faut soulever la queue et décoller franchement

si le sol est mauvais alléger l’appareillaisser la queue à terre mettre tous les gazrepousser peu à peu le manche

si le sol est mou faire pousser à chaque aile

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si la vitesse est presque suffisante se servirdes vallonnements comme de petits tremplinstirer un peu sur le manche

si le vent de bout est fort prendre de la vitessejusqu’à 10 kilomètres à l’heureavant de tirer sur la profondeur

en vol il faut essayer longtemps le moteurau dessus de la piste en prenant sa hauteurelle dépendra des obstacles à franchirelle dépendra du vent

chercher la zone calme

chercher à gagner vite cent mètrespour éviter les remous au voisinage du solla hauteur est la sauvegarde de l’aviateur

monter le plus tôt possible plus de 400 mètres en hiver plus de 600 mètres en été

franchir les premières étapes en altitudeavec prudence

ouvrir la bouche contre les bourdonnementsquand on avale sa salive

pour les vols de longue duréese vêtir chaudement surtout les extrémités

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les pieds en particulier sans se serrer

prévoir du chocolat pour passer le tempséviter de partir avec l’estomac videprévenir les étourdissements se méfier de l’altération des sensations auditives il ne faut pas voler au ras du sol avec puissanceil ne faut pas manœuvrer sans arrêt la profondeuril ne faut pas virer en montant

commencer à éteindre le dérapagepar la manœuvre des ailerons

à 2.000 mètres suralimenter le moteur en air

la vitesse du vent augmente avec la hauteuril faut voyager haut si le vent est arrière

il faut voyager bas si le vent est de boutsavoir à chaque instant la direction du vent toutes les cinq minutes comparer le terrain à la carte pendant 10 secondes

pour connaître la direction du ventexaminer le sommet des arbresla marche des nuages les fumées prochessuivre l’avancée de l’ombre des nuages sur le solobserver la marche en crabe ou la dérive des spirales

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il ne faut pas toujours chercher sa routedans le prolongement de l’axe de l’appareil

ne jamais franchir un obstacle sans une hauteursupérieure au huitième de sa largeur

ne pas s’aventurer sans obligationsur une forêt ou sur une ville

lire l’altimètre évaluer la largeur à traverserprendre la hauteur suffisante

si le moteur est mou contourner l’obstacle

il ne faut pas chercher à vouloir voler bien horizontalement dans les remous

dès que la danse commenceil faut réduire la puissance

si l’on craint d’être chaviréaccélérer légèrement l’allure du moteursans atteindre le régime maximum

rechercher la zone calme on est sûrde toujours la rencontrer

dans les remous se redresser au piedautant qu’au gauchissement

sautes de vent fréquentes et modérées

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papilloter des commandeset laisser faire

remous secs et courts signes d’orageil faut atterrir

se méfier des fortes inclinaisons latéralesy répondre aussi rapidement que possible

ne pas faire de virages trop inclinésne pas offrir sa surface aux rafales latérales

on peut attendre en tirant le manche à soil’avion se redresse seul au bout d’une abatée

s’il y a du vent se méfier de n’être pas trop court à la descenteface au vent dans la descente on n’avance pas autant que par vent calme

il faut éviter d’atterrir volontairement dans un endroit encaissé où remous et courants peuvent produire l’engagement ou la perte de vitesseauxquels la proximité du solne permet pas de remédier

si le moteur faiblit choisir rapidement un terrainle plus dégagé possible

prendre toujours comme terrain à viser celui qui se trouve dans le sens du vent

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sans moteur il ne faut pas chercher à monterà plus de trois fois sa hauteur

à 1.000 mètres on a deux minutes pour réfléchiren vol plané il faut estimer sa vitessepar le sifflement de l’air

dans les virages piquer plus qu’avec moteursans exagération si le terrain est éloigné

ne pas s’inquiéter des remous accélérant la descenteles rafales cessent au ras du sol

il faut toujours être prêt à répondreà une augmentation imprévue de la puissancepar un redressement immédiat

ne pas descendre trop rapidement de grandes hauteurspour éviter d’intenses bourdonnements

ne pas lire l’altimètre à partir de 300 mètresil faut apprécier la hauteur à l’oeil

couper la descente par des palierset remettre le moteur pour qu’un ralentissementtrop prolongé ne l’arrête pas

terminer toujours un vol d’altitude parun tour de terrain à faible hauteur pour rééduquer l’œil à l’appréciation des dimensions

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à 300 mètres ne compter faire qu’une spiraleà 150 mètres ne compter faire qu’une demiecommencer la dernière spirale face au vent

si l’on est trop long (début ligne droite trop haut)l’allonger par des sinuosités

dans une descente en épingle à cheveux être à 200 mètres au-dessus de son terrainmais vent arrière

il faut commencer le dernier viragedès qu’on a dépassé la verticale élevée du solen se méfiant du déport du vent

il faut virer suffisamment pour ne pas toucher avant d’avoir achevé la spirale

à une hauteur non inférieure à 80 mètresallonger la trajectoire en ralentissant la descente terminer toujours dans les derniers 100 mètrespar une ligne droite face au vent c’est une règle immuable

lorsqu’on atterrit de nuit on tend à asseoir l’appareil un peu haut à cause de l’ombreplus épaisse au ras du sol

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bien regarder si le vent n’a pas changéde direction à terre alors atterrir vent de bout c’est une règle immuablec’est ça la France

au moment de se poser si on a le venttrès légèrement de côté annuler la dérive latérale en faisant déraper l’appareil du côté du vent et virer à plat du côté d’où vient le vent

relever ses lunettesse détacher dans les derniers 25 mètresregarder le sol au loin

la vitesse étant faible les mouvementsseront très amples mais très précis

laisser tomber l’appareil de 20 à 30 centimètress’habituer à estimer sûrement sa distance au-dessus du sol

ne faire l’atterrissage ralenti que très prés du sol

en campagne toucher de l’arrière et de l’avanten même temps pour rouler le moins possible

il faut atterrir sur des chaumes il faut éviter les fourrages ou les plantations n’atterrir dans un champ labouré que si les sillonssont parallèles à la direction du vent

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si l’on est obligé d’atterrir sur des céréalesatterrir à plat sur les épis

si le sol est mauvais il faut remettre les gazet refaire un second tour pour choisirun endroit plus roulant

laisser l’appareil rouler au solsans tirer au début pour ne pas décollerlaisser ensuite le manche revenir en arrière

il faut alors rouler lentementtant qu’on n’est pas dans le lit du ventet l’appareil en roulant tourne autourde l’aile gauchie (contraire du vol)

si l’on ne parvient pas à enrayer un cheval de bois par une défense des ailerons et du palonnierne pas persister arrêter presque complètementrepartir gouvernails braqués à fonden augmentant peu à peu la vitesse

mais si le vent est violentil faut renoncer à rouler seul

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ALPHONSE ALLAIS

Alphonse Allais né comme Arthur Rimbaud le vendredi 20 octobre 1854. Alphonse Allais né à Honfleur deux heures plus tôt qu’Arthur Rimbaud à Charleville. Rose, la première sœur d’Alphonse Allais, celle qui deviendra écrivain sous le nom de Jeanne Leroy-Allais. Alphonse Allais enfant, surnommé Alphi ou Fifi. L’enfance d’Alphonse Allais. Le goût d’Alphonse Allais pour le jeu de dames, le jacquet ou la marelle. Alphonse Allais dans la pharmacie de son père. Alphonse Allais passant son temps à expérimenter la pyrotechnie et la composition artisanale de mélanges fulminants. La chevelure blonde et abondante d’Alphonse Allais. Les lèvres charnues et fraîches d’Alphonse Allais. Le premier séjour d’Alphonse Allais à Paris. Alphonse Allais collaborant régulièrement au ”Tintamare” (fables expresses, autographes et aphorismes). Alphonse Allais apprenant à jouer du tambour dans un régiment d’infanterie. Alphonse Allais écrivant des lettres. Alphonse Allais joignant à ses lettres à mademoiselle Marie un roman à jet continu (complètement loufoque) et qu’il a intitulé « Le petit marquoir ». Alphonse Allais stagiaire en pharmacie. Alphonse Allais inventeur du sucre-café soluble (produit nouveau destiné à préparer instantanément et par simple solution dans l’eau bouillante un café sucré et prêt à boire). Alphonse Allais

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chez les Hydropathes. Alphonse Allais devient l’ami de Charles Cros. ”Un monsieur qui écrit le ”Hareng-Saur” et le ”Bilboquet” et qui en même temps trouve la solution complète à cette question : ”la photographie des couleurs” ou bien invente le ”phonographe” huit mois et demi avant Edison constitue, vous en conviendrez, un ensemble quelque peu fantastique” écrit Alphonse Allais. Alphonse Allais devient le chef de ”L’Ecole Fumiste”. Paul Vivien annonçant la parution de six nouvelles fumistes d’Alphonse Allais. La non-écriture par Alphonse Allais des six nouvelles fumistes annoncées. ”Alphonse Allais vous sert avec prestance un ragoût d’absurdismes” peut-on lire dans la presse. Alphonse Allais devient célèbre avec son ”Cuirassier qui découche” rapidement transformé par le même Alphonse Allais en monologue sous le titre ”La nuit blanche d’un hussard rouge”. Le mardi 25 mai 1880 Alphonse Allais lit en anglais ”Le Hareng-Saur” de son ami Charles Cros. Alphonse Allais fabriquant lui-même des pétards particulièrement bruyants. Alphonse Allais faisant lui-même péter ces mêmes pétards au cours d’une séance des Hydropathes. Alphonse Allais coauteur du poème épico-gastronomique ”Cacao”. Alphonse Allais et Sapeck, cauchemars des chocolatiers de Paris dont ils vont tester les produits. Le poème de Sapeck et d’Alphonse Allais est une liste de plusieurs pages du genre ”Chocolat Lombard, Chocolat Menier/ Chocolat Poulain, Chocolat Perron/ Chocolat Choquard, Chocolat Besnier/…”. Avec ”Les deux Hydropathes” Alphonse Allais signe un exemple suprême du Fumisme (une histoire idiote racontée avec

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le plus grand sérieux et qui n’aboutit pas). Alphonse Allais reprenant ”Les deux Hydropathes” sous le titre ”Histoire fanée”. La quasi systématique reprise des contes d’Alphonse Allais par Alphonse Allais sous un autre titre. Les titres d’Alphonse Allais. La banque des titres d’Alphonse Allais. Alphonse Allais et Villiers de l’Isle-Adam (il improvise chez Nina de Villard au 82 rue des Moines de petits drames fantastiques). Alphonse Allais et Ernest Cabaner, musicien zutiste, auteur d’un sonnet des 7 nombres (ajoutant aux 5 voyelles deux nouvelles eu et ou, les 7 premiers nombres, les notes de la gamme et les couleurs de l’arc-en-ciel). Alphonse Allais appelé aussi Virelai tandis que son ami Charles Cros se prénomme Sirocco... Les pseudonymes d’Alphonse Allais. La multitude (non totalement recensée) des pseudonymes d’Alphonse Allais. Alphonse Allais a-t-il rencontré Jules Marey chez Camille Flammarion ? Alphonse Allais travaillant avec Charles Cros à la fabrication de pierres précieuses. Alphonse Allais se demandant pourquoi le temps rougit les chapeaux et verdit les redingotes. Dans un carnet de 1881/1883 Charles Cros trace le croquis sommaire des Moteurs à aimants fixes d’Alphonse Allais. Alphonse Allais inventeur. Alphonse Allais travaillant à une méthode pour colorer de vert les petits pois en conserve. Alphonse Allais inventeur. Alphonse Allais proposant l’intensification du foyer lumineux des vers luisants, l’aquarium dépoli pour poissons timides, le tire-bouchon activé par la force des marées, la maison-ascenseur qui s’enfonce dans le sol jusqu’à l’étage à atteindre etc… etc… C’est décidé, l’inventeur

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Alphonse Allais ne sera pas pharmacien ni écrivain ni poète mais conteur ! Alphonse Allais improvisant entre deux bocks à la terrasse du Café Napolitain. Alphonse Allais le matin devant un quinquina au Café de la Gare à Honfleur (ses manuscrits, jamais datés, seront toujours écrits sur des papiers à en-tête de cafés et de brasseries) Alphonse Allais appelant ses chroniques des chroniquettes. Alphonse Allais et les terrasses de café. L’amour d’Alphonse Allais pour les terrasses de café ”la conception la plus flatteuse du paradis serait pour moi une terrasse de café d’où l’on ne partirait plus jamais”. L’emploi du temps d’Alphonse Allais. Alphonse Allais joue aux dominos, au tric trac et au jacquet. Alphonse Allais joue au poker. Alphonse Allais raffole des tripes à la mode de Caen. La passion d’Alphonse Allais pour la règle de trois. Alphonse Allais et l’orthographe. Sous le nom de Francisque Sarcey, chroniqueur académique connu, Alphonse Allais se préoccupe de la reform de lortograf et se demande si on doit dire « Je suis allé, J’ai été, Je fus ou plus simplement Je suis-t-été. » Alphonse Allais et la ponctuation. Les parenthèses d’Alphonse Allais ”On étouffe ici ! Permettez que j’ouvre une parenthèse”. Alphonse Allais et les points. Alphonse Allais pouvant en aligner deux lignes, par exemple au moment de la réconciliation entre Raoul et Marguerite dans ”Un drame bien parisien”. ”Un drame bien parisien”d’Alphonse Allais rendant perplexe Umberto Eco qui un siècle plus tard le déclarera ”difficile à résumer et susceptible de produire des résultats discordants”. Alphonse Allais en mécanicien de la fantaisie. Alphonse Allais en

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clown de la logique. Alphonse Allais écrivant cock-tail avec un trait d’union. Les points d’exclamation dans les titres des livres d’Alphonse Allais. ”Vive la vie !” ”Pas de bile !”. Max Jacob lecteur d’Alphonse Allais. Alphonse Allais s’assied à une terrasse de café un jour de tempête ”Garçon ! un quinquina et moins de vent !” ( la même histoire se passe à Toulon avec le mistral et deux vermouth-grenadine). Au cours d’un voyage en Belgique Alphonse Allais envoie à un ami un bouchon sur lequel est écrit ”Souvenir de Liège”. Chaque vendredi Alphonse Allais participe aux réunions des Hirsutes, café de l’Avenir, place Saint Michel. Alphonse Allais collaborateur régulier du ”Chat noir” (cygne d’étang, au cabaret, en qualité de chef de batterie Alphonse Allais tient la grosse caisse et roule du tambour au Théâtre d’ombre.) Alphonse Allais signant AA un texte à propos d’un musicien ogival et gymnopédique qui s’appelle Eric Satie et qu’il avait baptisé Esotérik Satie. Le premier volume des Œuvres Anthumes d’Alphonse Allais sera ”A se tordre”. Alphonse Allais veut épouser Jeanne avril, danseuse du quadrille du moulin rouge composé de la Goulue, Rayon d’or, Grille d’égout, Nini Pattes-en-l’air et Valentin le Désossé. Alphonse Allais épouse Marguerite. (A l’hôtel, avant sa nuit de noces il se rend au bar et demande un porto dans un grand verre. Le barman qui le connaît lui déconseille le porto qui a un effet déprimant et lui recommande du Xéres, classique pour ce genre d’aventure. Alphonse Allais obtempère. Va pour le Xéres. Le lendemain matin, très pâle Alphonse Allais dit au barman ”Donne moi du Xeres et

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fais porter une bouteille de porto à ma femme”). Alphonse Allais ami de Léon Bloy. Alphonse Allais déclarant ”Le respect est un sens qui me manque absolument”. Jules Renard parlant de ”la barbe de fauve apprivoisé pour serre parisienne” d’Alphonse Allais. Sur la longue face mélancolique rouge brique selon certains, rose de viande fraîche selon d’autres, la barbe blonde puis grise d’Alphonse Allais. La raie dans les cheveux blonds puis gris d’Alphonse Allais. La raie sur le côté gauche de la tête d’Alphonse Allais. Les pantalons à carreaux (jaune et noir) d’Alphonse Allais. Les cols cassés d’Alphonse Allais et la cravate à gros nœud d’Alphonse Allais. Alphonse Allais porte un melon en ville et un canotier à la campagne. Un 25 décembre Alphonse Allais note ”Le col de pardessus relevé, les mains dans les poches, j’allais par les rues brumeuses et froides en cet état d’abrutissement vague qui tend à devenir un état normal chez moi depuis quelques temps”. Mélancolique Alphonse Allais. Alphonse Allais neurasthénique et alcoolique. Le goût qu’Alphonse Allais avait pour le macabre. Alphonse Allais et le crime. Le nombre et la variété de crimes dans les œuvres anthumes et posthumes d’Alphonse Allais. ”Le Coffret de Santal” de Charles Cros dans la poche de la veste d’Alphonse Allais. Alphonse Allais se traitant de ”moraliste insuffisant”. Alphonse Allais observant qu’il n’y a qu’en Belgique qu’on imite bien l’accent belge. Alphonse Allais notant scrupuleusement les accents régionaux (”Ja tann tann tann tô nine” dit une petite fille marseillaise qui attend tante Antonine). Alphonse Allais attribuant à un poète sourd-muet des

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rimes riches à l’œil (homographes mais non homophones). Alphonse Allais sous-titrant un ”Poème morne” par ”traduit du suisse”. Alphonse Allais deux ans plus tard déclarant ce même poème traduit du belge. Alphonse Allais et son aphorisme fêlé ”Les pommes de terre cuites sont plus faciles à digérer que les pommes en terre cuite”. Alphonse Allais horrible travailleur ”J’appelle cabinet de travail une pièce munie d’un canapé ou, à son défaut, d’un lit sur quoi, dans la journée s’étendre aux heures où l’on ne se trouve pas à table ou au café”. Alphonse Allais quittant Paris pour s’installer à Honfleur, dans la villa Baudelaire (la maison-joujou du vieil Aupick). Alphonse Allais élève une chèvre dans son jardin. Alphonse Allais revient à Paris. Alphonse Allais quitte Flammarion et Ollendorf pour les éditions de La revue Blanche. Dans ”Le journal” Alphonse Allais prétend que le gouvernement a le projet de transformer La Tour Eiffel en une immense boite vitrée qu’on remplirait de pois verts jusqu’au centième mètre, de haricots blancs jusqu’au deux centième et le reste de haricots rouges. Alphonse Allais et son ”J’admets la Commune en bloc et je professe à l’égard de cette magnifique insurrection un intérêt sans borne”. Alphonse Allais et son Captain Cap. Alphonse Allais dédiant un de ses contes à Georges Darien ”auteur de cet admirable Voleur qu’on devrait voir entre toutes les mains dignes de ce nom”. Madame Rachilde proclamant Alphonse Allais ”le premier et dernier anarchiste de France” (mais avec lui on ne saute que de joie précise Willie). Les portraits d’Alphonse Allais : celui lithographié par Henri Pichon d’après une

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photographie au format d’une affiche pour Le Journal + celui en pied par Capiello (les mains dans les poches de son pantalon à carreaux jaunes) + la photo vignette à coller dans l’Album des Célébrités de la deuxième collection Felix Potin + sa photo sur un chromo des Biscuits Lefèvre-Utile à la gloire du Captain Cap…Alphonse Allais mondain. Alphonse Allais proie des caricaturistes. Alphonse Allais homophobe et signant une note ordurière concernant Pierre Loti. Alphonse Allais proposant d’helvétiser la Corse en confiant l’hôtellerie de l’île à des suisses plus compétents. Alphonse Allais ne datant jamais ses lettres. Alphonse Allais n’hésitant pas à publier quatre fois la même chronique sous des titres différents. Alphonse Allais artiste. Alphonse Allais figurant au catalogue des Incohérents avec plusieurs pièces dont l’une intitulée ”Première communion de jeunes filles chlorotiques par un temps de neige” (Alphonse Allais a collé au mur une feuille de bristol absolument blanche.) Alphonse Allais et les monochromes. Les titres des monochromes d’Alphonse Allais. Le monochrome rouge d’Alphonse Allais sous titré par Alphonse Allais ”Récolte de tomates sur les bords de la mer rouge par les cardinaux apoplectiques (effet d’aurore boréale offerte à ss Léon XIII comme denier de St Pierre)”. Le monochrome vert d’Alphonse Allais sous titré par Alphonse Allais ”Des souteneurs encore dans la force de l’âge et le ventre dans l’herbe boivent de l’absinthe”. Le monochrome gris d’Alphonse Allais sous titré par Alphonse Allais ”Rondes de pochards dans le brouillard”. Alphonse Allais envisageant bien avant Yves Klein et son album

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Yves-Peintures, de tirer des multiples de ses monochromes. L’album primo-avrilesque d’Alphonse Allais réimprimé en 1987 avec une préface de Pol Bury. Alphonse Allais séjournant à Marseille (Hôtel de Genève, non loin du vieux Port aujourd’hui New-Hôtel où descendent Paul Otchakovsky Laurens et Emmelene Landon). Alphonse Allais s’embarquant un 9 juin au Havre à destination du Canada via New-York. Avez-vous remarqué qu’Alphonse Allais a les mêmes initiales qu’Antonin Artaud ? Les mains d’Alphonse Allais. Les très belles mains d’Alphonse Allais. Alphonse Allais découvreur de poètes amorphes. Alphonse Allais aimant le théâtre de Maeterlinck. Alphonse Allais aussi astucieux qu’implacable. Alphonse Allais triste. Alphonse Allais à Tamaris. La cruauté d’Alphonse Allais. Les lecteurs d’Alphonse Allais. Alphonse Allais à Toulon. Alphonse Allais mystificateur. Alphonse Allais cruel. Alphonse Allais atteint de monostiques. Alphonse Allais comique. Le comique violent et définitif d’Alphonse Allais. Alphonse Allais ratant son coup. Alphonse Allais dans l’anthologie de Breton. Alphonse Allais dans l’urinoir de Duchamp (puis macabrement dans sa baignoire). Le retour d’Alphonse Allais. Alphonse Allais pillé. Alphonse Allais pillé génialement par Duchamp, médiocrement par d’autres. Alphonse Allais et ses chapitres fantômes. Alphonse Allais et Sacha Guitry. Sacha Guitry se souvenant d’Alphonse Allais : ”Il était libre absolument. Sa situation d’écrivain était à peu prés nulle. Il n’avait pas de passé, se savait sans avenir, vivait au jour le jour…”. Alphonse Allais et Alfred Jarry. Alphonse Allais et

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Raymond Roussel. Alphonse Allais et Isidore Ducasse. Alphonse Allais et Frederic Nietzsche. Alphonse Allais et Xavier Forneret. Alphonse Allais et Jean Pierre Brisset. Alphonse Allais et Max Ernst. L’ironisme d’affirmation chez Alphonse Allais. Le régime des mots chez Alphonse Allais. Alphonse Allais et Picabia. Alphonse Allais et Franz Kafka. Alphonse Allais sans Mary Krysinska (seule femme poète admise aux séances psychopathes et zutistes). Alphonse Allais et Jacques Vaché. Alphonse Allais et Caradec. ”Prosit Caradec !” dit Alphonse Allais (et il lève son verre). Alphonse Allais et le SMS (il intitule un de ses romans qu’il n’écrira pas par un groupe de lettres O DS FMR). Alphonse Allais sans sa mère (quasi centenaire, elle lui survivra). L’ambulativité d’Alphonse Allais ajoutée à son pas-de-bilisme, à ses sentimentaleuries comme à son ivre-mortisme. Alphonse Allais et la rue d’Amsterdam. L’atelier d’Alphonse Allais au 77 rue d’Amsterdam. Les bars de la rue d’Amsterdam. Alphonse Allais meurt au 24 de la rue d’Amsterdam dans une chambre de l’hôtel Britannia. Alphonse Allais au revoir !

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LE RASOIR DEBORGESChapitre VIII :”L’Artiste”

(...)Ils ne s’arrêtèrent pas devant l’entrée principale du Jardin zoologique, dépassèrent les deux battants ouvragés de l’immense grille hérissée de sagaies en fonte et après avoir franchi quelques mètres sur le boulevard parvinrent à une étroite porte en fer au dessus de laquelle pendaient des branches d’acacias. Ils frappèrent quatre coups. La nuit était chaude. Un prodigieux clair de lune donnait aux arbres, au grand mur d’enceinte du jardin et au Palais Longchamp, un aspect uniforme de douceur sévère. La porte s’ouvrit. Un homme jeune apparut, l’Ingénieur complice qui, après avoir constaté dans une rapide hésitation que Céberto n’était pas seul, recula en faisant signe d’entrer vite puis, derrière eux, referma la porte à clef.

Ils avançaient maintenant en direction du Palais dans une zone délaissée, ponctuée de hautes cages, ancien secteur des rapaces. Le Jardin zoologique de Marseille n’était plus depuis longtemps déjà ce qu’il avait été pendant des années. Aujourd’hui, plus d’éléphant, mais pas d’antilope non plus, pas de chacal, pas de hyène, pas d’ours brun, pas de crocodile, pas de loup, pas de

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castor, pas de loutre, pas de phoque, pas de tortue géante, aucune girafe, aucun rhinocéros, aucun hippopotame, pas un seul zèbre, plus un seul chien rouge du Dekkan… Désertes les volières amazoniennes, gommés les dromadaires d’Afrique, envolés les chameaux d’Asie, évaporés les grands reptiles des Indes, disparus les lamas du Tibet, évanouis les pélicans de Zanzibar et, bien entendu, précipités dans l’oubli les lions, les tigres, les panthères, les guépards et les lynx… Quant aux bassins sinueux et aux petits lacs fantaisistes, autrefois rutilants de nageoires exotiques, ils avaient tous été vidés, asséchés et raclés…

Céberto et Gabrielle, conduits par l’Ingénieur, marchaient entre faux éboulis et savanes naines en direction du Palais Longchamp dont les vastes terrasses conduisaient leurs escaliers jusqu’aux murs de clôture. Le petit groupe arriva devant l’un des chantiers de rénovation protégé, tel un fortin de Western, par une palissade d’épais rondins où s’affichait une pancarte ”Danger Travaux Interdit d’Entrer”, à côté d’une porte que l’Ingénieur ouvrit avec son passe. Il s’engagea en premier à l’intérieur du fortin, suivi de Gabrielle tenant la main de Céberto.

Le chantier n’avait rien d’un chantier en cours et la reconstitution florale initiale était toujours en place. Broussailles de garrigue, caillasses blanches, deux pins élégants. Des barreaux d’une grille non rouillée entouraient un gîte en parfait état. L’Ingénieur se mit à monter une sorte de gamme en heurtant de son

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passe, dans un même mouvement, tous les barreaux. Il répéta cet exercice par deux fois en disposant sa clef à des hauteurs différentes. Gabrielle n’osait pas fumer. Céberto souriait, mains dans les poches de sa veste. Quelques minutes passèrent dans un silence qu’aucun aboiement de babouin ne troubla. Dans le chantier fantôme une souple clarté blanche continuait à s’étaler sans retenue. L’Ingénieur ne chercha plus à produire ce qui ne pouvait être qu’un signal.

Subitement, un bruit de planchettes brisées et de toile déchirée se fit, entendre. Au fond de l’habitacle (était-ce une cabine, une grotte, un trou ?) il y eut un lent mouvement, bientôt accompagné d’un sifflement aigu, très tenu mais pas strident, sans modulation et qui évoquait à la fois la flûte indienne et l’ocarina. L’inquiétant dans ce chant venait de ce qu’il se poursuivait de lui-même, se nourrissait de son propre élan comme le continuum des musiciens d’instrument à vent et ce à quoi Gabrielle songeait depuis un moment, apparut.

Un homme grand, large d’épaules, robuste, un peu fort de torse, le visage large, des yeux bien dessinés qui fixaient droit devant eux. Sur le haut de ses bras tombaient ses cheveux longs qui devaient flotter autour de son visage lorsqu’il courait, se dit Gabrielle. Il se tenait immobile, bien droit, à quelques mètres du petit groupe silencieux, gardant toujours haut la note aiguë du sifflement. Il gonflait régulièrement ses joues et arrondissait par instant davantage ses lèvres qui faisaient

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ainsi bouger ses moustaches claires. L’Ingénieur avait reculé et, le bras droit à demi levé comme font les justiciers, il signifiait à l’Artiste qu’ils venaient lui rendre visite dans un esprit de paix – car, bien entendu , c’était l’Artiste qui avançant encore de quelques mètres regarda l’Ingénieur et arrêta net son sifflement lorsque ce dernier abaissa le bras.

Gabrielle comprenait que quelque chose de capital se déroulait devant elle à quoi elle entendait bien rester extérieure sans doute mais à quoi aussi elle prenait une part de plus en plus importante. Mais, en même temps, était-ce possible que cette application constante dans un tel rituel, cette affirmation théorique extravagante dont parlait Céberto cependant avec ironie et qu’elle trouvait, elle, délirante, était-ce possible que toute cette vaste mise en scène internationale soit autre chose que la parodie consciente ou inconsciente d’une démarche esthétique absurde et que, soudain, exceptée la séquence finale de la Cérémonie qu’elle ne pouvait s’empêcher de comparer à un meurtre, Gabrielle taxait de ringarde… Que signifiait enfin cette organisation fantoche, ces personnages sortis de tous les coins du monde, ces agents municipaux payés par une Fondation culturelle clandestine et ces installations publiques détournées de leurs fonctions initiales ?... Est-ce que ses amis à elle, ses amis anglais, américains, italiens, suisses et indiens, est-ce qu’ils étaient vraiment au courant de ce qui allait se dérouler dans quelques jours à peine au Frioul, cette île d’opérette ?…

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C’est la présence physique de l’Artiste qui avait déclenché ces interrogations inquiètes. L’Elu, plutôt la victime, le sacrifié, torse nu, poings sur les hanches, vêtu d’un short kaki à bretelles et de chaussettes rouges, roulait des yeux furieux et répétait « da… da… da…da… ». Soudain, il sauta en l’air à une hauteur surprenante, accomplit en même temps un parfait demi-tour sur lui-même et, se retrouvant ainsi face à l’entrée de sa demeure, y replongea avec ardeur. Encore une fois ils entendirent ce bruit de bois cassé. L’Artiste réapparut bientôt, les bras chargés de débris de vieux cadres et de toiles en lambeaux… Il empila ces déchets devant les visiteurs et entreprit de piétiner son amas comme un vigneron attaquait autrefois sa cuve de raisins frais. Le sifflement reprit en même temps, plus fort et plus perçant. La danse continuait, menée par les énormes pieds de l’athlète. Gabrielle se disait qu’elle ne pourrait pas supporter cette mascarade plus longtemps lorsque l’Artiste s’arrêta net. Il demeura immobile un instant et puis porta les mains à ses bretelles qu’il fit glisser de ses épaules, déboutonna son short qu’il ouvrit et baissa le long de ses jambes, plia les genoux, s’affaissa lentement à moitié, sur place, et enfin, se mit en position de se soulager sur les débris. Au même instant tous les babouins encore prisonniers du Jardin se déchaînèrent. La scène virait au cauchemar tout en conservant quelque chose de barbare et de superbe.

L’Ingénieur referma la calepin où il prenait des notes depuis le début, regarda Céberto et lui signifia qu’ils devaient maintenant se retirer. L’Artiste achevait

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imperturbablemement son action. La défécation semblait sans problème, aisée, parfaite.

Gabrielle se l’avouait : même la proximité de cet acte ne lui avait pas semblé désagréable tant l’alimentation de l’Artiste avait été choisie par Diaz, pensée et préparée avec adresse et sans nul doute avec passion. On aurait pu aller jusqu’à dire, devant cette scène exacte, que les deux années que Diaz venait de consacrer entièrement au magistral conditionnement de la chair de l’Artiste, trouvaient cette nuit-là, dans cette phase subtile, la réalisation définitive de l’envahissant désir qui habitait Diaz depuis son entrée officielle dans l’organisation de la Fondation et la mise au point exemplaire de sa fonction : faire chier l’Artiste.(….)

In IF n° 27+1 (Mai 2006), ”Le rasoir de Borges”.Dessins de Christophe Chemin.

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EMILY DICKINSON

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A l’abri dans leurs chambres d’albâtre -Hors d’atteinte du MatinEt hors d’atteinte de Midi -Dorment les humbles membres de la RésurrectionChevrons en satin – et Toit en pierre.

Légère rit la briseDans son Château qui les domine –L’Abeille bourdonne dans une Oreille impassible,Les Doux Oiseaux chantent sans cadence –Ah, quelle subtilité a ici péri !

Grandioses vont les Ans – dans le Croissant – qui les domineDes mondes tracent leurs Arcs -Des diadèmes – tombent – des Doges – capitulent –Silencieux comme des points – sur un Disque de Neige –

(1859-1861)

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De Bronze – et Braise –Le Nord – ce Soir –Si exact – il déploieSi bien accordé à lui-mêmeSi éloigné – des alarmes –Une indifférence si souverainePour l’Univers, ou moi –Il souille mon esprit innocentDe Traînées de Majesté –Alors je prends de grands airs –Et me pavane sur ma tige – Dédaignant les Hommes, et l’Oxygène,Arrogante envers eux –

Mes Splendeurs sont Ménagerie –Mais leur Spectacle sans PareilRéjouira les SièclesQuand moi depuis longtemps, je seraiUne île dans l’Herbe sans gloire –Et que seuls connaissent les Insectes.

(1861)

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Ceci est ma lettre au MondeQui ne M’a jamais écrit –Les simples nouvelles que donne la Nature –Dans sa tendre Majesté

Son Message est remisA des mains que je ne peux voir –Par Amour d’Elle – Gentils – Concitoyens –Jugez Moi – tendrement.

(1862)

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Je suis morte pour la Beauté – mais à peineAllongée dans la TombeQuelqu’un, mort pour la Vérité, fut couchéDans une Chambre voisine –

Il se renseigne doucement ”Pourquoi suis-je tombé ?””Pour la Beauté”, répondis-je –”Et moi – pour la Vérité – les Deux se confondent –Nous sommes Frères”, dit-il –

Ainsi, tels des Parents, une Nuit rassemblés, Nous parlâmes d’une Chambre à l’autre –Jusqu’à ce que la Mousse eût atteint nos lèvres –Et recouvert – nos noms –

(1862)

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J’ai entendu une mouche bourdonner – quand je suis morte –Le Calme dans la ChambreEtait comme le Calme de l’Air –Entre les montées de l’Orage –

Les Yeux alentour – s’étaient vidés puis séchés –Et les Respirations s’étaient raffermiesPour ce dernier Assaut – quand le RoiApparaîtrait – dans la Chambre –

J’ai donné mes souvenirs – LéguéCette part de moi qui pouvaitL’être – et c’est alorsQue s’interposa une Mouche –

Dans un bleu – incertain trébuchant bourdonnement –Entre la Lumière – et moi –Et puis les Fenêtres firent défaut – et puisJe ne pus y voir plus pour voir.

(1862)

5 poèmes traduits de l’anglais par Liliane Giraudon et Jean-Jacques Viton, extraits de IF n° 4 (1994).

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FEDERICO GARCIA LORCAOde à Walt Whitman(Un poète à New York)

Dans East river et le Bronxles garçons chantaient en montrant leurs hanches.Avec la roue, l’huile, le cuir et le marteauquatre vingt dix mille mineurs sortaient l’argent de la rocheet les enfants dessinaient des escaliers et des perspectives.

Mais pas un ne dormaitpas un ne voulait être fleuve, pas un n’aimait les grandes feuilles, pas un la langue bleue de la plage.

Dans East River et Queensboroughles garçons luttaient contre l’industrie,et les juifs vendaient aux faunes du fleuve la rose de la circoncision, et le ciel recrachait sur les ponts et les toitsdes troupeaux de bisons poussés par le vent.

Mais pas un ne s’arrêtait, pas un ne voulait être nuage, pas un ne cherchait les fougèresni la roue jaune du tambourin.

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Quand la lune sortirales poulies rouleront pour renverser le ciel ; une limite d’aiguilles cernera la mémoireet les cercueils emporteront ceux qui ne travaillent pas.

New York de boue, New York de grillages et de morts : quel ange portes-tu caché dans la joue ? quelle voix parfaite dira les vérités du blé ? qui le rêve terrible des tes anémones salies ?

Pas un seul instant, Walt Whitman, beau vieillard, je n’ai cessé de voir ta barbe pleine de papillons, ni tes épaules de velours usées par la lune, ni tes cuisses d’Apollon virginal, ni ta voix colonne de cendre ;vieillard beau comme la brumetu gémissais comme un oiseaule sexe traversé d’une aiguille, ennemi du satyre,ennemi de la vigne et amant des corps sous la toile rêche.

Pas un seul instant, beauté virilequi par les montagnes de charbon, les réclames et les voies ferrées, rêvais d’être fleuve et de dormir comme un fleuveavec ce camarade qui laisserait dans ta poitrineune petite douleur de léopard ignorant.

Pas un seul instant, Adam de sang, vrai Mâle,

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homme seul sur la mer, Walt Whitman, beau vieillard, parce que sur les terrasses, réunis dans les bars, sortant par grappes des égouts,tremblant entre les jambes des chauffeursou tournant sur les plateformes de l’absinthe, les pédés, Walt Whitman, rêvaient de toi.

Lui aussi ! Lui aussi ! Et ils se jettentsur ta barbe lumineuse et chasteblonds du nord, noirs des sables,foules de cris et de gestes, comme les chats et les serpents, les pédés, Walt Whitman, les pédés, en larmes, chair à cravache, à bottes ou à morsures de dompteurs.

Lui aussi ! Lui aussi ! Des doigts peintsmontrent le bord de ton rêve quand l’ami mange ta pommeau léger goût d’essenceet que le soleil chante sur les nombrilsdes garçons qui jouent sous les ponts.

Mais toi, tu ne cherchais pas les yeux égratignés,ni le marécage profond où l’on noie les enfants, ni la salive glacée, ni les poches tuméfiées comme ventre de crapaudsaux visages des pédés, en voitures et sur les terrasses,tandis que la lune les fouette au coin des rues de la terreur.

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Tu cherchais un corps nu pareil à un fleuve, unissant la roue à l’algue, père de ton agonie, camélia de ta mort, et qui gémirait dans les flamme de ton équateur secret. Parce qu’il est juste que l’homme ne cherche pas son plaisirdans la forêt de sang d’un autre matin.Le ciel a des plages où éviter la vieet certains corps ne doivent pas se répéter à l’aurore.

Agonie, agonie, rêve, ferment et rêve. Ami, voilà le monde, agonie, agonie.Les morts se décomposent sous l’horloge des villes, la guerre passe en pleurant avec un million de rats gris, les riches font à leurs maîtressesde petits moribonds illuminés, et la vie n’est ni bonne, ni noble, ni sacrée.

L’homme peut, s’il le veut, conduire son désirpar une veine de corail ou par un nu céleste. Demain les amours seront des rochers et le TempsUne brise qui s’endort dans les branches.

C’est pourquoi je n’élève pas la voix, vieux Walt Whitman, contre le petit garçon qui écritun prénom de petite fille sur son oreiller, ni contre le garçon qui se travestit en mariée dans l’obscurité de la garde robeni contre les solitaires des clubs

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qui boivent avec dégoût l’eau de la prostitution, ni contre les hommes à l’oeillade vertequi aiment l’homme et consument leurs lèvres en silence. Mais bien contre vous, pédés des villes, à la chair tuméfiée et à la pensée immonde, mères de boue, harpis, ennemis sans rêvede l’amour qui offre des couronnes de joie.

Contre vous toujours qui donnez aux garçons des gouttes de sale mort au venin amer. Contre vous toujours, Bagouzes d’Amérique, Perruches de la Havane, Pédales de Mexico, Tapettes de Cadiz, Canapés de Séville, Tantouses de Madrid, Emproseur d’Alicante, Rondelles du Portugal.

Pédés du monde entier, assassins de colombes ! Esclaves de la femme, chiennes de ses boudoirs, ouverts sur les places dans une fièvre d’éventailou embusqués dans les paysages raides de la ciguë.

Pas de quartier ! La mort dégoutte de vos yeuxet rassemble des fleurs grises sur les rives de la boue. Pas de quartier ! Alerte !

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Que les anonymes, les purs, les classiques, les insignes, les suppliantsvous ferment les portes de la bacchanale.

Et toi, beau Walt Whitman, dors sur les rives de l’Hudsonbarbe vers le pôle et mains ouvertes. Argile tendre ou neige, ta langue appelleles camarades qui veillent ta gazelle sans corps.

Dors, il ne reste rien. Une danse de murs agite les prairieset l’Amérique se noie sous les machines et les larmes. Je veux que le vent fort de la nuit la plus profondearrache les fleurs et les lettres de l’arcade où tu dors, et qu’un enfant noir annonce aux blancs de l’orl’arrivée du règne de l’épi.

Extrait traduit de l’espagnol par l’atelier n° 12 (2006) des Comptoirs de la Nouvelle BS, composé de : Arno Calleja, Liliane Giraudon, Brigitte Roussellier et Jean-Jacques Viton.Poème publié dans ”Action Poétique” n° 190.Le livre ”Un poète à New York” de Garcia Lorca sera publié aux éditions André Dimanche.

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LILIANE GIRAUDON

Née en 1946, Liliane Giraudon vit à Marseille. Son travail d’écriture, situé entre prose (la prose n’existe pas) et poème (un poème n’est jamais seul) semble une traversée des genres. Entre ce qu’elle nomme ”littérature de combat” et ”littérature de poubelle”, ses livres, publiés pour l’essentiel aux éditions P.O.L., dressent un spectre accidenté. À son travail de ”revuiste” (Banana Split, Action Poétique, If…) s’ajoute une pratique de la lecture publique et de ce qu’elle appelle son ”écriredessiner” (tracts, livres d’artiste, expositions, ateliers de traduction, feuilletons, théâtre, actions minuscules)…”Une existence tordue” pourrait être le titre de son laboratoire d’écriture où circulent des voix.

LIVRES :Têtes ravagées, une fresque, La répétition (épuisé), 1978.Je marche ou je m’endors, P.O.L (Hachette) (épuisé), 1982.Billy the Kid (In memoriam Jack Spicer), Manicle (épuisé), 1984.Some postcards about CRJ and others cards, avec JJ Viton, Spectres Familiers (épuisé), 1982.La réserve, P.O.L., 1984.Quel jour sommes-nous, avec 1 polaroïd de l’auteur,

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Ecbolade (épuisé), 1985.La nuit, P.O.L., 1986. Klebnikov, avec 6 vignettes de Nanni Balestrini, La main courante, 1987.Divagation des chiens, P.O.L., 1988.Pallaksch, Pallaksch , P.O.L., (Prix Maupassant), 1990.Fur, P.O.L., 1992.Les animaux font toujours l’amour de la même manière, P.O.L.,1995.Malmousque, avec F. Deluy, Ed.Parcelle, 1996.Benjamin/Baudelaire/Marseille, avec JJ Ceccarelli et P.Box, Corneway, 1997.Parking des filles, P.O.L., 1998.Anne n’est pas Suzanne, La main courante, 1998.Homobiographie, avec la cosmetic company, Farrago, 2000.Sker, avec la cosmetic company, P.O.L., 2002.La fiancée de Makhno, avec la cosmetic company, P.O.L., 2004.Carnet de nuit à Reykjavik, Fidel Anthelme X, 2004.L’onanisme d’Hamlet, Les Cahiers de la Seine, 2004.Les talibans n’aiment pas la fiction, Inventaire/Invention, 2005.Greffe de spectres, P.O.L., 2005.Marquise vos beaux yeux , avec Michelle Grangaud + Josée Lapeyrère + Anne Portugal, Le bleu du ciel, 2005.Température du langage, avec JJ Viton, images sculptures de Bistra, version franco-japonaise (Ryoko Sekiguchi), Estepa Editions, 2006.

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Marseille-postcards, avec JJ Viton, Le bleu du ciel, 2006.Mes bien-aimé(e)s, dessins de C.Chemin, Inventaire/Invention, 2007.La vraie vie d’Angeline Chabert après sa mort, Les oublis, 2007.La poétesse, P.O.L., 2009.Hôtel, avec JJ Viton, photographies de Bernard Plossu, Argol, 2009.

TRADUCTIONS :Cieli (Nanni Balestrini). Traduction de l’italien avec JJ Viton, Tam-Tam (Turin), 1984.Portrait de A. Hooper et son épouse (Carlos A. Aguilera). Traduction de l’espagnol (Cuba), Farrago. Traductions collectives, coédition Cipm/Comptoirs Nouvelle BS. Coproduction des Comptoirs (atelier de traduction) avec le Théâtre Montevideo, Marseille.Tragic/Comic (Violeta Barrientos Silva). Traduction de l’espagnol (Perou), avec H. Deluy, Le bleu du ciel, 2007.

ANTHOLOGIE29 femmes. Poésie en France depuis 1960, avec H.Deluy, Stock, 1994.

LIVRES D’ARTISTE

EXPOSITIONSCarnets et dessins, Galerie Meyer, Marseille, 2004.Les marseillaises, carnets, dessins, installation,

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V.A.C. (Ventabren Art Contemporain), 2005.La fonction fantômale, dessins, Galerie du Tableau, Marseille, 2007.Biogres 3M, carnets et dessins, avec Christophe Chemin, Bibliothèque Meriadek, Bordeaux, 2008.

TRACTS + ACTIONS + TRAVAUX INVISIBLES + LECTURES

THÉÂTRELa femme et le faucon, 3° Rencontres Jacques Copeau, mise en scène Christian Germain Pernand, 1993.La veuve de Robespierre s’ennuie, Cie.Picomètre, chorégraphie de Sophie Mathey, Théâtre Dunois, Paris, 1999.Time is out of join part I, mise en scène d’Angela Konrad, Théâtre des Bernardines, Marseille (les informelles), 2001.Time is out of join part II, mise en scène d’Angela Konrad, 3bisF, Aix en Provence, 2002. La fiancée de Makhno, mise en espace de Thierry Raynaud, Théâtre Montevideo, Marseille, 2004.Lettre à la mère + Lettre à Monsieur le Directeur du Centre Canin Portuaire, mise en espace d’Hubert Colas, ActOral, Montevideo, Marseille. La Colline, Paris, 2007.Mamzelle poésie, mise en espace d’Yves Noël Genot, SACD Paris et Studio Théâtre Vitry, 2008.

RADIOBiogres, Atelier de Création Radiophonique, 2008.

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JEAN-JACQUESVITON

Né en 1933. Vit à Marseille. Cofondateur de Manteia (1967-1974) et avec Liliane Giraudon de Banana Split (1980-1990), La Nouvelle BS (1990-2000) et les ateliers de traduction Les Comptoirs de la Nouvelle BS. Membre d’Action Poétique. Co-dirige la revue IF.

PARMI LES PUBLICATIONS :Au bord des yeux, Action Poétique, collection Alluvions, 1963.

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Sept Peintres - Sept Poètes, sous direction Bernard Plasse, Galerie Da Silva, 1963.Récits du Z, avec 12 lithographes de François Bouché, Winninger, 1973.Image d’une Place pour le Requiem de Gabriel Fauré, La Répétition, 1979. Terminal, Hachette-Littérature-P.O.L., 1981.Le Wood, Orange Export Ltd., 1983.Episodes du vent, Spectres Familiers, 1983.Some postcards about CRJ and other cards, avec L. Giraudon, Spectres Familiers, 1983.Douze apparitions calmes de nus et leur suite, qu’elles provoquent, P.O.L., 1984.Décollage, P.O.L., 1986.Galas, André Dimanche, 1989.Episodes, P.O.L., 1990.La formation du cavalier, illustration de L.Giraudon, La main courante, 1991.L’année du Serpent, P.O.L., 1992.Accumulation vite, P.O.L., 1994.Les Poètes (vestiaire), Fourbi, 1996.Comme un voyage en Chine, photos de L. Giraudon, A Passage, 1996.L’Assiette, P.O.L., 1996.Poème pour la main gauche, photo de L. Giraudon, La Main courante, 1999.Le Voyage d’Eté, P.O.L., 1999, et Natsu no Tabi, Shichôsha, Tokyo, 2000.Patchinko, P.O.L., 2001.Comme ça, P.O.L., 2003.Shanghaï, avec un collage de L.Giraudon,

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Ecbolade, 2004.Température du langage, avec L. Giraudon, images sculptures de Bistra, version franco-japonaise (Ryoko Sekiguchi), Estepa Editions, 2006.Kanaka, P.O.L., 2006.Marseille-postcards, avec Liliane Giraudon, Le Bleu du Ciel, 2006.Écrire MAI 68, (collectif), Argol, 2008.Je voulais m’en aller mais je n’ai pas bougé, P.O.L., 2008.Hôtel, avec Liliane Giraudon, photographies de Bernard Plossu, Argol, 2009.Il commento definitivo, anthologie bilingue1984-2009, Metauro Ed. Milan, 2009.

FRANCE CULTURE FICTION : Après le cimetière, 2000. Pendant l’inondation, 2001.

TRADUCTIONS :Cieli (Nanni Balestrini, Italie), avec L. Giraudon, Tam-Tam, Turin 1984.Notes pour Echo Lake, (Michael Palmer, USA),avec S. Levy, Spectres Familiers 1993.Lamentations pour les créateurs (JackSpicer, USA), avec S. Levy, Un Bureau sur l’Atlantique 1994. Libretto (Edoardo Sanguineti, Italie) avec B. Frison,IF (11) 1997.The Mandchurian candidate (Bob Perelman, USA), Ed. Royaumont 1998.Bandes d’obscurité (Clayton Eshleman, USA), gravure de Matsutani, Ed.Tandem/Estepa 2002.

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Avec les Comptoirs de traductions de la NBS :Stup (Nelson Ascher, Brésil), NBS/cip/M 2001.Cassiopée Peca (Ryoko Sekiguchi, Japon),NBS/cip/M 2001.Kozman (Carpanin Marimoutou, La Réunion),NBS/cip/M 2002.Cat van Cat (Tom Raworth, GB), NBS/cip/M 2003.Luna velata (Andrea Raos, Italie), NBS/cip/M 2003.Le bonheur sur la colline (Margret Kreidel, Autriche),NBS/Al Dante 2004.Au pain et à l’eau de cologne (Adilia Lopès, Portugal),NBS/Al Dante 2004.Electre (Nanni Balestrini, Italie), NBS/Al Dante 2004.Série Grenade – Etude sur la vapeur d’eau (Ryoko Sekiguchi, Japon), NBS/Le Bleu du Ciel 2008.Poèmes posthumes (Ingeborg Bachman, Christine Lavant, Autriche), NBS/IF.32, 2008.

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BERNARD PLASSE

Né en 1934. Vit à Marseille (France). Journaliste au Méridionnal-La France et à L’Aurore de 1959 à 1972. Critique d’art, essayiste, il collabore à de nombreuses revues, publications et signe diverses monographies : Mandin, Max Papart. Fondateur en 1990 de la Galerie du Tableau à Marseille. Directeur de collection à « Vision sur les Arts » il crée les éditions Diem Perdidi en 1994. La Galerie du Tableau à ce jour dépasse les 700 expositions.

PUBLICATIONS :Demain, illustrations de Richard Mandin, Editions Vision sur les Arts, 1962.Sept Peintres-Sept Poètes, en collaboration, galerie da Silva, 1963.Le jardin des Espérances, (H. C.), 1963.Alfred Casile, première monographie de l’artiste, Editions Vision sur les Arts, 1970.Pierre Ambrogiani, Editions Vision sur les Arts, 1970.Mandin, Editions Vision sur les Arts 1974Max Papart, en collaboration avec Andrée Caraire, Editions Vision sur les Arts, 1975. Cherche place de joueur de quilles, (H. C.), 1975.Les oiseaux de dextre, (H. C.), 1980.Mandin, Edisud, 1993.Calendrier de l’an 2000, Diem Perdidi, 2000.Journal de bord d’un négrier, Editions Le mot et le reste, 2003.Amour réciproque, Editions Diem Perdidi, 2008.

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La photographie de la couverture 1 est deAlexandre Roche.

La photographie de la page 81 est un polaroïd deCorinne Mercadier.

Achevé d’imprimer en juin 2009 sur les presses du groupe Horizon

Parc d’activités de la plaine de Jouques200, avenue de Coulin 13420 Gémenos

ISBN : 978-2-9534544-0-6EAN : 9782953454406

Dépôt légal : juin 2009Fabriqué en France

Numéro d’impression :

DIEM PERDIDI EDITEUR

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