L’activité des chantiers de La Ciotat pendant la Première Guerre Mondiale.

Le 2 aout 1914 : La guerre est déclarée.

I/ La production   :

- Navale   : est stoppée durant toute la durée des hostilités hormis « L’André Lebon » qui est terminé avec difficulté et immédiatement transformé en navire hôpital. On assure uniquement des activités de carénage, de réparation ou de transformation en 1915. Presque tout est orienté pour assurer un formidable effort de guerre: obus (6000 obus de 75 en 1915, 10000 en 1916..), caissons d’artillerie et avant-trains pour canons de 75 (800 en 1915, 1700 en 1916), plateformes et affûts pour grosse artillerie.

- Armement et munitions   : des pièces de marine, canons de 190 mm, 6 000 avant-trains… On fabrique sans arrêt des milliers d’obus.

Pièces de marine.

En haut, à gauche = Essais. En bas, à gauche = Fut sur camion. En bas, à droite = Canon tracté.

- Construction navale : 10 chalands de 10 tonnes pour les Dardanelles et un chaland de 125 tonnes pour la Marine.

II/ Embarquement-débarquement   :

Du matériel a été transbordé avant la construction de la voie ferrée dès le début des hostilités grâce au : canons, locomotives, hydravions, pièces d’artillerie, chaudières…Les navires des messageries réquisitionnés assurent, de leur côté, l’acheminement des troupes. En 1916, en un mois, 60000 soldats serbes sont transportés des côtes d’Albanie et de Corfou jusqu’à Salonique sur le Melbourne, le Néra, le Chili, le Dumbéa et l’Australien. 2370 prisonniers autrichiens sont acheminés de Valona et Brindisi vers Asmara en Sardaigne par le Natal et le Sinaï. L’Himalaya, le Sontay et d’autres paquebots embarquent 11420 soldats russes à Dalny pour Marseille. Sans oublier le contingent Sénégalais parti de Dakar pour la France.Enfin, épisode méconnu, 20000 chinois, 25000 annamites et tonkinois seront transportés de Chine vers la France pour assurer la main d’œuvre industrielle.

III/ La voie ferrée   :

Construction en 1917, le long des quais du Port Vieux, depuis les chantiers jusqu’à la Tasse, d’une voie de chemin de fer reliant le pont de fer au réseau ferré national. Il permet d’acheminer plus aisément, par voie terrestre, les productions du chantier à destination du front (armement essentiellement).

IV/ La réparation de navires   :

L’Orénoque construit avant la guerre à La Ciotat fut réparé aux chantiers à la suite d’un torpillage le 22 avril 1917… L’Atlantique également construit à La Ciotat, était en convoi de Port Saïd à Marseille lorsque, le 8 mai 1918, il évite une torpille, mais le 9 mai, un autre engin lui traverse l’avant et l’endommage gravement. Réparé provisoirement à Bizerte, il a été refondu à La Ciotat.

V/ L’Hôpital annexe   : Le 6 octobre 1914, sur demande de l’Etat, la compagnie crée, dans l’atelier de voilerie en plein cœur du site, l’Hôpital Bénévole "82bis". Entièrement géré par les messageries qui fournissent le personnel infirmier, les lits, les sanitaires, les fourneaux, les ventilateurs, le chauffage, l'eau et l'électricité. L’hôpital peut recevoir 300 blessés.

Les missions des navires des Messageries Maritimes.64 navires des Messageries Maritimes ont été impliqués pendant la guerre.

I/ Le Transport   :

Troupes et main d’œuvre = 503 000 passagers ont été transportés durant les hostilités dont 253 800 hommes pour assumer le seul effort de guerre :

- 43 000 Français venus des colonies pour s’engager en 1914.

- Quelques 20 000 ouvriers chinois et 25 000 Indochinois pour assurer la main d’œuvre.

- 41 000 hommes aux Dardanelles- 11 400 Russes en renfort en 1916…-

II/ Matériel et ravitaillement   : 253 805 tonnes transportés dont : - 42 500 tonnes de matériel de guerre : 1756 voitures, 91 canons,

10 avions…- Du bois de Madagascar, du charbon, du riz du Tonkin (pour

l’alimentation mais aussi l’alcool qui sert à confectionner des explosifs), du blé, du maïs, sucre, cuir, draps, tissus et même des soieries du Japon pour les ailes des aéronefs…

- Bétail : 10550 chevaux et mulets, 4318 ovins d’Oran, 414 ânes d’Algérie…

III/ Les missions sanitaires   : Les navires hôpitaux   : - L’Oxus, L’Equateur et le Portugal, utilisés en 1914 par les alliés

russes à Odessa sous le feu de l’armée turque…- Le Portugal, malgré son affectation sanitaire, est torpillé en 1916

en Anatolie…- L’André Lebon et le Sphinx avec chacun 1 000 lits à bord,

transportent entre 1915 et 1917 des milliers de blessés de toutes nationalités (Français, Serbes, Bulgares…).

IV/ Les missions spéciales   : - 2370 prisonniers autrichiens atteint de choléra évacués

d’urgence de Valona à Asinara 1916. - 660 pèlerins se rendant à La Mecque, sont transportés par

l’Orenoque depuis le Maroc, l’Algérie, et la Tunisie pour Djeddah,

Un marin ciotaden héroïque   : François DONZEL.

François DONZEL est né à La Ciotat le 9 décembre 1884. Admis dans les cadres de la Compagnie le 22 mars 1911, son père avait été lui-même employé aux chantiers, Second-Mécanicien à bord de l’ATHOS, il a fait preuve d’un comportement héroïque lors du torpillage de ce paquebot le 17 février 1917 :

C’était le premier voyage du bateau qui transportait, de retour d’Asie, un important contingent de troupes sénégalaises et de travailleurs chinois venus soutenir l’effort de guerre. A 180 mètres de Malte, il fut attaqué par un sous-marin allemand et reçut une torpille à bâbord, à la hauteur de la cloison étanche entre la cambuse et les machines. Cette cloison détruite,

deux compartiments et tunnels, dont les portes furent enfoncées, se sont remplis d’eau. Se trouvant sur le pont au moment de l’impact, DONZEL, au lieu de sauter à la mer, est descendu fermer les autres ponts afin de tenter de stopper les machines et éviter leur explosion. Son acte a permis de retarder l’engloutissement du navire et a contribué au sauvetage de près de 1200 personnes…Le navire coula pourtant en 14 minutes à peine et 754 personnes sont mortes dont 12 membres de l’équipage. DONZEL n’a pas pu lui-même sortir à temps des compartiments inondés du navire et périt.

La citation à l’ordre de l’armée lui a été décernée à titre posthume : « Mort en accomplissant son devoir lors du torpillage de son bâtiment ».

Le navire qui porta par la suite son nom, « Mécanicien DONZEL », n’eut pas plus de chance face à l’ennemi, puisque le 3 juin 1918, à peine revenu de son premier voyage au Japon, il sombra lui aussi en Méditerranée, non loin de Marseille, suite à un torpillage. Il ne reste du marin ciotaden, qu’une plaque commémorative conservée dans les locaux de la Compagnie. Mais son souvenir se perpétue encore à La Ciotat puisque l’ancienne rue de l’Horloge a été rebaptisée « Rue François DONZEL », le 19 décembre 1917 par la municipalité.

Le Tonkin (1898-1912) - Lotus (1913-1932) / n° 112.

Longueur : Largeur : Vitesse :

141m 15.50m 18.5 nœuds

Pose de la quille le 31 décembre 1896 Lancé le 6 mars 1898Livré le 18 décembre 1898

Ce paquebot, troisième d’une série de quatre (Laos, Indus et Annam), est affecté à la ligne d’Extrême- Orient : Marseille-Saigon-Yokohama.En 1912, aux Chantiers de La Ciotat, on lui adjoint un pont supplémentaire et on change les chaudières et cheminées, il prend alors le nom de Lotus et est affecté à la ligne du Levant. Premier départ le 10 janvier 1913 pour l'Égypte et la Syrie.

En 1914, pendant la

guerre mondiale, il est réquisitionné pour assurer les services postaux (Lyon-Marseille-Egypte). On lui installe un canon début décembre 1915. En décembre 1916, il effectue le voyage Malte-Marseille avec 752 passagers (contre 400 habituellement), la plupart rescapés des torpillages des Karnak, Magellan, Sinaï, coulés entre le 29 novembre et le 11 décembre 1916.

Le 26 août 1926, il aborde et coule le vapeur turc Bozkourd, près de Mytilène. Un procès s'ensuit avec des peines de prison pour les deux capitaines.Au terme d'une carrière de 34 ans, il est vendu en Italie le 29 février 1932 pour démolition.

Le Natal (1882-1917) / n° 071.

Longueur : Largeur : Vitesse :130.75m 12.06m 15 nœudsPose de la quille le 21 février 1880 Lancé le 3 juillet 1881Livré en février 1882L’aîné d’une série de 7 paquebots identiques (Melbourne, Calédonien, Sydney, Salazie, Yarra, Océanien.)Le 23 novembre 1882, le Natal inaugure la ligne d'Australie (Marseille-Seychelles-Réunion- Maurice-Australie-Nouvelle-Calédonie). Après 3 voyages sur cette ligne, ce paquebot est affecté en 1884 à la ligne de Chine pour le courrier sous le commandement SUCH.

Entre 1895 et 1905, il est peint en blanc.Pendant la 1ère guerre mondiale, il participe au débarquement des Dardanelles en mars-avril 1915, puis en 1916 à l’évacuation de l’armée serbe (50 000 soldats) de Corfou à Salonique.Le 30 août 1917, alors qu’il sort du port de Marseille en direction de Madagascar, tous feux éteints, il est abordé par le Malgache, feux allumés, au large du phare du Planier dans la rade de Marseille. Il est 20h36, il coule en 10 minutes, avec le commandant et 104 autres

victimes à bord (dont 76 passagers sur 503).Son épave repose par 127m de fond, elle a été redécouverte il y a quelques années et est explorée par une équipe de plongeurs spécialisés dans les grandes profondeurs.

Les victimes de la ville de La Ciotat torpillées en 1915.

Joseph ARAMENDI, Second maîtreAugustin ALLEGREAnge DIANIJean-Marie HAMONPierre LHUILLIERMathieu MATERNATIFerdinand ANTONETTILouis FABREEdouard DUBUTCharles CONSTANT Martin CHAILLANEmile DELORME

Harène TRABELSIAnne TEMPEREPaul BARETCharles DAYLULéon GAUDINCahrles MalanPaul CAZALSNicolas FAMULAROArmand NicolasMohamed SAIDAbdour KAIDAhmet SALEDAbdallah ABDOMabarrack GAREBSef MOHAMEDEgahi AONETCaïd MOHAMEDSanghor ALIMohamed ABDALLAHSaïd ALIMohamed NASSEUAli DIRIAIdris MOHAMEDTabet SALEHIsmael SAIDAbdul ABOURADOursama SEFAH-FONGLec FUONGAh TCHOUNG

Et sur le front…

Ciotadens sur le front.

3 Ciotadens en Argonne, 1915.

Actions des Messageries Maritimes auprès de son personnel et de la populatio n de La Ciotat. La Compagnie a décidé de prendre à sa charge le personnel naviguant et a assuré les soldes (et même un 13 ème mois) durant toutes es hostilités.

Elle a aussi décidé de secourir les familles du personnel dès les premiers jours de la mobilisation : elle a versé 2 francs par jour aux femmes des soldats et 0,5 francs pour chaque enfant. Elle a assuré des aides et allocations aux familles des disparus. Elle instaure des « primes de veille » quand on évite ainsi un torpillage.

Elle équipe en lits, draps et couvertures l’Hôpital de La Ciotat et aménage l’extension de l’Hôpital annexe 82 bis, dans ses locaux de la voilerie.