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Winter/Hiver 2017 | ISSN 0012-5172 | 58876 | 7,00 Euro/euros 4/2017 Fragen der Identität Questions d’identité

Winter/Hiver 2017 | ISSN 0012-5172 | 58876 | 7,00 Euro/euros...un score plus que décevant, Angela Merkel, tout sourire, a conclu le débat sur les perspectives de son gouvernement

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  • Winter/Hiver 2017 | ISSN 0012-5172 | 58876 | 7,00 Euro/euros

    4/2017

    Fragen der IdentitätQuestions d’identité

  • Mit Unterstützung des Auswärtigen AmtesAvec le soutien du ministère allemand

    des Affaires étrangères

    Dokumente/DocumentsZeitschrift für den deutsch-französischen Dialog / Revue du dialogue franco-allemand

    Gegründet/Fondée 1945 von/par Jean du Rivau †Herausgeber/Editeur : Verlag Dokumente GmbH

    Herausgeber-Gremium / Comité de direction :Erik Bettermann, Gérard Foussier, Dr. FranzSchoser, Klaus Bernhard Hofmann, Dr. FabienThéofilakis

    Chefredakteur / Rédacteur en chef :Gérard Foussier

    Redaktion/Rédaction :Dr. Jörg-Manfred Unger

    Redaktionsassistenz / Assistante de rédaction :Kerstin Harnisch

    Verlag Dokumente GmbHBirker Straße 1jD-53797 LohmarTel./Tél. : 00 49 (0) 2246 94 99 220Fax: 00 49 (0) 2246 94 99 222E-Mail: [email protected]: www.dokumente-documents.info

    Bezugsbedingungen/Abonnement :Vierteljahreszeitschrift / Revue trimestrielle, 4 Ausgaben / 4 numéros ;Jahresregister / index annuel : http://www.dokumente-documents.info/jahresregister.html

    Einzelheft / Vente au numéro (ab / à partir de 2010) : 7,00 €zzgl. Versandkosten Deutschland: 2,50 €Supplément frais de port France : 3,50 €

    Abonnement : 18,90 € p. a.Studenten/Etudiants : 12,90 € p. a.zzgl. Versandkosten Deutschland: 10,00 €Supplément frais de port France : 14,00 €

    Kündigung bis sechs Wochen vor Ablauf des Bezugszeitraums / Résiliation jusqu’à six semaines avant échéance.

    Herstellung/Réalisation :DCM Druck Center Meckenheim GmbH

    Urheberrechte: Die Zeitschrift und alle in ihr enthaltenen einzel-nen Beiträge, Abbildungen und Texte sind ur-heberrechtlich geschützt. Jede Verwertung außer-halb der engen Grenzen des Urheberrechts gesetzesist ohne Zustimmung der Redaktion unzulässigund strafbar. Das gilt insbesondere für Verviel-fältigungen, Übersetzungen, Mikro verfilmungenund Einspeicherung, Verarbeitung und Übermitt-lung in, aus und zwischen elektronischen Syste-men (inklusive Internet).

    Droits de reproduction :Toute reproduction ou représentation, intégraleou partielle, par quelque procédé que ce soit, dela présente publication, faite sans l’autorisation dela rédaction est illicite et constitue une contre-façon. Seules sont autorisées les analyses et courtescitations justifiées par le caractère scientifique oud’information de l’œuvre dans laquelle elles sontincorporées.

    Autorenhinweise / Avis aux auteurs :Eine PDF-Datei informiert über die Vorgaben /Un fichier pdf informe sur les conditions :www.dokumente-documents.info

    © Verlag DOKUMENTE GmbH, Lohmar 2017ISSN 0012-5172

    Partner/Partenaire :

    Neue Anschrift / Nouvelle adresse :

  • 1Dokumente/Documents 4/2017

    EditorialNation, national, international, übernational –die Liste der Begriffe im Zusammenhang mit demUmgang der Länder untereinander zeigt, dass esdarüber keine eindeutige Sprachregelung gibt: InFrankreich wird dieFête nationale am 14. Juli ge-feiert, die carte d’identité nationale darf in keinerfranzösischen Tasche fehlen, auch die EducationNationale und die routes nationales gehören zumgängigen Wortschatz, genauso wie der Front Na-tional, der Bestandteil der politischen Landschaftist. In Deutschland hingegen wird anders als die„National hymne“ der Begriff „National feiertag“vermieden (offiziell Tag der deutschen Einheit),die Autofahrer nutzen„Bundesstraßen“ und „Bun-desautobahnen“, die Schulpolitik wird den Län-dern überlassen, Begeisterung kommt höchstensvon der „National elf“ im Fußball.

    Die Reden vor der UN-Vollversammlung imSeptember haben ebenfalls gezeigt, wie sich dieStaaten in der Definition der modernen Weltsprachlich unterscheiden. Nach dem „Americafirst“ von Donald Trump antwortete FrankreichsPräsident Emmanuel Macron mit einem Plädoyerfür „Multilateralismus“, der der effektivste Weg sei,um globalen Herausforderungen zu begegnen. InAbwesenheit der Bundeskanzlerin wenige Tagevor der Bundestagswahl warnte Bundesaußenmi-nister Sigmar Gabriel seinerseits vor einem„natio-nalen Egoismus“, der „zu mehr nationalen Kon-frontationen“ führe.

    Das Dossier dieser Ausgabe von Dokumente/Documents wird keine endgültige Antwort liefernkönnen, was man eigentlich unter Nation undIdentität verstehen soll. Aber die Beiträge mögendabei helfen, differenziert über Chauvinismus,Patriotismus und Populismus, sowie über Kulturund Zivilisation, nachzudenken.

    Übrigens: das Wort Multilateralismus benutz-te Emmanuel Macron vor der Vollversammlungder … Vereinten Nationen. Zur Erinnerung: dieUNO wurde 1946 gegründet, nach der Auflösungdes Völkerbunds – auf Französisch Société desNations.

    Nation, national, international, supranational –la liste des notions en rapport avec les relations despays entre eux montre qu’il n’y a pas de discoursuniforme sur la question : en France, on célèbrela Fête nationale le 14 juillet, la carte nationaled’identité ne doit manquer dans les poches desFrançais, l’EducationNationale et les routes natio-nales font partie du vocabulaire courant, toutcomme le FrontNational compte dans le paysagepolitique. En Allemagne, la notion de Fête natio-nale, contrairement à celle d’hymne national, estévitée (officiellement Journée de l’Unité alleman-de), les automobilistes roulent sur des routes et au-toroutes fédérales, la politique scolaire est laisséeaux Länder, l’enthousiasme se manifeste tout auplus envers l’équipe nationale (Nationalelf ) defootball.

    Les interventions devant l’Assemblée généralede l’ONU en septembre ont montré également, aquel point les Etats se différencient linguistique-ment dans la définition du monde moderne.Après le« America first » de Donald Trump, le pré-sident français Emmanuel Macron a répondu parun plaidoyer en faveur du « multilatéralisme », lechemin le plus efficace pour relever les défis glo-baux. Et en l’absence de la chancelière, quelquesjours avant les élections duBundestag, le ministredes Affaires étrangères Sigmar Gabriel a lancé unemise en garde contre un « égoïsme national » quimène à plus de « confrontations nationales ».

    Le dossier de ce numéro de Dokumente/Docu-ments ne pourra pas fournir de réponse définitivesur ce qu’il faut comprendre par nation et identi-té. Mais les contributions devraient aider à réflé-chir avec différenciation sur le chauvinisme, le pa-triotisme et le populisme, ainsi que sur culture etcivilisation.

    Par ailleurs : Emmanuel Macron a utilisé le motmultilatéralisme devant l’Assemblée généraledes… Nations-Unies. Pour mémoire : l’ONU aété fondée en 1946 après la dissolution de laSociété des Nations – en allemand Völkerbund (littéralement : Fédération des peuples).

    Gérard Foussier

  • Inhalt/Sommaire

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    Editorial

    Meinung/Opinion

    Le lièvre et la tortue Gérard Foussier

    Politik/Politique

    Relance ou renaissance ? Gérard FoussierRéactions au discours du président français sur l’Europe

    Die eine und geteilte Nation Medard RitzenhofenDas Ende des dualistischen Prinzips?

    Präsidialer Trost Thomas LauxHervé Le Tellier, Ich und der PräsidentAmbition partagée Michael Eric LambertUne coopération complexe en matière de défense

    Le casse-tête berlinois François TalcyUne coalition gouvernementale difficile à former

    Feu de paille ou alternative ? Jérôme PascalQuand populisme rime avec extrémisme (de droite)

    Dossier

    Fragen der Identität / Questions d’identitéVom Egoismus zur Fremdenfeindlichkeit / De l’égoïsme à la xénophobieInhalt/Sommaire

    Geschichte/Histoire

    Généalogie et histoire Gérard FoussierUn hommage personnel à l’historien Onno Klopp (1822-1903)

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    Dokumente/Documents 4/2017

    4/2017

  • 3

    Les errements de la jeunesse allemande Gérard FoussierUne étude sur le juvénisme entre 1896 et 1945

    La cote 108 Thomas CadiotUn lieu de mémoire oublié aujourd’hui

    ”So nach Hause zurückkehren?“ Theo SchleyDie gescheiterte Kriegsheimkehr des Walther Cartellieri

    Une monographie historique Gérard FoussierLe camp de concentration de Redl-Zipf (Autriche)

    Für Frankreich sterben? Thomas LauxEin Roman und eine Dokumentation zum Algerienkrieg

    Sorj Chalandon,Mein fremder VaterJoseph Andras,Die Wunden unserer BrüderAmnistie pour les criminels nazis ? Philipp GlahéLe combat du Cercle des juristes de Heidelberg

    Un aumônier allemand au Mont-Valérien Thomas CadiotQuatre écrits inédits de l’abbé Franz Stock (1904-1948)

    Kultur/Culture

    Plus question de Majonäse Jérôme PascalLa 27e édition du dictionnaire de langue allemandeDudenSprechen Sie Neufranzösisch! Gérard FoussierDer Larousse sorgt traditionell für SchlagzeilenAZERTY, QWERTY ou QWERTZ ? Marie BaumgartnerPoet des mittelalterlichen Prekariats Medard RitzenhofenDer Dichter Rutebeuf beklagte das 13. Jahrhundert

    Un polyglotte exceptionnel Marie BaumgartnerIl y a 150 ans naissait Emil Krebs (1867-1930)

    Ein enthusiasmierter Vermittler Thomas LauxHanns Grössels Interventionen zur französischen Literatur

    Un grand-père embarrassant Gérard FoussierLa vie (supposée) de Friedrich Georg Göthé

    Un destin singulier Sylvie RoellyVincent, alias Wolfgang, fils d’Alfred Döblin

    Un génie misanthrope Gérard FoussierLes secrets du mathématicien Alexandre Grothendieck

    Chronologie

    Juli–September / juillet-septembre 2017 Simona Gnade, François TalcyUne économie en pleine forme ; Violence au sommet du G20 ;

    Extrémisme politique – un bilan ; Tensions germano-turques ;

    Conseil des ministres franco-allemand ; Le diesel en question ;

    Un espace aérien reconfiguré ; Un défi humanitaire ;

    Verstorben/Décès

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    Dokumente/Documents 4/2017

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    Meinung/Opinion | Gérard Foussier

    Le lièvre et la tortueL’année 2017, année électorale par excellence avecdes scrutins essentiels en France et en Allemagne,aura montré une nouvelle fois une notable dif-férence de mentalité, certes liée aussi à la diffé-rence de système électoral, mais aussi à la situa-tion politique particulière de chacun des deuxpays.

    Quel contraste ! Alors que les électeurs françaisn’ont cessé d’être en campagne pendant au moinsneuf mois, avant de littéralement bouleverserl’échiquier politique, les électeurs allemands ontconnu, après la période estivale des vacances, unebrève campagne sans vigueur et profondément en-nuyeuse, plombée essentiellement par des son-dages tellement crédibles que le chemin des urnessemblait même presque superflu. Donc pas – oupeu – de débats à la télévision, sice n’est dans les derniers jours.Et l’unique « confrontation »entre la chancelière et son prin-cipal opposant (le social-dé-mocrate Martin Schulz) aura étéplus soporifique encore que lesgrand-messes de la campagnefrançaise, où le temps de paroledes candidats réunis plusieursfois sur un même plateau étaitréduit à la portion congrue.

    Face aux sondages du début d’année qui an-nonçaient une poussée inattendue du candidatSchulz, la chancelière, fidèle à son habitude, n’apas montré de signes d’inquiétude : la poussée defièvre social-démocrate n’a pas duré longtemps,Martin Schulz n’a pas su corriger la tendance, nipar son programme, ni par sa personnalité. Etmême au soir d’une victoire pourtant entachée parun score plus que décevant, Angela Merkel, toutsourire, a conclu le débat sur les perspectives deson gouvernement par cette phrase : « C’est dansle calme que réside la force ».

    Pendant que les Français passaient leur été à re-découvrir les fables de Jean de La Fontaine (1621-1695), après la parution du brillant essai de l’aca-démicien Erik Orsenna consacré au célèbre mo-raliste du 17e siècle, les Allemands, eux, assistaientamusés au spectacle du Lièvre et la tortue, cette fa-

    ble inspirée de l’auteur grec Esope dans laquellecelui qui croit être le plus rapide se fait doubler surle fil par le plus lent pour avoir bêtement perduson temps en cours de route. Dans la version alle-mande de cette fable, celle des frères Grimm, latortue est remplacée par un hérisson, mais la mo-rale est identique : « Rien ne sert de courir, il fautpartir à point ». Une autre fable, Le corbeau et lerenard, pourrait également servir de modèle à ladouloureuse expérience du candidat malchanceux :« Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celuiqui l'écoute ». Dans la fable,« le corbeau, honteux etconfus, jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendraitplus ».

    Martin Schulz tirera peut-être la leçon de samésaventure électorale et fera désormais fi des

    éventuels sondages trop élogieuxà son égard, reprenant à soncompte cette fameuse citationdes Animaux malades de la peste :« Selon que vous serez puissant oumisérable, les jugements de courvous rendront blanc ou noir ». Etil relira Le pot de terre et le pot defer, où il est expliqué que le pre-mier « n’eut pas fait cent pas quepar son compagnon il fut mis enéclats ». Fort de son passé de li-

    braire de province, Martin Schulz retrouvera unefable moins connue (Contre ceux qui ont le goût dif-ficile ), dans laquelle on peut lire cette remarque :« C’est un dessein très dangereux que d’entreprendrede te plaire ».

    La chancelière quant à elle pourra se référer à LaFontaine dans ses futurs échanges avec le présidentfrançais. DansLa cigale et la fourmi, la comparai-son entre la France et l’Allemagne s’impose pres-que. Erik Orsenna nuance néanmoins en faisantremarquer que « la France, au lieu de chanter et dedanser, est une cigale ronchonne », alors que lesAllemands sont « des fourmis épanouies » qui sedisent prêts pour l’hiver. Reste à EmmanuelMacron d’accepter l’invitation de la chancelière :« Vous chantiez ? J’en suis fort aise. Eh bien ! Dansezmaintenant ».

    Gérard Foussier

    « La cigale et la four-mi – la chancelière

    quant à elle pourra seréférer à La Fontaine

    dans ses futurséchanges avec le pré-

    sident français. »

  • 5Dokumente/Documents 4/2017

    Relance ou renaissance ? | Politik/Politique

    Relance ou renaissance ?Réactions au discours du président français sur l’Europe

    Gérard Foussier*

    Alexander Graf Lambsdorff, vice-président duParlement européen, membre éminent et pragma-tique du parti libéral, a bien tenté de corriger le tiren qualifiant le discours de la Sorbonne de« fantas-tique signal lancé aux Européens ». Il a relevé quele président avait parlé de souveraineté européen-ne, et non plus de souveraineté nationale. Néan-moins, nombreux sont ceux en Allemagne quifont valoir que les Libéraux restent, dans leurgrande majorité, hostiles à l’idée de mutualisa-tion dans le zone euro, idée chère au présidentfrançais. Certains préconisent même que les mem-bres surendettés de l’Union européenne sortent dela zone euro (s’ils en font partie). Ils souhaitentmême la suppression du Mécanisme européen deStabilité (MES), mis en place pour venir en aideaux Etats touchés par les crises financières. La ques-tion, qui divise les eurosceptiques et les pro-euro-péens du FDP, est certes avant tout l’affaire du par-ti libéral, qui veut ou bien apparaître comme l’élé-ment le plus solide de la future coalition ou bienchoisir les bancs de l’opposition. Mais c’est aussil’affaire de la chancelière qui doit harmoniser lesconceptions des uns et des autres, alors que lesLibéraux estiment avoir obtenu leurs mandats auBundestag le 24 septembre pour avoir refusé d’en-tendre parler d’un gouvernement économique dela zone euro. Pour eux, les propositions d’Emma-nuel Macron sur la refondation de l’Europe sontune hérésie et une utopie.

    Dans un entretien accordé en octobre au maga-zine Der Spiegel, avant de se rendre à Francfortpour y inaugurer le Salon du Livre en compagnie

    » En Allemagne, le monde politique et la presse ne sont pas restés insensibles auxréflexions du président français, présentées le 26 septembre à la Sorbonne. Lesréactions vont de l’admiration au scepticisme.

    Beaucoup s’interrogent sur le calendrier choisi parle président français pour illustrer sa vision del’Europe autour d’un couple franco-allemand ren-forcé. Entouré de conseillers qui connaissent laréalité politique allemande (dont l’ancien ambas-sadeur de France à Berlin, Philippe Etienne, con-seiller diplomatique), Emmanuel Macron n’igno-rait pas que deux jours après les élections pour lerenouvellement duBundestag, la chancelière seraitquasiment paralysée dans ses jugements, car con-frontée à de difficiles négociations avec les forma-tions politiques avant d’entamer un quatrièmemandat. La date choisie pour intervenir à la Sor-bonne était donc voulue, dans l’espoir de fairepression sur ceux qui auraient à diriger le paysdans les quatre prochaines années – tout spéciale-ment le parti libéral FDP, à propos duquel LeMonde avait reproduit une citation péremptoiredu chef de l’Etat : si la chancelière s’allie au FDP,« je suis mort », aurait confié Emmanuel Macronà l’un de ses visiteurs, évoquant avec lui la futurepolitique européenne de l’Allemagne. L’expressionsemble ne pas trop déplaire au président, qui, dé-but septembre déjà, avait avoué dans un entretienavec le romancier Philippe Besson pour le maga-zineL’Obs que « si je manifeste le moindre doute, jesuis mort ».

    Zwischen Begeisterung und Skepsis

    Die Reaktionen in Deutschland auf die proeu-ropäische Rede von Emmanuel Macron am 26.September 2017 an der Sorbonne. Red.

    * Gérard Foussier est rédacteur en chef de Dokumente/Documents et président du Bureau International de Liaisonet de Documentation (BILD).

  • 6 Dokumente/Documents 4/2017

    Politik/Politique | Gérard Foussier

    de la chancelière, Emmanuel Macron a préciséqu’il avait tenu à vérifier avant de les tenir que sespropos ne feraient pas l’objet de divergences entreParis et Berlin. Il a même envoyé le texte de sondiscours à Angela Merkel et affirme dans cet entre-tien avoir tenu compte de ses remarques – sanspréciser lesquelles.

    La chancelière, souvent critiquée en France parle passé pour donner la préférence aux seuls in-térêts de l’Allemagne, a été très diplomate dans saréaction – d’aucuns diront très prudente :« Je voisdans le discours une bonne base afin de continuer àtravailler de façon intensive entre l’Allemagne et laFrance ». Une bonne base – l’enthousiasme a déjàété décliné avec plus de ferveur. Encore à la recher-che d’une nouvelle coalition pour pouvoir gouver-ner, la chancelière a attendu 24 heures pour com-menter le discours, et elle se contente quelquesjours plus tard, en marge du Conseil européen àTallinn, d’évoquer « un large consensus » entre lesdeux pays sur les réformes à mener dans l’Unioneuropéenne. Elle qualifie tout de même les visionsdu président français d’« extrêmement positives »en matière de politique migratoire et de défense,ainsi que sur le thème de l’harmonisation de l’im-pôt sur les sociétés. En clair : Angela Merkel laisseentendre qu’elle a intérêt à attendre les réactionsdes uns et des autres dans son entourage politiqueavant de se positionner. Si les Verts ont été les plusélogieux, avec un tweet de 133 signes, en français,de leur président, Cem Özdemir (« Excellent, pré-sident Emmanuel Macron, l’avenir de nos pays rési-de dans une Europe unie. Besoin d’une coopérationforte avec Paris »), les conservateurs de la CDU/CSU, présidée par Angela Merkel, ont été plus dis-tants, le Bavarois Hans Michelbach allant jusqu’àsoupçonner le président français de « chercher despossibilités de faire porter la dette publique françaisepar d’autres, ce qui n’est pas un procédé acceptable ».

    Les réactions de la presse

    Alors que Berlin juge généralement les concep-tions françaises (pas seulement celles d’EmmanuelMacron) trop interventionnistes et trop… fran-çaises (pléonasme ?), les titres de la presse au len-demain du discours de la Sorbonne sont plutôtélogieux : laFrankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ)

    voit dans les déclarations macroniennes la propo-sition d’« un nouveau partenariat » ; laSüddeutscheZeitung estime que « Macron veut une Europe fortedans le monde » ; pour leHandelsblatt, il veut « re-fonder l’Europe » ; Die Welt décèle une déclara-tion gouvernementale de dimension mondiale ens’adressant à la jeunesse européenne ; et Bild en-tend « un discours pour réveiller l’Europe ».

    La presse allemande comprend que le présidentfrançais a adressé des messages, directs et indirects,à l’Allemagne. L’hebdomadaire Die Zeit soulignele « feu d’artifices d’idées », pas moins de 77 pro-positions et exemples concrets qui constituent àson avis « le retour de la France », pendant que leHandelsblatt parle d’« intervention brillante, le seulmot qui vient à l’esprit ». Die Welt estime pour sapart qu’« on ne peut défendre l’idée européenne con-tre les extrémistes que si on la change ».

    Les critiques visent plutôt la classe politiqueallemande, objet de toutes les interrogations aulendemain des élections, mais le scepticisme estaussi de rigueur chez les commentateurs qui ob-servent que le volet social, économique et financierreste la pierre d’achoppement du projet européend’Emmanuel Macron : la FAZ qualifie par exem-ple toute idée d’union des transferts d’« aberra-tion ». D’autres, commeDie Zeit, rappellent toutde même que sans réforme la prochaine crise estcertaine et qu’il convient de donner aux Euro-péens une Europe souveraine qui protège. Et pource faire, le soutien de l’Allemagne est indispen-sable : « Si l’Allemagne refuse son soutien, cela re-viendra à renoncer à influer sur l’avenir de la zoneeuro, ce qui paraît inconcevable », écrit le Tages-spiegel.

    De toute évidence, Emmanuel Macron, profi-tant de la faiblesse de l’échiquier politique françaisqu’il a largement contribué à atomiser, veut agirrapidement pour profiter désormais des hésita-tions de l’échiquier politique allemand, affaiblipar les compromis de coalition et la « fin de règne »d’Angela Merkel, celle que la presse avait coutumede baptiser jusqu’ici « la reine de l’Europe ».

    Commentaire de la Süddeutsche Zeitung : « Pen-dant que Macron dessine le jardin idéal de l’Europeet essaie de convaincre avec une verve puissante, lajardinière Merkel préfère arracher ça et là une mau-vaise herbe et arrose les platebandes asséchées ».

  • 7Dokumente/Documents 4/2017

    Die eine und geteilte Nation | Politik/Politique

    Die eine und geteilte NationDas Ende des dualistischen Prinzips?

    Medard Ritzenhofen*

    » Zweihundert Jahre rangen in Frankreich die Linke (la gauche) und die Rechte (ladroite) um die Macht. Ihr ideologischer Antagonismus war das prägende Struk-turelement der Politik. Emmanuel Macron hat mit seiner Bewegung La République enmarche und seiner Regierung das dualistische Prinzip fürs erste außer Kraft gesetzt.Liegt in Frankreich die Zukunft in der Mitte?

    * Medard Ritzenhofen ist freier Journalist.

    kratien weltweit strukturiert, ihren Ursprungin der französischen Revolution hat. Die Rich-tungshinweise gauche und droite erhielten ihre po-litische Bedeutung im September 1789 in derGrande salle des Menus-Plaisirs in Versailles. Dieverfassungsgebende Versammlung war im Königs-schloss zusammengekommen, bevor sie kurz da-rauf begann, in Paris zu tagen. Manchen liberalenAdeligen und nicht wenigen gemäßigten Bürger-lichen erschienen die revolutionären Ereignissemit dem Sturm auf die Bastille, der Abschaffungdes Feudalsystems sowie der Erklärung derMenschen- und Bürgerrechte dermaßen umstür-zend, dass sie gewissermaßen Angst vor der eige-nen Courage bekamen. Diesen Deputierten derAssemblée constituante bot die Entscheidung, obder König ein Vetorecht gegenüber den Beschlüs-sen der Legislative erhalten sollte, Gelegenheit, diepolitischen Verhältnisse im Sinne der hergebrach-ten Ordnung zu stabilisieren. Als es zur Abstim-mung über diese Frage kam, ließen sich die soge-nannten Männer der Monarchie (les monarchiens)auf der rechten Seite (côté droit) des Sitzungsprä-sidenten nieder, während die Gegner eines véto

    Lange war Frankreich das gelobte Land derideologischen Konfrontationen. In kaum einemanderen Land prallten die politischen Gegensätzeso heftig aufeinander wie in der Republik, die ih-re unteilbare Einheit am 22. September 1792 mitder Formel une et indivisible hervorgehoben hat-te – und an ihr bis heute festhält. Doch im ekla-tanten Gegensatz zum integralen Anspruch derRepublik lebte die politische Kultur Frankreichsvon politischen Debatten und intellektuellenDuellen, ideologischen Dramen und rituellen De-markationen. Kompromisse und Koalitionen wa-ren die Ausnahme. Die Sozialisten fanden sichnicht zu einem sozialdemokratischen Aggiorna-mento bereit, wie es die deutsche Linke 1959 aufdem Parteitag in Bad Godesberg vollzogen hatte.Die Rechte wechselte zwar häufig ihren Namen,blieb aber ihrer nationalen Gesinnung treu. Manwar entweder Republikaner oder Royalist, Laizistoder Katholik, für de Gaulle oder für Mitterrand,man war à gauche ou à droite.

    Es überrascht deshalb nicht, dass die elementareUnterscheidung in eine Linke und eine Rechte,wie sie das politische Spektrum in den Demo-

    Une et divisée

    L’élection présidentielle de mai 2017en France a relancé le débat sur lesantagonismes entre gauche et droite,objets de toutes les altercations de-puis deux siècles. Le président élu,

    Emmanuel Macron, a annoncé sonintention de mettre fin à ce prin-cipe. Mais l’avenir du pays est-ilpour autant voué désormais au cen-

    tre ? Un rappel historique. Réd.

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    Politik/Politique | Medard Ritzenhofen

    royal , die selbsternannten „Patrioten“ (les patrio-tes), zu dessen Linken (côté gauche) Platz nahmen.Das war die Geburtsstunde der politischen Linkenwie der Rechten.

    Vergeblich suchte der im amerikanischen Un-abhängigkeitskrieg populär gewordene Marquisde La Fayette, „der Held zweier Welten“, zwischenden Brüdern des Ballhausschwurs zu vermitteln.Patrioten bzw. Jakobiner und gemäßigte Giron-disten standen sich bald unversöhnlich gegenüber.Erstere setzten sich auf ganzer Linie durch. Am21. September 1792 wurde die Monarchie abge-schafft, tags darauf der Kalender auf das Jahr 1 derRepublik datiert. Vier Monate später bestieg Lud-wig XVI. die Guillotine. Mit dem Kopf des ge-

    salbten Königs fielen achthundert Jahre französi-sche Monarchie in den Staub der Geschichte. Diesich radikalisierenden Jakobiner setzten nicht nurdie Marksteine der Revolution, sie trugen auchden moralischen Sieg davon. Daran änderte wederdas Blut etwas, das an den Händen des Volks-demokraten Robespierre klebte, noch die Hetz-tiraden eines Jean-Paul Marat, der als erster Links-populist in seinem Kampfblatt Ami du peuple dieStimmung gegen das Bürgertum schürte.

    La gauche durfte sich die Errungenschaften derRevolution auf ihre Fahnen schreiben, währendla droite mit dem Stigma der Reaktion behaftetblieb. Doch die große französische Saga des natio-nalen Romans geht noch weit darüber hinaus:Links sein (être de gauche), das ist nicht weniger alseine Ethik und Denkungsart, die ihre Wurzeln in

    der Aufklärung (les Lumières ) hat. So stand dieLinke lange im Licht der Geschichte. La gaucheerhob 1851 ihre Stimme mit Victor Hugo gegenden Staatsstreich von Napoléon le petit. Sie setztesich 1898 in der Dreyfus-Affäre mit Emile Zo-la für einen unschuldig verurteilten jüdischenHauptmann ein. Sie besaß mit Jean Jaurès, der1905 mit der Section française de l’Internationaleouvrière (SFIO) die Arbeiterpartei Frankreichs ge-gründet hatte, einen großen europäischen Huma-nisten und Pazifisten. Als in Italien, Deutschlandund Spanien die Faschisten die Macht ergriffen,wählte Frankreich 1936 eine linke Volksfront un-ter dem jüdischen Ministerpräsidenten LéonBlum. Noch im selben Jahr beschloss derFront po-

    pulaire in dem Matignon-Abkommendie Einführung der 40-Stunden-Woche sowie erstmalig einen be-zahlten Jahresurlaub von zwei Wo-chen für alle Arbeitnehmer. Als diekommunistische Linke in der Résis-tance gegen die deutsche Besatzungmobil machte, erwarb sie sich allge-meine Anerkennung. Nicht umsonstwurde der Parti communiste français(PCF) nach 1945 zur stärksten Par-tei Frankreichs.

    Gegenüber diesem strahlendenGuthaben der Linken fällt die Bi-lanz der Rechten so düster aus, dassdiese sich lange selbst verleugnete.

    Bis weit ins 20. Jahrhundert wollte man nichtrechts sein. Allzu oft stand die Rechte auf derVerliererseite. Das machte die Dreyfus-Affäre bei-spielhaft offenbar, in der die rechten Antidreyfu-sards eine beschämende Niederlage einsteckenmussten. Trotzdem hat sich die Rechte nicht kleinkriegen lassen, war sie doch überzeugt, das Rechtauf ihrer Seite zu haben. Vom Königsmord überden jakobinischen Terror bis zur Niederschlagungdes Aufstandes in der Vendée, der Züge eines in-nerfranzösischen Genozids trug, ließ die Rechteder Revolution ihr massenhaftes Töten und Hin-richten nicht durchgehen. Gegen den republika-nischen Antiklerikalismus hielt die Rechte fest anihrem Glauben an „die älteste Tochter der Kirche“(la fille aînée de l’église). Schließlich hatte dasChristentum im Westfrankenreich als erstes nörd-

  • 9Dokumente/Documents 4/2017

    Die eine und geteilte Nation | Politik/Politique

    lich der Alpen Fuß gefasst. Auch konnte dieRechte markante Persönlichkeiten in der Politikvorweisen. So bemühte sich François Guizot alsAußenminister (1840 bis 1848) um einen Aus-gleich zwischen den Errungenschaften der Revo-lution und einer konstitutionellen Monarchie.Adolphe Thiers, der für eine „konservative Repu-blik“ plädierte, zählt zu den Gründervätern derDritten Republik, die mit ihrem Präsidenten Ray-mond Poincaré (1913 bis 1920) und dem mehrfa-chen Minister Paul Reynaud führende Politikeraus dem rechten Lager hatte.

    Ihre überragende Figur erhielt die Rechte mitdem größten französischen Staatsmann des 20.Jahrhunderts, der es allerdings ablehnte, à droitezu sein. Charles de Gaulle strebte die überpartei-liche Vereinigung des Volkes an,weshalb er seine erste politischeBewegung 1947 Rassemblementdu peuple français (RPF) taufte.Nichtsdestotrotz konnte dieRechte mit dem durch unddurch konservativen Generalden Kopf der linken Résistancefür sich reklamieren. Folgerich-tig erlebte die Links-Rechts-Polarisierung mit der Konkur-renz von Gaullisten und Kom-munisten in der Nachkriegszeiteinen weiteren Höhepunkt. „Esgibt uns, die Kommunisten und sonst nichts mehr“,tönte de Gaulles treuer Gefolgsmann AndréMalraux 1949. Wie sehr er sich täuschte, der be-rühmte Schriftsteller und spätere erste Kulturmi-nister der Fünften Republik. Denn es waren we-der die Kommunisten noch die sich mehr undmehr rechts positionierenden Gaullisten, die diePolitik der Vierten Republik bestimmten, sondernSozialisten und Volksrepublikaner, die sich als„Dritte Kraft“ (troisième force ) in der Mitte sam-melten.

    Verschiedene Strömungen

    Entgegen der Rechts-Links-Teilung als summa di-visio der französischen Politik blieben Maß undMitte nie völlig außen vor. Unter dem Bürgerkö-nig Louis-Philippe (1830 bis 1848) versuchte das

    liberale Bürgertum den Spagat zwischen Monar-chie und Parlamentarismus. Doch Guizots Berei-cherungs-Parole Enrichissez-vous ! diskreditiertedie konstitutionelle Monarchie à la française undwar gleichzeitig Wasser auf die Mühlen der Lin-ken, die den kapitalistischen roi d’argent bis heu-te ablehnt. Die Modernisierungspolitik unter Na-poléon III. ließ sich weder links noch rechts ver-orten. Dass das liberale Bürgertum der Nutznie-ßer war, steht aber außer Frage. So sehr sich dasjuste milieu zwischen links und rechts behauptenkonnte, so wenig lässt sich im Übrigen von derLinken und der Rechten sprechen. Beide Lagerdifferenzierten sich stets in verschiedene Strö-mungen. Sozialisten und Kommunisten trenntemehr als sie verband, rechte Republikaner mach-

    ten sich weder mit Royalisten nochmit Rechtsextremen gemein. Trotz-dem bewies die politische Bipolaritätmit der Wahl von François Mitter-rand zum ersten sozialistischen Präsi-denten der Fünften Republik ihre un-verbrauchte Vitalität.La gauche au pou-voir verhieß eine bessere, humanereRepublik, bevor die Linke sich aufdem harten Boden der ökonomischenZwänge wiederfand. Dennoch verlie-fen auch die folgenden Präsidenten-wahlen in der angestammten Opposi-tion von links und rechts.

    Geändert hat sich das mit Emmanuel Macron,der seine BewegungLa République en marche zwi-schen den angestammten politischen Lagern steu-ert. Dass Erfolg nicht an linke oder rechte Posi-tionen gekoppelt sein muss, beweist der ko-metenhafte Aufstieg von Macron. Dieser vertrittdas humanistisch-heroische Ethos der Linken undverfolgt gleichzeitig eine marktwirtschaftliche Re-formpolitik im Sinne der Rechten. Als ehemaligerMinister einer linken Regierung ernannte er mitEdouard Philippe einen Rechten zum Premier-minister, der einer Regierung aus Republikanern,Sozialisten und Grünen vorsteht. EmmanuelMacron, mit 40 Jahren der jüngste Präsident seitNapoléon, hat das Links-Rechts-Schema hintersich gelassen und profiliert sich als „ein Staatschefvon rechts und links“ (un chef de l’Etat et de droiteet de gauche).

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    Politik/Politique | Thomas Laux

    Präsidialer Trost

    Auf den ersten Blick erscheint die Genrebezeich-nung zu Hervé Le Telliers neuem Buch (Brief-roman) wie aus der Zeit gefallen. Briefromane –da denkt man vornehmlich an Erscheinungen des18. und 19. Jahrhunderts, an Goe-thesWerther etwa oder an Choderlosde Laclos’ Gefährliche Liebschaften.Überhaupt Briefe: Gibt es in Zeitendes immer und überall präsentenSelfies, der direkten Bilder – oderDatenübermittlung via Smartphone,etwas, das anachronistischer erschie-ne als das Schreiben von Briefen? LeTellier zeigt auf amüsante Weise(und er nimmt dabei das gesamteGenre ein Stück weit hoch), dass ei-gentlich nur diese altmodische Formder Kommunikation etwas Substan-tielles über den Schreiber aussagt, die Reaktion,mit der ein Brief beantwortet wird, wird freilichentscheidend, denn sie beflügelt alle weitere Fan-tasien des Initiators.

    Im vorliegenden Fall hat Le Tellier sich alsAdressaten niemanden anders als den stets aktu-ell amtierenden Präsidenten der Republik ausge-sucht, und der heißt, zu Anfang des Buches, Fran-çois Mitterrand. Es beginnt mit einer Urlaubs-karte, die Le Tellier im September 1983 ausArcachon mit nachträglichen Glückwünschenzum Wahlsieg 1981 nach Paris schickt. Als Ant-wort erhält er, wie nicht viel anders zu erwarten,einen (hier mit abgedruckten) Standardbrief ausdem Elysée mit Dank und der Versicherung derWeitergabe seines „Anliegens“ an die verantwort-liche Stelle. Le Tellier bedankt sich seinerseits, undso geht es munter weiter: Auf jeden neuen Brief,in dem er bald auch seine privaten Miseren (Ar-beitslosigkeit, Jobsuche, Trennungen) beschreibt,erhält er dasselbe Antwortschreiben, mit dem Un-terschied, dass er dieselben Worte immer gemäßseiner augenblicklichen Gefühlslage interpretiert,und das heißt im Grunde: immer anders. Aus im-

    mer denselben Worten entnimmt er zum BeispielEmpathie, lobt er und erkennt er Bedeutsames,„François’ Stil, so luftig leicht, so literarisch und dochgleichzeitig dermaßen genau und direkt“. Es dauert

    nicht lange, und er nennt Mitter-rand seinen „Freund“. Und da er ausdem Elysée auch nach MitterrandsAbleben immer wieder dasselbeSchreiben erhält, weiß er: Mitter-rand ist gar nicht tot. DieselbenWorte (dasselbe Antwortschreiben)beim nächsten Präsidenten, JacquesChirac, werden ganz anders inter-pretiert, die Unterschiede, der alter-tümelnde Sprachstil, die linkischeArt, lägen „auf der Hand“. Immer-hin gefällt er ihm besser als NicolasSarkozy, der ihm eine einzige Ent-

    täuschung ist, er sei in seinen Antworten „fantasie-los“, seine Sprache „erbärmlich und sinnlos“, seineVulgarität stößt ihn ab. Dann doch lieber wiederdem alten Chirac schreiben. Oder direkt an denvermeintlich toten Mitterrand, zu dessen Ge-burtstag (es wäre der 101.) er ein Fest geben will,zu dem er alle anderen Präsidenten mit einlädt.

    Le Tellier zieht diesen einen Witz durch bis zuEmmanuel Macron, aber es wird nie langweilig.Was man bei aller Schmunzelei letztlich auch her-auslesen kann, ist, ohne einer Bedeutungsschweredas Wort zu reden, die stupende Einsamkeit einesBriefschreibers, der in seinen Monologen noch dieletzten standardisierten Phrasen als Trost vonhöchster Stelle begreift. Thomas Laux

    Lettres à Monsieur le Président

    Le livre d’Hervé Le Tellier, Moi et François Mit-terrand, est disponible désormais en traductionallemande – un clin d’œil sur la solitude de ceuxqui cherchent à dialoguer avec les locataires del’Elysée, une fiction sur la paranoïa. Réd.

    Hervé Le Tellier, Ich und der Präsident. Ein Briefroman. Originaltitel: Moi et François Mitterrand.Aus dem Französischen von Jürgen und Romy Ritte; dtv, München, 2017, 88 Seiten.

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    Ambition partagée | Politik/Politique

    Ambition partagéeUne coopération complexe en matière de défense

    Michael Eric Lambert*

    » Si elle ne constitue pas un cas singulier au sein de l’OTAN, la France, puissancenucléaire depuis la Guerre froide, n’en reste pas moins, dans un contexte post-Brexit, la seule à disposer d’une telle puissance au sein de l’Union européenne. L’Alle-magne quant à elle possède une force militaire conséquente qui dépend notamment dela qualité de ses équipements, de l’entraînement de ses troupes, et qui repose sur uneexpertise considérable.

    * Dr. Michael Eric Lambert est docteur en histoire des relations internationales à la Sorbonne et Visegrad Fellow àl’Institute of International Relations à Prague (République Tchèque).

    Uni. La France dispose ainsi de plus de 300 têtesnucléaires (selon les estimations des experts del’Institut international de recherche sur la paix deStockholm Sipri , mais la quantité et la qualité deséquipements restent inconnues à ce jour). Cestêtes nucléaires se trouvent à bord de sous-marins

    En matière de politique de défense et de sécurité,tout semble opposer la France et l’Allemagne. Ladoctrine militaire française repose sur la dissua-sion nucléaire lui permettant de rayonner en tantque grande puissance aux côtés notamment desEtats-Unis, de la Russie, de la Chine et du Royaume

    Plädoyer für eine europäische Armee

    In der Verteidigungs- und Sicherheitpolitik wür-den Frankreich und Deutschland gerne engerzusammenarbeiten – doch es gelingt ihnennicht: zu unterschiedlich sind po-tentielle Operationsgebiete und da-mit verbunden Gerät der Luftstreit-kräfte und Marine beider Länder,die größten Gemeinsamkeiten gibtes beim Heer – bereits seit 1990 be-steht so denn auch eine deutsch-fran-zösische Infanteriebrigade, die in die Be-fehlsstrukturen des Eurokorps (Wappenrechts) eingebunden ist.

    Internationale Interventionen im Rahmender Europäischen Verteidigungsagentur (EVA),die Mitgliedschaft beider Länder in der Natooder der

    ”Minsker Gruppe“ der Organisation

    für Sicherheit und Zusammenarbeit in Europa(OSZE) können jedoch nicht darüber hinweg-täuschen, dass Frankreich im Gegensatz zu

    Deutschland Atommacht ist – nach dem Brexitdie einzige in Europa und mit mehr als 300Nuklearsprengköpfen nach den USA und China

    die drittgrößte der Welt.Stellt sich die Frage der künfti-

    gen Verteidigungs- und Sicher-heitspolitik in Europa, die sich nichtauf Cyberabwehr oder gemeinsa-me Geheimdienste beschränkt.

    Unser Autor sieht die Lösungeinzig in der Schaffung einer gemein-

    samen europäischen Armee, wodurchEuropa neben den USA, China und Russ-

    land zur militärischen Großmacht würde.Die Wahrung nationaler Souveränität hingegenhätte zur Folge, dass die Länder der Europä-ischen Union, trotz enger Verflechtung ihrerStreitkräfte, lediglich Regionalmächte blieben,die sich im Konfliktfall auf USA und Nato ver-lassen müssten. Red.

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    Politik/Politique | Michael Eric Lambert

    en mouvement et en liaison étroite avec le centrede communication de la marine nationale dans lepetit village de Seine-Port en Seine-et-Marne. Cetteimportance de la marine nationale est incompa-rable avec celle de l’armée de terre – qui effectuele plus souvent les actions sur le terrain au Moyen-Orient et en Afrique – et avec l’armée de l’air quidispose de l’avion de quatrième générationRafale,apte à transporter une ogive sur quelque 3000 ki-lomètres (et plus avec ravitaillement en vol).

    Par comparaison, des pays comme les Etats-Unis disposent d’une force nucléaire autrementplus importante dans des sous-sols, à bord de sous-marins et dans les airs. La Chine dispose égale-ment d’un arsenal moderne, mais loin de pouvoirrivaliser avec les Américains dans la mesure où leslanceurs sont de moindre qualité, tandis que laRussie dispose d’une impressionnante quantitéd’ogives mais sans réelle pertinence stratégiquedans un conflit nucléaire moderne. Si la France neparvient pas à égaler ces trois pays, elle reste cepen-dant loin devant la Grande-Bretagne, dont le pro-gramme connaît plusieurs difficultés financières ettechnologiques. Dans l’ensemble, la France se po-sitionne donc comme petit pays du nucléaire dansun monde de grandes puissances, mais leader àl’échelle européenne dans ce domaine.

    Dès lors, il est impossible de comparer la Franceavec l’Allemagne, cette dernière n’ayant pas à sadisposition d’équipements similaires. L’Allemagnepossède des avions haut de gamme comme l’Euro-fighter, ainsi que des chars de type Leopard et unemarine active et moderne. Dans un contexte stra-tégique où la résurgence d’un conflit entre Etatsmembres de l’Union européenne semble improba-ble, et où la Russie semble être la seule menaceréelle (outre le terrorisme non-étatique en pro-venance du Moyen-Orient), l’Allemagne n’a doncaucune pertinence stratégique à l’échelle régio-nale. En effet, en cas de conflit avec une force nu-cléaire, celle-ci ne pourrait pas assurer la pérennitéde ses institutions, ni apporter une réponse d’am-pleur adéquate. A partir de ce constat, l’Allemagneest donc, militairement, totalement tributaire dela France.

    Ce déséquilibre entre les deux pays n’en restepas moins compatible avec d’éventuelles coopéra-tions dans les interventions internationales à la

    fois dans le cadre de l’Union européenne (opéra-tions aux Kosovo ou coopération dans le cadre durenseignement avec l’Agence de Défense Euro-péenne). Les deux pays sont également engagés ausein du Groupe de Minsk, créé en 1992 par laConférence sur la Sécurité et la Coopération enEurope (CSCE), devenue en 1994 une Organisa-tion internationale (OSCE) avec pour mission defavoriser le dialogue et la négociation entre l’Estet l’Ouest. Le Groupe de Minsk, qui se présentaità l’origine comme une organisation européennechargée d’encourager la recherche d’une résolu-tion pacifique et négociée entre l’Arménie et l’Azer-baïdjan sur le Haut-Karabagh (sans succès, cartoujours en guerre depuis 1994), couvre désor-mais les situations de crise en Europe de l’Est. LaFrance et l’Allemagne sont également proches

    au sein de l’AllianceAtlantique, ce qui per-met des actions con-jointes menées con-tre les groupes ter-roristes au Moyen-Orient. Mais ce rap-

    port de forces inégal entre les deux pays pose pro-blème avec une Allemagne qui souhaite plusd’intégration européenne et qui ne peut accroîtreque sa puissance conventionnelle, tandis que laFrance pourrait y perdre son privilège nucléaire –ou du moins devoir le partager, ce qui reviendraitsensiblement au même, dans le sens où la Francen’en aurait plus la totale jouissance.

    Pendant longtemps, la question de l’arme nu-cléaire en Allemagne est restée un tabou, en rai-son de l’héritage de la Seconde Guerre mondiale.Psychologiquement, il est encore difficile au 21e

    siècle d’envisager qu’elle détienne des ogives nu-cléaires, même si dans la pratique, une force defrappe nucléaire existe bel et bien sur le sol alle-mand, plus précisément dans les bases américainesqui restent néanmoins sous contrôle des Etats-Unis.

    Une difficile coopération

    Si la question du nucléaire semble marquée parune impossible coopération, celle du domainetechnologique l’est tout autant. La France et l’Al-

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    Ambition partagée | Politik/Politique

    lemagne peinent à coopérer dans le domaine aérien.La Luftwaffe dispose essentiellement d’avions dugroupe Eurofighter, un consortium qui associe

    (outre l’Allemagne) la Grande-Bretagne, l’Es-pagne et l’Italie, ce qui permet aux pilotes alle-mands d’être interopérables avec leurs homolo-gues dans ces quatre pays. La France quant à elledispose de son propre programme avec DassaultAviation et le Rafale. La Russie et la Chine dispo-sant pour leur part d’avions de cinquième généra-tion, l’Eurofighter et le Rafale n’ont donc plus à cejour de pertinence stratégique, car ces deux ap-pareils sont trop coûteux pour les opérations ex-ternes comme en Syrie.

    Le retrait de la France d’Eurofighter dans les an-nées 1980 a influencé les relations technologiquesentre les deux pays. La France souhaite ainsi dé-velopper un avion en mesure de transporter ses armes nucléaires, tandis que l’Allemagne n’en voitbien sûr pas la nécessité. A cela s’ajoutent les opé-rations externes : le ministère des Armées enFrance (anciennement ministère de la Défenseavant l’élection d’Emmanuel Macron) concentreson attention sur le Moyen-Orient, son homo-logue allemand (Bundesministerium der Verteidi-gung ) sur l’Europe de l’Est. Les attentes sont doncradicalement différentes : la France entend pou-voir bombarder avec précision une cible au sol etdans des pays chauds, alors que l’Allemagne visedavantage les combats aériens dans un climatfroid. Ces paramètres sont naturellement pris encompte par les ingénieurs des deux côtés. L’écarttechnologique dû aux attentes des uns et des au-tres dans le domaine aérien complique la coopé-ration (NDLR : Emmanuel Macron et AngelaMerkel ont annoncé malgré tout le 13 juillet 2017leur intention de fabriquer un avion de combatcommun).

    Le schéma est similaire entre la marine natio-nale et la Bundesmarine. Les Français souhaitentdisposer de sous-marins pour les théâtres d’opéra-tion lointains et donc de grande taille pour ac-

    cueillir un équipage pendant une durée allant jus-qu’à trois mois (pour un sous marin-nucléaire).Par contraste, l’Allemagne souhaite des sous-ma-rins de taille moindre pour rester en mer Baltique,et donc en immersion pendant au maximum quel-ques semaines. Qui plus est, les sous-marinsfrançais sont ceux qui permettent à la France de ré-pliquer à une attaque nucléaire, ils se doivent doncde disposer d’une technologie complexe dont lesAllemands n’ont objectivement aucune utilité à cejour. La coopération franco-allemande dans le do-maine maritime est d’autant plus difficile à menerque la France ne souhaite pas impliquer des ingé-nieurs « étrangers », qui pourraient apprendre le

    fonctionnementdes systèmes debord (le ministèredes Armées consi-dère les citoyensde l’Union euro-

    péenne non-français comme des étrangers). Parisrefuse donc une présence ou une coopération alle-mande, sauf sur les navires de petite taille ; unecoopération qui est plus réduite, voire inexis-tante sur les bâtiments de plus grande envergure.

    Par contraste avec l’air et la mer, la terre sem-ble être le secteur le plus prometteur pour l’avenirdes coopérations entre Paris et Berlin. La brigadefranco-allemande, lancée en 1989 avec 6000hommes, est avant tout un succès de communica-tion, mais qui reste peu pertinent sur le plan pra-tique. L’accroissement de l’interopérabilité des

    deux armées restecependant envisa-geable, notam-ment en partage-ant les mêmeséquipements. La

    France remplace ainsi son fusil d’assaut Famas(coûteux et peu pertinent pour les combats ur-bains par rapport au matériel existant, comme ce-lui des Israéliens) en faveur du HK-417/418allemand dès 2017. La brigade franco-allemandeparle également les deux langues, et les outils comme les véhicules légers ne nécessitent pas l’ac-quisition de connaissances techniques insurmon-tables. Les chars sont autrement plus complexes,mais la philosophie est semblable : la France et

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    Politik/Politique | Michael Eric Lambert

    l’Allemagne vont privilégier des chars lents et pré-cis, alors que les chars russes et chinois sont rapi-des, un héritage soviétique qui remonte à la Se-conde Guerre mondiale.

    Pour un plan pratique, le symbole de coopéra-tion est fort, mais aucune intervention de grandeampleur n’est envisageable, et la brigade franco-allemande, tout comme les véhicules légers et leschars, coûteux à transporter au Moyen-Orient, nesont pas les plus pertinents sur un plan stratégique.

    Pour de meilleurs échanges

    En conséquence, il semble que les coopérationssoient contraintes de se limiter à des domainescomme la cyber-défense et le renseignement.Comme pour les autres secteurs, Allemands etFrançais peinent à avancer vers une mutualisationdes services de renseignement – un paradoxe, alorsqu’ils existent déjà au sein de l’OTAN. Le prési-dent Emmanuel Macron a proposé dès son élec-tion en 2017 d’accroître les échanges d’informa-tion entre les deux pays et d’envisager la créationd’une « CIA à l’européenne ». Dans les semainesqui ont suivi cette proposition, les services de ren-seignement en Allemagne ont mis en avant le faitque la politique allemande visait à accorder àchaque Land une certaine autonomie, par con-traste avec la France, où les services sont centralisésà Paris. Cette réticence juridique complique unepossible coopération. La réticence de Berlin mon-tre dès lors les obstacles qu’incarne le droit pourla construction de l’Europe de de-main, dans laquelle les Etats pri-vilégient les normes nationalesplutôt que les ambitions géopoli-tiques. Entre prêter attention audroit national et répondre à desimpératifs géopolitiques en inno-vant et en ne prenant pas encompte les limites que lui impo-sent les législations en pratique, il apparait qu’unerupture stratégique ne peut s’opérer qu’avec unerupture juridique.

    Dès lors se pose la question de l’avenir franco-allemand dans le domaine militaire. Il semble im-possible d’envisager un rapprochement dans plu-sieurs secteurs en raison du contraste qui existe

    entre le statut de puissance nucléaire et celui denon-nucléaire. Il convient également d’inscrire lacoopération dans le cadre de l’Union européenne,avec l’idée qu’un choix doit s’opérer : ou bienmaintenir une souveraineté nationale en matièrede défense, ou bien la partager entre deux pays(franco-allemand), ou bien encore l’envisager dansle cadre d’une fédération européenne. Les deuxderniers cas semblent les moins probables en rai-son du manque d’urgence pour les Etats à accroi-tre leur coopération pour le moment. Il est doncprobable que la mutualisation des projets françaiset allemands dans le secteur militaire n’émergequ’en situation de conflit avec une puissance ex-terne qui constituerait un danger pour les deuxpays.

    D’une certaine manière, les deux pays sou-haitent donc coopérer, mais ils n’y parviennentpas. Le paradoxe le plus remarquable n’est autreque celui d’une ambition partagée, mais sans ré-elle conséquence au niveau européen et internatio-nal. En effet, même si la France et l’Allemagne de-vaient mettre en place une seule et même armée,celle-ci ne serait pas apte à concurrencer des payscomme les Etats-Unis et la Chine. Dès lors, la seuleoption semble être d’envisager dans ce domaine le maintien d’une souveraineté nationale pourchaque pays de l’Union européenne, ce qui amène-rait la France et l’Allemagne à garder leur rang depuissances régionales et à faire reposer leur sécuritésur les Etats-Unis et l’OTAN. Une autre optionserait la création d’une armée européenne. Celle-

    ci répondrait à une besoin croissant et permettraitde stimuler les exportations de matériel militairecomme dans le cadre d’Airbus avec l’avion mili-taire A400-M. Avec la création d’une armée com-mune, l’Union européenne disposerait d’une puis-sance militaire derrière celle des Etats-Unis et de laChine.

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    Le casse-tête berlinois | Politik/Politique

    Le casse-tête berlinoisUne coalition gouvernementale difficile à former

    François Talcy*

    » Le renouvellement du Bundestag, le 24 septembre 2017, a constitué un véritableséisme politique – sans vainqueurs. La formation du futur gouvernement de Berlinest un véritable casse-tête, dont l’issue est loin d’être acquise au moment où sont écritesces lignes (15 novembre).

    * François Talcy est journaliste indépendant.

    Auf dem Weg in Richtung ”Jamaika“

    Nach der Bundestagswahl 2017 gestalten sichdie Sondierungsgespräche für eine mögliche

    ”Ja-

    maika“-Koalition von CDU/CSU, FDP und Grü-nen schwierig. Da die SPD mit dem schlechtes-ten Wahlergebnis seit 1949 noch am Wahl-abend eine Fortsetzung der Großen Koalitionausgeschlossen hat, stehen die höchst unter-schiedlichen Verhandlungspartner gleichwohlunter Erfolgsdruck (Stand: 15.11.2017).

    Durch den unerwarteten Erfolg der SPD beider vorgezogenen Landtagswahl in Niedersachsenkann deren Ministerpräsident Stephan Weil in-

    des wohl nur in einer Großen Koalition sein Amtbehalten – auch in Niedersachsen ist nämlich dieRegierungsbildung nach dem schwachen Wahl-ergebnis der Grünen kompliziert.

    Nachdem die AfD bei der Bundestagswahl inSachsen mehr Stimmen als die CDU bekommenhat, tritt der dortige Ministerpräsident StanislawTillich (CDU) zurück – unserem Analysten zu-folge ist der bundesweite Wahlerfolg der AfD je-doch mit dem Wahlerfolg desFront National inFrankreich zu vergleichen, auch wenn das deut-sche Wahlsystem der AfD zu deutlich mehr Re-präsentanz im Parlament verholfen hat. Red.

    Il aura fallu moins de cinq minutes au candidat so-cial-démocrate (SPD) Martin Schulz pour annon-cer, après l’annonce des premières estimations,que son parti ne chercherait pas à négocier unequelconque participation au gouvernement diri-gé par la chancelière sortante Angela Merkel(CDU), et qu’il choisirait les bancs de l’opposi-tion pour les quatre prochaines années. Il est vrai

    que la gifle des électeurs est douloureuse : jamaisencore depuis 1949, le SPD n’avait été sanctionnépar un score aussi faible (20,5 %) dans une élec-tion du Bundestag. Même constat pour les chré-tiens-démocrates : avec 33 % des suffrages, laCDU et son alliée bavaroise la CSU réalisent ledeuxième plus mauvais résultat de leur histoire, leplus mauvais depuis 1953. Concrètement, cela

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    Politik/Politique | François Talcy

    signifie que les deux formations politiques quiétaient aux commandes depuis quatre ans ont per-du ensemble 13,4 % par rapport à 2013.

    Ce n’est pas là le seul enseignement : pour leurdeuxième participation à ce scrutin (4,6 % en2013), les populistes de l’AfD arrivent en troisiè-me position avec 12,6 % des voix et 94 députés,grâce aux voix glanées dans toutes les couches del’électorat : plus d’un million d’électeurs qui votent généralement pour la CDU ont préférél’AfD, plus de 500000, qui avaient donné la der-nière fois leur voix au SPD, ont finalement choisieux aussi le camp des populistes, lesquels ontmême réussi à puiser dans le camp de la NouvelleGauche, puisque 430000 électeurs de Die Linkesont passés à l’AfD. Et parmi ceux qui jusqu’icipréféraient l’abstention, 1,2 million ont égale-ment voté pour ce parti.

    Le résultat de cette élection (législative) n’estque la première étape vers la formation d’un gou-vernement : faute de pouvoir réunir les deux plusgrandes formations autour d’une même tableaprès le rapide refus du SPD, la CDU/CSU, mal-gré les lourdes pertes, n’a d’autre choix que de con-vaincre les autres partis, étant entendu qu’une coa-lition avec l’AfD et Die Linke (en légère pro-gression avec 9,2 % des voix) est exclue. Ne restentalors, par ordre d’importance parlementaire, queles libéraux du FDP (de retour sur la scène poli-tique après leur échec cinglant de 2013) et les Vertsavec un résultat légèrement en hausse (+0,5 à 8,9 %).

    Mais la seule arithmétique ne suffit pas à sur-monter les calculs politiques, car le puzzle imposépar le vote du 24 septembre est d’une complexitésans précédent. Avant de se mettre d’accord sur unprogramme de gouvernement (celui de 2013 éla-boré par la CDU/CSU avec le SPD n’avait étéconclu qu’au bout de 86 jours d’âpres négocia-tions), les partis doivent faire le point dans leurpropre entourage. Car ce ne sont pas trois, maisquatre formations qui tiennent à imposer leursvues. La CDU est critiquée par son aile droitière,la CSU bavaroise, pour sa politique migratoire ; lesVerts doivent convaincre leurs militants, partagéssur la question d’une présence dans un futur gou-vernement, qu’une participation aux côtés deslibéraux et des conservateurs, peut avoir des avan-tages pour leur avenir (le FDP, tout juste sorti du

    désert parlementaire, n’a pas envie de céder aux re-vendications des écologistes et les Verts ne sont pasenclins pour leur part à accepter des dérives néo-libérales). Jürgen Trittin, ancien ministre écolo-giste du chancelier Schröder, résume la situationà sa manière : le FDP doit être plus social, la CSUplus libérale, la CDU plus écologiste et les Vertsdoivent tenir compte des évolutions sociétalesconservatrices. Défi.

    A cela s’ajoute un rendez-vous électoral en 2018pour la Bavière : la CSU, habituée à des scoresmajoritaires, entend bien ne pas sacrifier sa tradi-tionnelle popularité régionale sur l’autel des com-promis berlinois. La « victoire cauchemardesque »(titre du quotidienBild ) devient un véritable casse-tête pour la chancelière face à ce nouvel assemblagedéjà baptisé Jamaïque, à l’image du drapeau de cepetit pays des Caraïbes en raison des couleurs po-litiques affichées par les membres potentiels de lacoalition : noir pour la CDU, jaune pour le FDPet vert pour les écologistes, seul le bleu-et-blanc dela CSU, absent de la bannière, pourrait être inter-prété, abusivement, comme le signe d’un possibleapaisement dans un ciel jamaïcain réputé pour sesmenaces de sombres ouragans, mais les chrétiens-sociaux de Bavière ne sont pas particulièrement ré-putés pour leur recherche du compromis.

    Question de survie politique

    Pour le FDP, le résultat du 24 septembre consti-tue un véritable jeu d’équilibriste. Les libéraux

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    doivent montrer qu’ils sont prêts à gouverner,donc à faire des compromis, mais décidés aussi àimposer leurs vues, donc à ne pas céder aux com-promissions. Chacun sait pertinemment que refu-ser des responsabilités gouvernementales, alorsque le SPD insiste sur ses intentions de rester dansl’opposition, reviendrait à créer un vide politiquedans le pays, avec à la clé de nouvelles élections.Et le FDP n’a aucune garantie de pouvoir réitérerson score du 24 septembre, si les électeurs de-vaient en conclure que c’est le parti libéral qui està l’origine de la débâcle jamaïcaine.

    A défaut de se mettre d’accord rapidement surun programme de gouvernement au nom du prag-matisme, tous les partis ont en commun de vou-loir combattre désormais le populisme antieuro-péen et xénophobe revendiqué par l’AfD : MartinSchulz a justifié, un peu trop vite peut-être, sa dé-cision de conduire le SPD dans l’opposition pouréviter que l’AfD, troisième force politique du

    pays, ne soit désormais le premier parti d’opposi-tion ; la CSU a annoncé son intention de re-prendre certaines visions ultraconservatrices, aux-quelles l’électorat semble sensible, et ainsi retrou-ver sa place à la tête de l’échiquier politique bava-rois ; libéraux et Verts entendent pour leur part ré-pondre aux provocations des extrémistes et es-timent qu’une prise de parole parlementaire aunom du gouvernement pourrait être plus efficaceque des propos tenus depuis les bancs de l’oppo-sition ; et Angela Merkel, critiquée pour son vira-ge jugé trop social-démocrate par certains au seinde la CDU, doit désormais trouver le langage etle dosage qui s’imposent, sans pour autant donnerl’impression, comme cela a été le cas à l’issue de sestrois premiers mandats, que la politique menéepar ses différentes coalitions ne profite en fin decompte qu’à son parti. Le SPD (en 2009 et 2017)et le FDP (en 2013) en ont fait la triste expériencedepuis 2005.

    Le casse-tête berlinois | Politik/Politique

    Inscrits 61,5 millionsParticipation 46,5 millions (76,2 %) + 0,7 %Coalition sortante CDU-SPDChef de gouvernement sortant Angela Merkel (CDU)Nouvelle coalition Négociations en coursNouveau chef de gouvernement Vraisemblablement Angela Merkel (CDU)Nombre de mandats (2017-2013) 709 (+ 78)

    Election au Bundestag du 24 septembre 2017

    1ère voix Mandats 2e voix % Total sièges(2017-2013) directs (2017-2013) (2017-2013)

    CDU 30,2 (– 7,0) 185 14445832 26,8 (– 7,4) 200 (– 55)

    CSU 7,0 (+ 0,7) 46 2869744 6,2 (– 1,2) 48 (– 10)

    SPD 24,6 (– 4,8) 59 9538367 20,5 (– 5,2) 153 (– 40)

    AfD 11,5 (+ 9,6) 3 5877094 12,6 (+ 7,9) 94 (+ 94)*

    FDP 7,0 (+ 4,6) 0 4997178 10,7 (+ 6,0) 80 (+ 80)Die Linke 8,6 (+ 0,3) 5 4296762 9,2 (+ 0,6) 69 (+ 5)Verts 8,0 (+ 0,7) 1 4157564 8,9 (+ 0,5) 67 (+ 4)

    CDU et CSU constituent un groupe parlementairecommun avec 246 députés (65 de moins qu’en 2013).La première voix permet l’élection directe d’un candi-dat par circonscription (à la majorité relative). La deu-xième voix, donnée aux formations politiques, est unscrutin à la proportionnelle qui permet de définir larépartition totale des sièges.

    * Au lendemain du scrutin, la présidente de l’AfD a sur-pris tout le monde, y compris son entourage, en don-nant sa démission du parti, sans pour autant renoncerà son mandat parlementaire. Un autre député a égale-ment quitté son groupe parlementaire quelques jours plustard. L’AfD ne dispose donc plus que de 92 sièges, deux dé-putés sont désormais classés sans étiquette.

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  • 18 Dokumente/Documents 4/2017

    Politik/Politique | François Talcy

    (SPD), donné perdant depuis l’été en raison du« Dieselgate » chez Volkswagen, a finalement re-trouvé sa place de premier parti dans ceLand, avecune amélioration de plus de 4 points par rapportà 2013 et de 9,5 points par rapport aux résultatsdu 24 septembre. La CDU par contre perd dansles deux cas de figure : 2,4 % de suffrages en moinspar rapport à la dernière élection régionale deBasse-Saxe, 1,3 % en moins par rapport aux chif-fres enregistrés dans ce Land lors de l’élection duBundestag. La victoire inattendue du SPD est ce-pendant fragilisée par une perte de 5 points dansle camp de son partenaire de coalition (les Verts),ce qui empêche de reconduire cette alliance, fautede majorité parlementaire. Comme à Berlin, desnégociations entre les diverses formations poli-tiques s’imposent : une grande coalition est théo-riquement possible, car contrairement à MartinSchulz à Berlin, le perdant chrétien-démocrate àHanovre s’est déclaré ouvert à une telle option ; lemodèle Jamaïque dispose d’une courte majorité,également purement théorique sur le papier, carles Verts sont plutôt hostiles à une coopérationavec le FDP ; par ailleurs le FDP refuse de s’allierau SPD dans un hypothétique élargissement de lacoalition précédente avec les Verts. Les libéraux seretrouvent donc dans la même situation d’impassequ’au niveau fédéral, mais cette fois face au SPD :leur refus de la Jamaïque pourrait conduire à laformation d’une grande coalition, ce que les deuxgrands partis – juré, craché – avaient promis d’évi-ter à tout prix. Face à ce double casse-tête (à Berlinet à Hanovre), les états-majors des partis s’effor-cent de faire contre mauvaise fortune bon cœur,chacun évitant de se voir critiqué comme respon-sable de tout échec des négociations – un échecqui profiterait aux populistes de l’AfD.

    Election en Basse-Saxe

    Si la CSU doit tenir compte de son rendez-vousélectoral de l’automne 2018 avant de trouver uncompromis « jamaïcain », la CDU a fait en sortepour sa part de ne pas troubler la campagne élec-torale pour l’élection anticipée du parlement ré-gional de Basse-Saxe le 15 octobre, trois semainesseulement donc après le choc du 24 septembre.

    Prévue initialement pour le mois de janvier 2018,la date de cette élection régionale avait été avan-cée au 15 octobre, le gouvernement en place ayantperdu au mois d’août son étroite majorité absolueau Landtag de Hanovre. Une députée des Verts,Elke Twesten, avait annoncé en effet qu’elle quit-tait sa formation politique pour rejoindre la CDU(voir dans la chronologie).

    Généralement, les comparaisons des résultatsse font d’une législature à l’autre. Trois semainesseulement après le renouvellement du Bundestag,l’élection en Basse-Saxe a pris une nouvelle dimen-sion en permettant de comparer les scrutins des 24septembre et 15 octobre et de voir l’impact à courtterme du séisme. Or le verdict des urnes à Hanovrea surpris tous les observateurs : Stephan Weil

    Capitale régionale Hanovre Partis % (2013) Sièges (2013)Inscrits 6,09 millions SPD 36,9 (+ 4,3) 55 (+ 6)Coalition sortante SPD-Verts CDU 33,6 (– 2,4) 50 (– 5)Ministre-président sortant Stephan Weil (SPD) Verts 8,7 (– 5,0) 12 (– 7)Nouveau gouvernement SPD-CDU FDP 7,5 (– 2,4) 14 (– 3)Ministre-président Stephan Weil (SPD) AfD 6,2 (+ 6,2) 9 (+ 9)

    Die Linke 4,6 (+ 1,5) 0 (0)

    Participation : 63,1 % (+ 3,7 % par rapport à 2013)

  • 19Dokumente/Documents 4/2017

    Le casse-tête berlinois | Politik/Politique

    D’aucuns ne manquent pas de comparer la si-tuation au jeu du Mikado : le premier qui bougea perdu. C’est ce qui explique que le SPD parexemple se voit confronté pendant toute la duréedes pourparlers à un paradoxe inouï : le présidentdu SPD, Martin Schulz, ne manque aucune occa-sion de critiquer la politique d’Angela Merkel etde son gouvernement (auquel son parti a pourtantparticipé, y compris à des postes-clés). Parallèle-ment, les ministres sociaux-démocrates, dans l’at-tente d’une nouvelle équipe gouvernementaledans laquelle ils n’auront plus leur place, fontcomme si de rien n’était et n’hésitent pas à don-ner des conférences de presse dithyrambiques surla situation économique du pays, comme si seulsles ministères détenus par le SPD avaient travailléavec succès – ce que le verdict des urnes ne traduitpas. Et le ministre des Affaires étrangères, SigmarGabriel, qui avait abandonné en début d’annéeson poste de président du parti et son portefeuille deministre de l’Economie, continue à sillonner laplanète pour défendre les principes de la diploma-tie allemande. Cette situation, impensable en France,montre et démontre une certaine forme de conti-nuité politique au-delà des nuances partisanes.

    La constitution du Bundestag, cérémonie tra-ditionnelle qui inaugure un mois après l’électiondes députés la nouvelle législature avant mêmequ’un nouveau gouvernement ne soit mis en place,a montré la volonté des adeptes de la formuleJamaïque de parvenir bon gré mal gré à un accord :sans concertation préalable (du moins officielle-ment), les trois formations ont rejeté comme unseul homme les requêtes présentées par le SPD etDie Linke. Et pour l’élection des vice-présidentsduBundestag, tous les députés – sauf ceux de l’AfD– ont refusé d’élire le candidat proposé par les po-pulistes, Albrecht Glaser, accusé de vouloir refuserà l’islam la liberté de religion que garantit la LoiFondamentale. Avant le discours de WolfgangSchäuble, nouveau président de l’Assemblée, ledoyen des députés, le libéral Hermann OttoSolms, avait certes lancé un appel pour que le vote des citoyens soit respecté et que chaque man-dat parlementaire ait la même valeur (sous-enten-du : pas de régime particulier pour l’AfD). Pour-tant, pour la première fois, ce premier discoursd’ouverture (ainsi en avait décidé le précédent par-

    lement) avait été confié non plus au doyen d’âge(qui aurait été un populiste), mais à celui qui asiégé le plus longtemps au Bundestag (WolfgangSchäuble en principe, mais il avait renoncé en pré-vision de son élection à la présidence parlemen-taire). Ces manœuvres, largement critiquées parcertains députés et de nombreux éditorialistes, au-gurent d’une législature plutôt mouvementée quirisque de donner encore plus d’élan aux populis-tes.

    Si la présence de 92 députés (+ 2 sans étiquette,mais élus sur des listes AfD) a toutes les raisonsd’inquiéter ceux qui craignent des joutes ora-toires peu conformes à l’esprit de dialogue reven-diqué par le nouveau président de l’Assemblée, iln’en reste pas moins vrai que (contrairement à unelégislation électorale française sans proportion-nelle qui n’accorde que quelques sièges à des par-tis qui ont fait pourtant des scores analogues àceux de l’AfD aux législatives de 2017), l’ampleurdu groupe parlementaire populiste est bien la tra-duction du paysage politique allemand.

    Réplique sismique en Saxe

    Le scrutin du 24 septembre a provoqué d’autressecousses : en Saxe, l’AfD a réussi à obtenir 27 %des suffrages, plus que la CDU donc, qui depuis1990 représentait la plus forte formation politiquede ceLand, et qui n’obtient cette fois que 26,9 %,soit une chute de 15,7 points par rapport à 2013.Le score est d’autant plus étonnant que la Saxe,Land limitrophe de la Bavière (où la CSU estégalement en perte de vitesse), ne compte dans sapopulation que peu de ressortissants étrangers,cibles préférées des populistes. Dans le Mecklem-

  • 20 Dokumente/Documents 4/2017

    Politik/Politique | François Talcy

    avant la fin de son mandat – le temps de permet-tre à son successeur désigné, Michael Kretschmer,de redonner un peu de couleurs à la démocratie-chrétienne dans cette région. Stanislaw Tillich sevoyait reprocher depuis plusieurs mois de gérer aulieu d’agir, de vouloir conserver le pouvoir au lieude gouverner et de ne pas intervenir contre lemouvement Pegida, qui défile toutes les semainesdans les rues de Dresde pour manifester son oppo-sition à l’islam.

    bourg-Poméranie occidentale, l’AfD arrive endeuxième position, après la CDU et à moins d’unpoint deDie Linke.

    Certes, ces résultats n’ont pas été acquis dans lecadre d’une élection régionale, mais ils sont le re-flet de tendances qui inquiètent les conservateurs.Le ministre-président de Saxe, Stanislaw Tillich,a donc annoncé le 19 novembre qu’il démission-nait de son poste de chef de gouvernement régio-nal et de président régional de la CDU, deux ans

    Armutszeugnis

    Kaum waren die ersten Trendmeldungen undHochrechnungen am Abend der Bundestags-wahl vom 24. September um 18 Uhr bekannt,schon meldeten einige französische Rundfunk-sender „die Wiederwahl“ von Angela Merkel.Auch am darauffolgenden Tag, wenig Stundennach Bekanntgabe des vorläufigen Wahlergeb-nisses, unterstrichen voreilige französische Zei-tungen den Sieg der Bundeskanzlerin, die estrotz Verluste zum vierten Mal geschafft hätte,nach 2005, 2009 und 2013 an der Spitze derBundesregierung zu bleiben. Die Suche nachmöglichen Koalitionspartnern wurde nur ne-benbei erwähnt, als sei dieses Procedere eine rei-ne Pflichtübung der deutschen Politik. Dass derRegierungschef in der Bundesrepublik nichtvom Volk, sondern von dessen Vertretern ge-wählt wird, blieb vielen Franzosen, die sich nichtunbedingt im deutschen Wahlsystem ausken-nen, weitgehend vorenthalten, als sei die Bun-destagswahl mit der französischen Präsident-schaftswahl vergleichbar. Ein Armutszeugnis fürden Informationsstand mancher Journalisten inFrankreich.

    Schlimmer noch: Überschriften wie „94 Na-zis im Reichstag“ ließen unterschwellig die Leserim Glauben, Deutschland sei nun ein faschisti-sches Land. Zugegeben: Ausgerechnet Bundes-außenminister Sigmar Gabriel (SPD) hatte fürVerwirrungen gesorgt, als er in den letzten Tagendes Wahlkampfs im Gespräch mit demHandels-blatt kommentierte, ein Erfolg der AfD würdebedeuten, dass „zum ersten Mal nach Ende des Zweiten Weltkriegs wieder echte Nazis im deut-

    schen Reichstag am Rednerpult“ stehen. Dassfranzösische Beobachter den Satz übernahmen(ohne Gabriel zu zitieren), zeigt den geringenWissensstand über das Nachbarland. 94 Abge-ordnete aus dem rechtsextremen Lager sind si-

    cherlich ein Grund für Aufsehen und Befürch-tungen – aber sie entsprechen nolens volens ei-nem entsprechenden Wahlergebnis von 11,5 %der abgegebenen Stimmen. Nur wenige Kom-mentatoren in Frankreich haben dabei einenVergleich vergessen: durch das französische Wahl-gesetz ermöglicht das 13,2 %-Ergebnis des FrontNational beim ersten Wahlgang der Parlaments-wahlen im Juni, ganze acht Abgeordnete in dieNationalversammlung zu schicken.

    Staatspräsident Emmanuel Macron hat ver-sprochen, das französische Wahlgesetz so zu än-dern, dass kleinere Parteien „besser“ repräsentiertwerden – eine sicherlich demokratische Initia-tive, die insbesondere die Extremen begünstigenwird. Und vielleicht die überzogene Interpre-tation deutscher Wahlergebnisse relativierenwird.

    Gérard Foussier

  • 21Dokumente/Documents 4/2017

    Feu de paille ou alternative ? | Politik/Politique

    Feu de paille ou alternative ?Quand populisme rime avec extrémisme (de droite)

    Jérôme Pascal*

    mais parvient à entrer dans les parlements régio-naux de Schleswig-Holstein (5,9 %), de Sarre(6,2 %) et de Rhénanie du Nord/Westphalie(7,4 %), avant de terminer l’année électorale, troissemaines après son entrée au Bundestag, avec6,2 % de voix en Basse-Saxe. Seules la Bavière et laHesse, qui feront l’objet d’élections régionalesseulement fin 2018, ont encore des assembléessans députés de l’AfD.

    Présenté à ses débuts comme « le parti des pro-fesseurs », en raison de la présence de nombreuxuniversitaires d’économie, de finances publiqueset de droit (parmi lesquels Hans-Olaf Henkel, an-cien président d’IBM et de la fédération de l’In-dustrie allemande), l’AfD se voulait être avant touthostile à la monnaie européenne et à la zone euro,mais pas à l’Europe. Ses principaux fondateurssont Bernd Lucke (un économiste de l’universitéde Hambourg qui a quitté la CDU en 2011),Alexander Gauland (également ex-CDU) etKonrad Adam (ancien journaliste de laFrankfurterAllgemeine Zeitung ). Ses membres viennent au-jourd’hui de tous les partis traditionnels, y com-pris les Verts et même le mouvement contesta-taire desPiraten, désormais aux oubliettes.

    La première scission intervient en 2015 avecl’élection de Frauke Petry à la coprésidence du par-ti : cinq des sept députés (dont Lucke et Henkel)fondent leur propre parti (Alfa, Alliance pour leProgrès et le Renouveau), afin de mieux défendreleurs conceptions qu’ils estiment plus libérales que

    » Fondé en 2013, le parti AfD, dont les initiales laissent entendre qu’il serait une « Alter-native pour l’Allemagne », caracole de succès en succès. Il avait manqué de peu sonentrée au Bundestag en 2013 avec 4,7 % des suffrages, mais il vient de bouleverser l’échi-quier politique en remportant 94 sièges aux dernières élections de septembre (12,6 %) com-plétant ainsi une imposante galerie de succès à l’échelon régional et même européen en2014.

    Après un échec en Hesse en 2013 avec 4,1 % poursa toute première participation à un scrutin enAllemagne, l’AfD a pu obtenir 7 % des suffragesaux européennes de 2014 et envoyer ainsi 7 dé-putés au Parlement de Strasbourg. La même an-née, le parti entrait dans les diètes de Brandebourg(12,2 %), de Saxe (9,7 %) et de Thuringe (10,6 %).En 2015, l’AfD obtient 5,5 % à Brême et 6,1 %à Hambourg, scores largement dépassés l’annéesuivante avec 12,6 % en Rhénanie-Palatinat, 14,2 %à Berlin, 15,1 % dans le Bade-Wurtemberg, 20,8 %en Mecklembourg-Poméranie occidentale (2e placederrière le SPD) et même 24,5 % en Saxe-Anhalt(2e place derrière la CDU). En 2017, la forma-tion enregistre des résultats certes plus faibles,

    Strohfeuer oder Alternative

    Die seit 2014 (unaufhaltsamen?) Erfolge derAfD bei der Wahl des Europaparlaments, derLänderparlamente und des Bundestages sowieskandalöse Äußerungen ihrer Politikerinnenund Politiker – Stichworte: Jérôme Boateng (Ale-xander Gauland), Holocaust-Mahnmal (BjörnHöcke), Grenzsicherung (Beatrix von Storch) –lassen die etablierten Parteien hoffen, dass essich bei dieserpolitischen Al-ternative nur umein

    ”Strohfeuer“

    handelt. Red.

    * Jérôme Pascal est journaliste.

  • 22 Dokumente/Documents 4/2017

    Politik/Politique | Jérôme Pascal

    celles de la nouvelle direction. L’année suivante,nouvelle scission, lorsque Frauke Petry refuse d’ex-clure un élu du Bade-Wurtemberg, Wolfgang Ge-deon, qui avait affirmé dans un livre que « le ju-daïsme du Talmud est l’ennemi intérieur de l’Occi-dent chrétien ». Mais le parti poursuit son ascen-sion dans lesLänder, jusqu’en 2017 où l’aile droi-tière du mouvement trouve que sa présidente,contestée pour sa gestion des affaires, cherche enfait à s’éloigner des positions les plus extrêmes :alors qu’elle-même avait tenu en 2016 des proposfort critiques sur les migrants et estimé que l’islam« n’est pas compatible avec la culture allemande »,elle tente d’exclure un de ses adversaires, BjörnHöcke, qui avait déclaré vouloir que« l’Allemagnefasse un virage à 180 degrés dans sa politique de mé-moire ». Elle a par ailleurs pris ses distances vis-à-vis des positions les plus extrêmes pour donnerplus de crédibilité à son mouvement – une initia-tive qui n’est pas sans rappeler la campagne de dé-diabolisation de Marine Le Pen en France, maisqui n’a pas pu convaincre les militants favorablesà une ligne dure populiste malgré l’influence crois-sante de groupuscules néonazis xénophobes.

    Des propos scandaleux

    Alexander Gauland, anciennement membre de laCDU depuis 1970, n’avait pas hésité à clamer aucours de la campagne électorale que « si les Fran-çais ont le droit d’être fiers de leur empereur et lesBritanniques de l’amiral Nelson et de Churchill,alors nous avons le droit d’être fiers des performan-ces des soldats allemands durant la Seconde Guerremondiale ». Et le soir du scrutin, il a affirmé vou-loir « pourchasser Madame Merkel », dans le but de« récupérer notre pays », allusion à un de ses pro-pos plus anciens sur le défenseur du Bayern deMunich, Jérôme Boateng, d’origine ghanéenne :« Les gens l’apprécient en tant que footballeur. Maisils ne veulent pas l’avoir comme voisin ». AlexanderGauland n’est pas le seul personnage contesté.

    Alice Weidel, venue de la banque GoldmanSachs, joue elle aussi la carte de l’hostilité aux mi-grants et de la défense de la famille traditionnelle– bien qu’elle soit en couple avec une femme d’origine sri-lankaise, avec laquelle elle éduquedeux enfants.

    Jörg Meuthen, porte-parole de l’AfD, refusepour sa part toute comparaison avec le FrontNational, qui, contrairement à lui, « n’a pas decompétence économique ». Il craint une domina-tion de l’Allemagne par l’islam et veut protéger laculture occidentale chrétienne en fermant lesfrontières. Mais en 2016 il était favorable à l’exclu-sion du député antisémite Wolfgang Gedeon dansle Bade-Wurtemberg.

    Björn Höcke, que Frauke Petry voulait exclureen 2016, est toujours président du parti en Thu-ringe et prône la mise en place d’un courant natio-nal-identitaire et la défense d’une « certaine gran-deur allemande », déplorant au passage que lesAllemands soient « le seul peuple au monde qui ins-talle un mémorial de la honte en plein cœur de sa ca-pitale ». Des propos qui ont soulevé un véritabletollé dans le pays, mais n’ont pas entamé sa popu-larité au sein de l’AfD.

    Il faudrait citer aussi Beatrix von Storch, vice-présidente du parti et membre du parlement eu-ropéen, petite-fille d’un ministre des Finances duTroisième Reich, qui se dit ouvertement favorableà ce que la police des frontières face usage de leursarmes contre les réfugiés illégaux, « y compris lesfemmes et les enfants ».

    Au lendemain de l’élection du Bundestag, Frau-ke Petry a surpris ses propres amis politiques enquittant la conférence de presse qui devait sou-ligner la première victoire de l’AfD à l’échelle dupays. Puis elle annonce la création d’un « Partibleu » pour les prochains rendez-vous électoraux,tout spécialement en Saxe en 2019. Un député,élu comme elle le 24 septembre, décide de la re-joindre, sans pour renoncer à son mandat : avantmême la constitution duBundestag le 24 octobre,le parti perd ainsi deux députés qui se retrouventisolés au fond de l’hémicycle, derrière 92 parle-mentaires de l’AfD, boudés par les autres forma-tions politiques qui n’ont qu’un espoir : que lesuccès de cette formation politique en 2017 n’aitété finalement qu’un vulgaire feu de paille, alorsque la renaissance des populismes, en Europecomme aux Etats-Unis, impose dans le débat pu-blic un discours marqué par un protectionnismeéconomique, culturel et identitaire, auquel de touteévidence une frange de l’électorat n’est plus véri-tablement insensible.

  • 23Dokumente/Documents 4/2017

    Dossier

    De l’égoïsme à la xénophobie

    Les aspects culturels et sociaux jouent un rôle im-portant dans le débat sur la sauvegarde de l’iden-tité. Mais aussi le besoin de souveraineté. Surtoutdans une Europe unie, qui s’était fixée pour objec-tif de faire tomber les frontières nationales, les voixdes populistes et des régionalistes s’élèvent qui re-fusent tout ce qui est mis en commun – au nomdes traditions : l’économie nationale contre la con-currence étrangère, le propre pays contre uneUnion de plus en plus grande, la région contre lasuprématie de la nation, le village contre l’auto-rité de la grande ville, etc.

    Cette recherche d’une protection de l’identité,en partie en recourant aux préjugés et aux clichés,porte différents noms : l’égoïsme serait encoreanodin, la xénophobie cependant est une dange-reuse souillure de civilisation.

    G. F.

    Vom Egoismus zur Fremdenfeindlichkeit

    Kulturelle und soziale Aspekte spielen in der Aus-einandersetzung um die Wahrung der Identität ei-ne wichtige Rolle. Aber auch das Bedürfnis nachSouveränität. Vor allem in einem vereinten Euro-pa, das sich zum Ziel gegeben hatte, nationale Gren-zen abzuschaffen, werden die Stimmen der Popu-listen und Regionalisten immer lauter, die dasGemeinsame ablehnen – im Namen der Traditio-nen: Die nationale Wirtschaft gegen die ausländi-sche Konkurrenz, das eigene Land gegen die im-mer größer werdende Union, die Region gegen dieÜbermacht der Nation, das Dorf gegen die Auto-rität der Großstadt usw.

    Diese Suche nach einem Schutz der Identität,zum Teil mit dem Zugriff auf Vorurteile undKlischees, trägt mittlerweile verschiedene Namen:Egoismus klingt noch harmlos, Fremdenfeind-lichkeit hingegen ist ein gefährlicher zivilisatori-scher Makel.

    Fragen der IdentitätQuestions d’identité

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    Dossier | Inhalt/Sommaire

    Fragen der IdentitätQuestions d’identité

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    Ein kulturelles und politisches Phänomen Thomas JansenNationale Identitäten und europäische IdentitätIl convient de faire la distinction entre l’identité de l’Europe

    et l’identité européenne.

    Suche nach Selbstvergewisserung Clemens KlünemannEin Begriff aus deutscher und französischer PerspektiveFrançais et Allemands cherchent la définition de la nation

    pour surmonter la crise de l’identité nationale.

    Comparaisons « nationales » François TalcyLes observations de Machiavel au 16e siècleDie Aussagen von Niccolo Macchiavelli über Frankreich und Deutschland

    im 16. Jahrhundert

    Im Zeichen der Marianne Medard RitzenhofenFrankreichs Selbstverständnis als RepublikL’éclairage de Michel Winock sur l’héritage de divisions qui constitue

    la culture et la pratique politique des Français

    Unterströmungen des roman national Clemens KlünemannDie „alternativen Daten“ der französischen GeschichteLes réactions à l’Histoire de France brossée par Patrick Boucheron

    A la recherche de l’identité Gérard FoussierUne compilation des repères culturels allemandsEine Nation auf der Suche nach sich selbst

    Literatur und nationales Bewusstsein Cornelia Frenkel-Le ChuitonAuf der Suche nach differierenden GesichtspunktenMême en temps de crise, la littérature doit rester pour tous une devise commune.

    Figures emblématiques Gérard FoussierLe livre de Philippe Meyer sur Le génie allemand

    Qui est Thomas Müller ? Gérard FoussierUne carte d’identité nationale originale de l’Allemagne

    Thomas Müller ist der personifizierte Durchschnitt der deutschen Bürger.

    Convivialité à tous les niveaux Marie BaumgartnerUne exposition sur les associations en Allemagne

    Die Deutschen und ihre Vereine – eine Ausstellung im Haus der Geschichte

    der Bundesrepublik Deutschland in Bonn

  • 25Dokumente/Documents 4/2017

    Ein kulturelles und politisches Phänomen | Dossier

    Ein kulturelles und politisches Phänomen

    heit Europas beruht. Dieses Bewusstsein umfasstnatürlich auch alles das, was heute die IdentitätEuropas in der Gestalt der Union ausmacht.

    Analog zu der Unterscheidung zwischen derIdentität Europas (oder der Europäischen Unionals seiner aktuellen, politischen Konkretisierung)und der europäischen Identität, ist auch zu unter-scheiden einerseits zwischen den „Identitäten derNationen“ (oder Nationalstaaten), die in ihrenErscheinungsweisen, Ordnungen, Manifestatio-nen etc. zum Ausdruck kommen, und andererseitsden „nationalen Identitäten“, die sich auf das Be-wusstsein der Menschen beziehen, einer bestimm-ten Nation mit ihrer jeweiligen Geschichte, Kul-tur etc. anzugehören.

    Eine s