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  • ?????????????VI. CODICOLOGIE, DITION ET

    Nam al-Dn Kobr, Les closions de la beaut et les parfums de la majest [Eve Feuillebois-Pierunek]

    Nam al-Dn Kobr, Les closions de labeaut et les parfums de la majest.Fawti al-aml wa fawi al-all.Traduit de larabe et prsent par PaulBallanfat.

    ditions de lclat, Nmes, 2001 (Philosophieimaginaire, XXXVIII). 16_23cm, 244p.

    Fritz Meier (1) et Henry Corbin (2) avaient depuis long-temps insist sur loriginalit de la pense de Nam al-dnKubr (1145-1221), fondateur de la confrrie kubrwiyya.Cependant celui-ci tait demeur mal connu, et ce traitfondamental navait jamais t traduit auparavant. En tra-duisant et en prsentant les Fawti al-aml wa-fawial-all, Paul Ballanfat nous offre la premire tude appro-fondie en franais de la mystique de Nam al-dn Kubr. Ilentend poursuivre ses recherches sur cet auteur en publiantson commentaire coranique Ayn al-ayt et quelques autrestraits mineurs.

    Lintroduction est copieuse et dense (120p.). Elle pr-sente successivement des lments biographiques etquelques grandes lignes de la pense de N. Kubr.P.Ballanfat reconstitue le parcours spirituel de N. Kubr.Trs rudit et imbu de sa science, le jeune homme est enrecherche spirituelle, mais se montre hostile aux pratiquessoues, en particulier la soumission au matre. Cest Dizfl quil rencontre fortuitement son premier matre, Ismlal-Qasr, vers 1180. Ne pouvant venir bout de sa sufsance,Isml lenvoie auprs de son propre matre, Ammr al-Bidls, un disciple de Ab l-Nab al-Suhraward. Celui-ci luiconseille son tour de rencontrer Rzbihn Mir, un autresuhraward tabli Alexandrie, lequel lui administre unegie salutaire qui le dlivre enn de son dfaut. N. Kubrretourne ensuite auprs dIsml al-Qasr an dy compl-ter sa formation. Il reoit la permission de diriger et lordrede stablir au wrazm, o le milieu politique devenait deplus en plus hostile au sousme. Il annona larrive desMongols, quil considrait la fois comme le chtiment duntat o les sous taient maltraits et comme lauguredune renaissance o le sousme inspirerait la nouvellesocit musulmane. Il mourut en martyr, tu par les Mongols.

    Les closions de la beaut et les parfums de la ma-jest sont luvre majeure de N. Kubr. Elle furent critespour informer le sou des vnements intrieurs exprimen-ts durant la retraite, et plus particulirement les perceptionsvisuelles et auditives. Elles sappuient sur les expriencesspirituelles de lauteur et abordent diffrents thmes demanire un peu dsordonne. La prsentation de ce textepar P.Ballanfat sappuie sur ltude de lensemble desuvres de N. Kubr et sur certains crits de ses disciples;elle savre non seulement extrmement clairante, maisindispensable sa comprhension correcte.

    Les principales caractristiques de lunivers mentalBCAI 18 2002 1

    kubrw sont la qute du matre vritable (sans lui le chemi-

    ?????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????? TRADUCTION DE TEXTES

    nement est impossible et les premires faveurs que le dis-ciple obtient ne sont que la perception de ltat de sonmatre), limportance de la retraite spirituelle et de linvoca-tion comme moyens daccder la Connaissance mystiqueacquise par inspiration, le rle des visions dans linitiationspirituelle, et la rapidit de lacquisition des degrs spiri-tuels (N.K. distingue trois voies vers Dieu, celle des pieux(ayr) et des justes (abrr) qui sont rares russir et che-minent trs lentement, et celle des effronts (ur), lesgens de lamour qui voyagent par le ravissement et attei-gnent leur but ds le dbut).

    N. Kubr se rclame de unayd (m.ca910) et lui em-prunte certains traits de doctrine. Il lui emprunte notammentses huit principes le maintien en permanence de la pu-ret rituelle, le jene, le silence, la retraite, linvocationcontinue, la permanence du lien intrieur avec le ay, lerejet des penses conscientes, la soumission absolue lavolont de Dieu , et il y ajoute la rduction du temps desommeil au minimum et la modration lors de la rupture dujene. Ces conditions convergent vers un but unique quiest la mort anticipe volontaire. Cependant il ne sagit pasde sextraire du monde dici-bas pour rejoindre lautre monde,mais bien daller outre lautre monde, vers Dieu exclusive-ment, ceci grce lannihilation du je. Retraite etinvocation ininterrompue librent le cur de la dominationde lme et induisent des expriences visionnaires et audi-tives. Lhomme est une lumire divine qui doit se librerdes tnbres de la nature pour rejoindre sa source, Dieu.Cest pourquoi les degrs de linvocation sont marqus pardes lumires colores qui reprsentent lascension des or-ganes spirituels et permettent dinterprter les tatsintrieurs et les progrs spirituels. En ralit, cest le curdu voyageur qui apparat en face de lui et ce ddoublementsymbolise lespace manifest entre existence mtaphoriqueet vritable existence, entre soi invoquant et soi invoqu.Le cur apparat dabord sous la forme dun puits en ruinesou dune lumire noire, car il est alors rempli de dmons etde souffrance. Linvocation perce petit petit la paroi ducur an que la lumire qui y est enferme puisse slan-cer vers la Lumire qui descend du Trne. Alors lespritslve vers la Prsence divine et le corps imprgn delumire est transgur.

    Diffrentes expriences visionnaires correspondentaux trois degrs ou phases de lme. Dans un premier temps,le mystique peroit son me apptitive sous lapparencedun cercle dun noir absolu qui peu peu volue vers uncroissant de lune de plus en plus clair au fur et mesureque la matire se clarie et laisse passer la lumire sous lefeu de linvocation. Puis son me blmante, assimile lin-telligence, lui apparat sous la forme dun soleil rouge dune

    (1) Fritz Meier, Die Fawih al-Jaml wa Fawtih al-Jall des Najm al-dnal-Kubr, Wiesbaden, 1957.(2) Henri Corbin, Lhomme de lumire dans le sousme iranien,26

    Chambry, Prsence, 1971.

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  • sophes (p.47-48). Leur mtaphysique est imprgnedavicennisme, et ce quils condamnent dans la philoso-phie, cest surtout son cantonnement la raison. Il existeen effet trois types de connaissance pour N. Rz: ration-nelle, mditative et visionnaire; le connaissant parfait estcelui qui a accs ces trois sortes de connaissance (4). Laphilosophie nest donc pas exclue, mais intgre dans lebagage idal du plerin.

    La traduction des Fawti al-aml wa fawi al-allpropose par Paul Ballanfat sappuie sur lexcellente di-tion critique de F. Meier. Fidle et rigoureuse, elle manqueparfois un peu dlgance. Les termes techniques traduitsen franais ne sont pas accompagns de leur transcriptionarabe, mais un prcieux lexique des termes arabes avecleurs quivalents franais claire le texte. Des index descitations coraniques, des traditions, des noms propres etdes notions compltent le tout. Un excellent travail qui int-ressera vivement les chercheurs en sciences religieuses.

    Eve Feuillebois-PierunekUniversit de Paris III

    ????????????VI. CODICOLOGIE, DITION ET

    lumire intense. Enn lme pacie nit par se confondreavec le visage de lumire du mystique, miroir blouissanto lon peroit les merveilles de lunivers, le tout nimb delumire verte. Cette vision de son propre tmoin intrieur,de son double cleste est en ralit lexprience de la Facede Dieu, car ce double nest autre que la prsence soi dela Lumire divine. La lumire du mystique reste toutefoisdiffrente de celle de Dieu.

    Les tats spirituels sont gurs par diffrentes cou-leurs: ainsi le jaune trahit la faiblesse de lme, une lumiretrouble et empoussire indique la lutte contre les dmonset lme apptitive, le bleu signie la vie de lme, le rougela puissance et la concentration visionnaire et le vert la viedu cur.

    N. Kubr se livre une analyse complexe du nom su-prme de Dieu, Allh. Ce nom permet lascension spirituelle,le mir, il nest rien dautre que la simplicit extrme ducur puri, vid du monde. Le nom suprme, crateur (leh est le soufe primordial) et capable dunir le ciel et laterre, est donn chaque voyageur en fonction de saconnaissance. Au cur parfaitement vid de toute gotest confre la puissance du Nom, dont le monde est lex-pression, et le cur devient alors lieutenant de Dieu etmicrocosme.

    N. Kubr distingue soigneusement entre lexistence(wud) et ltre (kawn). Lexistence est le propre de Dieu:elle est sans commencement et se suft elle-mme. Elleprcde ltre cr qui, lui, nest pas coternel Dieu. Ladistance entre lesprit et le corps tient tout entire dans ladistance entre lexistence et ltre. Le corps, cest ltre ar-rach au nant par lacte dune volont qui le transcende, ilest insparable du temps, connat un dbut et une n. Les-prit chappe ltre, il est ce par quoi lhomme participe delexistence divine. Il sefforce darracher son existence aumonde de ltre par lequel il est contamin via le corps.Lhomme partage avec Dieu le mystre de lexistence etcest par lexistence quil est dans lintimit de Dieu et nonpar quelque acte quil aurait accompli. Pourtant cette exis-tence humaine est aussi un redoutable pige: malheur lhomme qui sarrterait aux apparences et ne reconnatraitpas la dimension divine de sa propre existence en rencon-trant son matre intrieur, ce soi vraiment existant. Le plerinvise lannihilation de soi, cest--dire labolition de toute pr-tention lgot pour laisser se dployer en soi le don duje divin.

    Quil me soit permis de faire quelques remarques mi-neures qui nenlvent rien la valeur de ce beau travail.P.Ballanfat traduit lexpression wali-tar par raseur desaints (p.9). Il est vrai que le verbe persan taridansignie raser, mais aussi sculpter, faonner, et il mesemble que, daprs le contexte, faiseur de saints seraitune traduction plus approprie.

    Dautre part, le Uq-nme nest pas de Far al-DnErqi (p.40), mais dun auteur mineur appel A quiBCAI 18 2002 1

    crivit environ trente ans aprs la mort de Erqi (3). Enn il

    ???????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????(3) Nasrollh Pourjavady, hedbzi-h-ye Ahmad azli, HermannLandolts Festschift, paratre.(4) Najm al-Din Dye Rzi, Mird al-ibd, introd. et d. M. A. Riyhi.2??? TRADUCTION DE TEXTES

    faudrait peut-tre un peu temprer ou expliciter lafrmationselon laquelle N. Kubr et N. Rz ont condamn les philo-7

    Thran, Ilmi va farhangi, 1365, p.111sq.

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