UNIVERSITE PAUL CEZANNE – AIX-MARSEILLE III
Faculté de Droit et de Science Politique d’Aix-Marseille
Centre de Droit Maritime et des Transports
Assurance et Pollution par les Hydrocarbures
Mémoire présenté dans le cadre du Master II, Droit Maritime et des Transports, Sous la direction de Monsieur Christian SCAPEL
LUCIANI Jean-Mathieu Année universitaire 2007-2008
Résumé
Les dégâts provoqués par les marées noires déchaînent les passions. La France
connaît régulièrement ce type de sinistre qui provoque de nombreux dommages
environnementaux à ses côtes et plages, mais aussi des préjudices économiques tant
aux particuliers qu’aux professionnels de la mer établis sur le littoral touché.
Or, l’opinion publique, face aux lenteurs et aux polémiques soulevées par les
interventions, a l’impression que la législation dans ce domaine est tout à fait
défaillante.
Au-delà des débats sur l’indemnisation, il nous a paru important de nous pencher sur la
question des couvertures qui sont offertes par les assureurs de responsabilité des
propriétaires des navires-citernes, qui les garantissent face à de tels risques.
3
Remerciements
J’adresse mes remerciements les plus sincères à toutes les personnes qui, par
leurs conseils et leur disponibilité, m’ont permis de réaliser ce travail.
Je tiens à remercier plus particulièrement, Monsieur le Professeur Pierre Bonassies et
Monsieur Christian Scapel pour l’enseignement et les connaissances qu’ils m’ont
apporté tout au long de cette année universitaire.
Enfin, je remercie Monsieur Dermot O’Sullivan et Madame Laure Saulnier pour
m’avoir accompagné à l’occasion de mon stage au sein de la société Eltevdt &
O’Sullivan, correspondant Protecting and Indemnity Club.
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Sommaire Résumé ......................................................................................................................... 1
Remerciements.............................................................................................................. 3
Sommaire...................................................................................................................... 4
Liste des abréviations.................................................................................................... 5
Introduction................................................................................................................... 6
Partie I Les marées noires et les assurances de responsabilité ............................. 14
Chapitre 1 La pollution accidentelle par les hydrocarbures .......................... 14
Chapitre 2 Les assureurs de responsabilité.................................................... 24
Partie II Le régime d’indemnisation des victimes de marée noire..................... 42
Chapitre 1 La responsabilité civile du propriétaire de pétroliers................... 42
Chapitre 2 Les Fonds d’indemnisation......................................................... 58
Conclusion .................................................................................................................. 70
Table des annexes ....................................................................................................... 72
Annexes ...................................................................................................................... 73
Bibliographie .............................................................................................................. 77
Table des matières....................................................................................................... 79
5
Liste des abréviations
CMI : Comité Maritime International
COPE : Compensation for Oil Pollution in European waters fund
CRC, CLC : Convention sur la responsabilité civile, Civil liability for oil pollution
damage
CRISTAL : Regarding an Interim Supplement to Tanker Liability for Oil Pollution
DTS : Droit de Tirage Spécial
EVP : Equivalent Vingt Pieds
FIPOL : Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par
les hydrocarbures
ITOPF : International Tanker Owners Pollution Federation limited
MARPOL : Maritime Pollution, convention internationale concernant la pollution de
la mer, élaborée dans le cadre de l'Organisation maritime internationale
MEPC : Marine Environment Protection Committee
MSC : Maritime Safety Committee
OCMIF : Oil Companies International Marine Forum
OMCI : Organisation Maritime Consultative Intergouvernementale
OMI : Orgaination Maritime International
OPA : Oil Pollution Act
P&I Club : Protecting and Indemnity Club
RDC : Running Down Clause
Ro-Ro : Roll on/Roll off
SOLAS : International Convention for Safety of Life at Sea
STOPIA 2006 : Small Tanker Oil Pollution Indemnification Agreement
Tjb : Tonneaux de jauge brute
TOPIA 2006 : Tanker Oil Pollution Indemnification Agreement
TOVALOP : Tanker Owners Voluntary Agreement concerning Liability for Oil
Pollution
ZEE : Zone Economique Exclusive
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Introduction
Le transport maritime représente 90 % du montant total des échanges
mondiaux.
En Europe, près de 90 % du commerce extérieur, et plus de 40 % de son commerce
intérieur, sont transportés par mer.
En France, c'est 72 % des importations et des exportations qui s'effectuent par la voie
maritime.
Il est donc clair, au vu de ces chiffres, que le secteur du transport maritime est une
branche importante de notre économie moderne.
L'importance du trafic peut cependant entraîner des difficultés, notamment du fait de
son impact sur l'environnement. En effet, 7 milliards de tonnes de marchandises, les
plus diverses, sont transportées chaque année par mer, sur près de 50 000 navires qui
sillonnent les mers au quotidien, et 99 % de ces navires effectuent leurs voyages sans
encombres.
Au cours de la dernière décennie, le trafic maritime international a crû de 40 % en
volume.
Les navires se sont adaptés à l'évolution et au type de marchandises faisant l'objet du
commerce international.
On distingue trois types de navires, ceux qui transportent des produits liquides, ceux
qui assurent l’acheminement des produits non liquides et enfin ceux qui transportent
des passagers. D'autre part, il est important de mentionner les navires de services et
d'assistance, tels que les remorqueurs ou encore les soutiers, mais également les
navires professionnels employés à la recherche océanographique ou les câbliers par
exemple.
Pour les navires transportant des marchandises sèches, on trouve d'abord les Porte-
conteneurs, dont la taille et la variété des marchandises pouvant y être transportées en
font le navire le plus caractéristique du transport maritime moderne.
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On trouve ensuite les Vraquiers qui transportent indifféremment du grain, du minerai
ou du pétrole ; les Ro-Ro (Roll on/Roll off) pour le transport de véhicules, pouvant
ainsi prolonger les réseaux routiers terrestres ; enfin les Réfrigérés affectés au transport
de bananes, de poissons ou de viande congelée.
De plus, une part importante des navires de commerce est constituée par le transport
de produits liquides tels que le pétrole brut, les produits raffinés (essence, gazole,
kérosène et le fioul domestique) ; les Chimiquiés (polyvalents et spécialisés, par
exemple pour le vin ou le méthanol) ; enfin les Gaziers dont la technique de
fabrication est plus sophistiquée.
Le troisième type de navire de commerce est constitué par les navires à passagers que
sont les ferries et les paquebots de croisière dont l'attractivité est, surtout ces dernières
années, croissante.
La question que l'on peut cependant se poser est celle de savoir pourquoi le transport
maritime est si important.
Tout d'abord parce que notre planète est recouverte à 70,8 % par les océans et les mers
fermées pour de nombreuses routes directes, les océans reliant les continents entre eux.
Le second élément de réponse réside dans la capacité des navires. Depuis la révolution
industrielle, l'évolution technique et les progrès industriels ont permis d'accroître non
seulement la sécurité mais également la capacité des navires. À titre d'exemple, il
suffit de mentionner les porte-conteneurs qui, dans les prochaines années, devraient
dépasser les 11 000 EVP1, ce qui correspond à un volume de transport d'environ
330 000 mètres cube.
Cette capacité permet de faire des économies d'échelle rendant le transport maritime
peu coûteux.
En effet, le coût moyen de transport d'une vingtaine de tonnes de marchandises, dans
un conteneur, de l'Asie vers l'Europe est quasiment équivalent au prix d'un billet
d'avion en classe économique pour un seul passager sur le même parcours.
1 Équivalent Vingt Pieds
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Si l’on prend l'exemple concret du transport de téléviseurs, on s'aperçoit que pour un
téléviseur dont le prix est de 700 €, le coût de transport par la mer sera de 10 €, soit 1,4
% du prix final du produit.
Autre exemple, le café, dont le transport à travers le monde est particulièrement
répandu : pour du café au prix de 15 € le kilogramme, le transport par la mer ne
représentera que 0,15 €, soit à peine 1 % du prix.
Ces deux premiers éléments propres à la navigation maritime, permettent d'expliquer
la préférence des industries mondiales pour ce type de transport.
Un dernier élément de l'importance du fait maritime est que ce mode de fret est le
moins polluant.
En effet, si l'on étudie les comparaisons des émissions de CO2, on constate que les
navires sont les moins polluants en grammes par tonne de CO2 par kilomètre, ce qui
est la moitié de ce que rejette le transport ferroviaire. Ces chiffres sont hors
comparaisons, car 10 fois moindres, que le transport routier ou le transport aérien2.
S'il est un secteur où le transport est important, c'est celui de l'or noir. En effet, le
transport maritime d'hydrocarbures a lui aussi, au XXe siècle, énormément augmenté.
Entre 1952 et 2002, le volume global transporté a été multiplié par six et le volume
d'hydrocarbures transportés, par 10.
Cela s'explique par le fait que la presque totalité du pétrole brut et des quantités
importantes de produits raffinés font l'objet de transport sur de longues distances.
Sur une production mondiale de pétrole brut qui avoisine les 3,5 milliards de tonnes
par an, environ la moitié est exportée par voie maritime depuis le Moyen-Orient,
l'Afrique et l'Amérique latine vers l'Amérique du Nord, l'Europe et l'Asie du Sud-Est.
En 2003, 1 milliard 700 millions de tonnes de pétrole brut et quelque 500 millions de
tonnes de produits raffinés ont ainsi été transportés par voie maritime grâce à une flotte
pétrolière dont l'effectif était alors de 3550 navires.
2 source : commission européenne
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Ces chiffres rappellent que depuis la fin des années 70, la consommation de pétrole
brut ne cesse de croître, représentant de nos jours 40 % de l'énergie consommée par
l'homme, essentiellement dans les pays industrialisés.
L'augmentation des transports d'hydrocarbures est donc liée à l'augmentation de son
utilisation.
En effet, le pétrole brut sert principalement pour la production de quatre produits.
Tout d'abord, son utilisation est nécessaire à la production de gaz, propane et butane.
Il est également à l'origine des produits pétrochimiques servant à la fabrication des
matières plastiques.
De plus, après distillation, le pétrole brut peut se transformer en combustible pour
donner de l'essence, du gazole, ou encore du kérosène, nécessaires à tout engin de
transport.
Enfin, il est nécessaire à la production de fioul lourd et de bitume
Mais le problème, dans l'utilisation de ce mode de transport, est que, périodiquement,
la flore et la faune marine, ainsi que les rivages sont victimes de marées noires
provoquées par des pétroliers qui font naufrage ou qui se brisent.
On pense ici naturellement à des catastrophes qui, du fait de leur ampleur et de leur
grande médiatisation, nous ont marqués. On pense par exemple au naufrage de
l'Amoco Cadiz en 1978 ou plus récemment à celui de l'Erika en 1999 ou encore à celui
du Prestige en 2002 au large des côtes espagnoles, polluant ainsi côtes françaises et
espagnoles.
Il est cependant important de noter tout d'abord que les pollutions des océans du globe
ne proviennent pas seulement du fait de telles catastrophes.
En effet, 75 % des pollutions des océans proviennent de la terre, c'est-à-dire d'effluents
industriels et urbains.
La part provoquée par les marées noires ou par les déballastages (et non dégazage
comme on peut trop souvent le lire dans la presse ou l'entendre) dans la pollution des
océans est de 5 %. Mais ce chiffre reste encore trop élevé.
10
Pour ce qui est de la pollution des mers par les hydrocarbures, seulement 10 % sont
répandus annuellement par les navires. Les 90 % restants sont à 70 % d'origine
tellurique, 10 % proviennent d'activités offshore, et 10 % de la contamination annuelle
d'hydrocarbures des mers et des océans résulte de la pollution naturelle provoquée par
des fissures dans les fonds marins, sortes de sources sous-marines d'hydrocarbures.
Concernant les 10 % de pollutions d'hydrocarbures qui proviennent des navires, toutes
ne sont pas dues à un accident.
En effet, on estime à 1,5 milliards de tonnes par an le rejet provenant de la pollution
opérationnelle des navires. Seuls 6 % des déversements en mer d'hydrocarbures par les
navires sont dus à un accident de pétrolier.
La part de pollution opérationnelle des navires est considérable et elle est le fait d'un
acte volontaire de la part du bord ou des armateurs. On distingue dans ce terme de
pollution opérationnelle, les pollutions qui sont plutôt liées à la marche normale du
navire qui, comme toute machine, pollue et rejette des déchets, et les déballastages qui
eux ne sont pas consécutifs à l'usage normal du navire et sont hautement
condamnables et condamnés.
Le principal problème dans ce type de pollution et celui de la preuve.
En effet, dans un accident, la preuve n'est pas à faire car les faits montrent d'où la
pollution provient. Or, pour ce qui concerne un déballastage, le navire fait toujours
route et donc il faut l'intercepter en flagrant délit. Les modes de preuves utilisées ici,
lorsqu'il y a prise sur le fait, sont les clichés photographiques. Mais ceux-ci sont
constamment contestés par les armateurs. Et pour cause, devant un tribunal, l'officier
de police judiciaire qui a pris les clichés va expliquer la pollution par la différence de
couleur entre le sillage du navire et la couleur de la mer qui entoure le navire. Certes, il
y a des cas où la différence de couleur est tellement marquée que le doute n'a pas sa
place, mais dans d'autres cas les choses s'avèrent plus difficiles.
Certains pays, nordiques notamment, ont mis en oeuvre une analyse systématique du
sillage des navires par des prélèvements d'eau, mais cette méthode étant très onéreuse
est très peu utilisée.
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En France, pour se protéger de ces déballastages, appelés sauvage par la presse, a été
mis en place un système de dissuasion très efficace : celui d'infliger une amende élevée
au contrevenant.
Il est important de noter, que les tribunaux face à la vigueur de l'opinion publique, ont
tendance à accorder facilement une condamnation même si la pollution n'est pas
parfaitement établie par les preuves fournies.
L'autre cause de pollution maritime d'hydrocarbures provenant des navires est celle de
l'accident de pétrolier, entraînant une marée noire.
Ces catastrophes vont causer de nombreux dommages environnementaux, condamnés
par l'opinion publique qui ne peut que constater l’état de nombreuses côtes et plages
souillées et une flore et une faune dégradées.
Une question qui vient alors se poser, presque d'elle-même, est de savoir pourquoi
beaucoup de grandes catastrophes ont souillé nos côtes et non celles, par exemple, des
États-Unis.
Tout d'abord, le régime juridique n'est pas le même. En effet, après la catastrophe de
l’Exxon Valdez en Alaska en 1989, les États-Unis ont publié en 1990 l’Oil Pollution
Act (OPA) imposant notamment aux pétroliers une construction en double coque et
une assurance obligatoire pouvant atteindre un milliard de dollars (les assureurs
contrôlant de ce fait les navires d'une manière plus sérieuse). Cependant, il est
important de noter qu’en ce qui concerne les pétroliers double coque, la
réglementation américaine a servi au reste du monde. En effet, il paraît hors de
question pour un armateur de pétroliers d’éviter les ports américains et donc, même
sans réglementation sur le sujet dans les autres pays du monde, tous bénéficient de la
double coque.
Ce système sépare les cales de la coque par une ceinture de ballast. Ainsi, en cas de
déchirure de la coque, le pétrole ne se déverse pas. On en a eu l’exemple en 2007
lorsque le pétrolier grec « Propontis » a talonné un haut-fond en Finlande, mais grâce à
la double coque pas une goutte d’hydrocarbure (des 110 000 tonnes transportées) ne
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s’est déversée. La double coque pose cependant certains problèmes, notamment celui
de son entretien.
De plus, en ce qui concerne nos côtes, celles-ci sont plus vulnérables du fait non
seulement de la sensibilité de la mer Méditerranée, mais aussi du fait des couloirs de
navigation obligatoires.
Aux États-Unis, la réglementation impose aux navires d'entrer dans la zone
économique exclusive de 200 milles seulement lorsqu'ils se trouvent à proximité de
leur port de destination3.
En revanche, on constate qu'en Europe, sur la façade atlantique, après le détroit de
Gibraltar en remontant vers le nord, les couloirs de circulation imposés sont près des
côtes, alors qu'il s'agit de l'une des zones les plus fréquentées au monde et que les
navires touchent rarement nos ports.
Ceci n’est qu’un exemple des nombreuses pistes à explorer par les gouvernements
européens pour essayer de diminuer le nombre des accidents des pétroliers.
En effet, face à de telles catastrophes, le premier moyen de lutte est la prévention que
vont mettre en œuvre les gouvernements.
Il s’agit ici tout d’abord du contrôle de l’état des navires-citernes. Ce contrôle se fait à
différent stades de la vie d’un pétrolier. Tout d’abord au niveau de sa construction, les
organismes de classification interviennent pour apprécier la qualité de la construction.
Ensuite, lors de son immatriculation par l’Etat du pavillon et après en vue de garantir
l’état de navigabilité du navire tout au long de sa vie. Cette disposition est prévue par
la Convention de Genève de 1958 sur la Haute mer et par la Convention de Montégo
Bay de 1982 sur le droit de la mer. Ce contrôle peut être délégué à des sociétés de
classification mais la responsabilité repose toujours cependant sur l’Etat
d’immatriculation. Mais le problème ici est celui des pavillons de complaisance qui ne
recourent que très rarement à ce genre de contrôles.
De ce fait un autre type de contrôle est prévu par l’Etat du port, mais ce genre
d’examen reste souvent trop superficiel par manque de personnel technique et manque
de temps.
3 « Réflexion de l’Académie de Marine sur la prévention des catastrophes maritimes », DMF n°637 du 1er mai 2003.
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Enfin , les compagnies pétrolières ont développé un système de contrôle, appelé
« Vetting » portant sur l’état du navire et la compétence de l’équipage.
La prévention ne se fait pas seulement en amont mais elle se fait également lorsqu’un
sinistre survient grâce à une organisation efficace de l’assistance au navire. En France
c’est le plan « Polmar-mer » qui va coordonner les actions des différents secours.
Face à ces désastres, l’opinion publique virulente, condamne immédiatement, à raison,
non seulement le propriétaire du navire, surtout lorsqu’il est en mauvais état mais
également le propriétaire du pétrole, un peu comme un complice ou plus
raisonnablement, comme pollueur.
Mais derrière tout ce battage médiatique se cache le véritable problème, celui de la
compensation financière des dommages tant pour les particuliers ou pour l’Etat que
pour l’environnement.
Nous venons de voir l’importance, pour notre société, du transport maritime
d’hydrocarbures, et donc sa nécessité pour notre vie moderne. Mais ce transport peut
être à l’origine de très importants dommages lorsqu’un accident pétrolier survient.
Le problème qui se pose alors est celui de savoir comment joue l’assurance de
responsabilité des propriétaires de navires citernes pour les dommages résultant d’un
déversement accidentel en mer d’hydrocarbures.
Nous allons donc, dans notre étude, nous attacher en premier lieu à étudier les effets
néfastes et le coût d’une marée noire ainsi que les dispositions prises par les assurances
pour y remédier (Partie I), puis nous verrons dans une seconde partie comment la
législation internationale a organisé coût et indemnisation par les assureurs (partie II).
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Partie I Les marées noires et les assurances de responsabilité
Chapitre 1 La pollution accidentelle par les hydrocarbures
Il semble indispensable pour être totalement complet, et avant d’aborder le sujet
des marées noires4, de préciser ce qu’on entend par pollution par les hydrocarbures,
ainsi que l’impact que peut avoir une telle catastrophe sur les côtes d’un pays.
Les hydrocarbures sont des composés organiques constitués de carbone et
d’hydrogène. Ce sont les composés organiques les plus simples et on considère que les
autres composés organiques en sont des dérivés. Les hydrocarbures présentent une
grande importance commerciale : ils sont utilisés comme carburant, combustibles,
huiles lubrifiantes et comme produits de base en synthèse pétrochimique.
La pollution par les hydrocarbures est la contamination de l’environnement par les
hydrocarbures liquides. L’une des formes les plus graves de la pollution de l’eau
consiste surtout en déversement de pétrole brut dans l’environnement marin.
En pleine mer, la pollution pétrolière affecte essentiellement les animaux de surface,
notamment les oiseaux, ainsi que les mammifères et les reptiles marins. A la souillure
gluante causée par le pétrole, s’ajoute l’ingestion de produits toxiques lorsque les
animaux tentent de se nettoyer.
Sur le littoral, des écosystèmes entiers sont vulnérables, à commencer par les massifs
coralliens et les marais salants.
Les dommages par contamination des sites se traduisent économiquement en pertes
d’agréments ou d’aménités liées à la dégradation de la qualité de vie des personnes,
résidents et touristes, sur le littoral.
4 Il faut noter que ce terme a été utilisé pour la première fois par un journaliste lors de la catastrophe du Torrey Canyon en 1967.
15
Paragraphe 1. Historique des marées noires
C’est à la suite du naufrage du Torrey Canyon que la communauté
internationale a pris conscience du danger des marées noires.
Ce pétrolier, qui transportait 121 000 tonnes de fuel lourd, s’est brisé sur des récifs
entre la Cornouaille et les îles Scilly (Angleterre) provoquant une pollution
conséquente. En effet, 119 000 tonnes5 d’hydrocarbures se sont déversés dans la
Manche.
Depuis cette date, 21 marées noires importantes ont eu lieu6 suite à un accident de
pétrolier.
Après la catastrophe du Torrey Canyon, en France, une longue série de catastrophes se
sont succédé.
Le 16 mars 1976, l’Olympic Bravery s’est brisé au large d’Ouessant et a déversé
1 200 tonnes d’hydrocarbures.
En octobre de la même année, le Boehlen a coulé au large de l’île de Sein en déversant
7 000 tonnes de pétrole sur les côtes.
Puis le 16 mars 1978, le supertanker Amoco Cadiz s’échoue sur des brisants à un mille
au nord du village de Portshall, sur la côte nord du Finistère.
A la suite d’une avarie de barre, le pétrolier demande l’assistance à 11h00 d’un
remorqueur, alors qu’il se trouve à 10 milles au nord d’Ouessant.
28 minutes plus tard, le remorqueur allemand Le Pacific fait une offre d’assistance,
refusée par l’armateur de l’Amoco Cadiz.
A 13H15 un accord est conclu mais le remorqueur est trop faible par rapport au
pétrolier et il parvient seulement à réduire la dérive du navire.
En raison de la force du vent, les opérations de remorquage ne pourront reprendre que
vers 20HOO et avec l’aide d’un second remorqueur, à la suite de quoi le câble de
5 Major Oil Spills since 1967, ITOPF. 6 Major Oil Spills since 1967, ITOPF.
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remorquage lâche et à 21H40 l’Amoco Cadiz talonne le fond : le pétrole commence à
s’échapper.
Cette catastrophe est considérée encore aujourd’hui comme une des plus grandes
marées noires.
Le nettoyage des 227 000 tonnes d’hydrocarbures demandera plusieurs mois en raison
d’une mauvaise organisation et des faibles moyens employés.
A titre de comparaison de l’ampleur de la catastrophe, l’Erika n’a déversé dans la mer
« que » 20 000 tonnes d’hydrocarbures.
Les élus locaux ont attaqué l’Amoco International Oil Company en justice.
Après 14 ans de procès, le pollueur a dû payer, en 1992, 192 millions d’euros pour les
dommages dont il est reconnu responsable.
Le gouvernement français, suite à cette catastrophe, va prendre un ensemble important
de mesures et se doter de meilleures armes de lutte.
Un nouveau plan Polmar est mis en œuvre.
Un rail de navigation est mis en place et oblige les navires transportant des matières
dangereuses à passer à 5O kilomètres des côtes.
De plus, un puissant remorqueur, l’Abeille Flandre, est affecté en permanence à ce
secteur.
Enfin, le Cedre est créé pour assurer une veille technique permanente.
Interrogé récemment sur France Info7, le sénateur maire de l’époque de
Ploudalmézeau (ville de 4994 habitants, proche de Portshall) a déclaré ne jamais avoir
su comment faire connaître sa ville mais qu’au lendemain de la marée noire le monde
entier la connaissait !
En 1979, c’est au tour du vraquier Gino qui coule au large d’Ouessant avec une
cargaison de pétrole.
Puis, trois navires vont s’échouer sur nos côtes entre 1980 et 1989 : le Tanio en mars
1980 qui a coulé au large de l’île de Baetz avec 6 000 tonnes de fuel lourd, le porte-
conteneurs Kini Kerstan qui s’échoue avec 45 tonnes de fuel et enfin le pétrolier
Victoria.
7 Site Internet de France-Info, Mars 2008.
17
En dehors de nos côtes, en 1979, ce qui est considéré comme la plus grande
catastrophe pétrolière survient. En effet, l’Atlantic Empress déverse au large du
Tobago 287 000 tonnes d’hydrocarbures.
De retour sur nos côtes, on constate que les années 1990 ne les ont pas épargnées.
En 1995, la cinquième plus grande catastrophe se produit, le pétrolier chypriote Haven
explose chargé d’hydrocarbures, au large du Golfe de Gênes et de la Côte d’Azur.
C’est 144 000 tonnes de produits qui vont alors se déverser.
Le 12 décembre 1999, survient la catastrophe de l’Erika, pétrolier naviguant sous
pavillon maltais.
Tandis que, parti de Dunkerque, il rejoignait l’Italie, le pétrolier s’est brisé en deux au
large des côtes bretonnes, alors qu’il transportait environ 30 000 tonnes
d’hydrocarbures lourds.
Environ 19 800 tonnes d’hydrocarbures se sont déversées et 6 400 tonnes sont restées
dans la partie avant immergée et 4 700 tonnes dans la partie arrière.
Entre le mois de juin et de septembre 2000, se sont déroulées les opérations de
pompage des hydrocarbures jusqu’à la surface.
Parallèlement, des opérations de nettoyage ont été menées le long des quelques 400
kilomètres de côtes polluées où plus de 250 000 tonnes de déchets mazoutés ont été
récupérés. Cette marée noire, très médiatisée, a pointé du doigt l’impact sur la faune et
plus généralement sur l’environnement.
En effet, en plus des nombreux oiseaux touchés, les professionnels de la mer ont eux
aussi subi des dommages : parcs à huîtres fermés pour cause de contamination, pertes
de filets, salissures de coques, chute des ventes de coquillages, impact sur la
production du sel de Guérande et enfin plus généralement sur les professionnels du
tourisme.
La dernière marée noire qui a touché nos côtes est celle provoquée par le pétrolier
Prestige.
18
Le 13 novembre 2002, le navire-citerne Prestige, immatriculé aux Bahamas, qui
transportait 77 000 tonnes de fuel-oil lourd, s’est brisé en deux au large de la Galice
(Espagne), laissant s’échapper une quantité d’hydrocarbure indéterminée mais
considérable. Les sections avant et arrière, qui reposent à 3 500 mètres de profondeur,
contiendraient encore, respectivement, 13 300 et 900 tonnes d’hydrocarbures.
Une opération de nettoyage en mer de grande envergure a été réalisée au moyen de
navires fournis par l’Espagne et neuf autres pays européens.
Les hydrocarbures provenant du Prestige ont pollué la côte Atlantique entre Vigo, en
Espagne, et Brest, tout en provoquant une pollution intermittente légère sur les côtes
Françaises et Anglaises, des îles anglo-normandes jusqu’au Pas de Calais.
La pollution a touché environ 1 900 kilomètres de littoral en Espagne et en France.
Quelque 141 000 tonnes de déchets d’hydrocarbures ont été ramassés en Espagne et
environ 18 300 tonnes en France.
Le gouvernement espagnol et la compagnie pétrolière Repsol YPF ont signé un contrat
en vue de l’enlèvement des hydrocarbures restés à bord du pétrolier. Ces travaux,
réalisés entre le mois de mai et de septembre 2004, ont coûté 109,2 millions d’euros.
Enfin, la dernière catastrophe pétrolière en date est survenue en République de Corée.
Le 7 décembre 2007, le navire-citerne Hebei Spirit (146 848 tjb), immatriculé à Hong
Kong et chargé de 209 000 tonnes de pétrole brut, a été heurté par le ponton-grue
Samsung n°1, alors qu’il était au mouillage à environ 5 milles au large de Taean sur la
côte occidentale de la République de Corée.
10 500 tonnes de pétrole brut se sont déversés du Hebei Spirit dans la mer.
Au début, la pollution a été en grande partie restreinte au comté de Taean, mais dans
les quelques semaines qui ont suivi, le littoral continental et les îles se trouvant plus au
sud ont été touchés par la pollution, de sorte qu’une grande partie de la côte
occidentale de la République de Corée a été polluée à divers degrés. Des opérations de
nettoyage ont été menées en mer et se sont poursuivies le long du littoral dont plus de
375 kilomètres ont été souillés.
19
Paragraphe 2. Préjudice matériel et écologique et coûts de nettoyage
Nous l’avons vu, une marée noire entraîne la pollution de l’écosystème tant en
pleine mer que sur le littoral, ce qui a des répercussions directes sur les activités
humaines.
Une question que l’on doit alors se poser, préalablement à celle de l’indemnisation des
victimes, est de savoir comment évaluer les préjudices tant matériels qu’écologiques
consécutifs à une marée noire.
D’autre part il apparaît indispensable de se pencher sur les coûts de nettoyage qui,
même s’il attire de nombreux bénévoles, restent cependant très élevés.
En effet, qu’elles aient pour objet de justifier des demandes d’indemnisation pour une
négociation amiable ou par un recours devant un tribunal, les évaluations économiques
des dommages environnementaux sont indispensables à la négociation de préjudices
environnementaux.
Dans la logique de réparation, un dommage environnemental s’évalue d’abord par le
coût de l’enlèvement de la pollution, soit le nettoyage ; ensuite, vient l’évaluation des
pertes économiques liées à l’exploitation de la ressource naturelle ; enfin, il s’agit
d’estimer la restauration de la biodiversité.
Dans un premier temps, à la suite d’une marée noire, avant que la nappe
d’hydrocarbures touche le littoral, les autorités tentent d’amoindrir son impact et donc
d’intervenir en amont.
L’une des premières méthodes utilisée consistait à vaporiser des agents dispersants sur
la nappe de pétrole. Mais l’expérience a montré que les dispersants eux-mêmes, ou les
émulsions qu’ils forment, peuvent s’avérer plus toxiques que le pétrole.
La méthode préconisée aujourd’hui est de contenir la nappe par des barrages flottants
et de la récupérer physiquement à l’aide d’écumeurs.
On n’a encore recours à des dispersants que dans les seuls cas où des nappes sont sur
le point d’atteindre le rivage. De même, lorsque le pétrole a atteint une plage, un
ramassage physique est préférable à l’usage d’agents dispersants, qui risquent de diluer
le pétrole en profondeur dans le sable.
20
Une autre solution en cours d’étude relève de la biotechnologie : elle consiste à
répandre sur le pétrole des cultures bactériennes dont le métabolisme décompose les
hydrocarbures. Cette solution présente l’inconvénient d’introduire dans l’écosystème
marin des colonies de microorganismes et des nutriments biochimiques qui peuvent
eux-mêmes être nuisibles et porter préjudice à la qualité de l’eau. Cependant,
l’essentiel des évolutions de cette pollution de type organique est naturel, par
évaporation, photooxydation, dépôt puis lente dégradation. En milieu tempéré, six à
dix ans sont nécessaires à la cicatrisation de la biodiversité après la catastrophe.
Ensuite vient le coût de nettoyage, car la réparation des dommages infligés aux
ressources côtières par la pollution, et parfois par les opérations de nettoyage, est une
source de dépenses importantes.
Certains facteurs vont affecter le coût de l’intervention, rendant celui-ci plus ou moins
élevé suivant les cas.
En effet, il faut tout d’abord remarquer que le coût d’intervention n’est pas
proportionnel à la quantité d’hydrocarbures déversés car la dissipation naturelle joue
ici un rôle important.
De même, la zone du déversement entre en jeu car elle peut être plus ou moins
vulnérable.
De plus, la propriété des hydrocarbures déversés déterminent leur comportement dans
l’eau, le choix d’une intervention donnée et la sélection de techniques de récupération.
On distingue ici les hydrocarbures persistants, mettant longtemps pour se dissiper
naturellement et les autres qui ont tendance à s’évaporer d’eux-mêmes.
Mais il apparaît important de remarquer qu’il faut déterminer des critères appropriés
pour mettre fin aux opérations de nettoyage avant que les efforts déployés et leur coût
n’atteignent des sommes totalement disproportionnées par rapport aux avantages
associés à leur poursuite.
En effet, des techniques inappropriées ou des tentatives excessives de suppression des
traces de pollution peuvent endommager le littoral et nécessiter des coûts et des
mesures supplémentaires de remise en état.
21
Enfin, la politique d’un pays donné en matière de lutte contre les déversements risque
également d’influer sur les coûts de l’intervention.
Les principales dépenses relatives au nettoyage concernent généralement l’utilisation
d’aéronefs, de navires, de matériels spécialisés, d’engins lourds, de camions et de
main-d’œuvre.
Vient donc ensuite l’évaluation des dommages aux ressources naturelles à travers leur
application économique, soit la pêche et le tourisme.
On va se pencher, pour les dommages en matière de tourisme, sur les pertes
économiques pures consécutives à la pollution.
Il s’agira pour l’activité touristique des villes du littoral touché de calculer le manque à
gagner lié à la baisse de la fréquentation.
Cette évaluation repose sur l’étude de l’offre et de la demande à une période donnée en
intégrant des facteurs susceptibles d’entraîner une baisse de fréquentation, en dehors
de l’impact de la marée noire.
D’autres modes d’évaluation sont possibles : on se base sur des indicateurs tels que les
salaires ou encore la vente de farine.
En ce qui concerne l’activité de la pêche, l’évaluation porte sur l’étude du manque à
gagner résultant de la perte de l’exploitation de la ressource naturelle vivante et aux
dommages aux biens matériels.
Ici l’analyse financière des entreprises productrices (pêcherie, ostréiculture,
saliculture) vont donner une évaluation de la perte liée à la ressource exploitée.
De plus, pour les biens matériels, le coût de la destruction des biens productibles tels
que les filets de pêche, par exemple, revient à calculer le coût de leur remplacement
après déduction de leur usure.
Ensuite il faut s’attacher, pour l’évaluation du dommage causé par une pollution
consécutive à un déversement d’hydrocarbures, à l’évaluation des dommages à la
biodiversité.
Il s’agit ici, on le conçoit aisément, du dommage le plus difficile à déterminer.
22
En même temps, il s’agit également des pertes qui déchaînent le plus les passions, à
savoir le préjudice écologique.
En effet, le problème est alors d’indemniser un bien hors-marché et des méthodes
spécifiques d’évaluation des actifs naturels vont être nécessaires pour leur
quantification.
On considère alors que « l’étendue d’un dommage qui a une incidence négative sur la
réalisation ou le maintient en état de conservation favorable des habitats et espèces
doit être évaluée par rapport à l’état de conservation à l’époque où le dommage a été
occasionné, aux services rendus par les agréments qu’ils procurent et à leur capacité de
régénération naturelle »8.
On voit donc ici, par un texte assez abstrait, la difficulté de la chose.
Il faut essayer de calculer le prix du retour de l’environnement touché à son état initial
par des données mesurables : nombre d’individus affectés, rôle dans l’équilibre des
espèces, leur capacité de multiplication.
La méthode la plus fréquemment utilisée est celle d’évaluation par contingence.
Cette méthode repose sur une enquête menée auprès des personnes pour connaître ce
qu’ils consentiraient à payer pour rétablir le milieu dans son état d’origine.
Pour réussir à évaluer les dommages dans les meilleures conditions, les institutions
internationales d’indemnisation que sont les FIPOL mais également les P&I Clubs,
que nous verrons dans la suite de notre étude, ont développé un réseau mondial
d’experts spécialisés dans les différents secteurs susceptibles d’être atteints par une
pollution par les hydrocarbures consécutifs à une marée noire.
De plus, il est fait régulièrement appel à l’ITOPF9 qui est une organisation sans but
lucratif financée par les propriétaires de navires-citernes. En effet, cette organisation
dispose d’experts ayant acquis une grande expérience dans le domaine de la lutte
contre les déversements d’hydrocarbures et étant très au fait des critères d’évaluation
des dommages qui sont pratiqués par les Fonds d’indemnisation.
8 Texte de la Position Commune, article 2 9 Internationl Tanker Owners Pollution Federation limited.
23
Durant les phases de nettoyage, le personnel technique de l’ITOPF participe à
l’encadrement des opérations pour décider des moyens de lutte les plus efficaces face à
une pollution par les hydrocarbures.
24
Chapitre 2 Les assureurs de responsabilité
L’assurance maritime est née aux environs du 14ème siècle en Italie mais ce n’est
que vers la moitié du 19ème siècle que les industriels ont pris conscience que le risque
devait être assuré au même titre que les cargaisons et les navires eux-mêmes.
Il existe trois types d’assurance.
Tout d’abord il y a l’assurance corps. C’est l’assurance par laquelle le propriétaire du
navire est garanti contre la perte éventuelle de celui-ci en conséquence d’un risque de
mer.
L’assuré est également garanti contre certains risques financiers, notamment la
contribution aux avaries communes et certains risques de responsabilité comme la
responsabilité pour abordage. Il ne s’agit donc pas seulement d’une assurance de
dommages.
Par ailleurs, il y a l’assurance sur facultés. C’est-à-dire une assurance de dommage qui
couvre la perte totale ou partielle de la marchandise, ainsi que tous les dommages
qu’elle peut avoir subis.
Mais c’est aussi une assurance financière qui garantit l’assuré pour les différentes
sommes qu’il serait amené à payer en cas de contribution aux avaries communes.
D’autre part, il convient de noter, qu’elle ne se substitue en aucun cas à une assurance
de responsabilité comme peut l’être l’assurance corps.
Enfin, le troisième type d’assurance est l’assurance responsabilité, que nous allons
étudier.
25
Paragraphe 1. Les Protecting and Indemnity Clubs
Les Protecting and Indemnity Clubs10 ou P&I Clubs sont des institutions
originales qui garantissent la responsabilité d’un armateur sous la forme de mutuelles
d’armateur.
En Angleterre, à la différence de la France, une séparation nette s’est opérée entre les
assurances maritimes corps et facultés qui sont dévolues aux compagnies d’assurances
traditionnelles et les couvertures de responsabilité qui sont du ressort d’associations
mutuelles d’armateurs, les P&I Clubs.
Les risques couverts par les Clubs va de pair avec leur lente évolution.
I. Histoire des P&I Clubs
En 1855, alors que la Grande-Bretagne est une grande puissance tant maritime
que dans le domaine des assurances, sont nées les Protecting and Indemnity Clubs.
Le propre des P&I Clubs est d’avoir su évoluer avec les besoins des armateurs, ce qui
se ressent dans leur histoire.
On y distingue d’ailleurs l’apparition de la couverture « Protecting » et de la
couverture « Indemnity ».
En ce qui concerne la Couverture « P » - « Protecting » -, celle-ci est née suite au
jugement rendu par les juges de le High Court en 1836 relatif à l’affaire « De Vaux v.
Salvador11 ».
En l’espèce, les juges décidèrent qu’une police corps, assurant les périls de la mer, ne
couvrait pas la responsabilité des armateurs lorsque leur navire était cause d’un
abordage. Ce jugement avait alors placé les armateurs face à une lourde responsabilité
pour laquelle ils n’étaient plus assurés.
10 Clubs de Protection et d’Indemnisation. 11 De Vaux v. Salvador, 1836, 4 ad & E. 420, 111 Eng. Rep. 845.
26
Les assureurs corps ont alors inclus dans leur police une « Running Down Clause »12
par laquelle ils offrent une couverture de responsabilité en cas d’abordage à proportion
des ¾ du montant engagé pour couvrir leur responsabilité. Le montant maximum étant
celui de la valeur du navire.
Mais c’était encore insuffisant pour les armateurs, car le quart restant pouvait se
révéler être une somme très importante.
De plus, d’autres responsabilités étaient imposées de plus en plus souvent aux
armateurs.
Par exemple, par l’application du « Lord Campbell’s Act » ou « Fatal Accidents Act »
en 1846, une responsabilité illimitée était imposée aux armateurs pour les accidents
maritimes ayant entraîné des décès, des dommages corporels ou des dommages aux
objets fixes et flottants.
De manière à répondre à ces nouvelles responsabilités, Mr Peter Tindall, un courtier en
assurances, créa le premier Club de protection en 1855 appelé le « Shipowners’
Mutual Protection Society » qui est devenu depuis le « Britania Steamship Insurrance
Association Limited ».
Cette assurance repose sur un système mutualiste d’association des armateurs pour les
dommages non couverts par le marché traditionnel. Par la suite d’autres Clubs verront
le jour.
En ce qui concerne la couverture « I » - « Indemnity » - , celle-ci est plus tardive car
au moment de la création des Clubs de Protection, les indemnisations relatives aux
réclamations marchandises n’étaient pas des dépenses très importantes pour les
armateurs.
Mais ici encore la situation a changé avec la jurisprudence. En effet, l’affaire
« WestonHope » en 1870 a imposé à l’armateur d’indemniser entièrement les intérêts
cargaison de la valeur des marchandises suite à un déroutement commercial et donc de
ne pas pouvoir se prévaloir des dispositions contractuelles qui l’en exonérait.
12 Clause de responsabilité en cas d’abordage
27
Face à ce nouveau risque non souscrit de responsabilité pour les dommages aux
cargaisons, une « Indemnity Class » a été ajoutée pour fournir une telle couverture
indispensable aux armateurs.
De ce fait, en 1866, par exemple, le « Shipowners’ Mutual Protection Society » est
devenu un Protecting and Indemnity Club.
Durant le 20ème siècle, l’évolution des garanties prévues par les P&I Clubs a été
parallèle à celle de la législation en matière de responsabilité maritime.
Aujourd’hui, les P&I Clubs couvrent environ 90% de la flotte mondiale.
II. L’organisation des Clubs
Les directeurs des Clubs, qui sont plusieurs par Club, sont élus pour trois ans et
renouvelables par tiers mais ils sont révocables à tout moment par l’assemblée.
Ils ont une influence déterminante sur l’ensemble de la politique des Clubs qui ont pu
s’adapter à toutes les nouvelles situations, car la prise de décision peut se faire
relativement vite.
Le nombre des membres du conseil est fixé par les statuts, il doit être représentatif de
l’ensemble des adhérents. Ainsi, le conseil est représentatif des différents armements
composant le Club par les pavillons, les flottes, le genre de navigation et le type de
navires.
En effet, il existe des Clubs spécialisés notamment pour la couverture des risques liés à
l’affréteur. Par exemple, le « Trough Transport Club » créé en 1968 est spécialisé dans
la protection des opérateurs du transport multimodal.
Le conseil a la responsabilité tant de l’administration de l’association que de celle de
ses finances. Il décide notamment des dépenses de fonctionnement, de paiement des
avaries et des investissements à réaliser, ainsi que des recettes de l’association car il
gère les cotisations.
Mais le nombre de directeurs du conseil pouvant être important, une prise rapide et
efficace des décisions au jour le jour peut être bloquée. C’est pourquoi le conseil peut
déléguer ses attributions à des comités de direction.
28
Ces derniers sont composés d’au moins deux directeurs élus par les autres directeurs,
mais ils sont animés par des gérants. C’est le conseil qui décide des attributions du
comité de direction mais il ne peut déléguer son pouvoir de décision financière.
Les gérants, comités de direction, sont rattachés à des firmes, qui sont en réalité des
mandataires, qui vont être nommées et révoquées par les armateurs pour administrer
l’association. On va leur confier toutes les études nécessaires à la détermination de la
politique générale de l’association, elles vont préparer les dossiers de tous les
problèmes que peut rencontrer la communauté des armateurs. Les firmes gérantes
doivent également appliquer les décisions prises par le conseil.
III. Le fonctionnement des Clubs
A l’origine, les Clubs étaient gérés totalement sous forme d’associations. Mais
ce système pouvait poser certains problèmes au quotidien.
Tout d’abord, il est important de préciser que ce n’est qu'avec le Companies Act de
1862 que la personnalité morale des associations mutuelles de protection et
d'indemnité est reconnue avec certitude.
Cet « Act » impose en effet l'enregistrement de toute association de plus de vingt
membres qui doivent en tirer bénéfice et crée les « company limited by guarantee »
dont la forme convient parfaitement à ces Clubs d'armateurs.
Le texte de 1862 a permis de constituer les « compagnies » sans capital social et de
limiter envers les tiers la contribution des participants à un éventuel passif.
Ainsi la plupart des « P and I Clubs » se sont-ils transformés ou établis directement en
« company limited by guarantee ».
Cependant, certains sont encore des « unlimited companies ».
C’est pourquoi les Clubs d’aujourd’hui sont gérés par des sociétés commerciales pour
ce qui concerne les affaires courantes. Ainsi, par exemple, la société Thomas Miller
gère l’UK Club ou encore Tindall Riley & Co pour le Britannia. Cela permet entre
autres ne pas avoir à engager des poursuites contre tous les membres du Club en cas de
conflit avec celui-ci.
29
Les P&I Clubs sont dirigés par des comités d’armateurs dont les correspondants sont
aujourd’hui présents dans les plus grands ports. Ces correspondants sont chargés de
fournir conseil et assistance aux armateurs à travers le monde.
Chaque membre va payer une cotisation -« Call » - calculée en fonction des
caractéristiques de l’armement et de l’étendue des risques.
Il est toutefois important de noter que les Clubs ne font pas de bénéfices.
Les contrats d’assurance P&I Clubs sont renouvelés chaque année le 20 février, date
qui, historiquement, marque le début de la reprise de la navigation en mer Baltique.
Les Clubs sont regroupés au sein d’une association, l’International Group of P&I
Clubs, elle-même réassurée, ce qui leur permet d’offrir une garantie financière
quasiment illimitée.
Il existe, 13 Clubs indépendants les uns des autres dans l’International Group of P&I
Clubs, plus leurs associations affiliées :
American Steamship Owners Mutual Protection and Indemnity Association, Inc
Assuranceforeningen Gard
Assuranceforeningen Skuld
The Britannia Steam Ship Insurance Association Limited
The Japan Ship Owners' Mutual Protection & Indemnity Association
The London Steam-Ship Owners' Mutual Insurance Association Limited
The North of England Protection & Indemnity Association
The Shipowners' Mutual Protection & Indemnity Association (Luxembourg)
The Standard Steamship Owners’ Protection & Indemnity Association (Bermuda)
Limited
The Steamship Mutual Underwriting Association (Bermuda) Limited
The Swedish Club
United Kingdom Mutual Steam Ship Assurance Association (Bermuda) Limited
The West of England Ship Owners Mutual Insurance Association (Luxembourg).
Du fait de leur poids et de leur nombre, l’International Group of P&I Club peut être
accusé de pratiques anti-concurrentielles mais des mesures ont été prises et selon la
Commission européenne il n’y a pas abus de position dominante.
30
IV. les garanties proposées par les Clubs
Les garanties classiques proposées par les P&I Clubs mais également des
garanties plus spécifiques en matière de dommage à l’environnement.
Les P&I Clubs couvrent la responsabilité du propriétaire du navire en ce qui concerne : - les dommages corporels à l’équipage ; - les passagers clandestins et réfugiés ; - l’abordage ; - le risque de pollution ; - le relèvement et la gestion des épaves ; - la responsabilité marchandises ; - l’avarie commune ; - les amendes ; - la règle « Omnibus » ; - les coûts et dépenses.
A. Les garanties classiques
1) Les garanties couvrant les dommages à la cargaison
La garantie en matière de marchandise s’étend à la responsabilité et aux frais
encourus vis-à-vis de la marchandise en cas d’avarie, perte ou encore manquants des
marchandises transportées par le navire assuré, lorsque ces avaries sont dues à un
manquement de l’armateur dans ses obligations de transporteur maritime. C'est-à-dire
à un manquement à son obligation ou à celle de ses préposés de procéder de façon
appropriée au chargement, à la manutention, l’arrimage, la garde, le soin, le
déchargement ou la livraison d’une cargaison.
Précisons que le Club paiera les frais engagés pour le déchargement ou la destruction
des marchandises endommagées si cela s’avère nécessaire.
2) Les garanties liées aux personnes victimes du fait de l’armateur
Nous allons distinguer les passagers légalement à bord des autres personnes.
31
Tout d’abord, on entend par passagers légalement à bord de l’équipage ou les
passagers dans le cadre d’un transport de passagers.
Le Club va couvrir la responsabilité du propriétaire du navire en cas de dommages
corporels, maladies, frais d’hospitalisation, frais de rapatriement, frais funéraires et de
décès des marins ou d’un passager.
Le Club prendra à sa charge le paiement des salaires de l’équipage pendant la période
d’hospitalisation et de convalescence des marins ou durant un rapatriement.
De plus, en cas de perte partielle ou totale du navire consécutivement à un échouement
ou un naufrage, les membres d’équipage recevront une indemnité.
Le Club couvre aussi la perte ou le dommage d’objets personnels de l’équipage.
De plus, si les familles des membres de l’équipage voyagent avec eux, alors le Club
prend également en compte leur rapatriement, les frais d’hospitalisation et médicaux,
etc.
Voyons maintenant le cas des personnes se trouvant illégalement à bord. Il s’agit ici
des passagers clandestins, des réfugiés ou des rescapés.
La cas des passagers clandestins est un problème récurrent à bord des navires de
commerce du monde entier. Le bord redoute leur présence et avant le départ du navire
essaie de les démasquer. Par exemple, sur certains navires, le bord passe entre les
conteneurs pour alerter les éventuelles personnes cachées qu’il va y avoir fumigation
du conteneur. Mais le subterfuge réussit de moins en moins. De plus, les passagers
clandestins n’hésitent pas à mettre leur vie en danger en se cachant par exemple dans
un creux au dessus de l’hélice.
Le problème qui se pose ici pour l’armateur est de savoir qui va être en charge de
payer les frais supplémentaires engendrés par ces passagers non prévus.
Les P&I Clubs couvrent ce risque tant en ce qui concerne les frais de rapatriement, que
les amendes éventuellement reçues par les membres, de même que les frais de garde et
de surveillance.
Dans le cas de rescapés, les Clubs prennent également en charge leurs frais de
sauvetage.
32
3) Les garanties liées aux événements de mer
a) Le cas de l’abordage
L’abordage du navire avec un autre navire est assuré par les Clubs : c’est la
« Running Down Clause » incluse dans la police d’assurance corps qui va jouer.
Celle-ci couvre la quart de responsabilité qui n’est pas pris en charge par l’assurance
corps ainsi que les exclusions de garanties de celle-ci, à savoir la couverture du risque
de décès, de dommage corporel, de perte ou de dommage de la marchandise et le
relèvement de l’épave.
En effet, c’est le Club qui supportera les frais de relèvement et de gestion de l’épave
mais aussi de sa destruction.
b) Le cas du naufrage
les Clubs ont mis en place une garantie couvrant la responsabilité de l’armateur
pour cause de naufrage. Il s’agit ici des indemnités et des salaires pouvant être versés à
l’équipage.
c) Le remorquage
Il est important de préciser que les risques liés tant au remorquage normal, dans
les ports, que le remorquage en mer suite à un incident, sont pris en charge par les
Clubs.
Ils vont cependant choisir d’indemniser ou non la totalité du dommage, selon qu’il
l’estime ou non suffisamment raisonnable.
33
B. la lettre de garantie
Le pouvoir d’intervention rapide des P&I Clubs pour toutes les garanties qu’il
prend en charge est facilité par les lettres de garantie13.
Lorsque l’armateur a des créances, le plus dangereux pour lui est que ses créanciers
saisissent son navire pour l’obliger à payer.
C’est pour éviter que cette saisie se réalise ou pour en obtenir la main levée et
empêcher ainsi que le navire ne puisse pas effectuer sa route commerciale
normalement, que les P&I Clubs ont mis en place ces lettres de garantie.
Par ces lettres, le Club donne une garantie financière aux créanciers.
Le Club se porte ainsi garant de payer le montant des indemnités mises à la charge de
l’armateur
« My Word is My Bond14 », cette formule résume à elle seule le pouvoir des lettres de
garantie.
Les créanciers acceptent et réclament ces lettres car la réputation des Clubs fait qu’ils
ont une totale confiance en eux.
En effet, la puissance financière des Clubs, surtout ceux faisant partie de
l’International Group of P&I Clubs, fait des lettres de garantie une caution suffisante.
De plus, leur efficacité repose également sur la rapidité et la capacité en négociation
des correspondants locaux des Clubs.
La lettre de garantie est émise pour un montant déterminé au nom et pour le compte de
l’armateur membre.
C. Les garanties P&I Clubs relatives à un dommage par hydrocarbures
Le risque de pollution est également pris en compte par les Clubs de protection
et d’indemnité.
13 Letter Of Undertaking 14 Que l’on peut traduire par « Ce que je dis est mon engagement ».
34
Ce risque est l’un des derniers à avoir été pris en considération, car, et cela est
facilement compréhensible, il s’agit de la préoccupation moderne qu’est la protection
de la nature.
Nous allons baser notre étude des garanties pour risque de pollution sur les règles d’un
P&I Club, le «Shipowners' Mutual Protection & Indemnity Association»15.
Le but de la couverture fournie par le Club est de couvrir la responsabilité, les pertes,
les dommages, les coûts et débours survenus par suite d’un rejet par le navire assuré,
ou d’une fuite d’hydrocarbures, qu’il soit le fait d’un tel accident, ou qu’il en soit la
conséquence.
Sont donc prévues la prise en charge de toutes les mesures raisonnables tendant à
éviter un dommage imminent ou visant à réduire au maximum une pollution ou les
pertes ou dommages en résultant, ainsi que toute dépense « encourue du fait de pertes
ou dommages affectant des biens et causés par ces mesures16 ».
Les règles précisent que, lorsque le navire a pu être sauvé, ou une partie de celui-ci, la
valeur de ce qui a été sauvé est créditée à l’association ou sera déduite du montant
recouvré par elle17.
De plus, par exemple, si le navire-citerne est sérieusement endommagé suite à une
collision ou autre incident, il peut être nécessaire de faire pomper les cales du navire
pour éviter une pollution plus importante. Dans ces circonstances, le prix du pompage
est couvert, à condition que ces mesures aient été approuvées par le Club.
Mais les Clubs prévoient une limite à leur engagement.
En effet, en ce qui concerne le Clubs Shipowners, il est prévu à la règle 21A une
limitation de la responsabilité de l’association pour une pollution par les
hydrocarbures.
Dans le cas de réclamation consécutive à une pollution par hydrocarbures, dont
l’étendue a été précisée ci-dessus, le Club prévoit, depuis le 20 février 2000, que son
obligation est limitée à US$ 1 milliard par accident ou événement. Ces derniers termes
15 Règles 2008. 16 Section 9-B, Règles 2008, Shipowners. 17 Section 9-H-ii, Règles 2008, Shipowners.
35
sont importants, car la limitation sera la même, qu’un ou plusieurs navires appartenant
au Club soient impliqués dans l’événement ou l’accident.
Si cette somme excède US$ I milliard, l’obligation de l’Association au regard de
chacune des réclamations sera proportionnelle au pourcentage de chaque réclamation
par rapport à leur somme18.
Le risque de pollution est donc assuré jusqu’à hauteur de US$ 1 milliard mais sous
trois conditions :
- Chaque Club assume les risques par événement jusqu’à un montant de
US$ 5 millions ;
- Le groupe international prend le relais jusqu’à US$ 30 millions ;
- Au-delà de 30 millions, le groupe souscrit des polices de réassurance
auprès des Lloyd’s ou d’autres assurances.
18 Règle 21A-2, règles 2008, Shipowners
36
Paragraphe 2. Les assurances des responsabilité françaises
Ce n’est que vers le début des années 70 que les assureurs français ont cherché
à concurrencer les britanniques et à étendre leurs compétences au marché des
assurances maritimes de responsabilité.
Le marché des assurances françaises a alors souhaité offrir à sa clientèle une
alternative aux garanties habituelles fournies par les P&I Clubs. Ont donc été mises au
point des polices d’assurances destinées à couvrir spécifiquement la responsabilité des
armateurs et des transporteurs maritimes.
Quatre nouvelles polices sont ainsi apparues. Il en a d’abord résulté deux polices
datées du 20 décembre 1972 :
Police française d’assurance maritime couvrant la responsabilité du propriétaire de
navire de mer (à l’exclusion des navires de pêche et de plaisance). Celle-ci a fait
l’objet d’un refonte avec un nouvel imprimé daté du 20 décembre 1990 ;
Police française d’assurance maritime couvrant la responsabilité du transporteur
maritime. Elle a été mise à jour le 14 mai 1992.
Par la suite deux autres polices ont été créées, respectivement le 19 mai et le 1er juin
1988 :
Police française d’assurance maritime de responsabilité civile de l’affréteur de
navire de mer (autre que l’affrètement coque nue) ;
Police française d’assurance maritime couvrant la responsabilité du propriétaire du
navire de pêche.
La couverture essaie d’être le plus large possible. En effet, sont englobés dans la
couverture les recours pour dommages corporels et matériels exercés contre le navire,
soit par des co-contractants, soit par des tiers, à la suite de tout événement.
L’avantage de ces polices est d’être à prime fixe et non des contrats à cotisations
variables susceptibles d’appel comme c’est le cas dans les mutuelles P&I Clubs.
37
la Police française d’assurance maritime couvrant la responsabilité du propriétaire de
navire de mer comprend la garantie aux dommages, pertes ou préjudices consécutifs à
la pollution résultant du déversement d’hydrocarbures. A ce titre, les assureurs français
garantissent la responsabilité incombant au propriétaire de navire pétrolier.
I. Les risques couverts hors risques de pollution
La garantie s’applique quel que soit le lieu où se trouve le navire, dans les
limites fixées par la police, que le navire « soit en exploitation ou en séjour, en
chômage ou en réparation, à flot ou à sec 19».
L’article 1er du chapitre I Etendue de l’assurance de la Police française d’assurance
maritime couvrant la responsabilité du propriétaire de navire de mer, précise les
risques garantis par la police.
Vont donc être pris en charge par l’assurance les recours pour lésions corporelles,
maladies ou décès, mais également les dommages, les pertes ou les préjudices exercés
contre le navire assuré par un de ses cocontractant ou par un tiers lorsque le dommage
résulte de n’importe quel événement, qu’il y ait eu abordage ou non, à la suite de
l’utilisation des grues ou autre installation utilisées au service du navire ou encore
suite à un contrat de remorquage.
Ensuite, sont exclus dans la police, les frais de retirement, d’enlèvement et de gestion
de l’épave du navire.
La contribution du navire à l’avarie commune est également prise en charge en vertu
des Règles d’York et d’Anvers ou de toute autre disposition légale.
Il en est de même pour la contribution du navire à l’avarie commune pour la part non
prise en charge par l’assurance corps, ainsi que pour ce qui concerne l’indemnité
d’assistance incombant au navire assuré.
Sont pris en charge par la police assurant la responsabilité du propriétaire de navire les
frais de déroutement lorsque celui-ci a été effectué dans le but de sauver une vie
19 Article 9 de la Police Française d’assurance maritime couvrant la responsabilité du propriétaire du navire de mer.
38
humaine ou de débarquer un membre d’équipage malade ou encore un passager
clandestin.
Les dépenses consécutives à une mise en quarantaine sont aussi prises en charge.
Enfin, les frais de procédures et de justice engagés à la suite d’un recours en garantie
exercé contre le navire, ainsi que les amendes, contraventions et pénalités sont
également couverts par la police.
Cette police d’assurance ne couvre donc ni les pertes et dommages causés au navire
assuré qui relèvent de l’assurance corps, ni les pertes et dommages causés à la
cargaison qui relèvent de l’assurance facultés.
Elle ne couvre donc que les pertes, dommages et préjudices pécuniaires causés à des
tiers par le navire assuré.
Il est de même précisé que l’assurance couvre tous les agrès et apparaux du navire. En
effet, la police souligne que les garanties s’appliquent « aux aussières, ancres et
chaînes ainsi qu’aux embarcations annexes du navire assuré » car elles sont au service
du navire.
II. La couverture du risque de pollution par les hydrocarbures
L’article 2 de la Police Française d’assurance maritime couvrant la
responsabilité du propriétaire de navire de mer établit que la couverture s’étend aux
dispositions de la Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 sur la responsabilité
civile de l’armateur et également aux conditions particulières des obligations et
engagements résultant de l’adhésion de l’assuré au plan TOVALOP.
L’assurance de responsabilité répond ici à une lacune de l’assurance corps qui n’a pas
pour vocation de garantir ces préjudices.
La Police de responsabilité du propriétaire du navire va donc garantir les dettes de
responsabilité de l’armateur, propriétaire du navire, en cas de pollution par
hydrocarbures.
39
III. Les plafonds de garantie
On l’a vu, en ce qui concerne les P&I Clubs, ce plafond peut être très élevé,
comme pour le Club Shipowners qui prévoit un plafond de responsabilité de US$ 1
milliard.
Il faut remarquer que la valeur assurée pour l’assurance responsabilité est difficile à
apprécier et à déterminer à l’avance, car elle dépend d’éléments extérieurs comme la
sensibilité du lieu ou encore le type d’hydrocarbures transportés en ce qui concerne les
navires-citernes.
Dans la police d’assurance de responsabilité du propriétaire du navire, l’article 8
souligne que l’engagement de l’assureur est limité « par événement, aux montants
fixés aux conditions particulières ».
IV. Le cas des extensions de garantie de l’assurance corps
Comme nous l’avons déjà exposé, l’assurance corps n’a pas vocation à garantir
les risques de responsabilité, et donc de tels risques résultant d’une pollution par
déversement d’hydrocarbures ne sont pas prévus par la police d’assurance corps.
L’assurance maritime corps garantit 3 sortes de préjudices :
- les dommages et pertes subis par le navire (pertes et avaries particulières) ;
- les conséquences de recours de tiers en responsabilité du fait d’abordage ou de
heurt du navire assuré ;
- la couverture des avaries-frais : indemnité d’assistance, contribution d’avaries
communes.
Cependant, ont été mises en place quatre clauses additionnelles qui permettent à
l’assuré d’étendre la garantie des recours des tiers proposée par la police corps.
Il s’agit de la clause VI, qui offre une garantie contre les recours de tiers pour les
dommages matériels ; de la clause VII reprenant la même garantie que la précédente
clause en y insérant les dommages corporels ; de la clause X qui étend la garantie en
matière de recours du tiers : responsabilité de l’armateur en vertu de contrats de
40
location de grue, chalands et engins de chargement ou de déchargement du navire, en
vertu d’un contrat de remorquage, etc.
Enfin, est prévue la clause additionnelle X, qui garantit le recours des tiers pour les
dommages résultant de pollution ou contamination par hydrocarbures de tout bien ou
installation.
La clause X précise que la garantie s’étend, de même que pour la police de
responsabilité du propriétaire de navire, aux obligations et engagement résultant pour
le propriétaire de navire de son adhésion au plan TOVALOP, mais également aux
obligations instaurées par la Convention de Bruxelles du 29 novembre 1969 sur la
responsabilité civile du propriétaire de navires-citernes.
La couverture se fait ici déduction faite d’une franchise de 1/10ème des indemnités
allouées.
41
Nous venons de voir dans cette première partie, d’une part les dangers que représente
une marée noire, et d’autre part les types d’assurances de responsabilité qui couvrent la
responsabilité de l’armateur pour les dommages provenant d’un déversement
d’hydrocarbures d’un navire-citerne.
Il est maintenant important de se pencher sur la question de l’indemnisation des
victimes par ces assureurs dans le cadre des différentes législations internationales.
En effet, comme nous l’avons vu, les P&I Clubs et les polices françaises d’assurances
maritimes couvrant la responsabilité du propriétaire du navire de mer, prévoient dans
leurs garanties la couverture des risques liés à la responsabilité des propriétaire du fait
de leur adhésion à certains accords, notamment l’accord TOVALOP, mais aussi à
l’accord TOPIA 2006 et STOPIA 2006, et également du fait des deux Conventions
Internationales du 29 novembre 1969.
Nous allons donc étudier dans cette seconde partie, les couvertures imposées aux
assureurs de responsabilité du fait des Conventions internationales.
Ainsi nous verrons dans un premier temps la responsabilité civile de l’armateur pour
les dommages de pollution résultant d’un déversement accidentel d’hydrocarbures,
puis dans un second temps nous allons étudier la mise en place de deux Fonds
d’indemnisation au financement desquels participent les assureurs de responsabilité.
42
Partie II Le régime d’indemnisation des victimes de marée noire
Chapitre 1 La responsabilité civile du propriétaire de pétroliers
Ainsi que nous l’avons constaté précédemment, le transport maritime
représente la quasi totalité des échanges du commerce international.
Comme tout moyen de transport, celui-ci peut être confronté à des difficultés
susceptibles de mettre en péril tant les marchandises qui sont à bord que le navire lui-
même, de même que des tiers.
Lorsqu’un accident maritime survient, le problème, comme dans tout accident, est de
déterminer le responsable qui devra indemniser les victimes.
Déjà avec l’Ordonnance de la Marine de 168120, on a considéré que l’armateur était
responsable des dommages causés aux tiers du fait de son navire.
Cependant, au vu des sommes que pouvaient représenter un tel accident, une limitation
de responsabilité a été mise en place.
En effet, la loi maritime reconnaissait au propriétaire du navire le droit d’abandonner
son navire à ses créanciers en l’état dans lequel il se trouvait après le sinistre.
Par la suite, les Anglais ont donc mis en œuvre un système plus juste pour les victimes,
en remplaçant l’abandon du navire par une limitation de responsabilité en valeur.
Celle-ci aura pour conséquence de limiter l’indemnité due par le propriétaire du navire
à hauteur de la valeur du navire avant l’accident, donc en bon état, ou du moins en
meilleur état.
Cette dernière règle sera reprise plus tard par la Convention Internationale de
Bruxelles21 du 25 août 1924 qui donne aux créanciers le choix entre l’abandon du
navire et la limitation en valeur.
Puis, une autre convention, la Convention Internationale de Bruxelles du 10 octobre
1967, va opérer une modernisation du régime de responsabilité du propriétaire du
navire.
20 L’Ordonnance de la Marine de 1681 est l’œuvre législative de Colbert. Son influence s’est exercée tant sur le droit européen que Anglais et Américain. 21 Convention créées sous l’égide du CMI (Comité Maritime International)
43
Tout d’abord, l’abandon du navire est, heureusement pour les victimes, abandonné.
Ensuite, la Convention instaure le principe de l’appréciation du montant de la
limitation proportionnellement à la jauge du navire22.
Puis, en 1976, la Convention de l’OMI23 de Londres précise certains points de la
limitation en valeur.
En effet, elle établit que par propriétaire de navire il faut entendre propriétaire du
navire mais également affréteur, armateur, armateur gérant, assureur et tous ceux qui
ont porté assistance au navire.
Cette Convention est modifiée par la suite par un protocole du 2 mai 1996, entré en
vigueur le 13 mai 2004, mais certains pays, comme la France, n’y ont pas adhéré. Ce
protocole réévalue le montant des plafonds prévus antérieurement car leur niveau était
devenu largement insuffisant.
De plus, le protocole allège le mécanisme de réévaluation des barèmes en prévoyant
une procédure simplifiée d’amendement du protocole.
Il paraît important de noter avant tout, que cette limitation joue quel que soit le type de
navire. De ce fait, le propriétaire d’un navire de plaisance pourra en profiter lorsque sa
responsabilité sera mise en jeu.
D’autre part, la limitation de responsabilité du propriétaire de navire peut être exclue si
l’événement, cause du dommage, est la conséquence d’une faute personnelle et
inexcusable du propriétaire du navire. On considère comme faute personnelle et
inexcusable le non respect, par exemple, des règles d’entretien du navire et des règles
de sécurité.
La Convention nous précise en outre que seront prises en compte dans le montant de
réparation toutes les créances nées de l’événement qui a causé le dommage.
22 Capacité intérieure des navires, elle en détermine notamment sa valeur commerciale. On distingue la jauge brute correspondant au volume brut total du navire de la jauge nette qui fait référence au volume des seuls espaces à cargaison. 23 Organisation Maritime Internationale, créée en 1948, les conventions maritimes internationales sont adoptées à l’initiative des Etats dans le cadre de l’OMI sous l’égide des Nations Unies. Cet organisme a compétence pour les questions d’ordre technique et relatives à la sécurité en mer, et est notamment à l’origine de la convention SOLAS. Sous ancienne dénomination était : Inter-Government Marine Consultative Organization (IMCO)
44
Pour ce faire, le propriétaire du navire constituera un fonds de limitation sur lequel
pourront être imputées toutes les indemnités de réparation des dommages matériels et
corporels. En ce qui concerne ces derniers, une part deux fois plus importante leur est
accordée.
Nous venons donc de présenter le régime général de la responsabilité du propriétaire
de navire.
Cependant, il convient de noter qu’un régime dérogatoire s’applique aux navires-
citernes pour les dommages de pollution par les hydrocarbures, comme aux navires
nucléaires pour les dommages nucléaires.
Ce régime spécifique se retrouve dans deux institutions dérogatoires du droit commun
de la responsabilité du propriétaire du navire : une responsabilité civile spécifique et
la prise en charge par une institution internationale, le Fonds international
d’indemnisation pour la réparation des dommages dus à la pollution par hydrocarbures
(FIPOL)24.
Paragraphe 1. La responsabilité de l’armateur pour les dommages par pollution.
I. Présentation
Le 18 mars 1967, un pétrolier libérien, le Torrey Canyon, s’échoua sur des
récifs anglais et déversa 119 000 tonnes de pétrole brut dans la mer, polluant ainsi des
rivages anglais et bretons. L’échouement de ce navire-citerne va servir de déclencheur
pour la recherche de solutions acceptables permettant aux victimes d’obtenir
réparation.
En effet la communauté maritime s’est alors préoccupée de mettre en place des
mesures de prévention adéquates mais également des mesures de réparations adaptées
et plus satisfaisantes, des dommages causés par la pollution. Pour cela, un réseau de 24 En Anglais : IOPC Fund
45
conventions sera mis en place afin de proposer des solutions et, en parallèle, les
opérateurs économiques eux-mêmes, pour améliorer leur image et éviter de lourds
contentieux vont à partir de ce moment-là, constituer des fonds privés dans le but de
consentir des réparations amiables immédiates.
Selon Mans JACOBSSON, Administrateur des Fonds internationaux pour les
dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, il est du « devoir de la
communauté internationale, des différents Etats et des secteurs industriels intéressés de
prendre des mesures appropriées pour empêcher que des sinistres ne se produisent »25.
De ce fait, à la suite de cette catastrophe, l’OMCI (devenue l’OMI en 1982) associée à
la CMI, ont décidé de mettre à l’ordre du jour de leurs travaux l’élaboration de
nouvelles conventions. Sont alors créées deux conventions signées le 29 novembre
1969.
Mais les armateurs n’avaient pas attendu que les deux conventions de 1969 soient
ratifiées pour réagir dans le même sens.
En effet, moins de deux ans après le sinistre du Torrey Canyon et deux ans avant la
création du FIPOL26, les P&I Clubs avaient instauré un mécanisme de réparation des
dommages de pollution par les hydrocarbures, le système TOVALOP27.
Cet accord fut signé le 7 janvier 1969 et il entra en vigueur le 6 octobre de la même
année.
Par ce système, qui fonctionnait sur la base de cotisations versées aux P&I Clubs, seuls
des intérêts privés étaient engagés pour rembourser les frais de nettoyage occasionnés
par une marée noire.
Au départ, TOVALOP devait disparaître dès l’entrée en vigueur de la convention sur
la responsabilité civile mais l’accord s’est poursuivi par la suite : en effet, il fallait
empêcher que des navires battant pavillon d’un Etat qui n’avait pas ratifié la
Convention sur la responsabilité civile de 1969 puissent être couverts.
25 « Le régime international d’indemnisation des victimes des marées noires en pleine évolution », DMF n° 652, 1er octobre 2004. 26 voir infra. 27 Tankers Owners Voluntary Aggreement concerning Liability for Oil Pollution.
Commentaire [JM1] : Pb, pas de def clc avant !!!!!!!!
46
Depuis 1978, l’indemnisation fournie par l’accord TOVALOP était limitée à 160
dollars américains par tonneau de jauge avec un maximum de 16,8 millions de dollars
américains par événement.
Ce plafond a été porté à 59,7 millions de DTS pour les navires supérieurs à 5 000
tonneaux de jauge brute lorsqu’en 1987 fut créé le « TOVALOP Supplement ».
Mais, dans ce fonds privé qu’est le système TOVALOP, les propriétaires de cargaison
restaient en dehors du système et, face aux coûts de nettoyage, le premier accord
risquait d’être rapidement épuisé.
De ce fait, un autre accord, l’accord CRISTAL28 fut créé, comprenant un complément
intérimaire de la responsabilité des navires-citernes en cas de pollution par les
hydrocarbures.
Ce plan a été signé le 3 janvier 1971 et est entré en vigueur le 1er avril 1971.
Il s’agit donc d’un complément au précédent accord qui permet d’indemniser
directement les victimes non prises en charge par l’accord TOVALOP. Comme ce
dernier, il s’agissait d’un accord provisoire mais qui fut maintenu car il correspondait à
un véritable besoin.
Au départ le plafond d’indemnisation était fixé à 36 millions de dollars par accident en
complément de TOVALOP, le montant a été réévalué le 20 février 1987 à 120
millions de DTS.
Les deux accords avaient été établis pour être provisoires, ils avaient été ensuite
renouvelés par les armateurs en 1997, mais du fait de l’entrée en vigueur du protocole
de 1992 de la Convention de 1969, ils ont tous deux été dissous en 1987.
La première Convention de 1969 est préventive, elle permet aux Etats contractants de
prendre les mesures nécessaires pour prévenir ou atténuer les dommages causés par la
pollution des eaux de mer.
28 Contract regarding an Interim Supplement to Tanker Liability for Oil Pollution
47
Cette convention est directement liée aux circonstances du naufrage du Torrey
Canyon. En effet, le gouvernement britannique avait tardé à intervenir lors de
l’accident car le pétrolier se trouvait dans les eaux internationales alors qu’une
intervention rapide aurait été d’une réelle efficacité.
C’est pourquoi les rédacteurs de la Convention de 1969 ont inscrit dans leur texte la
règle qui permet aux Etats contractants de « prendre en haute mer les mesures
nécessaires pour prévenir, atténuer ou éliminer les dangers graves et imminents que
présentent pour leurs côtes ou intérêts connexes une pollution ou une menace de
pollution des eaux de la mer par les hydrocarbures à la suite d’un accident de mer ».
De plus, l’article 3 de la Convention impose à l’Etat riverain de consulter les autres
Etats mis en cause par l’accident de mer avant de prendre certaines mesures
s’avèreraient nécessaires.
Mais il doit être tout de même précisé qu’en cas d’urgence, l’Etat riverain est autorisé
à prendre toutes les mesures nécessaires sans s’être préalablement adressé aux autres
Etats intéressés.
La seconde Convention du 29 novembre 1969 concerne la réparation des dommages
causés par une pollution par les hydrocarbures.
Lorsque les mesures préventives se sont révélées insuffisantes, on s’attache alors à
l’étendue de la responsabilité des auteurs du dommage en vue de réparer le préjudice
subi.
La Convention du 29 novembre 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages
dus à la pollution par les hydrocarbures, appelée CRC (ou en Anglais CLC 69) a été
ratifiée par beaucoup d’Etats, dont la France, le 17 mars 1975 et est entrée en vigueur
le 19 juin 1975.
Le 27 novembre 1992 un nouveau protocole viendra modifier certaines règles
instaurées par la convention sur la responsabilité civile de 1969. Cette convention se
nomme désormais « Convention internationale de 1992 sur la responsabilité civile
pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures » (CRC 92 ou CLC 92).
Elle a surtout eu pour conséquence d’élargir le régime de responsabilité. De nombreux
Etats ont dénoncé la Convention de 1969 pour ratifier le protocole.
48
II. La Convention internationale de 1992 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures
La France, comme de nombreux autres pays, a dénoncé la Convention sur la
responsabilité civile de 1969 pour ratifier le nouveau protocole.
Nous nous attacherons donc, tout au long de notre analyse, à étudier strictement les
règles du nouveau protocole.
Cette convention régit la responsabilité civile des propriétaires29 de navires pour les
dommages dus à la pollution par les hydrocarbures.
Elle pose le principe de la responsabilité objective des propriétaires de navires et
instaure un régime d’assurance-responsabilité objective.
De plus, comme pour le régime « commun » de responsabilité du propriétaire de
navires, celui-ci peut limiter sa responsabilité à un montant qui est fonction de la jauge
de son navire.
A. Le champ d’application de la Convention
L’efficacité de la Convention internationale de 1992 sur la responsabilité civile
pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures tient à ce qu’elle a un
champ d’application relativement restreint.
Tout d’abord, l’expression « dommage par pollution »30 désigne « le préjudice ou le
dommage causé à l’extérieur du navire par une contamination survenue à la suite
d’une fuite ou d’un rejet d’hydrocarbures du navire, où que cette fuite ou ce rejet se
soit produit, étant entendu que les indemnités versées au titre de l’altération de
l’environnement autres que le manque à gagner dû à cette altération seront limités au
29 L’article premier de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile nous précise qu’il s’agit de « la personne ou les personnes au nom de laquelle ou desquelles le navire est immatriculé ou, à défaut d’immatriculation, la personne ou les personnes dont le navire est la propriété. » 30 Article I-6 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile
49
coût de mesures raisonnables de remise en état qui ont été effectivement prises ou qui
le seront ».
De plus, la Convention vise les mesures prises pour prévenir ou limiter les dommages
sur le territoire (mer territoriale et ZEE) : on parle alors de mesures de sauvegarde. Ces
dépenses sont recouvrables même si aucun déversement n’a effectivement eu lieu,
mais à condition qu’il y ait eu une menace grave et imminente de dommage par
pollution.
Ensuite, précisons qu’elle ne s’applique pas à n’importe quel rejet d’hydrocarbures.
En effet, elle ne concerne que les dommages de pollution par hydrocarbures ayant pour
origine le déversement d’hydrocarbures persistants qui proviennent de navires-
citernes31.
De ce fait, les déversements d’essence, d’huile diesel légère ou encore de kérosène ne
sont pas visés par la Convention sur la responsabilité civile étant donné qu’il ne s’agit
pas d’hydrocarbures persistants.
En outre, la Convention s’applique seulement aux dommages dus à la pollution par
hydrocarbures résultant d’un déversement d’hydrocarbures en tant que cargaison, ou
d’hydrocarbures de soute émanant de bâtiments de mer construits ou adaptés au
transport des hydrocarbures en vrac en tant que cargaison.
La Convention s’intéresse donc ici tant aux navires-citernes en charge qu’aux
navires-citernes à l’état lège. Cependant, elle exclue les navires à cargaison lège.
Enfin, la Convention sur la responsabilité civile de 1992 a un régime d’application qui
dépend du lieu du déversement.
Les dommages par pollution doivent avoir été subis sur le territoire d’un Etat partie à
la Convention. Il s’agit de la mer territoriale32 ou de la zone économique exclusive33
31 Terme générique pour désigner un navire transporteur de cargaison liquide en vrac, on y trouve notamment les pétroliers. En Anglais, Tanker. 32 Zone qui s’étend immédiatement au-delà de la ligne de base délimitant les eaux intérieures. 33 Zone qui est situé au-delà des eaux territoriales. L’Etat riverain va pouvoir y exercer des droits exclusifs d’exploitation des ressources de la mer, des fonds marins et du sous-sol marin.
50
(ZEE) ou zone équivalente. Sont donc exclus du régime, les dommages hors de la zone
territoriale, c’est-à-dire en haute mer34.
B. Une responsabilité objective
La responsabilité objective du propriétaire du navire est posée en règle à
l’article III-1 de la Convention. Il en résulte que la victime n’a pas à prouver de faute
pour être indemnisée car il pèse sur le propriétaire du navire une présomption de
responsabilité.
L’article III-2 de la Convention sur la responsabilité civile de 1992 prévoit cependant
des cas exonératoires, mais qui restent limités. Le propriétaire ne pourra en effet se
dégager de sa responsabilité que s’il peut prouver soit que le dommage résulte d’un
acte de guerre ou d’une catastrophe naturelle grave : il s’agit en fait ici de prouver la
force majeure35 de l’événement ayant donné lieu au dommage; soit s’il peut prouver
que le dommage résulte en totalité d’un acte de sabotage commis par un tiers ; ou
encore s’il peut prouver que le dommage résulte en totalité de la négligence des
autorités publiques chargées de l’entretien des feux ou autres aides à la navigation.
C. La canalisation de la responsabilité de l’armateur
Tout d’abord, il faut noter que lorsqu’ une pollution par hydrocarbures survient
mais qu’elle n’est pas le fait d’un seul navire, les propriétaires des navires en cause
sont conjointement et solidairement responsables du dommage lorsqu’il n’est pas
raisonnablement indivisible36.
34 D’après l’article 86 de la Convention sur le de droit de la mer, il s’agit de « toutes les parties de la mer qui ne sont comprises ni dans la zone économique exclusive, la mer territoriale ou les eaux intérieures d’un Etat, ni dans les eaux archipélagiques d’un Etat archipel ». 35 « Evènement imprévisible et irrésistible qui provenant d’une cause extérieure au débiteur d’une obligation ou à l’auteur d’un dommage le libère de son obligation ou l’exonère de sa responsabilité » Vocabulaire Juridique, Gérard Cornu. 36 Article IV de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile.
51
L’article III-4 de la Convention de 1992 introduit la « canalisation » de la
responsabilité du propriétaire du navire-citerne pour les dommages par pollution
résultant d’un déversement d’hydrocarbures. Les demandes d’indemnisation ne
peuvent donc être formulées que contre la personne au nom de laquelle est
immatriculé le navire-citerne auteur du dommage.
Les victimes pourront, cependant, chercher à se faire indemniser en dehors de cette
Convention par des personnes autres que le propriétaire.
D’après cette convention, sont donc interdites l’introduction de demandes « contre :
a) les préposés ou mandataires du propriétaire ou les membres de l’équipage ;
b) le pilote ou toute autre personne qui, sans être membre de l’équipage, s’acquitte
de services pour le navire ;
c) tout affréteur (sous quelque appellation que ce soit, y compris un affréteur
coque nue), armateur ou armateur gérant du navire ;
d) toute personne accomplissant des opérations de sauvetage avec l’accord du
propriétaire ou sur les instructions d’une autorité publique compétente ;
e) toute personne prenant des mesures de sauvegarde. »
Précisons de plus que l’article III-5 de la Convention prévoit pour le propriétaire un
droit d’introduire des actions en recours contre le véritable responsable de la pollution
en vertu de la législation nationale applicable. D’après cet article, « aucune disposition
de la présente convention ne porte atteinte aux droits de recours du propriétaire contre
les tiers ».
Mais face à cette canalisation, certains armateurs, voulant échapper à leur
responsabilité, ont développé les Single Ship companies37.
Il s’agit, par ce montage juridique, de créer autant de sociétés que de navires. Le
patrimoine d’une société ne pouvant garantir le patrimoine d’une autre, cela permet à
l’armateur de limiter ses risques.
37 Littéralement : Société propriétaires d’un seul navire
52
Il s’agit d’une société qui servira d’ écran entre les différents navires et le véritable
propriétaire.
D’après Antoine VIALARD, Professeur à l’Université de Bordeaux, qui parle
« d’irresponsabilité organisée », il s’agit ici d’une « Canalisation percée lorsque l'on a
affaire à un propriétaire enregistré de « papier », du style single ship company, société
écran à la personnalité morale souvent fantomatique. Les véritables propriétaires sont
intouchables, seraient-ils même identifiables »38.
Les juges sont venus préciser (déjà précédemment, par exemple avec l’arrêt de la
chambre commerciale du 15 novembre 1994) que la fictivité de la société doit être
établie :
« Ne peut être qualifiée de société fictive, la société pourvue de la personnalité morale,
ayant son propre patrimoine, concluant des conventions en son nom propre et exerçant
une activité conforme à son objet social. Dès lors, ne peut être valablement exercée par
le créancier d'une autre société, une saisie conservatoire contre elle alors qu'il n'est pas
démontré que ces sociétés participent à un montage juridique destiné à frauder des
créanciers. En effet, ces sociétés possédant chacune une existence réelle, participent à
un mode d'exploitation largement répandu dans le monde maritime commercial, la
constitution de "single ship companies" ne constituant pas en soi une fraude aux droits
des créanciers, la circonstance que ces sociétés soient subordonnées ou rattachées à un
ministère de tutelle est sans influence sur la nature strictement privée de leurs relations
avec les tiers »39.
Par là, les juges ouvrent la porte à la multiplication des sociétés écran.
De plus, suite à la multiplication de tels montages juridiques, le juge, lorsqu’un
accident survient, devra en tout premier lieu rechercher qui est le véritable propriétaire.
Ce qui a été le cas dans l’affaire de l’Amoco Cadiz où le juge a dû trouver le
propriétaire réel du navire.
38 « Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures ? » Extrait d’une allocution prononcée le 3 avril 2003 devant l’assemblée générale de l’Association Française du Droit Maritime (AFDM), DMF n°637 du 1er mai 2003. 39 Cour d’appel de Rennes, 24 avril 2002
53
D. Une responsabilité limitée
Nous venons de voir que la Convention faisait reposer l’entière indemnisation
sur les épaules du propriétaire du navire-citerne.
Mais cette responsabilité reste limitée, la Convention prévoyant des plafonds
d’indemnisation.
Il est important de noter que la limitation est opposable à tout créancier qui fonde sa
demande sur un dommage de pollution qui résulte d’un déversement d’hydrocarbures
provenant d’un navire-citerne.
La CLC 69 prévoyait des plafonds moins élevés que la CLC 92 ; de plus la première
Convention était à l’origine chiffrée en Francs Poincaré alors que la seconde est
chiffrée en droit de tirage spécial (DTS)40.
De même, le 1er novembre 2003 les plafonds ont été augmentés d’environ 50,37% et
s’appliquent aux sinistres survenus depuis cette date.
Les plafonds d’indemnisation sont prévus par l’article V de la Convention, et sont
divisés en trois groupes selon la jauge brute du navire-citerne en cause :
- si le navire a une jauge brute inférieure à 5 000 unités, alors la responsabilité de
son propriétaire pour l’indemnisation des dommages consécutifs à un
déversement d’hydrocarbures est plafonnée à 4 510 000 DTS, soit US$ 7
millions ;
- pour les navires dont la jauge brute est comprise entre 5 000 et 140 000 unités,
le plafond est de 4 510 000 DTS auxquels on ajoute 631 DTS (soit US$ 1 021)
par unité de jauge supplémentaire ;
- enfin, si le navire-citerne en cause a une jauge brute qui dépasse 140 000 unités,
alors la responsabilité du propriétaire est limitée à 89 770 000 DTS, soit US$
145 millions.
40 SDR en Anglais pour Special Drowing Right. Le DTS est utilisé depuis 1976 à la place de franc-or pour calculer les limitations de responsabilité des transporteurs et des propriétaires de navires. Sa valeur, qui varie chaque jour, est fixée à partir d’un panier de quatre monnaies : l’euro, le dollar US, la livre sterling et le yen. Dans notre analyse, le DTS a été converti en dollars des Etats-Unis au taux de change en vigueur le 15 mai 2008, soit 1 DTS = US$ 1.618450 .
54
Cependant, comme dans le régime général de responsabilité de l’armateur, la
Convention sur la responsabilité civile prévoit le cas de la faute intentionnelle.
En effet, s’il est prouvé que le dommage par pollution résulte du fait ou de l’omission
personnels du propriétaire du navire, commis avec l’intention de provoquer un tel
dommage, ou commis témérairement et avec conscience qu’un dommage en résulterait
probablement, le propriétaire du navire est déchu du droit de limiter sa responsabilité.
L’article III-5 de la CLC 92 impose au propriétaire du navire de constituer un fonds de
limitation égal au montant de sa responsabilité « auprès du tribunal ou de toute autre
autorité compétente de l’un quelconque des Etats contractants où une action est
engagée ».
Par exemple, en ce qui concerne l’Erika, c’est le tribunal de commerce de Nantes qui a
été saisi par la société Tevere Shipping, propriétaire nominal du navire et par son
assureur, la « Steamship Mutual Underwriting Association Limited ».
Le Fonds de limitation a alors été fixé, par une ordonnance du 14 mars 2000, à 84
millions de Francs41.
La responsabilité du propriétaire du navire est, nous venons de le voir,
particulièrement lourde, ce qui a amené les CLC 69/92 à imposer à l’armateur de
souscrire une assurance de responsabilité.
E. L’assurance de responsabilité obligatoire
Chaque armateur propriétaire assure sa responsabilité auprès d’un « Club de
Protection et d’Indemnisation » qui sont des mutuelles d’armateurs, ou auprès de tout
autre assureur spécialisé.
En effet, l’article VII paragraphe 1 de la Convention 1992 sur la responsabilité civile
du propriétaire de navires-citernes lui impose de souscrire une assurance ayant pour 41 Droit des transports, revue mensuelle LexisNexis Jurisclasseur, Février 2007
55
objet de couvrir sa responsabilité lorsqu’il transporte une cargaison d’hydrocarbures
persistants supérieure ou égale à 2 000 tonnes.
Le paragraphe 9 du même article nous précise que cette assurance devra alors
constituer un fonds qui ne sera disponible que pour le règlement des indemnités dues
en vertu des dispositions de la CLC.
Suite à la souscription de l’assurance, un certificat d’assurance est délivré attestant que
le navire répond aux exigences de la Convention.
Le certificat d’assurance42 doit obligatoirement se trouver à bord du navire, faute de
quoi, le navire ne peut pas prendre la mer. De plus, une copie doit en être déposée
auprès de l’autorité qui tient le registre d’immatriculation du navire ou, si le navire
n’est pas immatriculé dans un Etat contractant, auprès de l’autorité de l’Etat qui a
délivré ou visé le certificat.
A propos de ce certificat, le Professeur Bonassies43 souligne qu’il est regrettable que
l’Etat qui vise le certificat d’assurance, puisse seulement vérifier l’existence de la
compagnie d’assurance et non sa solvabilité, même si en cas d’insolvabilité le FIPOL
prendrait le relais.
Un autre problème qui peut être soulevé à propos de ce certificat, est qu’il doit être
renouvelé régulièrement, ce qui peut provoquer des problèmes et donc amener certains
navires à être en infraction du fait du retard dans l’envoi du certificat44.
De plus, le paragraphe 7 de l’article VII précise qu’un certificat délivré par un Etat
contractant doit être reconnu par les autres Etat contractants comme ayant la même
valeur que ceux qu’ils ont eux-mêmes délivrés.
42 Article VII § 4 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile 43 M. Le professeur Pierre Bonassies, « Après l’Erika : les quatre niveaux de réparation des dommage résultant d’une pollution maritime par hydrocarbures », Revue de Droit Commercial, Maritime, Aérien et des Transports, 2000, p. 143. 44 Julie Mangiante, « La couverture et l’indemnisation des risques de pollution marine par les P&I Clubs », Mémoire CDMT 2001.
56
Ce certificat d’assurance responsabilité est également obligatoire pour les navires dont
l’Etat du pavillon n’est pas partie à la Convention si ces navires touchent ou quittent
un port ou une installation d’un Etat partie à la Convention45. Cela permet d’imposer
l’assurance au plus grand nombre de navires et assure aux Etats soucieux de la sécurité
de leurs côtes d’en éloigner les navires poubelles ou dangereux auxquels les
assurances refusent une couverture.
C’est l’Etat d’immatriculation qui va déterminer les conditions de délivrance et de
validité du certificat.
L’article 7 § 2 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile nous indique que
le certificat doit contenir certaines mentions obligatoires :
- « nom du navire et port d’immatriculation ;
- nom et lieu du principal établissement du propriétaire ;
- type de garantie ;
- nom et lieu du principal établissement de l’assureur ou autre personne
accordant la garantie, et le cas échéant, le lieu de l’établissement auprès duquel
l’assurance ou la garantie a été souscrite ;
- la période de validité du certificat, qui ne saurait excéder celle de l’assurance ou
de la garantie46 ».
Pour un exemple de certificat voir annexe n°3.
Ce certificat consiste, en ce qui concerne les P&I Clubs, en une « Blue Card47 » ou
« CLC Certificate » délivrée par le Club. Pour voir un exemple de certificat délivré par
le P&I Club Assuranceforeningen Gard, se référer à l’annexe n° 4.
Le certificat doit être rédigé dans la langue officielle de l’Etat qui le délivre et
obligatoirement assorti d’ une traduction en Anglais ou en Français.
45 Article VII § 11 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile 46 La convention prévoit à l’article VII § 5 que dans tous les cas la durée de l’assurance souscrite devra être au minimum de trois mois. 47 Carte Bleue
57
Les victimes de dommages résultant d’une pollution par hydrocarbures consécutive à
un déversement accidentel pourront formuler leurs demandes d’indemnisation
directement contre l’assureur ou la personne dont émane la garantie financière qui
couvre la responsabilité civile du propriétaire pour les dommages de pollution48.
De telles actions en réparation peuvent seulement être introduites devant les tribunaux
de l’Etat partie à la Convention, sur le territoire duquel le dommage est survenu.
48 Article VII § 8 de la Convention de 1992 sur la responsabilité civile
58
Chapitre 2 Les Fonds d’indemnisation
En ce qui concerne les navires-citernes, nous venons d’exposer qu’un régime de
responsabilité dérogatoire a été mis en place pour faire face au nombreux dommages
que des couches de pétrole déversées dans la mer pourraient causer.
Comme nous l’avons précédemment mentionné, l’OMI est également à l’origine
d’une seconde convention, la Convention internationale de 1971 portant création d’un
Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les
hydrocarbures, le FIPOL.
Paragraphe 1. Le Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures
La Convention de 1969 et de 1992 sur la responsabilité civile fait reposer la
responsabilité d’une pollution sur le seul propriétaire du navire, alors même que la
cargaison qui a causé le dommage ne lui appartient pas.
Face à cette incohérence, fut signée à Bruxelles une convention sur la création d’un
Fonds d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures le
18 décembre 1971 qui est entrée en vigueur le 16 octobre 1978.
Le Fonds a été créé à Londres en 1978 avec 14 Etats membres. A cette époque, le
Fonds constituait donc une organisation peu représentative.
Le régime initial du Fonds de 1971 a été modifié en 1992, comme la CLC 69, par un
protocole instituant la Convention portant création du Fonds de 1992, entrée en
vigueur le 30 mai 1996.
Le nouveau Fonds de 1992 a été créé par 9 Etats et le nombre de ses membres est
passé à 76, puis, en 2004, 90 Etats avaient ratifié le Convention de 1992 portant
création du Fonds ; depuis le nombre des Etats parties ne cesse d’augmenter. Il sont
aujourd’hui 102 (dont l’Equateur où la Convention n’entrera en vigueur que le 11
décembre 2008).49
49 Voir annexe n°1 pour le détail des « Etats Parties à la fois au Protocole de 1992 modifiant la Convention sur la responsabilité civile et au Protocole de 1992 modifiant la Convention portant création du Fonds ».
59
De ce fait, au fur et à mesure que les Etats dénonçaient le premier Fonds pour ratifier
les Conventions de 1992, le régime initial perdait de son importance. En conséquence,
le Convention de 1971 a cessé d’être en vigueur le 24 mai 2002 lorsque le nombre
d’adhérents a été inférieur à 25. Le Fonds est donc en cours de liquidation et cessera
d’exister lorsque toutes les demandes d’indemnisation résultant de sinistres survenus
avant le 24 mai 2002 seront réglées.
Il est important de noter que pour être partie à la Convention de 1992 portant création
du Fonds, un Etat doit également devenir partie à la Convention de 1992 sur la
responsabilité civile.
Enfin, le 3 mars 2005 un troisième niveau d’indemnisation a été mis en place sous la
forme d’un Fonds complémentaire résultant d’un protocole adopté en 2003. A ce jour,
21 Etats ont ratifié ce protocole50.
Nous limiterons notre analyse à l’étude du Fonds de 1992, car la France et les
principaux pays européens y adhèrent.
I. La structure du FIPOL
Le Fonds de 1992 est constitué et dirigé par une Assemblée composée de
représentants des Etats membres et par un Comité exécutif composé de 15 membres
élus par l’Assemblée. Cette dernière est l’organe directeur suprême du Fonds alors que
le Comité exécutif a pour principale fonction d’approuver le règlement des demandes
d’indemnisation.
Les trois Fonds, celui de 1971, de 1992 et le Fonds complémentaire, partagent un
Secrétariat commun qui a son siège à Londres, est dirigé par un administrateur et
compte 27 fonctionnaires.
50 Voir annexe n°2 pour le détail des « Etats Parties au Protocole de 2003 portant création d’un Fonds complémentaire international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ».
60
II. Financement du Fonds de 1992
La Convention prévoit que toute personne qui a reçu au cours d’une année
civile plus de 150 000 tonnes de pétrole brut ou de fuel-oil lourd dans un Etat partie à
la Convention portant création du Fonds doit contribuer au financement des FIPOL51.
Les hydrocarbures qui donnent lieu à contribution sont comptabilisés chaque fois
qu’ils sont reçus dans un port ou une installation terminale d’un pays membre à la
suite d’un transport par voie maritime : ce sont les hydrocarbures reçus dans des
réservoirs ou des installations de stockage immédiatement après leur transport. Ce
Fonds est donc alimenté par l’industrie pétrolière.
Les grands contribuables sont les compagnies pétrolières des nations industrialisées.
En 1999, 86 % des contributions totales provenaient de dix pays :
→ Japon : 18 % du total des contributions ;
→ Italie : 7 % ;
→ République de Corée : 8 % ;
→ Pays-Bas : 8% ;
→ France : 7 % ;
→ Inde : 7 % ;
→ Canada : 6 % ;
→ Royaume-Uni : 5 % ;
→ Singapour : 5 % ;
→ Espagne : 5 %.
Les contributions, qui sont annuelles, permettent de faire face aux versements prévus
en matière d’indemnisation ainsi qu’aux dépenses administratives au cours de l’année
à venir.
La contribution se fait par tonne d’hydrocarbures et le montant à percevoir est fixé
chaque année par l’Assemblée.
51 Article 10 de la Convention de 1992 portant création du Fonds.
61
On remarque que le niveau de contribution à la tonne varie selon les besoins du FIPOL
pour faire face aux demandes d’indemnisation.
En effet, par exemple, en 2006 le montant de la contribution à la tonne était de
0,0020156 £ pour une contribution totale de 3 000 000 £.
En revanche, en 2000, suite à la tristement célèbre catastrophe de l’Erika, la
contribution à la tonne était de 0,05455770 £ pour une contribution totale de 49 500
000 £.
III. Le rôle du FIPOL, une indemnisation complémentaire
Le Fonds de 1992 (comme celui de 1971) a pour objet de verser aux victimes
des dommages résultant d’une pollution par les hydrocarbures dans un pays partie à la
Convention portant création du Fonds, une indemnité lorsqu’elles ne sont pas
pleinement indemnisées en vertu de la CLC 92.
Il y a trois cas où la Convention sur la responsabilité civile de l’armateur ne permet pas
d’indemniser les victimes :
- Lorsque l’armateur peut invoquer des exonérations prévues par la Convention
et donc être dégagé de sa responsabilité. Il s’agit par exemple du cas où
l’accident résulte d’un acte de sabotage commis par un tiers ;
- Lorsque le propriétaire du navire-citerne se trouve dans l’incapacité financière
de s’acquitter pleinement de ses obligations et que son assurance ne suffit pas à
satisfaire les demandes d’indemnisation pour les dommages par pollution. Le
Fonds intervient, ici comme dans le cas précédent, en substitution au
propriétaire du navire ;
- Enfin, lorsque les dommages dépassent le plafond fixé par la CLC, le Fonds
prend le relais.
De plus, le Fonds n’intervient pas dans tous les cas et il est prévu qu’il n’indemnisera
pas dans les trois cas suivants :
- si le dommage a eu lieu dans un Etat qui n’est pas membre du Fonds de 1992
(pour ce qui concerne le Fonds de 1992) ;
Commentaire [JM2] : mettre annexe fipol sur les pays adhérents aux différents Fonds
62
- si le dommage résulte d’un acte de guerre ou est dû à un déversement provenant
d’un navire de guerre ;
- si le demandeur ne peut pas prouver que le dommage résulte d’un événement
mettant en cause un ou plusieurs navires tels que définis par les Conventions52.
IV. Le montant des indemnisations
Comme en ce qui concerne la CLC, les plafonds ont été augmentés de 50,37 %
le 1er novembre 2003. Nous allons donc distinguer les plafonds avant et après cette
date.
En effet, les sinistres du Nakhodka53 et de l’Erika ont fait apparaître l’insuffisance du
montant maximal d’indemnisation. Ce qui a amené un certain nombre d’Etats à
proposer de relever les limites de la responsabilité et de l’indemnisation aux termes
des Conventions de 1992.
Le montant maximal payable par le Fonds de 1992 pour un événement survenu avant
le 1er novembre 2003 est de 135 millions de DTS, soit US$ 218 millions.
Ce montant comprend la somme effectivement versée par le propriétaire du navire (ou
son assureur) en vertu de la CLC.
Pour les événements ayant eu lieu après cette date, le plafond est augmenté à 203
millions de DTS, soit US$ 329 millions.
En ce qui concerne la part d’indemnisation, il est important de noter que tous les
demandeurs sont traités sur un pied d’égalité. En effet, si le montant total des
demandes d’indemnisation acceptées dépasse ou risque de dépasser le montant global
d’indemnisation disponible en vertu des Conventions, le montant disponible doit être
réparti entre chaque demandeur au pro rata de sa demande d’indemnisation acceptée,
52 Il s’agit d’un bâtiment de mer ou engin marin, quel qu’il soit, construit ou adapté pour le transport des hydrocarbures en vrac en tant que cargaison. 53 La plus grave marée noire que le Japon ait connue à ce jour a été provoquée par le naufrage, le 2 janvier 1994, d’un pétrolier Russe, le Nakhodka, transportant de Shanghaï (Chine) à Vladivostok (Russie) une cargaison de fuel lourd.
63
et les paiements devront être limités à un pourcentage du montant prévu avec chaque
demandeur.
V. La demande d’indemnisation : un règlement amiable
En vertu de la Convention de 1992 portant création du Fonds, les demandes
d’indemnisations formulées auprès du FIPOL ne peuvent être présentées que devant
les tribunaux de l’Etat partie à cette convention sur le territoire duquel les dommages
ont été causés54.
Mais la grande majorité des demandes d’indemnisation font l’objet d’un règlement
amiable.
En effet, depuis leur création, les Fonds ont eu à traiter quelque 135 sinistres dans 25
pays, ce qui explique l’expérience acquise par le FIPOL.
L’indemnisation par les Fonds se fait pour les mêmes sinistres que ceux visés par la
CLC 92, il s’agit des « dommages de pollution »55 survenus sur le territoire (dont la
mer territoriale et la ZEE ou zone équivalente) d’un Etat membre à la Convention.
Pour être recevables, les demandes doivent donc répondre à certaines conditions, il
s’agit de critères généraux s’appliquant à toutes les demandes d’indemnisation56 :
« • Toute dépense, toute perte ou tout dommage doivent effectivement avoir été
encourus.
• Toute dépense doit se rapporter à des mesures considérées raisonnables et
justifiables.
• Toute dépense, toute perte ou tout dommage ne sont indemnisés que si et pour autant
qu’ils peuvent être considérés comme ayant été causés par une contamination résultant
du déversement.
54 Article 7.1 et suivants de la Convention de 1992 portant création du Fonds. 55 Article I de la Convention internationale de 1992 sur la responsabilité civile. 56 « Manuel des demandes d’indemnisation » éditée par le FIPOL, édition 2005.
64
• Il doit y avoir un lien de causalité raisonnablement étroit entre, d’une part, les
dépenses, la perte ou le dommage visés par la demande et, d’autre part, la
contamination résultant du déversement.
• Un demandeur n’a droit à réparation que s’il a subi un préjudice économique
quantifiable.
• Un demandeur doit prouver le montant de ses dépenses, de sa perte ou de son
dommage en produisant des documents appropriés ou autres éléments de preuve. »
On retiendra ici, que pour être demandeur, il faut, et il suffit, de répondre à ces
critères. En conséquence, un particulier, une association, une société, un organisme
public peuvent se constituer demandeurs.
Le problème qui se pose alors, surtout concernant les particuliers ayant moins de
ressources financières que les sociétés, est celui de savoir à qui doivent être faites les
demandes.
Notons tout d’abord que dans la grande majorité des cas, les particuliers mais aussi les
sociétés et les associations se regroupent afin de faciliter les demandes, leur traitement
et leur évaluation.
La demande doit d’abord être soumise au propriétaire du navire ou à son assureur
responsabilité, notamment les P&I Clubs. En effet, au titre de la CLC 92, le
propriétaire est civilement responsable jusqu’à un certain montant. Le FIPOL
n’intervenant que si le montant maximal dû par le propriétaire est dépassé.
Mais si dès le départ il est raisonnable de penser que les indemnités seront versées par
les deux Conventions, alors les P&I Clubs et le FIPOL coopèrent étroitement. Les
demandes seront donc à envoyer soit au propriétaire ou à son assureur de
responsabilité, soit au Fonds.
Dans ce cas, les correspondants P&I Clubs et le Fonds ouvrent un bureau commun
local des demandes d’indemnisation.
M Stephen James, président de l’International group of P&I Clubs précise à ce sujet
qu’ « il est donc inévitable que les Clubs P&I, qui assurent la responsabilité en
matière de pollution de la majorité des propriétaires de navire dans le monde, aient été
amenés à collaborer étroitement avec le Fonds dès sa création pour la plupart des
65
grands déversements d’hydrocarbures en mer pour enquêter, évaluer et régler toutes
les demandes d’indemnisation auxquelles donne lieu un grave événement de pollution
par les hydrocarbures57 ».
C’est ainsi que pour l’Erika, a été ouvert dès le 12 janvier 2000 un Bureau des
Demandes d’Indemnisations par le FIPOL en collaboration avec le P&I Club du navire
le « Steamship Mutual Association »58.
Les demandes doivent être faites le plus tôt possible après la survenance du sinistre, et,
en cas de non traitement à l’amiable, les demandes sans résultat devront être contestées
devant un tribunal avant le délai de trois ans à compter de la survenance d’un sinistre.
Nous l’avons vu, en 2003, le Comité juridique de l’OMI a relevé de 50,34% les
plafonds d’indemnisation prévus par la Convention de 1992 sur la responsabilité civile
et par la Convention de 1992 portant création du Fonds.
Mais certains Etats ont estimé qu’il ne s’agissait pas d’un accroissement suffisant,
surtout au vu des problèmes d’indemnisation engendrés par un sinistre majeur du type
Erika, et qu’il fallait que les niveaux d’indemnisation soient assez élevés pour garantir
la pleine indemnisation des victimes.
Il a donc été créé un troisième niveau facultatif d’indemnisation par un Fonds
complémentaire, qui, comme le Fonds de 1992, est financé à partir des contributions
versées par les réceptionnaires d’hydrocarbures.
De plus, face à l’effort entrepris par les sociétés pétrolières sur lesquelles pèsent une
plus lourde charge, et donc pour garantir un partage équitable des indemnisations,
l’International Group of P&I Clubs a pensé que les armateurs pétroliers devraient
s’associer aux entreprises pétrolières. Et donc, de même qu’avait été créé le système
57 « Le régime international d’indemnisation : point de vue des assureurs », les 25 ans du FIPOL. 58 « Portée et validité des transactions signées entre le FIPOL et un demandeur à l’indemnisation », DMF n° 692, Mai 2008.
66
TOVALOP en 1969, sont créés les systèmes TOPIA 2006 et STOPIA 2006, qui vont
assurer une contribution des armateurs de navires-citernes à ce nouveau Fonds.
Paragraphe 2. Le Fonds complémentaire et les systèmes TOPIA 2006 et STOPIA 2006
I. Le Fonds complémentaire
Le 3 mars 2005, un troisième niveau d’indemnisation a été mis en place sous
forme d’un Fonds complémentaire créé en vertu d’un Protocole de 2003 à la
Convention de 1992 portant création d’un Fonds international d’indemnisation pour
les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures.
Seuls les Etats membres du Fonds de 1992 peuvent adhérer au nouveau protocole.
A ce jours, 21 Etats l’ont ratifié.
Il est important de noter, que, étant donné qu’il a été mis en place en 2005, le fonds
complémentaire, n’indemnise les victimes qu’au titre des dommages par pollution
survenus dans le cadre de sinistres s’étant produits après 2005.
Le Fonds complémentaire fournit donc une indemnisation qui sera supérieure à celle
prévue par la Convention de 1992 portant création du Fonds.
Grâce à ce troisième niveau d’indemnisation, le montant total d’indemnisation
disponible pour chaque sinistre, au titre des dommages consécutifs à un déversement
d’hydrocarbures persistants en mer survenus dans les Etats membres, des deux
Convention de 1992 et du Protocole de 2003 portant création d’un Fonds
complémentaire est de 750 millions de DTS, soit US$ 1 214 millions.
Donc, étant donné que le Fonds de 1992 portait le plafond d’indemnisation à 203
millions de DTS, on note que, en vertu de ce Fonds complémentaire, les fonds
supplémentaires disponibles pour l’indemnisation d’un sinistre est de 547 millions de
DTS.
67
Comme pour le Fonds de 1992, la Contribution se fait au titre de chaque Etat membre
par toute personne qui a reçu au total, dans les ports et les installations terminales de
cet Etat au cours d’une année civile, plus de 150 000 tonnes d’hydrocarbures
transportés par mer.
Mais la Contribution au Fonds complémentaire ne se fait que si un minimum de 1
million de tonnes d’hydrocarbures donnant lieu à contribution a été reçu chaque année
dans chaque Etat membre.
Enfin, précisons que les critères selon lesquels les demandes d’indemnisation peuvent
être prises en compte pour indemnisation par le Fonds complémentaire sont identiques
à ceux du Fonds de 1992.
En conséquence, ce Fonds complémentaire permettrait que, même dans le cadre des
sinistres des pollutions les plus graves, il soit rarement nécessaire de procéder à une
réduction proportionnelle des paiements pour dommages par pollution. Les
demandeurs devraient pouvoir recevoir dès le début 100% de leur demande
d’indemnisation établie.
Deux accords sont entrés en vigueur le 20 février 2006, l’accord TOPIA et STOPIA,
qui constituent des compléments au mécanisme du Fonds complémentaire.
II. STOPIA 2006 et TOPIA 2006
Tout d’abord, il apparaît utile de préciser que ces deux accords ne modifient en
rien le fait que le Fonds de 1992 et le Fonds complémentaire continuent d’être tenus
d’indemniser les demandeurs conformément à la Convention et à son Protocole.
Ces deux accords vont simplement modifier le régime de contribution du Fonds
complémentaire.
En effet, ces accords prévoient que si, lors d’un accident provoquant une marée noire,
le Fonds complémentaire est amené à produire ses effets, alors le propriétaire du
68
navire en cause remboursera au Fonds complémentaire une partie du montant payé par
ce dernier.
Par l’accord TOPIA59 2006, il est prévu que le propriétaire du navire responsable du
sinistre devra rembourser 50 % des indemnités versées par le Fonds complémentaire à
celui-ci. Cet accord ne concerne que le navires-citernes de grandes dimensions.
D’autre part, l’accord STOPIA60 2006 ne concerne lui, que, les navires-citernes de
petites dimensions, c’est-à-dire ceux dont la jauge brute est égale ou inférieure à 29
548 tonneaux. Par cet accord, il est prévu que le montant maximum de limitation de
remboursement du Fonds complémentaire soit porté, à titre volontaire, à 20 millions de
DTS, soit US$ 32 millions.
L’indemnité est versée directement par le P&I Club du pétrolier responsable au Fonds
complémentaire.
On voit que le but poursuivi est que la participation à la réparation de la part du Fonds
complémentaire soit le plus possible équitable entre les entreprises pétrolières et les
armateurs de navires-citernes.
En effet, devant l’effort financier fourni par l’industrie pétrolière, l’International
Group of P&I Clubs a décidé de prendre toute sa part de responsabilité dans l’effort
d’indemnisation.
Nous venons d’étudier les trois possibles niveaux consécutifs d’indemnisation qui sont
respectivement l’indemnisation par le propriétaire, puis par le Fonds de 1992 et enfin
par le Fonds complémentaire.
Voyons maintenant leur application en ce qui concerne une des dernières grandes
catastrophes de déversement par les hydrocarbures ayant entraîné une marée noire,
celle de l’Erika du 12 décembre 1999.
59 Tanker Oil Pollution Agreement. 60 Small Tanker Oil Pollution Agreement.
69
En Août 2007, 6 998 demandes d’indemnisation avaient été déposées au « Bureau des
demandes d’indemnisation » situé à Lorient.
Le total de ces demande était de € 388,5 millions, dont une demande de € 179 millions
de l’Etat Français pour les opérations de nettoyage qu’il avait pris à sa charge.
Sur toutes ces demandes, seules 1 048 demandes pour un total de € 32 millions ont été
rejetées.
Le montant total dépassant le plafond, l’Etat Français et la compagnie pétrolière se
sont engagées à demander indemnisation que si tous les autres demandeurs étaient
indemnisés de leur préjudice.
Le niveau des paiements destinés aux demandeurs autres que l’Etat français et la
compagnie Total SA a été porté à 100 % en avril 2003.
Le montant présenté par l’Etat française au titre des dépenses engagées par lui pour les
nettoyage est de € 179 millions.
70
Conclusion
Tout au long de notre étude, nous avons pu constater la rigueur avec laquelle la
réglementation impose, au propriétaire des navires-citernes et donc à son assureur,
mais également aux compagnies pétrolières d’assumer les nombreuses conséquences
catastrophiques en matière économique et environnementale d’une marée noire.
Le propriétaire d’un navire-citerne est donc responsable du déversement accidentel
d’hydrocarbures.
Sa responsabilité étant plafonnée à un certain montant, le communauté internationale a
mis en place un régime d’indemnisation par la création de deux Fonds.
Le premier est alimenté seulement par les compagnies pétrolières, étant donné que le
propriétaire du navire a déjà répondu de ses actes. Le second Fonds est alimenté pour
moitié ou en partie par l’industrie pétrolière et pour l’autre partie par les propriétaires
de navires-citernes, ou plus exactement par leur assureur de responsabilité, comme
pour leur régime de responsabilité civile.
Mais une autre préoccupation apparaît avec l’accroissement de la taille des navires.
C’est celle des dégâts pouvant être entraînés par les soutes d’un navire de grande taille
(pas seulement pétrolier) lors d’un accident.
En effet, les soutes des navires sont constituées par des fuels lourds, et donc toxiques
pour l’environnement.
De plus, certains grands navires, comme les nouveaux porte conteneurs de 11 000
EVP, ont des soutes dont la capacité est celle d’un petit pétrolier.
De ce fait, il semble logique que les gouvernements organisent un régime
d’indemnisation compte tenu des dommages que peuvent entraîner de telles soutes.
C’est pourquoi l’Organisation Maritime Internationale a annoncé, en novembre 2008,
l’entrée en vigueur d’une nouvelle convention dite « Convention d’hydrocarbures de
soute », prévoyant une couverture d’assurance obligatoire pour les pollutions par les
hydrocarbures causées en mer par les navires de plus de 1 000 tjb.
71
Celle-ci a été signée à Londres en 2001, et a été ratifiée par 18 pays, représentant un
tonnage brut de un million de tjb.
La France en est actuellement aux travaux préalables61.
Cette convention vise à établir un régime de responsabilité civile et de réparation pour
les dommages causés par les pollutions dues aux combustibles de soutes.
Ce régime complète les deux Conventions de 1969 et leurs protocoles sur la
responsabilité du propriétaire de navires-citernes et sur la constitution des Fonds
d’indemnisation.
Cette convention oblige les navires concernés a avoir un certificat, comme la Blue
Card, à bord qui couvre le risque de pollution de l’environnement de leur soutes.
61 Voir « Le Marin » du vendredi 25 janvier 2008, page 6.
72
Table des annexes
Annexe 1 : Etats Parties à la fois au Protocole de 1992 modifiant la Convention sur la
responsabilité civile et au Protocole de 1992 modifiant la Convention portant création
du Fonds
Annexe 2 : Etats Parties au Protocole de 2003 portant création d’un Fonds
complémentaire international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution
par les hydrocarbures
Annexe 3 : CERTIFICAT D’ASSURANCE OU AUTRE GARANTIE FINANCIÈRE
RELATIVE À LA RESPONSABILITÉ CIVILE POUR LES DOMMAGES DUS À
LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES
Annexe 4 : Exemple de Blue Card délivrée par le P&I Club Assuranceforeningen Gard
73
Annexes Annexe 1 :
Etats Parties à la fois au Protocole de 1992 modifiant la Convention sur la
responsabilité civile et au Protocole de 1992 modifiant la Convention portant
création du Fonds
Au 15 mai 2008
Source : FIPOL
74
Annexe 2 : Etats Parties au Protocole de 2003 portant création d’un Fonds complémentaire
international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les
hydrocarbures
Au 15 mai 2008
Source : FIPOL Annexe 3 :
CERTIFICAT D’ASSURANCE OU AUTRE GARANTIE FINANCIÈRE RELATIVE À LA RESPONSABILITÉ CIVILE
POUR LES DOMMAGES DUS À LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES
75
Annexe 4 :
Exemple de Blue Card délivrée par le P&I Club Assuranceforeningen Gard
76
Source : Gard
77
Bibliographie Ouvrages R. RODIERE, E. DU PONTAVICE, Droit maritime, 12ème éd., 1997 P. BONASSIES, C. SCAPEL, Traité de droit maritime, LGDJ L. KHODJET EL KHIL, La pollution de la mer Méditerranée du fait du transport maritime de marchandises, Bibliothèque du Centre de droit maritime et des transports J-P BEURIER, P. CHAUMETTE, G PROUTIERE MAULION, Droit maritime Tome III, Exploitation et protection de l’Océan Colloque, Le Transport des produits pétroliers par mer, Avant-propos C. SCAPEL, p.51 Bruno DABOUIS Périodiques Le Droit Maritime Français, DMF JurisClasseur, LexisNexis Mémoire « La couverture et l’indemnisation des risques de pollution marine par les P&I
Clubs », Julie Mangiante, Mémoire CDMT 2001.
Articles
« Portée et validité des transactions signées entre le FIPOL et un demandeur à
l’indemnisation », DMF n°692, Mai 2008.
« Réflexion de l’Académie de Marine sur la prévention des catastrophes maritimes »,
DMF n°637 du 1er mai 2003.
« Le régime international d’indemnisation des victimes des marées noires en pleine
évolution », DMF n°652, 1er octobre 2004.
78
« Faut-il réformer le régime d’indemnisation des dommages de pollution par
hydrocarbures ? » Extrait d’une allocution prononcée le 3 avril 2003 devant
l’assemblée générale de l’Association Française du Droit Maritime (AFDM), DMF
n°637 du 1er mai 2003.
« Après l’Erika : les quatre niveaux de réparation des dommage résultant d’une
pollution maritime par hydrocarbures », M. le Professeur Pierre Bonassies, Revue de
Droit Commercial, Maritime, Aérien et des Transports, 2000, p. 143
Sites Internet
Site Internet du FIPOL, fr.iopcfund.org Site Internet du Ministère de l’équipement, www.equipement.gouv.fr Site Internet des Armateurs de France, www.armateursdefrance.org Site Internet de Greenpeace, www.greenpeace.org/france Site Internet du procès de l’Erika, www.proces-erika.org Site Internet de l’Association Française des Capitaines de navires, www.afcan.org Site Internet de l’Assemblée Nationale, www.assemblee-nationale.fr Site Internet du Monde, www.lemonde.fr Site Internet du CEDRE, www.cedre.fr Site Internet Marée Noire, www.maree-noire.com Site Internet de l’Institut Supérieur d’Economie Maritime de Nantes/Saint-Nazaire, www.isemar.asso.fr Site Internet de l’hebdomadaire Le Marin, www.lemarin.fr Site Internet de France-Info, www.france-info.fr
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Table des matières
Résumé ......................................................................................................................... 1
Remerciements.............................................................................................................. 3
Sommaire...................................................................................................................... 4
Liste des abréviations.................................................................................................... 5
Introduction................................................................................................................... 6
Partie I Les marées noires et les assurances de responsabilité ............................. 14
Chapitre 1 La pollution accidentelle par les hydrocarbures .......................... 14
Paragraphe 1. Historique des marées noires ................................................. 15
Paragraphe 2. Préjudice matériel et écologique et coûts de nettoyage.......... 19
Chapitre 2 Les assureurs de responsabilité.................................................... 24
Paragraphe 1. Les Protecting and Indemnity Clubs ...................................... 25
I. Histoire des P&I Clubs........................................................................ 25
II. L’organisation des Clubs..................................................................... 27
III. Le fonctionnement des Clubs .......................................................... 28
IV. les garanties proposées par les Clubs............................................... 30
A. Les garanties classiques................................................................... 30
1) Les garanties couvrant les dommages à la cargaison................... 30
2) Les garanties liées aux personnes victimes du fait de l’armateur 30
3) Les garanties liées aux événements de mer ................................. 32
a) Le cas de l’abordage ................................................................. 32
b) Le cas du naufrage.................................................................... 32
c) Le remorquage.......................................................................... 32
B. la lettre de garantie .......................................................................... 33
C. Les garanties P&I Clubs relatives à un dommage par hydrocarbures
33
Paragraphe 2. Les assurances des responsabilité françaises.......................... 36
I. Les risques couverts hors risques de pollution .................................... 37
II. La couverture du risque de pollution par les hydrocarbures ................ 38
80
III. Les plafonds de garantie.................................................................. 39
IV. Le cas des extensions de garantie de l’assurance corps ................... 39
Partie II Le régime d’indemnisation des victimes de marée noire..................... 42
Chapitre 1 La responsabilité civile du propriétaire de pétroliers................... 42
Paragraphe 1. La responsabilité de l’armateur pour les dommages par
pollution. 44
I. Présentation......................................................................................... 44
II. La Convention internationale de 1992 sur la responsabilité civile pour
les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures............................... 48
A. Le champ d’application de la Convention ....................................... 48
B. Une responsabilité objective............................................................ 50
C. La canalisation de la responsabilité de l’armateur ........................... 50
D. Une responsabilité limitée ............................................................... 53
E. L’assurance de responsabilité obligatoire........................................ 54
Chapitre 2 Les Fonds d’indemnisation......................................................... 58
Paragraphe 1. Le Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus
à la pollution par les hydrocarbures................................................................. 58
I. La structure du FIPOL......................................................................... 59
II. Financement du Fonds de 1992........................................................... 60
III. Le rôle du FIPOL, une indemnisation complémentaire ................... 61
IV. Le montant des indemnisations ....................................................... 62
V. La demande d’indemnisation : un règlement amiable ......................... 63
Paragraphe 2. Le Fonds complémentaire et les systèmes TOPIA 2006 et
STOPIA 2006 66
I. Le Fonds complémentaire ................................................................... 66
II. STOPIA 2006 et TOPIA 2006 ............................................................ 67
Conclusion .................................................................................................................. 70
Table des annexes ....................................................................................................... 72
Annexes ...................................................................................................................... 73
Bibliographie .............................................................................................................. 77
81
Table des matières....................................................................................................... 79