IDéfaillances
respiratoires aiguës
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FICHE
Fiches Médecine intensive, réanimation, urgences et défaillances viscérales aiguës© 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
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1. Définitions
• Insuffisance respiratoire aiguë (IRA) : syn-drome défini par une altération aiguë de l'hé-matose en rapport avec la défaillance d'un ou plusieurs composants du système respiratoire (voies aériennes, parenchyme pulmonaire, plèvre, vaisseaux, muscles respiratoires et commande respiratoire). Deux types :– IRA hypoxémique ou de type I : pression
partielle en O2 (PaO2) < 60 mmHg ;– IRA hypercapnique ou de type II : pression
partielle en CO2 (PaCO2) > 45 mmHg asso-ciée ↓ pH traduisant l'acidose respiratoire.
• Détresse respiratoire aiguë (DRA) : tableau clinique respiratoire aigu engageant le pro-nostic vital.
2. Physiopathologie
• Atteinte de la fonction d'échange respiratoire avec 6 mécanismes impliqués dans l'hypoxémie :– réduction de la pression inspirée en oxygène ;– shunt droit-gauche vrai ;– effet shunt par inadéquation des rapports
ventilation/perfusion ;– trouble de la diffusion ;– hypoventilation alvéolaire ;– réduction de la saturation en oxygène du
sang veineux mêlé.• Atteinte de la fonction de pompe pulmonaire :
– soit primitive par atteinte de la commande respiratoire ou atteinte neuromusculaire respiratoire ;
– soit secondaire à la fatigue des muscles res-piratoires, conséquence de l'augmentation du travail respiratoire induite par la cause de la DRA.
• Anomalie du transport de l'oxygène (TaO2) :– TaO2 = CaO2 × IC ;
- avec IC, index cardiaque en l.min− 1.m− 2 ;- et CaO2, concentration artérielle en oxy-
gène en ml d'O2.l− 1 :
CaO2 = (SaO2 × Hb × 1,34) + (PaO2 × 0,003),avec SaO2, saturation artérielle de l'hémoglo-bine en oxygène ; Hb, concentration d'hémoglo-bine sanguine (g/l), PaO2 en mmHg.
3. Diagnostic positif de DRA : clinique
3.1. Signes de détresse respiratoire
Dyspnée +++ avec signes de gravité : polypnée > 30/min ou bradypnée < 15/min avec risque d'arrêt respiratoire imminent.• Signes de lutte (augmentation anormale du
travail respiratoire) :– Tachypnée ;– tirage = mise en jeu des muscles inspiratoires
accessoires : contraction des muscles cervicaux (sternocléidomastoïdien, scalènes), dépres-sion inspiratoire sus-sternale et sus-clavicu-laire, signe de Campbell (raccourcissement inspiratoire de la trachée extrathoracique) ;
– contraction expiratoire des muscles abdomi-naux.
• Signes de fatigue ventilatoire (défaillance neuromusculaire du système respiratoire) :– signes d'hypercapnie ;– respiration paradoxale : dépression inspi-
ratoire du creux épigastrique avec asyn-chronisme thoraco-abdominal traduisant la défaillance diaphragmatique ;
– difficulté pour parler, toux inefficace : tra-duisant la diminution du débit expiratoire dans les voies aériennes ;
Insuffisance respiratoire aiguëUE 7 / ITEM 199, UE 11 / ITEMS 333, 354, 355
Objectifs pédagogiquesItem 199– Diagnostiquer une dyspnée aiguë chez l'adulte (et l'enfant).Item 333– Diagnostiquer un œdème de Quincke et une anaphylaxie.– Prise en charge immédiate préhospitalière et hospitalière (posologies).Item 354– Diagnostiquer un corps étranger du carrefour aérodigestif et des voies aériennes.– Diagnostiquer une détresse respiratoire aiguë du nourrisson, de l'enfant et de l'adulte.– Identifier les situations d'urgences et planifier leur prise en charge préhospitalière et hospitalière.Item 355– Diagnostiquer une insuffisance respiratoire aiguë.– Connaître les principes de la prise en charge en urgence.
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Fiche 1. Insuffisance respiratoire aiguë
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– pouls paradoxal : ↓ inspiratoire de la PAS de plus de 20 mmHg, traduisant les variations de pression intrathoracique liées aux efforts respiratoires.
• Signes d'hypoxémie : cyanose prédominant aux extrémités, voire des troubles de conscience allant jusqu'au coma et l'arrêt cardiorespiratoire.
• Signes d'hypercapnie : céphalées, astérixis ou flapping tremor, somnolence jusqu'au coma, désorientation, confusion, hypertension arté-rielle, vasodilatation cutanée, hypercrinie (sueurs, hypersialorrhée, encombrement).
3.2. Signes de gravité liés au retentissement de la détresse respiratoire aiguë
• Signes cardiovasculaires :– hémodynamique : tachycardie > 120/minute,
hypotension, marbrures, temps de recolora-tion cutanée > 3 s ;
– cœur pulmonaire aigu : turgescence jugu-laire, hépatomégalie douloureuse, reflux hépatojugulaire, signe de Harzer (percep-tion anormale des battements du ventricule droit dans le creux épigastrique) ;
– hypertension artérielle pulmonaire : éclat du B2 au foyer pulmonaire, souffle systo-
lique sous-sternal d'insuffisance tricuspi-dienne (signe de Carvalho).
• Signes neuropsychiques : agitation, confusion, délire, hallucination, obnubilation, coma, convulsions.
4. Classification et étiologies
4.1. Classification
La détresse respiratoire aiguë est classée en 4 groupes :• DRA hypoxémique isolée (type I) par inadé-
quation de la ventilation/perfusion, shunt ou trouble de diffusion ;
• DRA hypercapnique (type II) par hypoventila-tion alvéolaire ;
• DRA avec hypoxie tissulaire sans hypoxémie par anomalie de transport O2 (anémie, sepsis, choc) ou altération de la respiration cellulaire (intoxi-cation au monoxyde de carbone, au cyanure) ;
• DRA sans hypoxémie sans hypoxie tissulaire (obstruction des VAS, trachée ou bronches, DRA psychogène, syndrome d'hyperventilation).
4.2. Étiologie
Détresse respiratoire aiguë
Obstruction des VAS
Radiographie de thorax
« Normale »
Anomalies parenchymateuses
Anomalies pleurales
PaCO2 - Bicarbonates
Atélectasie
Normaux oudiminués
Asthme aigu graveEmbolie pulmonaire
Atteinte neuromusculaire respiratoire
Décompensation de BPCOAnomalies de la paroi thoracique (obésité
morbide, cyphoscoliose)
Épanchement pleural compressifPneumothorax
Pneumopathie infectieuseŒdème pulmonaire lésionnel ou non
Exacerbation de pneumopathieinterstitielle diffuse
Non
Non
Non
Oui
Oui
Prise en charge immédiate symptomatique• Oxygénothérapie au MHC (objectif SpO2 : 90–95 %)• Pose d'une VVP• Monitoring scopé avec FC, PA et SpO2
Fig. 1.1. Algorithme : diagnostic étiologique devant une DRA.Source : CEMIR.
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Fiche 1. Insuffisance respiratoire aiguë
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5. Paraclinique
• SpO2.• GDS et lactate artériels (type de DRA/gra-
vité : pH < 7,35, PaO2 < 60 mmHg, PaCO2 > 45 mmHg, lactate).
• Radiographie de thorax de face.• NFS (anémie, polyglobulie, leucocytose, leuco-
pénie, thrombopénie).• Biomarqueurs : biomarqueurs cardiaques (tro-
ponine, BNP, NT-proBNP)/procalcitonine.• ECG : arythmie, troubles de la repolarisation
(OAP, embolie pulmonaire).• Échocardiographie transthoracique.• Fibroscopie bronchique : prélèvements
microbiologiques, ou obstruction des voies aériennes.
• Prélèvements microbiologiques (suspicion d'in-fection).
• Scanner thoracique (embolie pulmonaire, atteinte parenchymateuse,...).
• Scanner cervical en cas de suspicion d'obstruc-tion des voies aériennes supérieures.
6. PEC préhospitalière : urgence thérapeutique
• Appel du SAMU.• Libération des VAS si besoin : nettoyage de
la bouche au doigt (à éviter si corps étranger pour éviter d'aggraver la situation), 5 claques dorsales puis manœuvre de Heimlich (si corps étranger).
• Oxygénothérapie au MHC (objectif de SpO2 entre 90 et 95 %).
• Pose d'une VVP.• Monitoring scopé avec FC, PA et SpO2.• Traitement étiologique si le diagnostic est
évident et le traitement réalisable en préhos-pitalier (diurétiques pour un OAP, bronchodi-latateur pour l'asthme…).
7. PEC hospitalière
• Hospitalisation en réanimation ou en soins inten-sifs en fonction de la gravité et de l'évolution.
• Ventilation mécanique.• VNI avec un masque nasobuccal en cas d'OAP,
d'exacerbation de BPCO avec acidose respi-ratoire, de DRA hypoxémique de l'immuno-déprimé, d'hypoxémie postopératoire, en l'absence de contre-indication.
• Intubation et ventilation invasive en cas de : SpO2 < 90 % sous O2 ou VNI, de troubles de conscience, de choc incontrôlé, d'inefficacité ou de contre-indication à la VNI.
• Traitement étiologique et des facteurs de décompensation au cours des DRA hyper-capniques.
8. Cas particulier : œdème de Quincke
8.1. Diagnostic
• Tuméfaction cutanée de taille variable mal limitée, ferme, non érythémateuse, peu pruri-gineuse, responsable d'une sensation de ten-sion cutanée.
• Atteinte cutanéomuqueuse (hypodermique) avec une prédilection pour le visage.
• Risque d'asphyxie par œdème laryngé.• Recherche de signes cliniques d'anaphylaxie.
• Diagnostic différentiel principal : œdème angioneurotique, lié à un déficit en inhibiteur de la C1 estérase (épisodes récidivants d'an-gio-œdème sans urticaire superficielle).
8.2. Prise en charge immédiate
• Prise en charge préhospitalière : urgence vitale :– éviction de l'allergène, O2 au MHC, pose de
VVP de gros calibre, monitoring scopé ;– adrénaline IM (bras ou cuisse) 0,01 mg/kg
(enfant) ou 0,3 à 0,5 mg (adulte), à répéter si besoin au bout de 15 minutes en l'absence d'amélioration ;
– antihistaminique H1 par voie intraveineuse : dexchlorphéniramine maléate (Polaramine®) IV ou IM 1 ampoule de 5 mg chez l'adulte et l'enfant de plus de 30 mois ;
– corticothérapie intraveineuse ou IM : méthylprednisolone (Solumedrol®) 1 mg/kg ;
– appeler le SAMU pour hospitalisation et surveillance.
• Prise en charge SAMU et hospitalière :– hospitalisation en réanimation : O2 au
masque à haute concentration (MHC) ± intubation et ventilation mécanique en pré-sence d'un ORL ;
Tableau 1.1. Grades de sévérité clinique des réactions d'hypersensibilité immédiate d'après Ring et Messmer.
Grades de sévérité
Symptômes
I Signes cutanéomuqueux isolés (prurit, urticaire, flush, angio-œdème)
II Atteinte multiviscérale modérée (rhinorrhée, dyspnée, tachycardie, nausée, vomissement, douleur abdominale, diarrhée)
III Atteinte mono- ou multiviscérale sévère menaçant la vie et imposant un traitement spécifique
IV Arrêt cardiaque
Source : d'après Ring J, Messmer K. Incidence and severity of anaphylactoid reactions to colloid volume substitutes. Lancet 1977 ; i : 466–9.
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Fiche 1. Insuffisance respiratoire aiguë
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– monitoring scopé car risque de réaction biphasique dans les 24 h (20 % des cas) ;
– poursuite du traitement corticoïde IV et antihistaminique H1 IV ;
– dosage de la tryptase et de l'histamine sériques (marqueurs de l'anaphylaxie) dans les 30 min-2 h suivant le début des symp-tômes (2 tubes de sang sec et EDTA) ;
– prévoir le bilan étiologique.
8.3. Traitement préventif
• Déclaration de l'accident au centre de phar-macovigilance si origine médicamenteuse.
• Éviction de l'allergène.• Éducation du patient et/ou de ses proches.
• Remettre au patient :– carte d'allergique signalant la (les) sensibili-
sation(s) et leur niveau de sévérité ;– liste de médicaments et/ou d'aliments
contenant l'agent causal ;– plan d'action écrit individualisé expliquant
la conduite à tenir en cas de manifestations allergiques ;
– insister ++ sur la précocité d'administration de l'adrénaline en cas d'aggravation rapide des symptômes ;
– trousse de secours : antihistaminiques, bronchodilatateurs, kit d'adrénaline auto-injectable.
• Prévenir le médecin traitant.• Suivi allergologique.
Questions isoléesQI 1Parmi les propositions suivantes concernant les causes de l'effet shunt, laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ?
❒ A - asthme ❒ B - altitude ❒ C - bronchopneumopathie chronique obstructive ❒ D - pneumopathie ❒ E - coma
QI 2Parmi les propositions suivantes concernant le paramètre quantitativement le plus négligeable dans le transport sanguin en oxygène, laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ?
❒ A - fréquence cardiaque ❒ B - volume d'éjection systolique ❒ C - pression partielle artérielle en oxygène ❒ D - saturation artérielle de l'hémoglobine en oxygène ❒ E - anémie
QI 3Parmi les propositions suivantes concernant une détresse respiratoire aiguë sans foyer pleuroparenchymateux, laquelle (lesquelles) est (sont) exacte(s) ?
❒ A - le syndrome de Guillain-Barré n'entraîne jamais de détresse respiratoire
❒ B - la présence d'une élévation des bicarbonates peut témoigner d'une hypercapnie chronique et donc d'une éventuelle pathologie respiratoire chronique sous-jacente
❒ C - l'hypercapnie avec un pH normal oriente plutôt vers une atteinte respiratoire aiguë de novo que vers la décompensation aiguë d'une pathologie respiratoire chronique
❒ D - l'obésité morbide peut décompenser sur un mode « hypercapnique » de pathologie respiratoire chronique
❒ E - une décompensation de myasthénie peut entraîner une détresse respiratoire sans signe de lutte évident
RéponsesQI 1A C D – L'effet shunt traduit une inadéquation des rapports ventilation-perfusion avec schématiquement des zones bien perfusées mais mal ventilées, réduisant l'oxygénation du sang provenant des artères pulmonaires.
QI 2C – La TaO2 normale est égale à 600 ml.min− 1.m− 2, et sa formule de calcul : TaO2 = CaO2 × IC avec IC, index cardiaque en l.min− 1.m− 2 ; CaO2, concentration artérielle en oxygène en ml d'O2.l
− 1.
D'après la relation CaO2 = (SaO2 × Hb × 1,34) + (PaO2 × 0,003), l'oxygène dissous (PaO2 × 0,003) représente une quantité presque négligeable par rapport à l'oxygène lié à l'hémoglobine (SaO2 × Hb × 1,34), et une SaO2 de 90 % garantit une CaO2 correcte, ce qui en fait un objectif thérapeutique majeur de l'oxygénothérapie.
QI 3B D E – Certaines affections neurologiques peuvent entraîner des atteintes respiratoires chroniques ou aiguës : atteintes supraspinales (traumatisme crânien, lésions vasculaires
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Fiche 1. Insuffisance respiratoire aiguë
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du tronc cérébral, ischémiques ou hémorragiques, tumorales), atteintes spinales (traumatisme médullaire, lésions vasculaires de la moelle épinière, ischémiques ou hémorragiques, atteinte du motoneurone au niveau de la corne antérieure : sclérose latérale amyotrophique),
atteintes radiculaires bilatérales (traumatisme du rachis, inflammatoire type syndrome de Guillain-Barré), neuropathies périphériques (atteignent exceptionnellement les nerfs phréniques), atteinte de la jonction neuromusculaire type myasthénie et les myopathies.
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