tic&socitVol. 4, n 2 | 2010 :Industries cratives avec ou sans TIC ?
Industries, conomie crativeset technologies dinformation etde communication PHILIPPE BOUQUILLION
Rsums
Cet article v ise questionner les relations complexes entre les industries et lconomiecrativ es, dun ct, et les Tic, de lautre. Linterrogation porte galement sur lesnotions. En quoi les dbats et les enjeux que suscitent ces notions sont-ils lis,complmentaires ou concurrents? En somme, face aux Tic, de quelles nouv eauts oucontinuits- sont porteuses les thmatiques des industries et de lconomie crativ es?Premirement, si ces thmatiques apparaissent dans les annes 1 990 au Roy aume-Uni en continuit av ec les enjeux soulev s par les Tic, elles mettent laccent sur ladfense des droits de la proprit intellectuelle et le rle central de ces derniers danslconomie des anciens pay s industriels. Deuximement, lanaly se des discours sociauxsur les industries et lconomie crativ es montre quils sont porteurs dune analy sespcifique sur les enjeux de la crativ it dans les socits et les conomiquescontemporaines. Troisimement, la notion dindustries crativ es interroge de manireoriginale les processus de marchandisation et dindustrialisation luv re au sein desindustries de la culture.
This article questions the complex relationship between the creativ e industries andthe creativ e economy , on one hand, and ICTs, on the other. We ask how the debatesand challenges that these concepts raise are connected, complementary or riv al? Inshort, what nov elties - or continuities - support the themes of the creativ e industriesand economy ? In the first place, although these themes appeared in the 1 990s in theUnited Kingdom in continuity with the stakes raised by ICT, their emphasis on thepromotion of intellectual property rights play s a central role in the economy of the oldindustrial nations. Secondly , an analy sis of social discourse on the creativ e industriesand economy shows that they promote a specific analy sis on issues inv olv ingcreativ ity in contemporary societies and economies. Thirdly , the notion of creativ eindustries questions, in a original way , the processes of industrialization within thecultural industries.
Este artculo pretende interrogar las relaciones complejas entre las industriascreativ as y la economa creativ a, de un lado, y Tecnologa de Informacin y deComunicacin, de la otra. La interrogacin tambin se refiere en las nociones. En qulos debates y las puestas que suscitan estas nociones son complementarios o
competidores? En suma, frente a Tic, de cules nov edades - o continuidades sonportadoras las temticas de las industrias creativ as y de la economa creativ a?Primero, si estas temticas aparecen en los aos 1 990 en el Reino unido encontinuidad con las puestas indignadas por Tic, ponen el nfasis en la defensa de losderechos de la propiedad intelectual y el papel central de estos ltimos en la economade los antiguos pases industriales. En segundo lugar, el anlisis de los discursossociales las industrias creativ as y a la economa creativ a muestra que son portadoresde un anlisis especfico sobre las puestas de la creativ idad en las sociedades yeconmicos contemporneas. En tercer lugar, la nocin de industrias creativ asinterroga los procesos de industrializacin quines estn en proceso en el seno de lasindustrias cultural.
Entres d'index
Index par mots-cls : Industries crativ es, conomie crativ es, industries culturelles,
industries de la communication, technologies dinformation et de communication.
Index by keywords : Creativ e industries, creativ e economy , cultural industries,
communication industries, information technology and communication.
Indice de palabras claves : Las industrias creativ as, la economacreativ a, las
industrias culturales, industrias de la comunicacin, tecnologas de la informaciny la
comunicacin.
Texte intgral
Introduction
Les notions dindustries cratives et dconomie cratives sont encore peu
prsentes en France dans les discours officiels. En revanche, ces thmatiques
connaissent un succs certain en dehors de lhexagone, en Europe ou en
Australie, mais aussi, quoique dans une moindre mesure, en Amrique du Nord,
ainsi que dans des pay s dits mergents, notamment en Chine et en Inde.
Diffrentes institutions internationales, en particulier lUnited Nation
Educational, Scientific and Cultural Organization (UNESCO) ou la Confrence des
Nations unies sur le commerce et le dveloppement (CNUCED sen sont
empares. Ces activ its sont alors dcrites comme des axes importants de
dveloppement. De mme, dans les anciens pay s industrialiss, pay s o le cot
de la main duvre est lev, les industries cratives sont env isages comme un
vecteur essentiel de sortie de crise . Elles constitueraient un nouveau
domaine de spcialisation conomique dans le cadre dune conomie
mondialise. Alors que les activ its manufacturires issues de la premire et de
la seconde rvolutions industrielles se dlocaliseraient en direction des pay s
mergents, les activ its qui reposent sur l intelligence , les ides et la
crativ it pourraient rester lapanage des anciens pay s industrialiss.
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Les notions dindustries cratives et dconomie cratives sont difficiles
cerner. Il est gnralement affirm que diverses activ its pourraient tre
regroupes dans la mme catgorie, les industries cratives , au motif que la
cration jouerait un rle central dans leur production et leur valorisation. Lies
des savoirs et des savoir-faire complexes, supposment spcifiques un
territoire donn, ces activ its prsenteraient un fort ancrage territorial,
produiraient une importante valeur ajoute et, enfin, seraient hautement
2
cratrices demplois. Telle est, schmatiquement rsume, la proposition
centrale sur laquelle repose la notion dindustries cratives.
La notion dconomie crative, quant elle, dsigne lextension, la quasi
totalit de lconomie, des procs socio-conomiques luvre, notamment
dorganisation du travail ou des modalits de cration, dans les industries
cratives. David Throsby (2001), un conomiste, va ainsi dcrire lconomie
crative comme une suite de cerces concentriques. Au cur se trouvent les arts
et les industries cratives puis, dans les cercles qui suivent, sont places les
autres activ its en fonction du rapport, plus ou mois important, quelles
entretiennent avec la crativ it. Cette reprsentation va connatre un trs grand
succs, en particulier dans les dfinitions officielles des industries cratives qui
se succdent depuis le dbut des annes 2000.
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Pourquoi les notions dindustries et dconomies cratives connaissent-elles
un succs si important sur le plan international depuis le milieu des annes
2000 ? Comment et pourquoi ces notions se sont-elles fray es un chemin jusqu'
arriver lagenda dinstitutions, notamment lUnion Europenne, les Nations
Unies ou un ensemble de gouvernements travers le monde, dans un contexte
o la concurrence avec dautres notions et dautres idologies est trs forte ?
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En effet, des notions, ou des propositions idologiques antrieures, par
exemple la socit de linformation , la socit de la connaissance et, plus
encore, l conomie immatrielle toutes clairement lies aux technologies
dinformation et de communication (Tic)- et toutes aussi floues que les notions
dindustries et dconomie cratives auraient pu accueillir les discours lis la
crativ it. Par exemple, Maurice Lvy et Jean-Pierre Jouy et, dfenseurs de
lconomie immatrielle, affirment, dans leur rapport au ministre de lEconomie
et des Finances en mars 2006, que les ides forment un capital productif
intangible primordial : Cest dsormais la capacit innover, crer, des
concepts et produire des ides qui est devenue lavantage comptitif essentiel.
Au capital matriel a succd, dans les critres essentiels du dy namisme
conomique, le capital immatriel. (Lvy , Jouy et, 2006)
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Lampleur du dploiement des discours relatif la crativ it, aux industries et
lconomie cratives est dautant plus surprenante que les activ its lies aux
Tic sont dune taille conomique et financire bien suprieure celle des
activ its culturelles. Une comparaison, mme rudimentaire, entre, dun ct, les
industries de la culture1 , y compris largies au design, aux jeux et, dun autre
ct, les industries de la communication qui rassemblent diverses activ its
troitement lies aux Tic et, en particulier, les industries du Web, des
tlcommunications et des matriels lectroniques grand public montrent que
les secondes sont beaucoup plus importantes sur les plans conomiques et
financiers. Les tailles des marchs et celles des principaux acteurs industriels au
regard des chiffres daffaires, des taux de bnfices et, plus encore, de la
valorisation boursire sont sans commune mesure lavantage des industries de
la communication.
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Face une telle disproportion, on pourrait estimer que les enjeux sociaux
suscits par la culture ou la crativ it culturelle ou esthtique sont
vraisemblablement moindres que ceux qui sont gnrs par les Tic. Aussi, le
dveloppement dimportants discours, dactions et de politiques de la part des
institutions publiques et politiques, des acteurs socio-conomiques mais aussi
de la part dexperts, de consultants ou de chercheurs est certainement le signe
que des enjeux spcifiques sont luvre. Et, dans le mme temps, il apparat
7
Lmergence des notionsdindustries et dconomie cratives
Le temps de lmergence
v ident que les Tic jouent un rle essentiel dans ces discours, actions et
politiques relatives aux industries et lconomie cratives. Il est frquemment
soulign qu travers la numrisation de la chane dans les industries de la
culture, depuis la cration jusqu la valorisation ou la consommation, limpact
des Tic est trs fort. De surcrot, les Tic tant aussi des industries, que lon peut
nommer les industries de la communication, cest--dire les industries du Web,
des tlcommunication ou de la fabrication de matriels lectroniques, les
articulations entre, dun ct, les industries de la culture mme largies au
design, aux jeux ou la mode et , de lautre les industries de la communication,
sont clairement au cur de notre sujet.
Afin de mieux comprendre les relations complexes entre les industries et
lconomie cratives, dun ct, et les Tic, de lautre, et en quoi ces propositions
et les dbats quelles occasionnent sont lis, complmentaires ou concurrents,
en quoi les enjeux sont spcifiques ou semblables, nous pourrons procder en
trois temps. Nous pourrons alors prsenter les diffrents articles de cette
livraison de la revue Tic et socit.
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Tout dabord, il convient dtudier les premiers dveloppements des notions
dindustries et dconomie cratives, ensuite, de sintresser aux discours
sociaux, notamment aux rapports officiels en Europe consacrs ces thmes et,
enfin, daborder les enjeux scientifiques poss par ces deux notions.
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Deux temps peuvent tre distingus dans lmergence des notions dindustries
et dconomie cratives qui se droule entirement au Roy aume-Uni.
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Durant la premire priode, les deux notions se dveloppent en parallle et
elles apparaissent comme les hritires directes des dbats et propositions lies
aux Tic. Toutefois, des dfinitions des industries cratives sont progressivement
construites en lien avec des enjeux industriels spcifiques.
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Cest au Roy aume-Uni que la notion dindustries cratives apparat durant les
annes 1990 et tend substituer, du moins dans les rapports officiels, celle
dindustries culturelles. Les notions dindustries et dconomie cratives se sont
construites conjointement. Selon Nicolas Garnham (2001), les racines de cette
thmatique sont lies aux dploiements des perspectives no-librales dans le
Roy aume-Uni des dcennies 1980 et 1990 dans une articulation avec le
dveloppement des Tic. Nicolas Garnham sintresse, en particulier, l'volution
de la position officielle du parti travailliste sur ces questions entre le dbut des
annes 1980 et l'arrive au pouvoir du New Labour, en 1997 . Il montre que ce
nouveau paradigme socio-conomique est alors bas autour des technologies de
communication numriques : la production ne serait plus essentiellement
d'ordre matriel mais elle relverait de l'intangible. Cette conception est
redevable aux think-tanks des conservateurs. En 1983, le gouvernement de
Margaret Thatcher avait en effet command un rapport officiel Making a
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business of Information. Les industries lies aux Tic et la crativ it sont
prsentes comme le secteur le plus porteur de croissance. Le rapport souligne,
en outre, que les deux priorits de l'action publique doivent tre, dune part, de
promouvoir la formation et l'efficacit des travailleurs cratifs et, dautre part,
de faire observer les lois sur la proprit intellectuelle, maillon clef de la
valorisation.
De mme, les agences de communication, et les consultants britanniques,
jouent un rle fondamental dans lmergence de ces notions. Le terme v illes
cratives a t cr ou, du moins, install dans le discours de lamnagement
urbain international la suite des propositions de lagence Comedia et de son
emblmatique fondateur, Charles Landry . Des auteurs tel Richard Florida ont
ensuite cautionn cette notion, lont dveloppe et construite sur le plan
thorique. En 2002, Florida affirme dans The Rise of the Creative Class que le
dy namisme conomique et social dun territoire est li la prsence dartistes,
dcrivains, dacteurs, de designers ou darchitectes, autant qu celle de
scientifiques, ingnieurs et intellectuels et que, par consquent, les v illes
devraient se doter des quipements et infrastructures les mieux mme dattirer
ces ty pes dhabitants. Dans les trois T proposs par Richard Florida figure la
technologie , outre le talent et la tolrance . Depuis, cette notion sest
largement rpandue, et notamment dans les pay s mergents ou en
dveloppement. En avril 2008, La CNUCED a publi un document tentant de
mesurer le degr de dveloppement de lconomie crative dans le monde,
Creative Economy Report 2008. The Challenge of assessing the creative
economy: towards informed policy making.
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Pour autant, les notions dindustries cratives et dconomies cratives sont
distinguer afin de comprendre les enjeux non rductibles aux Tic poss par la
question des industries cratives. En effet, la perspective centrale, qui consiste
miser sur des produits issus d ides , implique quil soit possible de protger
juridiquement ces ides lorsquelles dev iennent des produits commercialisables.
Ainsi, la question des industries cratives est insparable dune volont de
dfendre les droits de la proprit intellectuelle et, mme, de les tendre des
domaines qui auparavant ne pouvaient pas en bnficier. Gatan Tremblay
crit : Linclusion dans un mme univers des industries culturelles et dautres
industries comme le software et le design prsente un double avantage. Dune
part, il permet toutes les activ its v ises de bnficier du prestige qui aurole
le travail des artistes et, dautre part, dafficher un volume daffaires et un taux
de croissance exceptionnels, attribuables surtout au domaine du software et des
jeux v ido. (Tremblay , 2008, p.7 6). Il note au sujet de lextension
internationale du thme des industries cratives : Par-del les bons
sentiments, cette initiative a galement pour objectif dtendre et de renforcer la
reconnaissance de la proprit intellectuelle et dinciter les diffrents ordres de
gouvernement faire respecter le paiement des droits dauteur ou de proprit
industrielle. Une stratgie dinclusion pour faire respecter les rgles du jeu, y
compris par les pay s qui reproduisent plus quils ne crent. (2008, p.80)
14
Ainsi, cest dans la perspective de la dfense des droits de la proprit
intellectuelle, quil faut comprendre les tentatives successives de dfinition du
champ des industries cratives. Concrtement, en 2001, le ministre
britannique de la Culture, des Mdias et des Sports, The UK Government
Department for Culture, Media and Sport (D.C.M.S.), dfinit ainsi les industries
cratives : those industries which have their origin in individual creativity,
15
Le temps des remises en question
skill and talent and which have a potential for wealth and job creation through
the generation and exploitation of intellectual property . Cette dfinition va
serv ir de modle pour la rflexion des autres pay s. Trois ans plus tard, et en
continuit, les industries cratives sont dfinies comme, toute activ it
produisant des produits sy mboliques avec une forte dpendance sur la proprit
intellectuelle et pour un march aussi large que possible (CNUCED, 2004) Elles
sont prsentes comme tant une solution la crise dans les pay s o la main
d'oeuvre est onreuse mais performante . De mme, une publication de
lUNESCO, Comprendre les industries cratives, les statistiques culturelles et
les politiques publiques , prsente les tentatives de dfinition, de mapping,
dtablissement de guides de dploiement des industries cratives conduites en
Asie, notamment en Chine, en Inde, ainsi quen Amrique Latine. Il est
impossible dans le cadre imparti cet article de rendre compte de lensemble
des dfinitions produites, prcisons toutefois quen novembre 2010, dans le
cadre dEurostat, a t arrte la dfinition officielle des industries cratives. Elle
reprend le modle des cercles concentriques de David Throsby .
Dans une seconde priode, qui souvre au milieu des annes 2000 au
Roy aume-Uni, la notion dindustries cratives est v ivement remise en cause au
profit de la notion dconomie crative. L encore, les Tic sont au cur des
relations entre les deux notions. Les industries cratives ne sont alors plus
considres comme un secteur soutenir, mais comme une source dinnovation
et de crativ it. Elles forment un input pour dautres secteurs et pour lconomie
dans son ensemble (Banks, OConnor, 2009, p.369). Dailleurs, avec lide de
social network market, mise en avant par Justin OConnor, cest la notion mme
dindustrie qui tend disparatre. Cet auteur veut montrer que ce march
particulier constitue en lui-mme le sy stme de production des innovations. Il
nest pas un sy stme qui v iendrait, de lextrieur, mettre son empreinte sur les
activ its culturelles mais il est le dispositif par lequel sont cres les valeurs
culturelles, ce qui fait des industries cratives (paradoxalement le terme est
encore cit alors quelles sont supposes disparatre) le moteur du
dveloppement des connaissances, des socits et de lvolution humaine
(OConnor, 2009, pp.387 -388). Les industries cratives seraient alors des
rapports et des jeux entre agents sur un march de rseau social o des
nouveauts sont produites et retenues des fins de production et de
consommation. Le Web 2.0 joue un rle central dans ce ty pe de march.
OConnor voque la figure du consommateur-citoy en cratif. Dans cette
perspective, les industries cratives ne produisent pas des biens dont la valeur
dusage serait connue et apprhendable selon les processus luvre pour les
autres biens mais elles produisent de la nouveaut (novelty), des biens dont
la valeur est incertaine et qui, en fait, est fixe par le rseau social dans lequel
ces biens particuliers, cratifs, circulent et fertilisent lensemble de
lconomie et de la socit. Cette approche va plus loin que la volont de
dpassement des industries cratives par lconomie crative puisquil sagit de
fondre culture et march. Kate Oakley (2009, p.402), trs critique v is--v is
de ces perspectives, souligne que lconomie crative versus industries
cratives correspond un double mouvement de libralisation celui de la
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Les industries et lconomiecratives dans les rapports officielsen Europe
culture et celui de lensemble de lconomie. Et, ce mouvement se produit sous
lgide des rseaux.
Au moment o la notion dindustries cratives est remise en cause au
Roy aume-Uni au profit, de lconomie crative, voire de l innovation
crative , elle rencontre un succs certain ltranger, comme en tmoignent
notamment les divers rapports officiels, surtout europens, auxquels nous nous
intresserons maintenant.
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partir du milieu des annes 2000, dans de nombreux pay s europens, des
rapports officiels sur la crativ it ou les industries cratives sont publis.
LUnion Europenne elle-mme va publier plusieurs documents. Nous
choisissons de les voquer ici parce que tous posent la mme question, celle de
la place de la cration, de la crativ it et des industries cratives dans les pay s
o le cot de la main duvre est lev. Ltude de ces rapports2 a t conduite
dans le cadre dune recherche mene pour le compte du Dpartement des
Etudes, de la Prospective et des Statistiques du ministre de la Culture et de la
communication. (Bouquillion, Le Corf, 2010) Il apparat quau sein des rapports
officiels en Europe, en continuit avec les discours promus au Roy aume-Uni,
deux v isions idalty piques de la crativ it, des industries cratives et de
lconomie crative peuvent tre distingues.
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Lune est troite, elle place lacte cratif dans le domaine esthtique et culturel
au centre des industries cratives, tandis que lautre, beaucoup plus large,
sintresse la diffusion de la crativ it et de linnovation dans lconomie et la
socit. Dun ct, laccent est mis sur lex istence et le dveloppement dun
secteur (le terme est ici employ dans son sens commun) des industries
cratives, cest--dire dun ensemble dactiv its industrielles qui, au-del de
leurs diffrences, prsenteraient suffisamment de points communs pour tre
reconnues comme un secteur et, ce titre, susceptibles dintresser les
politiques publiques. De lautre ct, est mise en avant lmergence de
l conome crative , qui correspond limportance de la cration et/ou de la
crativ it dans la plupart des domaines de lactiv it conomique, du moins, dans
les pay s dits dvelopps o le cot de la main duvre est lev.
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Les rapports officiels empruntent tous lune et lautre. Mais leur centre de
grav it peut pencher plutt vers lune de ces conceptions. Les rfrences la
notion de rseau, qui parfois voquent les rseaux sociaux ou les infrastructures
tels les rseaux Internet, et aux Tic sont plus prsentes dans la v ision large que
dans la reprsentation troite des industries cratives.
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Les thmatiques des industries et de lconomie cratives permettent de
mettre en avant des reprsentations assez prcises et, peut-tre, plus prcises
que celles lies aux notions de la socit de linformation ou de la connaissance,
du devenir de l industrie , des territoires et des rles de lEtat dans
lconomie et la socit.
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Une vision industrielle
Deux v isions de lindustrie sont prsentes dans les rapports. Ni lune ni lautre
ne senferment dans lopposition entre industries et serv ices.
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Premirement, les industries cratives peuvent tre env isages
essentiellement laune de lconomie crative. Dans les Pay s Nordiques, ou au
Roy aume-Uni, les rfrences la dfinition large, lconomie crative, sont
trs importantes. Les industries cratives tendent se confondre avec
lconomie crative. La reprsentation qui est dveloppe est celle dun
continuum qui part des activ its cratives centrales ou du cur cratif
qui atteint lconomie crative et, au-del, lensemble de lconomie. Toute
lconomie peut tre concerne dans la mesure o les activ its conomiques
dans les pay s dvelopps tendent devenir cratives. Dans cette perspective, la
rfrence aux classes cratives, aux clusters cratifs et aux droits de proprit
est alors centrale. Cette perspective prsente deux grands avantages
idologiques et politiques dinspiration nettement no-librale.
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En premier lieu, elle permet le gommage des conflits sociaux. Lantagonisme
entre les mnages et les entreprises pour le partage de la valeur ajoute est
occult, tout comme les antagonismes de classes.
24
En second lieu, le passage une logique dconomie immatrielle favorise une
gestion plus librale de lensemble de lconomie travers une gestion plus
librale de la culture et des domaines cratifs. Le centre de grav it des
conomies o le cot de la main duvre est lev passerait de la production de
biens tangibles une conomie de limmatriel. cette occasion, un nouveau
facteur de production autour de la crativ it saffirmerait. Il est donc ncessaire
de favoriser un esprit dentreprise au sein des travailleurs cratifs et des
entreprises du secteur.Il sagit notamment de transformer les ides en biens
tangibles ou, du moins, en produits commercialisables. De mme, la figure de
lartiste et du crateur ignorant des ralits conomiques et commerciales est
frquemment aborde. Dans cette perspective, il convient dagir en
favorisant une meilleure connaissance des dispositifs de la proprit
intellectuelle, des mcanismes financiers et une plus grande connaissance des
techniques de gestion.
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Deuximement, est galement prsente une analy se fine des caractristiques
industrielles des industries cratives. En quoi sont-elles des industries ? Et, en
quoi sont-elles des industries spcifiques ? Plusieurs lments sont mis en avant.
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En premier lieu, les industries cratives produiraient des biens sy mboliques
faiblement substituables. Dans cette perspective, de nombreux produits dans les
conomies contemporaines dev iennent des produits dont la valeur serait moins
fonctionnelle que sy mbolique . Il est notamment soulign que les biens
dont la valeur est essentiellement sy mbolique peuvent tre vendus des prix
relativement levs, dconnects des cots de production et quils offrent une
exprience unique au consommateur. Les droits de proprit doivent donc tre
protgs afin de garantir le maintien de cette position aux mains des acteurs qui
ont pu les acqurir. La dimension librale cohabite ainsi avec le respect de droits
de proprit et, ainsi, avec un encadrement du march.
27
En second lieu, les industries cratives sont reconnues comme tant
htrognes. Cest sans doute le rapport allemand qui exprime le mieux lide
que les diverses branches des industries de la culture et cratives sont trs
htrognes et quil convient de favoriser des rapprochements.
28
Une vision territoriale
En troisime lieu, les industries cratives sont dcrites comme des activ its
transectorielles . Cette dimension ferait des industries une sorte de courroie
de transmission de la crativ it en direction des autres secteurs de lconomie.
Le design joue un rle particulier cet gard. Il est la fois un secteur en soi et
un diffuseur de crativ it. En effet, le design contribue organiser les ides
selon de nouvelles architectures. De mme, il aide la dcision, la prise de
conscience collective, notamment par la reprsentation graphique des enjeux
sociaux et il participe la diffusion des ides.
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En quatrime lieu, au-del de leur htrognit et des seules dfinitions par
secteurs ou branches, les rapports officiels tentent de dfinir les caractristiques
socio-conomiques communes et spcifiques aux diverses industries cratives.
Cest encore le rapport allemand qui produit la rflexion la plus approfondie.
Dpassant trs largement les constats faits par les Britanniques, la fin des
annes 1990, du rle des ides et de la ncessit de les protger par un
renforcement des droits de la proprit intellectuelle, le rapport officiel
allemand bauche une thorie socio-conomique des industries cratives.
Quatre caractristiques sont mises en avant : la dimension marchande ; la
spcificit de l acte cratif ; la dimension esthtique ; larticulation entre
firmes grandes, moy ennes et petites comme source de flexibilit et de gestion
des risques. Cest certainement ce quatrime point qui est le plus original. Il est
affirm que les entreprises cratives seraient en mesure, plus que des firmes
relevant dautres domaines, de se remettre en question, de transformer leurs
stratgies, de faire preuve de flexibilit. Par ailleurs, une articulation complexe
entre grandes, moy ennes, petites et trs petites (entreprises indiv iduelles) serait
luvre. Ces articulations permettraient de grer les risques lis la cration
en particulier : le caractre incertain de la demande et la difficult planifier les
activ its.
30
La crativ it dev ient une thmatique centrale dans le renouvellement du
marketing territorial. Tous les rapports abordent le thme des territoires dits
cratifs. Nanmoins, il convient de noter que la notion de territoire cratif est
concurrente de la notion de territoires 2.0. Avec cette dernire notion, la
crativ it nest pas seulement une affaire dindustriels ou dinstitutions, mais elle
concerne aussi les citoy ens ou les habitants, considrs comme la principale
source de crativ it. Charles Landry affirme, cet gard, que la v ille crative est
un espace o des habitants appartenant diffrents univers sociaux et
catgories socio-professionnelles se rencontrent, ce qui favorise
lpanouissement de nouvelles ides permettant damliorer la qualit de v ie, de
travail et de loisirs. Ds lors, lalternative suivante se pose : soit laction publique
soutient un secteur limit, les industries cratives, considr comme clef de
vote de la nouvelle div ision du travail, soit laccent est mis sur le
dveloppement des processus de crativ it dans des domaines dactiv it
diffrents et assez nombreux. Or, alors que laccent est mis sur la participation
citoy enne dans les projets de territoires 2.0, cet objectif se rvle
potentiellement contradictoire avec les propositions de politique publique qui
accompagnent les projets de dveloppement des industries cratives. En effet,
plutt que de soutenir des acteurs industriels, il sagit, selon les discours sur
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LEtat et les industries et lconomie cratives
lexplosion de la crativ it , de donner les moy ens aux citoy ens, grce au
numrique et la logique dite 2.0, de contribuer au dveloppement urbain. De
surcrot, plutt que dinsister sur les activ its culturelles ou dimension
culturelle, la priorit est donne aux Tic, au numrique.
Dans les rapports, les deux notions sont prsentes. Lorsquils insistent plutt
sur la dimension crative des territoires, les rapports mettent en avant trois
lments.
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Premirement, ces territoires doivent tre attractifs pour des entrepreneurs
en qute dimplantation mais aussi pour des touristes.
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Deuximement, les industries et lconomie cratives permettraient de crer
de nombreux emplois, en particulier parce que le modle du salariat nest pas
dominant en leur sein, et ces emplois resteraient ancrs territorialement. Les
travailleurs cratifs seraient dailleurs en nombre croissant. La question des
travailleurs cratifs est un point essentiel, au cur de lintrt des autorits
publiques dans les pay s dvelopps pour les industries cratives.
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Troisimement, les territoires cratifs sont prsents tels des territoires de
tolrance culturelle et douverture limmigration. Il sagit l dun point
relativement nouveau du marketing territorial. Sur fond de discours sur les
mtissages des cultures et de tolrance, est dcite une concurrence
internationale des territoires qui passe par une reconnaissance du multi-
culturalisme.
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Notons quen France, o les actions effectivement conduites par les
collectiv its territoriales empruntent la fois au modle des territoires cratifs
et celui des territoires 2.0, lhy pothtique dveloppement de politiques
territoriales en faveur des industries cratives pourrait tre facilit par des
modalits daction bien ancres au sein des collectiv its territoriales.
36
Il sagit, tout dabord, de la volont ancienne de lgitimer par des
considrations conomiques des activ its culturelles. Ensuite, la logique de
gouvernance , trs prsente dans les discours sur les industries cratives, est
dj luvre au sein des collectiv its territoriales, en particulier lorsque les
moy ens dintervention des collectiv its sont rduits ou lorsque les actions
v ises concernent des domaines qui sortent des champs daction habituels des
collectiv its territoriales. Dans ces deux situations, les collectiv its soutiennent
des actions conues et excutes par dautres institutions ou acteurs. Enfin,
lemarketing territorial est une proccupation fondamentale des collectiv its
territoriales, qui ne cesse de saccentuer avec la mondialisation. La thmatique
des industries cratives satisfait cette exigence et, de surcrot, elle est porteuse
de valeur de consensus et mme de rconciliation . Les actions en faveur des
industries cratives sont supposes articuler la culture, la participation des
habitants la gouvernance du territoire et la promotion dactiv its
conomiques, qui reposent sur lintelligence humaine, qui sont respectueuses de
lenv ironnement et qui chapperaient aux menaces de dlocalisation. La culture,
le travail, le capital et la dmocratie ne sont ainsi pas prsents sous langle de
leurs contradictions et des conflits mais sous celui du renforcement du lien
social fond sur la communication sociale et le dveloppement durable.
37
La plupart des rapports insistent sur le rle central des autorits locales. Il est38
vrai que, dans la quasi totalit des pay s europens, cest au niveau local et non
pas national que les premires initiatives se sont dveloppes. Les autorits
locales et rgionales sont la fois plus proches des ralisations et sont, dans
nombre de pay s europens, mieux mme juridiquement et budgtairement
dintervenir. Cependant, la rdaction des rapports officiels marque une volont
des chelons nationaux de reprendre la main sur ces questions, au moins
partiellement, en tant que coordonnateurs, plus que financeurs. La monte de la
thmatique des industries cratives dans les classements internationaux des
pay s et plus seulement des territoires locaux et rgionaux peut expliquer le
souci des Etats de montrer leur prsence et ce dautant que lUnion europenne
prend galement des initiatives dans le domaine.
Les divers rapports prconisent la mise en place de diverses mesures de
politique publique qui peuvent tre regroupes autour de 5 axes.
39
Premirement, lintervention publique doit rester limite. Outre les
contraintes budgtaires et juridiques, le constat est souvent fait que les
industries cratives existent dj et fonctionnement hors de lintervention
publique. Les ventuelles mesures daction publique doivent tenir compte de
lexistant, et v iser renforcer les ralisations prsentes. Toutefois, il est
galement remarqu que les retombes conomiques et sociales des
industries cratives seraient plus grandes si des outils judicieux de politique
publique taient mis en uvre. Aucun vaste plan daction nest env isag, mais
lenjeu est de faciliter laccs aux dispositifs daides publiques existants et den
crer ventuellement de nouveaux, plus adapts aux spcificits des industries
cratives. En particulier, il convient de faciliter laccs des entreprises des
domaines considrs aux dispositifs daide linnovation et la crativ it, ainsi
quau sy stme financier et bancaire. Cest essentiellement parce que la notion
dinnovation prend, au sein des industries cratives, un sens trs spcifique que
ces dernires ont des difficults se financer, tant auprs des acteurs financiers
que des dispositifs daide publique. En particulier, les sommes en jeu ne sont pas
comparables avec celles qui sont dpenses pour la recherche et le
dveloppement dans les secteurs technologiques. De mme, il est rare que des
brevets soient dposs. Linnovation rside parfois, dans le domaine des
industries cratives, dans la mise en uvre dun nouveau modle dexploitation,
ce qui nest pas brevetable.
40
Deuximement, la dfense des droits de la proprit intellectuelle est au
centre de laction publique.Tous les rapports officiels europens tudis
saccordent sur ce point. Cela est dautant plus important que lactiv it
conomique des entreprises, leur capacit lever des fonds, comme nouer des
collaborations est lie lestimation de leur valeur et la protection de celle-ci.
Or, la numrisation v ient rebattre les cartes, en particulier avec le piratage. En
fait, il nous apparat que la numrisation et le piratage servent darguments en
faveur du renforcement de la protection juridique de la proprit intellectuelle.
Les rapports insistent sur la ncessit de rmunrer les talents cratifs, surtout,
dsormais, sur les supports numriques. Le principe de la protection de la
proprit intellectuelle, conu en rfrence aux anciens supports, doit stendre
aux nouveaux. Nanmoins, la possibilit et lopportunit de continuer
appliquer le mme modle de protection des droits de la proprit intellectuelle
sont tout de mme interroges. Lapplication trop rigide de ces principes
pourrait nuire la crativ it, en particulier elle risquerait de rendre trop rigides
les rapports entre producteurs et auteurs. Les dispositifs de protection doivent
41
Les industries et lconomiecratives : les enjeux scientifiques
aussi avoir pour objectif la diffusion rapide des innovations aux consommateurs,
sans dcourager les innovateurs en les privant de revenus lis leurs
innovations.
Troisimement, les politiques culturelles devaient se rorienter vers des
politiques en faveur des industries cratives et vers des objectifs plus
marchands, favorisant les secteurs industriels et les articulations public/priv.
42
Quatrimement, face aux spcificits socio-conomiques des industries
cratives, lesquelles semblent chapper aux rgles socio-conomiques
courantes, un effort de comprhension et de mdiation entre les acteurs du
march et leur environnement institutionnel est ncessaire. Telle est la
condition indispensable pour que les retombes conomiques et sociales
potentielles du dveloppement des industries cratives soient effectivement au
rendez-vous, notamment selon le rapport officiel allemand.
43
Cinquimement, luniversit et lducation, dcrites comme tant au cur de
lconomie crative, sont inv ites mieux sarticuler avec le monde des
entreprises. Au Roy aume-Uni, lducation nest pas seulement au serv ice des
industries cratives, elle est prsente comme une composante de celles-ci. Elle
constitue ainsi une part importante de lattractiv it internationale du Roy aume-
Uni, comme de son offre de serv ices linternational.
44
Les discours prcdemment cits, tant produits au sein de rapports officiels
que par des auteurs ou des exp erts, montrent que les notions dindustries et
dconomie cratives sont bien ancres. Elles sont dores et dj porteuses
deffets de ralit. On observe notamment des transformations des politiques
publiques, en particulier des politiques culturelles, des politiques en faveur des
droits de la proprit intellectuelle ou du droit du travail. Pour autant, au-del
de cette dimension de prophtie auto-ralisatrice, faut-il prendre au srieux ces
notions ? Autrement dit, la notion dindustries cratives et nous nous
cantonnerons ici celle-ci considrant que la notion dconomie crative
renvoie des considrations macro-sociales qui mritent une interrogation
spcifique dpassant le cadre dvolu la prsente contribution- apporte-t-elle
des interrogations nouvelles et pertinentes que la notion dindustries culturelles
ne soulverait pas ? Ou faut-il considrer quil ny a l quune idologie
complmentaire aux reprsentations lies la socit de linformation ou de la
connaissance ? Philip Schlesinger crit ainsi : the doctrine of creativ ity is now
(in the UK) an animating ideology for so- called digital age (and) may be seen
as the latest attempt to rationalize interdepartmental cooperation, to make
effective the flow of business intelligence, to encourage the networking, to bring
together dispersed creative clusters and to foster talent (2007 , p.387 ).
45
Deux axes dinterrogation peuvent concourir apporter des lments de
rponse. Il sagit, dune part, de savoir sil convient dajouter de nouveaux
domaines aux industries de la culture, des secteurs (au sens commun du
terme) non culturels mais dits cratifs, ce qui justifierait alors de ne plus faire
rfrence la notion dindustries culturelles. Dautre part, la question est de
savoir si, au sein des industries de la culture, des transformations se produisent,
46
Une possible extension du champ des industriesde la culture ?
les libralisations des secteurs de la culture et de la communication qui
favorisent la mondialisation culturelle et ainsi mettent en avant une v ision
trs large de la notion de culture ;
les articulations entre industries de la culture et industries de la
communication, lesquelles conduisent une perte dautonomie de
lconomie des industries de la culture ;
et la monte des mouvements de culturalisation de lconomie et de
chosification de la culture.
mettant en avant des problmatiques spcifiques lies la cration, ce qui l
aussi pourrait conduire faire rfrence la notion dindustries cratives.
Il convient, dune part, de sinterroger sur les causes et modalits dune
ventuelle extension du champ des industries de la culture vers les industries
cratives et, dautre part, dexaminer quelles caractristiques communes
pourraient correspondre aux diverses composantes des hy pothtiques
industries cratives.
47
Premirement, rappelons quau-del du Roy aume-Uni, et en particulier en
Europe continentale, lmergence et laffirmation des notions dconomie
crative et dindustries cratives et leur mise en parallle ou en concurrence
avec la notion dindustries culturelles sont lies trois mouvements se
dveloppant lchelle internationale :
48
En premier lieu, les libralisations sectorielles (tlv ision,
tlcommunications), la libralisation des changes de serv ices, et la
libralisation financire, outre la remise en cause des missions traditionnelles de
lintervention publique, font des industries de la culture et de la communication
un enjeux conomique important, tant sur le plan national, que sur le plan
international. Les jeux de lconomie-monde de la culture et de la
communication sintensifient, tandis que les enjeux conomiques, industriels,
culturels, politiques et sociaux senchevtrent de manire complexe. Les
questions de culture et de communication prennent alors une place permanente
sur les agendas politiques et industriels. Ce faisant, les dbats slargissent de la
seule culture, au sens culturaliste, un ensemble plus vaste, celui de la cration
et des produits dits cratifs, cest--dire des produits qui incorporent de la
cration et dont la valeur est troitement lie leur dimension crative. Ainsi,
les travaux de certains des thoriciens de la mondialisation culturelle
concourent largir la notion de culture. Par exemple, l'approche de
lconomiste Ty ler Cowen (2002), selon laquelle le commerce culturel
augmente le menu de choix disponible pour chacune des socits engages dans
lchange, mais diminue la diffrence entre menus de choix de ces deux
socits , conduit formuler une dfinition si large de la culture qu'elle inclut
un vaste ensemble de produits supposment cratifs, dont notamment des
produits alimentaires. De nouvelles catgories intellectuelles saffirment, les
dbats acadmiques et politiques se dplaant des industries et de lconomie
culturelles vers lconomie et les industries cratives. Ds lors, noy es dans un
ensemble trs vaste, les productions culturelles ne semblent plus constituer une
49
catgorie propre justifier la mise en uvre de politiques publiques spcifiques.
La volont de certains pay s, dont la France, de dfendre leurs productions
nationales en est peu ou prou disqualifie.
En second lieu, grce aux libralisations, mais aussi aux innovations
technologiques, en particulier la numrisation, les articulations entre industries
de la culture et de la communication sous lgide des industries cratives
sintensifient. Alors que ce mouvement a connu des checs importants dans les
annes 1990, tout se passe comme s'il connaissait une nouvelle actualit depuis
le milieu des annes 2000. la faveur de ces articulations, lconomie des
industries de la culture dev ient trs lie celle des industries de la
communication.
50
Tout dabord, des acteurs des industries de la communication entrent dans
lconomie des contenus. Des acteurs en place des industries de la
communication, par exemple Apple, Orange, des fournisseurs daccs Internet,
dev iennent des acteurs cls de la diffusion, de la valorisation et mme parfois de
la cration/production des contenus. Des acteurs mergents des industries de la
communication, en particulier des pure players du Web, et des sites du Web
collaboratif dev iennent eux aussi des places centrales de
cration/diffusion/valorisation/ promotion des contenus.
51
Ensuite, les modes de cration, production, diffusion, valorisation, bien tablis
parmi les industries de la culture, sont fortement remis en cause. cette
occasion, la tendance qui fait des contenus des produits joints , cest--dire en
loccurence des produits lies la valorisation densemble des acteurs des
industries de la communication saccrot. Avec cette tendance, le mouvement de
bipolarisation des productions culturelles saffirme. La bipolarisation signifie
que les productions de contenus sorientent dans deux voies, soit la production
de contenus premium, aux cots levs et assums par les grands acteurs des
filires, soit la production, par les acteurs des franges des oligopoles, de
contenus bas cots. Mme si les marchs demeurent de taille diffrente et que
les filires conservent leurs spcificits, les articulations sintensifient et jouent
un rle important notamment dans les jeux concurrentiels entre acteurs des
industries de la communication.
52
Enfin, des produits des industries de la communication, essentiellement des
matriels lectroniques grand public, cherchent se culturaliser . Outre, que
les contenus prennent une place dsormais centrale dans leur valorisation,
certains dentre eux empruntent des traits aux modes de fonctionnement des
produits culturels. Ils v isent alors transformer leurs produits en des produits
de cration. Telle est la politique marketing de certains dentre eux, dont Apple
et ses iPod ou iPhone. Or le propre des produits culturels est dincorporer du
travail artistique, culturel ou intellectuel. Cest bien leur dimension crative
qui les distingue radicalement des autres produits de lconomie. Leur valeur
dusage est lie la qualit du travail cratif incorpor. La stratgie de ces
industriels est donc de suggrer que leurs matriels sont des produits cratifs,
non substituables et rapidement obsoltes.
Ils tentent ainsi de distinguer leurs produits de ceux des offres concurrentes en
v itant une concurrence par les prix . Ils esprent alors se mnager des taux de
marge levs.
53
En somme, alors que les enjeux conomiques, comme culturels et politiques,
soulevs par la culture et la communication sont exacerbs, les limites des
industries culturelles dev iennent plus floues. Concrtement ces articulations
54
Une perte dautonomie conomique des produits culturels et de leurs
acteurs historiques.
Un amoindrissement de leur valeur sy mbolique lorsquils prennent sens
par rapport la valorisation dautres produits et lorsque des contenus,
trs diffrents, notamment amateurs et issus des industries de la
culture sont mis sur le mme plan.
La remise en cause des dispositifs rglementaires spcifiques, par exemple
de dpenses obligatoires dans la production, au nom, dune part, de
lgalit des positions concurrentielles entre acteurs historiques et
nouveaux acteurs des contenus et, dautre part, au nom de
labondance crative lie aux nouveaux mdias et supports en
dveloppement.
La rconciliation entre conomie, culture et communication, selon
lexpression promue par Jack Lang, dans le cadre de lconomie crative.
favorisent :
Ainsi, ces articulations entre industries de la culture et industries de la
communication suscitent un premier mouvement de chosification de la
culture et de culturalisation de lconomie.
55
En troisime lieu, ce double mouvement de chosification de la culture et de
culturisation de lconomie sapprofondit au fur et mesure que les contenus
culturels et informationnels tendent sinsrer dans lconomie des produits de
consommation. En particulier grce aux articulations entre Web, Web
collaboratif et contenus, les produits culturels et informationnels sont associs
la diffusion/valorisation/promotion de divers produits et serv ices de
consommation quil sagisse de produits alimentaires, de vtements,
dautomobiles ou de serv ices financiers. Les contenus peuvent tre employ s
dans des dispositifs destins tudier les comportements des consommateurs
partir de corrlations entre leurs consommations culturelles et les autres ty pes
de consommation. Ces articulations tendent alors assimiler les produits de
consommation offerts par les marques des contenus culturels. Pour ne citer
des exemples que dans le seul univers du Web collaboratif, tel est lun des
principaux objectifs de la base musicale de Diesel ou des chanes v ido
dHonda sur le Web 2.0. Il sagit donc du mme phnomne de culturisation que
celui que nous dcriv ions plus haut autour dApple mais, cette fois-ci, dans des
domaines parfaitement trangers aux industries de la communication. Des
auteurs, tels Scott Lash et Celia Lury (2006), insistent sur le double processus de
culturisation de lconomie et de chosification de la culture. Dans cette
perspective, les crations culturelles dev iennent larchty pe du produit dans
lconomie contemporaine. Au centre de cette conception est la notion de
dpassement de la marchandise par la marque (brand), qui se caractrise par
un ensemble de relations ; une histoire et une mmoire et une identit .
Contrairement la marchandise culturelle, du moins la reprsentation quen
donne Lash et Lurry , la marque produit de la diffrenciation. Les biens
culturels ne seraient dsormais plus des marchandises mortes mais des
objets v irtuels, qui accdent la ralit par le biais de leur transit au sein de
limaginaire social.Limaginaire social dev ient alors le moteur des
transformations structurelles de lindustrie culturelle globale . Ce
raisonnement nest pas sans rappeler la dfinition du march produite par James
OConnor et voque plus haut. Ces mouvements darticulation entre culture,
56
communication et produits de consommation favorisent les tendances
lharmonisation des rgimes de proprit. Ils v isent galement rendre plus
flexible le march du travail, externaliser certaines tches, rduire le salariat,
dporter les cots, etc. Les procs luvre au sein des industries de la culture
sont supposs stendre dans dautres secteurs conomiques conduisant
reprsentation de lconomie sur le modle des cercles concentrique
prcdemment dcrit. Cela correspond dailleurs la perspective du
dveloppement de lconomie crative telle quelle est prsente dans les
discours britanniques et europens.
Deuximement, si les frontires des industries de la culture slargissent
jusqu englober certaines des productions des industries de la communication,
voire certains des produits de consommation offerts par les marques, alors il
serait ncessaire de sinterroger sur lex istence dventuelles caractristiques
socio-conomiques communes et spcifiques ces activ its ou, du moins, aux
activ its gnralement regroupes au sein des premiers cercles des industries
cratives, savoir les quatre filires des industries de la culture auxquelles
sajouteraient le design, les jeux v ido et la mode. Sur la base des travaux
relevant des thories des industries culturelles, mais aussi sur la base des
travaux de Richard Caves (2000), huit indicateurs permettant didentifier si les
points communs ou les diffrences ces activ its peuvent tre proposs.
57
Le premier est certainement lincertitude pesant sur la valorisation. Richard
Caves en fait, avec dautres auteurs, mais sa manire, la caractristique
principale de ces industries. Il propose dailleurs de lire les industries
cratives la lumire de la thorie des contrats. Conclure des contrats
permettrait lentrepreneur culturel de limiter les risques financiers et de mieux
coordonner les procs de production sur un terme relativement long.
Fondamentalement, lincertitude est lie la nature de bien sy mbolique des
produits culturels. Linsertion de travail artistique ou intellectuel limite, dune
part, la possibilit de rationaliser les procs de production et, dans une certaine
mesure, de diffuser les produits. Dautre part, cette insertion rend alatoire la
raction du public face aux produits qui sont considrs comme des
biens d exprience . Quelles que soient la qualit des critiques, limportance
des campagnes de promotion, la prsence de stars, la raction du public
demeure imprv isible.
58
Un second indicateur est li aux cots. Les cots unitaires sont trs diffrents
selon le ty pe de produits culturels considrs. Cependant, ils prsentent, des
degrs divers, trois caractristiques communes.
59
Tout dabord, ils ne sont pas proportionnels aux possibilits de gains. Dune
part, parce que leur valeur marchande est lie leur contenu sy mbolique. C'est
dans les arts plastiques que cette caractristique joue le plus, la valeur
marchande dune uvre tant sans lien avec le cot des matriaux qui la
composent. Dautre part, parce que les cots marginaux sont faibles ou supposs
tels. Une fois le produit conu, un livre par exemple, le cot marginal
dimpression et de diffusion est relativement modeste. Il lest dautant plus que le
produit est dmatrialis. Les droits de proprit sont dautant plus importants
que les cots fixes de cration du produit sont importants. Des rentes
peuvent alors tre gnres, du moins tant que le produit nest pas dans le
domaine public.
60
Ensuite, ils sont irrcuprables , cest--dire que lacteur conomique qui a
consenti des dpenses en vue de la production dun bien ne peut pas rcuprer
61
sa mise en cas dchec. Cette caractristique accrot donc le risque et elle est
dautant plus forte que les produits sont des prototy pes, cest--dire des biens
qui nentrent pas dans une logique de production en srie.
Enfin, les acteurs dominants tentent de transfrer les cots vers dautres
intervenants de la chane de production. Lorganisation des marchs sous la
forme doligopoles franges permet ainsi de faire peser une part importante du
risque et des cots de production vers les petits acteurs, qui sont sur les franges.
Par ailleurs, dans lconomie ditoriale, le livre et le disque notamment, les
auteurs assument une part significative de ces cots, en particulier la quasi
intgralit des cots de cration. Le Web dit collaboratif permet aussi de
transfrer aux usagers la prise en charge financire de nombre de contenus
diffuss sur les supports mergents.
62
Un troisime indicateur rside dans les modes demploy abilit, de
rmunration et dans le statut des travailleurs culturels ou informationnels.
Dune part, ils ne sont pas interchangeables, la valeur du produit dpendant de
leur personnalit, de leur talent et de leur notorit. Selon leur notorit, les
travailleurs artistiques et intellectuels peuvent plus ou moins peser sur la
rpartition des recettes collectes. Dautre part, comme lcrit Richard Caves
(2000, p.3), creative workers care about their product . Il voque ici la
tension quil peut y avoir entre les intervenants au procs de cration-
production, dont les proccupations sont principalement dordre artistique on
intellectuel, et dautres agents plus intresss par les perspectives de
valorisation.
63
Un quatrime indicateur est li au temps. Dune part, les procs de production
sont complexes et supposent de coordonner dans le mme temps, ou selon une
succession bien prvue, la mobilisation de diffrentes comptences. Lacteur
conomique principal loue les serv ices de prestataires externes, lesquels
concourent de faon importante aux procs de production. En outre, le salariat
nest pas la rgle. Il est concurrenc par le paiement la tche, au cachet ou
par les droits dauteurs. Le salariat tient une place diffrente selon le ty pe de
filire, la taille des acteurs et leur position dans la filire. Dautre part, la
valorisation sopre dans un temps, soit trs court lorsque la dure de v ie est
phmre, soit long, lorsque des stratgies de catalogue sont possibles.
64
Le cinquime indicateur est celui de la reproductibilit. La question du degr
de reproductibilit se pose au sein des activ its cratives (design, mode/haute
gastronomie) comme des activ its culturelles (industries de la culture/spectacle
v ivant). Les critres de lindustrialisation de la formation proposs par Pierre
Mglin (1998), savoir la technologisation , lidologisation et la
rationalisation offrent certainement des cls pour penser lindustrialisation et
notamment les tendances industrialisantes , selon lexpression de Pierre
Mglin (1998), dans les secteurs qui ne relvent pas au sens strict des domaines
o opre la reproductibilit.
65
Le six ime indicateur renvoie la question de la marque. Lintervention de la
notion de marque est prsente dans les industries de la culture, comme dans les
industries cratives, mme si ces dernires ont des stratgies plus accentues.
Peut-on comparer, par exemple, dun ct, les liens entre la haute couture et la
vente daccessoires de mode avec, de lautre, les logiques de produits drivs
dans les industries de la culture o une mme entit crative , Mickey par
exemple, est dcline sur une constellation de produits?
66
Le septime indicateur a voir avec la question de la crativ it et de son67
La cration en question
encadrement . Il est difficile dencadrer troitement la cration dans le
domaine culturel. Les limites du marketing amont ont dj t soulignes
(Mige, 2000), malgr le dveloppement des logiques gestionnaires (Rebillard,
2011). Mais, paralllement, la question de la crativ it dans les industries
cratives reste entire. Il est ncessaire de bien distinguer la crativ it de ty pe
scientifique ou technique et la crativ it dordre artistique ou intellectuel. Or,
nombre de discours sur les industries cratives assimilent lune et lautre et
donnent croire que des transferts de comptences sont possibles entre artistes,
scientifiques, bureaux dtudes.
Le huitime indicateur porte sur la question des contributions diffrencies
des industries de la culture et cratives lespace public, aux identits et leur
dimension politique. lv idence, les contributions des activ its places au sein
des industries cratives la construction de lespace public sont fort
diffrencies. Nanmoins, ces diffrences sont souvent nies par les discours des
promoteurs des industries cratives. En fait, il apparat quau sein mme des
activ its regroupes dans les industries de la culture, les diffrences sont
importantes, par exemple entre la presse et la musique enregistre. Quoi quil en
soit, il faut noter que les promoteurs des industries cratives, ou dailleurs plutt
des territoires cratifs, notamment lorsquils sintressent galement aux
territoires 2.0, mettent en avant la contribution la construction de lespace
public, comme du lien social, par des activ its tel le design. La notion de design
de serv ices publics fait ainsi rfrence la participation des citoy ens, des
habitants, ou des usagers dun serv ice public la rflexion sur le devenir de la
Cit ou dun serv ice public particulier. Au-del des rfrences explicites
produites par les agents sociaux ou les acteurs socio-conomiques la
dimension politique dune industrie crative, il serait intressant de sinterroger
sur la notion de socit laquelle peuvent renvoy er les modes de
fonctionnement de cette industrie. Pierre Mglin (2007 , p.159) lorsquil
sintresse aux modles des industries culturelles quil conoit comme des
idalty pes considre que chacun de ces modles est porteur dune certaine
v ision de la socit. Ainsi, la dimension politique, au sens large du terme, semble
incontournable lorsquon veut dfinir la notion dindustries culturelles comme
celle dindustries cratives.
68
la faveur des mouvements darticulation, prcdemment voqus, entre
industries de la culture et industries de la communication, une des questions qui
peut se poser est celle dventuelles transformations importantes qui mettraient
en avant des enjeux lis la cration ou la nature crative de ces activ its et
qui pourraient justifier le recours lexpression industries cratives.
69
Si cette hy pothse devait tre valide, la dfinition de la notion dindustries
cratives qui serait alors donne serait tout de mme assez loigne de celles des
autorits statistiques gouvernementales ou europennes. Ces dfinitions (voir
Bouquillion, Le Corf, 2010) nous semblent plutt sommaires, floues et
discutables. En somme, elles regroupent au sein des industries cratives les
activ its reposant sur des ides , transformables en des produits
commercialisables qui peuvent tre protgs grce limposition de droits de la
proprit intellectuelle.
70
Lhy pothse que nous prsentons ici est tout autre, il sagit plutt de
considrer quune dissociation entre les stades aval et amont des filires est
peut-tre en train de se produire. Cette dissociation saccompagnerait du
maintien, voire du renforcement paradoxal, de limportance des activ its de
cration pour les positionnements des acteurs aux deux niveaux opposs de la
filire, aval et amont.
71
Premirement, au fur et mesure que les articulations entre industries de la
culture et industries de la communication se mettent en uvre, on peut
observer que des acteurs entrent dans lconomie des contenus. Ils peuvent, par
exemple, proposer des plateformes agrgeant divers ty pes de contenus culturels
ou informationnels, des plateformes sur lesquelles sont distribus divers
produits culturels et informationnels issus des filires du livre, de la presse et de
linformation, de la musique enregistre et du cinma et de laudiov isuel. Comme
nous lavons signal plus haut, des acteurs aussi diffrents que Google, Apple ou
Orange ne proposent plus seulement des serv ices de moteurs de recherche, des
appareils la vente ou des abonnements des serv ices de rseaux de connexion
mais aussi des contenus. Si leur cur de mtier rside toujours dans ces
domaines, les contenus culturels et informationnels sont dsormais associs de
manire indissociable leur offre.
72
Il sagit pour eux datteindre deux objectifs. Dune part, ils peuvent avoir
besoin de faire apparatre leurs produits comme des produits culturels. On a dj
cit lexemple des stratgies conduites par Apple de culturisation de ses
ordinateurs, tlphones et baladeurs. Dautre part, le fait de disposer, lgalement
ou illgalement, de contenus les plus exclusifs possibles, quils peuvent associer
leurs offres, est un lment central dans leur positionnement les uns par
rapport aux autres. cet gard, Google a une position assez unique lchelle
internationale dans un ensemble diversifi de contenus. Apple, travers lApple
Store ou iTunes, a galement associ des contenus musicaux ou audiov isuels
ses offres dappareils, sans avoir dailleurs investir de manire importante dans
la production. En revanche, un oprateur de tlcommunications, tel Orange,
soucieux de diffrencier son offre daccs Internet comme de tlphonie v is--
v is de ses concurrents doit consentir des dpenses significatives pour sassurer
lexclusiv it de diffusion de films en VOD. Orange a d ainsi crer une filiale de
production cinmatographique pour contrer Canal Plus qui dispose de lessentiel
des droits de diffusion des films franais. Loprateur historique franais des
tlcommunications doit galement acqurir pour des montants significatifs,
lchelle de lconomie des contenus, des droits de diffusion sportifs. Des rseaux
sociaux, par exemple Facebook en particulier travers laccord intervenu fin
2010 avec My Space, cherchent galement associer leur offre le plus
troitement possible avec des contenus. Lobjectif est de se distinguer des autres
rseaux sociaux et dattirer plus dinternautes mais aussi de pouvoir mieux
tudier le comportement de ceux-ci et dtre mieux mme de leur proposer
des publicits ou des offres commerciales cibles.
73
Ainsi, quils investissent ou non dans les contenus, que leur entre dans les
contenus se fasse de manire lgale ou illgale (Google Books a numris
plusieurs millions de titres sans lautorisation des ay ant-droit), ceux-ci nen
demeurent pas moins fort importants pour les acteurs dominants des industries
de la communication. Ils tentent notamment dv iter une concurrence par les
prix en diminuant la substituabilit de leur offre. Limportance des contenus
dans leur conomie ne se mesure donc pas au prorata du chiffre daffaires ralis
74
directement grce ceux-ci, notamment leur vente des consommateurs
finaux. Par exemple, iTunes naurait atteint le stade la rentabilit quil y a peu.
Les contenus produisent un ensemble complexe dexternalits lorsqils sont
insrs dans les offres des grands aceurs des industries de la communication.
Outre les externalits dordre industriel, par exemple la production
dinformations marketing permise par loffre de contenus dinformation (news)
de la part de Google, la russite des stratgies de ces acteurs dans les contenus
prsente des enjeux financiers. Ainsi, la valorisation boursire dApple a
augment trs fortement lorsque les usages diTunes se sont installs et sont
devenus centraux dans lconomie lgale de la musique en ligne. Cet acteur
industriel a pu alors encore plus facilement dvelopper ses stratgies car il lui a
t plus ais daugmenter son capital ou de raliser des emprunts. En somme,
bien que les grands acteurs des industries de la communication, lorsquils
pntrent les filires des industries de la culture, se spcialisent plutt dans
laval et quils acquirent une matrise trs forte de celles-ci, leur position
concurrentielle, notamment leurs pouvoirs de march, sont trs lis des
positions quils peuvent dtenir ou contrler dans lamont, dans la cration.
Certes, cest donc la matrise de laval et leur position dintermdiaire entre les
produits culturels et informationnels et les consommateurs finaux qui
expliquent leur position de force v is--v is des acteurs des industries de la
culture. En revanche, ce sont leurs positions dans lamont qui concourent
asseoir leurs rapports de force en direction de leurs concurrents directs, les
autres grands acteurs des industries de la communication.
Deuximement, les industriels de la culture, face ces stratgies de
pntration de leur domaine par les acteurs des industries de la communication
ne risquent-ils pas de devenir de simples fournisseurs de contenus, lesquels
serait alors diffuss et valoriss par dautres acteurs (ceux des industries de la
communication) ? Dans cette hy pothse, les acteurs des industries de la culture
ne dev iennent-ils que de simples prestataires de serv ices ? Deux tendances
plaident en faveur de cette perspective.
75
En premier lieu, il apparat que les nouveaux supports de diffusion,
matriss par les acteurs des industries de la communication ont conquis une
place significative dans la diffusion des contenus. La forme de diffusion illgale
de diffusion des contenus non libres de droits participe de ce mouvement. Force
est de constater que divers acteurs des industries de la communication ont en
retirer des avantages, en particulier une plus forte incitation utiliser leurs
serv ices du fait de le prsence de ces contenus.
76
Le recul des ventes de CD face aux diffusions en ligne, quelles soient lgales ou
illgales, limportance prise par linformation en ligne qui se traduit par une
augmentation du march publicitaire attach ce mode diffusion au dtriment
des marchs publicitaires propres aux formats papier, mais aussi limportance
des usages de v idos dites collaboratives ou professionnelles en constituent
autant de tmoignages. La filire du livre a t concerne plus tardivement.
Nanmoins, le dveloppement du livre lectronique est aujourdhui trs net
comme lanaly se une tude de lIdate dont rend compte ZDNet.fr : la fin
2010, le march du livre numrique a dcoll partout dans les pay s de l'tude
mais prsente des situations contrastes. Les Etats-Unis dev iennent le premier
march au monde avec des ventes d'e-books atteignant 594 millions EUR en
2010. Ils devancent le Japon, march pionnier, 527 millions EUR. par le livre
lectronique (source : http://www.zdnet.fr/blogs/digiworld/e-book-etat-des-
77
lieux-du-marche-397 567 48.htm,consult le 9 dcembre 2010).
En second lieu, limportance croissante de ces modes de diffusion et de
valorisation conduit une profonde dstructuration des modles socio-
conomiques, au sens large du terme, autour desquels se sont historiquement
constitues les industries de la culture. Cette dstructuration se marque sur trois
plans, celui des professionnalits, celui des contenus et des genres et, enfin, celui
des modalits de valorisation. Dans le cadre imparti cette contribution, nous
nvoquerons que ce troisime point. Afin de pouvoir valuer la porte
dstructurante de ces nouveaux modes de diffusion et de valorisation, il faut, au
pralable, analy ser les stratgies tarifaires dans le domaine des contenus qui
sont adoptes par les acteurs des industries de la communication, ainsi que leurs
stratgies de valorisation dites indirectes des contenus.
78
Lorsquils pensent la valorisation directe des contenus, les acteurs des
industries de la communication sont placs face un choix . Soit, ils poussent
vers le haut les tarifs des contenus, soit ils poussent la baisse par rapport aux
tarifs en v igueur pratiqus par les acteurs historiques des contenus. Tirer la
baisse les tarifs des contenus prsente deux avantages. Le premier avantage
attendu par les acteurs des industries de la communication est dimposer plus
facilement leurs offres auprs des consommateurs face aux offres existantes,
notamment celles des acteurs des industries de la culture. Le second avantage
est li lobjectif central des acteurs des industries de la communication
lorsquils pntrent lconomie des contenus. Sils cherchent culturiser leur
offre principale ou la positionner par rapport celle de leurs concurrents
directs dans leur march principal (les tlcommunications, le Web ou les
matriels), alors les contenus dev iennent pour eux des produits joints. Cest--
dire des produits qui accompagnent la production principale, qui sont lis
celle-ci. Dans cette perspective, lintrt des industriels de la communication
vis--v is des contenus ne rsiderait pas dans les chiffres daffaires raliss auprs
des consommateurs finaux (ventes de contenus) mais dans les avantages
indirects (culturisation et renforcement du positionnement).
79
Avec de telles stratgies, les contenus tendent soit, tre valoriss lunit,
mais bas prix unitaire, soit par des sy stmes dabonnement qui tarifie laccs
un club de contenus ou soit, encore, de manire indirecte par la publicit et
la collecte dinformations marketing. La place de ce dernier mode de
financement dev ient tout fait centrale mme si les chiffres daffaires ralises
grce la vente dinformation par les grands acteurs des industries de la
communication ne sont gure rendus publics et sont donc difficiles valuer.
Notons que ces divers modes de valorisation ne sont pas exclusifs les uns des
autres et, dans les faits, ils sont plutt panachs.
80
Quoi quil en soit, les marges ralises par les acteurs historiques des contenus
ne peuvent sans doute gure se maintenir. Ils en sont doublement handicaps.
81
Dune part, ils doivent reconsidrer leurs stratgies tarifaires sur les supports
en place, tandis que ces faibles perspectives de rentabilit dcouragent leurs
stratgies en direction des supports mergents. cela sajoute bien v idemment
quils ne disposent pas des savoir-faire techniques et professionnels pour
dvelopper par eux-mmes certains supports, notamment les matriels et les
rseaux. Ils nont pas les moy ens financiers qui leur permettraient dinvestir ces
activ its. Les acteurs des industries de la communication, en revanche, du
moins les plus importants dentre eux, ont des moy ens financiers qui leur
permettent dacqurir des entreprises extrieures possdant des catalogues de
82
Conclusion
contenus ou produisant des contenus originaux.
Dautre part, les acteurs des industries de la culture sont gnralement moins
bien placs que les acteurs des industries de la communication pour tirer parti
des financements indirects propres aux nouveaux supports. En effet, les genres
constitus, les savoir-faire lis aux professionnalits en place ont t construits
par rapport des contenants prcis et ne peuvent pas tre transposs sur dautres
supports ou, du moins, lorsquils le sont, cela apparat relativement artificiel et
inadapt. Les travaux coordonns par Franck Rebillard (2011) ont montr que,
dans lexemple de la presse magazine en ligne, les traditions dcritures
journalistiques propres aux titres papier conduisent ces titres de presse
dvelopper des versions lectroniques dont les contenus sont moins bien
adapts pour collecter de la publicit en ligne que ceux produits par les pure
players du Web, spcialistes de linformation en ligne. Par ailleurs, les acteurs
des industries de la communication sont tendanciellement mieux mmes de
collecter et vendre des informations marketing produites grce linsertion
des contenus sur des plateformes Web que les acteurs historiques des contenus.
Tel est lobjet central de certains des acteurs des industries de la
communication, en particulier des rseaux sociaux, des plateformes du Web
collaboratif ou des moteurs de recherche. Ils disposent de comptences
logicielles indispensables cette fin. De mme, linsertion des contenus dans ces
bases v ise principalement produire de linformation marketing ; elle est donc
directement conue dans cette perspective. Elle v ise faciliter les interactions
sur les rseaux sociaux ou aider la ralisation dopration de vente ou
dinformation sur divers produits ou serv ices. Divers contenus collaboratifs ou
issus des industries de la culture, ainsi que des contenus textuels, filmiques ou
musicaux, se trouvent assembles dans cet objectif. Les plateformes aux mains
des acteurs historiques des contenus ne disposent pas des mmes avantages.
Certes, elles offrent une masse critique de contenus importants, surtout quand
les acteurs se sont regroups, comme par exemple les grands acteurs tlv isuels
amricains au sein de Hulu. Toutefois, cest l leur seul avantage et celui-ci, dans
certains domaines, est parfois contest. Un acteur tel Google est en mesure dans
le domaine du livre, notamment, de mobiliser une masse considrable de
contenus. 12 millions douvrages auraient t scanns et seraient diffuss sur
Google Books.
83
Au terme de cet article, force est de constater que les notions dindustries et
dconomie cratives renvoient des nombreux enjeux htrognes. Bien que
les dfinitions de ces notions soient trs floues, on comprend que les
perspectives v isant dvelopper les industries cratives et favoriser la
conversion des conomies aux logiques dconomie crative ne se
confondent pas avec la promotion des Tic.
84
Primo, durant leur priode dmergence au Roy aume-Uni, ces notions sont les
hritires de discours lis aux Tic. Toutefois, elles sont porteuses denjeux
spcifiques. Il sagit en particulier, travers leur promotion, de dfendre et
mme dtendre le champ dapplication des droits de la proprit intellectuelle,
de penser la place des anciens pay s industriels dans lconomie mondialise et
de favoriser une plus grande flexibilit du droit du travail. Lorsque ces notions
85
Bibliographie
sont remises en question, toujours au Roy aume-Uni, cest aussi autour denjeux
non rductibles aux Tic, en particulier la remise en cause des politiques
culturelles au profit dune plus grande marchandisation des activ its culturelles.
Secundo, quand ces thmatiques se dploient au-del du Roy aume-Uni,
diverses reprsentations industrielles sont construites. Tout dabord, elles
resituent les industries cratives notamment par rapport leur dimension
sy mbolique, leur structuration en oligopole franges, leur capacit
dploy er la crativ it dans lensemble de lconomie. Cest par rapport ces
rflexions relatives aux spcificits industrielles de ces domaines quest pense
linsertion des Tic dans leur conomie. Ensuite, la v ision territoriale qui est
porte par les rapports marque galement la spcificit de la notion de
territoires cratifs, diffrente de celle de territoires 2.0, mme si dans les actions
effectivement conduites, notamment par des collectiv its territoriales
franaises, les deux dimensions sarticulent. Enfin, les reprsentations relatives
aux politiques publiques, pour une part, reprennent assez largement des
thmatiques dj prsentes avec les discours relatifs aux Tic, en particulier la
proposition que les politiques publiques doivent aider construire un cadre
favorable pour les acteurs ; quelles doivent concourir rapprocher secteur
public et secteur priv ; quelles doivent tre conduites dans une logique dite de
gouvernance et que lchelon national a un rle jouer entre les niveaux
supranationaux et infranationaux. Pour une autre part, des thmes spcifiques
sont dvelopps, en lien avec les discours antrieurement produits par les
Britanniques, notamment autour des questions de droits de la proprit
intellectuelle ; du renouvellement marchand des politiques culturelles ; de
limmigration ; du rle de facilitateur de la communication des entreprises
cratives que doit jouer lEtat ; de lducation et de luniversit en tant
quindustries et vecteurs de mobilisation dune nation autour de la crativ it.
86
Tertio, lorsque sont voqus, dune part, les ventuels points communs entre
les industries de la culture et les industries cratives et, dautre part, le poids de
la cration et le caractre stratgique de celle-ci du fait des articulations
croissantes entre les industries de la communication et celles de la culture, la
question des Tic est prsente. Toutefois, si les dbats relatifs llargissement du
champ de la culture sont en partie lis aux Tic, notamment parce que le Web est
un des facteurs de la mondialisation culturelle. En revanche, les indicateurs des
rapprochements entre les divers domaines des industries de la culture et
cratives ne sont pour la plupart dentre eux pas directement lis aux Tic. Du
moins, il convient dexaminer prcisment comment les Tic interfrent avec les
modalits dindustrialisation et de marchandisation spcifiques aux industries
de la culture. En fait, la question qui est pose ici est celle des rapports entre les
Tic et les volutions de lindustrialisation et de la marchandisation. Cest
dailleurs parce que les Tic sont aussi des industries que les transformations au
sein des industries de la culture prennent une si grande ampleur.
87
Ces indicateurs peuvent en effet tre considrs comme des points clefs des
transformations de lindustrialisation et de la marchandisation de ces secteurs
les enjeux des Tic dpendent des modalits dindustrialisation et de
marchandisation spcifiques aux industries de la culture.
88
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Notes
1 Elles comprennent les filires du liv re, de la presse et de linformation, de lamusique enregistre et du cinma et de laudiov isuel.
2 Les discours de 5 rapports nationaux (Allemagne, Bulgarie, Italie, Pay s-Bas,Roy aume-Uni), dun rapport international (Pay s Nordiques), ainsi que les discours durapport de lUnion europenne et du Canada ont t analy ss. Les rfrences sont lessuiv antes : Confrence canadienne des arts. De lconomie lcologie : Un cadrestratgique pour la main duvre crative, 2009 ; Department for Culture, Media andSport, UK. Creative Britain: New Talents for the New Economy, 2008 ; Dutch Ministryof Economic Affairs et Ministry of Education, Culture and Science. Culture & Economy.Our Creative potential, 2005 ; European Commission. The economy of culture in Europe,2006 ; Federal Ministry of Econ omics and Technology and Federal Gov ernmentCommissioner for Culture and the Media. Culture and Creative Industries in Germany,Research Report, 2009 ; KEA, study for European Commission, The impact of culture oncreativity, 2009 ; Nordic Innov ation Centre. Creative economy green paper for theNordic region, 2007 ; Santagata, Walter, White paper on creativity: Towards an I talianmodel of development, 2009 ; World Intellectual Property Organization, Ministry ofCulture of the Republic of Bulgaria. Wipo study of the economic contribution of thecopy right-based industries in Bulgaria, 2007 .
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