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tic&société Vol. 4, n° 2 | 2010 : Industries créatives avec ou sans TIC ? Industries, économie créatives et technologies d’information et de communication PHILIPPE BOUQUILLION Résumés Cet article vise à questionner les relations complexes entre les industries et l’économie créatives, d’un côté, et les Tic, de l’autre. L’interrogation porte également sur les notions. En quoi les débats et les enjeux que suscitent ces notions sont-ils liés, complémentaires ou concurrents? En somme, face aux Tic, de quelles nouveautés – ou continuités- sont porteuses les thématiques des industries et de l’économie créatives? Premièrement, si ces thématiques apparaissent dans les années 1990 au Royaume- Uni en continuité avec les enjeux soulevés par les Tic, elles mettent l’accent sur la défense des droits de la propriété intellectuelle et le rôle central de ces derniers dans l’économie des anciens pays industriels. Deuxièmement, l’analyse des discours sociaux sur les industries et à l’économie créatives montre qu’ils sont porteurs d’une analyse spécifique sur les enjeux de la créativité dans les sociétés et les économiques contemporaines. Troisièmement, la notion d’industries créatives interroge de manière originale les processus de marchandisation et d’industrialisation à l’œuvre au sein des industries de la culture. This article questions the complex relationship between the creative industries and the creative economy, on one hand, and ICTs, on the other. We ask how the debates and challenges that these concepts raise are connected, complementary or rival? In short, what novelties - or continuities - support the themes of the creative industries and economy? In the first place, although these themes appeared in the 1990s in the United Kingdom in continuity with the stakes raised by ICT, their emphasis on the promotion of intellectual property rights plays a central role in the economy of the old industrial nations. Secondly, an analysis of social discourse on the creative industries and economy shows that they promote a specific analysis on issues involving creativity in contemporary societies and economies. Thirdly, the notion of creative industries questions, in a original way, the processes of industrialization within the cultural industries. Este artículo pretende interrogar las relaciones complejas entre las industrias creativas y la economía creativa, de un lado, y Tecnología de Información y de Comunicación, de la otra. La interrogación también se refiere en las nociones. ¿ En qué los debates y las puestas que suscitan estas nociones son complementarios o

Industries, économie créatives et technologies d’information et de communication 2010.pdf

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  • tic&socitVol. 4, n 2 | 2010 :Industries cratives avec ou sans TIC ?

    Industries, conomie crativeset technologies dinformation etde communication PHILIPPE BOUQUILLION

    Rsums

    Cet article v ise questionner les relations complexes entre les industries et lconomiecrativ es, dun ct, et les Tic, de lautre. Linterrogation porte galement sur lesnotions. En quoi les dbats et les enjeux que suscitent ces notions sont-ils lis,complmentaires ou concurrents? En somme, face aux Tic, de quelles nouv eauts oucontinuits- sont porteuses les thmatiques des industries et de lconomie crativ es?Premirement, si ces thmatiques apparaissent dans les annes 1 990 au Roy aume-Uni en continuit av ec les enjeux soulev s par les Tic, elles mettent laccent sur ladfense des droits de la proprit intellectuelle et le rle central de ces derniers danslconomie des anciens pay s industriels. Deuximement, lanaly se des discours sociauxsur les industries et lconomie crativ es montre quils sont porteurs dune analy sespcifique sur les enjeux de la crativ it dans les socits et les conomiquescontemporaines. Troisimement, la notion dindustries crativ es interroge de manireoriginale les processus de marchandisation et dindustrialisation luv re au sein desindustries de la culture.

    This article questions the complex relationship between the creativ e industries andthe creativ e economy , on one hand, and ICTs, on the other. We ask how the debatesand challenges that these concepts raise are connected, complementary or riv al? Inshort, what nov elties - or continuities - support the themes of the creativ e industriesand economy ? In the first place, although these themes appeared in the 1 990s in theUnited Kingdom in continuity with the stakes raised by ICT, their emphasis on thepromotion of intellectual property rights play s a central role in the economy of the oldindustrial nations. Secondly , an analy sis of social discourse on the creativ e industriesand economy shows that they promote a specific analy sis on issues inv olv ingcreativ ity in contemporary societies and economies. Thirdly , the notion of creativ eindustries questions, in a original way , the processes of industrialization within thecultural industries.

    Este artculo pretende interrogar las relaciones complejas entre las industriascreativ as y la economa creativ a, de un lado, y Tecnologa de Informacin y deComunicacin, de la otra. La interrogacin tambin se refiere en las nociones. En qulos debates y las puestas que suscitan estas nociones son complementarios o

  • competidores? En suma, frente a Tic, de cules nov edades - o continuidades sonportadoras las temticas de las industrias creativ as y de la economa creativ a?Primero, si estas temticas aparecen en los aos 1 990 en el Reino unido encontinuidad con las puestas indignadas por Tic, ponen el nfasis en la defensa de losderechos de la propiedad intelectual y el papel central de estos ltimos en la economade los antiguos pases industriales. En segundo lugar, el anlisis de los discursossociales las industrias creativ as y a la economa creativ a muestra que son portadoresde un anlisis especfico sobre las puestas de la creativ idad en las sociedades yeconmicos contemporneas. En tercer lugar, la nocin de industrias creativ asinterroga los procesos de industrializacin quines estn en proceso en el seno de lasindustrias cultural.

    Entres d'index

    Index par mots-cls : Industries crativ es, conomie crativ es, industries culturelles,

    industries de la communication, technologies dinformation et de communication.

    Index by keywords : Creativ e industries, creativ e economy , cultural industries,

    communication industries, information technology and communication.

    Indice de palabras claves : Las industrias creativ as, la economacreativ a, las

    industrias culturales, industrias de la comunicacin, tecnologas de la informaciny la

    comunicacin.

    Texte intgral

    Introduction

    Les notions dindustries cratives et dconomie cratives sont encore peu

    prsentes en France dans les discours officiels. En revanche, ces thmatiques

    connaissent un succs certain en dehors de lhexagone, en Europe ou en

    Australie, mais aussi, quoique dans une moindre mesure, en Amrique du Nord,

    ainsi que dans des pay s dits mergents, notamment en Chine et en Inde.

    Diffrentes institutions internationales, en particulier lUnited Nation

    Educational, Scientific and Cultural Organization (UNESCO) ou la Confrence des

    Nations unies sur le commerce et le dveloppement (CNUCED sen sont

    empares. Ces activ its sont alors dcrites comme des axes importants de

    dveloppement. De mme, dans les anciens pay s industrialiss, pay s o le cot

    de la main duvre est lev, les industries cratives sont env isages comme un

    vecteur essentiel de sortie de crise . Elles constitueraient un nouveau

    domaine de spcialisation conomique dans le cadre dune conomie

    mondialise. Alors que les activ its manufacturires issues de la premire et de

    la seconde rvolutions industrielles se dlocaliseraient en direction des pay s

    mergents, les activ its qui reposent sur l intelligence , les ides et la

    crativ it pourraient rester lapanage des anciens pay s industrialiss.

    1

    Les notions dindustries cratives et dconomie cratives sont difficiles

    cerner. Il est gnralement affirm que diverses activ its pourraient tre

    regroupes dans la mme catgorie, les industries cratives , au motif que la

    cration jouerait un rle central dans leur production et leur valorisation. Lies

    des savoirs et des savoir-faire complexes, supposment spcifiques un

    territoire donn, ces activ its prsenteraient un fort ancrage territorial,

    produiraient une importante valeur ajoute et, enfin, seraient hautement

    2

  • cratrices demplois. Telle est, schmatiquement rsume, la proposition

    centrale sur laquelle repose la notion dindustries cratives.

    La notion dconomie crative, quant elle, dsigne lextension, la quasi

    totalit de lconomie, des procs socio-conomiques luvre, notamment

    dorganisation du travail ou des modalits de cration, dans les industries

    cratives. David Throsby (2001), un conomiste, va ainsi dcrire lconomie

    crative comme une suite de cerces concentriques. Au cur se trouvent les arts

    et les industries cratives puis, dans les cercles qui suivent, sont places les

    autres activ its en fonction du rapport, plus ou mois important, quelles

    entretiennent avec la crativ it. Cette reprsentation va connatre un trs grand

    succs, en particulier dans les dfinitions officielles des industries cratives qui

    se succdent depuis le dbut des annes 2000.

    3

    Pourquoi les notions dindustries et dconomies cratives connaissent-elles

    un succs si important sur le plan international depuis le milieu des annes

    2000 ? Comment et pourquoi ces notions se sont-elles fray es un chemin jusqu'

    arriver lagenda dinstitutions, notamment lUnion Europenne, les Nations

    Unies ou un ensemble de gouvernements travers le monde, dans un contexte

    o la concurrence avec dautres notions et dautres idologies est trs forte ?

    4

    En effet, des notions, ou des propositions idologiques antrieures, par

    exemple la socit de linformation , la socit de la connaissance et, plus

    encore, l conomie immatrielle toutes clairement lies aux technologies

    dinformation et de communication (Tic)- et toutes aussi floues que les notions

    dindustries et dconomie cratives auraient pu accueillir les discours lis la

    crativ it. Par exemple, Maurice Lvy et Jean-Pierre Jouy et, dfenseurs de

    lconomie immatrielle, affirment, dans leur rapport au ministre de lEconomie

    et des Finances en mars 2006, que les ides forment un capital productif

    intangible primordial : Cest dsormais la capacit innover, crer, des

    concepts et produire des ides qui est devenue lavantage comptitif essentiel.

    Au capital matriel a succd, dans les critres essentiels du dy namisme

    conomique, le capital immatriel. (Lvy , Jouy et, 2006)

    5

    Lampleur du dploiement des discours relatif la crativ it, aux industries et

    lconomie cratives est dautant plus surprenante que les activ its lies aux

    Tic sont dune taille conomique et financire bien suprieure celle des

    activ its culturelles. Une comparaison, mme rudimentaire, entre, dun ct, les

    industries de la culture1 , y compris largies au design, aux jeux et, dun autre

    ct, les industries de la communication qui rassemblent diverses activ its

    troitement lies aux Tic et, en particulier, les industries du Web, des

    tlcommunications et des matriels lectroniques grand public montrent que

    les secondes sont beaucoup plus importantes sur les plans conomiques et

    financiers. Les tailles des marchs et celles des principaux acteurs industriels au

    regard des chiffres daffaires, des taux de bnfices et, plus encore, de la

    valorisation boursire sont sans commune mesure lavantage des industries de

    la communication.

    6

    Face une telle disproportion, on pourrait estimer que les enjeux sociaux

    suscits par la culture ou la crativ it culturelle ou esthtique sont

    vraisemblablement moindres que ceux qui sont gnrs par les Tic. Aussi, le

    dveloppement dimportants discours, dactions et de politiques de la part des

    institutions publiques et politiques, des acteurs socio-conomiques mais aussi

    de la part dexperts, de consultants ou de chercheurs est certainement le signe

    que des enjeux spcifiques sont luvre. Et, dans le mme temps, il apparat

    7

  • Lmergence des notionsdindustries et dconomie cratives

    Le temps de lmergence

    v ident que les Tic jouent un rle essentiel dans ces discours, actions et

    politiques relatives aux industries et lconomie cratives. Il est frquemment

    soulign qu travers la numrisation de la chane dans les industries de la

    culture, depuis la cration jusqu la valorisation ou la consommation, limpact

    des Tic est trs fort. De surcrot, les Tic tant aussi des industries, que lon peut

    nommer les industries de la communication, cest--dire les industries du Web,

    des tlcommunication ou de la fabrication de matriels lectroniques, les

    articulations entre, dun ct, les industries de la culture mme largies au

    design, aux jeux ou la mode et , de lautre les industries de la communication,

    sont clairement au cur de notre sujet.

    Afin de mieux comprendre les relations complexes entre les industries et

    lconomie cratives, dun ct, et les Tic, de lautre, et en quoi ces propositions

    et les dbats quelles occasionnent sont lis, complmentaires ou concurrents,

    en quoi les enjeux sont spcifiques ou semblables, nous pourrons procder en

    trois temps. Nous pourrons alors prsenter les diffrents articles de cette

    livraison de la revue Tic et socit.

    8

    Tout dabord, il convient dtudier les premiers dveloppements des notions

    dindustries et dconomie cratives, ensuite, de sintresser aux discours

    sociaux, notamment aux rapports officiels en Europe consacrs ces thmes et,

    enfin, daborder les enjeux scientifiques poss par ces deux notions.

    9

    Deux temps peuvent tre distingus dans lmergence des notions dindustries

    et dconomie cratives qui se droule entirement au Roy aume-Uni.

    10

    Durant la premire priode, les deux notions se dveloppent en parallle et

    elles apparaissent comme les hritires directes des dbats et propositions lies

    aux Tic. Toutefois, des dfinitions des industries cratives sont progressivement

    construites en lien avec des enjeux industriels spcifiques.

    11

    Cest au Roy aume-Uni que la notion dindustries cratives apparat durant les

    annes 1990 et tend substituer, du moins dans les rapports officiels, celle

    dindustries culturelles. Les notions dindustries et dconomie cratives se sont

    construites conjointement. Selon Nicolas Garnham (2001), les racines de cette

    thmatique sont lies aux dploiements des perspectives no-librales dans le

    Roy aume-Uni des dcennies 1980 et 1990 dans une articulation avec le

    dveloppement des Tic. Nicolas Garnham sintresse, en particulier, l'volution

    de la position officielle du parti travailliste sur ces questions entre le dbut des

    annes 1980 et l'arrive au pouvoir du New Labour, en 1997 . Il montre que ce

    nouveau paradigme socio-conomique est alors bas autour des technologies de

    communication numriques : la production ne serait plus essentiellement

    d'ordre matriel mais elle relverait de l'intangible. Cette conception est

    redevable aux think-tanks des conservateurs. En 1983, le gouvernement de

    Margaret Thatcher avait en effet command un rapport officiel Making a

    12

  • business of Information. Les industries lies aux Tic et la crativ it sont

    prsentes comme le secteur le plus porteur de croissance. Le rapport souligne,

    en outre, que les deux priorits de l'action publique doivent tre, dune part, de

    promouvoir la formation et l'efficacit des travailleurs cratifs et, dautre part,

    de faire observer les lois sur la proprit intellectuelle, maillon clef de la

    valorisation.

    De mme, les agences de communication, et les consultants britanniques,

    jouent un rle fondamental dans lmergence de ces notions. Le terme v illes

    cratives a t cr ou, du moins, install dans le discours de lamnagement

    urbain international la suite des propositions de lagence Comedia et de son

    emblmatique fondateur, Charles Landry . Des auteurs tel Richard Florida ont

    ensuite cautionn cette notion, lont dveloppe et construite sur le plan

    thorique. En 2002, Florida affirme dans The Rise of the Creative Class que le

    dy namisme conomique et social dun territoire est li la prsence dartistes,

    dcrivains, dacteurs, de designers ou darchitectes, autant qu celle de

    scientifiques, ingnieurs et intellectuels et que, par consquent, les v illes

    devraient se doter des quipements et infrastructures les mieux mme dattirer

    ces ty pes dhabitants. Dans les trois T proposs par Richard Florida figure la

    technologie , outre le talent et la tolrance . Depuis, cette notion sest

    largement rpandue, et notamment dans les pay s mergents ou en

    dveloppement. En avril 2008, La CNUCED a publi un document tentant de

    mesurer le degr de dveloppement de lconomie crative dans le monde,

    Creative Economy Report 2008. The Challenge of assessing the creative

    economy: towards informed policy making.

    13

    Pour autant, les notions dindustries cratives et dconomies cratives sont

    distinguer afin de comprendre les enjeux non rductibles aux Tic poss par la

    question des industries cratives. En effet, la perspective centrale, qui consiste

    miser sur des produits issus d ides , implique quil soit possible de protger

    juridiquement ces ides lorsquelles dev iennent des produits commercialisables.

    Ainsi, la question des industries cratives est insparable dune volont de

    dfendre les droits de la proprit intellectuelle et, mme, de les tendre des

    domaines qui auparavant ne pouvaient pas en bnficier. Gatan Tremblay

    crit : Linclusion dans un mme univers des industries culturelles et dautres

    industries comme le software et le design prsente un double avantage. Dune

    part, il permet toutes les activ its v ises de bnficier du prestige qui aurole

    le travail des artistes et, dautre part, dafficher un volume daffaires et un taux

    de croissance exceptionnels, attribuables surtout au domaine du software et des

    jeux v ido. (Tremblay , 2008, p.7 6). Il note au sujet de lextension

    internationale du thme des industries cratives : Par-del les bons

    sentiments, cette initiative a galement pour objectif dtendre et de renforcer la

    reconnaissance de la proprit intellectuelle et dinciter les diffrents ordres de

    gouvernement faire respecter le paiement des droits dauteur ou de proprit

    industrielle. Une stratgie dinclusion pour faire respecter les rgles du jeu, y

    compris par les pay s qui reproduisent plus quils ne crent. (2008, p.80)

    14

    Ainsi, cest dans la perspective de la dfense des droits de la proprit

    intellectuelle, quil faut comprendre les tentatives successives de dfinition du

    champ des industries cratives. Concrtement, en 2001, le ministre

    britannique de la Culture, des Mdias et des Sports, The UK Government

    Department for Culture, Media and Sport (D.C.M.S.), dfinit ainsi les industries

    cratives : those industries which have their origin in individual creativity,

    15

  • Le temps des remises en question

    skill and talent and which have a potential for wealth and job creation through

    the generation and exploitation of intellectual property . Cette dfinition va

    serv ir de modle pour la rflexion des autres pay s. Trois ans plus tard, et en

    continuit, les industries cratives sont dfinies comme, toute activ it

    produisant des produits sy mboliques avec une forte dpendance sur la proprit

    intellectuelle et pour un march aussi large que possible (CNUCED, 2004) Elles

    sont prsentes comme tant une solution la crise dans les pay s o la main

    d'oeuvre est onreuse mais performante . De mme, une publication de

    lUNESCO, Comprendre les industries cratives, les statistiques culturelles et

    les politiques publiques , prsente les tentatives de dfinition, de mapping,

    dtablissement de guides de dploiement des industries cratives conduites en

    Asie, notamment en Chine, en Inde, ainsi quen Amrique Latine. Il est

    impossible dans le cadre imparti cet article de rendre compte de lensemble

    des dfinitions produites, prcisons toutefois quen novembre 2010, dans le

    cadre dEurostat, a t arrte la dfinition officielle des industries cratives. Elle

    reprend le modle des cercles concentriques de David Throsby .

    Dans une seconde priode, qui souvre au milieu des annes 2000 au

    Roy aume-Uni, la notion dindustries cratives est v ivement remise en cause au

    profit de la notion dconomie crative. L encore, les Tic sont au cur des

    relations entre les deux notions. Les industries cratives ne sont alors plus

    considres comme un secteur soutenir, mais comme une source dinnovation

    et de crativ it. Elles forment un input pour dautres secteurs et pour lconomie

    dans son ensemble (Banks, OConnor, 2009, p.369). Dailleurs, avec lide de

    social network market, mise en avant par Justin OConnor, cest la notion mme

    dindustrie qui tend disparatre. Cet auteur veut montrer que ce march

    particulier constitue en lui-mme le sy stme de production des innovations. Il

    nest pas un sy stme qui v iendrait, de lextrieur, mettre son empreinte sur les

    activ its culturelles mais il est le dispositif par lequel sont cres les valeurs

    culturelles, ce qui fait des industries cratives (paradoxalement le terme est

    encore cit alors quelles sont supposes disparatre) le moteur du

    dveloppement des connaissances, des socits et de lvolution humaine

    (OConnor, 2009, pp.387 -388). Les industries cratives seraient alors des

    rapports et des jeux entre agents sur un march de rseau social o des

    nouveauts sont produites et retenues des fins de production et de

    consommation. Le Web 2.0 joue un rle central dans ce ty pe de march.

    OConnor voque la figure du consommateur-citoy en cratif. Dans cette

    perspective, les industries cratives ne produisent pas des biens dont la valeur

    dusage serait connue et apprhendable selon les processus luvre pour les

    autres biens mais elles produisent de la nouveaut (novelty), des biens dont

    la valeur est incertaine et qui, en fait, est fixe par le rseau social dans lequel

    ces biens particuliers, cratifs, circulent et fertilisent lensemble de

    lconomie et de la socit. Cette approche va plus loin que la volont de

    dpassement des industries cratives par lconomie crative puisquil sagit de

    fondre culture et march. Kate Oakley (2009, p.402), trs critique v is--v is

    de ces perspectives, souligne que lconomie crative versus industries

    cratives correspond un double mouvement de libralisation celui de la

    16

  • Les industries et lconomiecratives dans les rapports officielsen Europe

    culture et celui de lensemble de lconomie. Et, ce mouvement se produit sous

    lgide des rseaux.

    Au moment o la notion dindustries cratives est remise en cause au

    Roy aume-Uni au profit, de lconomie crative, voire de l innovation

    crative , elle rencontre un succs certain ltranger, comme en tmoignent

    notamment les divers rapports officiels, surtout europens, auxquels nous nous

    intresserons maintenant.

    17

    partir du milieu des annes 2000, dans de nombreux pay s europens, des

    rapports officiels sur la crativ it ou les industries cratives sont publis.

    LUnion Europenne elle-mme va publier plusieurs documents. Nous

    choisissons de les voquer ici parce que tous posent la mme question, celle de

    la place de la cration, de la crativ it et des industries cratives dans les pay s

    o le cot de la main duvre est lev. Ltude de ces rapports2 a t conduite

    dans le cadre dune recherche mene pour le compte du Dpartement des

    Etudes, de la Prospective et des Statistiques du ministre de la Culture et de la

    communication. (Bouquillion, Le Corf, 2010) Il apparat quau sein des rapports

    officiels en Europe, en continuit avec les discours promus au Roy aume-Uni,

    deux v isions idalty piques de la crativ it, des industries cratives et de

    lconomie crative peuvent tre distingues.

    18

    Lune est troite, elle place lacte cratif dans le domaine esthtique et culturel

    au centre des industries cratives, tandis que lautre, beaucoup plus large,

    sintresse la diffusion de la crativ it et de linnovation dans lconomie et la

    socit. Dun ct, laccent est mis sur lex istence et le dveloppement dun

    secteur (le terme est ici employ dans son sens commun) des industries

    cratives, cest--dire dun ensemble dactiv its industrielles qui, au-del de

    leurs diffrences, prsenteraient suffisamment de points communs pour tre

    reconnues comme un secteur et, ce titre, susceptibles dintresser les

    politiques publiques. De lautre ct, est mise en avant lmergence de

    l conome crative , qui correspond limportance de la cration et/ou de la

    crativ it dans la plupart des domaines de lactiv it conomique, du moins, dans

    les pay s dits dvelopps o le cot de la main duvre est lev.

    19

    Les rapports officiels empruntent tous lune et lautre. Mais leur centre de

    grav it peut pencher plutt vers lune de ces conceptions. Les rfrences la

    notion de rseau, qui parfois voquent les rseaux sociaux ou les infrastructures

    tels les rseaux Internet, et aux Tic sont plus prsentes dans la v ision large que

    dans la reprsentation troite des industries cratives.

    20

    Les thmatiques des industries et de lconomie cratives permettent de

    mettre en avant des reprsentations assez prcises et, peut-tre, plus prcises

    que celles lies aux notions de la socit de linformation ou de la connaissance,

    du devenir de l industrie , des territoires et des rles de lEtat dans

    lconomie et la socit.

    21

  • Une vision industrielle

    Deux v isions de lindustrie sont prsentes dans les rapports. Ni lune ni lautre

    ne senferment dans lopposition entre industries et serv ices.

    22

    Premirement, les industries cratives peuvent tre env isages

    essentiellement laune de lconomie crative. Dans les Pay s Nordiques, ou au

    Roy aume-Uni, les rfrences la dfinition large, lconomie crative, sont

    trs importantes. Les industries cratives tendent se confondre avec

    lconomie crative. La reprsentation qui est dveloppe est celle dun

    continuum qui part des activ its cratives centrales ou du cur cratif

    qui atteint lconomie crative et, au-del, lensemble de lconomie. Toute

    lconomie peut tre concerne dans la mesure o les activ its conomiques

    dans les pay s dvelopps tendent devenir cratives. Dans cette perspective, la

    rfrence aux classes cratives, aux clusters cratifs et aux droits de proprit

    est alors centrale. Cette perspective prsente deux grands avantages

    idologiques et politiques dinspiration nettement no-librale.

    23

    En premier lieu, elle permet le gommage des conflits sociaux. Lantagonisme

    entre les mnages et les entreprises pour le partage de la valeur ajoute est

    occult, tout comme les antagonismes de classes.

    24

    En second lieu, le passage une logique dconomie immatrielle favorise une

    gestion plus librale de lensemble de lconomie travers une gestion plus

    librale de la culture et des domaines cratifs. Le centre de grav it des

    conomies o le cot de la main duvre est lev passerait de la production de

    biens tangibles une conomie de limmatriel. cette occasion, un nouveau

    facteur de production autour de la crativ it saffirmerait. Il est donc ncessaire

    de favoriser un esprit dentreprise au sein des travailleurs cratifs et des

    entreprises du secteur.Il sagit notamment de transformer les ides en biens

    tangibles ou, du moins, en produits commercialisables. De mme, la figure de

    lartiste et du crateur ignorant des ralits conomiques et commerciales est

    frquemment aborde. Dans cette perspective, il convient dagir en

    favorisant une meilleure connaissance des dispositifs de la proprit

    intellectuelle, des mcanismes financiers et une plus grande connaissance des

    techniques de gestion.

    25

    Deuximement, est galement prsente une analy se fine des caractristiques

    industrielles des industries cratives. En quoi sont-elles des industries ? Et, en

    quoi sont-elles des industries spcifiques ? Plusieurs lments sont mis en avant.

    26

    En premier lieu, les industries cratives produiraient des biens sy mboliques

    faiblement substituables. Dans cette perspective, de nombreux produits dans les

    conomies contemporaines dev iennent des produits dont la valeur serait moins

    fonctionnelle que sy mbolique . Il est notamment soulign que les biens

    dont la valeur est essentiellement sy mbolique peuvent tre vendus des prix

    relativement levs, dconnects des cots de production et quils offrent une

    exprience unique au consommateur. Les droits de proprit doivent donc tre

    protgs afin de garantir le maintien de cette position aux mains des acteurs qui

    ont pu les acqurir. La dimension librale cohabite ainsi avec le respect de droits

    de proprit et, ainsi, avec un encadrement du march.

    27

    En second lieu, les industries cratives sont reconnues comme tant

    htrognes. Cest sans doute le rapport allemand qui exprime le mieux lide

    que les diverses branches des industries de la culture et cratives sont trs

    htrognes et quil convient de favoriser des rapprochements.

    28

  • Une vision territoriale

    En troisime lieu, les industries cratives sont dcrites comme des activ its

    transectorielles . Cette dimension ferait des industries une sorte de courroie

    de transmission de la crativ it en direction des autres secteurs de lconomie.

    Le design joue un rle particulier cet gard. Il est la fois un secteur en soi et

    un diffuseur de crativ it. En effet, le design contribue organiser les ides

    selon de nouvelles architectures. De mme, il aide la dcision, la prise de

    conscience collective, notamment par la reprsentation graphique des enjeux

    sociaux et il participe la diffusion des ides.

    29

    En quatrime lieu, au-del de leur htrognit et des seules dfinitions par

    secteurs ou branches, les rapports officiels tentent de dfinir les caractristiques

    socio-conomiques communes et spcifiques aux diverses industries cratives.

    Cest encore le rapport allemand qui produit la rflexion la plus approfondie.

    Dpassant trs largement les constats faits par les Britanniques, la fin des

    annes 1990, du rle des ides et de la ncessit de les protger par un

    renforcement des droits de la proprit intellectuelle, le rapport officiel

    allemand bauche une thorie socio-conomique des industries cratives.

    Quatre caractristiques sont mises en avant : la dimension marchande ; la

    spcificit de l acte cratif ; la dimension esthtique ; larticulation entre

    firmes grandes, moy ennes et petites comme source de flexibilit et de gestion

    des risques. Cest certainement ce quatrime point qui est le plus original. Il est

    affirm que les entreprises cratives seraient en mesure, plus que des firmes

    relevant dautres domaines, de se remettre en question, de transformer leurs

    stratgies, de faire preuve de flexibilit. Par ailleurs, une articulation complexe

    entre grandes, moy ennes, petites et trs petites (entreprises indiv iduelles) serait

    luvre. Ces articulations permettraient de grer les risques lis la cration

    en particulier : le caractre incertain de la demande et la difficult planifier les

    activ its.

    30

    La crativ it dev ient une thmatique centrale dans le renouvellement du

    marketing territorial. Tous les rapports abordent le thme des territoires dits

    cratifs. Nanmoins, il convient de noter que la notion de territoire cratif est

    concurrente de la notion de territoires 2.0. Avec cette dernire notion, la

    crativ it nest pas seulement une affaire dindustriels ou dinstitutions, mais elle

    concerne aussi les citoy ens ou les habitants, considrs comme la principale

    source de crativ it. Charles Landry affirme, cet gard, que la v ille crative est

    un espace o des habitants appartenant diffrents univers sociaux et

    catgories socio-professionnelles se rencontrent, ce qui favorise

    lpanouissement de nouvelles ides permettant damliorer la qualit de v ie, de

    travail et de loisirs. Ds lors, lalternative suivante se pose : soit laction publique

    soutient un secteur limit, les industries cratives, considr comme clef de

    vote de la nouvelle div ision du travail, soit laccent est mis sur le

    dveloppement des processus de crativ it dans des domaines dactiv it

    diffrents et assez nombreux. Or, alors que laccent est mis sur la participation

    citoy enne dans les projets de territoires 2.0, cet objectif se rvle

    potentiellement contradictoire avec les propositions de politique publique qui

    accompagnent les projets de dveloppement des industries cratives. En effet,

    plutt que de soutenir des acteurs industriels, il sagit, selon les discours sur

    31

  • LEtat et les industries et lconomie cratives

    lexplosion de la crativ it , de donner les moy ens aux citoy ens, grce au

    numrique et la logique dite 2.0, de contribuer au dveloppement urbain. De

    surcrot, plutt que dinsister sur les activ its culturelles ou dimension

    culturelle, la priorit est donne aux Tic, au numrique.

    Dans les rapports, les deux notions sont prsentes. Lorsquils insistent plutt

    sur la dimension crative des territoires, les rapports mettent en avant trois

    lments.

    32

    Premirement, ces territoires doivent tre attractifs pour des entrepreneurs

    en qute dimplantation mais aussi pour des touristes.

    33

    Deuximement, les industries et lconomie cratives permettraient de crer

    de nombreux emplois, en particulier parce que le modle du salariat nest pas

    dominant en leur sein, et ces emplois resteraient ancrs territorialement. Les

    travailleurs cratifs seraient dailleurs en nombre croissant. La question des

    travailleurs cratifs est un point essentiel, au cur de lintrt des autorits

    publiques dans les pay s dvelopps pour les industries cratives.

    34

    Troisimement, les territoires cratifs sont prsents tels des territoires de

    tolrance culturelle et douverture limmigration. Il sagit l dun point

    relativement nouveau du marketing territorial. Sur fond de discours sur les

    mtissages des cultures et de tolrance, est dcite une concurrence

    internationale des territoires qui passe par une reconnaissance du multi-

    culturalisme.

    35

    Notons quen France, o les actions effectivement conduites par les

    collectiv its territoriales empruntent la fois au modle des territoires cratifs

    et celui des territoires 2.0, lhy pothtique dveloppement de politiques

    territoriales en faveur des industries cratives pourrait tre facilit par des

    modalits daction bien ancres au sein des collectiv its territoriales.

    36

    Il sagit, tout dabord, de la volont ancienne de lgitimer par des

    considrations conomiques des activ its culturelles. Ensuite, la logique de

    gouvernance , trs prsente dans les discours sur les industries cratives, est

    dj luvre au sein des collectiv its territoriales, en particulier lorsque les

    moy ens dintervention des collectiv its sont rduits ou lorsque les actions

    v ises concernent des domaines qui sortent des champs daction habituels des

    collectiv its territoriales. Dans ces deux situations, les collectiv its soutiennent

    des actions conues et excutes par dautres institutions ou acteurs. Enfin,

    lemarketing territorial est une proccupation fondamentale des collectiv its

    territoriales, qui ne cesse de saccentuer avec la mondialisation. La thmatique

    des industries cratives satisfait cette exigence et, de surcrot, elle est porteuse

    de valeur de consensus et mme de rconciliation . Les actions en faveur des

    industries cratives sont supposes articuler la culture, la participation des

    habitants la gouvernance du territoire et la promotion dactiv its

    conomiques, qui reposent sur lintelligence humaine, qui sont respectueuses de

    lenv ironnement et qui chapperaient aux menaces de dlocalisation. La culture,

    le travail, le capital et la dmocratie ne sont ainsi pas prsents sous langle de

    leurs contradictions et des conflits mais sous celui du renforcement du lien

    social fond sur la communication sociale et le dveloppement durable.

    37

    La plupart des rapports insistent sur le rle central des autorits locales. Il est38

  • vrai que, dans la quasi totalit des pay s europens, cest au niveau local et non

    pas national que les premires initiatives se sont dveloppes. Les autorits

    locales et rgionales sont la fois plus proches des ralisations et sont, dans

    nombre de pay s europens, mieux mme juridiquement et budgtairement

    dintervenir. Cependant, la rdaction des rapports officiels marque une volont

    des chelons nationaux de reprendre la main sur ces questions, au moins

    partiellement, en tant que coordonnateurs, plus que financeurs. La monte de la

    thmatique des industries cratives dans les classements internationaux des

    pay s et plus seulement des territoires locaux et rgionaux peut expliquer le

    souci des Etats de montrer leur prsence et ce dautant que lUnion europenne

    prend galement des initiatives dans le domaine.

    Les divers rapports prconisent la mise en place de diverses mesures de

    politique publique qui peuvent tre regroupes autour de 5 axes.

    39

    Premirement, lintervention publique doit rester limite. Outre les

    contraintes budgtaires et juridiques, le constat est souvent fait que les

    industries cratives existent dj et fonctionnement hors de lintervention

    publique. Les ventuelles mesures daction publique doivent tenir compte de

    lexistant, et v iser renforcer les ralisations prsentes. Toutefois, il est

    galement remarqu que les retombes conomiques et sociales des

    industries cratives seraient plus grandes si des outils judicieux de politique

    publique taient mis en uvre. Aucun vaste plan daction nest env isag, mais

    lenjeu est de faciliter laccs aux dispositifs daides publiques existants et den

    crer ventuellement de nouveaux, plus adapts aux spcificits des industries

    cratives. En particulier, il convient de faciliter laccs des entreprises des

    domaines considrs aux dispositifs daide linnovation et la crativ it, ainsi

    quau sy stme financier et bancaire. Cest essentiellement parce que la notion

    dinnovation prend, au sein des industries cratives, un sens trs spcifique que

    ces dernires ont des difficults se financer, tant auprs des acteurs financiers

    que des dispositifs daide publique. En particulier, les sommes en jeu ne sont pas

    comparables avec celles qui sont dpenses pour la recherche et le

    dveloppement dans les secteurs technologiques. De mme, il est rare que des

    brevets soient dposs. Linnovation rside parfois, dans le domaine des

    industries cratives, dans la mise en uvre dun nouveau modle dexploitation,

    ce qui nest pas brevetable.

    40

    Deuximement, la dfense des droits de la proprit intellectuelle est au

    centre de laction publique.Tous les rapports officiels europens tudis

    saccordent sur ce point. Cela est dautant plus important que lactiv it

    conomique des entreprises, leur capacit lever des fonds, comme nouer des

    collaborations est lie lestimation de leur valeur et la protection de celle-ci.

    Or, la numrisation v ient rebattre les cartes, en particulier avec le piratage. En

    fait, il nous apparat que la numrisation et le piratage servent darguments en

    faveur du renforcement de la protection juridique de la proprit intellectuelle.

    Les rapports insistent sur la ncessit de rmunrer les talents cratifs, surtout,

    dsormais, sur les supports numriques. Le principe de la protection de la

    proprit intellectuelle, conu en rfrence aux anciens supports, doit stendre

    aux nouveaux. Nanmoins, la possibilit et lopportunit de continuer

    appliquer le mme modle de protection des droits de la proprit intellectuelle

    sont tout de mme interroges. Lapplication trop rigide de ces principes

    pourrait nuire la crativ it, en particulier elle risquerait de rendre trop rigides

    les rapports entre producteurs et auteurs. Les dispositifs de protection doivent

    41

  • Les industries et lconomiecratives : les enjeux scientifiques

    aussi avoir pour objectif la diffusion rapide des innovations aux consommateurs,

    sans dcourager les innovateurs en les privant de revenus lis leurs

    innovations.

    Troisimement, les politiques culturelles devaient se rorienter vers des

    politiques en faveur des industries cratives et vers des objectifs plus

    marchands, favorisant les secteurs industriels et les articulations public/priv.

    42

    Quatrimement, face aux spcificits socio-conomiques des industries

    cratives, lesquelles semblent chapper aux rgles socio-conomiques

    courantes, un effort de comprhension et de mdiation entre les acteurs du

    march et leur environnement institutionnel est ncessaire. Telle est la

    condition indispensable pour que les retombes conomiques et sociales

    potentielles du dveloppement des industries cratives soient effectivement au

    rendez-vous, notamment selon le rapport officiel allemand.

    43

    Cinquimement, luniversit et lducation, dcrites comme tant au cur de

    lconomie crative, sont inv ites mieux sarticuler avec le monde des

    entreprises. Au Roy aume-Uni, lducation nest pas seulement au serv ice des

    industries cratives, elle est prsente comme une composante de celles-ci. Elle

    constitue ainsi une part importante de lattractiv it internationale du Roy aume-

    Uni, comme de son offre de serv ices linternational.

    44

    Les discours prcdemment cits, tant produits au sein de rapports officiels

    que par des auteurs ou des exp erts, montrent que les notions dindustries et

    dconomie cratives sont bien ancres. Elles sont dores et dj porteuses

    deffets de ralit. On observe notamment des transformations des politiques

    publiques, en particulier des politiques culturelles, des politiques en faveur des

    droits de la proprit intellectuelle ou du droit du travail. Pour autant, au-del

    de cette dimension de prophtie auto-ralisatrice, faut-il prendre au srieux ces

    notions ? Autrement dit, la notion dindustries cratives et nous nous

    cantonnerons ici celle-ci considrant que la notion dconomie crative

    renvoie des considrations macro-sociales qui mritent une interrogation

    spcifique dpassant le cadre dvolu la prsente contribution- apporte-t-elle

    des interrogations nouvelles et pertinentes que la notion dindustries culturelles

    ne soulverait pas ? Ou faut-il considrer quil ny a l quune idologie

    complmentaire aux reprsentations lies la socit de linformation ou de la

    connaissance ? Philip Schlesinger crit ainsi : the doctrine of creativ ity is now

    (in the UK) an animating ideology for so- called digital age (and) may be seen

    as the latest attempt to rationalize interdepartmental cooperation, to make

    effective the flow of business intelligence, to encourage the networking, to bring

    together dispersed creative clusters and to foster talent (2007 , p.387 ).

    45

    Deux axes dinterrogation peuvent concourir apporter des lments de

    rponse. Il sagit, dune part, de savoir sil convient dajouter de nouveaux

    domaines aux industries de la culture, des secteurs (au sens commun du

    terme) non culturels mais dits cratifs, ce qui justifierait alors de ne plus faire

    rfrence la notion dindustries culturelles. Dautre part, la question est de

    savoir si, au sein des industries de la culture, des transformations se produisent,

    46

  • Une possible extension du champ des industriesde la culture ?

    les libralisations des secteurs de la culture et de la communication qui

    favorisent la mondialisation culturelle et ainsi mettent en avant une v ision

    trs large de la notion de culture ;

    les articulations entre industries de la culture et industries de la

    communication, lesquelles conduisent une perte dautonomie de

    lconomie des industries de la culture ;

    et la monte des mouvements de culturalisation de lconomie et de

    chosification de la culture.

    mettant en avant des problmatiques spcifiques lies la cration, ce qui l

    aussi pourrait conduire faire rfrence la notion dindustries cratives.

    Il convient, dune part, de sinterroger sur les causes et modalits dune

    ventuelle extension du champ des industries de la culture vers les industries

    cratives et, dautre part, dexaminer quelles caractristiques communes

    pourraient correspondre aux diverses composantes des hy pothtiques

    industries cratives.

    47

    Premirement, rappelons quau-del du Roy aume-Uni, et en particulier en

    Europe continentale, lmergence et laffirmation des notions dconomie

    crative et dindustries cratives et leur mise en parallle ou en concurrence

    avec la notion dindustries culturelles sont lies trois mouvements se

    dveloppant lchelle internationale :

    48

    En premier lieu, les libralisations sectorielles (tlv ision,

    tlcommunications), la libralisation des changes de serv ices, et la

    libralisation financire, outre la remise en cause des missions traditionnelles de

    lintervention publique, font des industries de la culture et de la communication

    un enjeux conomique important, tant sur le plan national, que sur le plan

    international. Les jeux de lconomie-monde de la culture et de la

    communication sintensifient, tandis que les enjeux conomiques, industriels,

    culturels, politiques et sociaux senchevtrent de manire complexe. Les

    questions de culture et de communication prennent alors une place permanente

    sur les agendas politiques et industriels. Ce faisant, les dbats slargissent de la

    seule culture, au sens culturaliste, un ensemble plus vaste, celui de la cration

    et des produits dits cratifs, cest--dire des produits qui incorporent de la

    cration et dont la valeur est troitement lie leur dimension crative. Ainsi,

    les travaux de certains des thoriciens de la mondialisation culturelle

    concourent largir la notion de culture. Par exemple, l'approche de

    lconomiste Ty ler Cowen (2002), selon laquelle le commerce culturel

    augmente le menu de choix disponible pour chacune des socits engages dans

    lchange, mais diminue la diffrence entre menus de choix de ces deux

    socits , conduit formuler une dfinition si large de la culture qu'elle inclut

    un vaste ensemble de produits supposment cratifs, dont notamment des

    produits alimentaires. De nouvelles catgories intellectuelles saffirment, les

    dbats acadmiques et politiques se dplaant des industries et de lconomie

    culturelles vers lconomie et les industries cratives. Ds lors, noy es dans un

    ensemble trs vaste, les productions culturelles ne semblent plus constituer une

    49

  • catgorie propre justifier la mise en uvre de politiques publiques spcifiques.

    La volont de certains pay s, dont la France, de dfendre leurs productions

    nationales en est peu ou prou disqualifie.

    En second lieu, grce aux libralisations, mais aussi aux innovations

    technologiques, en particulier la numrisation, les articulations entre industries

    de la culture et de la communication sous lgide des industries cratives

    sintensifient. Alors que ce mouvement a connu des checs importants dans les

    annes 1990, tout se passe comme s'il connaissait une nouvelle actualit depuis

    le milieu des annes 2000. la faveur de ces articulations, lconomie des

    industries de la culture dev ient trs lie celle des industries de la

    communication.

    50

    Tout dabord, des acteurs des industries de la communication entrent dans

    lconomie des contenus. Des acteurs en place des industries de la

    communication, par exemple Apple, Orange, des fournisseurs daccs Internet,

    dev iennent des acteurs cls de la diffusion, de la valorisation et mme parfois de

    la cration/production des contenus. Des acteurs mergents des industries de la

    communication, en particulier des pure players du Web, et des sites du Web

    collaboratif dev iennent eux aussi des places centrales de

    cration/diffusion/valorisation/ promotion des contenus.

    51

    Ensuite, les modes de cration, production, diffusion, valorisation, bien tablis

    parmi les industries de la culture, sont fortement remis en cause. cette

    occasion, la tendance qui fait des contenus des produits joints , cest--dire en

    loccurence des produits lies la valorisation densemble des acteurs des

    industries de la communication saccrot. Avec cette tendance, le mouvement de

    bipolarisation des productions culturelles saffirme. La bipolarisation signifie

    que les productions de contenus sorientent dans deux voies, soit la production

    de contenus premium, aux cots levs et assums par les grands acteurs des

    filires, soit la production, par les acteurs des franges des oligopoles, de

    contenus bas cots. Mme si les marchs demeurent de taille diffrente et que

    les filires conservent leurs spcificits, les articulations sintensifient et jouent

    un rle important notamment dans les jeux concurrentiels entre acteurs des

    industries de la communication.

    52

    Enfin, des produits des industries de la communication, essentiellement des

    matriels lectroniques grand public, cherchent se culturaliser . Outre, que

    les contenus prennent une place dsormais centrale dans leur valorisation,

    certains dentre eux empruntent des traits aux modes de fonctionnement des

    produits culturels. Ils v isent alors transformer leurs produits en des produits

    de cration. Telle est la politique marketing de certains dentre eux, dont Apple

    et ses iPod ou iPhone. Or le propre des produits culturels est dincorporer du

    travail artistique, culturel ou intellectuel. Cest bien leur dimension crative

    qui les distingue radicalement des autres produits de lconomie. Leur valeur

    dusage est lie la qualit du travail cratif incorpor. La stratgie de ces

    industriels est donc de suggrer que leurs matriels sont des produits cratifs,

    non substituables et rapidement obsoltes.

    Ils tentent ainsi de distinguer leurs produits de ceux des offres concurrentes en

    v itant une concurrence par les prix . Ils esprent alors se mnager des taux de

    marge levs.

    53

    En somme, alors que les enjeux conomiques, comme culturels et politiques,

    soulevs par la culture et la communication sont exacerbs, les limites des

    industries culturelles dev iennent plus floues. Concrtement ces articulations

    54

  • Une perte dautonomie conomique des produits culturels et de leurs

    acteurs historiques.

    Un amoindrissement de leur valeur sy mbolique lorsquils prennent sens

    par rapport la valorisation dautres produits et lorsque des contenus,

    trs diffrents, notamment amateurs et issus des industries de la

    culture sont mis sur le mme plan.

    La remise en cause des dispositifs rglementaires spcifiques, par exemple

    de dpenses obligatoires dans la production, au nom, dune part, de

    lgalit des positions concurrentielles entre acteurs historiques et

    nouveaux acteurs des contenus et, dautre part, au nom de

    labondance crative lie aux nouveaux mdias et supports en

    dveloppement.

    La rconciliation entre conomie, culture et communication, selon

    lexpression promue par Jack Lang, dans le cadre de lconomie crative.

    favorisent :

    Ainsi, ces articulations entre industries de la culture et industries de la

    communication suscitent un premier mouvement de chosification de la

    culture et de culturalisation de lconomie.

    55

    En troisime lieu, ce double mouvement de chosification de la culture et de

    culturisation de lconomie sapprofondit au fur et mesure que les contenus

    culturels et informationnels tendent sinsrer dans lconomie des produits de

    consommation. En particulier grce aux articulations entre Web, Web

    collaboratif et contenus, les produits culturels et informationnels sont associs

    la diffusion/valorisation/promotion de divers produits et serv ices de

    consommation quil sagisse de produits alimentaires, de vtements,

    dautomobiles ou de serv ices financiers. Les contenus peuvent tre employ s

    dans des dispositifs destins tudier les comportements des consommateurs

    partir de corrlations entre leurs consommations culturelles et les autres ty pes

    de consommation. Ces articulations tendent alors assimiler les produits de

    consommation offerts par les marques des contenus culturels. Pour ne citer

    des exemples que dans le seul univers du Web collaboratif, tel est lun des

    principaux objectifs de la base musicale de Diesel ou des chanes v ido

    dHonda sur le Web 2.0. Il sagit donc du mme phnomne de culturisation que

    celui que nous dcriv ions plus haut autour dApple mais, cette fois-ci, dans des

    domaines parfaitement trangers aux industries de la communication. Des

    auteurs, tels Scott Lash et Celia Lury (2006), insistent sur le double processus de

    culturisation de lconomie et de chosification de la culture. Dans cette

    perspective, les crations culturelles dev iennent larchty pe du produit dans

    lconomie contemporaine. Au centre de cette conception est la notion de

    dpassement de la marchandise par la marque (brand), qui se caractrise par

    un ensemble de relations ; une histoire et une mmoire et une identit .

    Contrairement la marchandise culturelle, du moins la reprsentation quen

    donne Lash et Lurry , la marque produit de la diffrenciation. Les biens

    culturels ne seraient dsormais plus des marchandises mortes mais des

    objets v irtuels, qui accdent la ralit par le biais de leur transit au sein de

    limaginaire social.Limaginaire social dev ient alors le moteur des

    transformations structurelles de lindustrie culturelle globale . Ce

    raisonnement nest pas sans rappeler la dfinition du march produite par James

    OConnor et voque plus haut. Ces mouvements darticulation entre culture,

    56

  • communication et produits de consommation favorisent les tendances

    lharmonisation des rgimes de proprit. Ils v isent galement rendre plus

    flexible le march du travail, externaliser certaines tches, rduire le salariat,

    dporter les cots, etc. Les procs luvre au sein des industries de la culture

    sont supposs stendre dans dautres secteurs conomiques conduisant

    reprsentation de lconomie sur le modle des cercles concentrique

    prcdemment dcrit. Cela correspond dailleurs la perspective du

    dveloppement de lconomie crative telle quelle est prsente dans les

    discours britanniques et europens.

    Deuximement, si les frontires des industries de la culture slargissent

    jusqu englober certaines des productions des industries de la communication,

    voire certains des produits de consommation offerts par les marques, alors il

    serait ncessaire de sinterroger sur lex istence dventuelles caractristiques

    socio-conomiques communes et spcifiques ces activ its ou, du moins, aux

    activ its gnralement regroupes au sein des premiers cercles des industries

    cratives, savoir les quatre filires des industries de la culture auxquelles

    sajouteraient le design, les jeux v ido et la mode. Sur la base des travaux

    relevant des thories des industries culturelles, mais aussi sur la base des

    travaux de Richard Caves (2000), huit indicateurs permettant didentifier si les

    points communs ou les diffrences ces activ its peuvent tre proposs.

    57

    Le premier est certainement lincertitude pesant sur la valorisation. Richard

    Caves en fait, avec dautres auteurs, mais sa manire, la caractristique

    principale de ces industries. Il propose dailleurs de lire les industries

    cratives la lumire de la thorie des contrats. Conclure des contrats

    permettrait lentrepreneur culturel de limiter les risques financiers et de mieux

    coordonner les procs de production sur un terme relativement long.

    Fondamentalement, lincertitude est lie la nature de bien sy mbolique des

    produits culturels. Linsertion de travail artistique ou intellectuel limite, dune

    part, la possibilit de rationaliser les procs de production et, dans une certaine

    mesure, de diffuser les produits. Dautre part, cette insertion rend alatoire la

    raction du public face aux produits qui sont considrs comme des

    biens d exprience . Quelles que soient la qualit des critiques, limportance

    des campagnes de promotion, la prsence de stars, la raction du public

    demeure imprv isible.

    58

    Un second indicateur est li aux cots. Les cots unitaires sont trs diffrents

    selon le ty pe de produits culturels considrs. Cependant, ils prsentent, des

    degrs divers, trois caractristiques communes.

    59

    Tout dabord, ils ne sont pas proportionnels aux possibilits de gains. Dune

    part, parce que leur valeur marchande est lie leur contenu sy mbolique. C'est

    dans les arts plastiques que cette caractristique joue le plus, la valeur

    marchande dune uvre tant sans lien avec le cot des matriaux qui la

    composent. Dautre part, parce que les cots marginaux sont faibles ou supposs

    tels. Une fois le produit conu, un livre par exemple, le cot marginal

    dimpression et de diffusion est relativement modeste. Il lest dautant plus que le

    produit est dmatrialis. Les droits de proprit sont dautant plus importants

    que les cots fixes de cration du produit sont importants. Des rentes

    peuvent alors tre gnres, du moins tant que le produit nest pas dans le

    domaine public.

    60

    Ensuite, ils sont irrcuprables , cest--dire que lacteur conomique qui a

    consenti des dpenses en vue de la production dun bien ne peut pas rcuprer

    61

  • sa mise en cas dchec. Cette caractristique accrot donc le risque et elle est

    dautant plus forte que les produits sont des prototy pes, cest--dire des biens

    qui nentrent pas dans une logique de production en srie.

    Enfin, les acteurs dominants tentent de transfrer les cots vers dautres

    intervenants de la chane de production. Lorganisation des marchs sous la

    forme doligopoles franges permet ainsi de faire peser une part importante du

    risque et des cots de production vers les petits acteurs, qui sont sur les franges.

    Par ailleurs, dans lconomie ditoriale, le livre et le disque notamment, les

    auteurs assument une part significative de ces cots, en particulier la quasi

    intgralit des cots de cration. Le Web dit collaboratif permet aussi de

    transfrer aux usagers la prise en charge financire de nombre de contenus

    diffuss sur les supports mergents.

    62

    Un troisime indicateur rside dans les modes demploy abilit, de

    rmunration et dans le statut des travailleurs culturels ou informationnels.

    Dune part, ils ne sont pas interchangeables, la valeur du produit dpendant de

    leur personnalit, de leur talent et de leur notorit. Selon leur notorit, les

    travailleurs artistiques et intellectuels peuvent plus ou moins peser sur la

    rpartition des recettes collectes. Dautre part, comme lcrit Richard Caves

    (2000, p.3), creative workers care about their product . Il voque ici la

    tension quil peut y avoir entre les intervenants au procs de cration-

    production, dont les proccupations sont principalement dordre artistique on

    intellectuel, et dautres agents plus intresss par les perspectives de

    valorisation.

    63

    Un quatrime indicateur est li au temps. Dune part, les procs de production

    sont complexes et supposent de coordonner dans le mme temps, ou selon une

    succession bien prvue, la mobilisation de diffrentes comptences. Lacteur

    conomique principal loue les serv ices de prestataires externes, lesquels

    concourent de faon importante aux procs de production. En outre, le salariat

    nest pas la rgle. Il est concurrenc par le paiement la tche, au cachet ou

    par les droits dauteurs. Le salariat tient une place diffrente selon le ty pe de

    filire, la taille des acteurs et leur position dans la filire. Dautre part, la

    valorisation sopre dans un temps, soit trs court lorsque la dure de v ie est

    phmre, soit long, lorsque des stratgies de catalogue sont possibles.

    64

    Le cinquime indicateur est celui de la reproductibilit. La question du degr

    de reproductibilit se pose au sein des activ its cratives (design, mode/haute

    gastronomie) comme des activ its culturelles (industries de la culture/spectacle

    v ivant). Les critres de lindustrialisation de la formation proposs par Pierre

    Mglin (1998), savoir la technologisation , lidologisation et la

    rationalisation offrent certainement des cls pour penser lindustrialisation et

    notamment les tendances industrialisantes , selon lexpression de Pierre

    Mglin (1998), dans les secteurs qui ne relvent pas au sens strict des domaines

    o opre la reproductibilit.

    65

    Le six ime indicateur renvoie la question de la marque. Lintervention de la

    notion de marque est prsente dans les industries de la culture, comme dans les

    industries cratives, mme si ces dernires ont des stratgies plus accentues.

    Peut-on comparer, par exemple, dun ct, les liens entre la haute couture et la

    vente daccessoires de mode avec, de lautre, les logiques de produits drivs

    dans les industries de la culture o une mme entit crative , Mickey par

    exemple, est dcline sur une constellation de produits?

    66

    Le septime indicateur a voir avec la question de la crativ it et de son67

  • La cration en question

    encadrement . Il est difficile dencadrer troitement la cration dans le

    domaine culturel. Les limites du marketing amont ont dj t soulignes

    (Mige, 2000), malgr le dveloppement des logiques gestionnaires (Rebillard,

    2011). Mais, paralllement, la question de la crativ it dans les industries

    cratives reste entire. Il est ncessaire de bien distinguer la crativ it de ty pe

    scientifique ou technique et la crativ it dordre artistique ou intellectuel. Or,

    nombre de discours sur les industries cratives assimilent lune et lautre et

    donnent croire que des transferts de comptences sont possibles entre artistes,

    scientifiques, bureaux dtudes.

    Le huitime indicateur porte sur la question des contributions diffrencies

    des industries de la culture et cratives lespace public, aux identits et leur

    dimension politique. lv idence, les contributions des activ its places au sein

    des industries cratives la construction de lespace public sont fort

    diffrencies. Nanmoins, ces diffrences sont souvent nies par les discours des

    promoteurs des industries cratives. En fait, il apparat quau sein mme des

    activ its regroupes dans les industries de la culture, les diffrences sont

    importantes, par exemple entre la presse et la musique enregistre. Quoi quil en

    soit, il faut noter que les promoteurs des industries cratives, ou dailleurs plutt

    des territoires cratifs, notamment lorsquils sintressent galement aux

    territoires 2.0, mettent en avant la contribution la construction de lespace

    public, comme du lien social, par des activ its tel le design. La notion de design

    de serv ices publics fait ainsi rfrence la participation des citoy ens, des

    habitants, ou des usagers dun serv ice public la rflexion sur le devenir de la

    Cit ou dun serv ice public particulier. Au-del des rfrences explicites

    produites par les agents sociaux ou les acteurs socio-conomiques la

    dimension politique dune industrie crative, il serait intressant de sinterroger

    sur la notion de socit laquelle peuvent renvoy er les modes de

    fonctionnement de cette industrie. Pierre Mglin (2007 , p.159) lorsquil

    sintresse aux modles des industries culturelles quil conoit comme des

    idalty pes considre que chacun de ces modles est porteur dune certaine

    v ision de la socit. Ainsi, la dimension politique, au sens large du terme, semble

    incontournable lorsquon veut dfinir la notion dindustries culturelles comme

    celle dindustries cratives.

    68

    la faveur des mouvements darticulation, prcdemment voqus, entre

    industries de la culture et industries de la communication, une des questions qui

    peut se poser est celle dventuelles transformations importantes qui mettraient

    en avant des enjeux lis la cration ou la nature crative de ces activ its et

    qui pourraient justifier le recours lexpression industries cratives.

    69

    Si cette hy pothse devait tre valide, la dfinition de la notion dindustries

    cratives qui serait alors donne serait tout de mme assez loigne de celles des

    autorits statistiques gouvernementales ou europennes. Ces dfinitions (voir

    Bouquillion, Le Corf, 2010) nous semblent plutt sommaires, floues et

    discutables. En somme, elles regroupent au sein des industries cratives les

    activ its reposant sur des ides , transformables en des produits

    commercialisables qui peuvent tre protgs grce limposition de droits de la

    proprit intellectuelle.

    70

  • Lhy pothse que nous prsentons ici est tout autre, il sagit plutt de

    considrer quune dissociation entre les stades aval et amont des filires est

    peut-tre en train de se produire. Cette dissociation saccompagnerait du

    maintien, voire du renforcement paradoxal, de limportance des activ its de

    cration pour les positionnements des acteurs aux deux niveaux opposs de la

    filire, aval et amont.

    71

    Premirement, au fur et mesure que les articulations entre industries de la

    culture et industries de la communication se mettent en uvre, on peut

    observer que des acteurs entrent dans lconomie des contenus. Ils peuvent, par

    exemple, proposer des plateformes agrgeant divers ty pes de contenus culturels

    ou informationnels, des plateformes sur lesquelles sont distribus divers

    produits culturels et informationnels issus des filires du livre, de la presse et de

    linformation, de la musique enregistre et du cinma et de laudiov isuel. Comme

    nous lavons signal plus haut, des acteurs aussi diffrents que Google, Apple ou

    Orange ne proposent plus seulement des serv ices de moteurs de recherche, des

    appareils la vente ou des abonnements des serv ices de rseaux de connexion

    mais aussi des contenus. Si leur cur de mtier rside toujours dans ces

    domaines, les contenus culturels et informationnels sont dsormais associs de

    manire indissociable leur offre.

    72

    Il sagit pour eux datteindre deux objectifs. Dune part, ils peuvent avoir

    besoin de faire apparatre leurs produits comme des produits culturels. On a dj

    cit lexemple des stratgies conduites par Apple de culturisation de ses

    ordinateurs, tlphones et baladeurs. Dautre part, le fait de disposer, lgalement

    ou illgalement, de contenus les plus exclusifs possibles, quils peuvent associer

    leurs offres, est un lment central dans leur positionnement les uns par

    rapport aux autres. cet gard, Google a une position assez unique lchelle

    internationale dans un ensemble diversifi de contenus. Apple, travers lApple

    Store ou iTunes, a galement associ des contenus musicaux ou audiov isuels

    ses offres dappareils, sans avoir dailleurs investir de manire importante dans

    la production. En revanche, un oprateur de tlcommunications, tel Orange,

    soucieux de diffrencier son offre daccs Internet comme de tlphonie v is--

    v is de ses concurrents doit consentir des dpenses significatives pour sassurer

    lexclusiv it de diffusion de films en VOD. Orange a d ainsi crer une filiale de

    production cinmatographique pour contrer Canal Plus qui dispose de lessentiel

    des droits de diffusion des films franais. Loprateur historique franais des

    tlcommunications doit galement acqurir pour des montants significatifs,

    lchelle de lconomie des contenus, des droits de diffusion sportifs. Des rseaux

    sociaux, par exemple Facebook en particulier travers laccord intervenu fin

    2010 avec My Space, cherchent galement associer leur offre le plus

    troitement possible avec des contenus. Lobjectif est de se distinguer des autres

    rseaux sociaux et dattirer plus dinternautes mais aussi de pouvoir mieux

    tudier le comportement de ceux-ci et dtre mieux mme de leur proposer

    des publicits ou des offres commerciales cibles.

    73

    Ainsi, quils investissent ou non dans les contenus, que leur entre dans les

    contenus se fasse de manire lgale ou illgale (Google Books a numris

    plusieurs millions de titres sans lautorisation des ay ant-droit), ceux-ci nen

    demeurent pas moins fort importants pour les acteurs dominants des industries

    de la communication. Ils tentent notamment dv iter une concurrence par les

    prix en diminuant la substituabilit de leur offre. Limportance des contenus

    dans leur conomie ne se mesure donc pas au prorata du chiffre daffaires ralis

    74

  • directement grce ceux-ci, notamment leur vente des consommateurs

    finaux. Par exemple, iTunes naurait atteint le stade la rentabilit quil y a peu.

    Les contenus produisent un ensemble complexe dexternalits lorsqils sont

    insrs dans les offres des grands aceurs des industries de la communication.

    Outre les externalits dordre industriel, par exemple la production

    dinformations marketing permise par loffre de contenus dinformation (news)

    de la part de Google, la russite des stratgies de ces acteurs dans les contenus

    prsente des enjeux financiers. Ainsi, la valorisation boursire dApple a

    augment trs fortement lorsque les usages diTunes se sont installs et sont

    devenus centraux dans lconomie lgale de la musique en ligne. Cet acteur

    industriel a pu alors encore plus facilement dvelopper ses stratgies car il lui a

    t plus ais daugmenter son capital ou de raliser des emprunts. En somme,

    bien que les grands acteurs des industries de la communication, lorsquils

    pntrent les filires des industries de la culture, se spcialisent plutt dans

    laval et quils acquirent une matrise trs forte de celles-ci, leur position

    concurrentielle, notamment leurs pouvoirs de march, sont trs lis des

    positions quils peuvent dtenir ou contrler dans lamont, dans la cration.

    Certes, cest donc la matrise de laval et leur position dintermdiaire entre les

    produits culturels et informationnels et les consommateurs finaux qui

    expliquent leur position de force v is--v is des acteurs des industries de la

    culture. En revanche, ce sont leurs positions dans lamont qui concourent

    asseoir leurs rapports de force en direction de leurs concurrents directs, les

    autres grands acteurs des industries de la communication.

    Deuximement, les industriels de la culture, face ces stratgies de

    pntration de leur domaine par les acteurs des industries de la communication

    ne risquent-ils pas de devenir de simples fournisseurs de contenus, lesquels

    serait alors diffuss et valoriss par dautres acteurs (ceux des industries de la

    communication) ? Dans cette hy pothse, les acteurs des industries de la culture

    ne dev iennent-ils que de simples prestataires de serv ices ? Deux tendances

    plaident en faveur de cette perspective.

    75

    En premier lieu, il apparat que les nouveaux supports de diffusion,

    matriss par les acteurs des industries de la communication ont conquis une

    place significative dans la diffusion des contenus. La forme de diffusion illgale

    de diffusion des contenus non libres de droits participe de ce mouvement. Force

    est de constater que divers acteurs des industries de la communication ont en

    retirer des avantages, en particulier une plus forte incitation utiliser leurs

    serv ices du fait de le prsence de ces contenus.

    76

    Le recul des ventes de CD face aux diffusions en ligne, quelles soient lgales ou

    illgales, limportance prise par linformation en ligne qui se traduit par une

    augmentation du march publicitaire attach ce mode diffusion au dtriment

    des marchs publicitaires propres aux formats papier, mais aussi limportance

    des usages de v idos dites collaboratives ou professionnelles en constituent

    autant de tmoignages. La filire du livre a t concerne plus tardivement.

    Nanmoins, le dveloppement du livre lectronique est aujourdhui trs net

    comme lanaly se une tude de lIdate dont rend compte ZDNet.fr : la fin

    2010, le march du livre numrique a dcoll partout dans les pay s de l'tude

    mais prsente des situations contrastes. Les Etats-Unis dev iennent le premier

    march au monde avec des ventes d'e-books atteignant 594 millions EUR en

    2010. Ils devancent le Japon, march pionnier, 527 millions EUR. par le livre

    lectronique (source : http://www.zdnet.fr/blogs/digiworld/e-book-etat-des-

    77

  • lieux-du-marche-397 567 48.htm,consult le 9 dcembre 2010).

    En second lieu, limportance croissante de ces modes de diffusion et de

    valorisation conduit une profonde dstructuration des modles socio-

    conomiques, au sens large du terme, autour desquels se sont historiquement

    constitues les industries de la culture. Cette dstructuration se marque sur trois

    plans, celui des professionnalits, celui des contenus et des genres et, enfin, celui

    des modalits de valorisation. Dans le cadre imparti cette contribution, nous

    nvoquerons que ce troisime point. Afin de pouvoir valuer la porte

    dstructurante de ces nouveaux modes de diffusion et de valorisation, il faut, au

    pralable, analy ser les stratgies tarifaires dans le domaine des contenus qui

    sont adoptes par les acteurs des industries de la communication, ainsi que leurs

    stratgies de valorisation dites indirectes des contenus.

    78

    Lorsquils pensent la valorisation directe des contenus, les acteurs des

    industries de la communication sont placs face un choix . Soit, ils poussent

    vers le haut les tarifs des contenus, soit ils poussent la baisse par rapport aux

    tarifs en v igueur pratiqus par les acteurs historiques des contenus. Tirer la

    baisse les tarifs des contenus prsente deux avantages. Le premier avantage

    attendu par les acteurs des industries de la communication est dimposer plus

    facilement leurs offres auprs des consommateurs face aux offres existantes,

    notamment celles des acteurs des industries de la culture. Le second avantage

    est li lobjectif central des acteurs des industries de la communication

    lorsquils pntrent lconomie des contenus. Sils cherchent culturiser leur

    offre principale ou la positionner par rapport celle de leurs concurrents

    directs dans leur march principal (les tlcommunications, le Web ou les

    matriels), alors les contenus dev iennent pour eux des produits joints. Cest--

    dire des produits qui accompagnent la production principale, qui sont lis

    celle-ci. Dans cette perspective, lintrt des industriels de la communication

    vis--v is des contenus ne rsiderait pas dans les chiffres daffaires raliss auprs

    des consommateurs finaux (ventes de contenus) mais dans les avantages

    indirects (culturisation et renforcement du positionnement).

    79

    Avec de telles stratgies, les contenus tendent soit, tre valoriss lunit,

    mais bas prix unitaire, soit par des sy stmes dabonnement qui tarifie laccs

    un club de contenus ou soit, encore, de manire indirecte par la publicit et

    la collecte dinformations marketing. La place de ce dernier mode de

    financement dev ient tout fait centrale mme si les chiffres daffaires ralises

    grce la vente dinformation par les grands acteurs des industries de la

    communication ne sont gure rendus publics et sont donc difficiles valuer.

    Notons que ces divers modes de valorisation ne sont pas exclusifs les uns des

    autres et, dans les faits, ils sont plutt panachs.

    80

    Quoi quil en soit, les marges ralises par les acteurs historiques des contenus

    ne peuvent sans doute gure se maintenir. Ils en sont doublement handicaps.

    81

    Dune part, ils doivent reconsidrer leurs stratgies tarifaires sur les supports

    en place, tandis que ces faibles perspectives de rentabilit dcouragent leurs

    stratgies en direction des supports mergents. cela sajoute bien v idemment

    quils ne disposent pas des savoir-faire techniques et professionnels pour

    dvelopper par eux-mmes certains supports, notamment les matriels et les

    rseaux. Ils nont pas les moy ens financiers qui leur permettraient dinvestir ces

    activ its. Les acteurs des industries de la communication, en revanche, du

    moins les plus importants dentre eux, ont des moy ens financiers qui leur

    permettent dacqurir des entreprises extrieures possdant des catalogues de

    82

  • Conclusion

    contenus ou produisant des contenus originaux.

    Dautre part, les acteurs des industries de la culture sont gnralement moins

    bien placs que les acteurs des industries de la communication pour tirer parti

    des financements indirects propres aux nouveaux supports. En effet, les genres

    constitus, les savoir-faire lis aux professionnalits en place ont t construits

    par rapport des contenants prcis et ne peuvent pas tre transposs sur dautres

    supports ou, du moins, lorsquils le sont, cela apparat relativement artificiel et

    inadapt. Les travaux coordonns par Franck Rebillard (2011) ont montr que,

    dans lexemple de la presse magazine en ligne, les traditions dcritures

    journalistiques propres aux titres papier conduisent ces titres de presse

    dvelopper des versions lectroniques dont les contenus sont moins bien

    adapts pour collecter de la publicit en ligne que ceux produits par les pure

    players du Web, spcialistes de linformation en ligne. Par ailleurs, les acteurs

    des industries de la communication sont tendanciellement mieux mmes de

    collecter et vendre des informations marketing produites grce linsertion

    des contenus sur des plateformes Web que les acteurs historiques des contenus.

    Tel est lobjet central de certains des acteurs des industries de la

    communication, en particulier des rseaux sociaux, des plateformes du Web

    collaboratif ou des moteurs de recherche. Ils disposent de comptences

    logicielles indispensables cette fin. De mme, linsertion des contenus dans ces

    bases v ise principalement produire de linformation marketing ; elle est donc

    directement conue dans cette perspective. Elle v ise faciliter les interactions

    sur les rseaux sociaux ou aider la ralisation dopration de vente ou

    dinformation sur divers produits ou serv ices. Divers contenus collaboratifs ou

    issus des industries de la culture, ainsi que des contenus textuels, filmiques ou

    musicaux, se trouvent assembles dans cet objectif. Les plateformes aux mains

    des acteurs historiques des contenus ne disposent pas des mmes avantages.

    Certes, elles offrent une masse critique de contenus importants, surtout quand

    les acteurs se sont regroups, comme par exemple les grands acteurs tlv isuels

    amricains au sein de Hulu. Toutefois, cest l leur seul avantage et celui-ci, dans

    certains domaines, est parfois contest. Un acteur tel Google est en mesure dans

    le domaine du livre, notamment, de mobiliser une masse considrable de

    contenus. 12 millions douvrages auraient t scanns et seraient diffuss sur

    Google Books.

    83

    Au terme de cet article, force est de constater que les notions dindustries et

    dconomie cratives renvoient des nombreux enjeux htrognes. Bien que

    les dfinitions de ces notions soient trs floues, on comprend que les

    perspectives v isant dvelopper les industries cratives et favoriser la

    conversion des conomies aux logiques dconomie crative ne se

    confondent pas avec la promotion des Tic.

    84

    Primo, durant leur priode dmergence au Roy aume-Uni, ces notions sont les

    hritires de discours lis aux Tic. Toutefois, elles sont porteuses denjeux

    spcifiques. Il sagit en particulier, travers leur promotion, de dfendre et

    mme dtendre le champ dapplication des droits de la proprit intellectuelle,

    de penser la place des anciens pay s industriels dans lconomie mondialise et

    de favoriser une plus grande flexibilit du droit du travail. Lorsque ces notions

    85

  • Bibliographie

    sont remises en question, toujours au Roy aume-Uni, cest aussi autour denjeux

    non rductibles aux Tic, en particulier la remise en cause des politiques

    culturelles au profit dune plus grande marchandisation des activ its culturelles.

    Secundo, quand ces thmatiques se dploient au-del du Roy aume-Uni,

    diverses reprsentations industrielles sont construites. Tout dabord, elles

    resituent les industries cratives notamment par rapport leur dimension

    sy mbolique, leur structuration en oligopole franges, leur capacit

    dploy er la crativ it dans lensemble de lconomie. Cest par rapport ces

    rflexions relatives aux spcificits industrielles de ces domaines quest pense

    linsertion des Tic dans leur conomie. Ensuite, la v ision territoriale qui est

    porte par les rapports marque galement la spcificit de la notion de

    territoires cratifs, diffrente de celle de territoires 2.0, mme si dans les actions

    effectivement conduites, notamment par des collectiv its territoriales

    franaises, les deux dimensions sarticulent. Enfin, les reprsentations relatives

    aux politiques publiques, pour une part, reprennent assez largement des

    thmatiques dj prsentes avec les discours relatifs aux Tic, en particulier la

    proposition que les politiques publiques doivent aider construire un cadre

    favorable pour les acteurs ; quelles doivent concourir rapprocher secteur

    public et secteur priv ; quelles doivent tre conduites dans une logique dite de

    gouvernance et que lchelon national a un rle jouer entre les niveaux

    supranationaux et infranationaux. Pour une autre part, des thmes spcifiques

    sont dvelopps, en lien avec les discours antrieurement produits par les

    Britanniques, notamment autour des questions de droits de la proprit

    intellectuelle ; du renouvellement marchand des politiques culturelles ; de

    limmigration ; du rle de facilitateur de la communication des entreprises

    cratives que doit jouer lEtat ; de lducation et de luniversit en tant

    quindustries et vecteurs de mobilisation dune nation autour de la crativ it.

    86

    Tertio, lorsque sont voqus, dune part, les ventuels points communs entre

    les industries de la culture et les industries cratives et, dautre part, le poids de

    la cration et le caractre stratgique de celle-ci du fait des articulations

    croissantes entre les industries de la communication et celles de la culture, la

    question des Tic est prsente. Toutefois, si les dbats relatifs llargissement du

    champ de la culture sont en partie lis aux Tic, notamment parce que le Web est

    un des facteurs de la mondialisation culturelle. En revanche, les indicateurs des

    rapprochements entre les divers domaines des industries de la culture et

    cratives ne sont pour la plupart dentre eux pas directement lis aux Tic. Du

    moins, il convient dexaminer prcisment comment les Tic interfrent avec les

    modalits dindustrialisation et de marchandisation spcifiques aux industries

    de la culture. En fait, la question qui est pose ici est celle des rapports entre les

    Tic et les volutions de lindustrialisation et de la marchandisation. Cest

    dailleurs parce que les Tic sont aussi des industries que les transformations au

    sein des industries de la culture prennent une si grande ampleur.

    87

    Ces indicateurs peuvent en effet tre considrs comme des points clefs des

    transformations de lindustrialisation et de la marchandisation de ces secteurs

    les enjeux des Tic dpendent des modalits dindustrialisation et de

    marchandisation spcifiques aux industries de la culture.

    88

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  • Notes

    1 Elles comprennent les filires du liv re, de la presse et de linformation, de lamusique enregistre et du cinma et de laudiov isuel.

    2 Les discours de 5 rapports nationaux (Allemagne, Bulgarie, Italie, Pay s-Bas,Roy aume-Uni), dun rapport international (Pay s Nordiques), ainsi que les discours durapport de lUnion europenne et du Canada ont t analy ss. Les rfrences sont lessuiv antes : Confrence canadienne des arts. De lconomie lcologie : Un cadrestratgique pour la main duvre crative, 2009 ; Department for Culture, Media andSport, UK. Creative Britain: New Talents for the New Economy, 2008 ; Dutch Ministryof Economic Affairs et Ministry of Education, Culture and Science. Culture & Economy.Our Creative potential, 2005 ; European Commission. The economy of culture in Europe,2006 ; Federal Ministry of Econ omics and Technology and Federal Gov ernmentCommissioner for Culture and the Media. Culture and Creative Industries in Germany,Research Report, 2009 ; KEA, study for European Commission, The impact of culture oncreativity, 2009 ; Nordic Innov ation Centre. Creative economy green paper for theNordic region, 2007 ; Santagata, Walter, White paper on creativity: Towards an I talianmodel of development, 2009 ; World Intellectual Property Organization, Ministry ofCulture of the Republic of Bulgaria. Wipo study of the economic contribution of thecopy right-based industries in Bulgaria, 2007 .

    Pour