Le Nipissing et la Guerre de 1812 François Castilloux
La région du Nipissing a
vécu la Guerre de 1812
d’une façon
particulière. Même si
aucune bataille ne s’est
produite dans les
environs, notre région a
tout de même contribué
à cette guerre. Notre
région a fourni aux Forces britanniques et
canadiennes deux choses importantes : un appui
militaire et une voie de transport à travers le lac
Nipissing. Ma prochaine chronique élaborera la
contribution militaire de notre région. Pour l’instant,
j’aimerai élaborer le sujet du transport et à quel point
le lac Nipissing était un lien important durant la
Guerre de 1812.
Le lac Nipissing se situe sur la route de la rivière des
Outaouais qui servait de voie de transport naval, de
ravitaillement et de communication durant la Guerre
de 1812. Voici le trajet de cette route. À partir de la
baie Géorgienne, nous entrons dans la rivière des
Français pour atteindre le lac Nipissing. Par la suite,
nous devons atteindre le lac Trout ou le lac Talon
pour suivre la rivière Mattawa, la rivière des
Outaouais et ainsi atteindre le fleuve St-Laurent.
Donc, cette route joint les Grands Lacs au Bas-Canada
et aux cités importantes du fleuve comme Montréal et
Québec. De plus, elle évite au même moment de
traverser le lac Érié et le lac Ontario qui longent la
frontière entre les États-Unis et le Canada. La région
des Grands Lacs était un axe important de la Guerre
de 1812, ce qui a favorisé l’usage de la route de la
rivière des Outaouais. Plusieurs batailles se sont
produites dans les Grands Lacs et la route de la
rivière des Outaouais est devenue une voie
importante. À un moment, cette route est devenue la
seule voie sûre dans les Grands Lacs pour les Forces
britanniques et canadiennes. Thomas H. Palmer a
vécu la Guerre de 1812 et écrit : «The only
practicable lines of communication with the lower
country, while the Americans were masters of Lake
Erie, was with Montreal by Outawas [River], which is
connected by means of a portage or carrying-place,
with lake Nipissing, which latter empties itself into
Huron by means of French River […]». D’une certaine
manière, la Guerre de 1812 a valorisé la route de la
rivière des Outaouais, ainsi que la région du Nipissing
comme voie de transport. Vers la fin de la guerre, une
expédition a pris cette route pour éviter le lac Érié et
les Américains. Elle a donc traversé notre région.
Certains ouvrages attestent cet événement et
particulièrement celui de Gabriel Franchère qui a
participé à cette expédition.
Gabriel Franchère était un explorateur, auteur et
commerçant de fourrures dans l’histoire canadienne.
Il était un commis d’une compagnie de fourrure qui
avait accumulé une très riche quantité de fourrures
dans l’Ouest du continent. La Guerre de 1812 a causé
plusieurs changements administratifs et la
Compagnie du Nord-Ouest était responsable de
transporter cette fourrure à Montréal. À cet égard, la
compagnie organisa une véritable expédition qui
planifia de traverser en canots la Colombie-
Britannique, la rivière Saskatchewan, le lac Winnipeg,
les Grands Lacs jusqu’à Montréal. De plus, la
compagnie ajouta à l’expédition un contingent armé
du Corps canadien de Voyageurs pour protéger la
cargaison de fourrure. Après tout, ce genre de
cargaison représentait une capture facile et très
profitable pour les Américains. Gabriel Franchère a
été marqué par cette expédition. Quelques années
après la guerre, Gabriel Franchère écrit son
expérience extraordinaire. En 1820, il publia
«Relation d’un voyage à la côte du Nord-Ouest de
l’Amérique». Aujourd’hui, cet ouvrage nous permet
de retracer le trajet de cette expédition. Cette
dernière atteint les Grands Lacs et la baie Géorgienne
au mois de juillet. Peu après, elle était à l’embouchure
de la rivière des Français. Gabriel Franchère écrit :
«Le 21, le canot sur lequel j’étais passager fut envoyé
à l’entrée de la Rivière des Français, pour observer de
là les mouvements de l’ennemi. […] Le 25, les canots,
au nombre de 47, arrivèrent à l’entrée de cette
rivière. La valeur des pelleteries que portait ces
canots, ne pouvait pas être estimée à moins de
£200,000 : prise importante pour les Américains, s’ils
eussent eu mettre la main dessus. Nous nous
trouvâmes au nombre de 325 hommes, tous bien
armés : nous campâmes, et fîmes sentinelle toute la
nuit. Le lendemain matin, nous commençâmes à
remonter la Rivière des Français. [...] Nous campâmes
le soir, sur les bords du lac Nipissingue (sic). Nous
traversâmes ce lac, le 27, fîmes ensuite plusieurs
portages, et campâmes, non loin de Mataouan. Le 28,
nous entrâmes, de bonne heure, dans la Rivière des
Outawas […]».
Ce passage contient plusieurs éléments importants
pour l’histoire de la région du Nipissing. L’expédition
a campé deux fois autour d’ici : la première fois au
bord du lac Nipissing et la deuxième non loin de
Mattawa. Gabriel Franchère ne précise pas l’endroit
de ces camps et, malheureusement, les fouilles
archéologiques autour du lac Nipissing n’ont rien
dégagé à ce sujet. De plus, Gabriel Franchère ne décrit
pas la traversée du lac. Toutefois, nous pouvons
imaginer cet événement extraordinaire.
L’expédition entra dans la rivière des Français le 26
juillet. Après avoir franchi les torrents de cette
rivière, l’expédition atteint l’entrée du lac Nipissing
en fin de journée. L’expédition monta un camp au
bord du lac. Le souper fut servi, la coque des canots
fut graissée et ensuite l’équipage s’est endormi sous
les étoiles et sous la surveillance des sentinelles. Au
lendemain, l’expédition traversera le lac si la nature
le permet. Dans cette région il faut être prudent.
Depuis longtemps, le lac Nipissing a une sombre
réputation : ses vagues sont rudes et y faire du canot
est généralement une tâche difficile. De plus, ses eaux
sont imprévisibles et peuvent rapidement devenir
violentes. Tôt le matin le 27 juillet, l’équipage s’est
levé et le capitaine a jugé les eaux. Ils ont décidé
d’entreprendre le périple. Le déjeuner fut servi, le
camp fut démonté et les canots furent remis à l’eau.
Sous un ciel d’été, 325 hommes sur 47 canots ont
ramé à pleine force sur le lac Nipissing au bruit de
chansons et des cris rythmiques des voyageurs. Pour
la région du Nipissing, c’est événement n’était pas
commun. L’expédition atteint l’autre côté du lac en
après-midi et devait ensuite faire un portage pour
atteindre le lac Trout ou le lac Talon.
Malheureusement, Gabriel Franchère ne donne pas
de précisions. Par contre, il est très probable que
l’expédition a choisi le portage le plus court à pied,
c’est-à-dire le portage La Vase. Quoi qu’il en soit,
l’expédition a dû vider les canots de leur cargaison et
ensuite transporter le tout à pied jusqu’au lac Trout.
Après avoir rechargé et remis les canots à l’eau,
l’expédition continua le trajet et effectua ensuite
quelques autres petits portages. Elle décida de
s’arrêter pour la journée et campa non loin de
Mattawa.
Selon Gabriel Franchère, l’expédition atteint Montréal
le 1er septembre. Elle a réussi à transporter en
sécurité la fourrure à destination. Grâce à la route de
la rivière des Outaouais, l’expédition a pu contourner
le lac Érié et les Américains. La région du Nipissing a
contribué à la Guerre de 1812 de cette façon
particulière. Cela représente un jalon important dans
l’histoire de notre région. Par contre, ce n’était pas la
seule contribution. Une troupe de guerriers
Nipissings a participé à d’importante bataille de cette
guerre. En fait, la nation Nipissing a fourni un appui
militaire aux Forces britanniques et canadiennes.
Comme nous allons voir dans ma prochaine
chronique, la nation Nipissing avait de bonnes
raisons pour s’avoir impliqué dans le conflit. La
Guerre de 1812 est un épisode important de l’histoire
de notre région.