L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIERn°
91
CENTRES COMMERCIAUX : QUEL MODÈLE POUR DEMAIN ?
IMPACT DE LA RÉGULATION DU SECTEUR BANCAIRE SUR LE LOGEMENT
LE FINANCEMENT VERT
www.cf.immo24, rue des Capucines - 75002 PARIS - Tél : 01 57 44 58 00
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ÉDITORIAL
Chacun peut s’en rendre compte, la
déferlante des ventes sur internet
bouleverse les modes traditionnels de
distribution, mais questionne surtout
la relation client.
La fuite ainsi provoquée de chiffre
d’affaires vers les plateformes de vente sur internet est
l’arbre qui cache la forêt : le monde de la distribution phy-
sique doit, aujourd’hui, se remettre en cause, et replacer le
client au centre de son développement.
C’est que la pression concurrentielle exercée par l’e-com-
merce a mis cruellement en évidence le manque d’attention
portée aux clients, laissés trop souvent livrés à eux-mêmes
dans des magasins en libre accès et dépourvus de présence
humaine, par souci d’économie à court terme.
Plus que tout autre secteur, le monde de l’immobilier est
interpellé par ces évolutions, et doit en tirer très rapidement
les enseignements : tous autant que nous sommes, investis-
seurs, promoteurs, distributeurs, banquiers, nous devons
mettre à profit les nouvelles technologies pour déployer vers
nos partenaires et nos clients finaux toute notre capacité de
conseil et de personnalisation de notre offre.
C’est là que le monde du commerce nous apporte des ensei-
gnements précieux, en nous montrant que, face à l’intrusion
des géants du net, les acteurs de la distribution ont mis en
place de bonnes et de mauvaises stratégies :
– dans un premier temps, une stratégie d’imitation des
e-commerçants, par ouverture de sites marchands paral-
lèles à leur activité traditionnelle, dans une démarche mul-
ticanale visant à récupérer sur internet les clients perdus
en magasin ;
– puis, dans un deuxième temps, une recherche d’intégration
des deux modes de vente (sur le web et en boutique), dans
une optique de vente croisée (« cross-canal »).
La première méthode trouve ses limites à la constatation
que tout le monde peut développer un site de vente en
ligne, sur la base d’un catalogue d’articles déjà référencés,
et pourvu que la logistique suive, ce qui est une autre his-
toire. Mais en pratique, cette démarche n’offre plus aucun
avantage concurrentiel, et peut même se révéler déceptive
pour le client, laissé perplexe face à l’extraordinaire choix de
produits et de prix qu’offre le web.
La deuxième approche s’est montrée plus fructueuse, en
combinant facilité d’achat et de paiement sur internet, pos-
sibilité de voir et de retirer le produit en magasin et, surtout,
de profiter de conseils personnalisés à l’heure du choix et
de la décision.
Voilà un des défis majeurs des chantiers numériques dans
lesquels le Crédit Foncier et le Groupe BPCE se sont enga-
gés : il ne nous suffira pas de remplacer un mode de dis-
tribution par un autre. À nous, au contraire, d’inventer et
déployer les solutions techniques pour apporter à tous les
acteurs de la filière un maximum de connaissances et de
transparence sur les marchés immobiliers, que ce soit à
domicile, en agence, ou sur le terrain en mobilité.
Et, plus particulièrement, ne pas faire l’erreur de croire
qu’un automate, même bien conçu, remplacera la relation
client directe, clé de voûte de sa fidélisation.
Je vous souhaite une très bonne lecture de votre revue.
Benoît CatelDirecteur général délégué en charge
du développement commercial, Crédit Foncier
www.cf.immo24, rue des Capucines - 75002 PARIS - Tél : 01 57 44 58 00
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L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
FINANCEMENTS ET RÉGULATIONS
2 Aides au logement > P. 14
Par Bernard Coloos, Directeur aux Affaires économiques, financières et internationales de la Fédération Française du Bâtiment. Il nous livre sa vision des aides au logement, à l’aune des enjeux financiers et des objectifs auxquels elles répondent.
SOMMAIREL’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIERREVUE DU CRÉDIT FONCIER
Crédit Foncier Immobilier19, rue des Capucines – Paris 1er
Adresse postale : 4, quai de Bercy94224 Charenton CedexTéléphone : 01 57 44 80 00Télécopie : 01 57 44 86 85
Directeur de la publication : Anne-Marguerite Gascard.
Rédacteur en chef : Emmanuel Ducasse.
Comité de rédaction : Laurent Batsch, Mirella Blanchard, Éric Buffandeau, Denis Burckel, François Cusin, Emmanuel Ducasse, Paul Dudouit, Claire Juillard, Christian de Kerangal, Michel Mouillart, Nicolas Pécourt.
Abonnements : Sylvie Buisson : 01 57 44 86 61Mail : [email protected]
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Maquette et réalisation :
Crédits photo : Photononstop.
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Dans le souci du respect de l’environnement, le présent document est réalisé par un imprimeur Imprim’Vert®, avec des encres bio à base d’huile végétale sur un papier certifié FSC® fabriqué à partir de fibres issues de forêts gérées de façon responsable.
N° de commission paritaire :2026 AD – ISSN 0767– 6794.
Dépôt légal : décembre 2015.
1 L’impact du durcissement de la régulation du secteur bancaire sur le logement est sous-estimé, aujourd'hui > P. 8
Par Bruno Deletré, Directeur Général du Crédit Foncier.Dans son article, il analyse les effets de la régulation du secteur bancaire sur le financement résidentiel.
3 Transition énergétique : des financements verts pour le secteur de l’immobilier > P. 20
Par Mélanie Savelli, Chef de Projets RSE et Mécénat, Crédit Foncier, et Blanche du Mas de Paysac, Responsable du Département RSE, Crédit Foncier. Ensemble, elles dressent un panorama de l’offre de financement favorisant la rénovation énergétique du secteur immobilier.
4
n° 9
16 Centres commerciaux :
quel modèle pour demain ? > P. 46
Par Jérôme Le Grelle, Président de Convergences – CVL. Il nous livre son point de vue sur l’évolution du modèle des ensembles commerciaux.
IMMOBILIER COMMERCIAL
5 Centres commerciaux : préservation des rendements > P. 38
Béatrice Guedj, Managing Director, Research and Strategy, Grosvenor. Elle s’interroge sur l’avenir du rendement des centres commerciaux à l’ère du tout numérique.
5
4 La mondialisation de l’immobilier de luxe > P. 26
Par Nicolas Tarnaud, FRICS, Docteur en économie, Titulaire de la chaire immobilier & société, Neoma Business School.Il partage avec nous son regard sur l’immobilier de luxe et ses tendances à travers le monde.
8 Les talents dans l’immobilier : quelles sont les attentes des employeurs ? > P. 64
Par Laurent Blivet, Spencer Stuart, Paris.Il nous expose dans son article les attentes actuelles du marché du recrutement des dirigeants et cadres supérieurs dans le secteur immobilier.
CARRIÈRES
RÉSIDENTIEL
7 Les nouvelles régions françaises et leurs marchés immobiliers > P. 54
Par Nicolas Pécourt, Directeur Communication externe et RSE, Crédit Foncier. Dans ce numéro, il reprend les principaux enseignements de l’étude menée par le Crédit Foncier sur l’économie immobilière, issue du nouveau découpage régional.
RÉGIONS
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
n° 9
17
FINANCEMENTS ET RÉGULATIONSL’IMPACT DU DURCISSEMENT DE LA RÉGULATION DU SECTEUR BANCAIRE SUR LE LOGEMENT EST SOUS-ESTIMÉ, AUJOURD'HUI Par Bruno Deletré, Directeur Général du Crédit Foncier.
AIDES AU LOGEMENT Par Bernard Coloos, Directeur aux Affaires économiques, financières et internationales de la Fédération Française du Bâtiment.
TRANSITION ÉNERGÉTIQUE : DES FINANCEMENTS VERTS POUR LE SECTEUR DE L’IMMOBILIER Par Mélanie Savelli, Chef de Projets RSE et Mécénat, et Blanche du Mas de Paysac, Responsable du Département RSE, Crédit Foncier.
7
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
L’IMPACT DU DURCISSEMENT DE LA RÉGULATION DU SECTEUR BANCAIRE SUR LE LOGEMENT EST SOUS-ESTIMÉ, AUJOURD'HUI Par Bruno Deletré, Directeur Général du Crédit Foncier.
1
1.1 / LE CRÉDIT JOUE UN RÔLE ESSENTIEL DANS LE DÉVELOPPEMENT DU MARCHÉ IMMOBILIER RÉSIDENTIEL
Aujourd’hui, au moins quatre transactions immobilières
sur cinq réalisées par des particuliers le sont par recours
au crédit. Les volumes en jeu sont considérables ; en 2015,
plus de 130 milliards d’euros de nouveaux crédits devraient
assurer le financement de logements dans l’ancien (pour les
trois quarts de la production) ou dans le neuf (un quart). Les
encours de crédits immobiliers, soit le stock de crédits res-
tant à rembourser par les ménages, s’élevaient à 858 milliards
d’euros fin 2014 ; 31 % des ménages français remboursaient,
alors, un ou plusieurs crédits immobiliers. Le puissant effet
solvabilisateur produit par la baisse des taux d’intérêt, depuis
quelques années, en est une autre illustration.
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L’histoire du Crédit Foncier de France témoigne du lien
étroit entre secteur financier et secteur immobilier. Chaque
secteur peut, d’ailleurs, représenter pour l’autre une source
d’opportunités comme de risques. L’évaluation des actifs
immobiliers a, ainsi, été prise en compte dans la revue de la
qualité des actifs (Asset Quality Review – AQR) conduite en
2014 par la Banque centrale européenne (BCE) auprès des
plus grandes banques de la zone euro.
Depuis l’éclatement de la crise des subprimes aux États-
Unis, les initiatives réglementaires se multiplient afin d’évi-
ter qu’une telle crise ne se reproduise et n’engendre les
mêmes graves conséquences pour l’économie mondiale.
Ces initiatives en matière de régulation du secteur bancaire
sont indispensables. Les conséquences négatives de la distri-
bution de crédits subprimes ont affecté durablement l’écono-
mie mondiale dans son ensemble. Ces initiatives sont égale-
ment prises par des régulateurs qui ne souhaitent pas se voir
reprocher une seconde fois d’avoir insuffisamment encadré
le secteur financier. Tout cela se comprend aisément.
Mais, appliquées de façon trop extensive, ces initiatives régle-
mentaires peuvent aussi avoir un effet négatif sur le finan-
cement de l’économie, notamment la distribution de crédits
immobiliers auprès des ménages. Au-delà de leur légitimité
et de la nécessité de limiter les risques dits « systémiques »,
tant pour l’économie que pour le contribuable, les nom-
breuses initiatives prises depuis 2008 vont, en effet, induire
des contraintes nouvelles pour le financement immobilier, et
donc pour le développement du secteur du logement.
L’objet de cet article est d’analyser plus précisément ces
impacts.
1.2 / MULTIPLICITÉ DES INITIATIVES ET SHADOW BANKING
Au préalable, deux éléments doivent être soulignés.
UNE MULTIPLICITÉ DES INITIATIVES RÉGLEMENTAIRES À L’ÉCHELLE MONDIALETout d’abord, l’absence d’une instance de régulation interna-
tionale unique en matière financière entraîne une multipli-
cité des initiatives, tant à l’échelle mondiale qu’européenne
ou nationale.
financements et régulations
Figure 1. Production annuelle (quatre trimestres glissants) du crédit immobilier neuf et ancien (en Md€)(Source : Observatoire de la production de crédit immobilier.)
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2012T4T3T2T1
2013T4T3T2T1
2014
Indice 100 T1 2010
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L’ABSENCE D’UNE INSTANCE DE RÉGULATION
INTERNATIONALE UNIQUE ENTRAÎNE UNE MULTIPLICITÉ DES INITIATIVES.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
Face à la crise financière qui a débuté en 2007, les gouver-
nements ont d’abord réagi dans le cadre du G20. On se sou-
viendra, par exemple, des G20 de Washington (novembre
2008), de Londres (avril 2009), ou encore de Pittsburgh
(septembre 2009). Le G20 a débattu de projets de réforme
relatifs aux paradis fiscaux, au renforcement du contrôle
prudentiel des banques, aux règles de calcul des exigences
en fonds propres, à la régulation des hedge funds et des ins-
truments dérivés, aux agences de notation…
Les régulateurs bancaires internationaux sont, quant à eux,
réunis au sein du Comité de Bâle (1), dont les réunions se
tiennent généralement à la Banque des règlements interna-
tionaux (BRI), à Bâle. On doit à ce comité la mise en place
successive, à partir de 1988, de normes de régulation bancaire
au travers de trois réformes successives, dites « Bâle I », « II »
et « III ». Ces réglementations visent, notamment, à imposer
aux banques un minimum de fonds propres afin de couvrir
leurs différents risques (risques de crédit, de marché, risques
opérationnels), une exigence de détention d’actifs liquides afin
de prévenir des situations d’illiquidité, une surveillance pru-
dentielle individualisée, des exigences en matière de commu-
nication financière.
Enfin, les réformes de Bâle III ont été transposées en droit
européen par l’intermédiaire de la directive européenne
(1) Le Comité de Bâle est composé de représentants des autorités de contrôle et des banques centrales de près d’une trentaine de pays.
CRD4 (2) et le règlement européen CRR (3). C’est à ce stade
qu’interviennent de nouveaux acteurs : le Conseil de l’Union
européenne, le Parlement européen et la Commission.
Une nouvelle agence (l’Agence Bancaire Européenne) a été
fondée, en janvier 2011, pour établir la réglementation déri-
vée de ces textes pour les banques européennes.
En novembre 2014, la supervision directe des principales
banques européennes a été confiée à la BCE, qui devient un
acteur important supplémentaire dans le paysage financier.
Dans le même temps, les autorités nationales ne sont pas en
reste, comme en témoigne, par exemple, la loi sur la sépara-
tion bancaire adoptée en juillet 2013 en France.
Avec autant de fées régulatrices penchées sur son berceau,
le secteur bancaire peut être rassuré sur le fait qu’il ne
mourra pas faute de soins.
LE SHADOW BANKING SE DÉVELOPPEDeuxième élément préalable, ce fort mouvement de durcisse-
ment des règles prudentielles pesant sur le secteur bancaire
régulé ne parvient pas à couvrir le shadow banking sector (4)
qui en sortira, par conséquent, probablement renforcé.
Une vision un peu superficielle du paysage financier pour-
rait conduire à se satisfaire de la diminution de l’activité
bancaire sous l’effet des multiples réglementations qui vont
être citées – au motif que cette diminution réduirait le risque
systémique pour l’économie et les États lors d’une prochaine
crise – et à l’inverse de la progression du shadow banking, au
motif que celui-ci ne présenterait aucun risque systémique.
Cette vision néglige l’importance prise par certains opéra-
teurs issus du shadow banking, et donc le risque systémique
qu’ils portent eux-mêmes. C’est oublier, par exemple, que
le hedge fund Long Term Capital Management (LTCM) a fait
l’objet, en 1998, d’un plan de sauvetage organisé par la FED
(2) Elle couvre les dimensions d’accès à l’activité bancaire, autorités compétentes, cadre de surveillance prudentielle, coussins de fonds propres, rémunérations, etc. (3) Il couvre les dimensions de fonds propres, liquidité, ration de levier, risque de crédit de la contrepartie, etc. (4) Shadow banking ou « finance de l’ombre » : il s’agit de l’activité bancaire et financière exercée de facto par des acteurs non régulés (activité des hedge funds, activité des non banks en matière de crédit aux États-Unis, par exemple).
l’impact de la régulation sur le financement…10
et a dû être recapitalisé par de grandes banques d’affaires
en raison de son caractère systémique. La quasi-faillite de
ce hedge fund témoigne du fait que le caractère systémique et
la nécessité de sauvetages organisés par les pouvoirs publics
en cas de difficulté peuvent concerner également des acteurs
non régulés. Ce risque sera d’autant plus fort que le sec-
teur non régulé aura grossi en tirant profit des contraintes
lourdes imposées au secteur régulé.
1.3 / LES INITIATIVES RÉGLEMENTAIRES RÉCENTES VONT TOUTES DANS LE SENS D’UNE RESTRICTION DU CRÉDIT IMMOBILIER
Une revue rapide de cinq dispositions le démontre,
celles liées, en particulier, au ratio de solvabilité (exi-
gences en fonds propres), à la liquidité, au ratio de levier, aux
pondérations de risque de crédit ou encore au risque de taux.
FONDS PROPRESCommençons l’exercice par les règles liées au renforce-ment du volume et de la qualité des fonds propres qui
vont nécessiter, pour un niveau d’activité identique, davan-
tage de fonds propres.
Il s’agit de garantir la capacité d’une banque à être en per-
manence « solvable », autrement dit à faire face à des pertes
générées par les crises ou à des risques qui apparaissent sur
certains de ses portefeuilles.
Le premier ratio de solvabilité créé en 1988, dit « ratio de
Bâle I » ou « ratio Cooke », exigeait des banques qu’elles dis-
posent d’un montant de fonds propres au moins égal à 8 % de
leurs engagements pondérés, à savoir crédits et investisse-
ments. Par la suite, en 2006, le ratio de solvabilité de Bâle II
a affiné les méthodes de pondération des crédits distribués
selon la nature de leur risque et en précisant les caractéris-
tiques des fonds propres mis en regard des engagements.
Avec l’application prochaine de Bâle III (5), qui a démarré
en 2014 et s’étalera jusqu’en 2018, l’industrie bancaire va
désormais devoir faire face à une accumulation de strates
obligatoires supplémentaires pour couvrir différents types
de risques.
À partir de 2016, trois « coussins » prévus par la CRD4
(coussin de conservation des fonds propres ; coussin de
fonds propres contracyclique spécifique ; coussin pour les
établissements d’importance systémique mondiale et autres
établissements d’importance systémique) vont entrer en
application de façon progressive et augmenter les exigences
de fonds propres du pilier 1 (6) à 10,5 %, dès 2019.
Un quatrième coussin prévu par la CRD (pour le risque sys-
témique) pouvant être mis en application à la discrétion du
Haut Conseil de stabilité financière, son impact n’est pas
mentionné ici.
Enfin, dès 2016, le MREL (7) entrera en vigueur et sera suivi
du TLAC (8) dès 2019. Si les exigences du MREL ne sont
pas encore connues, car elles seront fixées établissement
par établissement, elles devront être compatibles avec celles
fixées par le Comité de Bâle pour le TLAC, à savoir l’exi-
gence maximale entre 16 % des actifs pondérés et deux fois
le ratio de levier (définition ci-après) minimal.
Au-delà de cette énumération technique, il faut retenir qu’au
total, l’ensemble de ces nouveaux impératifs réglementaires
va nécessiter, pour les banques, d’augmenter la rétention
des bénéfices, voire de réaliser des augmentations de capi-
tal. En augmentant le niveau requis de fonds propres, ces
mesures renchériront le coût du crédit d’une façon générale,
et le coût du crédit immobilier pour ce qui nous intéresse
plus particulièrement dans cet article.
(5) Adopté par le Comité de Bâle de la BRI le 12 septembre 2010. (6) Les recommandations de Bâle II s’appuyaient sur trois piliers, dont le pilier 1 relatif à l’exigence de fonds propres. (7) MREL : Minimum Requirement for own funds and Eligible Liabilities : exigence minimale de fonds propres et passifs exigibles. (8) TLAC : Total Loss Absorbing Capacity imposera aux banques un matelas de fonds propres et de dettes « bail-inable » en pourcentage de leurs actifs pondérés du risque.
financements et régulations 11
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
LIQUIDITÉLes contraintes nouvelles en matière de liquidité auront
un impact supplémentaire.
Rappelons tout d’abord, s’il en était besoin, que la notion
de liquidité, qui s’applique d’ailleurs tout aussi bien au mar-
ché financier qu’au marché immobilier, mesure la capacité
d’acheter ou de vendre rapidement un actif sans que cela
ait un impact majeur sur son prix. Concernant plus spécifi-
quement une banque, sa liquidité reflète sa capacité à faire
face à ses engagements, en disposant, par exemple, de suffi-
samment d’espèces ou en vendant des titres qu’elle détient.
Lors de la crise des subprimes, une absence majeure de
liquidité est apparue, notamment entre banques elles-
mêmes, ce qui a nécessité une intervention vigoureuse des
banques centrales, qui ont dû apporter de la liquidité aux
établissements financiers.
Ces contraintes nouvelles en matière de liquidité s’expriment
au travers de deux normes mises en place par le Comité de
Bâle : un ratio de liquidité à court terme dit « LCR » (9) et un
ratio de liquidité à long terme dit « NSFR » (10).
L’impact de ces nouvelles contraintes est particulièrement
sensible en France. Il s’agit, en effet, d’un marché singu-
lier dans lequel les banques ne conservent pas dans leur
bilan une partie très importante des fonds qu’elles collectent
(livrets réglementés tout particulièrement, et également
assurance-vie).
Ces deux ratios de liquidité, impliquant une meilleure adé-
quation des maturités de l’actif et du passif, conduiront à
limiter plus fortement la transformation bancaire (prêter à
long terme avec des ressources de durée plus courte) et,
ce faisant, à réduire leur capacité à prêter sur des durées
longues faute d’avoir suffisamment de ressources longues.
(9) LCR : Liquidity Coverage Ratio : ratio de liquidité à court terme (30 jours). (10) NSFR : Net Stable Funding Ratio : ratio de liquidité à long terme (un an).
RATIO DE LEVIERLe ratio de levier mesure le rapport entre le total du bilan
d’un établissement financier et son capital. Il conduit à limi-
ter la taille des bilans des banques en fixant un minimum de
fonds propres proportionnel, dans le but d’éviter des effets
de levier trop importants.
Cette limitation de la taille des bilans conduit nécessairement
à une contrainte sur l’activité des banques, et en particulier
sur le développement des encours de crédit quel que soit le
risque inhérent à ces encours. Cela entraîne, toutes choses
égales par ailleurs, une restriction de la capacité des banques
à développer leur rôle dans le financement de l’économie.
PONDÉRATIONS DU RISQUE DE CRÉDITUn projet de révision des pondérations du risque de cré-dit en approche standard, émis par le Comité de Bâle en
décembre 2014, conduirait, s’il était adopté dans sa version
actuelle, à une augmentation des pondérations, et donc des
besoins en fonds propres. Ce projet risque de rendre encore
plus coûteuse l’activité de prêt, en particulier les prêts immo-
biliers consentis à des clients disposant d’un faible apport
personnel (prêts dont la Loan To Value – LTV (11) – est élevée).
Ce projet affecterait plus particulièrement les prêts consen-
tis dans le cadre de l’accession sociale à la propriété. En
effet, moins les revenus du ménage sont importants, et
moins est élevé l’apport lors du financement.
Dès l’entrée en application d’un projet dit de « floor », les
banques qui disposent de modèles avancés seront également
affectées, car elles devront disposer de fonds propres mini-
maux également calculés sur la base de l’approche standard
du risque de crédit.
On peut donc raisonnablement s’attendre à une augmenta-
tion des exigences de fonds propres sur le risque de crédit,
et notamment sur le financement de l’immobilier.
(11) Définition de la LTV : montant du prêt/valeur du gage.
l’impact de la régulation sur le financement…12
RISQUE DE TAUXEnfin, il faut rappeler les velléités exprimées par certains
régulateurs d’élaborer de nouvelles contraintes sur la gestion
du risque de taux vis-à-vis, notamment, des établissements
distribuant du crédit immobilier à taux fixe à leurs clients.
Les projets d’encadrement du risque de taux dans les por-
tefeuilles bancaires par le Comité de Bâle pourraient égale-
ment pénaliser le modèle français du financement immobi-
lier résidentiel. Fin 2013, les encours de crédits immobiliers
aux particuliers étaient constitués à environ 85 % de prêts à
taux fixe ; une proportion qui tend à se renforcer puisqu’au-
jourd’hui, 92 % de la production nouvelle de crédits immo-
biliers se font à taux fixe.
Si ces nouvelles contraintes étaient décidées, cela condui-
rait soit à faire porter le risque de taux par les particuliers
à la place des banques, soit à imposer à ces dernières des
contraintes de fonds propres encore plus importantes à ce
titre. On peut légitimement penser que les banques sont
mieux armées que les ménages pour gérer le risque de
taux. D’ailleurs, lorsque les ménages sont endettés à taux
variable et que les taux remontent, la révision à la hausse
des mensualités entraîne mécaniquement des difficultés de
recouvrement plus importantes et le risque de taux, évité
aux banques en le transférant au client final, se transforme
alors, pour elles, en risque de crédit.
1.4 / CONCLUSION
N ’ayant pas encore été appliquées, aujourd’hui, pour
l’essentiel, car pour certaines encore à l’état de projet
et de paramétrage, ces initiatives réglementaires n’ont géné-
ralement pas encore produit leurs effets. Elles n’ont donc
eu, de ce fait, que peu d’influence, à ce stade, sur l’offre de
crédit, cela d’autant plus que la demande de crédit immobi-
lier a été globalement faible jusqu’en 2014.
Mais elles produiront assurément leur effet avec le temps
(en grande partie dès 2019, et totalement en 2024).
Face aux durcissements imposés par les régulateurs multiples,
soucieux d’éviter de se faire reprocher à l’avenir d’avoir été
trop peu exigeants à l’égard des secteurs qu’ils régulent, il
conviendrait que les pouvoirs publics se préoccupent plus
activement de garantir que les économies pourront être
correctement financées dans ce nouvel environnement. Les
effets de ces mesures ne peuvent, d’ailleurs, pas s’appré-
hender de façon unique sur tous les marchés, compte tenu
de cultures financières très différentes ; l’atteste le poids
historique des banques, très différent dans le système de
financement des économies entre les États-Unis, d’une part,
et l’Europe continentale, d’autre part.
Si l’ensemble des mesures de durcissement réglementaire
actuellement envisagées devait être confirmé sans prendre
en compte les spécificités des marchés nationaux, il est
certain que les banques devraient restreindre leur offre
de crédit immobilier aux ménages. Tout en rappelant la
légitimité incontestable de dispositifs réglementaires ban-
caires plus stricts afin d’éviter de nouvelles crises, il faut
inviter les instances de décision concernées à trouver un
bon équilibre qui ne mette pas en danger le financement
des économies.
Il convient également que les mécanismes publics de sou-
tien à l’accession à la propriété tiennent compte de ces
modifications réglementaires. Porter la garantie du fonds
de garantie à l’accession sociale à la propriété (FGAS) de
50 % à 80 % éviterait, pour un coût marginal pour l’État, que
ces réformes à venir génèrent un coup de frein très violent
sur l’accession sociale à la propriété (secteur dans lequel les
LTV sont particulièrement élevées), et donc sur le secteur
du logement dans son ensemble.
Paradoxalement, la restriction de l’offre de crédit pénali-
serait un marché français du crédit aux particuliers qui a
montré sa robustesse pendant les années de crise. Depuis de
très longues années, la France affiche, en effet, un des taux
de défaut de ses crédits immobiliers résidentiels parmi les
plus faibles au monde.
financements et régulations 13
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
AIDES AU LOGEMENTPar Bernard Coloos, Directeur aux Affaires économiques, financières et internationales de la Fédération Française du Bâtiment.
Marronnier de bien des chroniques économiques, le
gâchis des aides au logement mérite un réexamen à
la hauteur des enjeux financiers et des objectifs poursuivis. Il
faut, de même, regarder de manière plus globale les dépenses
fiscales, dont la Cour des comptes déplorait la faible diminu-
tion dans un rapport récent malgré une volonté affichée d’en
réduire le nombre et les montants associés, et qui sont en
réalité filles du niveau des prélèvements obligatoires. Enfin,
si personne ne nie le caractère inflationniste à la marge des
aides pas plus que l’existence d’effets d’aubaine, ou la per-
sistance de difficultés malgré un budget affecté conséquent,
en ces matières, les affirmations et corrélations ne sauraient
cacher la vacuité de bien des affirmations. Tout est affaire de
proportion et mérite des analyses plus fouillées.
2.1 / DE LA CONFUSION PARTIELLE DES OBJECTIFS
Selon les données officielles, les aides associées à la poli-
tique du logement s’élevaient, en 2013, à un montant
global de près de 41 milliards d’euros, marquant un recul
de 8,7 % par rapport à 2011, point historiquement haut (44,7
milliards d’euros) et elles équivalaient à près de 2 % du PIB.
2
Figure 1. Aides au logement par grands postes de dépense (année 2013) (Source : Compte du logement.)
Locatif social (yc subventions ANRU et Action Logement)
Accession
Aides personnelles en accession
Aides personnelles en locatif
Aides aux travaux (yc ANAH, hors locatif social)
Investissement locatif privé
9,1 Md€22%
1,7 Md€4%
3 Md€7%
0,9 Md€2%
19 Md€47%
7,1 Md€18%
Les aides personnelles (APL, ALS, ALF (1)) représentaient
un peu moins de la moitié du total, soit 17,4 milliards d’eu-
ros ou encore 0,8 % du PIB. Ce ratio classait la France à la
troisième position des pays de l’Union européenne à 28 en
2012 (2), derrière le Royaume-Uni et l’Islande, et 0,2 point
de pourcentage au-dessus de la moyenne européenne
(cf. figure 2).
(1) Hors aide sociale à l’hébergement (ASH), primes de déménagement, allocation de logement temporaire (ALT), etc. (2) Dernière année disponible à l’échelon européen.
14
Ces chiffres, qui font l’objet d’une stigmatisation régulière (3),
doivent être relativisés. Deux exemples illustrent ce propos.
Une part notable des aides au logement peut, précisément,
être assimilée à des aides sociales. En effet, les premières
constituent pour partie un complément de revenu pour cer-
tains ménages à faibles ressources. De fait, leur ciblage social
se révèle très accentué, avec 81 % de bénéficiaires locataires
(hors étudiants) percevant des revenus inférieurs au SMIC (4).
On estime, dès lors, qu’environ le tiers du montant total des
aides personnelles au logement, soit 6 milliards d’euros,
relèvent plutôt d’une politique sociale (cf. encadré p. 16),
montant qu’il serait donc légitime de défalquer des aides
au logement. Au global, les aides personnelles au logement
stricto sensu n’équivaudraient donc qu’à 0,5 point de PIB.
(3) Philippe Manière, à l’époque directeur général de l’institut Montaigne, « Logement : une aberration à 33 milliards – les dépenses colossales consenties par l’État génèrent des effets pervers et nourrissent la pénurie, plus qu’elles ne la soulagent ». Enjeux Les Echos – le 01/02/2007. Voir également, plus récemment, les critiques de François Fillon, dans son livre Faire sur le caractère inflationniste des aides. (4) Réponse du ministère du Logement au questionnaire budgétaire de la Commission des finances de l’Assemblée nationale au titre du projet de loi de finances 2014, question n° 36.
On comprend, dans ces conditions, que les annonces toni-
truantes sur les économies à réaliser en matière d’aides per-
sonnelles au logement fassent « pschitt » ! L’objectif, pour le
budget 2016, a été ramené à environ 200 millions d’euros de
dépenses en moins pour les APL, grâce à la prise en compte
du patrimoine dans le calcul des ressources du ménage, la
diminution de l’aide au-delà d’un certain plafond et l’har-
monisation des conditions de ressources. En revanche, le
ministre du Budget lui-même a reculé sur l’APL étudiant,
alors même que tous les experts s’accordent sur l’anormalité
représentée par ce régime.
financements et régulations
Figure 2. Aides au logement versées aux consommateurs en Europe (année 2012, en % du PIB)(Source : Eurostat.)
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0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
1,4
1,6
1,8
Moyenne UE-28
15
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
Deuxième exemple, le coût lié au crédit d’impôt sur les inté-
rêts d’emprunt pour l’acquisition d’une résidence principale,
qui s’éteint progressivement, relève pour l’essentiel d’un
autre registre que celui de la politique du logement. Instauré
le 6 mai 2007, après l’élection de Nicolas Sarkozy, et sup-
primé le 31 décembre 2010, ce dispositif visait à donner du
pouvoir d’achat aux classes moyennes. L’atteste le fait qu’à
l’origine, la mesure devait concerner le stock des accédants.
La confusion et la multiplicité des objectifs, phénomène
classique dans toutes les politiques françaises, nuisent donc
à une juste lecture du montant des aides au logement et à
l’appréciation de leur efficacité. D’autant qu’il convient éga-
lement de poser un regard plus macroéconomique sur la
notion de dépense fiscale.
TROIS MÉTHODES POUR CHIFFRER LA « PART SOCIALE » DES AIDES AU LOGEMENTLa première méthode s’appuie sur la structure du barème des
aides personnelles au logement. De façon synthétique, leur
montant est calculé en faisant la différence entre le loyer pla-
fonné avec forfait de charges et la participation personnelle, ou
« reste à charge », pour le ménage. Ces montants s’apparentent
en totalité à une politique d’aide au logement lorsque les reve-
nus atteignent ou dépassent le plafond de ressources APL ou
AL. À l’inverse, si le « reste à charge » est minimal, c’est-à-
dire égal à la participation minimale, c’est que les revenus ne
permettent pas de s’acquitter d’un loyer supérieur. Dans ce
cas, l’aide relève en totalité d’une politique sociale. Avec cette
méthode, de 30 % à 35 % du montant global des aides per-
sonnelles au logement correspondraient à des aides sociales.
La deuxième méthode vient du constat que la plupart des
locataires acquittent un loyer supérieur aux plafonds de
loyer retenus pour le calcul des aides personnelles au loge-
ment. On estime, alors, la part purement « sociale » de l’aide
au logement comme étant la différence entre l’aide effecti-
vement perçue et l’aide « socle » qui découlerait d’un loyer
plancher. On fixe ce loyer plancher à un niveau inférieur
au plafond de loyer de la zone II, de sorte que quasiment
tous les locataires s’acquittent d’un loyer réel supérieur. Les
ménages perçoivent, ainsi, un montant d’aide au logement
supérieur à celui obtenu dans le cas du loyer plancher, le
différentiel constituant l’aide sociale. Par cette méthode, les
aides sociales représenteraient environ 30 % de l’ensemble
des aides personnelles au logement. La troisième méthode
repose sur une approche par le revenu des ménages. Sur la
base de l’enquête Revenus fiscaux et sociaux de l’INSEE, on
détermine le « reste à vivre » des ménages, hors prestations
logement, après paiement des dépenses courantes en loge-
ment. La comparaison de ce « reste à vivre » à un « revenu
minimum de survie » correspondant au RSA socle permet de
déterminer les effectifs de ménages qui se trouveraient dans
l’incapacité de financer leurs dépenses de consommations
courantes. Le montant global des aides au logement assimi-
lables à des aides sociales, obtenu en appliquant à ces effectifs
le montant moyen des aides personnelles au logement, s’élè-
verait, alors, à environ 35 % du total des aides au logement.
aides au logement16
2.2 / DES AIDES FISCALES FILLES D’UNE FISCALITÉ SPOLIATRICE (DANS LE LOGEMENT COMME AILLEURS)
L a France, en particulier depuis vingt ans, a utilisé
massivement l’arme fiscale pour mener des politiques
sectorielles ou ciblées. En d’autres termes, le niveau très
élevé des prélèvements obligatoires théoriques (44,9 % du
PIB français en 2014) est compensé par un niveau tout aussi
considérable des aides fiscales et sociales (plus de 150 mil-
liards d’euros en 2014).
On notera que la suppression, toutes choses égales par
ailleurs, de la totalité des dépenses fiscales conduirait à
un rehaussement considérable, pour ne pas dire totale-
ment insupportable des prélèvements (52,1 % du PIB). Les
dépenses fiscales sont donc bien les filles naturelles d’un
niveau élevé de prélèvements (5) et procèdent d’un système.
Elles en sont un traceur consubstantiel/nécessaire, et pas
seulement dans le logement, ce qu’on oublie trop souvent.
Les dépenses fiscales visent, par leur caractère ciblé, une
modification des comportements et/ou des choix écono-
miques des bénéficiaires. Cela est particulièrement vrai
dans le secteur du logement, où il existe des nombreuses et
variées incitations, fiscales ou pas, à l’achat ou à l’améliora-
tion-entretien du parc.
Nombre d’experts s’interrogent, d’ailleurs, sur la perti-
nence d’une telle orientation, d’une telle politique et de tels
choix. Comme toujours, l’exemple allemand vient en appui
puisque, dans ce pays, « l’État n’intervient pas (ou peu) pour
(5) Et notamment de l’immobilier. Cf. rapport de l’institut Montaigne, « Politique du logement : faire sauter les verrous », juillet 2015, p.19-20.
orienter les décisions des agents économiques mais pour
garantir l’existence d’un environnement économique favo-
rable » (6). Il en découle une question, d’ailleurs portée par de
nombreux professionnels de l’immobilier : faut-il envisager
un changement de paradigme qui supposerait d’arrêter toute
politique ciblée en faveur du logement ?
Aller en ce sens impose, toutefois, trois conditions préalables.
◗ La première correspond à une baisse préalable ou, a
minima, concomitante des taux d’imposition (7). Faute de
quoi, renoncer aux aides sous toutes leurs formes favorise-
rait, certes, une réduction des déficits publics, mais au prix
d’un niveau très élevé de prélèvements. Cela ressemble
à une double peine. À noter, à cet égard, que l’actualité
démontre qu’à niveau élevé de prélèvements, la suppres-
sion des aides fiscales et/ou un alourdissement de la fisca-
lité rapportent beaucoup moins que prévu.
◗ La deuxième condition renvoie à la mise en place d’une
structure fiscale adaptée. Pour preuve, la comparaison
en matière de fiscalité des revenus locatifs en France et
en Allemagne. Dans ce dernier pays, les bailleurs bénéfi-
cient de droit d’une imputation des déficits fonciers sur le
revenu global, de l’amortissement fiscal et d’une exonéra-
tion des plus-values après onze ans de détention (8). Dans
de telles conditions, il est fort probable que les investis-
seurs français seraient prêts à renoncer aux aides fiscales
dont, par exemple, la déduction des travaux.
◗ La troisième condition revient à écrire qu’une action glo-
bale s’impose. Un tel renversement de politique n’aurait
de sens que s’il est général, faute de quoi il y aurait distor-
sion avec les autres secteurs, et surtout les autres formes
de placement.
(6) Flash économie du 30 avril 2013, n° 347, Et si la France passait à « l’économie sociale de marché » à la place des politiques « ciblées » générant surtout des effets d’aubaine, par P. Artus. (7) Étude FIDAL sur la fiscalité immobilière en Europe, octobre 2014. (8) Constructif, hors-série, numéro spécial « Sommet de l’immobilier et de la construction », mars 2012, p. 27-28.
financements et régulations 17
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
2.3 / L’EFFET INFLATIONNISTE DES AIDES : MYTHE OU RÉALITÉ ?
La question de savoir si les aides publiques au logement
sont ou ne sont pas inflationnistes ne date pas d’au-
jourd’hui et a bien souvent fait l’objet de vastes débats et
polémiques entre partisans et détracteurs.
On peut notamment citer, en vrac, quelques exemples
d’études sur le sujet des aides personnelles.
◗ A. Massot (9) avait montré en 2007 une certaine décon-
nexion, dans plusieurs pays européens, entre l’évolution
des prix et les aides distribuées.
◗ A. Laferrère et D. Leblanc (10) ont constaté, lors du bouclage
des aides (11), au début des années 1990, que les loyers des
logements dont les occupants perçoivent une aide personnelle
croissent plus vite que les loyers des logements non aidés.
◗ G. Fack (12) a constaté que les loyers globaux des ménages
les plus modestes avaient augmenté plus vite que les
loyers en général, le bouclage des aides ayant, là encore,
fortement contribué à ces évolutions.
◗ C. Grislain-Letrémy et C. Trevien (13) ont montré que les
aides au logement permettaient surtout aux ménages
de chercher de meilleurs logements, ce qui pourrait,
en concentrant la demande sur certains types de biens,
« entraîner une hausse du prix des loyers ». Toutefois,
cette enquête repose sur l’enquête « Loyers et charges »,
qui porte sur un échantillon très faible et dont la représen-
tativité est sujette à caution.
(9) « La situation du logement dans six pays d’Europe », IAURIF, novembre 2007.
(10) « Comment les aides au logement affectent-elles les loyers ? », Économie et statistique n° 351, 2002, p. 3 à 30.
(11) Réforme profonde engagée en 1992 qui consiste à offrir un accès à tous les locataires (toutes catégories de population et de logement) à une aide sous la seule condition de revenu. Cette extension fut progressive et s’échelonna jusqu’en 1995.
(12) « Pourquoi les ménages à bas revenus paient-ils des loyers de plus en plus élevés ? L’incidence des aides au logement en France (1943-2002) », Économie et statistique n° 381-382, 2005, p.17-40.
(13) « L’impact des aides au logement sur le secteur locatif privé », INSEE analyses n° 19, 2014.
aides au logement
◗ M. Mouillart (14) a constaté qu’en général, les hausses de
loyer sont nettement plus fortes en cas de changement
de locataire, qu’il y ait ou non des aides personnelles. De
plus, l’éventualité du bénéfice d’une aide ne paraît guère
déterminante, sauf à l’occasion du bouclage des aides.
◗ Enfin, J. Friggit (15) a montré qu’entre 1970 et 2006, les loca-
taires aidés sont, certes, ceux pour lesquels les loyers ont
le plus augmenté, mais ils sont aussi ceux dont le confort
s’est le plus amélioré.
Ainsi, de toutes ces études (16), il ressort que si les aides
personnelles ont eu un effet inflationniste pendant la
période de bouclage, rien n’indique, cependant, que ce
soit véritablement le cas de manière très significative hors
de cette période. Le bouclage des aides personnelles ou
encore le doublement du PTZ lors du Plan de relance de
2009 constituent bien des cas particuliers du caractère
inflationniste des aides du fait de la rigidité de l’offre à
court terme. A contrario, une aide, en cas d’offre dispo-
nible, solvabilise les ménages et contribue à l’accroisse-
ment de l’offre, ce qui pèse à long terme négativement sur
le prix, toutes choses égales par ailleurs. Dans un même
registre, il paraît tout aussi fallacieux d’imputer un mouve-
ment haussier des prix aux aides à l’investissement locatif.
Il y a donc, faute d’évaluation personnelle, incapacité à
distinguer le poids respectif des facteurs premiers (ten-
dances internationales des marchés, évolution des taux)
de celui des facteurs secondaires.
(14) Exercice réalisé dans le cadre du groupe de travail sur le logement des jeunes mis en place par le Conseil national de l’habitat en janvier 2002. (15) « Un effet inflationniste des aides au logement peut-il avoir contribué à la hausse des prix immobiliers ? » et annexe 4.5 « L’effet inflationniste des aides au logement reste à estimer », juillet 2012, p. 34 et suivantes. (16) Voir également « Les aides au logement sont-elles inflationnistes ? », Revue foncière n° 3, janvier-février 2015, par Arnaud Bouteille.
18
financements et régulations
Par ailleurs, si l’État injecte, depuis de nombreuses années,
beaucoup d’argent public à travers les aides au logement
afin de solvabiliser la demande, on ne peut que déplorer
son action trop limitée en matière de politique de l’offre et,
en particulier, d’offre foncière. Les chiffres parlent d’eux-
mêmes, puisqu’on relève une vive hausse du prix au mètre
carré des terrains d’assise de manière quasi continue entre
2006 et 2014 (+ 7,2 %, en moyenne annuelle, pour l’individuel
diffus (18)). Certes, elle s’explique pour partie par un net dépla-
cement des opérations vers des zones de plus en plus agglo-
mérées. En 2007, les territoires ruraux représentaient 59 %
de l’ensemble, les bourgs et villes de moins de cent mille
habitants 31 %, les agglomérations de plus de cent mille habi-
tants (y compris Paris) 10 %. En 2014, ces mêmes proportions
ressortent respectivement à 41 % (– 18 points de pourcentage
– pdp), 40 % (+ 9 pdp) et 19 % (+ 9 pdp). Bien évidemment,
cela pèse aussi sur les coûts de construction.
Mais cette hausse des prix du foncier s’explique aussi par le fait
que, bien souvent, les maires, à la demande explicite ou non de
leurs administrés, ne régulent pas les marchés immobiliers en
fonction des besoins. De fait, la France ne manque guère de
foncier brut, puisqu’on en trouve sans grandes difficultés pour
construire des bureaux, des commerces, des bâtiments publics
ou encore accueillir les Jeux olympiques à Paris. Le malthusia-
nisme foncier en matière de construction de logements tient à
la combinaison de deux aphorismes trop connus : « not in my
backyard » (« pas dans mon arrière-cour ») côté administrés et
sa conséquence, « maire bâtisseur, maire battu », côté édiles.
(18) Enquête sur le prix des terrains à bâtir (EPTB) réalisée par le Service de l’observation et des statistiques du MEDDE.
Enfin, la hausse du prix du foncier s’explique encore par la
rétention foncière encouragée par la fiscalité. De fait, plus le
détenteur d’un terrain constructible attend pour le vendre,
plus il a de chances de majorer sa plus-value et moins elle
sera taxée.
Au final, dans le lourd damier de la hausse des prix immo-
biliers, dont les causes sont multiples et se combinent, il
semble que le procès fait aux aides au logement s’apparente
en grande partie à un faux procès, sans que l’on puisse par-
ler d’innocence totale. Il faut surtout y voir une confusion
classique entre l’existence de tendance internationale et la
recherche de causes nationales.
LE PROCÈS FAIT AUX AIDES AU LOGEMENT S’APPARENTE EN
GRANDE PARTIE À UN FAUX PROCÈS, SANS QUE L’ON PUISSE PARLER D’INNOCENCE TOTALE.
19
TRANSITION ÉNERGÉTIQUE : DES FINANCEMENTS VERTS POUR LE SECTEUR DE L’IMMOBILIER Par Mélanie Savelli, Chef de Projets RSE et Mécénat, Crédit Foncier, et Blanche du Mas de Paysac, Responsable du Département RSE, Crédit Foncier.
3
L e secteur du bâtiment est, en France, le plus gros
consommateur d’énergie et représente à lui seul 43 %
des consommations. Il produit chaque année 23 % des émis-
sions de gaz à effet de serre (GES). Cela représente à la fois
un sujet environnemental et un coût pour les ménages.
À la suite du Protocole de Kyoto, en 1997, certains pays
industrialisés, dont la France, se sont engagés à diviser
par quatre leurs émissions de gaz à effet de serre en moins
de cinquante ans. C’est ce que l’on nomme « le facteur 4 »,
pour lequel la France s’est engagée dès le Plan climat, en
2004, et la loi Pope (programme fixant les orientations de
la politique énergétique) de 2005. En 2009, le Grenelle de
l’environnement a pour objectif de « réduire les consom-
mations d’énergie du parc des bâtiments existants d’au
moins 38 % d’ici à 2020 et, à cette fin, de conduire un pro-
gramme ambitieux de rénovation thermique et énergétique
des bâtiments pour atteindre le rythme de quatre cent
mille rénovations complètes de logements chaque année
à compter de 2013 ».
En France, le parc bâti en 2014 est composé de trente-quatre
millions de logements, dont dix-neuf millions de maisons
individuelles, et de quinze millions de logements collectifs
pour le secteur tertiaire ; on compte 850 millions de mètres
carrés de bâtiments. Afin de pouvoir mettre en place la
rénovation énergétique du secteur immobilier, les pouvoirs
publics et les établissements financiers ont mis en place un
certain nombre d’aides et de financements qui répondront à
l’enjeu de la massification des travaux.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
20
3.1 / AIDES ET FINANCEMENTS VERTS DÉDIÉS AUX PARTICULIERS
A fin d’aider les particuliers à financer leurs travaux,
l’État et les collectivités locales ont donc mis en place
diverses aides comme, par exemple, le crédit d’impôt transi-
tion énergétique (CITE), la TVA à taux réduit, l’exonération
de taxe foncière ou les aides de l’ANAH (Agence nationale
de l’habitat) grâce au programme « Habiter mieux ». Des
solutions de financement s’offrent également aux ménages à
revenus très modestes, notamment le prêt à l’amélioration
de l’habitat distribué par la Caisse d’allocations familiales
ou encore le microcrédit rénovation énergétique de la Fon-
dation Abbé Pierre.
Par ailleurs, les collectivités territoriales ont développé des
guichets uniques afin de guider les particuliers dans l’éven-
tail des aides disponibles, qui peuvent être cumulables.
Par le système des certificats d’économies d’énergie (CEE),
les vendeurs d’énergie sont incités, par la loi, à promouvoir
activement l’efficacité énergétique auprès de leurs clients.
Les CEE peuvent, selon les cas, revêtir la forme d’une aide
ou d’un financement.
L’État a mis en place des prêts réglementés distribués par
les établissements financiers. Ils financent les travaux d’éco-
nomie d’énergie ou de rénovation énergétique à taux généra-
lement préférentiel tel que l’Éco-PTZ individuel. Le prêt à
l’accession sociale peut être également utilisé à cet effet. Par
ailleurs, la loi demande que 10 % des montants des livrets
développement durable (LDD) soient alloués à des prêts
verts et des taux attractifs.
En parallèle, les établissements financiers ont conçu des
systèmes de financement vert qui ne sont pas adossés au
LDD. Ces prêts verts financent l’installation d’un système
d’énergie renouvelable pour un logement particulier ou, bien
entendu, des travaux de rénovation énergétique.
Les types de prêt susmentionnés s’appliquent plus préci-
sément aux maisons individuelles. Un enjeu particulière-
ment important, pour la France, est la rénovation énergé-
tique des copropriétés. Afin d’éviter que les immeubles ne
se dégradent trop et trop vite, l’État a développé, en 2015,
l’Éco-PTZ dédié aux copropriétés. Le Crédit Foncier en a
été le premier distributeur. Ce prêt est distribué par les éta-
blissements financiers aux côtés d’autres solutions de finan-
cements historiques adaptées aux copropriétés. L’ingénierie
financière est nécessairement plus complexe concernant ces
prêts aux copropriétés.
Pour ce qui est des bâtiments neufs, la réglementation
thermique impose que les nouveaux bâtiments construits
depuis 2012 soient obligatoirement économes en énergie,
conformément à la norme BBC (bâtiment basse consom-
mation) ; d’ici 2020, ils devront être à énergie positive,
c’est-à-dire produire plus d’énergie qu’ils n’en consom-
ment pour leur fonctionnement. Néanmoins, le coût de
construction ou d’acquisition d’un logement énergétique-
ment performant est généralement plus important. Pour-
tant, ce type de logement fait réaliser des économies à
son acquéreur. Afin de prendre en compte cet aspect, cer-
tains établissements financiers proposent des méthodes de
financement qui intègrent les futures économies d’énergie
potentielles.
financements et régulations 21
ZOOM SUR L’APPROCHE EN COÛT GLOBAL DU CRÉDIT FONCIERLa prise en compte de l’économie d’énergie consiste à rete-
nir, pour l’analyse du risque, les économies théoriques réa-
lisées par le client grâce à son opération. Une comparaison
est effectuée entre la consommation énergétique du futur
logement, estimée en fonction de sa classification DPE
(diagnostic de performance énergétique, sur une échelle
de A à G), et la consommation énergétique d’un logement
classifié F+, qui équivaut à la moyenne du parc ancien.
Le résultat obtenu est l’économie d’énergie qui, une fois
pondérée, est déduite du montant de l’endettement. L’éco-
nomie d’énergie minore donc l’endettement. Le projet des
clients écologiquement responsables est ainsi facilité.
Cette palette d’aides et de financements, si complète pour
les particuliers, n’existerait sans doute pas sans l’évolution
de la réglementation en faveur de l’immobilier vert, ces der-
nières années. Mais qu’en est-il du secteur tertiaire ?
3.2 / AIDES ET FINANCEMENTS VERTS DÉDIÉS AU SECTEUR TERTIAIRE
La France a souhaité être exemplaire en se fixant l’objectif
ambitieux, au travers de la loi du Grenelle II, de réduire de
40 % d’ici 2020 les consommations énergétiques et d’au moins
50 % les émissions de gaz à effet de serre de ses bâtiments ter-
tiaires « publics ». Ainsi, l’État incite les collectivités territoriales,
dans le respect de leur libre administration, à engager un pro-
gramme de rénovation de leurs bâtiments en matière d’économie
d’énergie dans les mêmes conditions et au même rythme. Dans la
récente loi sur la transition énergétique, le but visé est d’arriver à
une réduction de la consommation énergétique du parc tertiaire,
privé et public, d’au moins 60 % en 2050 par rapport à 2010.
Comme pour les particuliers, le secteur tertiaire peut béné-
ficier d’aides à la rénovation énergétique distribuées par les
collectivités locales (aides du Fonds européen de dévelop-
pement régional – FEDER – et de la BEI), par l’Agence de
l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (l’ADEME)
pour le fonds chaleur ou encore par les pouvoirs publics (via
les certificats d’économies d’énergie). Les aides proposées
par les collectivités découlent, généralement, d’un diagnos-
tic Plan climat qui analyse la répartition des émissions de
CO2 par industrie, transport et secteur. Ces aides peuvent
provenir du FEDER, dont l’objectif prioritaire est de faire
de l’innovation et du développement durable les moteurs
de la compétitivité en régions. Par ailleurs, le mécanisme
européen d’assistance à l’échelle locale dans le domaine de
l’énergie ELENA (European local energy assistance) fournit
une assistance financière et technique pour aider les autori-
tés locales et régionales à attirer des investissements dans
des projets d’énergie durable. Enfin, le Fonds chaleur géré
par l’ADEME a été créé pour financer le développement
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
transition énergétique 22
de mécanismes de production renouvelable de chaleur (bois,
solaire, géothermie, etc.) pour l’habitat collectif, les collecti-
vités et les entreprises. Avec ces aides financières, la chaleur
issue d’énergies renouvelables est compétitive par rapport à
celle produite à partir d’énergies conventionnelles.
Les établissements financiers ont mis en place des solu-
tions grâce auxquelles les entreprises financent la rénova-
tion énergétique de leur bâtiment. Un certain nombre de
ces prêts sont distribués exclusivement par la Caisse des
dépôts et consignations et la Banque publique d’investisse-
ment, mais d’autres prêts ou dispositifs sont proposés par
les établissements bancaires « mainstream » aux profession-
nels et aux investisseurs.
Pour ce qui concerne le financement de grands équipements
utilisés par des collectivités territoriales ou liés à la protec-
tion de l’environnement, il existe des sociétés de finance-
ment des économies d’énergie (SOFERGIE). Ces sociétés
financières sont spécialisées dans le financement par voie
de crédit-bail immobilier et mobilier. Elles s’adressent à
tous les types d’entreprise, aux collectivités territoriales,
aux établissements publics, à leurs regroupements et aux
délégataires de services publics.
ZOOM SUR L’OFFRE DELTA GREEN POUR LES INVESTISSEURS
Crédit Foncier Immobilier, filiale du groupe Crédit Fon-
cier, et le Cabinet Lefèvre Pelletier & Associés se sont
associés pour concevoir « Delta Green », une offre de
services destinée à accompagner les investisseurs et uti-
lisateurs dans la mise en œuvre d’un plan de réduction
de l’impact énergétique de leur parc immobilier. Cet outil
de mesure aide à construire une stratégie immobilière
« verte » qui s’appuie sur une analyse technique exhaus-
tive associant l’analyse environnementale et technique à
l’analyse juridique et financière.
3.3 / CONCLUSION
Les aides et les financements verts pour les particuliers
ou le secteur tertiaire émanent d’un grand nombre
d’acteurs : l’Europe, l’État, les collectivités territoriales… On
note le rôle de plus en plus important des établissements
financiers dans la proposition d’offres vertes afin que le sec-
teur immobilier réalise sa transition énergétique et atteigne
les objectifs réglementaires fixés.
L’actualité renforcera sans doute ces objectifs. Un nouvel
accord international sur le climat devrait être signé lors
de la COP 21 (Conference of Parties des Nations unies), en
décembre 2015. Par ailleurs, la récente loi sur la transition
énergétique du 17 août 2015 donnera lieu au déploiement
de nouveaux dispositifs en faveur de l’immobilier vert. Il
s’agira, ainsi, de mettre en œuvre, à grande échelle, une
rénovation énergétique et thermique des bâtiments français
en cohérence avec les différents acteurs.
IL S’AGIRA DE METTRE EN ŒUVRE, À GRANDE ÉCHELLE,
UNE RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE ET THERMIQUE DES BÂTIMENTS FRANÇAIS EN COHÉRENCE AVEC LES DIFFÉRENTS ACTEURS.
financements et régulations 23
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
n° 9
125
RÉSIDENTIEL
LA MONDIALISATION DE L’IMMOBILIER DE LUXE Par Nicolas Tarnaud, MRICS, Docteur en économie, Titulaire de la chaire immobilier & société, Neoma Business School.
LA MONDIALISATION DE L’IMMOBILIER DE LUXEPar Nicolas Tarnaud, FRICS, Docteur en économie, Titulaire de la chaire immobilier & société, Neoma Business School.
4
4.1 / LA MONDIALISATION
D urant les Trente Glorieuses, l’intervention des États
dans la vie économique était très forte. Les banques
jouaient un rôle beaucoup plus important dans le finance-
ment de l’économie que les marchés financiers. Les années
1980 seront marquées par l’essor des marchés financiers et
leur dérégulation : « Les marchés financiers connaissent non
seulement une impressionnante expansion, mais aussi une
internationalisation marquée. Le premier choc pétrolier de
1974 en constitue un des facteurs. Les excédents en dollars des
pays de l’OPEP, les « pétrodollars », sont alors placés dans les
banques des pays industrialisés. Le mouvement amplifié par la
déréglementation, notamment par le démantèlement progressif
des contrôles de change a permis aux capitaux étrangers d’ache-
ter des devises étrangères » (1). Les années 80 accentueront ce
phénomène. Avec la libéralisation du contrôle des changes,
les investisseurs internationaux placeront leurs liquidités
dans les actions cotées, dans l’immobilier commercial ou
(1) Olivier Lacoste. Les crises financières. Éditions Eyrolles. 2e édition 2015.
l’immobilier de luxe. Grâce à l’essor de la gestion financière,
les investisseurs arbitreront et augmenteront leur patrimoine
financier. Une partie de ce dernier ira s’allouer dans l’immo-
bilier. Ce n’est pas un hasard si Olivier Lacoste rappelle la
croissance exponentielle des fonds de pension qui jouent un
rôle majeur dans nos économies modernes. « Les actifs gérés
par les fonds de pension étaient de l’ordre de 860 milliards
de dollars au début des années 80 ; ils atteignaient presque
22 000 milliards de dollars en 2006… Ils exercent une pression
constante sur les firmes dont ils sont les actionnaires » (1). Selon
le cabinet de conseil Towers Watson, les fonds de pension
dans le monde géraient 36 119 milliards de dollars fin 2014.
Les fonds de pension américains représentaient 22 117 mil-
liards de dollars. La mondialisation du 21e siècle est avant
tout une globalisation financière regroupant les acteurs éco-
nomiques tels que les fonds d’investissement et les institu-
tions bancaires. Le débat actuel sur la mondialisation écono-
mique et financière ne fait que commencer, dans un contexte
où l’immobilier de prestige est actuellement dynamique dans
les grandes métropoles mondiales.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
26
4.2 / L’IMMOBILIER DE LUXE
Nous avons une appréciation singulière du luxe. « Un
objet de luxe (…) est un objet ordinaire pour des gens
extraordinaires, mais également un objet extraordinaire
pour des gens ordinaires » (Bernard Dubois, professeur de
marketing à HEC). Aucune définition officielle du « luxe »
n’existe, et chacun peut se l’approprier. Certains admettent
qu’il existe une distinction entre le luxe et le haut de gamme.
Selon l’Encyclopédie du marketing, il s’agit d’un « bien dont
le prix est élevé et les quantités disponibles généralement
peu importantes. On lui reconnaît aussi, le plus souvent,
une qualité artistique. Il ne doit pas être confondu avec le
produit haut de gamme. Les deux qualificatifs peuvent être
complémentaires mais ne sont pas synonymes ». Selon le
philosophe Gilles Lipovetsky, « Consommer du luxe, c’est
consommer à la fois un produit, une légende/un mythe, une
tradition, des savoir-faire et un rite d’usage ». Autrement
dit, acheter un bien de luxe, par exemple place Vendôme,
revient à « s’identifier » à un passé, à une histoire, à une
localisation mondialement connue et recherchée. Habiter un
bien unique à une adresse exceptionnelle symbolise le pou-
voir et la réussite. Plusieurs paramètres peuvent s’inviter
dans ces définitions. Dans chacune d’elles, nous retrouvons
au moins le prix et la rareté. Une maison ou un apparte-
ment peuvent se trouver dans un environnement exception-
nel sans pour autant que le bien le soit. À l’inverse, une
somptueuse maison peut se situer dans un environnement
quelconque ou peu convoité. En fonction de la qualité du
bien et de son environnement, que l’on soit dans un habitat
horizontal ou vertical, ancien ou moderne, un bien sera plus
ou moins rare, comme son prix plus ou moins élevé.
La notion de rareté vient naturellement à l’esprit lorsque
l’on définit le luxe. En étant rare, l’immobilier de luxe se
hisse au niveau d’une « œuvre d’art ». La rareté suscite le
désir et l’envie d’appropriation. La possession renforce la
distinction sociale. La réussite matérielle est donc natu-
rellement associée au luxe. L’immobilier et le luxe sont les
grands bénéficiaires de la mondialisation.
4.3 / UNE ÉCONOMIE MONDIALISÉE
Conséquence de la dérégulation américaine et anglaise,
l’économie française s’est financiarisée à partir du
milieu des années 80. Comme d’autres pays, elle s’est ins-
crite dans une trajectoire libérale plutôt que keynésienne
visant à augmenter l’autonomie et la flexibilité des acteurs
économiques. Le patrimoine se valorisera davantage que les
revenus des salariés. En effet, l’indexation des salaires sur
les prix sera supprimée dès 1982. À revenu égal, la fiscalité
des revenus du capital sera beaucoup moins élevée que les
revenus du travail, ce qui vaudra aux investisseurs de se
constituer rapidement un patrimoine financier ou immobi-
lier. L’État privilégiera l’actionnariat individuel. On recen-
CONSOMMER DU LUXE, C’EST CONSOMMER À LA FOIS UN PRODUIT,
UNE LÉGENDE/UN MYTHE, UNE TRADITION, DES SAVOIR-FAIRE ET UN RITE D’USAGE.
Régisseur Air conditionné
Grande hauteur sous plafond (supérieure à 3 mètres)
Sécurité optimale 24/24
Parking sécurisé
Pièces généreuses (supérieures à 30 m2)
Concierge 24/24
Localisation : prime location
Cuisine semi ou professionnelle
Fitness haut de gamme
Balcon-terrasse
Chambre ensuite
Spa dans l’immeuble
Hall prestigieux
Étage noble
Tableau 1. Caractéristiques d’un logement de luxe(Source : Nicolas Tarnaud.)
résidentiel 27
sera 6,2 millions d’actionnaires fin 1987, soit quatre fois plus
qu’en 1980. De nombreuses entreprises seront privatisées
en France comme la BNP, l’UAP et la Société Générale.
Les fusions et acquisitions connaîtront une forte croissance
sous l’égide des banques d’affaires. L’effet de levier du cré-
dit augmentera les activités de rachat et de fusion. Les fonds
d’investissement se développeront à cette occasion. Comme
le rappelle Guillaume Sarlat (2), « La France a également mis
en place, à partir des années 80, un des régimes juridiques
et fiscaux les plus favorables en Europe aux montages LBO
(Leveraged buy-out) ». Jusqu’aux années 80, l’immobilier
(2) Guillaume Sarlat. En finir avec le libéralisme à la française. Éditions Albin Michel, 2015.
était un actif dormant ; il n’était jamais arbitré. Il deviendra
rapidement un actif à part entière, pour les investisseurs
institutionnels et privés. La valeur de cet actif sera appré-
hendée comme la somme des cash-flows futurs. En effet,
la financiarisation de l’immobilier (tertiaire et résidentiel)
apparaîtra en France dans les années 90 avec l’application
des techniques financières. Les investisseurs immobiliers
intégreront rapidement le concept des cash-flows pour obte-
nir des taux de rendement interne. Ce dernier deviendra le
benchmark international pour connaître le rendement final
d’un investissement dans l’immobilier (commercial ou rési-
dentiel). L’investisseur privilégiera soit un rendement en
capital, soit un rendement locatif, ou un mélange des deux.
La mondialisation de nos économies débouchera sur une
financiarisation de ces dernières. Les théories économiques
laisseront la place aux théories financières. Le court terme
deviendra le référentiel de tout investissement spéculatif
par rapport au temps. Avec la financiarisation de l’écono-
mie, l’actif immobilier se valorisera beaucoup plus rapide-
ment qu’auparavant.
4.4 / L’IMMOBILIER ET LA FINANCIARISATION DE L’ÉCONOMIE
L ’immobilier résidentiel et l’immobilier de luxe pro-
fitent de la financiarisation de l’économie depuis une
trentaine d’années. En effet, depuis le début des années
80, avec le développement d’un système financier globa-
lisé et déréglementé, l’économie mondiale développe une
globalisation des cycles immobiliers. Les conséquences
des marchés boursiers haussiers, baissiers, les niveaux
des taux d’intérêt, l’inflation et la fiscalité ont impacté
à la hausse ou à la baisse les marchés immobiliers des
pays les plus riches de la planète. Les flux de liquidités se
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
la mondialisation de l’immobilier de luxe 28
sont internationalisés, et les détenteurs de capitaux en ont
profité pour les faire circuler dès la moindre opportunité
financière ou immobilière. Thomas Piketty affirme : « Une
caractéristique de la mondialisation financière actuelle est
que chaque pays est en grande partie possédé par les autres
pays, ce qui conduit non seulement à obscurcir les percep-
tions sur la répartition mondiale des fortunes, mais égale-
ment à la vulnérabilité importante des petits pays, et à une
instabilité de la répartition mondiale des positions nettes…
On a assisté, depuis les années 70-80 à un puissant mou-
vement de financiarisation de l’économie et de la structure
des patrimoines » (3). Aux États-Unis, par exemple, sous
l’administration Reagan, les Caisses d’Epargne « savings
and loans », spécialisées dans les prêts au logement, vont
se lancer dans des stratégies risquées afin d’améliorer leur
rentabilité. 150 milliards de dollars d’argent public seront
mobilisés pour sauver le système. La crise financière de
1988 aura des conséquences sur l’immobilier résidentiel et
sur l’immobilier de luxe aux États-Unis. La mondialisation
des échanges et des flux financiers s’est considérablement
développée depuis le début des années 2000 avec l’arrivée
des nouvelles technologies et d’internet. Durant le début
de ces mêmes années, l’immobilier de luxe confirmera
une croissance exceptionnelle dans toutes les métropoles
mondiales. Le marché de l’immobilier haut de gamme à
New-York, Miami ou Los Angeles a souvent été corrélé à
la vitalité des marchés actions et obligataires américains.
Ainsi, le marché du luxe se ralentira rapidement à New-
York, en Floride et en Californie au lendemain de la crise
américaine des subprimes de 2008. En effet, plus les mar-
chés financiers se valorisaient et plus l’immobilier de pres-
tige de certaines villes réputées comme Genève, Monaco,
Hong Kong s’appréciait également. La financiarisation des
économies modernes augmentera la richesse individuelle
mondiale et professionnalisera la gestion d’actifs finan-
ciers et immobiliers. Nos économies se sont mondialisées,
le luxe aussi.
(3) Thomas Piketty. Le capital au XXIe siècle. Éditions du Seuil, 2013.
4.5 / LES HIGH NET WORTH INDIVIDUALS (HNWI)
L es high net worth individuals sont les personnes qui
possèdent plus de 1 million de dollars de liquidités en
plus de leur résidence principale et sans intégrer les biens
de consommation.
Fin 2013, il y avait 12,5 millions de HNWI dans le monde
et 46 % de plus qu’en 2008, selon le World Wealth Report
2013 de Capgemini et Knight Frank. Le nombre de mil-
lionnaires ne cesse d’augmenter en Europe, en Amérique
du Nord et en Asie, depuis une quinzaine d’années. Selon
Capgemini et la Royal Bank of Canada, les HNWI repré-
sentaient 4,69 millions de personnes en Asie Pacifique en
2014, contre 4,68 millions en Amérique du Nord. Le Bré-
sil, par exemple, connaît une augmentation du nombre de
millionnaires depuis dizaine d’années. En effet, il y avait
198 500 millionnaires en 2014 et ils sont de plus en plus
nombreux à acheter un pied-à-terre luxueux au Portugal
ou à Miami. Nous retrouvons un dénominateur commun
parmi cette population aisée. Les personnes très aisées
n’ont pas toutes des comportements identiques dans l’uti-
LE MARCHÉ DU LUXE SE RALENTIRA RAPIDEMENT AU LENDEMAIN DE LA
CRISE AMÉRICAINE DES SUBPRIMES DE 2008. NOS ÉCONOMIES SE SONT MONDIALISÉES, LE LUXE AUSSI.
résidentiel 29
lisation d’un bien immobilier. Elles ne constituent pas ipso
facto une population homogène, mais ont une approche
nuancée de l’immobilier de luxe. Le club des high net
worth individuals va continuer d’accueillir de nouveaux
membres chaque année dans les nouveaux pays émergents
et dans la zone Asie Pacifique.
4.6 / LES ULTRA HIGH NET WORTH INDIVIDUALS [UHNWI]
Selon le Crédit Suisse, 128 000 individus font partie du
club des ultra high net worth individuals, c’est-à-dire
les personnes ayant une fortune nette disponible supé-
rieure à 50 millions de dollars, alors qu’ils n’étaient que
41 000 ultrariches à être dans ce club fermé en 2000. Le
développement des marchés financiers et la cotation de
nouvelles entreprises durant ces années ont permis à des
hommes et des femmes de faire fortune rapidement. La
Chine totalise désormais 597 milliardaires en dollars alors
qu’ils ne sont que 537 aux États-Unis. Si nous réunissons
Hong Kong, Taïwan, et Macao, nous trouvons 715 milliar-
daires en dollars. La plupart de ces milliardaires possèdent
simultanément une maison à Hong Kong et un appartement
à New-York pour le symbole et le réseau présent dans la
ville de l’Oncle Sam. Les Américains les plus riches pos-
sèdent un patrimoine de 2 340 milliards de dollars selon
le magazine Forbes, en septembre 2015. Plus le patrimoine
est élevé et moins le pourcentage investi dans l’immobilier
est important. L’allocation principale est répartie entre le
patrimoine professionnel et/ou les actifs financiers. L’envi-
ronnement économique mondial demeure toujours la pre-
mière préoccupation de cette clientèle très fortunée.
4.7 / LE DYNAMISME DU MARCHÉ DU LUXE D’UN PAYS VARIE EN FONCTION DES CRITÈRES SUIVANTS
◗ La devise.
◗ La stabilité politique.
◗ La qualité de vie.
◗ L’environnement économique.
◗ La qualité des services de proximité.
◗ La proximité d’aéroports internationaux.
◗ La fiscalité.
◗ La sécurité.
◗ La qualité des écoles, des établissements supérieurs
et des universités.
◗ L’environnement climatique.
◗ Le degré de pollution.
4.8 / LE PRIX DE L’IMMOBILIER DE LUXE
Quelle que soit la localisation géographique de ce type de
bien, l’immobilier de luxe constitue toujours un mar-
ché à part. Le prix d’un bien de luxe dépend du marché, de
l’offre et de la demande à un instant T et de la liquidité de
ce marché, ainsi que de ses taux d’intérêt. On n’achète pas
un bien dans le luxe pour obtenir une rentabilité locative
élevée. Elle sera faible quelle que soit la nature du bien et sa
localisation géographique. On investira dans ce type de bien
pour se protéger contre l’érosion monétaire ou pour diversi-
fier un patrimoine financier significatif. Cet actif pourra être
utilisé comme résidence principale ou secondaire avec des
périodes locatives pour diminuer le coût annuel immobilier
important. L’objectif de réaliser une plus-value ne sera pas
incompatible avec cet actif spécifique.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
la mondialisation de l’immobilier de luxe 30
4.9 / LES GRANDES VILLES MONDIALES
L ’immobilier de luxe est présent dans toutes les grandes
métropoles mondiales. Celles-ci se livrent à une
concurrence féroce pour attirer une clientèle fortunée. Le
marché immobilier de prestige reste actif dans les capitales
mondiales dynamiques économiquement et fiscalement.
Voici quelques villes qui ont su se développer pour attirer
une clientèle internationale très convoitée.
NEW-YORKNew-York est plus que jamais la première au classement dans
le monde de la finance, des médias, de l’art et de la mode.
Nous trouvons des écoles maternelles comme le Trinity
College, à 40 000 dollars par an avec un encadrement de
haut niveau pour apprendre à lire et à écrire. Big Apple est
devenue la capitale du monde dans l’immobilier de luxe.
Tout milliardaire dans le monde se doit d’avoir un pied-à-
terre dans une tour moderne à proximité de Central Park.
Les riches New-Yorkais ont une propriété au bord de la
mer, dans les Hamptons, dont les plus chères dépassent les
100 millions de dollars. Les tours dédiées aux appartements
de luxe sont de plus en plus nombreuses à Manhattan. Plus
les biens se situent en étage élevé et plus les prix sont consé-
quents. Ainsi, un penthouse de 1 000 m2 dans la tour One 57
a trouvé preneur pour 100 millions de dollars. À 10 minutes
à pied, il faudra compter ces mêmes montants pour s’of-
frir un luxueux pied-à-terre de la même superficie dans la
nouvelle tour du 432 Park Avenue. Les charges mensuelles
par appartement peuvent avoisiner les 50 000 dollars par
mois. La taxe foncière annuelle représente en moyenne 1 %
de la valeur d’achat. Les noms de ces nouveaux immeubles
de luxe deviennent de véritables cartes de visite interna-
tionales. Une forte connotation ressort de cette association
entre l’homme et le nom de l’immeuble. L’acquisition de tels
condominiums en étage élevé donne le sentiment à leurs
propriétaires de dominer le monde et d’appartenir au club
fermé des « successfull people » vivant à New-York. Les
luxueux immeubles new-yorkais sont toujours à proximité
du monde des affaires et de l’entrepreneuriat. La tech indus-
trie est également aujourd’hui présente. Les plus grandes
entreprises du Fortune 500 y ont leur siège social.
Il y a toujours eu une concurrence (prix immobilier, environ-
nement économique) et à la fois une relation étroite entre
New-York et la Silicon Valley. Ce n’est pas un hasard si
la nouvelle « Silicon Island », à New-York (un projet à 2
milliards de dollars), va devenir l’un des plus grands incu-
bateurs de start-up américaines. Cette ville où « tout est pos-
sible » pourrait se résumer par la citation de Mark Twain :
« Make your mark in New-York and you are a made man ».
résidentiel 31
LONDRESLondres est plus que jamais le rendez-vous des grandes
fortunes mondiales en Europe. En 2014, Londres a enre-
gistré un nombre record de ventes de biens immobiliers de
luxe. Selon Knight Frank, plus de 1 683 appartements ou
maisons de plus de 5 millions de dollars s’y sont vendus.
De nombreux investisseurs continuent de parier sur un
marché haussier. Nous sommes actuellement en haut du
cycle, même si les prix n’ont baissé que deux ou trois fois en
soixante ans. En effet, selon les économistes de la Deutsche
Bank, les prix immobiliers à Londres n’ont diminué que
trois fois sur les soixante dernières années : au début des
années 80, lors de la « récession économique », en 1992 avec
la « crise monétaire de la livre sterling » et en 2008 durant
« le krach financier ». Ces chiffres témoignent à la fois de
la liquidité de ce marché, du niveau des prix atteint et de
l’attractivité de la capitale anglaise. Celle-ci n’est pas nou-
velle. Elle s’est renforcée ces dernières années par rapport
à d’autres villes européennes. En effet, Londres a toujours
répondu aux attentes de la clientèle fortunée internationale :
aéroport international performant, fiscalité attractive pour
les non-résidents, sécurité optimale, hôtels particuliers, pro-
grammes résidentiels modernes et luxueux, marques inter-
nationales, sièges sociaux de grandes entreprises anglaises
et étrangères, et enfin, la place financière de la City. C’est
également une ville avec des établissements prestigieux
comme la London Business School ou la London School
of Economics. Les riches étudiants étrangers peuvent ainsi
se loger dans des résidences étudiantes prévues à cet effet.
LONDRES N’A RIEN À ENVIER À NEW-YORK QUANT AU NIVEAU
DES PRESTATIONS OFFERTES ET DES PRIX DES BIENS IMMOBILIERS.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
la mondialisation de l’immobilier de luxe 32
Par exemple, la Fountain House sur Hyde Park cible cette
jeune clientèle en lui proposant des appartements luxueu-
sement décorés avec service de ménage quotidien pour des
loyers variant entre 9 000 livres et plus de 22 000 livres par
mois. Londres n’a rien à envier à New-York quant au niveau
des prestations offertes et des prix des biens immobiliers.
En effet, dans le fameux immeuble « One Hyde Park », un
penthouse de 1 500 m2 a été vendu à 140 millions de livres.
Dans ce type d’immeuble, nous trouvons une sécurité ultra-
sophistiquée, des appartements domotisés dernière généra-
tion, des spas, des conciergeries 24/24, des régisseurs,… La
nouvelle résidence « Clarges Mayfair » a décidé de concur-
rencer « One Hyde Park » en offrant encore plus de services
et de confidentialité aux futurs propriétaires.
HONG KONGC’est la ville des tours avec 1 268 gratte-ciel de plus de
100 mètres de hauteur. La ville chinoise est l’aggloméra-
tion qui comporte le plus d’immeubles de grande taille. Les
grandes fortunes chinoises y sont domiciliées, tout comme
les sièges sociaux asiatiques et étrangers. Il n’est pas rare
de voir un penthouse ou une maison se vendre à près de
200 000 euros du mètre carré. Elle se retrouve toujours sur
le podium comme l’une des villes les plus chères du monde.
C’est un marché spéculatif avec de véritables volatilités
lorsque les marchés financiers se trouvent dans des mouve-
ments baissiers. Malgré des salaires élevés et une fiscalité
avantageuse, les Hongkongais ne peuvent plus investir dans
la pierre. La croissance vertigineuse des prix de l’immobilier
s’explique par la zone limitée du territoire, et l’impossibilité
de trouver de nouvelles parcelles constructibles. Tant que
Hong Kong restera attractive fiscalement, les prix continue-
ront d’occuper les places du podium mondial.
GENÈVELa Suisse n’est pas une destination majeure, mais demeure
toujours un lieu de résidence important pour la clientèle
internationale toujours intéressée par la discrétion et la
confidentialité. La Suisse est le sixième pays mondial au
classement du nombre de millionnaires.
Ce pays se situe au deuxième rang des destinations rete-
nues par les millionnaires français derrière le Royaume-
Uni, mais juste devant le Luxembourg et la Belgique. Le
canton de Vaud et le canton de Genève sont les plus recher-
chés. Dans le canton de Vaud, on retrouvera de nombreux
sportifs français tandis qu’à Cologny, nous rencontrerons
davantage de capitaines d’industrie français et étrangers.
Dans le canton de Genève, la clientèle internationale est
toujours friande de belles propriétés anciennes ou de mai-
sons d’architecte dernière génération avec piscine et spa
intérieurs. On apprécie Cologny pour sa proximité avec le
centre-ville de Genève autant qu’avec la frontière française.
Cette commune est appréciée pour son calme, sa sécurité et
son magnifique golf.
Localisation Rue Guynemer, Paris 6e (jardin du Luxembourg)
5e Avenue (Central Park)
Quartier du Casino
Surface appartement
300 m2 300 m2 300 m2
Immeuble Haussmannien / ancien
Moderne Moderne
Charges de copropriété
1 500 € par mois 15 000 € par mois
8 000 € par mois
Taxe foncière 5 000 € par an 1 % du prix d’achat par an
10 000 € par an
ISF Oui Non Non
Prix 6 M€ 18 M€ 20 M€
Tableau 2. Comparaison d’un bien dans trois villes différentes(Source : Nicolas Tarnaud.)
MONACOLe rocher monégasque continue d’alimenter tous les fan-
tasmes depuis des générations. Nous ne sommes pas dans
une ville classique, mais dans un roman avec de belles his-
toires immobilières. Le rocher n’a jamais été abordable. Il
l’est encore moins aujourd’hui dans le triangle d’or, proche
du Casino, ou dans les rares programmes neufs de prestige.
Les prix varient de 30 000 euros le mètre carré à plus de
100 000 euros le mètre carré pour des biens qui répondent
résidentiel 33
aux attentes de la clientèle étrangère. Le prix moyen d’une
vente se situe autour de 4 millions d’euros avec près de
600 transactions annuelles. Les appartements sont très spa-
cieux (un deux pièces correspond généralement à un 100 m2
sans la loggia) et sont décorés. Les prestations offertes dans
l’immeuble (concierge, régisseur, spa…) ressemblent à l’uni-
vers anglo-saxon.
Avec une superficie de 2 km2, le foncier monégasque
demeure très rare et cher. Ce n’est pas un hasard si Monaco
appartient au club très fermé des villes les plus chères du
monde avec Hong Kong. Monaco reste plus que jamais un
paradis fiscal pour les Russes, les Anglais, les Suisses et les
Italiens.
SAN FRANCISCOLa région de San Francisco a toujours été le poumon de
l’Amérique. Les plus grands chercheurs, jeunes ingénieurs et
« prodiges » des nouvelles technologies y viennent du monde
entier depuis des décennies pour le plus grand bonheur des
grandes entreprises et des entrepreneurs. Aujourd’hui, San
Francisco dépasse très largement Los Angeles pour ce qui
concerne le prix moyen par transaction. Ainsi, pour 1 mil-
lion de dollar, vous ne pourrez acquérir qu’un deux ou trois
pièces dans la ville du Golden Gate. Pour ce budget, il ne
faut pas espérer emménager dans un magnifique immeuble
de Pacific Heights. Conséquence de l’euphorie de la tech
industrie, la Silicon Valley fabrique de nouveaux million-
naires chaque année. Ces nouveaux riches investissent aussi
bien San Francisco que le Sud, à 45 minutes en voiture, à
Palo Alto ou Atherton, connues pour leurs luxueuses mai-
sons à plus de 10 millions de dollars.
De nombreuses stars de l’informatique possèdent des ranchs
à Woodside (20 minutes du campus de Stanford), où la
moindre maison dépasse les 5 millions de dollars. La taxe
foncière annuelle représentant 1 % du montant de l’acqui-
sition n’effraie absolument pas les acteurs économiques de
la Silicon Valley. La Californie offre une fiscalité douce à
ses habitants. En effet, le taux maximum d’imposition sur
les revenus est de 11,3 %, et il n’existe pas d’ISF. Les entre-
preneurs financent même à crédit leur résidence principale,
puisque les intérêts d’emprunt sont intégralement déduc-
tibles (sans limitation) de l’impôt sur le revenu.
CANNESCette ville bénéficie d’une situation géographique exception-
nelle entre Saint-Tropez et Monaco. Son festival est devenu
son ambassadeur mondial. De nombreux biens supérieurs
à 4 millions d’euros se trouvent sur le marché depuis plu-
sieurs années. Ce sont les acquéreurs qui ont repris la main.
On constate que de plus en plus de fonds étrangers achètent
des propriétés pour les rénover à grands frais et les vendre à
une clientèle internationale. Mais cette dernière est particu-
lièrement volatile. Avec l’appréciation du dollar, on observe
le retour d’une clientèle anglo-saxonne, principalement amé-
ricaine. Les Chinois aussi commencent à s’intéresser aux
propriétés cannoises.
Mais certains clients étrangers comme les Russes ont
aujourd’hui déserté la place cannoise pour différentes rai-
sons. Selon les agents immobiliers locaux, au-delà de la
crise russe, la mauvaise image économique et fiscale de la
France n’est pas étrangère à la désertion de la ville par une
clientèle étrangère. Celle-ci, qui souhaite malgré tout résider
sur la Riviera sans être propriétaire, pourra envisager deux
options : louer un bien de prestige lors de son passage ou
acquérir un bien sur le rocher monégasque si les conven-
tions fiscales sont compatibles avec son pays d’origine. Les
propriétaires doivent accepter de fortes négociations ou pro-
poser leurs biens en location meublée afin de couvrir des
coûts annuels (fiscalité locale, ISF, charges, frais d’entre-
tien,…) pouvant représenter jusqu’à 4 % de la valeur de la
maison. Les étrangers restent particulièrement sensibles aux
problèmes de sécurité. Les domaines sécurisés sont souvent
un avantage par rapport aux propriétés isolées qui néces-
sitent un service de gardiennage à l’année.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
la mondialisation de l’immobilier de luxe 34
parisiens pour se recentrer à l’étranger. Ces mises en vente
ont gonflé les stocks et cela a impacté les prix de vente. Avec
l’appréciation du dollar sur l’euro, on voit revenir entre
autres, les Américains, qui souhaitent profiter du niveau de
la devise américaine et de l’attractivité des prix par rapport
à New-York ou Londres.
Paris redevient attractif au niveau des prix, mais les non-
résidents sont assujettis à l’ISF, ce qui peut être un frein
pour les biens de plusieurs millions d’euros. La capitale
regorge de magnifiques biens haussmanniens, mais ne
dispose pas assez d’appartements neufs de prestige et de
belles superficies. Il existe une clientèle qui souhaiterait
bénéficier des prestations et services sur-mesure dans l’im-
meuble où elle réside (piscine, spa, concierge, régisseur,
parking sécurisé,…).
Figure 1. Évolution du prix d’un appartement place Furstenberg, à Paris 6e, de 1998 à 2013(Source : Nicolas Tarnaud.)
PARIS Les appartements supérieurs à 400 m2 se sont vendus avec
beaucoup de difficultés ces dernières années. Leurs proprié-
taires français ou étrangers, ont dû revoir leurs prétentions
à la baisse ou les proposer sur le marché de la location en
attendant des jours meilleurs. De nombreux appartements
de luxe se trouvent sur le marché depuis quelques années.
En effet, de nombreux propriétaires ont cédé leurs actifs
0
5000
10000
15000
20000
25000
30000
1998 2013
Inflation coût de la vie : + 27,9 %
Augmentation du prix immobilier : + 226 %
9100€/m2
30000€/m2
résidentiel 35
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
n° 9
1
37
IMMOBILIER COMMERCIAL
CENTRES COMMERCIAUX : PRÉSERVATION DES RENDEMENTS Par Béatrice Guedj, Managing Director, Research and Strategy, Grosvenor.
CENTRES COMMERCIAUX : QUEL MODÈLE POUR DEMAIN ? Par Jérôme Le Grelle, Président de Convergences – CVL.
CENTRES COMMERCIAUX : PRÉSERVATION DES RENDEMENTSPar Béatrice Guedj, Managing Director, Research and Strategy, Grosvenor.
5
5.1 / DES RENDEMENTS APPÉTISSANTS
D epuis les années 2000, l’immobilier pour les grands
investisseurs européens constitue 3 % à 8 %, en
moyenne, de leur allocation globale. Depuis la dernière
crise, en 2008, les commerces, pour les grands investisseurs
institutionnels, sont devenus une allocation de choix et la
concurrence pour ces produits n’a fait que s’accroître par-
tout en Europe. Quelques faits stylisés pour comprendre le
marché européen.
Le commerce reste la deuxième classe d’actifs la plus tran-
sactée après les bureaux, sur les vingt dernières années. Cet
engouement s’explique par les rendements que cette classe
d’actifs a pu générer sur moyen et long termes.
Sur les quinze dernières années, selon les données IPD-
MSCI disponibles jusqu’en 2004, le commerce, en Europe,
a offert un rendement moyen supérieur à celui des bureaux
et autres classes d’actifs. Sur cette période, ce différentiel,
ou premium des rendements des commerces sur celui des
bureaux, a été de 230 points de base, en moyenne.
Bien que la classe d’actifs commerce de l’univers IPD-MSCI
associe pieds d’immeuble, centres commerciaux et retail
parks, l’univers d’analyse par pays (Grande-Bretagne, France,
Suède, Italie, Espagne et Belgique) montre que l’essentiel
des données traitées dans le benchmark IPD-MSCI est plus
représentatif des centres commerciaux que du reste des actifs
de commerce. En cela, les indices IPD-MSCI par grands
pays européens offrent un échantillon suffisamment repré-
sentatif de la performance des centres commerciaux comme
investissements comparativement à celle des bureaux.
À titre indicatif, sur les dix dernières années, les rende-
ments moyens des centres commerciaux en Europe ont été
de 6,9 % par an. Cette analyse sur les seules dix dernières
années gomme les changements structurels qui se sont opé-
rés entre les différents marchés européens et évite, ainsi,
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
38
qu’un « effet rattrapage » en termes de taux n’explique quasi
seul les différentiels de performance entre périmètres géo-
graphiques.
Sur cette même période, la France fait figure de championne
avec un rendement de 12,1 % par an, en moyenne, suivie
de la Suède, dont le rendement se hisse à 8,6 % par an. En
Grande-Bretagne (voir encadré ci-dessous), les rendements
restent supérieurs à la moyenne européenne, mais inférieurs
à ce qu’ils sont en France ou en Suède. Une analyse plus fine
des données IPD britanniques démontre que les dispersions
des rendements autour de la moyenne nationale sont beau-
coup plus élevées, car les rendements des centres commer-
ciaux sont très différents selon la localisation, la taille des
centres ou le « vintage » des centres.
Le marché des commerces en Grande-Bretagne est
l’un des plus diversifiés en matière de produits : pieds
d’immeuble, centres commerciaux et retail parks. Il est
considéré comme le marché le plus liquide, en Europe,
pour la classe des centres commerciaux. Le marché a été
caractérisé par l’entrée de nouveaux acteurs, fonds sou-
verains en direct ou en indirect. Ce marché est bien plus
volatil que ses pairs européens, mais il l’est moins que le
secteur des bureaux en Grande-Bretagne. Cette moindre
volatilité explique son grand intérêt aux yeux des insti-
tutionnels qui ambitionnent d’investir en Grande-Bre-
tagne. Les rendements à long terme sont de 8 % par an,
mais très dispersés. Comme le démontre le graphique
ci-contre, les rendements en capital sont très différents
selon la taille des centres : ils sont une fonction croissante
de la taille des centres, et cela même si les rendements
locatifs sont moins élevés que sur des centres de plus
petite taille. Cela pourrait paraître paradoxal, mais une
analyse plus fine démontre que la taille est aussi corrélée
au « vintage » du centre. Les nouveaux grands centres
ont tendance à surperformer en termes de rendements en
capital, mais également en termes de rendements locatifs.
En termes de couple rendement-risque, le commerce offre
un ratio supérieur à 1 sur long terme, et cela en tenant
compte des différents cycles haussiers et baissiers dans la
majorité des pays en Europe. Sur long terme, soit sur dix,
quinze ou vingt ans, lorsque les données sont disponibles,
une analyse par pays montre que le couple rendement-
risque de l’actif commerce est toujours plus élevé que dans
les bureaux. Cette supériorité du couple rendement-risque
s’explique par une moindre volatilité des rendements en
commerce comparativement à celle des bureaux.
0
1
– 1
– 2
– 3
– 4
2
3
4
5
6
7
Commerces
< 7 000 m 2
7 001 - 14 000 m 2
14 001 - 25 000 m 2
25 001 - 50 000 m 2
>50 000 m 2
Rendement total Rendement en capitalRendement locatif
Tous secteurs Bureaux
Rendement 2003 - 2014, en %
Couple risque-rendement
5,8
6,0
6,2
6,4
6,6
6,8
7,0
7,2
7,4
– 0,1
0
0,3
0,5
0,7
0,9
1,1
1,3
1,5
Commerces Industriel
Figure 1. Rendements du commerce à 10 ans en Grande-Bretagne, par taille d’actif, en % (Sources : IPD-MSCI et Grosvenor Research.)
Figure 2. Rendements en Europe en commerce (2003-2014), en % (Sources : IPD-MSCI et Grosvenor Research.)
immobilier commercial 39
COMPARAISON DES RENDEMENTS IMMOBILIERS À 10 ANS, PAR TYPE D’ACTIF, EN FRANCE, EN GRANDE-BRETAGNE ET EN SUÈDE
La moindre volatilité des rendements locatifs et en capital
des commerces par rapport aux bureaux est surtout obser-
vée en phase baissière du cycle immobilier. La croissance
de la consommation, moteur des rendements immobiliers, a
plus d’inertie que la croissance de l’emploi de bureau, plus
volatil et élastique aux cycles économiques.
La crise de 2008 aura encore plus accentué le différentiel
entre performances de ces deux classes d’actifs, commerces
et bureaux, dans l’ensemble des pays européens. En effet,
la reprise ne s’est pas caractérisée par un rebond du PIB
et de l’emploi, mais plutôt par une croissance poussive et
graduelle, notamment au sein de la zone euro. La croissance
de la consommation a fait preuve de plus de résilience en
dépit de la consolidation fiscale que la croissance de l’em-
ploi dans l’ensemble des pays européens. Cette résilience
de la consommation a été encore plus marquée dans les
grandes agglomérations européennes, où les rendements
des centres commerciaux ont continué de surperformer par
rapport à la moyenne.
L’année 2014 marque un tournant, comme le démontre la
figure 6, puisque l’indice agrégé IPD-MSCI pour l’ensemble
des pays européens enregistre une très forte hausse des ren-
dements : la hausse de ces rendements a été générée par
un rebond des valeurs vénales, fin de la crise de la dette
souveraine oblige, mais également par une forte hausse des
rendements locatifs, en lien avec un rebond de la consom-
mation dans la majorité des différents pays.
LA CRISE DE 2008 AURA ENCORE PLUS ACCENTUÉ LE DIFFÉRENTIEL ENTRE
PERFORMANCES DES COMMERCES ET BUREAUX, DANS L’ENSEMBLE DES PAYS EUROPÉENS.
Rendement total
Commerces Bureaux Tertiaire Tous types
Rendement en capitalRendement locatif
-0,5
1,5
3,5
5,5
7,5
9,5
11,5
Figure 3. Rendements à 10 ans en France, par type d’actif immobilier, en % (Sources : IPD-MSCI et Grosvenor Research.)
Rendement total
Commerces Bureaux Tertiaire Tous types
Rendement en capitalRendement locatif
- 1
0
1
2
3
4
5
6
7
Figure 4. Rendements à 10 ans en Grande-Bretagne, par type d’actif immobilier, en % (Sources : IPD-MSCI et Grosvenor Research.)
Rendement total
Commerces Bureaux Tertiaire Tous types
Rendement en capitalRendement locatif
0123456789
10
Figure 5. Rendements à 10 ans en Suède, par type d’actif immobilier, en % (Sources : IPD-MSCI et Grosvenor Research.)
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
préservation des rendements 40
Les volumes d’investissement en commerce dans l’ensemble des pays européens se sont fortement accélérés, depuis la crise (voir figure 7) et la part des commerces dans le volume glo-bal d’investissement s’est également accrue dans l’ensemble des pays européens. Cet appétit s’est caractérisé par une très forte baisse des taux en regard de politiques monétaires très accommodantes partout en Europe (quantitative easing de la Banque d’Angleterre, de la Banque Centrale Européenne ou de la Risksbank, l’autorité monétaire suédoise). Dans l’en-semble de ces pays, les taux « prime » des centres commer-ciaux sont aujourd’hui bien en deçà de leur moyenne de long terme, même si les « spreads » avec les taux à dix ans dans chacun des pays européens restent encore élevés.
5.2 / DES RENDEMENTS DISPERSÉS, LIÉS À UNE CONSOMMATION PLUS DIGITALE
S i les centres commerciaux restent des actifs de choix
dans les poches d’allocation des grands institutionnels
européens, les performances récentes et les écarts de perfor-
mance entre les centres commerciaux pour tous les grands
pays européens posent des questions sur les mutations
nécessaires du traditionnel centre commercial, au-delà de
celles déjà observées.
Les écarts de performance constatés s’expliquent par deux
raisons, essentiellement : des croissances du pouvoir d’achat
et de la consommation insuffisantes dans la zone de chalan-
dise de certains centres commerciaux, ou un effet de canni-
balisation provoqué par l’e-commerce.
En Grande-Bretagne, en France, en Espagne ou en Suède,
la sous-performance de petits centres ou de centres moyens
s’explique par l’incapacité de la zone de chalandise à renouer
avec son potentiel de croissance de la consommation tel
qu’observé dans le passé. Une analyse plus fine des données
désagrégées de certains centres démontre que la consom-
mation sous-potentielle au regard de sa tendance moyenne
passée est le plus souvent liée à un manque de croissance
de la productivité par tête dans la zone de chalandise ou aux
alentours, de l’emploi, et donc du pouvoir d’achat. D’autre
part, les études par pays montrent que la propension à
consommer sur internet, soit la part de la dépense faite sur
internet par rapport au revenu, s’est accélérée au cours de
ces dernières années avec une révolution du comportement
de consommation. Les ventes en ligne, et la désintermédia-
tion du commerce en général, se sont véritablement accélé-
rées avec l’apparition des smartphones en 2008.
Au sens de la théorie économique, le commerce en ligne
offre une forte économie de transaction via une réduction de
prix, du coût de transport physique, voire du coût psycholo-
gique pour le consommateur.
Rendement en Europe pour l’ensemble des actifs immobiliers
Rendement moyen sur 10 ans : 6,91%
Rendement en Europe en commerce-25
-20
-15
-10
-5
0
5
10
15
20
25
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Figure 6. Rendements en Europe pour l’ensemble des actifs immobiliers vs les commerces, entre 2003 et 2014, en %(Sources : IPD-MSCI et Grosvenor Research.)
Figure 7. Volumes d’investissement en Europe dans le commerce, de 2008 à 2015, en millions d’euros(Sources : RCA et Grosvenor.)
0
10000
20000
30000
40000
50000
60000
70000
Volumes d’investissement en Europe dans le commerce
T1 200
8
T2 200
8
T3 200
8
T4 200
8
T1 200
9
T2 200
9
T3 200
9
T4 200
9
T1 201
0
T2 201
0
T3 201
0
T4 201
0
T1 201
1
T2 201
1
T3 201
1
T4 201
1
T1 201
2
T2 201
2
T3 201
2
T4 201
2
T1 201
3
T2 201
3
T3 201
3
T4 201
3
T1 201
4
T2 201
4
T3 201
4
T4 201
4
T1 201
5
immobilier commercial 41
Aujourd’hui, en Europe, les ventes en ligne représentent de
3 % à 16 % des ventes au détail. En Grande-Bretagne, l’éco-
nomie européenne la plus digitalisée, la contribution des
ventes en ligne aux ventes totales est de 16 % contre 10 %
en France. La Suède, les autres pays scandinaves et l’Alle-
magne sont entre les deux, avec des taux supérieures à 10 %
mais encore loin de notre voisin britannique.
L’Espagne et l’Italie semblent épargnées ou « à la traîne »,
puisque les ventes en ligne ne représentent encore qu’une
proportion inférieure à 6 % des ventes totales à cause d’une
infrastructure moins établie.
Cette révolution digitale a pénalisé certains centres commer-
ciaux plus que d’autres, expliquant la polarisation croissante
du marché des centres commerciaux et des écarts de perfor-
mance des rendements entre les moins et plus vulnérables
des actifs. Cette révolution digitale a également pénalisé les
grandes enseignes commerciales, dans un premier temps.
Toutefois, au regard des chiffres d’affaires plus récents des
grandes enseignes européennes cotées et des rendements
locatifs des grandes foncières cotées, il semblerait que ces
acteurs aient rapidement réagi et finalement embrassé cette
nouvelle révolution digitale au lieu de la subir. Enseignes
et foncières cotées ont, en effet, renoué avec une nouvelle
dynamique de croissance en opérant une mutation digitale
synonyme de rendements sécurisés à moyen et long termes
pour leurs investisseurs. Grâce au développement du « click
and collect », comme contre-offensive, les prophéties apoca-
lyptiques sur la mort du commerce physique ne se sont pas
avérées, tant pour les enseignes que pour les centres.
En Grande-Bretagne, selon Deloitte, aujourd’hui 40 % des
centres commerciaux sont équipés de « click and collect » et
selon Verdic, 68 % des « shoppers » en ligne utilisent le « click
and collect ». Plus informatif, près d’un tiers des clients font
une dépense supplémentaire à la suite du retrait en magasin
et ce surplus est en moyenne de 18 livres par visite.
Dans leur rapport annuel, toutes les foncières européennes
témoignent de ce nouvel équipement. La foncière British
Land, par exemple, dont le portefeuille est uniquement bri-
tannique, suggère que 64 % des « shoppers » passant par le
« click and collect » font plusieurs achats dans ses centres.
En France, selon la FEVAD, moins de 50 % des achats ont
été livrés à domicile en 2014, le consommateur préférant le
retrait en magasin. La Fnac a également suivi cette évolu-
tion stratégique du « click and collect » pour doper les cent
huit points de vente. En 2014, 30 % des commandes internet
étaient retirées en magasin contre 22 % en 2012. Au-delà du
service et autres leviers que développe la Fnac pour recréer
le lien d’antan avec son consommateur, l’enseigne française
reconnaît également que tout retrait est aussi un vecteur
pour motiver d’autres achats.
Les ventes en ligne continuent d’augmenter à un rythme
élevé, de 10 % à 15 %, en moyenne, selon les différents pays
européens. Pour les enseignes, ces ventes en ligne signifient
moins de marge que dans les magasins physiques, c’est la
raison pour laquelle les enseignes continueront à faire de
leur boutique le lieu privilégié de la rencontre.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
préservation des rendements 42
Si le « click and collect » devient la plateforme pour géné-
rer du chiffre d’affaires lors du retrait en magasin, il récolte
surtout, par des algorithmes, d’une nouvelle génération, une
mine d’information sur le chaland. Aujourd’hui, les enseignes
et les foncières savent qu’un achat sur deux se fait sur tablette
et chacun des acteurs doit tenir compte du fait que plus de
la moitié des clients en ligne va également sur les réseaux
sociaux pour « liker » un produit ou une ambiance, y poster
des commentaires et des photos. Les philosophes diraient
que le lien social physique se distend au profit d’un réseau
social virtuel omniprésent. Les pragmatiques et les « data
scientists » (les spécialistes de la donnée, qu’ils soient infor-
maticiens, statisticiens ou mathématiciens) diront qu’il est
possible d’explorer ces données d’univers aussi différents que
variés, de les analyser et d’en faire un nouveau « Graal » pour
lutter contre le consommateur volage, mais également pour
opérer une mutation plus cartésienne du centre commercial
– data à l’appui !
Le « big data » est l’appellation, très en vogue, synonyme
d’un ensemble de données infiniment grand (megadata) et
massivement parallèles, tant par leur volume que par leur
historique. Le stockage de ces données, de sources multiples
et très différentes, n’est plus un problème, aujourd’hui, grâce
à la numérisation, la quatrième révolution technologique de
notre temps. Une fois numérisée, l’information peut être
traitée et stockée.
Le « datamining » est l’analyse de l’information émanant de
ces grands volumes de données de formats très différents.
Pour faire rapide, il s’agit de traiter ces mégadonnées, c’est-
à-dire de trouver des corrélations entre des variables ou de
décorreler des variables pour éviter de passer à côté des vrais
liens de causalité sur le comportement d’achat. Il convient,
ensuite, d’analyser, classer et interpréter ces variables.
Les enseignes ont probablement eu un temps d’avance sur
les foncières, au regard des données qu’elles ont pu collecter
via leur stock, leurs ventes en ligne et les réseaux sociaux
(« text mining »). Ce « datamining », aussi nommé « retail
analytics » de manière plus commerciale et sexy que « big
data » ou « datamining », a permis aux enseignes de retra-
vailler, dans un premier temps, leur espaces et d’être plus
performantes en matière de ventes par mètre carré.
En moins de trois années, la taille moyenne des surfaces
prises par les locomotives dans les centres commerciaux, par
les « fast fashion retailers », Zara, H&M, ou Next, a augmenté
de 8 % à 15 % (33 % pour Next), ce qui peut paraître para-
doxal pour le commun des mortels. Les algorithmes mis en
place par les « data scientists » après croisement des données
ventes en ligne, adresses IP, ventes « in store » et autres clicks
sur les articles en ligne, ont suggéré que la taille moyenne des
« flagships » dans les centres commerciaux devait être plus
grande pour combiner l’offre en ligne et hors ligne (in-off), et
créer une forme « d’écosystème » pour l’enseigne.
Parallèlement à l’accroissement des surfaces, la profitabi-
lité des boutiques dans les centres commerciaux a elle aussi
été en hausse. Au-delà d’une rationalisation des coûts de la
hausse de la productivité, soit les ventes par mètre carré, a
été tirée par la gestion des stocks, elle aussi ultranumérisée
mais pas seulement : les puces émettrices de radio-fréquences
sur les codes-barres des différents articles ne se contentent
pas de donner le prix en caisse, elles servent aussi à gérer
les stocks et à récupérer les données à distance depuis le
lieu d’achat jusqu’au lieu d’habitation – et forcément de la
potentielle zone de chalandise – information vitale, pour les
enseignes, mais également pour les centres commerciaux.
LES VENTES EN LIGNE SIGNIFIENT MOINS DE MARGE QUE LES
MAGASINS PHYSIQUES, C’EST LA RAISON POUR LAQUELLE LES ENSEIGNES CONTINUERONT À FAIRE DE LEUR BOUTIQUE LE LIEU PRIVILÉGIÉ DE LA RENCONTRE.
immobilier commercial 43
Les foncières européennes ont bien compris que l’innova-
tion était la clé de voûte et du leadership en matière de
commerce. Aux cartes de fidélité ont succédé les apps, qui
peuvent être « sésames » ou « gadgets », selon les modules
qu’elles développeront. À titre indicatif, 50 % des Français
sont équipés d’un smartphone et près de 55 % en Grande-
Bretagne et en Suède, ce qui laisse présager que la mutation
des centres doit s’accélérer pour ne pas perdre ses chalands,
plus volages que par le passé.
L’investissement technologique en infrastructure pour
favoriser le « big data » est la nouvelle R&D de demain des
centres commerciaux, au-delà de la simple app. Les données
récupérées par géolocalisation et les algorithmes développés
par les « data scientists » sont les nouveaux outils de prédi-
lection pour donner une information très fine, des clients,
de leurs déplacements, de leurs habitudes de consomma-
tion et de leur lieu de résidence, par exemple. Ils créent un
cercle vertueux pour un shopping plus ciblé et, forcément,
augmentent la dépense par tête du panier moyen au sein du
centre commercial.
La foncière britannique Hammerson utilise depuis 2013 l’ap-
plication Kudos (littéralement « gloire, prestige » en anglais),
carte de fidélité VIP disponible sur les smartphones. Cette
application customise en temps réel les offres envoyées aux
« shoppers » du centre. Sur l’ensemble de son portefeuille,
Hammerson montre que l’utilisation de cette application
augmente le temps passé dans le centre de plus d’un tiers,
et multiplie le nombre de boutiques visitées par 1,1. On peut
imaginer qu’en recevant un « voucher » à dépenser dans une
certaine boutique, le « shopper » y passera plus de temps
pour dénicher l’article de ses rêves – même si, de prime
abord, il n’était pas très emballé.
La technologie « iBeacon » va plus loin que l’application
Kudos. Elle combine les mondes digital et réel via une appli-
cation mobile et dispose du bluetooth. L’enjeu est d’envoyer
une information dite « contextuelle », soit la bonne infor-
mation à la bonne cible à la bonne localisation comme une
promotion : un traditionnel « marketing in store ». Parallèle-
ment, c’est un puissant moyen de récupérer les informations
(soit un volume de statistiques important) sur ceux qui ont
téléchargé l’application.
Mathématiquement, il s’agit d’optimiser la propension à
l’achat de la cible et, d’un point de vue marketing, de person-
naliser la relation client cross-canal. L’iBeacon est indénia-
blement un puissant outil d’analyse en temps réel, mais pas
seulement, car les données liées à l’espace physique ou sur le
comportement des visiteurs sont stockées, à la manière d’un
Google Anatytics pour le monde réel. Cette technologie a été
utilisée par British Land pour la première fois en 2013, durant
sa traditonnelle « ladies night », organisée pour son centre
Meadowhall : le succès a été tel qu’il est maintenant pérenne.
En téléchargeant l’application, les « shoppeuses » recoivent
des promotions customisées sur leur smartphone. L’appli-
cation cible l’âge, les goûts, et autres variables clés pour
déclencher l’achat « d’impulsion » du consommateur, même
si cela n’en est plus vraiment un. Cette technologie connaît
probablement mieux la « shoppeuse » que la « shoppeuse »
ne se connaît elle-même. La mise en place de cette activité a
donné lieu à des pics d’activité, de trafic et de chiffres d’af-
faires pour l’ensemble des enseignes : la dépense par tête a,
de fait, été forcément bien au-delà de la dépense moyenne
de la « shoppeuse » représentative, puisque les offres sont
hiérarchisées et organisées par groupes de « shoppeuses »,
selon un vecteur multicritères.
En France, Darty aurait été accompagné par Bealder, startup
française, sur le même principe pour mieux satisfaire les
besoins de ses clients.
Aux États-Unis, cette technologie est disponible via l’appli-
cation Shopkick. L’entreprise a été pionnière en équipant
ces iBeacons chez American Eagle, l’enseigne de mode fast
fashion, et Macy’s, la chaîne de grands magasins américaine.
Elle explique probablement les rebonds d’activité de Macy’s
au-delà des traditionnels effets de saisonnalité.
Les nouvelles techniques de collecte d’informations et de
données par ces nouvelles technologies depuis les smart-
phones sur les comportements de consommation peuvent être
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
préservation des rendements 44
représentées par « heatmap » ou en encore par « eye trac-
king » (comme le faisaient autrefois les études marketing), de
manière statique ou dynamique, via le temps et l’espace : une
visualisation en 3D quasi magique qu’offrent les dernières
techniques numériques. Les volumétries de données en jeu
ne sont plus un problème ; la variété non plus, tant la démul-
tiplication des outils de collecte est sophistiquée et puis-
sante. Quant à la fréquence à laquelle les données sont géné-
rées, elle peut être « quasi infinie ». Le champ d’analyse est
immense et le « data scientist » peut faire parler les données,
de manière descriptive, pour dégager les tendances ou de
manière inférentielle pour dégager des prédictions. Ces nou-
velles technologies deviennent fondamentales pour repenser
le retail mix de demain, développer de nouveaux produits,
espaces de loisir et autre, et refidéliser le consommateur.
Les résultats trimestriels ou annuels des grandes foncières
en Europe démontrent que la productivité des boutiques
s’est améliorée, le couple « big data » et « datamining » en
constituant les principaux facteurs, même si non formulés en
tant que tels. À l’opposé du spectre, les centres secondaires,
souvent petits, qui ne peuvent endiguer la baisse de leur
productivité en raison des ventes en ligne. Ces petits centres
ne peuvent s’équiper de telles technologies au regard du
coût d’entrée de l’infrastructure.
Aussi, la polarisation entre les performances des centres
commerciaux telle qu’observée à l’échelle européenne ne
s’explique plus seulement par un différentiel de richesse
entre les zones de chalandise : elle est aussi le fait de la
capacité à mettre en place ces nouvelles innovations pour
générer du chiffre d’affaires et, in fine, du rendement. Cela
est incontestablement plus aisé pour une grande foncière
qui bénéficie d’économies d’échelle via un effet portefeuille ;
cela l’est nécessairement moins pour les détenteurs de petits
centres ou les « petits » investisseurs.
Il est indéniable que les smartphones sont les espions
d’un nouveau genre, soit le « big brother » de la révolution
numérique. Ils sont aussi le facteur de mutation du com-
merce en général et du centre commercial en particulier.
Comme le disait le psychologue et prix Nobel d’économie
Kahneman « c’est le souvenir de l’expérience qui influence
le consommateur dans son choix de répéter une expérience
via l’émotion ». Or, Kahneman disait aussi, dans son der-
nier best-seller Thinking Fast and slow publié en 2011,
que « les goûts et les décisions sont formés par les souve-
nirs, mais les souvenirs peuvent être faux ». Le « big data »
est donc l’arme infaillible de la mémoire, par le stockage
des données. Quant au « datamining », il crée ces aspira-
tions émotionnelles si nécessaires à l’achat. Il semblerait
que l’écart de performance des rendements des centres
commerciaux continue de subsister et la polarisation du
marché de s’accentuer via les développements récents et
à venir. Un processus « quasi darwiniste » paraît s’opérer
sur le marché ; seuls les centres commerciaux susceptibles
de s’équiper des nouvelles infrastructures du commerce 3.0
seront capables de générer un plus fort rendement locatif
et, mécaniquement, un rendement en capital plus élevé que
leurs pairs.
immobilier commercial 45
CENTRES COMMERCIAUX : QUEL MODÈLE POUR DEMAIN ?Par Jérôme Le Grelle, Président de Convergences – CVL.
6
L ongtemps adulées, reconnues pour leur résilience,
les performances du centre commercial, en tant que
concept, sont aujourd’hui scrutées, analysées, décortiquées,
alors qu’elles montrent des signes d’essoufflement de plus
en plus marqués. Faiblesse conjoncturelle ou déclin annoncé
d’un modèle qui doit se renouveler en profondeur ?
6.1 / UN DÉCLIN DE LA FRÉQUENTATION DES LIEUX DE COMMERCE
Conçus, en effet, pour répondre aux enjeux d’une consom-
mation de masse, dans un contexte de fort développe-
ment démographique et économique, les centres commerciaux
sont aujourd’hui confrontés à des bouleversements profonds :
◗ le marché est saturé en termes de projets, de plus en plus
nombreux, et de plus en plus proches de leurs clients, au
sein de zones de chalandise resserrées ;
◗ les modes de consommation évoluant, le principe de la pro-
fusion, du choix le plus large n’est plus l’avantage discrimi-
nant, les hypermarchés en ont déjà fait l’amère expérience… ;
◗ les manières mêmes d’acheter ont changé, en évoluant
d’une visite au centre commercial à des moments précis,
suivant un rituel bien organisé, à une façon de consommer
« quand je veux, où je veux, comme je veux ». Une nou-
velle liberté que ne cessent de découvrir les clients d’au-
jourd’hui, à la faveur du développement d’un commerce de
proximité, du digital et de l’internet.
La plupart des indicateurs de performance sont à la
peine, qu’il s’agisse de la vacance qui, depuis 2008, est en
constante augmentation, des chiffres d’affaires aux mouve-
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
46
ments erratiques échappant à toutes prévisions, ou encore
des trafics visiteurs qui stagnent, quand ils ne baissent pas…
Ce phénomène n’est pas propre aux centres commerciaux,
mais affecte bien l’ensemble des « lieux » du commerce et de
la distribution ; les difficultés que continuent de rencontrer,
notamment, nombre de centres-ville, qui ne « profitent » pas
des faiblesses de ceux qui ont trop souvent été présentés
comme leur principal ennemi, en témoignent largement.
DES LOCOMOTIVES DONT LE MOTEUR S’ESSOUFFLEPlus spécifiquement, les performances du centre commercial
sont de plus en plus souvent, et très directement, affectées
par la baisse même de régime de ses enseignes phares, judi-
cieusement dénommées « locomotives ». En effet, la puis-
sance d’attraction d’un centre commercial, indépendamment
de sa localisation, a toujours été immédiatement corrélée à
celle de ses « locomotives ». Que celles-ci faiblissent, et c’est
tout le centre qui s’affaiblit !
Les premiers signes d’alerte sont apparus avec l’alimen-
taire ; ce secteur, bien que restant une valeur sûre, parce
que sachant encore répondre à un besoin quotidien, récur-
rent et régulier, a progressivement perdu en puissance,
alors que c’est cette offre qui assure (ou qui assurait ?) la
part essentielle du trafic. Signe des temps, le gigantisme des
hypermarchés dépassant les 10 000 m2 de surface de vente
se réduit au profit d’unités de taille plus réduite.
Leur pendant traditionnel, que représentaient des enseignes
comme la Fnac, ne font plus le poids, ou ont carrément dis-
paru, comme Virgin. Pire encore, elles n’ont pas été réelle-
ment remplacées, aucun équivalent capable d’être force de
destination et de venir en complément de l’offre existante,
sans venir la concurrencer, n’ayant pu émerger à ce jour.
Par défaut, cette situation fait la part belle aux puissants du
moment (tels Primark, Apple Store…), que l’on s’arrache et
qu’on installe à prix d’or, pour venir jouer ce rôle, malgré,
sans doute, des dégâts collatéraux sur l’offre concurrente
en place. On ne sait pas bien combien de temps cela pourra
durer, avant que d’autres concurrents, plus forts encore, ne
viennent prendre la place !
UN CONCEPT GALVAUDÉEn outre, souvent conçus à partir d’une approche « efficace
et utilitaire », les centres souffrent de plus en plus de déca-
lages avec leur environnement :
◗ décalage avec les attentes des consommateurs, qui
recherchent une offre plus expérientielle, accompagnée de
plus de services, plus de vie et d’animation ;
◗ décalage des formats et des concepts, devenus progressi-
vement obsolètes ;
◗ décalage en taille, se retrouvant parfois surdimensionnée,
sous l’effet concomitant de la densification des mètres car-
rés commerciaux et de l’élargissement des possibilités de
consommer par d’autres moyens que par la simple venue
au centre commercial ;
◗ décalage en termes de localisation, au sein d’un environ-
nement urbain qui a évolué.
immobilier commercial 47
Face à cette situation, tous les centres commerciaux ne sont cependant pas égaux et n’ont pas tous les mêmes armes pour réagir. Les grandes foncières ont déjà amorcé un mouvement de concentration sur les sites dits « prime », caractérisés par une taille jugée critique, capable d’offrir une offre large, appuyée par des enseignes puissantes, et situés au sein d’en-vironnements urbains denses. Derrière ce mouvement, il y a le constat, souvent non avoué, que la puissance d’attraction d’un site, fondée uniquement sur son offre, ne suffit plus. Il leur apparaît dorénavant indispensable de s’assurer de flux « naturels », en venant s’y greffer directement, à l’instar des enseignes qui vont ouvrir des magasins dans les gares, dans les aéroports, ou encore même dans des stations-service. Mais une telle stratégie ne peut s’appliquer qu’à une infime partie du portefeuille des centres commerciaux développés en France : en effet, ceux-ci (considérés comme étant essen-tiellement des centres régionaux et suprarégionaux, selon la classification CNCC) ne représentent, en nombre, que 12 % de l’ensemble des centres recensés. Pour le « reste » de ce portefeuille, c’est-à-dire l’essentiel de ce qui couvre le terri-toire français, la question reste entière et est donc clairement posée de savoir comment s’adapter à ce nouveau contexte. Comment recréer les conditions d’une nouvelle dynamique ?
6.2 / REPENSER LE MODÈLE DES ENSEMBLES COMMERCIAUX
Ce contexte général et ces constats imposent impérati-
vement de réfléchir en profondeur sur ce que doivent
être, aujourd’hui, les critères d’attractivité pour un centre.
Que faut-il imaginer pour relancer la machine et redonner
à ces sites un vrai pouvoir d’attraction, les rendant capables
de se maintenir par eux-mêmes, capables de rester des
lieux de destination à part entière ? Poser cette question,
c’est tout simplement se poser la question de la vocation,
aujourd’hui, du centre commercial.
Sans renoncer aux fondamentaux classiques, préalables au
choix d’une bonne implantation, et à une bonne gestion d’un
site commercial, il est aisé de constater que ces derniers ne
sont plus suffisants pour faire face à la situation actuelle
du marché et à ses nouveaux enjeux. La professionnalisa-
tion des acteurs et des processus de conception a conduit
progressivement à une uniformisation des espaces com-
merciaux, à l’homogénéisation des offres, aboutissant fina-
lement à une certaine banalisation des projets, au travers
d’une approche, certes efficace, mais qui a perdu du sens.
Trop souvent, le projet de centre commercial, se suffisant à
lui-même, s’est imposé dans un environnement dont il n’a
pas su (ou pu) tenir compte pour s’y enraciner, et surtout
pour s’y ouvrir.
DES CENTRES À L’IDENTITÉ AFFIRMÉELes consommateurs, devenus clients, ont changé et, sur-
tout, ils ont le choix ! C’est une évidence qui doit pousser
les concepteurs et gestionnaires de centres commerciaux
à revoir en profondeur la manière de répondre à leurs
attentes.
Les ensembles commerciaux de demain devront donc être
nécessairement contextuels – ce qui est une évidence –, non
seulement au regard de l’architecture, mais aussi de la pro-
grammation, du positionnement commercial, des valeurs
qu’ils véhiculeront et qui puiseront de plus en plus leur légi-
timité dans l’environnement local du projet.
Pour y parvenir, la vocation du lieu doit être pleinement
appréhendée, bien au-delà du seul critère de l’emplacement.
Ancrer le centre sur son territoire, c’est donc d’abord cher-
cher à le comprendre, en faire l’analyse systématique, en
LA PUISSANCE D’ATTRACTION D’UN SITE, FONDÉE
UNIQUEMENT SUR SON OFFRE, NE SUFFIT PLUS.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
quel modèle pour demain ? 48
passant au crible son histoire, son architecture, son écono-
mie, sa culture,… Bref, il s’agit de repérer tous les éléments
qui en font un lieu identitaire dans lequel les clients doivent
pouvoir se reconnaître naturellement. Pour y parvenir, il
faut impérativement – sinon remettre en cause – au moins
compléter les approches classiques par d’autres, plus pous-
sées, pouvant aller jusqu’à l’usage de la sémiologie : Carine
Fays (1) n’hésite pas, dans ce sens, à conseiller d’arrêter de
faire du marketing, pour devenir ethnologue !
De cette manière, il sera possible d’inscrire tout projet dans
un lieu qui (re)trouve, une vocation particulière, sa vocation
qui lui est propre, qui le rend distinct des autres, et dans
lequel tout visiteur devra trouver naturellement ses repères.
Il existe déjà beaucoup d’exemples de ces lieux, dont l’iden-
tité et la vocation pleinement intégrées en ont fait des succès
non seulement commerciaux, mais aussi urbains, culturels…
(1) Carine Fays est Coprésidente d’Égérie Research, Bruxelles.
On citera le cas de Bercy Village à Paris, Manufaktura à
Lodz, ou encore Stary Browar à Poznam.
La capacité à repositionner les centres existants de cette
manière constitue, sans aucun doute, un challenge considé-
rable. La qualité des lieux et des localisations, les contraintes
notamment physiques, liées à une conception fondée sur des
critères rationnels et économiques, sont autant d’obstacles à
surmonter pour y parvenir. Les coûts à engager sont parfois
très importants, sans qu’il soit pour autant toujours possible
de les amortir par le biais d’agrandissements, comme cela a
souvent été fait par le passé, avec plus ou moins de succès. On
notera, cependant, le cas de Parly 2 qui, entièrement rénové,
a su s’appuyer sur les codes d’origine, mais revisités et remis
au goût du jour, suivant une thématique « sixties chic ».
DES LIEUX D’EXPÉRIENCELa manière de gérer un site, l’animation et les services
offerts au visiteur doivent aussi lui faire vivre naturellement
et concrètement une expérience unique. Pour tenter d’y
répondre, les gestionnaires testent un grand nombre d’ou-
tils, notamment autour de l’événementiel, de l’éphémère,
ou encore du digital et de ses déclinaisons en matière de
services. Plus spécifiquement, l’une des pistes actuellement
explorées porte sur l’intégration de l’art et de la culture au
sein des centres commerciaux : Beaugrenelle a ainsi fait par-
tie du programme de la FIAC hors les Murs, alors que le
nouveau centre Polygone Riviera ouvre une nouvelle voie
avec son parcours artistique, intégré au sein du site ; des
expériences qui semblent prometteuses, au regard des résul-
tats annoncés. Attention, cependant, à ce que ce ne soit pas
factice, un artifice ou un accessoire, plaqué dans un planning
événementiel pour chercher à créer du trafic sans cohérence
avec les visiteurs et le lieu dans lequel s’inscrit le centre.
Ces quelques exemples montrent que certains concepteurs
et gestionnaires ont déjà saisi les enjeux et la nécessité de
faire évoluer le positionnement de leurs actifs, pour mieux
se rapprocher de leur visiteurs, et s’ouvrir un peu plus à eux
et à leur environnement.
quel modèle pour demain ? immobilier commercial 49
6.3 / CONCLUSION
Ces pistes ne font sans doute que préfigurer des évolu-
tions plus profondes, plus bouleversantes, face à un
client plus versatile et exigeant à la fois, en quête de sens.
Elles impliquent une véritable révolution chez les acteurs
de l’immobilier commercial. En effet, passer de la logique
rationnelle et méthodique de conception, qui a prévalu pen-
dant des décennies, à celle de la recherche des vocations
d’un lieu dans lequel l’offre commerciale ne serait qu’une
partie de l’histoire, ou qu’une partie des services, suppose de
modifier profondément la manière de concevoir, mais aussi
de gérer un site commercial. Au risque de surprendre, il y a
fort à parier que le centre commercial de demain émergera
sans doute à partir de ces sites confrontés aux situations
les plus difficiles et condamnés à sortir par le haut. Non
protégés, de manière parfois aveuglante par des flux l’ali-
mentant naturellement, ils devront trouver en eux-mêmes
les solutions qui leur apporteront une nouvelle et puissante
attractivité.
Dans les faits, le chemin à parcourir apparaît encore long,
tout particulièrement pour les sites en exploitation, pour les-
quels la rupture avec la logique de l’offre purement mercan-
tile est encore loin d’être consommée. L’évolution passera
par une prise de conscience radicale, dont il faut espérer
qu’elle ne sera pas provoquée uniquement par les difficultés
d’exploitation et la montée violente de la vacance.
Les équilibres du modèle économique qui a prévalu jusqu’à
ce jour ont déjà commencé à être attaqués, tout particuliè-
rement au travers des négociations des conditions locatives.
Un nouveau modèle réajusté doit trouver sa place, sur la
base, notamment, d’un élargissement des différentes sources
de revenus, et d’une redéfinition des critères de valorisation
d’un site et d’un emplacement commercial.
La société de consommation a inventé le centre commer-
cial dans sillage du libre-service et du mass-market. Il doit
aujourd’hui se réinventer, pour redevenir un lieu riche de
sens, un lieu d’échange et de partage, un nouveau lieu de
vie, en quelques sorte…
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
quel modèle pour demain ? 50
Professionnaliser les acteurs de l’immobilier : un enjeu majeur pour un secteur en évolution
Traditionnellement considéré comme un actif réel avec une valeur d’usage, l’immobilier obéit dorénavant à une logique de rentabilité et de placement. Dès lors, pour mieux maîtriser le développement de leur activité, les professionnels de l’immobilier et de la finance doivent acquérir des compétences techniques et une connaissance de l’environnement dans lequel ils évoluent.
C’est pourquoi Sciences Po Executive Education et l’École Nationale du Financement de l’Immobilier (ENFI), filiale du Crédit Foncier (Groupe BPCE) s’associent pour créer l’Executive Master Stratégie et finance de l’immobilier.
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L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
n° 9
153
RÉGIONS
LES NOUVELLES RÉGIONS FRANÇAISES ET LEURS MARCHÉS IMMOBILIERS Par Nicolas Pécourt, Directeur Communication externe et RSE, Crédit Foncier.
L e 1er janvier prochain, la France comptera treize nou-
velles régions administratives. Au cours de l’été 2015,
le Crédit Foncier, en collaboration avec le Cabinet Asterès,
a consacré une étude à l’économie de chacune de ces nou-
velles collectivités territoriales, assortie d’un éclairage spé-
cifique sur le marché immobilier.
Cet article reprend les principaux enseignements de l’étude,
déclinée sous trois dimensions : démographique, écono-
mique et immobilière.
7.1/ EN PROVINCE, LE NOMBRE MOYEN D’HABITANTS PAR RÉGION VA PROGRESSER DE 70 %, DE 2,5 À 4,3 MILLIONS
L ’Île-de-France, dont le périmètre ne changera pas au
1er janvier 2016, restera la première région de France
avec près d’un cinquième de la population française, soit
douze millions d’habitants.
LES NOUVELLES RÉGIONS FRANÇAISES ET LEURS MARCHÉS IMMOBILIERSPar Nicolas Pécourt, Directeur Communication externe et RSE, Crédit Foncier.
7
Aquitaine
Poitou-Charentes
Limousin
Pays de la Loire
Auvergne
Corse
Rhône-Alpes
Franche-Comté
Bourgogne
Alsace
Lorraine
Champagne-Ardenne
Île-de-France
Nord-Pas-de-Calais
PicardieHaute-Normandie
Basse-Normandie
Bretagne
Provence-Alpes-Côte d’Azur Midi-Pyrénées
Languedoc-Roussillon
Centre
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
54
régions
Cependant, alors que jusqu’à présent, seule la région Rhône-
Alpes dépassait en province le seuil des cinq millions d’habitants, désormais six régions sur treize seront égale-
ment dans ce cas : outre l’Île-de-France, on comptera les
nouveaux ensembles nés de la fusion Auvergne et Rhône-
Alpes (avec 7,6 millions d’habitants), Nord-Pas-de-Calais et
Picardie (6 millions), Aquitaine, Limousin et Poitou-Cha-
rentes (5,8 millions) et la région issue de la fusion Langue-
doc-Roussillon et Midi-Pyrénées (5,6 millions).
Hors Île-de-France, le nombre moyen d’administrés par col-
lectivité va passer de 2,5 à 4,3 millions d’habitants, soit une
progression très significative (+ 70 %).
Île-de-France et Corse exceptées, les disparités démogra-phiques vont se réduire : l’écart entre la région la moins
peuplée et la plus peuplée va passer d’un rapport de 1 à 9 (le
Limousin ne représente, aujourd’hui, que 11 % de la popu-
lation de la région Rhône-Alpes) à un rapport de 1 à 3 (en
2016, la région Centre représentera 34 % des habitants de la
nouvelle entité Auvergne et Rhône-Alpes).
À l’image de ses trente-six mille communes, qui repré-
sentent à elles seules 40 % du total des communes des vingt-
huit pays de l’Union européenne, la France se distingue par
une dispersion de ses échelons administratifs. À compter du
1er janvier 2016, cela ne devrait plus être le cas pour l’échelle
régionale qui, dorénavant, s’inscrira davantage dans les
standards européens (comme le montre le tableau ci-dessus).
Cette étude s’est également attachée à mesurer le dyna-misme démographique de chacune de ces nouvelles régions avec un résultat très contrasté.
Les régions dont la démographie est la plus dynamique se
trouvent sur un grand arc Atlantique-Méditerranée. Au
cours des vingt-cinq dernières années (de 1990 à 2014), la
nouvelle région issue de la fusion Languedoc Roussillon et
Midi-Pyrénées (par ailleurs deuxième région en termes de
création d’emplois (1)) affiche, ainsi, une progression de sa
population de 23 %, la Corse de 20 %, les Pays de la Loire de
18 %, PACA de 15 %. Lorsque, au cours de la même période,
les régions du nord et de l’est de la France ne voient leur
population progresser que de 4 %.
(1) Source Asterès : hausse annuelle moyenne de 0,4 % entre 2008 et 2013.
Les trois premières régions en termes démographiques
Allemagne Espagne France Italie
Rhénanie-du-Nord Westphalie : 17,6 millions d’habitants
Andalousie : 8,4 millions d’habitants
Île-de-France : 11,9 millions d’habitants
Lombardie : 9,9 millions d’habitants
Bavière : 12,6 millions d’habitants
Catalogne : 7,6 millions d’habitants
Auvergne et Rhône-Alpes : 7,6 millions d’habitants
Campanie : 5,8 millions d’habitants
Bade-Wurtemberg : 10,7 millions d’habitants
Communauté de Madrid : 6,4 millions d’habitants
Nord-Pas-de-Calais et Picardie : 6,0 millions d’habitants
Latium : 5,6 millions d’habitants
Soit 50 % de la population totale Soit 48 % de la population totale Soit 41 % de la population totale Soit 35 % de la population totale
DÉSORMAIS, SIX RÉGIONS FRANÇAISES SUR
TREIZE COMPTERONT PLUS DE CINQ MILLIONS D’HABITANTS.
Tableau 1. Les trois premières régions (démographie) dans quatre pays européens
55
Les investisseurs immobiliers ne s’y sont pas trompés. Une
récente étude du Crédit Foncier (2) montre, ainsi, que l’en-
semble formé par Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées
capte 23 % des investissements immobiliers réalisés par des
particuliers dans l’Hexagone, au premier rang devant l’Île-
de-France (20 %).
L’évolution de la démographie n’est, cependant, pas le seul
paramètre à prendre en compte. Dans le Nord, certes les
(2) Quelles sont les motivations des Français qui font le choix de l’investissement locatif en 2015 ? Étude du Crédit Foncier, septembre 2015.
difficultés sur le front de l’emploi incitent les ménages à la
mobilité, mais la natalité y constitue un atout indéniable :
avec 13,3 ‰, la région Nord-Pas-de-Calais et Picardie
affiche le deuxième taux de natalité du pays, après l’Île-de-
France (15,1 ‰) et juste devant Auvergne et Rhône-Alpes
(12,5 ‰).
Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur sont éga-
lement des régions qui cumulent une attractivité démo-
graphique (évolution de la population entre 1990 et 2014,
respectivement égale à + 18 % et + 15 %) et des naissances
nombreuses (avec un taux de natalité de 12,3 ‰).
Quant à la population francilienne, elle n’a progressé, au
cours de ces vingt-cinq années, que de 12 % contre 13 %
sur l’ensemble du pays, du fait d’un solde migratoire néga-
tif insuffisamment compensé par un fort taux de natalité
(15,1 ‰). Les habitants qui quittent la région sont plutôt
âgés, alors que les arrivants sont de jeunes professionnels.
RégionsNombre
d’habitants (en millions)
Part dans la population
française (en %)
Évolution 1990/2014
Taux de natalité ( ‰)
Villes de + de 10 000 habitants
1 Île-de-France 11,9 19 % + 12 % 15,1 ‰ 242
2 Auvergne et Rhône-Alpes 7,6 12 % + 14 % 12,5 ‰ 98
3 Nord-Pas-de-Calais et Picardie 6,0 10 % + 4 % 13,3 ‰ 103
4 Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes 5,8 9 % + 13 % 10,1 ‰ 63
5 Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées 5,6 9 % + 23 % 11,1 ‰ 57
6 Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine 5,5 9 % + 4 % 11,4 ‰ 70
7 Provence-Alpes-Côte d’Azur 4,9 8 % + 15 % 12,3 ‰ 80
8 Pays de la Loire 3,6 6 % + 18 % 12,3 ‰ 38
9 Basse-Normandie et Haute-Normandie 3,3 5 % + 6 % 11,6 ‰ 43
10 Bretagne 3,2 5 % + 15 % 11,1 ‰ 35
11 Bourgogne et Franche-Comté 2,8 4 % + 4 % 10,9 ‰ 27
12 Centre 2,6 4 % + 10 % 11,2 ‰ 34
13 Corse 0,3 0,5 % + 20 % 9,7 ‰ 3
Moyenne + 13 % 12,3 ‰
EN VINGT-CINQ ANS LA POPULATION FRANCILIENNE N’A
PROGRESSÉ QUE DE 12 %, CONTRE 13 % SUR L’ENSEMBLE DU PAYS.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
les nouvelles régions et leurs marchés
Tableau 2. Classement des régions en fonction de la démographie(Sources : INSEE ; Asterès.)
56
Autre élément démographique significatif, pour l’immobi-
lier, la densité urbaine ; l’étude a donc analysé le nombre
de villes de plus de dix mille habitants par région. Hors
Île-de-France, trois autres se détachent des autres nouvelles
régions : Nord-Pas-de-Calais et Picardie (cent trois villes
de plus de dix mille habitants), Auvergne et Rhône-Alpes
(quatre-vingt-dix-huit) et PACA (quatre-vingts).
7.2 / PIB DE LA FRANCE : 30 % EN ÎLE-DE-FRANCE, 70 % EN PROVINCE
D’un point de vue économique, la suprématie de l’Île-
de-France sur les autres régions reste incontestée,
avec 30 % de la richesse du pays. Avec 52 400 euros par
habitant, le PIB/habitant y est supérieur de plus de 60 % à
celui des deux régions suivantes, Auvergne et Rhône-Alpes
(31 500 euros) et Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes
(30 600 euros), et le double des régions les moins favorisées.
Régions PIB/habitant (en €)
PIB global (en Md€)
Créations annuelles d’entreprise (pour 1 000 habitants)
Salaire annuel moyen (en €)
1 Île-de-France 52 400 624 11 33 000
2 Auvergne et Rhône-Alpes 31 500 239 8 24 900
3 Provence-Alpes-Côte d’Azur 30 600 150 12 24 900
4 Pays de la Loire 29 000 104 6 23 100
5 Corse 28 000 9 12 22 800
6 Basse-Normandie et Haute-Normandie 27 400 90 6 23 600
7 Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes 27 200 158 8 23 100
8 Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine 27 100 149 6 23 500
9 Bretagne 27 000 87 6 22 900
10 Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées 26 900 150 10 23 900
11 Centre 26 500 69 6 23 700
12 Bourgogne et Franche-Comté 25 900 73 6 23 000
13 Nord-Pas-de-Calais et Picardie 25 300 152 6 23 600
Moyenne 31 500 8 25 900
régions
Tableau 3. Classement des régions en fonction de critères économiques(Sources : INSEE ; Asterès.)
57
La centralisation de l’économie française ne disparaîtra
donc pas avec cette nouvelle carte administrative. La région
est particulièrement spécialisée dans les activités tertiaires
à très haute valeur ajoutée comme le conseil, la banque,
l’immobilier ou la recherche. Le territoire francilien est un
centre décisionnel influent ; l’Île-de-France est la deuxième
région européenne à accueillir des investissements étran-
gers. Le salaire annuel moyen par habitant (33 000 euros) y
est significativement supérieur à celui constaté en moyenne
en France (25 900 euros).
En revanche, en province, le PIB par habitant sera désor-mais plus homogène. L’écart entre la première région en
province et la dernière sera resserré, compris dans une four-
chette allant de 25 300 euros dans le Nord (région Nord-Pas-
de-Calais et Picardie) à 31 500 euros en Auvergne et Rhône-
Alpes. Les « anciennes » régions dont le PIB/habitant était
le plus faible (Limousin, Lorraine, Franche-Comté) seront
toutes regroupées avec d’autres régions dont le poids éco-
nomique est plus important.
Quatre régions affichent un taux de création annuelle d’entreprises pour mille habitants supérieur ou égal à 10 :
PACA et la Corse (12), l’Île-de-France (11) et Midi-Pyrénées
et Languedoc-Roussillon (10).
7.3 / QUATRE RÉGIONS SE PARTAGERONT LA MOITIÉ DES LOGEMENTS
Ces données démographiques et économiques expliquent
que la moitié des trente-trois millions de logements
recensés en France métropolitaine se concentre sur quatre
régions : Île-de-France (17 %), Auvergne et Rhône-Alpes
(13 %), Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées (10 %) et
Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes (10 %).
Le nombre d’habitants par résidence principale est rela-
tivement homogène d’une région à une autre, allant de
2,2 dans la région Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes à
2,5 en Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
RégionsNombre
de logements par région
Nombre de logements
en France (en %)
Population française (en %)
Proportion de résidences
principales
Proportion de résidences secondaires
1 Île-de-France 5 486 400 17 % 19 % 91 % 3 %
2 Auvergne et Rhône-Alpes 4 126 800 13 % 12 % 80 % 12 %
3 Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées 3 277 400 10 % 9 % 76 % 16 %
4 Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes 3 255 900 10 % 9 % 80 % 12 %
5 Provence-Alpes-Côte d’Azur 2 889 600 9 % 8 % 75 % 17 %
6 Nord-Pas-de-Calais et Picardie 2 713 600 8 % 10 % 90 % 4 %
7 Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine 2 695 000 8 % 9 % 89 % 3 %
8 Pays de la Loire 1 861 800 6 % 6 % 83 % 11 %
9 Bretagne 1 792 200 5 % 5 % 80 % 13 %
10 Basse-Normandie et Haute-Normandie 1 715 700 5 % 5 % 83 % 10 %
11 Bourgogne et Franche-Comté 1 491 400 5 % 4 % 84 % 8 %
12 Centre 1 318 900 4 % 4 % 85 % 6 %
13 Corse 222 500 0,7 % 0,5 % 61 % 36 %
Tableau 4. Classement des régions en fonction du nombre de logements(Sources : INSEE ; Asterès.)
les nouvelles régions et leurs marchés 58
D’après les données de l’INSEE, le parc français de logements
se décompose en 56 % de maisons individuelles et 44 % d’appartements. La situation est très contrastée entre les
régions : plus densément peuplée (987 habitants/km2), l’Île-de-
France compte 27 % de maisons individuelles et 73 % d’appar-
tements, une répartition strictement inverse à celle observée
dans le Centre, les Pays de la Loire et le Nord-Pas-de-Calais et
Picardie (73 % de maisons individuelles/27 % d’appartements).
Dans certaines régions, la proportion importante de maisons
doit, notamment, son origine à la construction, dès le XIXe
siècle, de cités ouvrières : c’est le cas de certaines communes
de l’est de la France (3) ou des corons du Nord. La part de la
population rurale (4) est, bien évidemment, un facteur égale-
ment déterminant.
Il n’y a, en revanche, aucun lien entre la proportion de mai-
sons et le caractère touristique d’une région. Les vacanciers
(3) Dans Histoire de la propriété immobilière, Éditions Résidence, 1997, l’auteur Claude Thibault évoque les familles industrielles de l’est de la France. (4) Selon Eurostat (octobre 2015), la population française se répartit en trois ensembles : 42 % se trouvent en zones à forte densité de population, 24 % en zones intermédiaires (petites villes et banlieues) et 34 % en zones à faible densité de population (zones rurales) ; des proportions à comparer à celles observées, en moyenne, dans l’Union européenne : 42 % en zones à forte densité, 24 % en zones intermédiaires et 34 % en zones à faible densité.
des régions côtières se répartissent indifféremment dans des
maisons ou des appartements : la proportion de maisons est,
ainsi de 72 % en Bretagne lorsqu’elle n’est que de 41 % en
Provence-Alpes-Côte d’Azur.
C’est, naturellement, en Île-de-France que l’on compte la
proportion de résidences principales la plus importante
(91 %), à comparer à une moyenne nationale de 83 %.
C’est en Corse (36 %), PACA (17 %), Languedoc-Roussillon
et Midi-Pyrénées (16 %) et Bretagne (13 %), que la part de
résidences secondaires est la plus importante, à comparer à
une moyenne nationale légèrement inférieure à 10 %. Quatre
régions abritant de larges côtes ouvertes à la mer ou des mas-
sifs montagneux concentrent 60 % des résidences secondaires.
Premières régions – résidences secondaires Part dans parc national
1er Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées 17 %
2e Auvergne et Rhône-Alpes 16 %
3e Provence-Alpes-Côte d’Azur 16 %
4e Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes 12 %
Autres régions 39 %
Le principe selon lequel une proportion élevée de ménages propriétaires de leur logement ne correspond pas forcé-
ment à un niveau de vie élevé se vérifie également à l’échelle
des régions françaises. Un principe constaté en Europe, où
les pays comptant la proportion la plus faible de proprié-
taires sont les plus prospères : Suisse et Allemagne.
Ainsi, l’Île-de-France affiche le PIB/habitant de très loin
le plus élevé (52 400 euros par habitant, soit 1,7 fois la
moyenne nationale) et le taux de propriétaires de très loin
le plus faible (49 % contre une moyenne nationale de 59 %).
Il en est de même pour la région PACA, troisième au classe-
ment du PIB/habitant, et avant-dernière dans le classement
de la proportion de propriétaires (56 %).
régions 59
7.4 / EN CONCLUSION, LA CRÉATION DE MÉTROPOLES CONSOLIDE CETTE DIMENSION RÉGIONALE
A vant même ce nouveau découpage administratif
autour de treize régions, la dimension régionale a
d’abord commencé à émerger autour des capitales. Cela
explique l’évolution des prix immobiliers qui, souvent, ont
eu tendance à stagner, voire augmenter dans de nombreuses
grandes villes, alors que les villes petites et moyennes aux
alentours voyaient leurs prix baisser de façon sensible.
Ce phénomène est accentué depuis la création de douze
métropoles de droit commun (Brest (5) ; Bordeaux (6) ; Gre-
noble (7) ; Lille (8) ; Lyon (9) ; Montpellier (10) ; Nantes (11) ; Nice (12) ;
Rennes (13) ; Rouen (14) ; Strasbourg (15) ; Toulouse (16)), auxquelles
il faut ajouter celles d’Aix-Marseille-Provence et du Grand
Paris, à partir de début 2016.
Ces métropoles vont renforcer l’organisation régionale de
la France et engendrer autant de marchés immobiliers avec
leurs particularités propres.
Cette étude (64 pages) est téléchargeable sur le site
creditfoncier.com :http://creditfoncier.com/les-nouvelles-regions-francaises-et-
leurs-marches-immobiliers/
Treize films (un par région) ont également été réalisés
et sont disponibles sur la chaîne Crédit Foncier du site
YouTube.com :
https://www.youtube.com/user/CreditFoncier
(5) Brest Métropole Océane. (6) Bordeaux Métropole. (7) Grenoble – Alpes Métropole. (8) Métropole européenne de Lille. (9) Métropole de Lyon. (10) Montpellier Méditerranée Métropole. (11) Nantes Métropole. (12) Métropole Nice – Côte d’Azur. (13) Rennes Métropole. (14) Métropole Rouen – Normandie. (15) Strasbourg Eurométropole. (16) Toulouse Métropole.
Pour autant, les régions qui affichent le taux de proprié-
taires le plus élevé (Bretagne avec 67 %, Pays de la Loire
avec 65 % et Centre avec 65 %) ne sont pas les régions qui
affichent le PIB/habitant le plus faible.
De façon globale, l’écart entre l’Île-de-France et la province
est significatif : lorsque la part de propriétaires est de 49 %
en Île-de-France, elle est de 61 % en province, toutes régions
confondues.
L’explication est naturellement à trouver du côté des prix,
même si les moyennes régionales ne doivent pas occulter
des disparités importantes à l’intérieur de chaque région.
Le prix moyen observé dans l’ancien en Île-de-France est
ainsi 2,7 fois supérieur à celui de la région Bourgogne et
Franche-Comté, région où l’immobilier est le plus abor-
dable ; ce contraste est moindre dans le neuf (1,9 fois supé-
rieur). En province, les deux régions les plus chères sont
PACA et Auvergne et Rhône-Alpes.
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
67% 65% 65% 64% 64% 61% 60% 60% 59% 59% 58%
49%56%
Breta
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Figure 1. Proportion de ménages prioritaires(Source : INSEE.)
les nouvelles régions et leurs marchés 60
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L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
n° 9
163
CARRIÈRES
LES TALENTS DANS L’IMMOBILIER : QUELLES SONT LES ATTENTES DES EMPLOYEURS ? Par Laurent Blivet, Spencer Stuart, Paris.
LES TALENTS DANS L’IMMOBILIER : QUELLES SONT LES ATTENTES DES EMPLOYEURS ?Par Laurent Blivet, Spencer Stuart, Paris.
8
8.1 / EN PRÉAMBULE
Dans un environnement économique maussade, le mar-
ché immobilier français fait figure d’exception, tiré,
notamment, par certains segments particulièrement dyna-
miques. Taux faibles, réallocation de certaines poches d’ac-
tifs vers l’immobilier, attraction de nouvelles catégories d’in-
vestisseurs, regain d’intérêt des investisseurs internationaux :
les astres s’alignent pour le secteur, et le marché des talents
profite dans son ensemble de cet environnement porteur.
Notre position de chasseur de têtes nous donne un point de
vue singulier sur le sentiment du marché et l’évolution des
attentes vis-à-vis des candidats. Établi depuis 1956 et comp-
tant cinquante-six bureaux à travers le monde, Spencer Stuart
se spécialise dans l’évaluation et le recrutement de cadres diri-
geants. Notre « practice » immobilier sert les développeurs,
sociétés foncières, investisseurs et courtiers à travers l’Europe.
Se nourrissant d’un contact permanent avec les directions
générales à travers l’Europe, le présent article a pour objectif
de partager nos observations sur les évolutions en cours.
8.2 / UN MARCHÉ AUX ATTENTES NOUVELLES
Chez les recruteurs, un optimisme raisonnable semble
avoir pris le pas, en 2015, sur l’attentisme constaté dans
la période récente. Chacun a pu observer un « mercato »
spécifiquement dynamique au niveau des directeurs géné-
raux des grands investisseurs ou des grandes foncières…
Sur des niveaux hiérarchiques moins élevés, le mouvement
a également repris, donnant des « envies d’ailleurs » à cer-
tains cadres, qui avaient fait le dos rond pendant les années
moins fastes.
Ce dynamisme du marché s’accompagne d’une évolution
progressive des attentes des employeurs vis-à-vis des can-
didats (que ceux-ci soient, d’ailleurs, internes, dans le cadre
d’une promotion éventuelle, ou qu’ils soient externes). Les
compétences purement immobilières traditionnelles telles
que la connaissance du marché et le capital relationnel sur
la « place » restent, bien sûr, des prérequis incontournables.
Pour autant, de nouvelles attentes se font jour, qui déter-
L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91
64
minent de plus en plus l’accès aux postes à responsabili-
tés dans le monde de l’immobilier français. Trois éléments
nous paraissent spécialement intéressants à souligner : la
capacité à évoluer dans un environnement international,
le renforcement des attentes en matière financière et la
dimension « client ».
UNE DIMENSION INTERNATIONALEL’actif immobilier étant par définition non délocalisable, les
carrières de l’immobilier ont longtemps pu se dérouler dans
un cadre national. Désormais, la « capacité à évoluer dans
un environnement international » pointe systématiquement
son nez dans les descriptions de poste, qu’il s’agisse, par
exemple, d’un poste de responsable des investissements,
dont les interlocuteurs investissent de plus en plus forte-
ment dans une logique paneuropéenne, ou d’un poste d’asset
manager, qui aura, quant à lui, à rendre des comptes à des
mandants de plus en plus internationaux. Même chez les
foncières traditionnellement limitées au territoire national,
la préparation de l’expansion européenne impose d’intégrer
cette dimension internationale. Dans ce cadre, la maîtrise
de l’anglais devient un impératif de premier ordre et, a
contrario, l’incapacité à interagir avec des interlocuteurs
étrangers un frein majeur à la mobilité professionnelle. Une
expérience internationale est, ainsi, souvent appréciée.
DES COMPÉTENCES FINANCIÈRES CONCRÈTESLa financiarisation de l’activité est un autre élément clé de
l’évolution que nous observons. La diffusion de critères
financiers et la sophistication croissante de la modélisa-
tion rendent plus importante la maîtrise par les candidats
des éléments de base de l’analyse financière (modèles de
cash-flow, calcul des taux de retour,…) et des outils tech-
nologiques associés. Pour nombre de rôles, même les plus
seniors, la préférence est donnée à des candidats à forte
implication opérationnelle, ce qui sous-entend souvent une
capacité à entrer sans peine dans un modèle simple de valo-
risation et à en comprendre la sensibilité à différents para-
mètres. Les produits d’investissement se complexifient et
les exigences en matière de reporting et de compliance sont
de plus en plus grandes. Là encore, la polyvalence est de
rigueur, et on attendra des candidats une vision transversale
allant au-delà de leur fonction propre.
UN BON RELATIONNEL CLIENTEnfin, l’orientation « client » s’impose, désormais, à tous
les acteurs de l’entreprise et n’est plus limitée aux fonctions
directement en face des clients. Tous les acteurs du marché
souhaitent faire de leurs activités de services un levier clé
de différenciation. Des indicateurs de satisfaction client sont
partout mis en place et concernent le quotidien de chacun.
On demandera, par exemple, de plus en plus aux assets ou
aux property managers, jadis peu exposés au client, de venir
défendre leur performance, ce qui suppose aisance de com-
munication et force de conviction.
8.3 / EN CONCLUSION
En retour, le marché s’ouvre progressivement à des
talents issus d’univers différents. On a vu arriver des
financiers de l’industrie pour consolider les processus finan-
ciers et les reportings, renforcer la discipline de contrôle de
gestion ou le contrôle des coûts. On a vu également recruter
des experts du marketing venus du monde des produits de
grande consommation afin de développer plus fortement les
marques de l’immobilier et accompagner le déploiement des
acteurs dans le monde digital. À ce jour, on ne signale pas
de réaction de rejet de ces « greffes », bien au contraire !
Rien d’étonnant, au final. Les attentes des professionnels
de l’immobilier, en France, dans le choix de leurs équipes
s’alignent sur les pratiques générales du marché du travail
des cadres, que nous observons partout en Europe et dans
tous les secteurs. C’est cette combinaison des attentes tra-
ditionnelles et de nouveaux impératifs qui fait de l’immobi-
lier un environnement particulièrement intéressant pour le
chasseur de têtes, aujourd’hui.
carrières 65