68
L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° 91 CENTRES COMMERCIAUX : QUEL MODÈLE POUR DEMAIN ? IMPACT DE LA RÉGULATION DU SECTEUR BANCAIRE SUR LE LOGEMENT LE FINANCEMENT VERT

L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIERn°

91

CENTRES COMMERCIAUX : QUEL MODÈLE POUR DEMAIN ?

IMPACT DE LA RÉGULATION DU SECTEUR BANCAIRE SUR LE LOGEMENT

LE FINANCEMENT VERT

Page 2: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

www.cf.immo24, rue des Capucines - 75002 PARIS - Tél : 01 57 44 58 00

Multiplier les points de vue pour voir la situation sous le meilleur angle

Crédit Foncier Immobilier

4ème société de conseil

1er expert de France

280 collaborateurs

15 implantations régionales

PÔLE CONSEIL, EXPERTISE ET ÉTUDES

• CONSEIL ET AUDIT

• EXPERTISE

• ESTIMATION IMMOBILIÈRE

• ÉTUDES

PÔLE COMMERCIALISATION

• RÉSIDENTIEL

• CAPITAL MARKETS / INVESTISSEMENT

• BUREAUX

• LOCATION

VISION360 ®

8 métiers complémentaires pour optimiser votre stratégie immobilière

: 06

98 3

2 44

24

/ Cré

dits

pho

tos

: Fot

olia

/ iS

tock

phot

o / T

hink

stoc

k -

Créd

it Fo

ncie

r Im

mob

ilier

- SA

au

capi

tal d

e 21

1 60

5,07

€ -

RCS

Par

is 4

05 2

44 4

92 -

Siè

ge s

ocia

l : 1

9, ru

e de

s Ca

puci

nes

- 75

001

Paris

Fab AP ODI NEW 201115:Mise en page 1 23/11/15 15:07 Page 1

Page 3: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

ÉDITORIAL

Chacun peut s’en rendre compte, la

déferlante des ventes sur internet

bouleverse les modes traditionnels de

distribution, mais questionne surtout

la relation client.

La fuite ainsi provoquée de chiffre

d’affaires vers les plateformes de vente sur internet est

l’arbre qui cache la forêt : le monde de la distribution phy-

sique doit, aujourd’hui, se remettre en cause, et replacer le

client au centre de son développement.

C’est que la pression concurrentielle exercée par l’e-com-

merce a mis cruellement en évidence le manque d’attention

portée aux clients, laissés trop souvent livrés à eux-mêmes

dans des magasins en libre accès et dépourvus de présence

humaine, par souci d’économie à court terme.

Plus que tout autre secteur, le monde de l’immobilier est

interpellé par ces évolutions, et doit en tirer très rapidement

les enseignements : tous autant que nous sommes, investis-

seurs, promoteurs, distributeurs, banquiers, nous devons

mettre à profit les nouvelles technologies pour déployer vers

nos partenaires et nos clients finaux toute notre capacité de

conseil et de personnalisation de notre offre.

C’est là que le monde du commerce nous apporte des ensei-

gnements précieux, en nous montrant que, face à l’intrusion

des géants du net, les acteurs de la distribution ont mis en

place de bonnes et de mauvaises stratégies :

– dans un premier temps, une stratégie d’imitation des

e-commerçants, par ouverture de sites marchands paral-

lèles à leur activité traditionnelle, dans une démarche mul-

ticanale visant à récupérer sur internet les clients perdus

en magasin ;

– puis, dans un deuxième temps, une recherche d’intégration

des deux modes de vente (sur le web et en boutique), dans

une optique de vente croisée (« cross-canal »).

La première méthode trouve ses limites à la constatation

que tout le monde peut développer un site de vente en

ligne, sur la base d’un catalogue d’articles déjà référencés,

et pourvu que la logistique suive, ce qui est une autre his-

toire. Mais en pratique, cette démarche n’offre plus aucun

avantage concurrentiel, et peut même se révéler déceptive

pour le client, laissé perplexe face à l’extraordinaire choix de

produits et de prix qu’offre le web.

La deuxième approche s’est montrée plus fructueuse, en

combinant facilité d’achat et de paiement sur internet, pos-

sibilité de voir et de retirer le produit en magasin et, surtout,

de profiter de conseils personnalisés à l’heure du choix et

de la décision.

Voilà un des défis majeurs des chantiers numériques dans

lesquels le Crédit Foncier et le Groupe BPCE se sont enga-

gés : il ne nous suffira pas de remplacer un mode de dis-

tribution par un autre. À nous, au contraire, d’inventer et

déployer les solutions techniques pour apporter à tous les

acteurs de la filière un maximum de connaissances et de

transparence sur les marchés immobiliers, que ce soit à

domicile, en agence, ou sur le terrain en mobilité.

Et, plus particulièrement, ne pas faire l’erreur de croire

qu’un automate, même bien conçu, remplacera la relation

client directe, clé de voûte de sa fidélisation.

Je vous souhaite une très bonne lecture de votre revue.

Benoît CatelDirecteur général délégué en charge

du développement commercial, Crédit Foncier

www.cf.immo24, rue des Capucines - 75002 PARIS - Tél : 01 57 44 58 00

Multiplier les points de vue pour voir la situation sous le meilleur angle

Crédit Foncier Immobilier

4ème société de conseil

1er expert de France

280 collaborateurs

15 implantations régionales

PÔLE CONSEIL, EXPERTISE ET ÉTUDES

• CONSEIL ET AUDIT

• EXPERTISE

• ESTIMATION IMMOBILIÈRE

• ÉTUDES

PÔLE COMMERCIALISATION

• RÉSIDENTIEL

• CAPITAL MARKETS / INVESTISSEMENT

• BUREAUX

• LOCATION

VISION360 ®

8 métiers complémentaires pour optimiser votre stratégie immobilière

: 06

98 3

2 44

24

/ Cré

dits

pho

tos

: Fot

olia

/ iS

tock

phot

o / T

hink

stoc

k -

Créd

it Fo

ncie

r Im

mob

ilier

- SA

au

capi

tal d

e 21

1 60

5,07

€ -

RCS

Par

is 4

05 2

44 4

92 -

Siè

ge s

ocia

l : 1

9, ru

e de

s Ca

puci

nes

- 75

001

Paris

Fab AP ODI NEW 201115:Mise en page 1 23/11/15 15:07 Page 1

Page 4: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

FINANCEMENTS ET RÉGULATIONS

2 Aides au logement > P. 14

Par Bernard Coloos, Directeur aux Affaires économiques, financières et internationales de la Fédération Française du Bâtiment. Il nous livre sa vision des aides au logement, à l’aune des enjeux financiers et des objectifs auxquels elles répondent.

SOMMAIREL’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIERREVUE DU CRÉDIT FONCIER

Crédit Foncier Immobilier19, rue des Capucines – Paris 1er

Adresse postale : 4, quai de Bercy94224 Charenton CedexTéléphone : 01 57 44 80 00Télécopie : 01 57 44 86 85

Directeur de la publication : Anne-Marguerite Gascard.

Rédacteur en chef : Emmanuel Ducasse.

Comité de rédaction : Laurent Batsch, Mirella Blanchard, Éric Buffandeau, Denis Burckel, François Cusin, Emmanuel Ducasse, Paul Dudouit, Claire Juillard, Christian de Kerangal, Michel Mouillart, Nicolas Pécourt.

Abonnements : Sylvie Buisson : 01 57 44 86 61Mail : [email protected]

Changement d’adresse :prière de joindre la dernière étiquette-adresse en nous précisant votre nouvelle adresse.

Prix abonnement au numéro : 30 €Prix abonnement 4 numéros : 100 €

Crédit Foncier de France – S. A. au capital de 1 331 400 718,80 € – 542 029 848 RCS Paris.

Maquette et réalisation :

Crédits photo : Photononstop.

Impression : Stipa.

Dans le souci du respect de l’environnement, le présent document est réalisé par un imprimeur Imprim’Vert®, avec des encres bio à base d’huile végétale sur un papier certifié FSC® fabriqué à partir de fibres issues de forêts gérées de façon responsable.

N° de commission paritaire :2026 AD – ISSN 0767– 6794.

Dépôt légal : décembre 2015.

1 L’impact du durcissement de la régulation du secteur bancaire sur le logement est sous-estimé, aujourd'hui > P. 8

Par Bruno Deletré, Directeur Général du Crédit Foncier.Dans son article, il analyse les effets de la régulation du secteur bancaire sur le financement résidentiel.

3 Transition énergétique : des financements verts pour le secteur de l’immobilier > P. 20

Par Mélanie Savelli, Chef de Projets RSE et Mécénat, Crédit Foncier, et Blanche du Mas de Paysac, Responsable du Département RSE, Crédit Foncier. Ensemble, elles dressent un panorama de l’offre de financement favorisant la rénovation énergétique du secteur immobilier.

4

Page 5: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

n° 9

16 Centres commerciaux :

quel modèle pour demain ? > P. 46

Par Jérôme Le Grelle, Président de Convergences – CVL. Il nous livre son point de vue sur l’évolution du modèle des ensembles commerciaux.

IMMOBILIER COMMERCIAL

5 Centres commerciaux : préservation des rendements > P. 38

Béatrice Guedj, Managing Director, Research and Strategy, Grosvenor. Elle s’interroge sur l’avenir du rendement des centres commerciaux à l’ère du tout numérique.

5

4 La mondialisation de l’immobilier de luxe > P. 26

Par Nicolas Tarnaud, FRICS, Docteur en économie, Titulaire de la chaire immobilier & société, Neoma Business School.Il partage avec nous son regard sur l’immobilier de luxe et ses tendances à travers le monde.

8 Les talents dans l’immobilier : quelles sont les attentes des employeurs ? > P. 64

Par Laurent Blivet, Spencer Stuart, Paris.Il nous expose dans son article les attentes actuelles du marché du recrutement des dirigeants et cadres supérieurs dans le secteur immobilier.

CARRIÈRES

RÉSIDENTIEL

7 Les nouvelles régions françaises et leurs marchés immobiliers > P. 54

Par Nicolas Pécourt, Directeur Communication externe et RSE, Crédit Foncier. Dans ce numéro, il reprend les principaux enseignements de l’étude menée par le Crédit Foncier sur l’économie immobilière, issue du nouveau découpage régional.

RÉGIONS

Page 6: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

Page 7: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

n° 9

17

FINANCEMENTS ET RÉGULATIONSL’IMPACT DU DURCISSEMENT DE LA RÉGULATION DU SECTEUR BANCAIRE SUR LE LOGEMENT EST SOUS-ESTIMÉ, AUJOURD'HUI Par Bruno Deletré, Directeur Général du Crédit Foncier.

AIDES AU LOGEMENT Par Bernard Coloos, Directeur aux Affaires économiques, financières et internationales de la Fédération Française du Bâtiment.

TRANSITION ÉNERGÉTIQUE : DES FINANCEMENTS VERTS POUR LE SECTEUR DE L’IMMOBILIER Par Mélanie Savelli, Chef de Projets RSE et Mécénat, et Blanche du Mas de Paysac, Responsable du Département RSE, Crédit Foncier.

7

Page 8: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

L’IMPACT DU DURCISSEMENT DE LA RÉGULATION DU SECTEUR BANCAIRE SUR LE LOGEMENT EST SOUS-ESTIMÉ, AUJOURD'HUI Par Bruno Deletré, Directeur Général du Crédit Foncier.

1

1.1 / LE CRÉDIT JOUE UN RÔLE ESSENTIEL DANS LE DÉVELOPPEMENT DU MARCHÉ IMMOBILIER RÉSIDENTIEL

Aujourd’hui, au moins quatre transactions immobilières

sur cinq réalisées par des particuliers le sont par recours

au crédit. Les volumes en jeu sont considérables ; en 2015,

plus de 130 milliards d’euros de nouveaux crédits devraient

assurer le financement de logements dans l’ancien (pour les

trois quarts de la production) ou dans le neuf (un quart). Les

encours de crédits immobiliers, soit le stock de crédits res-

tant à rembourser par les ménages, s’élevaient à 858 milliards

d’euros fin 2014 ; 31 % des ménages français remboursaient,

alors, un ou plusieurs crédits immobiliers. Le puissant effet

solvabilisateur produit par la baisse des taux d’intérêt, depuis

quelques années, en est une autre illustration.

8

Page 9: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

L’histoire du Crédit Foncier de France témoigne du lien

étroit entre secteur financier et secteur immobilier. Chaque

secteur peut, d’ailleurs, représenter pour l’autre une source

d’opportunités comme de risques. L’évaluation des actifs

immobiliers a, ainsi, été prise en compte dans la revue de la

qualité des actifs (Asset Quality Review – AQR) conduite en

2014 par la Banque centrale européenne (BCE) auprès des

plus grandes banques de la zone euro.

Depuis l’éclatement de la crise des subprimes aux États-

Unis, les initiatives réglementaires se multiplient afin d’évi-

ter qu’une telle crise ne se reproduise et n’engendre les

mêmes graves conséquences pour l’économie mondiale.

Ces initiatives en matière de régulation du secteur bancaire

sont indispensables. Les conséquences négatives de la distri-

bution de crédits subprimes ont affecté durablement l’écono-

mie mondiale dans son ensemble. Ces initiatives sont égale-

ment prises par des régulateurs qui ne souhaitent pas se voir

reprocher une seconde fois d’avoir insuffisamment encadré

le secteur financier. Tout cela se comprend aisément.

Mais, appliquées de façon trop extensive, ces initiatives régle-

mentaires peuvent aussi avoir un effet négatif sur le finan-

cement de l’économie, notamment la distribution de crédits

immobiliers auprès des ménages. Au-delà de leur légitimité

et de la nécessité de limiter les risques dits « systémiques »,

tant pour l’économie que pour le contribuable, les nom-

breuses initiatives prises depuis 2008 vont, en effet, induire

des contraintes nouvelles pour le financement immobilier, et

donc pour le développement du secteur du logement.

L’objet de cet article est d’analyser plus précisément ces

impacts.

1.2 / MULTIPLICITÉ DES INITIATIVES ET SHADOW BANKING

Au préalable, deux éléments doivent être soulignés.

UNE MULTIPLICITÉ DES INITIATIVES RÉGLEMENTAIRES À L’ÉCHELLE MONDIALETout d’abord, l’absence d’une instance de régulation interna-

tionale unique en matière financière entraîne une multipli-

cité des initiatives, tant à l’échelle mondiale qu’européenne

ou nationale.

financements et régulations

Figure 1. Production annuelle (quatre trimestres glissants) du crédit immobilier neuf et ancien (en Md€)(Source : Observatoire de la production de crédit immobilier.)

200

180

160

140

120

100

80

60

40

20

0T4T3T2T1

2007T4T3T2T1

2008T4T3T2T1

2009T4T3T2T1

2010T4T3T2T1

2011T4T3T2T1

2012T4T3T2T1

2013T4T3T2T1

2014

Indice 100 T1 2010

9

Page 10: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

L’ABSENCE D’UNE INSTANCE DE RÉGULATION

INTERNATIONALE UNIQUE ENTRAÎNE UNE MULTIPLICITÉ DES INITIATIVES.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

Face à la crise financière qui a débuté en 2007, les gouver-

nements ont d’abord réagi dans le cadre du G20. On se sou-

viendra, par exemple, des G20 de Washington (novembre

2008), de Londres (avril 2009), ou encore de Pittsburgh

(septembre 2009). Le G20 a débattu de projets de réforme

relatifs aux paradis fiscaux, au renforcement du contrôle

prudentiel des banques, aux règles de calcul des exigences

en fonds propres, à la régulation des hedge funds et des ins-

truments dérivés, aux agences de notation…

Les régulateurs bancaires internationaux sont, quant à eux,

réunis au sein du Comité de Bâle (1), dont les réunions se

tiennent généralement à la Banque des règlements interna-

tionaux (BRI), à Bâle. On doit à ce comité la mise en place

successive, à partir de 1988, de normes de régulation bancaire

au travers de trois réformes successives, dites « Bâle I », « II »

et « III ». Ces réglementations visent, notamment, à imposer

aux banques un minimum de fonds propres afin de couvrir

leurs différents risques (risques de crédit, de marché, risques

opérationnels), une exigence de détention d’actifs liquides afin

de prévenir des situations d’illiquidité, une surveillance pru-

dentielle individualisée, des exigences en matière de commu-

nication financière.

Enfin, les réformes de Bâle III ont été transposées en droit

européen par l’intermédiaire de la directive européenne

(1) Le Comité de Bâle est composé de représentants des autorités de contrôle et des banques centrales de près d’une trentaine de pays.

CRD4 (2) et le règlement européen CRR (3). C’est à ce stade

qu’interviennent de nouveaux acteurs : le Conseil de l’Union

européenne, le Parlement européen et la Commission.

Une nouvelle agence (l’Agence Bancaire Européenne) a été

fondée, en janvier 2011, pour établir la réglementation déri-

vée de ces textes pour les banques européennes.

En novembre 2014, la supervision directe des principales

banques européennes a été confiée à la BCE, qui devient un

acteur important supplémentaire dans le paysage financier.

Dans le même temps, les autorités nationales ne sont pas en

reste, comme en témoigne, par exemple, la loi sur la sépara-

tion bancaire adoptée en juillet 2013 en France.

Avec autant de fées régulatrices penchées sur son berceau,

le secteur bancaire peut être rassuré sur le fait qu’il ne

mourra pas faute de soins.

LE SHADOW BANKING SE DÉVELOPPEDeuxième élément préalable, ce fort mouvement de durcisse-

ment des règles prudentielles pesant sur le secteur bancaire

régulé ne parvient pas à couvrir le shadow banking sector (4)

qui en sortira, par conséquent, probablement renforcé.

Une vision un peu superficielle du paysage financier pour-

rait conduire à se satisfaire de la diminution de l’activité

bancaire sous l’effet des multiples réglementations qui vont

être citées – au motif que cette diminution réduirait le risque

systémique pour l’économie et les États lors d’une prochaine

crise – et à l’inverse de la progression du shadow banking, au

motif que celui-ci ne présenterait aucun risque systémique.

Cette vision néglige l’importance prise par certains opéra-

teurs issus du shadow banking, et donc le risque systémique

qu’ils portent eux-mêmes. C’est oublier, par exemple, que

le hedge fund Long Term Capital Management (LTCM) a fait

l’objet, en 1998, d’un plan de sauvetage organisé par la FED

(2) Elle couvre les dimensions d’accès à l’activité bancaire, autorités compétentes, cadre de surveillance prudentielle, coussins de fonds propres, rémunérations, etc. (3) Il couvre les dimensions de fonds propres, liquidité, ration de levier, risque de crédit de la contrepartie, etc. (4) Shadow banking ou « finance de l’ombre » : il s’agit de l’activité bancaire et financière exercée de facto par des acteurs non régulés (activité des hedge funds, activité des non banks en matière de crédit aux États-Unis, par exemple).

l’impact de la régulation sur le financement…10

Page 11: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

et a dû être recapitalisé par de grandes banques d’affaires

en raison de son caractère systémique. La quasi-faillite de

ce hedge fund témoigne du fait que le caractère systémique et

la nécessité de sauvetages organisés par les pouvoirs publics

en cas de difficulté peuvent concerner également des acteurs

non régulés. Ce risque sera d’autant plus fort que le sec-

teur non régulé aura grossi en tirant profit des contraintes

lourdes imposées au secteur régulé.

1.3 / LES INITIATIVES RÉGLEMENTAIRES RÉCENTES VONT TOUTES DANS LE SENS D’UNE RESTRICTION DU CRÉDIT IMMOBILIER

Une revue rapide de cinq dispositions le démontre,

celles liées, en particulier, au ratio de solvabilité (exi-

gences en fonds propres), à la liquidité, au ratio de levier, aux

pondérations de risque de crédit ou encore au risque de taux.

FONDS PROPRESCommençons l’exercice par les règles liées au renforce-ment du volume et de la qualité des fonds propres qui

vont nécessiter, pour un niveau d’activité identique, davan-

tage de fonds propres.

Il s’agit de garantir la capacité d’une banque à être en per-

manence « solvable », autrement dit à faire face à des pertes

générées par les crises ou à des risques qui apparaissent sur

certains de ses portefeuilles.

Le premier ratio de solvabilité créé en 1988, dit « ratio de

Bâle I » ou « ratio Cooke », exigeait des banques qu’elles dis-

posent d’un montant de fonds propres au moins égal à 8 % de

leurs engagements pondérés, à savoir crédits et investisse-

ments. Par la suite, en 2006, le ratio de solvabilité de Bâle II

a affiné les méthodes de pondération des crédits distribués

selon la nature de leur risque et en précisant les caractéris-

tiques des fonds propres mis en regard des engagements.

Avec l’application prochaine de Bâle III (5), qui a démarré

en 2014 et s’étalera jusqu’en 2018, l’industrie bancaire va

désormais devoir faire face à une accumulation de strates

obligatoires supplémentaires pour couvrir différents types

de risques.

À partir de 2016, trois « coussins » prévus par la CRD4

(coussin de conservation des fonds propres ; coussin de

fonds propres contracyclique spécifique ; coussin pour les

établissements d’importance systémique mondiale et autres

établissements d’importance systémique) vont entrer en

application de façon progressive et augmenter les exigences

de fonds propres du pilier 1 (6) à 10,5 %, dès 2019.

Un quatrième coussin prévu par la CRD (pour le risque sys-

témique) pouvant être mis en application à la discrétion du

Haut Conseil de stabilité financière, son impact n’est pas

mentionné ici.

Enfin, dès 2016, le MREL (7) entrera en vigueur et sera suivi

du TLAC (8) dès 2019. Si les exigences du MREL ne sont

pas encore connues, car elles seront fixées établissement

par établissement, elles devront être compatibles avec celles

fixées par le Comité de Bâle pour le TLAC, à savoir l’exi-

gence maximale entre 16 % des actifs pondérés et deux fois

le ratio de levier (définition ci-après) minimal.

Au-delà de cette énumération technique, il faut retenir qu’au

total, l’ensemble de ces nouveaux impératifs réglementaires

va nécessiter, pour les banques, d’augmenter la rétention

des bénéfices, voire de réaliser des augmentations de capi-

tal. En augmentant le niveau requis de fonds propres, ces

mesures renchériront le coût du crédit d’une façon générale,

et le coût du crédit immobilier pour ce qui nous intéresse

plus particulièrement dans cet article.

(5) Adopté par le Comité de Bâle de la BRI le 12 septembre 2010. (6) Les recommandations de Bâle II s’appuyaient sur trois piliers, dont le pilier 1 relatif à l’exigence de fonds propres. (7) MREL : Minimum Requirement for own funds and Eligible Liabilities : exigence minimale de fonds propres et passifs exigibles. (8) TLAC : Total Loss Absorbing Capacity imposera aux banques un matelas de fonds propres et de dettes « bail-inable » en pourcentage de leurs actifs pondérés du risque.

financements et régulations 11

Page 12: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

LIQUIDITÉLes contraintes nouvelles en matière de liquidité auront

un impact supplémentaire.

Rappelons tout d’abord, s’il en était besoin, que la notion

de liquidité, qui s’applique d’ailleurs tout aussi bien au mar-

ché financier qu’au marché immobilier, mesure la capacité

d’acheter ou de vendre rapidement un actif sans que cela

ait un impact majeur sur son prix. Concernant plus spécifi-

quement une banque, sa liquidité reflète sa capacité à faire

face à ses engagements, en disposant, par exemple, de suffi-

samment d’espèces ou en vendant des titres qu’elle détient.

Lors de la crise des subprimes, une absence majeure de

liquidité est apparue, notamment entre banques elles-

mêmes, ce qui a nécessité une intervention vigoureuse des

banques centrales, qui ont dû apporter de la liquidité aux

établissements financiers.

Ces contraintes nouvelles en matière de liquidité s’expriment

au travers de deux normes mises en place par le Comité de

Bâle : un ratio de liquidité à court terme dit « LCR » (9) et un

ratio de liquidité à long terme dit « NSFR » (10).

L’impact de ces nouvelles contraintes est particulièrement

sensible en France. Il s’agit, en effet, d’un marché singu-

lier dans lequel les banques ne conservent pas dans leur

bilan une partie très importante des fonds qu’elles collectent

(livrets réglementés tout particulièrement, et également

assurance-vie).

Ces deux ratios de liquidité, impliquant une meilleure adé-

quation des maturités de l’actif et du passif, conduiront à

limiter plus fortement la transformation bancaire (prêter à

long terme avec des ressources de durée plus courte) et,

ce faisant, à réduire leur capacité à prêter sur des durées

longues faute d’avoir suffisamment de ressources longues.

(9) LCR : Liquidity Coverage Ratio : ratio de liquidité à court terme (30 jours). (10) NSFR : Net Stable Funding Ratio : ratio de liquidité à long terme (un an).

RATIO DE LEVIERLe ratio de levier mesure le rapport entre le total du bilan

d’un établissement financier et son capital. Il conduit à limi-

ter la taille des bilans des banques en fixant un minimum de

fonds propres proportionnel, dans le but d’éviter des effets

de levier trop importants.

Cette limitation de la taille des bilans conduit nécessairement

à une contrainte sur l’activité des banques, et en particulier

sur le développement des encours de crédit quel que soit le

risque inhérent à ces encours. Cela entraîne, toutes choses

égales par ailleurs, une restriction de la capacité des banques

à développer leur rôle dans le financement de l’économie.

PONDÉRATIONS DU RISQUE DE CRÉDITUn projet de révision des pondérations du risque de cré-dit en approche standard, émis par le Comité de Bâle en

décembre 2014, conduirait, s’il était adopté dans sa version

actuelle, à une augmentation des pondérations, et donc des

besoins en fonds propres. Ce projet risque de rendre encore

plus coûteuse l’activité de prêt, en particulier les prêts immo-

biliers consentis à des clients disposant d’un faible apport

personnel (prêts dont la Loan To Value – LTV (11) – est élevée).

Ce projet affecterait plus particulièrement les prêts consen-

tis dans le cadre de l’accession sociale à la propriété. En

effet, moins les revenus du ménage sont importants, et

moins est élevé l’apport lors du financement.

Dès l’entrée en application d’un projet dit de « floor », les

banques qui disposent de modèles avancés seront également

affectées, car elles devront disposer de fonds propres mini-

maux également calculés sur la base de l’approche standard

du risque de crédit.

On peut donc raisonnablement s’attendre à une augmenta-

tion des exigences de fonds propres sur le risque de crédit,

et notamment sur le financement de l’immobilier.

(11) Définition de la LTV : montant du prêt/valeur du gage.

l’impact de la régulation sur le financement…12

Page 13: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

RISQUE DE TAUXEnfin, il faut rappeler les velléités exprimées par certains

régulateurs d’élaborer de nouvelles contraintes sur la gestion

du risque de taux vis-à-vis, notamment, des établissements

distribuant du crédit immobilier à taux fixe à leurs clients.

Les projets d’encadrement du risque de taux dans les por-

tefeuilles bancaires par le Comité de Bâle pourraient égale-

ment pénaliser le modèle français du financement immobi-

lier résidentiel. Fin 2013, les encours de crédits immobiliers

aux particuliers étaient constitués à environ 85 % de prêts à

taux fixe ; une proportion qui tend à se renforcer puisqu’au-

jourd’hui, 92 % de la production nouvelle de crédits immo-

biliers se font à taux fixe.

Si ces nouvelles contraintes étaient décidées, cela condui-

rait soit à faire porter le risque de taux par les particuliers

à la place des banques, soit à imposer à ces dernières des

contraintes de fonds propres encore plus importantes à ce

titre. On peut légitimement penser que les banques sont

mieux armées que les ménages pour gérer le risque de

taux. D’ailleurs, lorsque les ménages sont endettés à taux

variable et que les taux remontent, la révision à la hausse

des mensualités entraîne mécaniquement des difficultés de

recouvrement plus importantes et le risque de taux, évité

aux banques en le transférant au client final, se transforme

alors, pour elles, en risque de crédit.

1.4 / CONCLUSION

N ’ayant pas encore été appliquées, aujourd’hui, pour

l’essentiel, car pour certaines encore à l’état de projet

et de paramétrage, ces initiatives réglementaires n’ont géné-

ralement pas encore produit leurs effets. Elles n’ont donc

eu, de ce fait, que peu d’influence, à ce stade, sur l’offre de

crédit, cela d’autant plus que la demande de crédit immobi-

lier a été globalement faible jusqu’en 2014.

Mais elles produiront assurément leur effet avec le temps

(en grande partie dès 2019, et totalement en 2024).

Face aux durcissements imposés par les régulateurs multiples,

soucieux d’éviter de se faire reprocher à l’avenir d’avoir été

trop peu exigeants à l’égard des secteurs qu’ils régulent, il

conviendrait que les pouvoirs publics se préoccupent plus

activement de garantir que les économies pourront être

correctement financées dans ce nouvel environnement. Les

effets de ces mesures ne peuvent, d’ailleurs, pas s’appré-

hender de façon unique sur tous les marchés, compte tenu

de cultures financières très différentes ; l’atteste le poids

historique des banques, très différent dans le système de

financement des économies entre les États-Unis, d’une part,

et l’Europe continentale, d’autre part.

Si l’ensemble des mesures de durcissement réglementaire

actuellement envisagées devait être confirmé sans prendre

en compte les spécificités des marchés nationaux, il est

certain que les banques devraient restreindre leur offre

de crédit immobilier aux ménages. Tout en rappelant la

légitimité incontestable de dispositifs réglementaires ban-

caires plus stricts afin d’éviter de nouvelles crises, il faut

inviter les instances de décision concernées à trouver un

bon équilibre qui ne mette pas en danger le financement

des économies.

Il convient également que les mécanismes publics de sou-

tien à l’accession à la propriété tiennent compte de ces

modifications réglementaires. Porter la garantie du fonds

de garantie à l’accession sociale à la propriété (FGAS) de

50 % à 80 % éviterait, pour un coût marginal pour l’État, que

ces réformes à venir génèrent un coup de frein très violent

sur l’accession sociale à la propriété (secteur dans lequel les

LTV sont particulièrement élevées), et donc sur le secteur

du logement dans son ensemble.

Paradoxalement, la restriction de l’offre de crédit pénali-

serait un marché français du crédit aux particuliers qui a

montré sa robustesse pendant les années de crise. Depuis de

très longues années, la France affiche, en effet, un des taux

de défaut de ses crédits immobiliers résidentiels parmi les

plus faibles au monde.

financements et régulations 13

Page 14: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

AIDES AU LOGEMENTPar Bernard Coloos, Directeur aux Affaires économiques, financières et internationales de la Fédération Française du Bâtiment.

Marronnier de bien des chroniques économiques, le

gâchis des aides au logement mérite un réexamen à

la hauteur des enjeux financiers et des objectifs poursuivis. Il

faut, de même, regarder de manière plus globale les dépenses

fiscales, dont la Cour des comptes déplorait la faible diminu-

tion dans un rapport récent malgré une volonté affichée d’en

réduire le nombre et les montants associés, et qui sont en

réalité filles du niveau des prélèvements obligatoires. Enfin,

si personne ne nie le caractère inflationniste à la marge des

aides pas plus que l’existence d’effets d’aubaine, ou la per-

sistance de difficultés malgré un budget affecté conséquent,

en ces matières, les affirmations et corrélations ne sauraient

cacher la vacuité de bien des affirmations. Tout est affaire de

proportion et mérite des analyses plus fouillées.

2.1 / DE LA CONFUSION PARTIELLE DES OBJECTIFS

Selon les données officielles, les aides associées à la poli-

tique du logement s’élevaient, en 2013, à un montant

global de près de 41 milliards d’euros, marquant un recul

de 8,7 % par rapport à 2011, point historiquement haut (44,7

milliards d’euros) et elles équivalaient à près de 2 % du PIB.

2

Figure 1. Aides au logement par grands postes de dépense (année 2013) (Source : Compte du logement.)

Locatif social (yc subventions ANRU et Action Logement)

Accession

Aides personnelles en accession

Aides personnelles en locatif

Aides aux travaux (yc ANAH, hors locatif social)

Investissement locatif privé

9,1 Md€22%

1,7 Md€4%

3 Md€7%

0,9 Md€2%

19 Md€47%

7,1 Md€18%

Les aides personnelles (APL, ALS, ALF (1)) représentaient

un peu moins de la moitié du total, soit 17,4 milliards d’eu-

ros ou encore 0,8 % du PIB. Ce ratio classait la France à la

troisième position des pays de l’Union européenne à 28 en

2012 (2), derrière le Royaume-Uni et l’Islande, et 0,2 point

de pourcentage au-dessus de la moyenne européenne

(cf. figure 2).

(1) Hors aide sociale à l’hébergement (ASH), primes de déménagement, allocation de logement temporaire (ALT), etc. (2) Dernière année disponible à l’échelon européen.

14

Page 15: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

Ces chiffres, qui font l’objet d’une stigmatisation régulière (3),

doivent être relativisés. Deux exemples illustrent ce propos.

Une part notable des aides au logement peut, précisément,

être assimilée à des aides sociales. En effet, les premières

constituent pour partie un complément de revenu pour cer-

tains ménages à faibles ressources. De fait, leur ciblage social

se révèle très accentué, avec 81 % de bénéficiaires locataires

(hors étudiants) percevant des revenus inférieurs au SMIC (4).

On estime, dès lors, qu’environ le tiers du montant total des

aides personnelles au logement, soit 6 milliards d’euros,

relèvent plutôt d’une politique sociale (cf. encadré p. 16),

montant qu’il serait donc légitime de défalquer des aides

au logement. Au global, les aides personnelles au logement

stricto sensu n’équivaudraient donc qu’à 0,5 point de PIB.

(3) Philippe Manière, à l’époque directeur général de l’institut Montaigne, « Logement : une aberration à 33 milliards – les dépenses colossales consenties par l’État génèrent des effets pervers et nourrissent la pénurie, plus qu’elles ne la soulagent ». Enjeux Les Echos – le 01/02/2007. Voir également, plus récemment, les critiques de François Fillon, dans son livre Faire sur le caractère inflationniste des aides. (4) Réponse du ministère du Logement au questionnaire budgétaire de la Commission des finances de l’Assemblée nationale au titre du projet de loi de finances 2014, question n° 36.

On comprend, dans ces conditions, que les annonces toni-

truantes sur les économies à réaliser en matière d’aides per-

sonnelles au logement fassent « pschitt » ! L’objectif, pour le

budget 2016, a été ramené à environ 200 millions d’euros de

dépenses en moins pour les APL, grâce à la prise en compte

du patrimoine dans le calcul des ressources du ménage, la

diminution de l’aide au-delà d’un certain plafond et l’har-

monisation des conditions de ressources. En revanche, le

ministre du Budget lui-même a reculé sur l’APL étudiant,

alors même que tous les experts s’accordent sur l’anormalité

représentée par ce régime.

financements et régulations

Figure 2. Aides au logement versées aux consommateurs en Europe (année 2012, en % du PIB)(Source : Eurostat.)

Espag

neLet

toni

e

Malt

eAut

riche

Polog

neNor

vège

Suiss

e

Répub

lique

tchè

que

Grèce

Belgiq

ueLux

embo

urg

Hon

grie

Pays

-Bas

Irlan

deFi

nlan

de

Suèd

eAlle

mag

ne

Chypr

eDan

emar

k

Fran

ce

Islan

deRoy

aum

e-Uni

0,0

0,2

0,4

0,6

0,8

1,0

1,2

1,4

1,6

1,8

Moyenne UE-28

15

Page 16: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

Deuxième exemple, le coût lié au crédit d’impôt sur les inté-

rêts d’emprunt pour l’acquisition d’une résidence principale,

qui s’éteint progressivement, relève pour l’essentiel d’un

autre registre que celui de la politique du logement. Instauré

le 6 mai 2007, après l’élection de Nicolas Sarkozy, et sup-

primé le 31 décembre 2010, ce dispositif visait à donner du

pouvoir d’achat aux classes moyennes. L’atteste le fait qu’à

l’origine, la mesure devait concerner le stock des accédants.

La confusion et la multiplicité des objectifs, phénomène

classique dans toutes les politiques françaises, nuisent donc

à une juste lecture du montant des aides au logement et à

l’appréciation de leur efficacité. D’autant qu’il convient éga-

lement de poser un regard plus macroéconomique sur la

notion de dépense fiscale.

TROIS MÉTHODES POUR CHIFFRER LA « PART SOCIALE » DES AIDES AU LOGEMENTLa première méthode s’appuie sur la structure du barème des

aides personnelles au logement. De façon synthétique, leur

montant est calculé en faisant la différence entre le loyer pla-

fonné avec forfait de charges et la participation personnelle, ou

« reste à charge », pour le ménage. Ces montants s’apparentent

en totalité à une politique d’aide au logement lorsque les reve-

nus atteignent ou dépassent le plafond de ressources APL ou

AL. À l’inverse, si le « reste à charge » est minimal, c’est-à-

dire égal à la participation minimale, c’est que les revenus ne

permettent pas de s’acquitter d’un loyer supérieur. Dans ce

cas, l’aide relève en totalité d’une politique sociale. Avec cette

méthode, de 30 % à 35 % du montant global des aides per-

sonnelles au logement correspondraient à des aides sociales.

La deuxième méthode vient du constat que la plupart des

locataires acquittent un loyer supérieur aux plafonds de

loyer retenus pour le calcul des aides personnelles au loge-

ment. On estime, alors, la part purement « sociale » de l’aide

au logement comme étant la différence entre l’aide effecti-

vement perçue et l’aide « socle » qui découlerait d’un loyer

plancher. On fixe ce loyer plancher à un niveau inférieur

au plafond de loyer de la zone II, de sorte que quasiment

tous les locataires s’acquittent d’un loyer réel supérieur. Les

ménages perçoivent, ainsi, un montant d’aide au logement

supérieur à celui obtenu dans le cas du loyer plancher, le

différentiel constituant l’aide sociale. Par cette méthode, les

aides sociales représenteraient environ 30 % de l’ensemble

des aides personnelles au logement. La troisième méthode

repose sur une approche par le revenu des ménages. Sur la

base de l’enquête Revenus fiscaux et sociaux de l’INSEE, on

détermine le « reste à vivre » des ménages, hors prestations

logement, après paiement des dépenses courantes en loge-

ment. La comparaison de ce « reste à vivre » à un « revenu

minimum de survie » correspondant au RSA socle permet de

déterminer les effectifs de ménages qui se trouveraient dans

l’incapacité de financer leurs dépenses de consommations

courantes. Le montant global des aides au logement assimi-

lables à des aides sociales, obtenu en appliquant à ces effectifs

le montant moyen des aides personnelles au logement, s’élè-

verait, alors, à environ 35 % du total des aides au logement.

aides au logement16

Page 17: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

2.2 / DES AIDES FISCALES FILLES D’UNE FISCALITÉ SPOLIATRICE (DANS LE LOGEMENT COMME AILLEURS)

L a France, en particulier depuis vingt ans, a utilisé

massivement l’arme fiscale pour mener des politiques

sectorielles ou ciblées. En d’autres termes, le niveau très

élevé des prélèvements obligatoires théoriques (44,9 % du

PIB français en 2014) est compensé par un niveau tout aussi

considérable des aides fiscales et sociales (plus de 150 mil-

liards d’euros en 2014).

On notera que la suppression, toutes choses égales par

ailleurs, de la totalité des dépenses fiscales conduirait à

un rehaussement considérable, pour ne pas dire totale-

ment insupportable des prélèvements (52,1 % du PIB). Les

dépenses fiscales sont donc bien les filles naturelles d’un

niveau élevé de prélèvements (5) et procèdent d’un système.

Elles en sont un traceur consubstantiel/nécessaire, et pas

seulement dans le logement, ce qu’on oublie trop souvent.

Les dépenses fiscales visent, par leur caractère ciblé, une

modification des comportements et/ou des choix écono-

miques des bénéficiaires. Cela est particulièrement vrai

dans le secteur du logement, où il existe des nombreuses et

variées incitations, fiscales ou pas, à l’achat ou à l’améliora-

tion-entretien du parc.

Nombre d’experts s’interrogent, d’ailleurs, sur la perti-

nence d’une telle orientation, d’une telle politique et de tels

choix. Comme toujours, l’exemple allemand vient en appui

puisque, dans ce pays, « l’État n’intervient pas (ou peu) pour

(5) Et notamment de l’immobilier. Cf. rapport de l’institut Montaigne, « Politique du logement : faire sauter les verrous », juillet 2015, p.19-20.

orienter les décisions des agents économiques mais pour

garantir l’existence d’un environnement économique favo-

rable » (6). Il en découle une question, d’ailleurs portée par de

nombreux professionnels de l’immobilier : faut-il envisager

un changement de paradigme qui supposerait d’arrêter toute

politique ciblée en faveur du logement ?

Aller en ce sens impose, toutefois, trois conditions préalables.

◗ La première correspond à une baisse préalable ou, a

minima, concomitante des taux d’imposition (7). Faute de

quoi, renoncer aux aides sous toutes leurs formes favorise-

rait, certes, une réduction des déficits publics, mais au prix

d’un niveau très élevé de prélèvements. Cela ressemble

à une double peine. À noter, à cet égard, que l’actualité

démontre qu’à niveau élevé de prélèvements, la suppres-

sion des aides fiscales et/ou un alourdissement de la fisca-

lité rapportent beaucoup moins que prévu.

◗ La deuxième condition renvoie à la mise en place d’une

structure fiscale adaptée. Pour preuve, la comparaison

en matière de fiscalité des revenus locatifs en France et

en Allemagne. Dans ce dernier pays, les bailleurs bénéfi-

cient de droit d’une imputation des déficits fonciers sur le

revenu global, de l’amortissement fiscal et d’une exonéra-

tion des plus-values après onze ans de détention (8). Dans

de telles conditions, il est fort probable que les investis-

seurs français seraient prêts à renoncer aux aides fiscales

dont, par exemple, la déduction des travaux.

◗ La troisième condition revient à écrire qu’une action glo-

bale s’impose. Un tel renversement de politique n’aurait

de sens que s’il est général, faute de quoi il y aurait distor-

sion avec les autres secteurs, et surtout les autres formes

de placement.

(6) Flash économie du 30 avril 2013, n° 347, Et si la France passait à « l’économie sociale de marché » à la place des politiques « ciblées » générant surtout des effets d’aubaine, par P. Artus. (7) Étude FIDAL sur la fiscalité immobilière en Europe, octobre 2014. (8) Constructif, hors-série, numéro spécial « Sommet de l’immobilier et de la construction », mars 2012, p. 27-28.

financements et régulations 17

Page 18: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

2.3 / L’EFFET INFLATIONNISTE DES AIDES : MYTHE OU RÉALITÉ ?

La question de savoir si les aides publiques au logement

sont ou ne sont pas inflationnistes ne date pas d’au-

jourd’hui et a bien souvent fait l’objet de vastes débats et

polémiques entre partisans et détracteurs.

On peut notamment citer, en vrac, quelques exemples

d’études sur le sujet des aides personnelles.

◗ A. Massot (9) avait montré en 2007 une certaine décon-

nexion, dans plusieurs pays européens, entre l’évolution

des prix et les aides distribuées.

◗ A. Laferrère et D. Leblanc (10) ont constaté, lors du bouclage

des aides (11), au début des années 1990, que les loyers des

logements dont les occupants perçoivent une aide personnelle

croissent plus vite que les loyers des logements non aidés.

◗ G. Fack (12) a constaté que les loyers globaux des ménages

les plus modestes avaient augmenté plus vite que les

loyers en général, le bouclage des aides ayant, là encore,

fortement contribué à ces évolutions.

◗ C. Grislain-Letrémy et C. Trevien (13) ont montré que les

aides au logement permettaient surtout aux ménages

de chercher de meilleurs logements, ce qui pourrait,

en concentrant la demande sur certains types de biens,

« entraîner une hausse du prix des loyers ». Toutefois,

cette enquête repose sur l’enquête « Loyers et charges »,

qui porte sur un échantillon très faible et dont la représen-

tativité est sujette à caution.

(9) « La situation du logement dans six pays d’Europe », IAURIF, novembre 2007.

(10) « Comment les aides au logement affectent-elles les loyers ? », Économie et statistique n° 351, 2002, p. 3 à 30.

(11) Réforme profonde engagée en 1992 qui consiste à offrir un accès à tous les locataires (toutes catégories de population et de logement) à une aide sous la seule condition de revenu. Cette extension fut progressive et s’échelonna jusqu’en 1995.

(12) « Pourquoi les ménages à bas revenus paient-ils des loyers de plus en plus élevés ? L’incidence des aides au logement en France (1943-2002) », Économie et statistique n° 381-382, 2005, p.17-40.

(13) « L’impact des aides au logement sur le secteur locatif privé », INSEE analyses n° 19, 2014.

aides au logement

◗ M. Mouillart (14) a constaté qu’en général, les hausses de

loyer sont nettement plus fortes en cas de changement

de locataire, qu’il y ait ou non des aides personnelles. De

plus, l’éventualité du bénéfice d’une aide ne paraît guère

déterminante, sauf à l’occasion du bouclage des aides.

◗ Enfin, J. Friggit (15) a montré qu’entre 1970 et 2006, les loca-

taires aidés sont, certes, ceux pour lesquels les loyers ont

le plus augmenté, mais ils sont aussi ceux dont le confort

s’est le plus amélioré.

Ainsi, de toutes ces études (16), il ressort que si les aides

personnelles ont eu un effet inflationniste pendant la

période de bouclage, rien n’indique, cependant, que ce

soit véritablement le cas de manière très significative hors

de cette période. Le bouclage des aides personnelles ou

encore le doublement du PTZ lors du Plan de relance de

2009 constituent bien des cas particuliers du caractère

inflationniste des aides du fait de la rigidité de l’offre à

court terme. A contrario, une aide, en cas d’offre dispo-

nible, solvabilise les ménages et contribue à l’accroisse-

ment de l’offre, ce qui pèse à long terme négativement sur

le prix, toutes choses égales par ailleurs. Dans un même

registre, il paraît tout aussi fallacieux d’imputer un mouve-

ment haussier des prix aux aides à l’investissement locatif.

Il y a donc, faute d’évaluation personnelle, incapacité à

distinguer le poids respectif des facteurs premiers (ten-

dances internationales des marchés, évolution des taux)

de celui des facteurs secondaires.

(14) Exercice réalisé dans le cadre du groupe de travail sur le logement des jeunes mis en place par le Conseil national de l’habitat en janvier 2002. (15) « Un effet inflationniste des aides au logement peut-il avoir contribué à la hausse des prix immobiliers ? » et annexe 4.5 « L’effet inflationniste des aides au logement reste à estimer », juillet 2012, p. 34 et suivantes. (16) Voir également « Les aides au logement sont-elles inflationnistes ? », Revue foncière n° 3, janvier-février 2015, par Arnaud Bouteille.

18

Page 19: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

financements et régulations

Par ailleurs, si l’État injecte, depuis de nombreuses années,

beaucoup d’argent public à travers les aides au logement

afin de solvabiliser la demande, on ne peut que déplorer

son action trop limitée en matière de politique de l’offre et,

en particulier, d’offre foncière. Les chiffres parlent d’eux-

mêmes, puisqu’on relève une vive hausse du prix au mètre

carré des terrains d’assise de manière quasi continue entre

2006 et 2014 (+ 7,2 %, en moyenne annuelle, pour l’individuel

diffus (18)). Certes, elle s’explique pour partie par un net dépla-

cement des opérations vers des zones de plus en plus agglo-

mérées. En 2007, les territoires ruraux représentaient 59 %

de l’ensemble, les bourgs et villes de moins de cent mille

habitants 31 %, les agglomérations de plus de cent mille habi-

tants (y compris Paris) 10 %. En 2014, ces mêmes proportions

ressortent respectivement à 41 % (– 18 points de pourcentage

– pdp), 40 % (+ 9 pdp) et 19 % (+ 9 pdp). Bien évidemment,

cela pèse aussi sur les coûts de construction.

Mais cette hausse des prix du foncier s’explique aussi par le fait

que, bien souvent, les maires, à la demande explicite ou non de

leurs administrés, ne régulent pas les marchés immobiliers en

fonction des besoins. De fait, la France ne manque guère de

foncier brut, puisqu’on en trouve sans grandes difficultés pour

construire des bureaux, des commerces, des bâtiments publics

ou encore accueillir les Jeux olympiques à Paris. Le malthusia-

nisme foncier en matière de construction de logements tient à

la combinaison de deux aphorismes trop connus : « not in my

backyard » (« pas dans mon arrière-cour ») côté administrés et

sa conséquence, « maire bâtisseur, maire battu », côté édiles.

(18) Enquête sur le prix des terrains à bâtir (EPTB) réalisée par le Service de l’observation et des statistiques du MEDDE.

Enfin, la hausse du prix du foncier s’explique encore par la

rétention foncière encouragée par la fiscalité. De fait, plus le

détenteur d’un terrain constructible attend pour le vendre,

plus il a de chances de majorer sa plus-value et moins elle

sera taxée.

Au final, dans le lourd damier de la hausse des prix immo-

biliers, dont les causes sont multiples et se combinent, il

semble que le procès fait aux aides au logement s’apparente

en grande partie à un faux procès, sans que l’on puisse par-

ler d’innocence totale. Il faut surtout y voir une confusion

classique entre l’existence de tendance internationale et la

recherche de causes nationales.

LE PROCÈS FAIT AUX AIDES AU LOGEMENT S’APPARENTE EN

GRANDE PARTIE À UN FAUX PROCÈS, SANS QUE L’ON PUISSE PARLER D’INNOCENCE TOTALE.

19

Page 20: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

TRANSITION ÉNERGÉTIQUE : DES FINANCEMENTS VERTS POUR LE SECTEUR DE L’IMMOBILIER Par Mélanie Savelli, Chef de Projets RSE et Mécénat, Crédit Foncier, et Blanche du Mas de Paysac, Responsable du Département RSE, Crédit Foncier.

3

L e secteur du bâtiment est, en France, le plus gros

consommateur d’énergie et représente à lui seul 43 %

des consommations. Il produit chaque année 23 % des émis-

sions de gaz à effet de serre (GES). Cela représente à la fois

un sujet environnemental et un coût pour les ménages.

À la suite du Protocole de Kyoto, en 1997, certains pays

industrialisés, dont la France, se sont engagés à diviser

par quatre leurs émissions de gaz à effet de serre en moins

de cinquante ans. C’est ce que l’on nomme « le facteur 4 »,

pour lequel la France s’est engagée dès le Plan climat, en

2004, et la loi Pope (programme fixant les orientations de

la politique énergétique) de 2005. En 2009, le Grenelle de

l’environnement a pour objectif de « réduire les consom-

mations d’énergie du parc des bâtiments existants d’au

moins 38 % d’ici à 2020 et, à cette fin, de conduire un pro-

gramme ambitieux de rénovation thermique et énergétique

des bâtiments pour atteindre le rythme de quatre cent

mille rénovations complètes de logements chaque année

à compter de 2013 ».

En France, le parc bâti en 2014 est composé de trente-quatre

millions de logements, dont dix-neuf millions de maisons

individuelles, et de quinze millions de logements collectifs

pour le secteur tertiaire ; on compte 850 millions de mètres

carrés de bâtiments. Afin de pouvoir mettre en place la

rénovation énergétique du secteur immobilier, les pouvoirs

publics et les établissements financiers ont mis en place un

certain nombre d’aides et de financements qui répondront à

l’enjeu de la massification des travaux.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

20

Page 21: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

3.1 / AIDES ET FINANCEMENTS VERTS DÉDIÉS AUX PARTICULIERS

A fin d’aider les particuliers à financer leurs travaux,

l’État et les collectivités locales ont donc mis en place

diverses aides comme, par exemple, le crédit d’impôt transi-

tion énergétique (CITE), la TVA à taux réduit, l’exonération

de taxe foncière ou les aides de l’ANAH (Agence nationale

de l’habitat) grâce au programme « Habiter mieux ». Des

solutions de financement s’offrent également aux ménages à

revenus très modestes, notamment le prêt à l’amélioration

de l’habitat distribué par la Caisse d’allocations familiales

ou encore le microcrédit rénovation énergétique de la Fon-

dation Abbé Pierre.

Par ailleurs, les collectivités territoriales ont développé des

guichets uniques afin de guider les particuliers dans l’éven-

tail des aides disponibles, qui peuvent être cumulables.

Par le système des certificats d’économies d’énergie (CEE),

les vendeurs d’énergie sont incités, par la loi, à promouvoir

activement l’efficacité énergétique auprès de leurs clients.

Les CEE peuvent, selon les cas, revêtir la forme d’une aide

ou d’un financement.

L’État a mis en place des prêts réglementés distribués par

les établissements financiers. Ils financent les travaux d’éco-

nomie d’énergie ou de rénovation énergétique à taux généra-

lement préférentiel tel que l’Éco-PTZ individuel. Le prêt à

l’accession sociale peut être également utilisé à cet effet. Par

ailleurs, la loi demande que 10 % des montants des livrets

développement durable (LDD) soient alloués à des prêts

verts et des taux attractifs.

En parallèle, les établissements financiers ont conçu des

systèmes de financement vert qui ne sont pas adossés au

LDD. Ces prêts verts financent l’installation d’un système

d’énergie renouvelable pour un logement particulier ou, bien

entendu, des travaux de rénovation énergétique.

Les types de prêt susmentionnés s’appliquent plus préci-

sément aux maisons individuelles. Un enjeu particulière-

ment important, pour la France, est la rénovation énergé-

tique des copropriétés. Afin d’éviter que les immeubles ne

se dégradent trop et trop vite, l’État a développé, en 2015,

l’Éco-PTZ dédié aux copropriétés. Le Crédit Foncier en a

été le premier distributeur. Ce prêt est distribué par les éta-

blissements financiers aux côtés d’autres solutions de finan-

cements historiques adaptées aux copropriétés. L’ingénierie

financière est nécessairement plus complexe concernant ces

prêts aux copropriétés.

Pour ce qui est des bâtiments neufs, la réglementation

thermique impose que les nouveaux bâtiments construits

depuis 2012 soient obligatoirement économes en énergie,

conformément à la norme BBC (bâtiment basse consom-

mation) ; d’ici 2020, ils devront être à énergie positive,

c’est-à-dire produire plus d’énergie qu’ils n’en consom-

ment pour leur fonctionnement. Néanmoins, le coût de

construction ou d’acquisition d’un logement énergétique-

ment performant est généralement plus important. Pour-

tant, ce type de logement fait réaliser des économies à

son acquéreur. Afin de prendre en compte cet aspect, cer-

tains établissements financiers proposent des méthodes de

financement qui intègrent les futures économies d’énergie

potentielles.

financements et régulations 21

Page 22: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

ZOOM SUR L’APPROCHE EN COÛT GLOBAL DU CRÉDIT FONCIERLa prise en compte de l’économie d’énergie consiste à rete-

nir, pour l’analyse du risque, les économies théoriques réa-

lisées par le client grâce à son opération. Une comparaison

est effectuée entre la consommation énergétique du futur

logement, estimée en fonction de sa classification DPE

(diagnostic de performance énergétique, sur une échelle

de A à G), et la consommation énergétique d’un logement

classifié F+, qui équivaut à la moyenne du parc ancien.

Le résultat obtenu est l’économie d’énergie qui, une fois

pondérée, est déduite du montant de l’endettement. L’éco-

nomie d’énergie minore donc l’endettement. Le projet des

clients écologiquement responsables est ainsi facilité.

Cette palette d’aides et de financements, si complète pour

les particuliers, n’existerait sans doute pas sans l’évolution

de la réglementation en faveur de l’immobilier vert, ces der-

nières années. Mais qu’en est-il du secteur tertiaire ?

3.2 / AIDES ET FINANCEMENTS VERTS DÉDIÉS AU SECTEUR TERTIAIRE

La France a souhaité être exemplaire en se fixant l’objectif

ambitieux, au travers de la loi du Grenelle II, de réduire de

40 % d’ici 2020 les consommations énergétiques et d’au moins

50 % les émissions de gaz à effet de serre de ses bâtiments ter-

tiaires « publics ». Ainsi, l’État incite les collectivités territoriales,

dans le respect de leur libre administration, à engager un pro-

gramme de rénovation de leurs bâtiments en matière d’économie

d’énergie dans les mêmes conditions et au même rythme. Dans la

récente loi sur la transition énergétique, le but visé est d’arriver à

une réduction de la consommation énergétique du parc tertiaire,

privé et public, d’au moins 60 % en 2050 par rapport à 2010.

Comme pour les particuliers, le secteur tertiaire peut béné-

ficier d’aides à la rénovation énergétique distribuées par les

collectivités locales (aides du Fonds européen de dévelop-

pement régional – FEDER – et de la BEI), par l’Agence de

l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (l’ADEME)

pour le fonds chaleur ou encore par les pouvoirs publics (via

les certificats d’économies d’énergie). Les aides proposées

par les collectivités découlent, généralement, d’un diagnos-

tic Plan climat qui analyse la répartition des émissions de

CO2 par industrie, transport et secteur. Ces aides peuvent

provenir du FEDER, dont l’objectif prioritaire est de faire

de l’innovation et du développement durable les moteurs

de la compétitivité en régions. Par ailleurs, le mécanisme

européen d’assistance à l’échelle locale dans le domaine de

l’énergie ELENA (European local energy assistance) fournit

une assistance financière et technique pour aider les autori-

tés locales et régionales à attirer des investissements dans

des projets d’énergie durable. Enfin, le Fonds chaleur géré

par l’ADEME a été créé pour financer le développement

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

transition énergétique 22

Page 23: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

de mécanismes de production renouvelable de chaleur (bois,

solaire, géothermie, etc.) pour l’habitat collectif, les collecti-

vités et les entreprises. Avec ces aides financières, la chaleur

issue d’énergies renouvelables est compétitive par rapport à

celle produite à partir d’énergies conventionnelles.

Les établissements financiers ont mis en place des solu-

tions grâce auxquelles les entreprises financent la rénova-

tion énergétique de leur bâtiment. Un certain nombre de

ces prêts sont distribués exclusivement par la Caisse des

dépôts et consignations et la Banque publique d’investisse-

ment, mais d’autres prêts ou dispositifs sont proposés par

les établissements bancaires « mainstream » aux profession-

nels et aux investisseurs.

Pour ce qui concerne le financement de grands équipements

utilisés par des collectivités territoriales ou liés à la protec-

tion de l’environnement, il existe des sociétés de finance-

ment des économies d’énergie (SOFERGIE). Ces sociétés

financières sont spécialisées dans le financement par voie

de crédit-bail immobilier et mobilier. Elles s’adressent à

tous les types d’entreprise, aux collectivités territoriales,

aux établissements publics, à leurs regroupements et aux

délégataires de services publics.

ZOOM SUR L’OFFRE DELTA GREEN POUR LES INVESTISSEURS

Crédit Foncier Immobilier, filiale du groupe Crédit Fon-

cier, et le Cabinet Lefèvre Pelletier & Associés se sont

associés pour concevoir « Delta Green », une offre de

services destinée à accompagner les investisseurs et uti-

lisateurs dans la mise en œuvre d’un plan de réduction

de l’impact énergétique de leur parc immobilier. Cet outil

de mesure aide à construire une stratégie immobilière

« verte » qui s’appuie sur une analyse technique exhaus-

tive associant l’analyse environnementale et technique à

l’analyse juridique et financière.

3.3 / CONCLUSION

Les aides et les financements verts pour les particuliers

ou le secteur tertiaire émanent d’un grand nombre

d’acteurs : l’Europe, l’État, les collectivités territoriales… On

note le rôle de plus en plus important des établissements

financiers dans la proposition d’offres vertes afin que le sec-

teur immobilier réalise sa transition énergétique et atteigne

les objectifs réglementaires fixés.

L’actualité renforcera sans doute ces objectifs. Un nouvel

accord international sur le climat devrait être signé lors

de la COP 21 (Conference of Parties des Nations unies), en

décembre 2015. Par ailleurs, la récente loi sur la transition

énergétique du 17 août 2015 donnera lieu au déploiement

de nouveaux dispositifs en faveur de l’immobilier vert. Il

s’agira, ainsi, de mettre en œuvre, à grande échelle, une

rénovation énergétique et thermique des bâtiments français

en cohérence avec les différents acteurs.

IL S’AGIRA DE METTRE EN ŒUVRE, À GRANDE ÉCHELLE,

UNE RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE ET THERMIQUE DES BÂTIMENTS FRANÇAIS EN COHÉRENCE AVEC LES DIFFÉRENTS ACTEURS.

financements et régulations 23

Page 24: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

Page 25: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

n° 9

125

RÉSIDENTIEL

LA MONDIALISATION DE L’IMMOBILIER DE LUXE Par Nicolas Tarnaud, MRICS, Docteur en économie, Titulaire de la chaire immobilier & société, Neoma Business School.

Page 26: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

LA MONDIALISATION DE L’IMMOBILIER DE LUXEPar Nicolas Tarnaud, FRICS, Docteur en économie, Titulaire de la chaire immobilier & société, Neoma Business School.

4

4.1 / LA MONDIALISATION

D urant les Trente Glorieuses, l’intervention des États

dans la vie économique était très forte. Les banques

jouaient un rôle beaucoup plus important dans le finance-

ment de l’économie que les marchés financiers. Les années

1980 seront marquées par l’essor des marchés financiers et

leur dérégulation : « Les marchés financiers connaissent non

seulement une impressionnante expansion, mais aussi une

internationalisation marquée. Le premier choc pétrolier de

1974 en constitue un des facteurs. Les excédents en dollars des

pays de l’OPEP, les « pétrodollars », sont alors placés dans les

banques des pays industrialisés. Le mouvement amplifié par la

déréglementation, notamment par le démantèlement progressif

des contrôles de change a permis aux capitaux étrangers d’ache-

ter des devises étrangères » (1). Les années 80 accentueront ce

phénomène. Avec la libéralisation du contrôle des changes,

les investisseurs internationaux placeront leurs liquidités

dans les actions cotées, dans l’immobilier commercial ou

(1) Olivier Lacoste. Les crises financières. Éditions Eyrolles. 2e édition 2015.

l’immobilier de luxe. Grâce à l’essor de la gestion financière,

les investisseurs arbitreront et augmenteront leur patrimoine

financier. Une partie de ce dernier ira s’allouer dans l’immo-

bilier. Ce n’est pas un hasard si Olivier Lacoste rappelle la

croissance exponentielle des fonds de pension qui jouent un

rôle majeur dans nos économies modernes. « Les actifs gérés

par les fonds de pension étaient de l’ordre de 860 milliards

de dollars au début des années 80 ; ils atteignaient presque

22 000 milliards de dollars en 2006… Ils exercent une pression

constante sur les firmes dont ils sont les actionnaires » (1). Selon

le cabinet de conseil Towers Watson, les fonds de pension

dans le monde géraient 36 119 milliards de dollars fin 2014.

Les fonds de pension américains représentaient 22 117 mil-

liards de dollars. La mondialisation du 21e siècle est avant

tout une globalisation financière regroupant les acteurs éco-

nomiques tels que les fonds d’investissement et les institu-

tions bancaires. Le débat actuel sur la mondialisation écono-

mique et financière ne fait que commencer, dans un contexte

où l’immobilier de prestige est actuellement dynamique dans

les grandes métropoles mondiales.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

26

Page 27: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

4.2 / L’IMMOBILIER DE LUXE

Nous avons une appréciation singulière du luxe. « Un

objet de luxe (…) est un objet ordinaire pour des gens

extraordinaires, mais également un objet extraordinaire

pour des gens ordinaires » (Bernard Dubois, professeur de

marketing à HEC). Aucune définition officielle du « luxe »

n’existe, et chacun peut se l’approprier. Certains admettent

qu’il existe une distinction entre le luxe et le haut de gamme.

Selon l’Encyclopédie du marketing, il s’agit d’un « bien dont

le prix est élevé et les quantités disponibles généralement

peu importantes. On lui reconnaît aussi, le plus souvent,

une qualité artistique. Il ne doit pas être confondu avec le

produit haut de gamme. Les deux qualificatifs peuvent être

complémentaires mais ne sont pas synonymes ». Selon le

philosophe Gilles Lipovetsky, « Consommer du luxe, c’est

consommer à la fois un produit, une légende/un mythe, une

tradition, des savoir-faire et un rite d’usage ». Autrement

dit, acheter un bien de luxe, par exemple place Vendôme,

revient à « s’identifier » à un passé, à une histoire, à une

localisation mondialement connue et recherchée. Habiter un

bien unique à une adresse exceptionnelle symbolise le pou-

voir et la réussite. Plusieurs paramètres peuvent s’inviter

dans ces définitions. Dans chacune d’elles, nous retrouvons

au moins le prix et la rareté. Une maison ou un apparte-

ment peuvent se trouver dans un environnement exception-

nel sans pour autant que le bien le soit. À l’inverse, une

somptueuse maison peut se situer dans un environnement

quelconque ou peu convoité. En fonction de la qualité du

bien et de son environnement, que l’on soit dans un habitat

horizontal ou vertical, ancien ou moderne, un bien sera plus

ou moins rare, comme son prix plus ou moins élevé.

La notion de rareté vient naturellement à l’esprit lorsque

l’on définit le luxe. En étant rare, l’immobilier de luxe se

hisse au niveau d’une « œuvre d’art ». La rareté suscite le

désir et l’envie d’appropriation. La possession renforce la

distinction sociale. La réussite matérielle est donc natu-

rellement associée au luxe. L’immobilier et le luxe sont les

grands bénéficiaires de la mondialisation.

4.3 / UNE ÉCONOMIE MONDIALISÉE

Conséquence de la dérégulation américaine et anglaise,

l’économie française s’est financiarisée à partir du

milieu des années 80. Comme d’autres pays, elle s’est ins-

crite dans une trajectoire libérale plutôt que keynésienne

visant à augmenter l’autonomie et la flexibilité des acteurs

économiques. Le patrimoine se valorisera davantage que les

revenus des salariés. En effet, l’indexation des salaires sur

les prix sera supprimée dès 1982. À revenu égal, la fiscalité

des revenus du capital sera beaucoup moins élevée que les

revenus du travail, ce qui vaudra aux investisseurs de se

constituer rapidement un patrimoine financier ou immobi-

lier. L’État privilégiera l’actionnariat individuel. On recen-

CONSOMMER DU LUXE, C’EST CONSOMMER À LA FOIS UN PRODUIT,

UNE LÉGENDE/UN MYTHE, UNE TRADITION, DES SAVOIR-FAIRE ET UN RITE D’USAGE.

Régisseur Air conditionné

Grande hauteur sous plafond (supérieure à 3 mètres)

Sécurité optimale 24/24

Parking sécurisé

Pièces généreuses (supérieures à 30 m2)

Concierge 24/24

Localisation : prime location

Cuisine semi ou professionnelle

Fitness haut de gamme

Balcon-terrasse

Chambre ensuite

Spa dans l’immeuble

Hall prestigieux

Étage noble

Tableau 1. Caractéristiques d’un logement de luxe(Source : Nicolas Tarnaud.)

résidentiel 27

Page 28: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

sera 6,2 millions d’actionnaires fin 1987, soit quatre fois plus

qu’en 1980. De nombreuses entreprises seront privatisées

en France comme la BNP, l’UAP et la Société Générale.

Les fusions et acquisitions connaîtront une forte croissance

sous l’égide des banques d’affaires. L’effet de levier du cré-

dit augmentera les activités de rachat et de fusion. Les fonds

d’investissement se développeront à cette occasion. Comme

le rappelle Guillaume Sarlat (2), « La France a également mis

en place, à partir des années 80, un des régimes juridiques

et fiscaux les plus favorables en Europe aux montages LBO

(Leveraged buy-out) ». Jusqu’aux années 80, l’immobilier

(2) Guillaume Sarlat. En finir avec le libéralisme à la française. Éditions Albin Michel, 2015.

était un actif dormant ; il n’était jamais arbitré. Il deviendra

rapidement un actif à part entière, pour les investisseurs

institutionnels et privés. La valeur de cet actif sera appré-

hendée comme la somme des cash-flows futurs. En effet,

la financiarisation de l’immobilier (tertiaire et résidentiel)

apparaîtra en France dans les années 90 avec l’application

des techniques financières. Les investisseurs immobiliers

intégreront rapidement le concept des cash-flows pour obte-

nir des taux de rendement interne. Ce dernier deviendra le

benchmark international pour connaître le rendement final

d’un investissement dans l’immobilier (commercial ou rési-

dentiel). L’investisseur privilégiera soit un rendement en

capital, soit un rendement locatif, ou un mélange des deux.

La mondialisation de nos économies débouchera sur une

financiarisation de ces dernières. Les théories économiques

laisseront la place aux théories financières. Le court terme

deviendra le référentiel de tout investissement spéculatif

par rapport au temps. Avec la financiarisation de l’écono-

mie, l’actif immobilier se valorisera beaucoup plus rapide-

ment qu’auparavant.

4.4 / L’IMMOBILIER ET LA FINANCIARISATION DE L’ÉCONOMIE

L ’immobilier résidentiel et l’immobilier de luxe pro-

fitent de la financiarisation de l’économie depuis une

trentaine d’années. En effet, depuis le début des années

80, avec le développement d’un système financier globa-

lisé et déréglementé, l’économie mondiale développe une

globalisation des cycles immobiliers. Les conséquences

des marchés boursiers haussiers, baissiers, les niveaux

des taux d’intérêt, l’inflation et la fiscalité ont impacté

à la hausse ou à la baisse les marchés immobiliers des

pays les plus riches de la planète. Les flux de liquidités se

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

la mondialisation de l’immobilier de luxe 28

Page 29: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

sont internationalisés, et les détenteurs de capitaux en ont

profité pour les faire circuler dès la moindre opportunité

financière ou immobilière. Thomas Piketty affirme : « Une

caractéristique de la mondialisation financière actuelle est

que chaque pays est en grande partie possédé par les autres

pays, ce qui conduit non seulement à obscurcir les percep-

tions sur la répartition mondiale des fortunes, mais égale-

ment à la vulnérabilité importante des petits pays, et à une

instabilité de la répartition mondiale des positions nettes…

On a assisté, depuis les années 70-80 à un puissant mou-

vement de financiarisation de l’économie et de la structure

des patrimoines » (3). Aux États-Unis, par exemple, sous

l’administration Reagan, les Caisses d’Epargne « savings

and loans », spécialisées dans les prêts au logement, vont

se lancer dans des stratégies risquées afin d’améliorer leur

rentabilité. 150 milliards de dollars d’argent public seront

mobilisés pour sauver le système. La crise financière de

1988 aura des conséquences sur l’immobilier résidentiel et

sur l’immobilier de luxe aux États-Unis. La mondialisation

des échanges et des flux financiers s’est considérablement

développée depuis le début des années 2000 avec l’arrivée

des nouvelles technologies et d’internet. Durant le début

de ces mêmes années, l’immobilier de luxe confirmera

une croissance exceptionnelle dans toutes les métropoles

mondiales. Le marché de l’immobilier haut de gamme à

New-York, Miami ou Los Angeles a souvent été corrélé à

la vitalité des marchés actions et obligataires américains.

Ainsi, le marché du luxe se ralentira rapidement à New-

York, en Floride et en Californie au lendemain de la crise

américaine des subprimes de 2008. En effet, plus les mar-

chés financiers se valorisaient et plus l’immobilier de pres-

tige de certaines villes réputées comme Genève, Monaco,

Hong Kong s’appréciait également. La financiarisation des

économies modernes augmentera la richesse individuelle

mondiale et professionnalisera la gestion d’actifs finan-

ciers et immobiliers. Nos économies se sont mondialisées,

le luxe aussi.

(3) Thomas Piketty. Le capital au XXIe siècle. Éditions du Seuil, 2013.

4.5 / LES HIGH NET WORTH INDIVIDUALS (HNWI)

L es high net worth individuals sont les personnes qui

possèdent plus de 1 million de dollars de liquidités en

plus de leur résidence principale et sans intégrer les biens

de consommation.

Fin 2013, il y avait 12,5 millions de HNWI dans le monde

et 46 % de plus qu’en 2008, selon le World Wealth Report

2013 de Capgemini et Knight Frank. Le nombre de mil-

lionnaires ne cesse d’augmenter en Europe, en Amérique

du Nord et en Asie, depuis une quinzaine d’années. Selon

Capgemini et la Royal Bank of Canada, les HNWI repré-

sentaient 4,69 millions de personnes en Asie Pacifique en

2014, contre 4,68 millions en Amérique du Nord. Le Bré-

sil, par exemple, connaît une augmentation du nombre de

millionnaires depuis dizaine d’années. En effet, il y avait

198 500 millionnaires en 2014 et ils sont de plus en plus

nombreux à acheter un pied-à-terre luxueux au Portugal

ou à Miami. Nous retrouvons un dénominateur commun

parmi cette population aisée. Les personnes très aisées

n’ont pas toutes des comportements identiques dans l’uti-

LE MARCHÉ DU LUXE SE RALENTIRA RAPIDEMENT AU LENDEMAIN DE LA

CRISE AMÉRICAINE DES SUBPRIMES DE 2008. NOS ÉCONOMIES SE SONT MONDIALISÉES, LE LUXE AUSSI.

résidentiel 29

Page 30: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

lisation d’un bien immobilier. Elles ne constituent pas ipso

facto une population homogène, mais ont une approche

nuancée de l’immobilier de luxe. Le club des high net

worth individuals va continuer d’accueillir de nouveaux

membres chaque année dans les nouveaux pays émergents

et dans la zone Asie Pacifique.

4.6 / LES ULTRA HIGH NET WORTH INDIVIDUALS [UHNWI]

Selon le Crédit Suisse, 128 000 individus font partie du

club des ultra high net worth individuals, c’est-à-dire

les personnes ayant une fortune nette disponible supé-

rieure à 50 millions de dollars, alors qu’ils n’étaient que

41 000 ultrariches à être dans ce club fermé en 2000. Le

développement des marchés financiers et la cotation de

nouvelles entreprises durant ces années ont permis à des

hommes et des femmes de faire fortune rapidement. La

Chine totalise désormais 597 milliardaires en dollars alors

qu’ils ne sont que 537 aux États-Unis. Si nous réunissons

Hong Kong, Taïwan, et Macao, nous trouvons 715 milliar-

daires en dollars. La plupart de ces milliardaires possèdent

simultanément une maison à Hong Kong et un appartement

à New-York pour le symbole et le réseau présent dans la

ville de l’Oncle Sam. Les Américains les plus riches pos-

sèdent un patrimoine de 2 340 milliards de dollars selon

le magazine Forbes, en septembre 2015. Plus le patrimoine

est élevé et moins le pourcentage investi dans l’immobilier

est important. L’allocation principale est répartie entre le

patrimoine professionnel et/ou les actifs financiers. L’envi-

ronnement économique mondial demeure toujours la pre-

mière préoccupation de cette clientèle très fortunée.

4.7 / LE DYNAMISME DU MARCHÉ DU LUXE D’UN PAYS VARIE EN FONCTION DES CRITÈRES SUIVANTS

◗ La devise.

◗ La stabilité politique.

◗ La qualité de vie.

◗ L’environnement économique.

◗ La qualité des services de proximité.

◗ La proximité d’aéroports internationaux.

◗ La fiscalité.

◗ La sécurité.

◗ La qualité des écoles, des établissements supérieurs

et des universités.

◗ L’environnement climatique.

◗ Le degré de pollution.

4.8 / LE PRIX DE L’IMMOBILIER DE LUXE

Quelle que soit la localisation géographique de ce type de

bien, l’immobilier de luxe constitue toujours un mar-

ché à part. Le prix d’un bien de luxe dépend du marché, de

l’offre et de la demande à un instant T et de la liquidité de

ce marché, ainsi que de ses taux d’intérêt. On n’achète pas

un bien dans le luxe pour obtenir une rentabilité locative

élevée. Elle sera faible quelle que soit la nature du bien et sa

localisation géographique. On investira dans ce type de bien

pour se protéger contre l’érosion monétaire ou pour diversi-

fier un patrimoine financier significatif. Cet actif pourra être

utilisé comme résidence principale ou secondaire avec des

périodes locatives pour diminuer le coût annuel immobilier

important. L’objectif de réaliser une plus-value ne sera pas

incompatible avec cet actif spécifique.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

la mondialisation de l’immobilier de luxe 30

Page 31: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

4.9 / LES GRANDES VILLES MONDIALES

L ’immobilier de luxe est présent dans toutes les grandes

métropoles mondiales. Celles-ci se livrent à une

concurrence féroce pour attirer une clientèle fortunée. Le

marché immobilier de prestige reste actif dans les capitales

mondiales dynamiques économiquement et fiscalement.

Voici quelques villes qui ont su se développer pour attirer

une clientèle internationale très convoitée.

NEW-YORKNew-York est plus que jamais la première au classement dans

le monde de la finance, des médias, de l’art et de la mode.

Nous trouvons des écoles maternelles comme le Trinity

College, à 40 000 dollars par an avec un encadrement de

haut niveau pour apprendre à lire et à écrire. Big Apple est

devenue la capitale du monde dans l’immobilier de luxe.

Tout milliardaire dans le monde se doit d’avoir un pied-à-

terre dans une tour moderne à proximité de Central Park.

Les riches New-Yorkais ont une propriété au bord de la

mer, dans les Hamptons, dont les plus chères dépassent les

100 millions de dollars. Les tours dédiées aux appartements

de luxe sont de plus en plus nombreuses à Manhattan. Plus

les biens se situent en étage élevé et plus les prix sont consé-

quents. Ainsi, un penthouse de 1 000 m2 dans la tour One 57

a trouvé preneur pour 100 millions de dollars. À 10 minutes

à pied, il faudra compter ces mêmes montants pour s’of-

frir un luxueux pied-à-terre de la même superficie dans la

nouvelle tour du 432 Park Avenue. Les charges mensuelles

par appartement peuvent avoisiner les 50 000 dollars par

mois. La taxe foncière annuelle représente en moyenne 1 %

de la valeur d’achat. Les noms de ces nouveaux immeubles

de luxe deviennent de véritables cartes de visite interna-

tionales. Une forte connotation ressort de cette association

entre l’homme et le nom de l’immeuble. L’acquisition de tels

condominiums en étage élevé donne le sentiment à leurs

propriétaires de dominer le monde et d’appartenir au club

fermé des « successfull people » vivant à New-York. Les

luxueux immeubles new-yorkais sont toujours à proximité

du monde des affaires et de l’entrepreneuriat. La tech indus-

trie est également aujourd’hui présente. Les plus grandes

entreprises du Fortune 500 y ont leur siège social.

Il y a toujours eu une concurrence (prix immobilier, environ-

nement économique) et à la fois une relation étroite entre

New-York et la Silicon Valley. Ce n’est pas un hasard si

la nouvelle « Silicon Island », à New-York (un projet à 2

milliards de dollars), va devenir l’un des plus grands incu-

bateurs de start-up américaines. Cette ville où « tout est pos-

sible » pourrait se résumer par la citation de Mark Twain :

« Make your mark in New-York and you are a made man ».

résidentiel 31

Page 32: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

LONDRESLondres est plus que jamais le rendez-vous des grandes

fortunes mondiales en Europe. En 2014, Londres a enre-

gistré un nombre record de ventes de biens immobiliers de

luxe. Selon Knight Frank, plus de 1 683 appartements ou

maisons de plus de 5 millions de dollars s’y sont vendus.

De nombreux investisseurs continuent de parier sur un

marché haussier. Nous sommes actuellement en haut du

cycle, même si les prix n’ont baissé que deux ou trois fois en

soixante ans. En effet, selon les économistes de la Deutsche

Bank, les prix immobiliers à Londres n’ont diminué que

trois  fois sur les soixante dernières années : au début des

années 80, lors de la « récession économique », en 1992 avec

la « crise monétaire de la livre sterling » et en 2008 durant

« le krach financier ». Ces chiffres témoignent à la fois de

la liquidité de ce marché, du niveau des prix atteint et de

l’attractivité de la capitale anglaise. Celle-ci n’est pas nou-

velle. Elle s’est renforcée ces dernières années par rapport

à d’autres villes européennes. En effet, Londres a toujours

répondu aux attentes de la clientèle fortunée internationale :

aéroport international performant, fiscalité attractive pour

les non-résidents, sécurité optimale, hôtels particuliers, pro-

grammes résidentiels modernes et luxueux, marques inter-

nationales, sièges sociaux de grandes entreprises anglaises

et étrangères, et enfin, la place financière de la City. C’est

également une ville avec des établissements prestigieux

comme la London Business School ou la London School

of Economics. Les riches étudiants étrangers peuvent ainsi

se loger dans des résidences étudiantes prévues à cet effet.

LONDRES N’A RIEN À ENVIER À NEW-YORK QUANT AU NIVEAU

DES PRESTATIONS OFFERTES ET DES PRIX DES BIENS IMMOBILIERS.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

la mondialisation de l’immobilier de luxe 32

Page 33: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

Par exemple, la Fountain House sur Hyde Park cible cette

jeune clientèle en lui proposant des appartements luxueu-

sement décorés avec service de ménage quotidien pour des

loyers variant entre 9 000 livres et plus de 22 000 livres par

mois. Londres n’a rien à envier à New-York quant au niveau

des prestations offertes et des prix des biens immobiliers.

En effet, dans le fameux immeuble « One Hyde Park », un

penthouse de 1 500 m2 a été vendu à 140 millions de livres.

Dans ce type d’immeuble, nous trouvons une sécurité ultra-

sophistiquée, des appartements domotisés dernière généra-

tion, des spas, des conciergeries 24/24, des régisseurs,… La

nouvelle résidence « Clarges Mayfair » a décidé de concur-

rencer « One Hyde Park » en offrant encore plus de services

et de confidentialité aux futurs propriétaires.

HONG KONGC’est la ville des tours avec 1 268 gratte-ciel de plus de

100 mètres de hauteur. La ville chinoise est l’aggloméra-

tion qui comporte le plus d’immeubles de grande taille. Les

grandes fortunes chinoises y sont domiciliées, tout comme

les sièges sociaux asiatiques et étrangers. Il n’est pas rare

de voir un penthouse ou une maison se vendre à près de

200 000 euros du mètre carré. Elle se retrouve toujours sur

le podium comme l’une des villes les plus chères du monde.

C’est un marché spéculatif avec de véritables volatilités

lorsque les marchés financiers se trouvent dans des mouve-

ments baissiers. Malgré des salaires élevés et une fiscalité

avantageuse, les Hongkongais ne peuvent plus investir dans

la pierre. La croissance vertigineuse des prix de l’immobilier

s’explique par la zone limitée du territoire, et l’impossibilité

de trouver de nouvelles parcelles constructibles. Tant que

Hong Kong restera attractive fiscalement, les prix continue-

ront d’occuper les places du podium mondial.

GENÈVELa Suisse n’est pas une destination majeure, mais demeure

toujours un lieu de résidence important pour la clientèle

internationale toujours intéressée par la discrétion et la

confidentialité. La Suisse est le sixième pays mondial au

classement du nombre de millionnaires.

Ce pays se situe au deuxième rang des destinations rete-

nues par les millionnaires français derrière le Royaume-

Uni, mais juste devant le Luxembourg et la Belgique. Le

canton de Vaud et le canton de Genève sont les plus recher-

chés. Dans le canton de Vaud, on retrouvera de nombreux

sportifs français tandis qu’à Cologny, nous rencontrerons

davantage de capitaines d’industrie français et étrangers.

Dans le canton de Genève, la clientèle internationale est

toujours friande de belles propriétés anciennes ou de mai-

sons d’architecte dernière génération avec piscine et spa

intérieurs. On apprécie Cologny pour sa proximité avec le

centre-ville de Genève autant qu’avec la frontière française.

Cette commune est appréciée pour son calme, sa sécurité et

son magnifique golf.

Localisation Rue Guynemer, Paris 6e (jardin du Luxembourg)

5e Avenue (Central Park)

Quartier du Casino

Surface appartement

300 m2 300 m2 300 m2

Immeuble Haussmannien / ancien

Moderne Moderne

Charges de copropriété

1 500 € par mois 15 000 € par mois

8 000 € par mois

Taxe foncière 5 000 € par an 1 % du prix d’achat par an

10 000 € par an

ISF Oui Non Non

Prix 6 M€ 18 M€ 20 M€

Tableau 2. Comparaison d’un bien dans trois villes différentes(Source : Nicolas Tarnaud.)

MONACOLe rocher monégasque continue d’alimenter tous les fan-

tasmes depuis des générations. Nous ne sommes pas dans

une ville classique, mais dans un roman avec de belles his-

toires immobilières. Le rocher n’a jamais été abordable. Il

l’est encore moins aujourd’hui dans le triangle d’or, proche

du Casino, ou dans les rares programmes neufs de prestige.

Les prix varient de 30 000 euros le mètre carré à plus de

100 000 euros le mètre carré pour des biens qui répondent

résidentiel 33

Page 34: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

aux attentes de la clientèle étrangère. Le prix moyen d’une

vente se situe autour de 4  millions d’euros avec près de

600 transactions annuelles. Les appartements sont très spa-

cieux (un deux pièces correspond généralement à un 100 m2

sans la loggia) et sont décorés. Les prestations offertes dans

l’immeuble (concierge, régisseur, spa…) ressemblent à l’uni-

vers anglo-saxon.

Avec une superficie de 2  km2, le foncier monégasque

demeure très rare et cher. Ce n’est pas un hasard si Monaco

appartient au club très fermé des villes les plus chères du

monde avec Hong Kong. Monaco reste plus que jamais un

paradis fiscal pour les Russes, les Anglais, les Suisses et les

Italiens.

SAN FRANCISCOLa région de San Francisco a toujours été le poumon de

l’Amérique. Les plus grands chercheurs, jeunes ingénieurs et

« prodiges » des nouvelles technologies y viennent du monde

entier depuis des décennies pour le plus grand bonheur des

grandes entreprises et des entrepreneurs. Aujourd’hui, San

Francisco dépasse très largement Los Angeles pour ce qui

concerne le prix moyen par transaction. Ainsi, pour 1 mil-

lion de dollar, vous ne pourrez acquérir qu’un deux ou trois

pièces dans la ville du Golden Gate. Pour ce budget, il ne

faut pas espérer emménager dans un magnifique immeuble

de Pacific Heights. Conséquence de l’euphorie de la tech

industrie, la Silicon Valley fabrique de nouveaux million-

naires chaque année. Ces nouveaux riches investissent aussi

bien San Francisco que le Sud, à 45 minutes en voiture, à

Palo Alto ou Atherton, connues pour leurs luxueuses mai-

sons à plus de 10 millions de dollars.

De nombreuses stars de l’informatique possèdent des ranchs

à Woodside (20 minutes du campus de Stanford), où la

moindre maison dépasse les 5 millions de dollars. La taxe

foncière annuelle représentant 1 % du montant de l’acqui-

sition n’effraie absolument pas les acteurs économiques de

la Silicon Valley. La Californie offre une fiscalité douce à

ses habitants. En effet, le taux maximum d’imposition sur

les revenus est de 11,3 %, et il n’existe pas d’ISF. Les entre-

preneurs financent même à crédit leur résidence principale,

puisque les intérêts d’emprunt sont intégralement déduc-

tibles (sans limitation) de l’impôt sur le revenu.

CANNESCette ville bénéficie d’une situation géographique exception-

nelle entre Saint-Tropez et Monaco. Son festival est devenu

son ambassadeur mondial. De nombreux biens supérieurs

à 4 millions d’euros se trouvent sur le marché depuis plu-

sieurs années. Ce sont les acquéreurs qui ont repris la main.

On constate que de plus en plus de fonds étrangers achètent

des propriétés pour les rénover à grands frais et les vendre à

une clientèle internationale. Mais cette dernière est particu-

lièrement volatile. Avec l’appréciation du dollar, on observe

le retour d’une clientèle anglo-saxonne, principalement amé-

ricaine. Les Chinois aussi commencent à s’intéresser aux

propriétés cannoises.

Mais certains clients étrangers comme les Russes ont

aujourd’hui déserté la place cannoise pour différentes rai-

sons. Selon les agents immobiliers locaux, au-delà de la

crise russe, la mauvaise image économique et fiscale de la

France n’est pas étrangère à la désertion de la ville par une

clientèle étrangère. Celle-ci, qui souhaite malgré tout résider

sur la Riviera sans être propriétaire, pourra envisager deux

options : louer un bien de prestige lors de son passage ou

acquérir un bien sur le rocher monégasque si les conven-

tions fiscales sont compatibles avec son pays d’origine. Les

propriétaires doivent accepter de fortes négociations ou pro-

poser leurs biens en location meublée afin de couvrir des

coûts annuels (fiscalité locale, ISF, charges, frais d’entre-

tien,…) pouvant représenter jusqu’à 4 % de la valeur de la

maison. Les étrangers restent particulièrement sensibles aux

problèmes de sécurité. Les domaines sécurisés sont souvent

un avantage par rapport aux propriétés isolées qui néces-

sitent un service de gardiennage à l’année.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

la mondialisation de l’immobilier de luxe 34

Page 35: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

parisiens pour se recentrer à l’étranger. Ces mises en vente

ont gonflé les stocks et cela a impacté les prix de vente. Avec

l’appréciation du dollar sur l’euro, on voit revenir entre

autres, les Américains, qui souhaitent profiter du niveau de

la devise américaine et de l’attractivité des prix par rapport

à New-York ou Londres.

Paris redevient attractif au niveau des prix, mais les non-

résidents sont assujettis à l’ISF, ce qui peut être un frein

pour les biens de plusieurs millions d’euros. La capitale

regorge de magnifiques biens haussmanniens, mais ne

dispose pas assez d’appartements neufs de prestige et de

belles superficies. Il existe une clientèle qui souhaiterait

bénéficier des prestations et services sur-mesure dans l’im-

meuble où elle réside (piscine, spa, concierge, régisseur,

parking sécurisé,…).

Figure 1. Évolution du prix d’un appartement place Furstenberg, à Paris 6e, de 1998 à 2013(Source : Nicolas Tarnaud.)

PARIS Les appartements supérieurs à 400 m2 se sont vendus avec

beaucoup de difficultés ces dernières années. Leurs proprié-

taires français ou étrangers, ont dû revoir leurs prétentions

à la baisse ou les proposer sur le marché de la location en

attendant des jours meilleurs. De nombreux appartements

de luxe se trouvent sur le marché depuis quelques années.

En effet, de nombreux propriétaires ont cédé leurs actifs

0

5000

10000

15000

20000

25000

30000

1998 2013

Inflation coût de la vie : + 27,9 %

Augmentation du prix immobilier : + 226 %

9100€/m2

30000€/m2

résidentiel 35

Page 36: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

Page 37: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

n° 9

1

37

IMMOBILIER COMMERCIAL

CENTRES COMMERCIAUX : PRÉSERVATION DES RENDEMENTS Par Béatrice Guedj, Managing Director, Research and Strategy, Grosvenor.

CENTRES COMMERCIAUX : QUEL MODÈLE POUR DEMAIN ? Par Jérôme Le Grelle, Président de Convergences – CVL.

Page 38: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

CENTRES COMMERCIAUX : PRÉSERVATION DES RENDEMENTSPar Béatrice Guedj, Managing Director, Research and Strategy, Grosvenor.

5

5.1 / DES RENDEMENTS APPÉTISSANTS

D epuis les années 2000, l’immobilier pour les grands

investisseurs européens constitue 3 % à 8 %, en

moyenne, de leur allocation globale. Depuis la dernière

crise, en 2008, les commerces, pour les grands investisseurs

institutionnels, sont devenus une allocation de choix et la

concurrence pour ces produits n’a fait que s’accroître par-

tout en Europe. Quelques faits stylisés pour comprendre le

marché européen.

Le commerce reste la deuxième classe d’actifs la plus tran-

sactée après les bureaux, sur les vingt dernières années. Cet

engouement s’explique par les rendements que cette classe

d’actifs a pu générer sur moyen et long termes.

Sur les quinze dernières années, selon les données IPD-

MSCI disponibles jusqu’en 2004, le commerce, en Europe,

a offert un rendement moyen supérieur à celui des bureaux

et autres classes d’actifs. Sur cette période, ce différentiel,

ou premium des rendements des commerces sur celui des

bureaux, a été de 230 points de base, en moyenne.

Bien que la classe d’actifs commerce de l’univers IPD-MSCI

associe pieds d’immeuble, centres commerciaux et retail

parks, l’univers d’analyse par pays (Grande-Bretagne, France,

Suède, Italie, Espagne et Belgique) montre que l’essentiel

des données traitées dans le benchmark IPD-MSCI est plus

représentatif des centres commerciaux que du reste des actifs

de commerce. En cela, les indices IPD-MSCI par grands

pays européens offrent un échantillon suffisamment repré-

sentatif de la performance des centres commerciaux comme

investissements comparativement à celle des bureaux.

À titre indicatif, sur les dix dernières années, les rende-

ments moyens des centres commerciaux en Europe ont été

de 6,9 % par an. Cette analyse sur les seules dix dernières

années gomme les changements structurels qui se sont opé-

rés entre les différents marchés européens et évite, ainsi,

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

38

Page 39: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

qu’un « effet rattrapage » en termes de taux n’explique quasi

seul les différentiels de performance entre périmètres géo-

graphiques.

Sur cette même période, la France fait figure de championne

avec un rendement de 12,1 % par an, en moyenne, suivie

de la Suède, dont le rendement se hisse à 8,6 % par an. En

Grande-Bretagne (voir encadré ci-dessous), les rendements

restent supérieurs à la moyenne européenne, mais inférieurs

à ce qu’ils sont en France ou en Suède. Une analyse plus fine

des données IPD britanniques démontre que les dispersions

des rendements autour de la moyenne nationale sont beau-

coup plus élevées, car les rendements des centres commer-

ciaux sont très différents selon la localisation, la taille des

centres ou le « vintage » des centres.

Le marché des commerces en Grande-Bretagne est

l’un des plus diversifiés en matière de produits : pieds

d’immeuble, centres commerciaux et retail parks. Il est

considéré comme le marché le plus liquide, en Europe,

pour la classe des centres commerciaux. Le marché a été

caractérisé par l’entrée de nouveaux acteurs, fonds sou-

verains en direct ou en indirect. Ce marché est bien plus

volatil que ses pairs européens, mais il l’est moins que le

secteur des bureaux en Grande-Bretagne. Cette moindre

volatilité explique son grand intérêt aux yeux des insti-

tutionnels qui ambitionnent d’investir en Grande-Bre-

tagne. Les rendements à long terme sont de 8 % par an,

mais très dispersés. Comme le démontre le graphique

ci-contre, les rendements en capital sont très différents

selon la taille des centres : ils sont une fonction croissante

de la taille des centres, et cela même si les rendements

locatifs sont moins élevés que sur des centres de plus

petite taille. Cela pourrait paraître paradoxal, mais une

analyse plus fine démontre que la taille est aussi corrélée

au « vintage » du centre. Les nouveaux grands centres

ont tendance à surperformer en termes de rendements en

capital, mais également en termes de rendements locatifs.

En termes de couple rendement-risque, le commerce offre

un ratio supérieur à 1 sur long terme, et cela en tenant

compte des différents cycles haussiers et baissiers dans la

majorité des pays en Europe. Sur long terme, soit sur dix,

quinze ou vingt ans, lorsque les données sont disponibles,

une analyse par pays montre que le couple rendement-

risque de l’actif commerce est toujours plus élevé que dans

les bureaux. Cette supériorité du couple rendement-risque

s’explique par une moindre volatilité des rendements en

commerce comparativement à celle des bureaux.

0

1

– 1

– 2

– 3

– 4

2

3

4

5

6

7

Commerces

< 7 000 m 2

7 001 - 14 000 m 2

14 001 - 25 000 m 2

25 001 - 50 000 m 2

>50 000 m 2

Rendement total Rendement en capitalRendement locatif

Tous secteurs Bureaux

Rendement 2003 - 2014, en %

Couple risque-rendement

5,8

6,0

6,2

6,4

6,6

6,8

7,0

7,2

7,4

– 0,1

0

0,3

0,5

0,7

0,9

1,1

1,3

1,5

Commerces Industriel

Figure 1. Rendements du commerce à 10 ans en Grande-Bretagne, par taille d’actif, en % (Sources : IPD-MSCI et Grosvenor Research.)

Figure 2. Rendements en Europe en commerce (2003-2014), en % (Sources : IPD-MSCI et Grosvenor Research.)

immobilier commercial 39

Page 40: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

COMPARAISON DES RENDEMENTS IMMOBILIERS À 10 ANS, PAR TYPE D’ACTIF, EN FRANCE, EN GRANDE-BRETAGNE ET EN SUÈDE

La moindre volatilité des rendements locatifs et en capital

des commerces par rapport aux bureaux est surtout obser-

vée en phase baissière du cycle immobilier. La croissance

de la consommation, moteur des rendements immobiliers, a

plus d’inertie que la croissance de l’emploi de bureau, plus

volatil et élastique aux cycles économiques.

La crise de 2008 aura encore plus accentué le différentiel

entre performances de ces deux classes d’actifs, commerces

et bureaux, dans l’ensemble des pays européens. En effet,

la reprise ne s’est pas caractérisée par un rebond du PIB

et de l’emploi, mais plutôt par une croissance poussive et

graduelle, notamment au sein de la zone euro. La croissance

de la consommation a fait preuve de plus de résilience en

dépit de la consolidation fiscale que la croissance de l’em-

ploi dans l’ensemble des pays européens. Cette résilience

de la consommation a été encore plus marquée dans les

grandes agglomérations européennes, où les rendements

des centres commerciaux ont continué de surperformer par

rapport à la moyenne.

L’année 2014 marque un tournant, comme le démontre la

figure 6, puisque l’indice agrégé IPD-MSCI pour l’ensemble

des pays européens enregistre une très forte hausse des ren-

dements : la hausse de ces rendements a été générée par

un rebond des valeurs vénales, fin de la crise de la dette

souveraine oblige, mais également par une forte hausse des

rendements locatifs, en lien avec un rebond de la consom-

mation dans la majorité des différents pays.

LA CRISE DE 2008 AURA ENCORE PLUS ACCENTUÉ LE DIFFÉRENTIEL ENTRE

PERFORMANCES DES COMMERCES ET BUREAUX, DANS L’ENSEMBLE DES PAYS EUROPÉENS.

Rendement total

Commerces Bureaux Tertiaire Tous types

Rendement en capitalRendement locatif

-0,5

1,5

3,5

5,5

7,5

9,5

11,5

Figure 3. Rendements à 10 ans en France, par type d’actif immobilier, en % (Sources : IPD-MSCI et Grosvenor Research.)

Rendement total

Commerces Bureaux Tertiaire Tous types

Rendement en capitalRendement locatif

- 1

0

1

2

3

4

5

6

7

Figure 4. Rendements à 10 ans en Grande-Bretagne, par type d’actif immobilier, en % (Sources : IPD-MSCI et Grosvenor Research.)

Rendement total

Commerces Bureaux Tertiaire Tous types

Rendement en capitalRendement locatif

0123456789

10

Figure 5. Rendements à 10 ans en Suède, par type d’actif immobilier, en % (Sources : IPD-MSCI et Grosvenor Research.)

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

préservation des rendements 40

Page 41: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

Les volumes d’investissement en commerce dans l’ensemble des pays européens se sont fortement accélérés, depuis la crise (voir figure 7) et la part des commerces dans le volume glo-bal d’investissement s’est également accrue dans l’ensemble des pays européens. Cet appétit s’est caractérisé par une très forte baisse des taux en regard de politiques monétaires très accommodantes partout en Europe (quantitative easing de la Banque d’Angleterre, de la Banque Centrale Européenne ou de la Risksbank, l’autorité monétaire suédoise). Dans l’en-semble de ces pays, les taux « prime » des centres commer-ciaux sont aujourd’hui bien en deçà de leur moyenne de long terme, même si les « spreads » avec les taux à dix ans dans chacun des pays européens restent encore élevés.

5.2 / DES RENDEMENTS DISPERSÉS, LIÉS À UNE CONSOMMATION PLUS DIGITALE

S i les centres commerciaux restent des actifs de choix

dans les poches d’allocation des grands institutionnels

européens, les performances récentes et les écarts de perfor-

mance entre les centres commerciaux pour tous les grands

pays européens posent des questions sur les mutations

nécessaires du traditionnel centre commercial, au-delà de

celles déjà observées.

Les écarts de performance constatés s’expliquent par deux

raisons, essentiellement : des croissances du pouvoir d’achat

et de la consommation insuffisantes dans la zone de chalan-

dise de certains centres commerciaux, ou un effet de canni-

balisation provoqué par l’e-commerce.

En Grande-Bretagne, en France, en Espagne ou en Suède,

la sous-performance de petits centres ou de centres moyens

s’explique par l’incapacité de la zone de chalandise à renouer

avec son potentiel de croissance de la consommation tel

qu’observé dans le passé. Une analyse plus fine des données

désagrégées de certains centres démontre que la consom-

mation sous-potentielle au regard de sa tendance moyenne

passée est le plus souvent liée à un manque de croissance

de la productivité par tête dans la zone de chalandise ou aux

alentours, de l’emploi, et donc du pouvoir d’achat. D’autre

part, les études par pays montrent que la propension à

consommer sur internet, soit la part de la dépense faite sur

internet par rapport au revenu, s’est accélérée au cours de

ces dernières années avec une révolution du comportement

de consommation. Les ventes en ligne, et la désintermédia-

tion du commerce en général, se sont véritablement accélé-

rées avec l’apparition des smartphones en 2008.

Au sens de la théorie économique, le commerce en ligne

offre une forte économie de transaction via une réduction de

prix, du coût de transport physique, voire du coût psycholo-

gique pour le consommateur.

Rendement en Europe pour l’ensemble des actifs immobiliers

Rendement moyen sur 10 ans : 6,91%

Rendement en Europe en commerce-25

-20

-15

-10

-5

0

5

10

15

20

25

2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

Figure 6. Rendements en Europe pour l’ensemble des actifs immobiliers vs les commerces, entre 2003 et 2014, en %(Sources : IPD-MSCI et Grosvenor Research.)

Figure 7. Volumes d’investissement en Europe dans le commerce, de 2008 à 2015, en millions d’euros(Sources : RCA et Grosvenor.)

0

10000

20000

30000

40000

50000

60000

70000

Volumes d’investissement en Europe dans le commerce

T1 200

8

T2 200

8

T3 200

8

T4 200

8

T1 200

9

T2 200

9

T3 200

9

T4 200

9

T1 201

0

T2 201

0

T3 201

0

T4 201

0

T1 201

1

T2 201

1

T3 201

1

T4 201

1

T1 201

2

T2 201

2

T3 201

2

T4 201

2

T1 201

3

T2 201

3

T3 201

3

T4 201

3

T1 201

4

T2 201

4

T3 201

4

T4 201

4

T1 201

5

immobilier commercial 41

Page 42: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

Aujourd’hui, en Europe, les ventes en ligne représentent de

3 % à 16 % des ventes au détail. En Grande-Bretagne, l’éco-

nomie européenne la plus digitalisée, la contribution des

ventes en ligne aux ventes totales est de 16 % contre 10 %

en France. La Suède, les autres pays scandinaves et l’Alle-

magne sont entre les deux, avec des taux supérieures à 10 %

mais encore loin de notre voisin britannique.

L’Espagne et l’Italie semblent épargnées ou « à la traîne »,

puisque les ventes en ligne ne représentent encore qu’une

proportion inférieure à 6 % des ventes totales à cause d’une

infrastructure moins établie.

Cette révolution digitale a pénalisé certains centres commer-

ciaux plus que d’autres, expliquant la polarisation croissante

du marché des centres commerciaux et des écarts de perfor-

mance des rendements entre les moins et plus vulnérables

des actifs. Cette révolution digitale a également pénalisé les

grandes enseignes commerciales, dans un premier temps.

Toutefois, au regard des chiffres d’affaires plus récents des

grandes enseignes européennes cotées et des rendements

locatifs des grandes foncières cotées, il semblerait que ces

acteurs aient rapidement réagi et finalement embrassé cette

nouvelle révolution digitale au lieu de la subir. Enseignes

et foncières cotées ont, en effet, renoué avec une nouvelle

dynamique de croissance en opérant une mutation digitale

synonyme de rendements sécurisés à moyen et long termes

pour leurs investisseurs. Grâce au développement du « click

and collect », comme contre-offensive, les prophéties apoca-

lyptiques sur la mort du commerce physique ne se sont pas

avérées, tant pour les enseignes que pour les centres.

En Grande-Bretagne, selon Deloitte, aujourd’hui 40 % des

centres commerciaux sont équipés de « click and collect » et

selon Verdic, 68 % des « shoppers » en ligne utilisent le « click

and collect ». Plus informatif, près d’un tiers des clients font

une dépense supplémentaire à la suite du retrait en magasin

et ce surplus est en moyenne de 18 livres par visite.

Dans leur rapport annuel, toutes les foncières européennes

témoignent de ce nouvel équipement. La foncière British

Land, par exemple, dont le portefeuille est uniquement bri-

tannique, suggère que 64 % des « shoppers » passant par le

« click and collect » font plusieurs achats dans ses centres.

En France, selon la FEVAD, moins de 50 % des achats ont

été livrés à domicile en 2014, le consommateur préférant le

retrait en magasin. La Fnac a également suivi cette évolu-

tion stratégique du « click and collect » pour doper les cent

huit points de vente. En 2014, 30 % des commandes internet

étaient retirées en magasin contre 22 % en 2012. Au-delà du

service et autres leviers que développe la Fnac pour recréer

le lien d’antan avec son consommateur, l’enseigne française

reconnaît également que tout retrait est aussi un vecteur

pour motiver d’autres achats.

Les ventes en ligne continuent d’augmenter à un rythme

élevé, de 10 % à 15 %, en moyenne, selon les différents pays

européens. Pour les enseignes, ces ventes en ligne signifient

moins de marge que dans les magasins physiques, c’est la

raison pour laquelle les enseignes continueront à faire de

leur boutique le lieu privilégié de la rencontre.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

préservation des rendements 42

Page 43: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

Si le « click and collect » devient la plateforme pour géné-

rer du chiffre d’affaires lors du retrait en magasin, il récolte

surtout, par des algorithmes, d’une nouvelle génération, une

mine d’information sur le chaland. Aujourd’hui, les enseignes

et les foncières savent qu’un achat sur deux se fait sur tablette

et chacun des acteurs doit tenir compte du fait que plus de

la moitié des clients en ligne va également sur les réseaux

sociaux pour « liker » un produit ou une ambiance, y poster

des commentaires et des photos. Les philosophes diraient

que le lien social physique se distend au profit d’un réseau

social virtuel omniprésent. Les pragmatiques et les « data

scientists » (les spécialistes de la donnée, qu’ils soient infor-

maticiens, statisticiens ou mathématiciens) diront qu’il est

possible d’explorer ces données d’univers aussi différents que

variés, de les analyser et d’en faire un nouveau « Graal » pour

lutter contre le consommateur volage, mais également pour

opérer une mutation plus cartésienne du centre commercial

– data à l’appui !

Le « big data » est l’appellation, très en vogue, synonyme

d’un ensemble de données infiniment grand (megadata) et

massivement parallèles, tant par leur volume que par leur

historique. Le stockage de ces données, de sources multiples

et très différentes, n’est plus un problème, aujourd’hui, grâce

à la numérisation, la quatrième révolution technologique de

notre temps. Une fois numérisée, l’information peut être

traitée et stockée.

Le « datamining » est l’analyse de l’information émanant de

ces grands volumes de données de formats très différents.

Pour faire rapide, il s’agit de traiter ces mégadonnées, c’est-

à-dire de trouver des corrélations entre des variables ou de

décorreler des variables pour éviter de passer à côté des vrais

liens de causalité sur le comportement d’achat. Il convient,

ensuite, d’analyser, classer et interpréter ces variables.

Les enseignes ont probablement eu un temps d’avance sur

les foncières, au regard des données qu’elles ont pu collecter

via leur stock, leurs ventes en ligne et les réseaux sociaux

(« text mining »). Ce « datamining », aussi nommé « retail

analytics » de manière plus commerciale et sexy que « big

data » ou « datamining », a permis aux enseignes de retra-

vailler, dans un premier temps, leur espaces et d’être plus

performantes en matière de ventes par mètre carré.

En moins de trois années, la taille moyenne des surfaces

prises par les locomotives dans les centres commerciaux, par

les « fast fashion retailers », Zara, H&M, ou Next, a augmenté

de 8 % à 15 % (33 % pour Next), ce qui peut paraître para-

doxal pour le commun des mortels. Les algorithmes mis en

place par les « data scientists » après croisement des données

ventes en ligne, adresses IP, ventes « in store » et autres clicks

sur les articles en ligne, ont suggéré que la taille moyenne des

« flagships » dans les centres commerciaux devait être plus

grande pour combiner l’offre en ligne et hors ligne (in-off), et

créer une forme « d’écosystème » pour l’enseigne.

Parallèlement à l’accroissement des surfaces, la profitabi-

lité des boutiques dans les centres commerciaux a elle aussi

été en hausse. Au-delà d’une rationalisation des coûts de la

hausse de la productivité, soit les ventes par mètre carré, a

été tirée par la gestion des stocks, elle aussi ultranumérisée

mais pas seulement : les puces émettrices de radio-fréquences

sur les codes-barres des différents articles ne se contentent

pas de donner le prix en caisse, elles servent aussi à gérer

les stocks et à récupérer les données à distance depuis le

lieu d’achat jusqu’au lieu d’habitation – et forcément de la

potentielle zone de chalandise – information vitale, pour les

enseignes, mais également pour les centres commerciaux.

LES VENTES EN LIGNE SIGNIFIENT MOINS DE MARGE QUE LES

MAGASINS PHYSIQUES, C’EST LA RAISON POUR LAQUELLE LES ENSEIGNES CONTINUERONT À FAIRE DE LEUR BOUTIQUE LE LIEU PRIVILÉGIÉ DE LA RENCONTRE.

immobilier commercial 43

Page 44: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

Les foncières européennes ont bien compris que l’innova-

tion était la clé de voûte et du leadership en matière de

commerce. Aux cartes de fidélité ont succédé les apps, qui

peuvent être « sésames » ou « gadgets », selon les modules

qu’elles développeront. À titre indicatif, 50 % des Français

sont équipés d’un smartphone et près de 55 % en Grande-

Bretagne et en Suède, ce qui laisse présager que la mutation

des centres doit s’accélérer pour ne pas perdre ses chalands,

plus volages que par le passé.

L’investissement technologique en infrastructure pour

favoriser le « big data » est la nouvelle R&D de demain des

centres commerciaux, au-delà de la simple app. Les données

récupérées par géolocalisation et les algorithmes développés

par les « data scientists » sont les nouveaux outils de prédi-

lection pour donner une information très fine, des clients,

de leurs déplacements, de leurs habitudes de consomma-

tion et de leur lieu de résidence, par exemple. Ils créent un

cercle vertueux pour un shopping plus ciblé et, forcément,

augmentent la dépense par tête du panier moyen au sein du

centre commercial.

La foncière britannique Hammerson utilise depuis 2013 l’ap-

plication Kudos (littéralement « gloire, prestige » en anglais),

carte de fidélité VIP disponible sur les smartphones. Cette

application customise en temps réel les offres envoyées aux

« shoppers » du centre. Sur l’ensemble de son portefeuille,

Hammerson montre que l’utilisation de cette application

augmente le temps passé dans le centre de plus d’un tiers,

et multiplie le nombre de boutiques visitées par 1,1. On peut

imaginer qu’en recevant un « voucher » à dépenser dans une

certaine boutique, le « shopper » y passera plus de temps

pour dénicher l’article de ses rêves – même si, de prime

abord, il n’était pas très emballé.

La technologie « iBeacon » va plus loin que l’application

Kudos. Elle combine les mondes digital et réel via une appli-

cation mobile et dispose du bluetooth. L’enjeu est d’envoyer

une information dite « contextuelle », soit la bonne infor-

mation à la bonne cible à la bonne localisation comme une

promotion : un traditionnel « marketing in store ». Parallèle-

ment, c’est un puissant moyen de récupérer les informations

(soit un volume de statistiques important) sur ceux qui ont

téléchargé l’application.

Mathématiquement, il s’agit d’optimiser la propension à

l’achat de la cible et, d’un point de vue marketing, de person-

naliser la relation client cross-canal. L’iBeacon est indénia-

blement un puissant outil d’analyse en temps réel, mais pas

seulement, car les données liées à l’espace physique ou sur le

comportement des visiteurs sont stockées, à la manière d’un

Google Anatytics pour le monde réel. Cette technologie a été

utilisée par British Land pour la première fois en 2013, durant

sa traditonnelle « ladies night », organisée pour son centre

Meadowhall : le succès a été tel qu’il est maintenant pérenne.

En téléchargeant l’application, les « shoppeuses » recoivent

des promotions customisées sur leur smartphone. L’appli-

cation cible l’âge, les goûts, et autres variables clés pour

déclencher l’achat « d’impulsion » du consommateur, même

si cela n’en est plus vraiment un. Cette technologie connaît

probablement mieux la « shoppeuse » que la « shoppeuse »

ne se connaît elle-même. La mise en place de cette activité a

donné lieu à des pics d’activité, de trafic et de chiffres d’af-

faires pour l’ensemble des enseignes : la dépense par tête a,

de fait, été forcément bien au-delà de la dépense moyenne

de la « shoppeuse » représentative, puisque les offres sont

hiérarchisées et organisées par groupes de « shoppeuses »,

selon un vecteur multicritères.

En France, Darty aurait été accompagné par Bealder, startup

française, sur le même principe pour mieux satisfaire les

besoins de ses clients.

Aux États-Unis, cette technologie est disponible via l’appli-

cation Shopkick. L’entreprise a été pionnière en équipant

ces iBeacons chez American Eagle, l’enseigne de mode fast

fashion, et Macy’s, la chaîne de grands magasins américaine.

Elle explique probablement les rebonds d’activité de Macy’s

au-delà des traditionnels effets de saisonnalité.

Les nouvelles techniques de collecte d’informations et de

données par ces nouvelles technologies depuis les smart-

phones sur les comportements de consommation peuvent être

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

préservation des rendements 44

Page 45: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

représentées par « heatmap » ou en encore par « eye trac-

king » (comme le faisaient autrefois les études marketing), de

manière statique ou dynamique, via le temps et l’espace : une

visualisation en 3D quasi magique qu’offrent les dernières

techniques numériques. Les volumétries de données en jeu

ne sont plus un problème ; la variété non plus, tant la démul-

tiplication des outils de collecte est sophistiquée et puis-

sante. Quant à la fréquence à laquelle les données sont géné-

rées, elle peut être « quasi infinie ». Le champ d’analyse est

immense et le « data scientist » peut faire parler les données,

de manière descriptive, pour dégager les tendances ou de

manière inférentielle pour dégager des prédictions. Ces nou-

velles technologies deviennent fondamentales pour repenser

le retail mix de demain, développer de nouveaux produits,

espaces de loisir et autre, et refidéliser le consommateur.

Les résultats trimestriels ou annuels des grandes foncières

en Europe démontrent que la productivité des boutiques

s’est améliorée, le couple « big data » et « datamining » en

constituant les principaux facteurs, même si non formulés en

tant que tels. À l’opposé du spectre, les centres secondaires,

souvent petits, qui ne peuvent endiguer la baisse de leur

productivité en raison des ventes en ligne. Ces petits centres

ne peuvent s’équiper de telles technologies au regard du

coût d’entrée de l’infrastructure.

Aussi, la polarisation entre les performances des centres

commerciaux telle qu’observée à l’échelle européenne ne

s’explique plus seulement par un différentiel de richesse

entre les zones de chalandise : elle est aussi le fait de la

capacité à mettre en place ces nouvelles innovations pour

générer du chiffre d’affaires et, in fine, du rendement. Cela

est incontestablement plus aisé pour une grande foncière

qui bénéficie d’économies d’échelle via un effet portefeuille ;

cela l’est nécessairement moins pour les détenteurs de petits

centres ou les « petits » investisseurs.

Il est indéniable que les smartphones sont les espions

d’un nouveau genre, soit le « big brother » de la révolution

numérique. Ils sont aussi le facteur de mutation du com-

merce en général et du centre commercial en particulier.

Comme le disait le psychologue et prix Nobel d’économie

Kahneman « c’est le souvenir de l’expérience qui influence

le consommateur dans son choix de répéter une expérience

via l’émotion ». Or, Kahneman disait aussi, dans son der-

nier best-seller Thinking Fast and slow publié en 2011,

que « les goûts et les décisions sont formés par les souve-

nirs, mais les souvenirs peuvent être faux ». Le « big data »

est donc l’arme infaillible de la mémoire, par le stockage

des données. Quant au « datamining », il crée ces aspira-

tions émotionnelles si nécessaires à l’achat. Il semblerait

que l’écart de performance des rendements des centres

commerciaux continue de subsister et la polarisation du

marché de s’accentuer via les développements récents et

à venir. Un processus « quasi darwiniste » paraît s’opérer

sur le marché ; seuls les centres commerciaux susceptibles

de s’équiper des nouvelles infrastructures du commerce 3.0

seront capables de générer un plus fort rendement locatif

et, mécaniquement, un rendement en capital plus élevé que

leurs pairs.

immobilier commercial 45

Page 46: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

CENTRES COMMERCIAUX : QUEL MODÈLE POUR DEMAIN ?Par Jérôme Le Grelle, Président de Convergences – CVL.

6

L ongtemps adulées, reconnues pour leur résilience,

les performances du centre commercial, en tant que

concept, sont aujourd’hui scrutées, analysées, décortiquées,

alors qu’elles montrent des signes d’essoufflement de plus

en plus marqués. Faiblesse conjoncturelle ou déclin annoncé

d’un modèle qui doit se renouveler en profondeur ?

6.1 / UN DÉCLIN DE LA FRÉQUENTATION DES LIEUX DE COMMERCE

Conçus, en effet, pour répondre aux enjeux d’une consom-

mation de masse, dans un contexte de fort développe-

ment démographique et économique, les centres commerciaux

sont aujourd’hui confrontés à des bouleversements profonds :

◗ le marché est saturé en termes de projets, de plus en plus

nombreux, et de plus en plus proches de leurs clients, au

sein de zones de chalandise resserrées ;

◗ les modes de consommation évoluant, le principe de la pro-

fusion, du choix le plus large n’est plus l’avantage discrimi-

nant, les hypermarchés en ont déjà fait l’amère expérience… ;

◗ les manières mêmes d’acheter ont changé, en évoluant

d’une visite au centre commercial à des moments précis,

suivant un rituel bien organisé, à une façon de consommer

« quand je veux, où je veux, comme je veux ». Une nou-

velle liberté que ne cessent de découvrir les clients d’au-

jourd’hui, à la faveur du développement d’un commerce de

proximité, du digital et de l’internet.

La plupart des indicateurs de performance sont à la

peine, qu’il s’agisse de la vacance qui, depuis 2008, est en

constante augmentation, des chiffres d’affaires aux mouve-

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

46

Page 47: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

ments erratiques échappant à toutes prévisions, ou encore

des trafics visiteurs qui stagnent, quand ils ne baissent pas…

Ce phénomène n’est pas propre aux centres commerciaux,

mais affecte bien l’ensemble des « lieux » du commerce et de

la distribution ; les difficultés que continuent de rencontrer,

notamment, nombre de centres-ville, qui ne « profitent » pas

des faiblesses de ceux qui ont trop souvent été présentés

comme leur principal ennemi, en témoignent largement.

DES LOCOMOTIVES DONT LE MOTEUR S’ESSOUFFLEPlus spécifiquement, les performances du centre commercial

sont de plus en plus souvent, et très directement, affectées

par la baisse même de régime de ses enseignes phares, judi-

cieusement dénommées « locomotives ». En effet, la puis-

sance d’attraction d’un centre commercial, indépendamment

de sa localisation, a toujours été immédiatement corrélée à

celle de ses « locomotives ». Que celles-ci faiblissent, et c’est

tout le centre qui s’affaiblit !

Les premiers signes d’alerte sont apparus avec l’alimen-

taire ; ce secteur, bien que restant une valeur sûre, parce

que sachant encore répondre à un besoin quotidien, récur-

rent et régulier, a progressivement perdu en puissance,

alors que c’est cette offre qui assure (ou qui assurait ?) la

part essentielle du trafic. Signe des temps, le gigantisme des

hypermarchés dépassant les 10 000 m2 de surface de vente

se réduit au profit d’unités de taille plus réduite.

Leur pendant traditionnel, que représentaient des enseignes

comme la Fnac, ne font plus le poids, ou ont carrément dis-

paru, comme Virgin. Pire encore, elles n’ont pas été réelle-

ment remplacées, aucun équivalent capable d’être force de

destination et de venir en complément de l’offre existante,

sans venir la concurrencer, n’ayant pu émerger à ce jour.

Par défaut, cette situation fait la part belle aux puissants du

moment (tels Primark, Apple Store…), que l’on s’arrache et

qu’on installe à prix d’or, pour venir jouer ce rôle, malgré,

sans doute, des dégâts collatéraux sur l’offre concurrente

en place. On ne sait pas bien combien de temps cela pourra

durer, avant que d’autres concurrents, plus forts encore, ne

viennent prendre la place !

UN CONCEPT GALVAUDÉEn outre, souvent conçus à partir d’une approche « efficace

et utilitaire », les centres souffrent de plus en plus de déca-

lages avec leur environnement :

◗ décalage avec les attentes des consommateurs, qui

recherchent une offre plus expérientielle, accompagnée de

plus de services, plus de vie et d’animation ;

◗ décalage des formats et des concepts, devenus progressi-

vement obsolètes ;

◗ décalage en taille, se retrouvant parfois surdimensionnée,

sous l’effet concomitant de la densification des mètres car-

rés commerciaux et de l’élargissement des possibilités de

consommer par d’autres moyens que par la simple venue

au centre commercial ;

◗ décalage en termes de localisation, au sein d’un environ-

nement urbain qui a évolué.

immobilier commercial 47

Page 48: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

Face à cette situation, tous les centres commerciaux ne sont cependant pas égaux et n’ont pas tous les mêmes armes pour réagir. Les grandes foncières ont déjà amorcé un mouvement de concentration sur les sites dits « prime », caractérisés par une taille jugée critique, capable d’offrir une offre large, appuyée par des enseignes puissantes, et situés au sein d’en-vironnements urbains denses. Derrière ce mouvement, il y a le constat, souvent non avoué, que la puissance d’attraction d’un site, fondée uniquement sur son offre, ne suffit plus. Il leur apparaît dorénavant indispensable de s’assurer de flux « naturels », en venant s’y greffer directement, à l’instar des enseignes qui vont ouvrir des magasins dans les gares, dans les aéroports, ou encore même dans des stations-service. Mais une telle stratégie ne peut s’appliquer qu’à une infime partie du portefeuille des centres commerciaux développés en France : en effet, ceux-ci (considérés comme étant essen-tiellement des centres régionaux et suprarégionaux, selon la classification CNCC) ne représentent, en nombre, que 12 % de l’ensemble des centres recensés. Pour le « reste » de ce portefeuille, c’est-à-dire l’essentiel de ce qui couvre le terri-toire français, la question reste entière et est donc clairement posée de savoir comment s’adapter à ce nouveau contexte. Comment recréer les conditions d’une nouvelle dynamique ?

6.2 / REPENSER LE MODÈLE DES ENSEMBLES COMMERCIAUX

Ce contexte général et ces constats imposent impérati-

vement de réfléchir en profondeur sur ce que doivent

être, aujourd’hui, les critères d’attractivité pour un centre.

Que faut-il imaginer pour relancer la machine et redonner

à ces sites un vrai pouvoir d’attraction, les rendant capables

de se maintenir par eux-mêmes, capables de rester des

lieux de destination à part entière ? Poser cette question,

c’est tout simplement se poser la question de la vocation,

aujourd’hui, du centre commercial.

Sans renoncer aux fondamentaux classiques, préalables au

choix d’une bonne implantation, et à une bonne gestion d’un

site commercial, il est aisé de constater que ces derniers ne

sont plus suffisants pour faire face à la situation actuelle

du marché et à ses nouveaux enjeux. La professionnalisa-

tion des acteurs et des processus de conception a conduit

progressivement à une uniformisation des espaces com-

merciaux, à l’homogénéisation des offres, aboutissant fina-

lement à une certaine banalisation des projets, au travers

d’une approche, certes efficace, mais qui a perdu du sens.

Trop souvent, le projet de centre commercial, se suffisant à

lui-même, s’est imposé dans un environnement dont il n’a

pas su (ou pu) tenir compte pour s’y enraciner, et surtout

pour s’y ouvrir.

DES CENTRES À L’IDENTITÉ AFFIRMÉELes consommateurs, devenus clients, ont changé et, sur-

tout, ils ont le choix ! C’est une évidence qui doit pousser

les concepteurs et gestionnaires de centres commerciaux

à revoir en profondeur la manière de répondre à leurs

attentes.

Les ensembles commerciaux de demain devront donc être

nécessairement contextuels – ce qui est une évidence –, non

seulement au regard de l’architecture, mais aussi de la pro-

grammation, du positionnement commercial, des valeurs

qu’ils véhiculeront et qui puiseront de plus en plus leur légi-

timité dans l’environnement local du projet.

Pour y parvenir, la vocation du lieu doit être pleinement

appréhendée, bien au-delà du seul critère de l’emplacement.

Ancrer le centre sur son territoire, c’est donc d’abord cher-

cher à le comprendre, en faire l’analyse systématique, en

LA PUISSANCE D’ATTRACTION D’UN SITE, FONDÉE

UNIQUEMENT SUR SON OFFRE, NE SUFFIT PLUS.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

quel modèle pour demain ? 48

Page 49: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

passant au crible son histoire, son architecture, son écono-

mie, sa culture,… Bref, il s’agit de repérer tous les éléments

qui en font un lieu identitaire dans lequel les clients doivent

pouvoir se reconnaître naturellement. Pour y parvenir, il

faut impérativement – sinon remettre en cause – au moins

compléter les approches classiques par d’autres, plus pous-

sées, pouvant aller jusqu’à l’usage de la sémiologie : Carine

Fays (1) n’hésite pas, dans ce sens, à conseiller d’arrêter de

faire du marketing, pour devenir ethnologue !

De cette manière, il sera possible d’inscrire tout projet dans

un lieu qui (re)trouve, une vocation particulière, sa vocation

qui lui est propre, qui le rend distinct des autres, et dans

lequel tout visiteur devra trouver naturellement ses repères.

Il existe déjà beaucoup d’exemples de ces lieux, dont l’iden-

tité et la vocation pleinement intégrées en ont fait des succès

non seulement commerciaux, mais aussi urbains, culturels…

(1) Carine Fays est Coprésidente d’Égérie Research, Bruxelles.

On citera le cas de Bercy Village à Paris, Manufaktura à

Lodz, ou encore Stary Browar à Poznam.

La capacité à repositionner les centres existants de cette

manière constitue, sans aucun doute, un challenge considé-

rable. La qualité des lieux et des localisations, les contraintes

notamment physiques, liées à une conception fondée sur des

critères rationnels et économiques, sont autant d’obstacles à

surmonter pour y parvenir. Les coûts à engager sont parfois

très importants, sans qu’il soit pour autant toujours possible

de les amortir par le biais d’agrandissements, comme cela a

souvent été fait par le passé, avec plus ou moins de succès. On

notera, cependant, le cas de Parly 2 qui, entièrement rénové,

a su s’appuyer sur les codes d’origine, mais revisités et remis

au goût du jour, suivant une thématique « sixties chic ».

DES LIEUX D’EXPÉRIENCELa manière de gérer un site, l’animation et les services

offerts au visiteur doivent aussi lui faire vivre naturellement

et concrètement une expérience unique. Pour tenter d’y

répondre, les gestionnaires testent un grand nombre d’ou-

tils, notamment autour de l’événementiel, de l’éphémère,

ou encore du digital et de ses déclinaisons en matière de

services. Plus spécifiquement, l’une des pistes actuellement

explorées porte sur l’intégration de l’art et de la culture au

sein des centres commerciaux : Beaugrenelle a ainsi fait par-

tie du programme de la FIAC hors les Murs, alors que le

nouveau centre Polygone Riviera ouvre une nouvelle voie

avec son parcours artistique, intégré au sein du site ; des

expériences qui semblent prometteuses, au regard des résul-

tats annoncés. Attention, cependant, à ce que ce ne soit pas

factice, un artifice ou un accessoire, plaqué dans un planning

événementiel pour chercher à créer du trafic sans cohérence

avec les visiteurs et le lieu dans lequel s’inscrit le centre.

Ces quelques exemples montrent que certains concepteurs

et gestionnaires ont déjà saisi les enjeux et la nécessité de

faire évoluer le positionnement de leurs actifs, pour mieux

se rapprocher de leur visiteurs, et s’ouvrir un peu plus à eux

et à leur environnement.

quel modèle pour demain ? immobilier commercial 49

Page 50: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

6.3 / CONCLUSION

Ces pistes ne font sans doute que préfigurer des évolu-

tions plus profondes, plus bouleversantes, face à un

client plus versatile et exigeant à la fois, en quête de sens.

Elles impliquent une véritable révolution chez les acteurs

de l’immobilier commercial. En effet, passer de la logique

rationnelle et méthodique de conception, qui a prévalu pen-

dant des décennies, à celle de la recherche des vocations

d’un lieu dans lequel l’offre commerciale ne serait qu’une

partie de l’histoire, ou qu’une partie des services, suppose de

modifier profondément la manière de concevoir, mais aussi

de gérer un site commercial. Au risque de surprendre, il y a

fort à parier que le centre commercial de demain émergera

sans doute à partir de ces sites confrontés aux situations

les plus difficiles et condamnés à sortir par le haut. Non

protégés, de manière parfois aveuglante par des flux l’ali-

mentant naturellement, ils devront trouver en eux-mêmes

les solutions qui leur apporteront une nouvelle et puissante

attractivité.

Dans les faits, le chemin à parcourir apparaît encore long,

tout particulièrement pour les sites en exploitation, pour les-

quels la rupture avec la logique de l’offre purement mercan-

tile est encore loin d’être consommée. L’évolution passera

par une prise de conscience radicale, dont il faut espérer

qu’elle ne sera pas provoquée uniquement par les difficultés

d’exploitation et la montée violente de la vacance.

Les équilibres du modèle économique qui a prévalu jusqu’à

ce jour ont déjà commencé à être attaqués, tout particuliè-

rement au travers des négociations des conditions locatives.

Un nouveau modèle réajusté doit trouver sa place, sur la

base, notamment, d’un élargissement des différentes sources

de revenus, et d’une redéfinition des critères de valorisation

d’un site et d’un emplacement commercial.

La société de consommation a inventé le centre commer-

cial dans sillage du libre-service et du mass-market. Il doit

aujourd’hui se réinventer, pour redevenir un lieu riche de

sens, un lieu d’échange et de partage, un nouveau lieu de

vie, en quelques sorte…

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

quel modèle pour demain ? 50

Page 51: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

Professionnaliser les acteurs de l’immobilier : un enjeu majeur pour un secteur en évolution

Traditionnellement considéré comme un actif réel avec une valeur d’usage, l’immobilier obéit dorénavant à une logique de rentabilité et de placement. Dès lors, pour mieux maîtriser le développement de leur activité, les professionnels de l’immobilier et de la finance doivent acquérir des compétences techniques et une connaissance de l’environnement dans lequel ils évoluent.

C’est pourquoi Sciences Po Executive Education et l’École Nationale du Financement de l’Immobilier (ENFI), filiale du Crédit Foncier (Groupe BPCE) s’associent pour créer l’Executive Master Stratégie et finance de l’immobilier.

LORSQUE LA FINANCE DE L’IMMOBILIER RENCONTRE LA VISION STRATÉGIQUE DU DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES

Un cursus unique grâce à des savoir-faire complémentaires

L’expertise de l’ENFI dans l’accompagnement des professionnels de l’immobilier et de son financement, conjuguée à la compétence stratégique reconnue de Sciences Po sur les enjeux urbains et immobiliers favorise le croisement des perspectives. Empreint de l’apport des sciences sociales et ancré dans la réalité du secteur, l’Executive Master est un programme innovant et modulaire, adapté aux besoins du secteur.

Ilaria MilazzoResponsable de programmesSciences Po Executive [email protected]+33 (0)145 49 63 28

Isabelle PineauResponsable pédagogique à l’École Nationale du Financement de l’[email protected]+33 (0)1 57 44 82 78

VOS CONTACTS DÉDIÉS

L’immobilier est un secteur en forte évolution depuis 20 ans, impactant la conception de nos villes et territoires. L’Executive Master Stratégie et finance de l’immobilier a pour ambition de former les professionnels, en 35 jours, aux enjeux stratégiques et financiers de l’immobilier.

Page 52: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

Page 53: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

n° 9

153

RÉGIONS

LES NOUVELLES RÉGIONS FRANÇAISES ET LEURS MARCHÉS IMMOBILIERS Par Nicolas Pécourt, Directeur Communication externe et RSE, Crédit Foncier.

Page 54: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

L e 1er janvier prochain, la France comptera treize nou-

velles régions administratives. Au cours de l’été 2015,

le Crédit Foncier, en collaboration avec le Cabinet Asterès,

a consacré une étude à l’économie de chacune de ces nou-

velles collectivités territoriales, assortie d’un éclairage spé-

cifique sur le marché immobilier.

Cet article reprend les principaux enseignements de l’étude,

déclinée sous trois dimensions : démographique, écono-

mique et immobilière.

7.1/ EN PROVINCE, LE NOMBRE MOYEN D’HABITANTS PAR RÉGION VA PROGRESSER DE 70 %, DE 2,5 À 4,3 MILLIONS

L ’Île-de-France, dont le périmètre ne changera pas au

1er janvier 2016, restera la première région de France

avec près d’un cinquième de la population française, soit

douze millions d’habitants.

LES NOUVELLES RÉGIONS FRANÇAISES ET LEURS MARCHÉS IMMOBILIERSPar Nicolas Pécourt, Directeur Communication externe et RSE, Crédit Foncier.

7

Aquitaine

Poitou-Charentes

Limousin

Pays de la Loire

Auvergne

Corse

Rhône-Alpes

Franche-Comté

Bourgogne

Alsace

Lorraine

Champagne-Ardenne

Île-de-France

Nord-Pas-de-Calais

PicardieHaute-Normandie

Basse-Normandie

Bretagne

Provence-Alpes-Côte d’Azur Midi-Pyrénées

Languedoc-Roussillon

Centre

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

54

Page 55: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

régions

Cependant, alors que jusqu’à présent, seule la région Rhône-

Alpes dépassait en province le seuil des cinq millions d’habitants, désormais six régions sur treize seront égale-

ment dans ce cas : outre l’Île-de-France, on comptera les

nouveaux ensembles nés de la fusion Auvergne et Rhône-

Alpes (avec 7,6 millions d’habitants), Nord-Pas-de-Calais et

Picardie (6 millions), Aquitaine, Limousin et Poitou-Cha-

rentes (5,8 millions) et la région issue de la fusion Langue-

doc-Roussillon et Midi-Pyrénées (5,6 millions).

Hors Île-de-France, le nombre moyen d’administrés par col-

lectivité va passer de 2,5 à 4,3 millions d’habitants, soit une

progression très significative (+ 70 %).

Île-de-France et Corse exceptées, les disparités démogra-phiques vont se réduire : l’écart entre la région la moins

peuplée et la plus peuplée va passer d’un rapport de 1 à 9 (le

Limousin ne représente, aujourd’hui, que 11 % de la popu-

lation de la région Rhône-Alpes) à un rapport de 1 à 3 (en

2016, la région Centre représentera 34 % des habitants de la

nouvelle entité Auvergne et Rhône-Alpes).

À l’image de ses trente-six mille communes, qui repré-

sentent à elles seules 40 % du total des communes des vingt-

huit pays de l’Union européenne, la France se distingue par

une dispersion de ses échelons administratifs. À compter du

1er janvier 2016, cela ne devrait plus être le cas pour l’échelle

régionale qui, dorénavant, s’inscrira davantage dans les

standards européens (comme le montre le tableau ci-dessus).

Cette étude s’est également attachée à mesurer le dyna-misme démographique de chacune de ces nouvelles régions avec un résultat très contrasté.

Les régions dont la démographie est la plus dynamique se

trouvent sur un grand arc Atlantique-Méditerranée. Au

cours des vingt-cinq dernières années (de 1990 à 2014), la

nouvelle région issue de la fusion Languedoc Roussillon et

Midi-Pyrénées (par ailleurs deuxième région en termes de

création d’emplois (1)) affiche, ainsi, une progression de sa

population de 23 %, la Corse de 20 %, les Pays de la Loire de

18 %, PACA de 15 %. Lorsque, au cours de la même période,

les régions du nord et de l’est de la France ne voient leur

population progresser que de 4 %.

(1) Source Asterès : hausse annuelle moyenne de 0,4 % entre 2008 et 2013.

Les trois premières régions en termes démographiques

Allemagne Espagne France Italie

Rhénanie-du-Nord Westphalie : 17,6 millions d’habitants

Andalousie : 8,4 millions d’habitants

Île-de-France : 11,9 millions d’habitants

Lombardie : 9,9 millions d’habitants

Bavière : 12,6 millions d’habitants

Catalogne : 7,6 millions d’habitants

Auvergne et Rhône-Alpes : 7,6 millions d’habitants

Campanie : 5,8 millions d’habitants

Bade-Wurtemberg : 10,7 millions d’habitants

Communauté de Madrid : 6,4 millions d’habitants

Nord-Pas-de-Calais et Picardie : 6,0 millions d’habitants

Latium : 5,6 millions d’habitants

Soit 50 % de la population totale Soit 48 % de la population totale Soit 41 % de la population totale Soit 35 % de la population totale

DÉSORMAIS, SIX RÉGIONS FRANÇAISES SUR

TREIZE COMPTERONT PLUS DE CINQ MILLIONS D’HABITANTS.

Tableau 1. Les trois premières régions (démographie) dans quatre pays européens

55

Page 56: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

Les investisseurs immobiliers ne s’y sont pas trompés. Une

récente étude du Crédit Foncier (2) montre, ainsi, que l’en-

semble formé par Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées

capte 23 % des investissements immobiliers réalisés par des

particuliers dans l’Hexagone, au premier rang devant l’Île-

de-France (20 %).

L’évolution de la démographie n’est, cependant, pas le seul

paramètre à prendre en compte. Dans le Nord, certes les

(2) Quelles sont les motivations des Français qui font le choix de l’investissement locatif en 2015 ? Étude du Crédit Foncier, septembre 2015.

difficultés sur le front de l’emploi incitent les ménages à la

mobilité, mais la natalité y constitue un atout indéniable :

avec 13,3 ‰, la région Nord-Pas-de-Calais et Picardie

affiche le deuxième taux de natalité du pays, après l’Île-de-

France (15,1 ‰) et juste devant Auvergne et Rhône-Alpes

(12,5 ‰).

Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur sont éga-

lement des régions qui cumulent une attractivité démo-

graphique (évolution de la population entre 1990 et 2014,

respectivement égale à + 18 % et + 15 %) et des naissances

nombreuses (avec un taux de natalité de 12,3 ‰).

Quant à la population francilienne, elle n’a progressé, au

cours de ces vingt-cinq années, que de 12 % contre 13 %

sur l’ensemble du pays, du fait d’un solde migratoire néga-

tif insuffisamment compensé par un fort taux de natalité

(15,1 ‰). Les habitants qui quittent la région sont plutôt

âgés, alors que les arrivants sont de jeunes professionnels.

RégionsNombre

d’habitants (en millions)

Part dans la population

française (en %)

Évolution 1990/2014

Taux de natalité ( ‰)

Villes de + de 10 000 habitants

1 Île-de-France 11,9 19 % + 12 % 15,1 ‰ 242

2 Auvergne et Rhône-Alpes 7,6 12 % + 14 % 12,5 ‰ 98

3 Nord-Pas-de-Calais et Picardie 6,0 10 % + 4 % 13,3 ‰ 103

4 Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes 5,8 9 % + 13 % 10,1 ‰ 63

5 Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées 5,6 9 % + 23 % 11,1 ‰ 57

6 Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine 5,5 9 % + 4 % 11,4 ‰ 70

7 Provence-Alpes-Côte d’Azur 4,9 8 % + 15 % 12,3 ‰ 80

8 Pays de la Loire 3,6 6 % + 18 % 12,3 ‰ 38

9 Basse-Normandie et Haute-Normandie 3,3 5 % + 6 % 11,6 ‰ 43

10 Bretagne 3,2 5 % + 15 % 11,1 ‰ 35

11 Bourgogne et Franche-Comté 2,8 4 % + 4 % 10,9 ‰ 27

12 Centre 2,6 4 % + 10 % 11,2 ‰ 34

13 Corse 0,3 0,5 % + 20 % 9,7 ‰ 3

Moyenne + 13 % 12,3 ‰

EN VINGT-CINQ ANS LA POPULATION FRANCILIENNE N’A

PROGRESSÉ QUE DE 12 %, CONTRE 13 % SUR L’ENSEMBLE DU PAYS.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

les nouvelles régions et leurs marchés

Tableau 2. Classement des régions en fonction de la démographie(Sources : INSEE ; Asterès.)

56

Page 57: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

Autre élément démographique significatif, pour l’immobi-

lier, la densité urbaine ; l’étude a donc analysé le nombre

de villes de plus de dix mille habitants par région. Hors

Île-de-France, trois autres se détachent des autres nouvelles

régions : Nord-Pas-de-Calais et Picardie (cent trois villes

de plus de dix mille habitants), Auvergne et Rhône-Alpes

(quatre-vingt-dix-huit) et PACA (quatre-vingts).

7.2 / PIB DE LA FRANCE : 30 % EN ÎLE-DE-FRANCE, 70 % EN PROVINCE

D’un point de vue économique, la suprématie de l’Île-

de-France sur les autres régions reste incontestée,

avec 30 % de la richesse du pays. Avec 52 400 euros par

habitant, le PIB/habitant y est supérieur de plus de 60 % à

celui des deux régions suivantes, Auvergne et Rhône-Alpes

(31 500 euros) et Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes

(30 600 euros), et le double des régions les moins favorisées.

Régions PIB/habitant (en €)

PIB global (en Md€)

Créations annuelles d’entreprise (pour 1 000 habitants)

Salaire annuel moyen (en €)

1 Île-de-France 52 400 624 11 33 000

2 Auvergne et Rhône-Alpes 31 500 239 8 24 900

3 Provence-Alpes-Côte d’Azur 30 600 150 12 24 900

4 Pays de la Loire 29 000 104 6 23 100

5 Corse 28 000 9 12 22 800

6 Basse-Normandie et Haute-Normandie 27 400 90 6 23 600

7 Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes 27 200 158 8 23 100

8 Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine 27 100 149 6 23 500

9 Bretagne 27 000 87 6 22 900

10 Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées 26 900 150 10 23 900

11 Centre 26 500 69 6 23 700

12 Bourgogne et Franche-Comté 25 900 73 6 23 000

13 Nord-Pas-de-Calais et Picardie 25 300 152 6 23 600

Moyenne 31 500 8 25 900

régions

Tableau 3. Classement des régions en fonction de critères économiques(Sources : INSEE ; Asterès.)

57

Page 58: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

La centralisation de l’économie française ne disparaîtra

donc pas avec cette nouvelle carte administrative. La région

est particulièrement spécialisée dans les activités tertiaires

à très haute valeur ajoutée comme le conseil, la banque,

l’immobilier ou la recherche. Le territoire francilien est un

centre décisionnel influent ; l’Île-de-France est la deuxième

région européenne à accueillir des investissements étran-

gers. Le salaire annuel moyen par habitant (33 000 euros) y

est significativement supérieur à celui constaté en moyenne

en France (25 900 euros).

En revanche, en province, le PIB par habitant sera désor-mais plus homogène. L’écart entre la première région en

province et la dernière sera resserré, compris dans une four-

chette allant de 25 300 euros dans le Nord (région Nord-Pas-

de-Calais et Picardie) à 31 500 euros en Auvergne et Rhône-

Alpes. Les « anciennes » régions dont le PIB/habitant était

le plus faible (Limousin, Lorraine, Franche-Comté) seront

toutes regroupées avec d’autres régions dont le poids éco-

nomique est plus important.

Quatre régions affichent un taux de création annuelle d’entreprises pour mille habitants supérieur ou égal à 10 :

PACA et la Corse (12), l’Île-de-France (11) et Midi-Pyrénées

et Languedoc-Roussillon (10).

7.3 / QUATRE RÉGIONS SE PARTAGERONT LA MOITIÉ DES LOGEMENTS

Ces données démographiques et économiques expliquent

que la moitié des trente-trois millions de logements

recensés en France métropolitaine se concentre sur quatre

régions : Île-de-France (17 %), Auvergne et Rhône-Alpes

(13 %), Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées (10 %) et

Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes (10 %).

Le nombre d’habitants par résidence principale est rela-

tivement homogène d’une région à une autre, allant de

2,2 dans la région Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes à

2,5 en Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

RégionsNombre

de logements par région

Nombre de logements

en France (en %)

Population française (en %)

Proportion de résidences

principales

Proportion de résidences secondaires

1 Île-de-France 5 486 400 17 % 19 % 91 % 3 %

2 Auvergne et Rhône-Alpes 4 126 800 13 % 12 % 80 % 12 %

3 Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées 3 277 400 10 % 9 % 76 % 16 %

4 Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes 3 255 900 10 % 9 % 80 % 12 %

5 Provence-Alpes-Côte d’Azur 2 889 600 9 % 8 % 75 % 17 %

6 Nord-Pas-de-Calais et Picardie 2 713 600 8 % 10 % 90 % 4 %

7 Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine 2 695 000 8 % 9 % 89 % 3 %

8 Pays de la Loire 1 861 800 6 % 6 % 83 % 11 %

9 Bretagne 1 792 200 5 % 5 % 80 % 13 %

10 Basse-Normandie et Haute-Normandie 1 715 700 5 % 5 % 83 % 10 %

11 Bourgogne et Franche-Comté 1 491 400 5 % 4 % 84 % 8 %

12 Centre 1 318 900 4 % 4 % 85 % 6 %

13 Corse 222 500 0,7 % 0,5 % 61 % 36 %

Tableau 4. Classement des régions en fonction du nombre de logements(Sources : INSEE ; Asterès.)

les nouvelles régions et leurs marchés 58

Page 59: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

D’après les données de l’INSEE, le parc français de logements

se décompose en 56 % de maisons individuelles et 44 % d’appartements. La situation est très contrastée entre les

régions : plus densément peuplée (987 habitants/km2), l’Île-de-

France compte 27 % de maisons individuelles et 73 % d’appar-

tements, une répartition strictement inverse à celle observée

dans le Centre, les Pays de la Loire et le Nord-Pas-de-Calais et

Picardie (73 % de maisons individuelles/27 % d’appartements).

Dans certaines régions, la proportion importante de maisons

doit, notamment, son origine à la construction, dès le XIXe

siècle, de cités ouvrières : c’est le cas de certaines communes

de l’est de la France (3) ou des corons du Nord. La part de la

population rurale (4) est, bien évidemment, un facteur égale-

ment déterminant.

Il n’y a, en revanche, aucun lien entre la proportion de mai-

sons et le caractère touristique d’une région. Les vacanciers

(3) Dans Histoire de la propriété immobilière, Éditions Résidence, 1997, l’auteur Claude Thibault évoque les familles industrielles de l’est de la France. (4) Selon Eurostat (octobre 2015), la population française se répartit en trois ensembles : 42 % se trouvent en zones à forte densité de population, 24 % en zones intermédiaires (petites villes et banlieues) et 34 % en zones à faible densité de population (zones rurales) ; des proportions à comparer à celles observées, en moyenne, dans l’Union européenne : 42 % en zones à forte densité, 24 % en zones intermédiaires et 34 % en zones à faible densité.

des régions côtières se répartissent indifféremment dans des

maisons ou des appartements : la proportion de maisons est,

ainsi de 72 % en Bretagne lorsqu’elle n’est que de 41 % en

Provence-Alpes-Côte d’Azur.

C’est, naturellement, en Île-de-France que l’on compte la

proportion de résidences principales la plus importante

(91 %), à comparer à une moyenne nationale de 83 %.

C’est en Corse (36 %), PACA (17 %), Languedoc-Roussillon

et Midi-Pyrénées (16 %) et Bretagne (13 %), que la part de

résidences secondaires est la plus importante, à comparer à

une moyenne nationale légèrement inférieure à 10 %. Quatre

régions abritant de larges côtes ouvertes à la mer ou des mas-

sifs montagneux concentrent 60 % des résidences secondaires.

Premières régions – résidences secondaires Part dans parc national

1er Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées 17 %

2e Auvergne et Rhône-Alpes 16 %

3e Provence-Alpes-Côte d’Azur 16 %

4e Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes 12 %

Autres régions 39 %

Le principe selon lequel une proportion élevée de ménages propriétaires de leur logement ne correspond pas forcé-

ment à un niveau de vie élevé se vérifie également à l’échelle

des régions françaises. Un principe constaté en Europe, où

les pays comptant la proportion la plus faible de proprié-

taires sont les plus prospères : Suisse et Allemagne.

Ainsi, l’Île-de-France affiche le PIB/habitant de très loin

le plus élevé (52 400 euros par habitant, soit 1,7 fois la

moyenne nationale) et le taux de propriétaires de très loin

le plus faible (49 % contre une moyenne nationale de 59 %).

Il en est de même pour la région PACA, troisième au classe-

ment du PIB/habitant, et avant-dernière dans le classement

de la proportion de propriétaires (56 %).

régions 59

Page 60: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

7.4 / EN CONCLUSION, LA CRÉATION DE MÉTROPOLES CONSOLIDE CETTE DIMENSION RÉGIONALE

A vant même ce nouveau découpage administratif

autour de treize régions, la dimension régionale a

d’abord commencé à émerger autour des capitales. Cela

explique l’évolution des prix immobiliers qui, souvent, ont

eu tendance à stagner, voire augmenter dans de nombreuses

grandes villes, alors que les villes petites et moyennes aux

alentours voyaient leurs prix baisser de façon sensible.

Ce phénomène est accentué depuis la création de douze

métropoles de droit commun (Brest (5) ; Bordeaux (6) ; Gre-

noble (7) ; Lille (8) ; Lyon (9) ; Montpellier (10) ; Nantes (11) ; Nice (12) ;

Rennes (13) ; Rouen (14) ; Strasbourg (15) ; Toulouse (16)), auxquelles

il faut ajouter celles d’Aix-Marseille-Provence et du Grand

Paris, à partir de début 2016.

Ces métropoles vont renforcer l’organisation régionale de

la France et engendrer autant de marchés immobiliers avec

leurs particularités propres.

Cette étude (64 pages) est téléchargeable sur le site

creditfoncier.com :http://creditfoncier.com/les-nouvelles-regions-francaises-et-

leurs-marches-immobiliers/

Treize films (un par région) ont également été réalisés

et sont disponibles sur la chaîne Crédit Foncier du site

YouTube.com :

https://www.youtube.com/user/CreditFoncier

(5) Brest Métropole Océane. (6) Bordeaux Métropole. (7) Grenoble – Alpes Métropole. (8) Métropole européenne de Lille. (9) Métropole de Lyon. (10) Montpellier Méditerranée Métropole. (11) Nantes Métropole. (12) Métropole Nice – Côte d’Azur. (13) Rennes Métropole. (14) Métropole Rouen – Normandie. (15) Strasbourg Eurométropole. (16) Toulouse Métropole.

Pour autant, les régions qui affichent le taux de proprié-

taires le plus élevé (Bretagne avec 67 %, Pays de la Loire

avec 65 % et Centre avec 65 %) ne sont pas les régions qui

affichent le PIB/habitant le plus faible.

De façon globale, l’écart entre l’Île-de-France et la province

est significatif : lorsque la part de propriétaires est de 49 %

en Île-de-France, elle est de 61 % en province, toutes régions

confondues.

L’explication est naturellement à trouver du côté des prix,

même si les moyennes régionales ne doivent pas occulter

des disparités importantes à l’intérieur de chaque région.

Le prix moyen observé dans l’ancien en Île-de-France est

ainsi 2,7 fois supérieur à celui de la région Bourgogne et

Franche-Comté, région où l’immobilier est le plus abor-

dable ; ce contraste est moindre dans le neuf (1,9 fois supé-

rieur). En province, les deux régions les plus chères sont

PACA et Auvergne et Rhône-Alpes.

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

67% 65% 65% 64% 64% 61% 60% 60% 59% 59% 58%

49%56%

Breta

gne

Pays

de l

a Loir

eCen

tre

Aqui

taine

, Lim

ousin

et P

oitou

-Cha

rentes

Bourg

ogne

et F

ranc

he-C

omté

Langu

edoc

-Rou

ssill

on et

Mid

i-Pyr

énée

s

Auver

gne e

t Rhô

ne-A

lpes

Alsace

, Cha

mpa

gne-A

rden

ne et

Lor

raine

Nord-

Pas-d

e-Cala

is et

Pica

rdie

Basse

-Nor

man

die e

t Hau

te-N

orm

andi

eCor

se

Prove

nce-A

lpes

-Côt

e d’A

zur

Île-d

e-Fr

ance

Figure 1. Proportion de ménages prioritaires(Source : INSEE.)

les nouvelles régions et leurs marchés 60

Page 61: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

CELUI QUI DONNE VIE À VOTRE PROJET IMMOBILIER.Avec le Crédit Foncier, votre rêve devient en� n réalité. Parlons-en ensemble.

LE " OUI "

creditfoncier.fr

Crédit Foncier de France – S.A. au capital de 1 331 400 718,80 € - RCS PARIS 542 029 848 - Siège social : 19, rue des Capucines, 75001 Paris – Bureaux et Correspondances : 4, quai de Bercy – 94224 Charenton Cedex. Intermédiaire d’assurance inscrit à l’ORIAS sous le N° 07 023 327.L’emprunteur dispose d’un délai de ré� exion de dix jours, la vente est subordonnée à l’obtention du prêt et si celui-ci n’est pas obtenu, le vendeur doit lui rembourser les sommes versées. Sous réserve d’acceptation du dossier par le Crédit Foncier.

CF LE OUI 220x280.indd 1 03/06/15 09:21

Page 62: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

Page 63: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

n° 9

163

CARRIÈRES

LES TALENTS DANS L’IMMOBILIER : QUELLES SONT LES ATTENTES DES EMPLOYEURS ? Par Laurent Blivet, Spencer Stuart, Paris.

Page 64: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

LES TALENTS DANS L’IMMOBILIER : QUELLES SONT LES ATTENTES DES EMPLOYEURS ?Par Laurent Blivet, Spencer Stuart, Paris.

8

8.1 / EN PRÉAMBULE

Dans un environnement économique maussade, le mar-

ché immobilier français fait figure d’exception, tiré,

notamment, par certains segments particulièrement dyna-

miques. Taux faibles, réallocation de certaines poches d’ac-

tifs vers l’immobilier, attraction de nouvelles catégories d’in-

vestisseurs, regain d’intérêt des investisseurs internationaux :

les astres s’alignent pour le secteur, et le marché des talents

profite dans son ensemble de cet environnement porteur.

Notre position de chasseur de têtes nous donne un point de

vue singulier sur le sentiment du marché et l’évolution des

attentes vis-à-vis des candidats. Établi depuis 1956 et comp-

tant cinquante-six bureaux à travers le monde, Spencer Stuart

se spécialise dans l’évaluation et le recrutement de cadres diri-

geants. Notre « practice » immobilier sert les développeurs,

sociétés foncières, investisseurs et courtiers à travers l’Europe.

Se nourrissant d’un contact permanent avec les directions

générales à travers l’Europe, le présent article a pour objectif

de partager nos observations sur les évolutions en cours.

8.2 / UN MARCHÉ AUX ATTENTES NOUVELLES

Chez les recruteurs, un optimisme raisonnable semble

avoir pris le pas, en 2015, sur l’attentisme constaté dans

la période récente. Chacun a pu observer un « mercato »

spécifiquement dynamique au niveau des directeurs géné-

raux des grands investisseurs ou des grandes foncières…

Sur des niveaux hiérarchiques moins élevés, le mouvement

a également repris, donnant des « envies d’ailleurs » à cer-

tains cadres, qui avaient fait le dos rond pendant les années

moins fastes.

Ce dynamisme du marché s’accompagne d’une évolution

progressive des attentes des employeurs vis-à-vis des can-

didats (que ceux-ci soient, d’ailleurs, internes, dans le cadre

d’une promotion éventuelle, ou qu’ils soient externes). Les

compétences purement immobilières traditionnelles telles

que la connaissance du marché et le capital relationnel sur

la « place » restent, bien sûr, des prérequis incontournables.

Pour autant, de nouvelles attentes se font jour, qui déter-

L’OBSERVATEUR DE L’ IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER – Nº 91

64

Page 65: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la

minent de plus en plus l’accès aux postes à responsabili-

tés dans le monde de l’immobilier français. Trois éléments

nous paraissent spécialement intéressants à souligner : la

capacité à évoluer dans un environnement international,

le renforcement des attentes en matière financière et la

dimension « client ».

UNE DIMENSION INTERNATIONALEL’actif immobilier étant par définition non délocalisable, les

carrières de l’immobilier ont longtemps pu se dérouler dans

un cadre national. Désormais, la « capacité à évoluer dans

un environnement international » pointe systématiquement

son nez dans les descriptions de poste, qu’il s’agisse, par

exemple, d’un poste de responsable des investissements,

dont les interlocuteurs investissent de plus en plus forte-

ment dans une logique paneuropéenne, ou d’un poste d’asset

manager, qui aura, quant à lui, à rendre des comptes à des

mandants de plus en plus internationaux. Même chez les

foncières traditionnellement limitées au territoire national,

la préparation de l’expansion européenne impose d’intégrer

cette dimension internationale. Dans ce cadre, la maîtrise

de l’anglais devient un impératif de premier ordre et, a

contrario, l’incapacité à interagir avec des interlocuteurs

étrangers un frein majeur à la mobilité professionnelle. Une

expérience internationale est, ainsi, souvent appréciée.

DES COMPÉTENCES FINANCIÈRES CONCRÈTESLa financiarisation de l’activité est un autre élément clé de

l’évolution que nous observons. La diffusion de critères

financiers et la sophistication croissante de la modélisa-

tion rendent plus importante la maîtrise par les candidats

des éléments de base de l’analyse financière (modèles de

cash-flow, calcul des taux de retour,…) et des outils tech-

nologiques associés. Pour nombre de rôles, même les plus

seniors, la préférence est donnée à des candidats à forte

implication opérationnelle, ce qui sous-entend souvent une

capacité à entrer sans peine dans un modèle simple de valo-

risation et à en comprendre la sensibilité à différents para-

mètres. Les produits d’investissement se complexifient et

les exigences en matière de reporting et de compliance sont

de plus en plus grandes. Là encore, la polyvalence est de

rigueur, et on attendra des candidats une vision transversale

allant au-delà de leur fonction propre.

UN BON RELATIONNEL CLIENTEnfin, l’orientation « client » s’impose, désormais, à tous

les acteurs de l’entreprise et n’est plus limitée aux fonctions

directement en face des clients. Tous les acteurs du marché

souhaitent faire de leurs activités de services un levier clé

de différenciation. Des indicateurs de satisfaction client sont

partout mis en place et concernent le quotidien de chacun.

On demandera, par exemple, de plus en plus aux assets ou

aux property managers, jadis peu exposés au client, de venir

défendre leur performance, ce qui suppose aisance de com-

munication et force de conviction.

8.3 / EN CONCLUSION

En retour, le marché s’ouvre progressivement à des

talents issus d’univers différents. On a vu arriver des

financiers de l’industrie pour consolider les processus finan-

ciers et les reportings, renforcer la discipline de contrôle de

gestion ou le contrôle des coûts. On a vu également recruter

des experts du marketing venus du monde des produits de

grande consommation afin de développer plus fortement les

marques de l’immobilier et accompagner le déploiement des

acteurs dans le monde digital. À ce jour, on ne signale pas

de réaction de rejet de ces « greffes », bien au contraire !

Rien d’étonnant, au final. Les attentes des professionnels

de l’immobilier, en France, dans le choix de leurs équipes

s’alignent sur les pratiques générales du marché du travail

des cadres, que nous observons partout en Europe et dans

tous les secteurs. C’est cette combinaison des attentes tra-

ditionnelles et de nouveaux impératifs qui fait de l’immobi-

lier un environnement particulièrement intéressant pour le

chasseur de têtes, aujourd’hui.

carrières 65

Page 66: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la
Page 67: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la
Page 68: L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT … · L’OBSERVATEUR DE L’IMMOBILIER DU CRÉDIT FONCIER n° ... Dépôt légal : décembre 2015. 1 L’impact du durcissement de la