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L’OBSERVATEUR de Bruxelles Trimestriel d’informations européennes Barreau de Paris - Conférence des Bâtonniers - Conseil National des Barreaux Dossier Spécial «Le droit communautaire de l’environnement» Propos introductifs Par Stavros Dimas*, Commissaire européen en charge de l’environnement Le protocole de Kyoto n’est qu’un début dans la lutte contre le changement climatique Par Artur Runge-Metzger*, Chef de l’unité s’occupant du changement climatique et de l’énergie, Direction générale Environnement, Commission européenne La directive 2004/35/CE sur la prévention et la réparation des dommages environnementaux Par Charles Pirotte*, Administrateur, Direction générale Environnement, Commission européenne Le plan d’action 2004 - 2010 en faveur de l’environnement et de la santé Par Michael Hübel*, Chef d’Unité adjoint, Direction générale Santé et Protection des consommateurs, Commission européenne Points sur... Le règlement du Conseil de l’Union européenne 2201/2003/CE : « le nouveau règlement Bruxelles II » Par Monika Ekström*, Administratrice, Direction générale Justice, Liberté et Sécurité, Unité Justice civile, Commission européenne Edité par la Délégation des Barreaux de France 1, avenue de la Joyeuse Entrée - B-1040 Bruxelles Tél. : (32 2) 230 83 31 - Fax : (32 2) 230 62 77 - [email protected] - http://www.dbfbruxelles.com DELEGATION DES BARREAUX DE FRANCE page 50 page I N°61 - Juin 2005

L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

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Page 1: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

L’OBSERVATEUR de BruxellesT r i m e s t r i e l d ’ i n f o r m a t i o n s

e u r o p é e n n e s

Barreau de Paris - Conférence des Bâtonniers - Conseil National des Barreaux

Dossier Spécial

«Le droit communautaire de l’environnement»

Propos introductifsPar Stavros Dimas*, Commissaire européen en charge de l’environnement

Le protocole de Kyoto n’est qu’un début dans la lutte contre le changementclimatique

Par Artur Runge-Metzger*, Chef de l’unité s’occupant du changement climatique et de l’énergie, Direction générale Environnement, Commission européenne

La directive 2004/35/CE sur la prévention et la réparation des dommagesenvironnementaux

Par Charles Pirotte*, Administrateur, Direction générale Environnement, Commission européenne

Le plan d’action 2004 - 2010 en faveur de l’environnement et de la santéPar Michael Hübel*, Chef d’Unité adjoint, Direction générale Santé et Protection des consommateurs, Commission européenne

Points sur...

Le règlement du Conseil de l’Union européenne 2201/2003/CE : « le nouveau règlement Bruxelles II »

Par Monika Ekström*, Administratrice, Direction générale Justice, Liberté et Sécurité, Unité Justice civile, Commission européenne

Edité par la Délégation des Barreaux de France

1, avenue de la Joyeuse Entrée - B-1040 Bruxelles

Tél. : (32 2) 230 83 31 - Fax : (32 2) 230 62 77 - [email protected] - http://www.dbfbruxelles.comDELEGATION DES BARREAUX DE FRANCE

page 50

page I

N°61 - Juin 2005

Page 2: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

2 L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

INFOS DBF

• Le site Internet de la DBF page 62

• Prochains Entretiens du 7 octobre 2005 sur «L’Organisation mondiale du commerce: actualités» page 5

DOSSIER SPECIAL

Dossier Spécial «Le droit communautaire de l’environnement»

Propos introductifsPar Stavros Dimas*, Commissaire européen en charge de l’environnement page II

Le protocole de Kyoto n’est qu’un début dans la lutte contre le changement climatique,Par Artur Runge-Metzger*, Chef de l’unité s’occupant du changement climatique et de l’énergie, Direction générale Environnement, Commission européenne page III

Le plan d’action européen en faveur de l’environnement et de la santé 2004-2010Par Michael Hübel*, Chef d’unité adjoint, Direction générale Santé et protection des consommateurs, Commission européenne page VI

La directive 2004/35/CE sur la prévention et la réparation des dommages environnementauxPar Charles Pirotte*, Administrateur, Direction générale Environnement, Commission européenne page VIII

PROFESSION

• Sécurité sociale des avocats, lignes directrices et guide pratique du Conseil des barreaux européens page 7

• Composition du jury d’examen d’accès à la profession d’avocat, ordonnance de la Cour page 7

• Recouvrement des frais d’avoués et d’avocats, procédure d’injonction de payer, arrêt de la Cour page 8

DROIT COMMUNAUTAIRE

INSTITUTIONS

DES NOUVELLES DES INSTITUTIONS

• Nomination des juges du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne, décision du Conseil page 9

• Nomination d’un comité de sept personnalités de la Cour de justice et du Tribunal de première instance,

décision du Conseil page 9

• Statistiques judiciaires 2004, rapport annuel de la Cour de justice page 9

• Irrecevabilité du recours en annulation pour les actes d’Eurojust, arrêt de la Cour page 10

ACCÈS DU PUBLIC AUX DOCUMENTS DES INSTITUTIONS

• Accès à un dossier dans une affaire de concurrence, refus total, annulation de la décision, arrêt du Tribunal page 10

JUSTICE, LIBERTÉ ET SÉCURITÉ

• Principe de reconnaissance mutuelle, sanctions pécuniaires, décision-cadre du Conseil page 11

• Résolution des litiges civils et commerciaux de faible importance,

proposition de règlement du Parlement et du Conseil page 12

• Droit applicable et compétence en matière de divorce, Livre vert de la Commission page 13

• Principe non bis in idem, arrêt de la Cour page 14

• Convention de Bruxelles, champ d’application territorial de la Convention, arrêt de la Cour page 15

DROIT COMMUNAUTAIRE GÉNÉRAL

• Juridiction nationale au sens de l’article 234 CE, arrêt de la Cour page 16

• Renvoi préjudiciel, absence de litige pendant, arrêt de la Cour page 17

SOMMAIRE

Page 3: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 3

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

COMMERCE

• Organisation commune des marchés, décision de l’organe de règlement des différends de l’OMC,

bananes, arrêt de la Cour page 18

• Organisation commune des marchés, décision de l’organe de règlement des différends de l’OMC,

bananes, recours en indemnité, arrêt du Tribunal page 18

CONCURRENCE

• Le renvoi des affaires en matière de concentrations, communication de la Commission page 20

• Les restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentrations,

communication de la Commission page 21

• Procédure simplifiée de traitement de certaines opérations de concentration, communication de la Commission page 21

• Concentration entre Tetra Laval et Sidel, critères du contrôle juridictionnel, arrêt de la Cour page 21

• Position dominante, montant des redevances imposées aux opérateurs GSM,

recevabilité du recours d’un particulier, arrêt de la Cour page 23

• Aide d’Etat, exonération des prestations de soins, arrêt de la Cour page 23

• Prestation de services et taxe communale sur la publicité, arrêt de la Cour page 25

• Aide d’Etat, majoration de la redevance pour l’accès au réseau national de transport d’électricité, arrêt de la Cour page 25

CONSOMMATION

• Location de voitures, contrats à distance, notion de services de transports, arrêt de la Cour page 26

• Convention de Bruxelles, notion de «contrat conclu avec un consommateur», arrêt de la Cour page 27

• Convention de Bruxelles, consommateur, publicité trompeuse, arrêt de la Cour page 29

ENVIRONNEMENT / ENERGIE

• Mise en décharge des déchets, arrêt de la Cour page 30

• Accès à l’information en matière d’environnement, arrêt de la Cour page 31

FISCALITÉ / DOUANES

• TVA, exonérations, jeux de hasard, arrêts de la Cour page 31

• Sixième directive TVA, déduction de la taxe sur le carburant utilisé dans les véhicules d’un assujetti

par ses employés, arrêt de la Cour page 32

• Restriction à la libre prestation des services, impôt sur les sociétés, crédit d’impôt recherche, arrêt de la Cour page 32

• Code des douanes communautaire, dénomination erronée des marchandises, arrêt de la Cour page 33

• Sixième directive TVA, location de biens immeubles, arrêt de la Cour page 34

• Sixième directive TVA, assujettissement après cessation d’activité, arrêt de la Cour page 35

• Tarif douanier commun, erreur de l’administration douanière, bonne foi, arrêt de la Cour page 36

• Taxe communale sur la fourniture de boissons alcooliques, arrêt de la Cour page 37

MARCHÉ INTÉRIEUR

• Charte européenne des PME, communication de la Commission page 38

LIBERTÉ D’ÉTABLISSEMENT • Magasins d’optique, arrêt de la Cour page 39

LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES • Droit de séjour, obligation de présenter une carte d’identité, arrêt de la Cou page 39

• Notion de travailleur, Rechtsreferendare, remboursement des frais de déplacement, arrêt de la Cour page 40

• Aide aux étudiants, frais d’entretien, interdiction de discrimination en raison de la nationalité, arrêt de la Cour page 41

SOMMAIRE

Page 4: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

MARCHÉS PUBLICS

• Droit à soumissionner, participation aux travaux préparatoires, arrêt de la Cour page 42

PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

• Marque communautaire, conditions de notification des décisions et communications de l’OHMI, arrêt du Tribunal page 43

SÉCURITÉ SOCIALE

• Portée des formulaires E111 et E112, arrêt de la Cour page 44

• Sécurité sociale des travailleurs migrants, prestations de vieillesse, arrêt de la Cour page 45

• Sécurité sociale des travailleurs migrants, vieillesse et décès, période d’assurance minimale, arrêt de la Cour page 46

• Egalité de traitement entre hommes et femmes, interdiction d’employer des femmes aux travaux miniers,

arrêt de la Cour page 46

SOCIAL

• Congé de maternité et congé parental, substitution, arrêt de la Cour page 47

• Notion de licenciement, moment du licenciement, arrêt de la Cour page 48

• Egalité de traitement, accès à la titularisation et charge de la preuve, arrêt de la Cour page 48

TRANSPORT

• Information des passagers aériens, proposition de règlement du Parlement et du Conseil page 48

RELATIONS EXTÉRIEURES

• Accord de partenariat CE - Fédération de Russie, conditions de travail des footballeurs professionnels russes

dans les compétitions nationales des Etats membres, arrêt de la Cour page 49

POINT SUR...

Le Point sur Le règlement du Conseil de l’Union européenne 2201/2003/CE: «le nouveau règlement Bruxelles II», par Monika Esktröm*, Administratrice, Direction générale Justice, Liberté et Sécurité, Unité Justice civile, Commission européenne page 50

BIBLIOTHÈQUE page 53

COLLOQUES ET SÉMINAIRES page 57

ABONNEMENT page 61

* Les articles signés reflètent la position personnelle de leurs auteurs et non celle de l’institution à laquelle ils appartiennent.

4 L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

SOMMAIRE

Page 5: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 5

INFOS DBF

Programmedes manifestations 2005

Entretiens communautaires

L’Organisation mondiale du commerce:actualités

7 octobre 2005

Les derniers développements du droitcommunautaire de la concurrence

9 décembre 2005

Séminaire-Ecole

La Pratique du droit communautaire général27 et 28 octobre 2005

Séminaires

Page 6: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

Membre Associé

D B F / E I CMembre Associé

Page 7: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 7

PROFESSION

Sécurité sociale des avocatsLignes directrices et guide pratique du Conseil des barreaux européens

Le Conseil des barreaux européens (CCBE)a publié des lignes directrices sur les ques-tions de sécurité sociale transfrontalière pourles avocats européens.

Les avocats qui exercent dans le cadre de ladirective 98/5/CE sur la liberté d’établisse-ment sont confrontés à de nombreux pro-blèmes en matière de sécurité sociale (pays decotisation, régime, calcul des droits à laretraite...).

Ces lignes directrices ont ainsi été rédigéesafin de permettre aux organismes de sécuritésociale des différents Etats membres d’effec-tuer une application homogène des règlesexistantes qui se trouvent dans le règlement1408/71/CE.

En rappelant les principes applicables à lalibre circulation des avocats dans l’Unioneuropéenne, le CCBE souhaite encourager lacoordination entre les différents régimesnationaux applicables.

Les grands principes du règlement1408/71/CE, rappelés par les lignes direc-trices, sont le principe de l’unicité et del’exclusivité de la loi applicable en matiè-re de sécurité sociale (celle du lieu d’exer-cice de l’activité professionnelle), le prin-cipe de l’égalité de traitement avec les res-sortissants de l’Etat membre du lieu del’exercice de l’activité professionnelle et leprincipe de la totalisation des périodespassées dans divers Etats membres pour ledroit au bénéfice de certaines prestations(comme le droit à la retraite).

Le CCBE a également publié un guidepratique pour les avocats récapitulantl’ensemble des organismes de sécuritésociale existants au sein de l’Espace éco-nomique européen. Ce guide permettra auxavocats désireux d’exercer dans un autre Etatmembre de trouver l’interlocuteur nécessaireen matière de sécurité sociale. Le guide estdivisé en deux parties: les Etats membres danslesquels il existe une caisse de sécurité socialepropre aux avocats et ceux dans lesquels iln’existe pas de caisse propre aux avocats.

(«Lignes directrices du CCBE en vue d’uneapplication homogène par les organismes de sécuri-té sociale des principes énoncés par le règlement1408/71/CE» et «Les organismes de sécuritésociale dans l’Espace économique européen - unguide pratique pour les avocats», par le Conseildes barreaux européens, février 2005)

Composition du jury d’examend’accès à la profession d’avocatOrdonnance de la Cour

Saisie d’une question préjudicielle adresséepar le Tribunale amministrativo regionale perla Lombardia (Italie), la Cour de justice desCommunautés européennes s’est prononcée,dans une ordonnance du 17 février dernier, surl’interprétation des règles du traité CE consa-crant la protection des principes communau-taires de libre concurrence et de liberté d’éta-blissement quant aux conditions d’examend’accès à la profession d’avocat en Italie.

Le litige au principal opposait MonsieurMauri au Ministère de la Justice italien. Envertu de la législation italienne, les jurysd’examen d’Etat sont nommés par leMinistère de la Justice et sont composés decinq titulaires, à savoir deux avocats, propo-sés par le Conseil National de l’Ordre desavocats et nommés par le Ministre de laJustice en qualité de président et de vice-pré-sident du jury, deux magistrats et un profes-seur de droit.

Monsieur Mauri avait introduit un recoursdevant la juridiction de renvoi pour obtenirl’annulation de la décision du jury qui avaitcorrigé son épreuve écrite et qui, constatantqu’il avait obtenu un nombre insuffisant depoints pour être admis à la phase orale desépreuves, l’avait en conséquence exclu.Monsieur Mauri faisait valoir que la compo-sition du jury ne permettait pas une évalua-tion impartiale et ne garantissait pas unmécanisme correct de concurrence pour l’ac-cès à la profession d’avocat, en violation enparticulier des dispositions du traité CE rela-tives à la libre concurrence (articles 3, sousg), CE, 81 CE et 82 CE) et à la liberté d’éta-blissement (article 43 CE). Considérant quela solution au litige dont il était saisi exigeaitl’interprétation du droit communautaire, leTribunal italien saisi a décidé d’adresser unequestion préjudicielle à la Cour.

A titre liminaire, considérant que la ques-tion posée pouvait être clairement déduite dela jurisprudence, la Cour a proposé puis déci-dé de statuer par voie d’ordonnance motivée.

Sur le fond, et dans un premier temps, laCour interprète les articles 81 CE et 82 CE.Elle rappelle tout d’abord que selon une juris-prudence constante, les articles 81 CE et 82CE, lus en combinaison avec l’article 10 CE,imposent aux Etats membres de ne pasprendre ou maintenir en vigueur des mesuressusceptibles d’éliminer l’effet utile des règlesde concurrence applicables aux entreprises. Etd’ajouter qu’elle a notamment jugé qu’il y aviolation des articles 10 CE et 81 CE lors-qu’un Etat membre impose ou favorise la

conclusion d’ententes contraires à l’article 81CE ou renforce les effets de telles ententes, soitretire à sa propre réglementation son caractè-re étatique en déléguant à des opérateurs pri-vés la responsabilité de prendre des décisionsd’intervention d’intérêt économique.

Or, dans le cas d’espèce, tout en laissantouverte la question de savoir si les avocatsmembres du jury de l’examen d’Etat peuventêtre qualifiés d’entreprises au sens desarticles 81 CE et 82 CE, la Cour relève, d’unepart, que l’Etat occupe une place substantiel-le au sein du jury, d’autre part, que l’Etat dis-pose d’importantes compétences lui permet-tant de contrôler les travaux du jury voired’intervenir sur ces travaux en cas de nécessi-té et enfin, que la décision négative prise parle jury peut faire l’objet d’un recours devantle juge administratif. La Cour en conclutdonc que l’Etat italien n’a pas renoncé àexercer son pouvoir au profit d’opéra-teurs privés et qu’en conséquence, lesarticles 81 CE et 82 CE ne s’opposent pasà une réglementation telle que celle encause au principal.

Dans un second temps, la Cour interprèteles dispositions du traité CE relatives à laliberté d’établissement. Après avoir rappeléque l’article 43 CE impose la suppression desrestrictions à la liberté d’établissement, elleajoute qu’il résulte d’une jurisprudenceconstante que, lorsque des mesures consti-tuant une restriction s’appliquent à toutepersonne ou entreprise exerçant sur le terri-toire de l’Etat membre d’accueil, elles peu-vent être justifiées lorsqu’elles répondent àdes raisons impérieuses d’intérêt général,pour autant qu’elles soient propres à garantirla réalisation de l’objectif qu’elles poursui-vent et n’aillent pas au-delà de ce qui estnécessaire pour l’atteindre.

La Cour constate que, dans le litige encause au principal, seule la règle ayant trait àla composition du jury est contestée et non lefait d’organiser un tel examen et considèrequ’en tout état de cause, à supposer mêmeque la participation d’avocats au jury del’examen d’Etat constitue, à elle seule, unerestriction à la liberté d’établissement, cetteparticipation peut, en l’occurrence, êtreconsidérée comme justifiée.

En effet, selon la Cour, cette participa-tion répond à une raison impérieuse d’in-térêt général, à savoir la nécessité d’éva-luer le mieux possible les aptitudes et lescapacités des personnes appelées à exercerla profession d’avocat. Or, la Cour estimeque les avocats possèdent une expérience pro-fessionnelle les rendant particulièrement aptesà évaluer les candidats au regard des exigencesspécifiques de leur profession, leur participa-tion étant ainsi en adéquation avec le but

Page 8: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

poursuivi. Enfin, la Cour juge la mesureproportionnée audit but en ce que l’Etatitalien conserve un contrôle effectif sur laprocédure d’examen par le jury.

(Ordonnance du 17 février 2005, GiorgioEmanuele Mauri, Ministerio della Giutizia /Commissione per gli esami di avvocato presso laCorte d’appello di Milano, aff. C-250/03, nonencore publiée au recueil)

Recouvrement des frais d’avoués et d’avocats, procédure d’injonction de payerArrêt de la Cour

Saisie d’une question préjudicielle adres-sée par le Juzgado de Primeria Instancian°35 de Barcelona (Espagne), la Cour dejustice des Communautés européennes s’estprononcée, dans un arrêt du 10 mars der-nier, sur l’interprétation de la directive2000/35/CE du Parlement européen et duConseil de l’Union européenne, du 29 juin2000, concernant la lutte contre le retard depaiement dans les transactions commer-ciales et plus particulièrement sur lesconditions de recouvrement de frais d’avouéou d’avocat dans le cadre d’une procédured’injonction de payer.

Le litige au principal opposait la sociétéQDQ Media à Monsieur Omedas Lecha. Lajuridiction saisie, constatant que le droit

national espagnol ne permet pas de faire sup-porter au débiteur les frais résultant de l’in-tervention d’un avoué ou d’un avocat dansune procédure judiciaire de recouvrement dedette, a décidé d’interroger la Cour sur laquestion de savoir si, dans le cadre de la pro-tection du créancier prévue par la directive2000/35/CE, les frais résultant de l’interven-tion d’un avocat ou d’un avoué dans la pro-cédure d’injonction de payer engagée en vuedu recouvrement de cette dette peuvent êtrequalifiés de frais de recouvrement.

Pour rappel, l’article 3, paragraphe 1, de ladirective 2000/35/CE dispose que «les Etatsmembres veillent à ce que [...] e) mis à part les casoù le débiteur n’est pas responsable du retard, lecréancier soit en droit de réclamer au débiteur undédommagement raisonnable pour tous les frais derecouvrement encourus par suite d’un retard depaiement de ce dernier. Ces frais de recouvrementrespectent les principes de transparence et de pro-portionnalité en ce qui concerne la dette en ques-tion. Les Etats membres peuvent, dans le respect desprincipes susmentionnés, fixer un montant maxi-mal en ce qui concerne les frais de recouvrementpour différents niveaux de dette».

Tout d’abord, la Cour rappelle qu’il est dejurisprudence constante que, en appliquantle droit national, la juridiction nationaleappelée à interpréter ce droit est tenue de lefaire dans toute la mesure du possible à lalumière du texte et de la finalité de la direc-tive pour atteindre le résultat visé par celle-

ci et se conformer ainsi à l’article 249, troi-sième alinéa, CE.

Or, dans le cas d’espèce, la Cour constateque faute de disposition du droit nationalpermettant de faire supporter au débiteur lesfrais résultant de l’intervention d’un avouéou d’un avocat dans la procédure d’injonc-tion de payer, le résultat recherché au profitdu créancier ne peut être atteint par uneapplication du droit national, même inter-prété dans toute la mesure du possible à lalumière de la directive 2000/35/CE.

En effet, la Cour rappelle que, s’agissantd’un litige entre particuliers, une directivene peut pas, par elle-même, créer d’obliga-tions dans le chef d’un particulier et êtreinvoquée en tant que telle à son encontre.

La Cour juge donc qu’en l’absence depossibilité, sur le fondement du droitnational, d’inclure dans le calcul desdépens auxquels pourrait être condamnéun particulier redevable d’une dette pro-fessionnelle les frais résultant de l’inter-vention d’un avocat ou d’un avoué auprofit du créancier dans une procédurejudiciaire de recouvrement de cettedette, la directive 2000/35/CE ne peutpas, par elle-même, servir de fondementà une telle possibilité.

(Arrêt du 10 mars 2005, QDQ Media SA /Alejandro Omedas Lecha, aff. C-235/03, nonencore publié au recueil)

PROFESSION

8 L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

Page 9: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

Des nouvelles des institutions

Nomination des juges du Tribunal de la fonctionpublique de l’Union européenneDécision du Conseil

La décision du Conseil de l’Union euro-péenne, du 18 janvier 2005, relative auxconditions et aux modalités régissant la pré-sentation et le traitement des candidaturesen vue de la nomination des juges duTribunal de la fonction publique de l’Unioneuropéenne a été publiée au Journal officielde l’Union européenne.

L’annexe de cette décision précise lesconditions et les modalités en vue des nomi-nations des juges au Tribunal de la fonctionpublique de l’Union européenne.

En effet, l’appel aux candidatures est lancéen vue de nommer sept juges offrant toutesles garanties d’indépendance, possédant lacapacité requise pour l’exercice de fonctionsjuridictionnelles et possédant la citoyennetéde l’Union ainsi que présentant la capacitéde travailler au sein d’une structure collégia-le dans un environnement plurinational etmultilingue.

Les juges seront nommés par le Conseilstatuant à l’unanimité, après consultationd’un comité composé de sept personnalitéschoisies parmi d’anciens membres de laCour de justice et du Tribunal de premièreinstance et de juristes possédant des compé-tences notoires. Ce comité donnera son avissur l’adéquation des candidats à l’exercicedes fonctions de juge du Tribunal de la fonc-tion publique. Il accompagnera cet avisd’une liste des candidats possédant l’expé-rience de haut niveau la plus appropriée. Laliste comportera un nombre de personneségal au moins au double du nombre de jugesà nommer.

Les candidatures devront être accompa-gnées d’un curriculum vitae, d’une lettre demotivation ainsi que des photocopies despièces justificatives. Les candidatures sont àenvoyer par lettre recommandée à l’adressedu Secrétariat général du Conseil de l’Unioneuropéenne. Une date limite n’a cependantpas été fixée dans la décision du Conseil.

(JOUE L 50, du 23 février 2005)

Nomination d’un comité de sept personnalités de la Cour de justice et du Tribunal de première instanceDécision du Conseil

La décision du Conseil de l’Union euro-péenne, du 18 janvier 2005, portant nomi-nation des membres du comité prévu à l’ar-ticle 3, paragraphe 3, de l’annexe I du proto-cole sur le statut de la Cour de justice desCommunautés européennes a été publiée auJournal officiel de l’Union européenne.

L’article 3, paragraphe 3, de l’annexe I duprotocole sur le statut de la Cour de justice,prévoit l’institution d’un comité composé desept personnalités choisies parmi d’anciensmembres de la Cour de justice et du Tribunalde première instance des Communautéseuropéennes et de juristes possédant descompétences notoires. Les membres de cecomité qui ont été désignés par le Conseil,statuant à la majorité qualifiée sur recom-mandation du président de la Cour de justi-ce, sont les suivants: M. Leif SEVÓN, prési-dent du comité, Sir Christopher BELLAMY,M. Yves GALMOT, M. Peter GRILC, Mme Gabriele KUCSKO-STADLMAYER,M. Giuseppe TESAURO, M. MiroslawWYRZYKOWSKI.

(JOUE L 50, du 23 février 2005)

Statistiques judiciaires 2004Rapport annuel de la Cour

La Cour de justice des Communautés euro-péennes a relevé dans son rapport annuel, surbase de ses statistiques de l’année 2004 rela-tives à son activité judiciaire, que l’année2004 été la plus productive dans l’histoire dela Cour. En effet, jamais auparavant la Courn’avait clôturé autant d’affaires - le chiffre esten augmentation de 30% par rapport à l’an-née précédente. Le «stock» des affaires pen-dantes a ainsi pu être réduit d’environ 14%,et la durée moyenne des procédures devant laCour en a été sensiblement raccourcie. Cetteamélioration nette de l’administration de lajustice dans l’Union européenne n’est pas lefruit du hasard. Elle est d’abord le résultatd’une réflexion menée début 2004 par laCour sur ses méthodes de travail: il en arésulté l’adoption d’une série de mesures,progressivement mises en œuvre à partir dumois de mai 2004, et visant à améliorer l’ef-ficacité de l’Institution ainsi qu’à réduire ladurée moyenne des procédures.

Ensuite, c’est également le traité de Nice,entré en vigueur en février 2003, qui a appor-té une série de modifications dans le fonc-tionnement de la Cour. Y figure notamment

la possibilité pour la Cour, dans certaines cir-constances, de statuer sans intervention del’avocat général. L’effet de ces modificationss’est déjà fait pleinement ressentir en 2004.

Enfin, dix nouveaux juges ont rejoint laCour suite à l’élargissement de l’Union euro-péenne du 1er mai 2004: cette arrivée a étéaccompagnée d’une augmentation considé-rable des effectifs de la Cour de justice et parconséquent des capacités de cette dernière àfaire face à la charge de travail.

La Cour a ainsi clôturé 665 affaires en2004. Ces chiffres sont en augmentation sen-sible par rapport aux années précédentes(494 affaires clôturées en 2003, 513 en2002, 434 en 2001 et 526 en 2000).Parallèlement, la Cour a été saisie de 531affaires nouvelles par rapport à 561 en 2003:ce différentiel positif entre les affaires clôtu-rées et les affaires nouvelles a logiquement eupour conséquence la réduction du nombred’affaires pendantes devant la Cour, les-quelles s’élevaient à 840 à la fin de l’année2004 (974 au terme de l’année 2003). Lenombre d’affaires pendantes au 31 décembre2004 est ainsi inférieur aux chiffres corres-pondants des cinq dernières années.

Un coup d’arrêt a été porté en 2004 àl’augmentation de la durée des procédures,phénomène observé tout au long des der-nières années. En un an, la durée moyenned’un renvoi préjudiciel est ainsi passée de 25à 23 mois. La réduction est encore plus signi-ficative pour ce qui est des recours directs: ilssont aujourd’hui traités en 20 mois au lieu de25 mois en 2003. Pour les pourvois, ce nesont plus que 21 mois qui sont nécessaires(28 mois en 2003).

Cette amélioration des statistiques judi-ciaires doit également beaucoup aux instru-ments dont dispose la Cour pour accélérer letraitement de certaines affaires (jugementpar priorité, procédure accélérée, procéduresimplifiée et possibilité de statuer sansconclusions de l’avocat général). Il est signi-ficatif de signaler qu’environ 30% des arrêtsprononcés en 2004 l’ont été sans conclusions.

Les évolutions dans la distribution desaffaires entre les différentes formations dejugement de la Cour méritent égalementd’être signalées. Les chambres à cinq jugestraitent de plus en plus d’affaires et devien-nent ainsi la formation ordinaire pour le trai-tement des affaires à la Cour. En 2004, ellesont réglé 54% des affaires - le reste étantréparti entre les formations à trois juges(34% des affaires) et les formations plénières(12% des affaires).

La bonne tenue des statistiques judiciairesde la Cour n’est ainsi pas due à des circons-tances particulières ou à une conjoncture

Institutions

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 9

DROIT COMMUNAUTAIRE

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spéciale. Elle est le résultat d’une série demodifications structurelles dans l’organisa-tion interne de la Cour et le déroulement deses procédures. L’effet, déjà perceptible à lafin 2004, de mesures qui n’ont pourtant étémises en œuvre qu’à partir du mois de maide cette même année, permet d’augurer queles tendances relevées en 2004 se verrontconfirmées dans les années à venir au pleinbénéfice d’une administration efficace et dequalité de la justice communautaire.

(Rapport annuel 2004, Cour de justice desCommunautés européennes, Office des publicationsofficielles des Communautés européennes, Luxem-bourg, 2005)

Irrecevabilité du recours en annulation pour les actes d’EurojustArrêt de la Cour

Saisie d’un recours en annulation formé parl’Espagne contre des appels à candidaturespour des postes d’agents temporaires émispar Eurojust, la Cour de justice desCommunautés européennes s’est prononcéesur la recevabilité du recours.

Le 13 février 2003, huit appels à candida-tures, visant à constituer des listes de réservepour pourvoir des postes d’agents tempo-raires auprès d’Eurojust, ont été publiés auJournal officiel de l’Union européenne.L’Espagne, en se fondant sur le traité CE, ademandé à la Cour de justice desCommunautés européennes l’annulation,dans sept de ces appels à candidatures, dupoint qui avait trait aux documents à trans-mettre en anglais par les personnes qui dépo-saient leur acte de candidature dans uneautre langue, ainsi que des différents pointsrelatifs aux qualifications en matière deconnaissances linguistiques des candidats.

L’Espagne invoquait trois moyens à l’appuide son recours.

Le premier moyen était tiré d’une violationde l’article 12, paragraphe 2, sous e), du régi-me applicable aux autres agents desCommunautés européennes (ci après le«RAA»), selon lequel il ne pourrait êtreexigé des candidats qu’une connaissanceapprofondie d’une langue, à savoir en princi-pe leur langue maternelle, ainsi qu’uneconnaissance satisfaisante d’une autrelangue, laissée au choix desdits candidats.

Le deuxième moyen était tiré d’une viola-tion du régime linguistique d’Eurojust telque prévu à l’article 31 de la décision. Cerégime serait défini par le règlement 1, dontl’article 1er précise les langues officielles et leslangues de travail des institutions. Dès lors

qu’aucune disposition de ladite décision nedéclarerait que les langues de travaild’Eurojust sont l’anglais et le français, toutesles langues officielles de l’Union pourraientêtre utilisées par les membres d’Eurojust etle personnel du secrétariat de cet organe. Parconséquent, les appels à candidatures viole-raient le régime linguistique d’Eurojust.

Le troisième moyen était tiré d’une viola-tion du principe de non-discrimination figu-rant à l’article 12 CE ainsi que de l’obligationde motivation. Le Royaume d’Espagne faisaitvaloir, à cet égard, que le fait d’exiger descandidats qu’ils remplissent certains docu-ments en anglais ainsi que les conditions,dans les appels à candidatures, relatives à laconnaissance de l’anglais et du françaisconstituaient une discrimination manifesteen raison de la nationalité, puisque cela favo-risait les candidats dont la langue maternelleest l’anglais ou le français. Le traitement plusfavorable de ces deux langues ne serait pasjustifié ni même motivé, ce qui constitueraità cet égard une violation de l’obligation demotivation visée à l’article 253 CE.

Eurojust a cependant soulevé une excep-tion d’irrecevabilité en ce qu’il n’existeraitaucun fondement juridique permettant deformer le recours, dès lors que la liste desactes, dont la légalité peut être contrôlée parla Cour, ne ferait pas état de ceux adoptés parEurojust, qui est un organe de l’Union, dotéde sa propre personnalité morale.

Dans un premier temps, la Cour de justice examine la recevabilité du recourssur le fondement de l’article 230 CE.

La Cour rappelle, à titre liminaire, que c’estau requérant qu’il appartient de faire le choixdu fondement juridique de son recours et nonau juge communautaire de choisir lui-mêmela base légale la plus appropriée, qui s’est enl’espèce fondé sur l’article 230 CE. C’est doncau regard de cette disposition qu’il y a lieud’examiner la recevabilité dudit recours.

Ainsi qu’il résulte de l’article 230 CE, laCour «contrôle la légalité des actes adoptésconjointement par le Parlement européen et leConseil, des actes du Conseil, de la Commission etde la BCE, autres que les recommandations et lesavis, et des actes du Parlement européen destinés àproduire des effets juridiques vis-à-vis des tiers».

La Cour constate que les actesd’Eurojust attaqués par l’Espagne ne sontpas repris à la disposition de l’article 230CE contenant la liste des actes suscep-tibles de recours en annulation sur labase de ce traité.

Par ailleurs, l’article 41 UE ne prévoit pasque l’article 230 CE est applicable aux dis-positions relatives à la coopération policière

et judiciaire en matière pénale figurant autitre VI du traité sur l’Union européenne, lacompétence de la Cour en cette matière étantprécisée à l’article 35 UE, auquel renvoiel’article 46, sous b), UE.

En tout état de cause, le Royaumed’Espagne a contesté que les appels à candi-datures attaqués soient considérés commedes actes adoptés dans le cadre du titre VI dutraité sur l’Union européenne.

Il s’ensuit donc que le recours intro-duit sur la base de l’article 230 CE nepeut être déclaré recevable.

Dans un deuxième temps, la Cour constateque s’agissant du droit à une protectionjuridictionnelle effective dans le cadre de lacommunauté de droit qui, selon le Royaumed’Espagne, impose que toutes les décisionsd’un organe doté de la personnalité juridiquesoumis au droit communautaire soient sus-ceptibles d’un contrôle juridictionnel, lesactes attaqués en l’espèce ne sont passoustraits à tout contrôle juridictionnel.

En effet, ainsi qu’il résulte de l’article 30de la décision, le personnel d’Eurojust estsoumis aux règlements et réglementationsapplicables aux fonctionnaires et autresagents des Communautés européennes. Ils’ensuit que, selon une jurisprudenceconstante, les principaux intéressés, àsavoir les candidats aux différents postesfigurant dans les appels à candidaturesattaqués, disposaient d’un accès au jugecommunautaire dans les conditions pré-vues à l’article 91 du statut des fonction-naires de la Communauté.

Dans l’hypothèse d’un tel recours, les Etatsmembres seraient recevables à intervenir aulitige conformément à l’article 40 du statut dela Cour de justice et pourraient, le cas échéant,ainsi qu’il ressort de l’article 56, deuxième ettroisième alinéas, du même statut, former unpourvoi contre l’arrêt du Tribunal.

(Arrêt du 15 mars 2005, Royaume d’Espagne/ Eurojust, aff. C-160/03, non encore publié aurecueil)

Accès du public aux documents des institutions

Accès à un dossier dans uneaffaire de concurrence, refustotal, annulation de la décisionArrêt du Tribunal

Saisi d’un recours en annulation formé parle Verein für Konsumenteninformation (ci-après «VKI») contre la décision de rejet de la

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Commission européenne relative à l’accès au dossier administratif dans l’affaireCOMP/36.571/D-1, Banques autrichiennes- «club Lombard» (ci-après la «décision atta-quée»), le Tribunal de première instance desCommunautés européennes s’est prononcésur la validité de ladite décision attaquée.

Par décision en date du 11 juin 2002, rela-tive à une procédure d’application de l’article81 CE (JO 2004, L 56, p. 1), la Commissiona considéré que huit banques autrichiennesavaient participé, durant plusieurs années, àl’entente dite «club Lombard» s’appliquantsur presque tout le territoire autrichien.Selon la Commission, dans le cadre de cetteentente, les banques visées avaient notam-ment fixé en commun les taux d’intérêt decertains placements et crédits. LaCommission a par conséquent infligé desamendes d’un montant total de 124,26 mil-lions d’euros à ces banques, parmi lesquellesfigurait, entre autres, la Bank für Arbeit undWirtschaft AG («BAWAG»).

Le Verein für Konsumenteninformation(VKI) est une association de consommateursde droit autrichien dotée de la faculté de sai-sir les juridictions civiles autrichiennes pourfaire valoir certains droits de nature pécu-niaire des consommateurs que ces dernierslui ont préalablement cédés.

Le VKI mène actuellement plusieurs pro-cédures contentieuses contre la BAWAGdevant les tribunaux autrichiens. Dans lecadre desdites procédures, le VKI fait valoirque, en raison d’une adaptation incorrectedes taux d’intérêt applicables aux crédits àintérêt variable accordés par la BAWAG,cette dernière a facturé pendant plusieursannées des intérêts trop élevés à ses clients.

Dans ce contexte, le VKI a demandé à laCommission à avoir accès au dossier adminis-tratif relatif à la décision «club Lombard».

La Commission ayant rejeté cette demandedans son intégralité, le VKI a saisi le Tribunalde première instance des Communautés euro-péennes d’un recours visant à l’annulation dece rejet. Le VKI soutient, entre autres, qu’ilest incompatible avec le droit d’accès auxdocuments et, en particulier, avec le règle-ment relatif à l’accès du public aux docu-ments du Parlement européen, du Conseil del’Union européenne et de la Commission(Règlement 1049/2001/CE du Parlementeuropéen et du Conseil du 30 mai 2001, derefuser l’accès à la totalité d’un dossier admi-nistratif sans avoir, au préalable, examinéconcrètement chacun des documents conte-nus dans ledit dossier. Selon lui, laCommission aurait dû, à tout le moins, luiaccorder un accès partiel au dossier.

Le Tribunal de première instance observe,tout d’abord, que l’institution saisie d’unedemande d’accès à des documents, fondée surle règlement concernant l’accès aux docu-ments, a l’obligation d’examiner et derépondre à cette demande et, en particulier,de déterminer si l’une des exceptions au droitd’accès visées audit règlement est applicableaux documents en cause.

Le Tribunal juge ensuite qu’une insti-tution, lorsqu’elle reçoit une telle deman-de, est tenue, en principe, de procéder àune appréciation concrète et individuelledu contenu des documents visés dans lademande.

Cette solution de principe ne signifiecependant pas qu’un tel examen soit requisen toutes circonstances. En effet, dès lors quel’examen concret et individuel, auquel l’ins-titution doit en principe procéder en répon-se à une demande d’accès, a pour objet depermettre à l’institution en cause, d’unepart, d’apprécier dans quelle mesure uneexception au droit d’accès est applicable et,d’autre part, d’apprécier la possibilité d’unaccès partiel, ledit examen peut ne pas êtrenécessaire lorsque, en raison des circons-tances particulières de l’espèce, il est mani-feste que l’accès doit être refusé ou bien aucontraire accordé.

En l’espèce, le Tribunal constate que lesexceptions invoquées par la Commission neconcernent pas nécessairement l’ensemble dudossier «club Lombard» et que, même pourles documents qu’elles pourraient éventuel-lement concerner, elles pourraient ne porterque sur certains passages de ces documents.

Par conséquent, la Commission nepouvait pas, en principe, se dispenserd’un examen concret et individuel dechacun des documents visés dans lademande pour apprécier l’applicationd’exceptions ou la possibilité d’un accèspartiel.

Le Tribunal ajoute que c’est à titre excep-tionnel et uniquement lorsque la chargeadministrative provoquée par l’examenconcret et individuel des documents se révé-lerait particulièrement lourde, dépassantainsi les limites de ce qui peut être raisonna-blement exigé, qu’une dérogation à cetteobligation d’examen peut être admise.

Sans se prononcer de façon définitive sur lecaractère déraisonnable de l’examen requisde la Commission en l’espèce, le Tribunalconstate que la décision attaquée n’indiquepas que la Commission a envisagé, de façonconcrète et exhaustive, les diverses optionsqui s’offraient à elle afin d’entreprendre desdiligences qui ne lui imposeraient pas unecharge de travail déraisonnable, mais aug-

menteraient, en revanche, les chances que lerequérant puisse bénéficier, au moins pourune partie de sa demande, d’un accès auxdocuments concernés.

En conséquence, le Tribunal annule ladécision de la Commission.

(Arrêt du 13 avril 2005, Verein für Konsu-menteninformation / Commission européenne, aff. T-2/03, non encore publié au recueil)

Principe de reconnaissancemutuelle, sanctions pécuniairesDécision-cadre du Conseil

Le Conseil de l’Union européenne a adop-té, le 24 février dernier, une décision-cadreconcernant l’application du principe dereconnaissance mutuelle aux sanctionspécuniaires.

Le Conseil précise, tout d’abord, que leprincipe de reconnaissance mutuelle devrait,en tant que «pierre angulaire» de la coopéra-tion judiciaire en matière civile et pénale,s’appliquer aux sanctions pécuniaires infli-gées par les autorités judiciaires et adminis-tratives afin d’en faciliter l’application dansun Etat membre autre que celui dans lequelles sanctions ont été imposées.

Dans son premier article, la décision-cadre précise les notions de «décision» etde «sanction pécuniaire». La «décision» s’en-tend de «toute décision infligeant à titre définitifune sanction pécuniaire à une personne physique oumorale», lorsque la décision a été rendue soitpar une juridiction de l’Etat d’émission (Etatmembre dans lequel a été rendue la décision)en raison d’une infraction pénale au regard dudroit de l’Etat d’émission, soit par une auto-rité de l’Etat membre d’émission autrequ’une juridiction en raison d’une infractionpénale ou d’actes punissables au regard dudroit de l’Etat d’émission, à condition quel’intéressé ait eu la possibilité de faire porterl’affaire devant une juridiction ayant compé-tence. La notion de «sanction pécuniaire» estdéfinie comme toute obligation de payer unesomme d’argent après condamnation pourune infraction imposée dans le cadre d’unedécision ou, une indemnité aux victimes ouune somme d’argent au titre des frais affé-rents à la procédure judiciaire ou administra-tive ayant conduit à la décision ou, enfin, unesomme d’argent à un fonds public ou à uneorganisation de soutien aux victimes. La déci-sion-cadre précise que la notion de «sanctionpécuniaire» ne couvre pas les décisions de

Justice, liberté et sécurité

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DROIT COMMUNAUTAIRE

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confiscation des instruments ou des produitsdu crime et les décisions qui ont une naturecivile, et qui découlent d’une action en répa-ration de dommage ou d’une action en resti-tution et qui sont exécutoires conformémentau règlement 44/2001/CE du Conseil, du 22décembre 2000, concernant la compétencejudiciaire, la reconnaissance et l’exécution desdécisions en matière civile et commerciale.

Dans un deuxième article, la décision-cadre aborde le problème de la détermi-nation des autorités compétentes etimpose d’une part, à chaque Etat membre,qu’il soit Etat d’émission ou Etat d’exécution(Etat membre auquel a été transmise la déci-sion aux fins d’exécution) d’informer lesecrétariat général du Conseil de l’autoritéou des autorités nationales compétentes ausens de la présente décision-cadre. D’autrepart, la décision-cadre précise que chaqueEtat membre désigne une ou plusieurs auto-rités centrales responsables de la transmis-sion et de la réception administratives desdécisions et chargées d’assister les autoritéscompétentes.

La décision-cadre rappelle ensuitel’obligation de respecter les droits fonda-mentaux et les principes juridiques fondamentaux tels que consacrés parl’article 6 CE avant de décrire de façonprécise, dans son article 4, les différentesétapes de la procédure de transmissiondes décisions et de recours à l’autoritécentrale.

L’article 5 de la décision-cadre précisele champ d’application de celle-ci sous laforme d’une liste d’infractions. Ces infrac-tions donneront lieu à la reconnaissance et àl’exécution des décisions, aux conditions dela décision-cadre, sans contrôle de la doubleincrimination du fait, et à la conditionqu’elles soient punies dans l’Etat d’émission.

L’article 6 de la décision-cadre pose leprincipe relatif à la reconnaissance et àl’exécution des décisions. Selon ce principe,les autorités compétentes de l’Etat d’exécu-tion reconnaissent une décision transmiseconformément à l’article 4, sans qu’aucuneautre formalité ne soit requise, et prennentsans délai toutes les mesures nécessaires pourson exécution, sauf si l’autorité compétentedécide de se prévaloir d’un des motifs de non-reconnaissance ou de non-exécution prévus àl’article 7 de la décision-cadre.

L’article 8 de la décision-cadre énoncedes règles relatives à la détermination dumontant à payer.

L’article 9 prévoit que l’exécution de ladécision est régie par la loi de l’Etatmembre d’exécution et que les autorités decet Etat sont seules compétentes pour déci-

der des modalités d’exécution et déterminertoutes les mesures y afférentes en ce comprisles motifs de cessation de l’exécution.

Ensuite, la décision-cadre règlementeles conséquences de la situation selonlaquelle le recouvrement de la sanctionpécuniaire est impossible. Elle prévoitque l’Etat membre d’exécution peutappliquer des peines de substitution ycompris des peines privatives de liberté.L’article 11 de la décision-cadre prévoit quel’amnistie et la grâce peuvent être accordéestant par l’Etat membre d’émission que parl’Etat membre d’exécution. Par contre, seull’Etat d’émission peut statuer sur toutrecours en révision de la décision.

Les articles 14 et 15 de la décision-cadre instaurent une obligation pourl’autorité compétente de l’Etat membred’exécution d’informer sans tarder l’autorité compétente de l’Etat membred’émission de l’évolution de la procédureet ce, par tout moyen laissant une traceécrite.

Enfin, l’article 20 de la décision-cadre fixeau 22 mars 2007 la date limite à laquelle lesEtats membres devront avoir pris les mesuresnécessaires pour se conformer aux disposi-tions susmentionnées. En annexe figure lecertificat à compléter, visé à l’article 4 de ladécision-cadre concernant les différentesétapes de la procédure de transmission desdécisions et de recours à l’autorité centrale.

(JOUE L 76, du 22 mars 2005)

Résolution des litiges civils et commerciaux de faible importanceProposition de règlement du Parlement et du Conseil

La Commission européenne a présenté, le15 mars 2005, la proposition de règlementdu Parlement européen et du Conseil del’Union européenne instituant une procédu-re européenne pour les demandes de faibleimportance.

Ce document se compose de deux parties.La première partie est consacrée à l’exposédes motifs qui comprend une introductionpuis l’énoncé des objectifs poursuivis par laproposition de règlement ainsi que sonchamp d’application. La seconde partie de cedocument reprend le texte de proposition derèglement du Parlement européen et duConseil de l’Union européenne instituantune procédure européenne pour lesdemandes de faible importance.

Concernant tout d’abord l’exposé desmotifs, la Commission commence par

faire une introduction historique. Ellerappelle que faisant suite au Conseil euro-péen de Tampere de 1999, le programme demesures, commun à la Commission et auConseil, sur la mise en œuvre du principe dereconnaissance mutuelle des décisions enmatière civile et commerciale, adopté par leConseil le 30 novembre 2000, a préconisé lasimplification et l’accélération du règlementdes litiges de faible importance. C’est dansce contexte que la Commission a présen-té, le 20 décembre 2002, un Livre vert surune procédure européenne d’injonctionde payer et sur des mesures visant à sim-plifier et à accélérer le règlement deslitiges de faible importance. Les réponses àce Livre vert ont fait apparaître qu’un instru-ment destiné à simplifier et à accélérer lerèglement des litiges de faible importanceétait quasi unanimement considéré commeun progrès vers la mise en place d’un espacede liberté, de sécurité et de justice.

Ensuite, la Commission énonce l’objec-tif général et le champ d’application de laproposition de règlement.

Concernant l’objectif général poursuivi parla proposition, elle insiste, en premier lieu, surl’intérêt de mettre en place des procéduresefficaces pour les demandes de faible impor-tance en constatant, d’une part, que les obs-tacles à l’obtention d’une décision rapide etpeu coûteuse augmentent de toute évidencedans un contexte transfrontalier et, d’autrepart, que les problèmes ne se limitent pas auxlitiges opposant les particuliers et que les pro-priétaires de petites entreprises peuvent égale-ment rencontrer des difficultés lorsqu’ils sou-haitent faire valoir leurs demandes dans unautre Etat membre. La Commission considèreque la procédure prévue par la proposition derèglement doit aussi s’appliquer aux affairespurement internes afin de supprimer les dis-torsions de concurrence entre opérateurs éco-nomiques de différents Etats membres et defaciliter l’accès à la justice, dans des conditionsidentiques dans tous les Etats membres. LaCommission dresse ensuite une liste des carac-téristiques communes des procédures concer-nant les demandes de faible importance et lessimplifications procédurales existantes dansles différents Etats membres.

Concernant le champ d’application dela proposition, la Commission rappellel’article 65 CE et la nécessité d’agir auniveau communautaire. Elle insiste égale-ment sur la conformité de la proposition auxprincipes de subsidiarité et de proportion-nalité. Dans ce cadre, la Commission pré-cise que tout en assurant l’uniformité etl’application directe de la procédure pré-vue par la proposition de règlement, cedernier n’obligerait les Etats membres à

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prévoir la procédure européenne qu’entant qu’instrument complémentaire desorte qu’ils n’auront ni à abandonnerleur législation préexistante, ni à la modi-fier pour la mettre en conformité avec ledroit communautaire. Enfin, laCommission indique que l’instaurationd’une procédure européenne pour lesdemandes de faible importance n’imposedonc pas un rapprochement des législationsprocédurales nationales et permet par consé-quent de maintenir au strict minimum l’im-mixtion dans le droit national.

Concernant la seconde partie de cedocument, la Commission reprend letexte de proposition de règlement duParlement européen et du Conseil del’Union européenne instituant une pro-cédure européenne pour les demandesde faible importance.

Le premier chapitre de la propositionde règlement est consacré à son objet etson champ d’application. L’article 2 exclutdu champ d’application de cette propositioncertaines matières relatives à l’état et la capa-cité des personnes physiques, aux régimesmatrimoniaux, testaments et successions,aux faillites, concordats et autres procéduresanalogues, à la sécurité sociale, à l’arbitrageet au droit du travail.

Le deuxième chapitre de la propositionde règlement concerne les différentesétapes de la procédure européenne pourles demandes de faible importance.L’article 3 décrit les modalités de l’engage-ment de la procédure. L’article 4 de la propo-sition de règlement envisage les modalités dedéroulement de la procédure.

Enfin, l’article 5 de la proposition de règle-ment concerne la conclusion de la procé-dure. Cette disposition prévoit que dans undélai d’un mois à compter de la réception parla juridiction des réponses du défendeur oudu demandeur dans les délais fixés à l’article4, paragraphes 3 et 5, la juridiction rend unedécision ou demande aux parties de fournirdes renseignements complémentaires ausujet de la demande dans un certain délai oucite les parties à comparaître à une audience.Dans l’hypothèse où la juridiction n’auraitpas reçu de réponse du défendeur dans ledélai fixé à l’article 4, paragraphe 3, c’est-à-dire un mois à compter de la date à laquelleles formulaires de demande et de réponse luiont été signifiés ou notifiés, elle rend unedécision par défaut.

Ce deuxième chapitre aborde également laréglementation de l’audience (article 6) etdes modalités d’obtention des preuves(article 7).

L’article 8 précise que la représentationdes parties par un avocat ou un autreprofessionnel du droit n’est pas obliga-toire.

L’article 10 indique que la décision serarendue dans un délai de six mois à comp-ter de l’enregistrement du formulaire dedemande. L’article 11 prévoit les modalitésde signification ou notification des actes.

L’article 13 énonce que la décision estimmédiatement exécutoire, nonobstanttout appel éventuel.

Le troisième chapitre de la propositionde règlement est consacré à la reconnais-sance et à l’exécution d’une décision ren-due dans un Etat membre dans le cadrede la procédure européenne pour lesdemandes de faible importance.

Le quatrième chapitre de la présente pro-position de règlement concerne la relationde cette dernière avec les autres instru-ments communautaires et précise qu’ellene porte pas atteinte à l’application du règle-ment 805/2004/CE ni du règlement44/2001/CE.

(COM(2005) 87 final)

Droit applicable et compétence en matière de divorceLivre vert de la Commission

La Commission européenne a adopté, le 14mars 2005, un Livre vert sur le droit appli-cable et la compétence en matière de divorce.

La Commission indique que l’objectif dece document de réflexion est d’engager unelarge consultation, impliquant les institu-tions de l’Union européenne, les Etatsmembres et la société civile au sujet desquestions de droit applicable et de compé-tence en matière matrimoniale.

La Commission précise que ce Livre vertfait suite au constat selon lequel il n’existeactuellement pas de dispositions commu-nautaires relatives à la législation appli-cable en matière de divorce. En effet, d’unepart, le règlement 1347/2000/CE du Conseilde l’Union européenne, dit «règlementBruxelles II», contient des dispositions rela-tives à la compétence et à la reconnaissancedes décisions en matière matrimoniale, maisne comprend aucune règle relative au droitapplicable et, d’autre part, l’entrée en vigueurdu «nouveau règlement Bruxelles II»,2201/2003/CE, qui a remplacé le précédentau 1er mars 2005, n’entraîne aucune modifica-tion à cet égard, puisqu’il reprend pratique-ment telles quelles les dispositions du règle-ment Bruxelles II en matière matrimoniale.

La Commission souligne également lanécessité, dans le contexte de l’accroisse-ment de la mobilité des citoyens au seinde l’Union européenne, de simplifier lavie de ces derniers dans des affaires qui,comme le divorce, ont des incidences surleur vie quotidienne.

Tout d’abord, la Commission dresse uninventaire des inconvénients que présen-te la situation actuelle pour un «coupleinternational» qui souhaite divorcer. Un «couple international» qui souhaitedivorcer est actuellement soumis aux règlesde compétence du nouveau RèglementBruxelles II, 2201/2003/CE, qui permettentaux conjoints de choisir entre plusieurs critères de compétence différents. LaCommission souligne que, dans ce contexte,la combinaison de la disparité des règles deconflit de lois et des dispositions actuelles enmatière de compétence peut engendrer uncertain nombre de problèmes.

Outre le manque de sécurité juridiqueet de souplesse, la situation actuelle peutaussi produire des résultats qui ne cor-respondent pas aux attentes légitimesdes citoyens.

De plus, la Commission souligne que lesdispositions nationales en matière de conflitde loi ne prévoient en principe qu’une seulesolution pour une situation donnée, parexemple l’application du droit de l’Etat dontles conjoints ont la nationalité, ou l’applica-tion de la loi du for, et engendrent ainsi unelimitation de l’autonomie des parties. Eneffet, il n’est pas tenu compte par exempledu fait que des citoyens peuvent se sentirétroitement liés à un Etat membre sans enêtre ressortissants.

De surcroît, les citoyens communau-taires qui résident dans un Etat tiers peu-vent avoir des difficultés à trouver unejuridiction compétente en matière dedivorce et à faire reconnaître dans leursEtats d’origine respectifs un jugement dedivorce rendu dans un Etat tiers.

Enfin, la Commission souligne que dans lasituation actuelle, il existe un risque de«ruée vers le tribunal» dans la mesure où larègle relative à la litispendance peut inciterun des conjoints à demander le divorce avantl’autre conjoint pour éviter que la compéten-ce n’appartienne aux juridictions d’un autreEtat membre. Il peut en résulter des situa-tions dans lesquelles l’un des époux demandele divorce dans tel ou tel Etat membre dansle but d’obtenir un certain résultat, parexemple pour éviter l’application d’unelégislation spécifique en matière de divorce.Ainsi, la «ruée vers le tribunal» peut avoirdes conséquences négatives pour le défen-

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deur si elle entraîne l’application d’un droitauquel il ne se sent pas étroitement lié et quine tient pas compte de ses intérêts.

Ensuite, la Commission envisage leséventuelles et possibles perspectivesdans le contexte actuel.

Dans un premier temps, elle suggèrel’option de maintenir le statu quo actueldans l’idée que les problèmes recensés nesont pas suffisamment graves ou fré-quents pour justifier une action commu-nautaire.

Dans un deuxième temps, laCommission formule la possibilité d’in-troduire des règles harmonisées deconflit de lois fondées sur un ensemblede critères de rattachement uniformes desorte qu’au final un divorce soit régi parl’ordre juridique avec lequel il présenteles liens les plus étroits. Ainsi, les critèresde rattachement communément utilisés endroit international et dans les règles natio-nales de conflit de lois, à savoir la dernièrerésidence commune des conjoints, la natio-nalité commune des conjoints, la dernièrenationalité commune si l’un des conjoints l’aconservée ou la loi du for, pourraient êtreenvisagés dans le cadre de cette future légis-lation en matière de divorce.

Dans un troisième point, la Commis-sion propose d’offrir aux conjoints la pos-sibilité limitée de choisir le droit appli-cable à la procédure de divorce. Le Livrevert présenté par la Commission précise queles modalités de ce choix devraient faire l’ob-jet d’un examen approfondi en ce sens qu’ilpourrait être exigé que le choix soit fait expli-citement et par écrit au moment de l’intro-duction de la demande de divorce. De plus, ilfaudrait également examiner la nécessité degaranties spéciales pour protéger un conjointdes pressions abusives exercées par l’autreconjoint pour imposer le choix d’un droitparticulier. Enfin, des dispositions particu-lières pourraient aussi s’avérer nécessaires si lecouple a des enfants. La Commission soulignequ’une certaine autonomie des parties per-mettrait, d’une part, de rendre les règles plussouples que les dispositions actuelles, qui neprévoient en principe qu’une seule solutionpossible et, d’autre part, faciliterait l’accèsaux tribunaux dans certains cas, notammentlorsque les époux sont d’accord pour divorcer.

Dans un quatrième point, la Com-mission propose de réviser les critères decompétence énumérés à l’article 3 durèglement 2201/2003/CE dans la mesureoù, d’une part, en l’absence de règles uni-formes de conflit de lois, l’existence de plu-sieurs critères de compétence alternatifs peutentraîner l’application de droits avec lesquels

les conjoints ne sont pas nécessairement leplus étroitement liés et, d’autre part, les cri-tères de compétence peuvent, dans certainscas, ne pas être suffisamment souples pourrépondre aux besoins des personnes.Cependant, la Commission souligne qu’ilconvient d’examiner soigneusement lesconséquences d’une telle révision dans lamesure où une restriction des critères de com-pétence pourrait avoir des conséquencesnégatives en termes de souplesse et d’accèsaux tribunaux, sauf si les parties se voientconférer la possibilité de choisir la juridictioncompétente. En revanche, l’ajout de nou-veaux critères de compétence pourrait encreaggraver le manque de sécurité juridique.

Dans un cinquième point, la Commis-sion suggère de réviser la règle relativeaux compétences résiduelles figurant àl’article 7 du règlement 2201/2003/CE.

Dans un sixième point, la Commissionenvisage la solution d’offrir aux conjointsla possibilité de choisir la juridictioncompétente en cas de divorce («proroga-tion de compétence»). La Commission meten avant les avantages que cette option pré-senterait. Tout d’abord, elle permettrait unaccroissement de la sécurité juridique et de lasouplesse particulièrement nécessaire en casde divorce par consentement mutuel.Ensuite, elle pourrait s’avérer utile lorsqueles conjoints sont dans l’incapacité de saisirune juridiction d’un Etat membre en vertudes règles actuelles de compétence, parcequ’ils ne partagent ni nationalité ni domici-le communs. La juridiction désignée par lesparties appliquerait le droit désigné selon sesrègles internes de conflit de lois. De plus, laCommission indique que la prorogation enmatière de divorce pourrait être limitée auxjuridictions des Etats membres avec lesquelsles conjoints ont des liens étroits, parexemple en raison de la nationalité ou dudomicile de l’un ou l’autre d’entre eux ou deleur dernière résidence habituelle commune.

Dans un septième point, la Commis-sion invoque la possibilité de renvoyerune affaire dans des circonstances excep-tionnelles et à de strictes conditions si unconjoint demande le divorce dans unEtat membre, mais que le défendeurdemande le renvoi de l’affaire à une juri-diction d’un autre Etat membre au motifque la vie conjugale s’est principalementdéroulée dans ce dernier Etat. Pour garan-tir la sécurité juridique, le «centre de gravi-té» d’un mariage pourrait être déterminé surla base d’une liste exhaustive de critères derattachement, comprenant, par exemple, ladernière résidence habituelle commune desconjoints si l’un des conjoints y vit toujours,et la nationalité commune des conjoints. La

Commission remarque qu’il conviendrait depréciser les modalités d’un éventuel mécanis-me de renvoi pour éviter notamment qu’iln’entraîne des retards intempestifs.

Enfin, la Commission indique que dansla mesure où ces propositions présentéesdans le Livre vert sont des exemples dedifférentes solutions possibles et qu’au-cune ne permet à elle seule de résoudrede manière satisfaisante les problèmesénumérés, plusieurs solutions pourraientêtre combinées. Les conjoints pourraientpar exemple être autorisés à choisir la juri-diction compétente en fonction de la natio-nalité de l’un ou l’autre d’entre eux ou deleur dernière résidence habituelle. Ils pour-raient en outre être autorisés à choisir le droitapplicable ou, à tout le moins, à opter pourl’application de la loi du for.

(COM(2005) 82 final)

Principe non bis in idemArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par le Tribunale diBologna (Italie), la Cour de justice desCommunautés européennes a, dans un arrêtdu 10 mars 2005, été amenée à interpréterl’article 54 de la Convention d’application del’Accord de Schengen (CAAS), du 14 juin1985, entre les gouvernements des Etats del’Union économique Benelux, de laRépublique fédérale d’Allemagne et de laRépublique française relatif à la suppressiongraduelle des contrôles aux frontières com-munes, signée le 19 juin 1990 à Schengen.

Le litige au principal opposait MonsieurMiraglia aux autorités italiennes. Dans lecadre d’une enquête menée en collaborationentre les autorités italiennes et néerlandaises,Monsieur Miraglia a été arrêté en Italie, le 1er février 2001, en vertu d’une ordonnancede détention préventive rendue par le jugedes enquêtes préliminaires du Tribunale diBologna. Il était reproché à MonsieurMiraglia d’avoir organisé avec d’autres per-sonnes le transport à partir des Pays-Bas versBologne de produits stupéfiants, délit prévuet puni par la loi italienne. Le 22 janvier2002, le juge de l’audience préliminaire duTribunale di Bologna a prononcé le renvoi deMonsieur Miraglia pour ledit délit et a déci-dé de remplacer sa détention préventive parune mesure d’assignation à résidence. LeTribunale di Bologna a ensuite remplacé l’as-signation à résidence par une obligation deséjourner à Mondragone (Italie), et a enfinrévoqué toute mesure préventive, de sorteque le prévenu est actuellement libre de sesmouvements. Parallèlement, et pour lesmêmes faits délictueux, une procédure péna-

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le a été engagée à l’encontre de MonsieurMiraglia devant les autorités judiciairesnéerlandaises. Pour ce chef d’inculpation,Monsieur Miraglia a été arrêté par les autori-tés néerlandaises le 18 décembre 2000 etremis en liberté le 28 décembre 2000. Le 17janvier 2001, le Gerechtshof te Amsterdam(Pays-Bas) a rejeté l’appel formé par le minis-tère public contre l’ordonnance duRechtbank te Amsterdam (Pays-Bas) reje-tant la demande de maintien en détention.La procédure pénale à l’encontre du prévenua été clôturée le 13 février 2001 sanscondamnation de celui-ci à une peine ou àune autre sanction. Dans le cadre de cetteprocédure, le procureur de la Reine néer-landais n’a pas engagé d’action pénalecontre le prévenu. Il ressort du dossierque cette décision a été prise au motifqu’une action pénale avait été engagée,pour les mêmes faits, en Italie.

Par ordonnance du 9 novembre 2001, leRechtbank te Amsterdam a indemnisé leprévenu en raison du préjudice subi du faitde la détention préventive accomplie ainsique des frais d’avocat engagés. Par lettre du7 novembre 2002, le parquet du Rechtbankte Amsterdam a rejeté la demande d’entraidejudiciaire émanant du parquet du Tribunaledi Bologna en se fondant sur la réserve for-mulée par le royaume des Pays-Bas en ce quiconcerne l’article 2, sous b), de la Conventioneuropéenne d’entraide judiciaire, dès lors queledit Rechtbank avait «clôturé l’affaire sansinfliger aucune peine».

Le 10 avril 2003, le ministère public ita-lien a adressé aux autorités judiciaires néer-landaises une demande de renseignementsportant sur l’issue de la procédure pénaleengagée contre Monsieur Miraglia et sur lemode de règlement de cette procédure. Parnote du 18 avril 2003, le parquet néerlandaisa informé son homologue italien de la sus-pension des poursuites pénales à l’encontrede Monsieur Miraglia sans toutefois donnerd’indications jugées suffisantes par la juri-diction de renvoi concernant la mesure adop-tée et son contenu.

Le parquet néerlandais a indiqué qu’ils’agissait «d’une décision finale d’un juge»interdisant, en vertu de l’article 255 du codede procédure pénale néerlandais, toute pour-suite pour les mêmes faits délictueux et toutecoopération judiciaire avec des autoritésétrangères, à moins qu’il n’y ait de nouvellespreuves à l’encontre de Monsieur Miraglia.Les autorités judiciaires néerlandaises ontajouté que l’article 54 de la CAAS faisaitobstacle à toute demande de coopérationjudiciaire présentée par l’Etat italien.

Or, selon le Tribunale di Bologna, cetteinterprétation de l’article 54 de la CAAS est

erronée, car elle prive les deux Etats concer-nés de toute possibilité concrète de faire ensorte que les responsabilités du prévenusoient effectivement examinées.

C’est dans ce contexte que le Tribunale diBologna a décidé de surseoir à statuer et deposer à la Cour la question préjudicielle sui-vante: «Y a-t-il lieu d’appliquer l’article 54de la CAAS lorsque la décision judiciaireadoptée dans le premier Etat consiste en unerenonciation à poursuivre l’action pénalesans aucun jugement sur le fond et sur laseule base du préalable que des poursuitesont déjà été engagées dans un autre Etat?»

Tout d’abord, la Cour rappelle qu’il ressortdes termes mêmes de l’article 54 de la CAASqu’aucune personne ne peut être poursuiviedans un Etat membre pour les mêmes faitsque ceux pour lesquels elle a déjà été «défini-tivement jugée» dans un autre Etat membre.

La Cour remarque qu’une décision judi-ciaire, telle que celle en cause dans l’affaireau principal, qui a été prononcée après que leministère public a décidé de ne pas pour-suivre l’action publique au seul motif quedes poursuites pénales ont été engagées dansun autre Etat membre à l’encontre du mêmeprévenu et pour les mêmes faits sans qu’au-cune appréciation n’ait été portée sur le fond,ne saurait constituer une décision jugeantdéfinitivement cette personne au sens de l’ar-ticle 54 de la CAAS.

La Cour considère en effet que cette inter-prétation dudit article 54 s’impose d’autantplus qu’elle est la seule à faire prévaloir l’ob-jet et le but de cette disposition sur desaspects de procédure et à garantir une appli-cation utile de cet article. La Cour réaffir-me en ce sens l’objectif constant de l’ar-ticle 54 de la CAAS qui est d’éviterqu’une personne, par le fait d’exercer sondroit de libre circulation, ne soit pour-suivie pour les mêmes faits sur le terri-toire de plusieurs Etats membres.

Or, la Cour considère que l’applicationde cet article à une décision de clôture dela procédure pénale, telle que celle encause dans l’affaire au principal, auraitpour effet de rendre plus difficile, voirede faire obstacle à toute possibilitéconcrète de sanctionner dans les Etatsmembres concernés le comportementillicite reproché au prévenu.

En conséquence, la Cour dit pour droitque le principe non bis in idem, consacréà l’article 54 de la CAAS, ne trouve pas às’appliquer à une décision des autoritésjudiciaires d’un Etat membre déclarantqu’une affaire est clôturée, après que leministère public a décidé de ne pas pour-suivre l’action publique au seul motif

que des poursuites pénales ont été enga-gées dans un autre Etat membre à l’en-contre du même prévenu et pour lesmêmes faits, et ce en l’absence de touteappréciation sur le fond.

(Arrêt du 10 mars 2005, Filomeno MarioMiraglia, aff. C-469/03, non encore publié aurecueil)

Convention de Bruxelles, champ d’application territorial de la ConventionArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par la Court ofAppeal, Civil Division (Royaume-Uni), laCour de justice des Communautés euro-péennes a été amenée à interpréter l’article 2 dela Convention du 27 septembre 1968 concer-nant la compétence judiciaire et l’exécutiondes décisions en matière civile et commerciale(ci-après la Convention de Bruxelles).

Le litige au principal opposait MonsieurOwusu, ressortissant britannique domiciliéau Royaume-Uni à Monsieur Jackson, agis-sant sous le nom commercial «Villa HolidaysBal-Inn Villas», et à plusieurs sociétés dedroit jamaïquain à la suite de la survenanced’un accident corporel dont a été victimeMonsieur Owusu en Jamaïque. En plongeantdans la mer à un endroit où l’eau arrivait àhauteur de l’abdomen, Monsieur Owusu aheurté un banc de sable immergé et a subiune fracture le rendant tétraplégique.

Monsieur Owusu a introduit, auRoyaume-Uni, une action en responsabilitécontractuelle à l’encontre de MonsieurJackson, également domicilié dans cet Etat.Ce dernier avait loué à l’intéressé une villa devacances à Mammee Bay (Jamaïque). SelonMonsieur Owusu, le contrat, qui stipulaitqu’il avait accès à une plage privée, prévoyaitimplicitement que celle-ci serait raisonna-blement sûre ou exempte de dangers cachés.Monsieur Owusu a également exercé auRoyaume-Uni une action en responsabilitéquasi-délictuelle à l’encontre de plusieurssociétés jamaïquaines. Selon MonsieurOwusu, ces sociétés propriétaires exploitantsde la plage n’auraient pas averti les nageursdes dangers liés à la présence de bancs desable immergés. La procédure a été ouvertepar la High Court Civil Division.

Monsieur Jackson et les sociétés jamaï-quaine, défendeurs au principal, ont déposédevant ladite juridiction un déclinatoire decompétence en ce qui concerne l’actionintroduite à leur encontre. A l’appui de leurdemande, ils ont fait valoir que le litige avaitdes liens plus étroits avec la Jamaïque et quela juridiction de cet Etat constituait un for

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compétent devant lequel le litige pouvaitêtre réglé de manière plus adéquate pourtoutes les parties et aux fins d’une meilleurejustice. Le juge de première instance conclutque le Royaume-Uni et non la Jamaïqueconstituait l’Etat où le for était appropriépour connaître du litige et a donc rejeté ledéclinatoire de compétence. Les défendeursont interjeté appel contre cette ordonnance.

Selon la juridiction de renvoi, la questionde l’application de l’exception du forum nonconveniens en faveur des juridictions d’un Etattiers, alors même que l’un des défendeurs estdomicilié dans un Etat contractant, n’ajamais fait l’objet d’un arrêt de la Cour dejustice. C’est dans ce contexte que la Court ofAppeal, Civil Division, a décidé de surseoir àstatuer et de poser à la Cour de justice plu-sieurs questions préjudicielles sur l’interpré-tation de l’article 2 de la Convention deBruxelles.

La question soumise à la Cour tendait àsavoir si la Convention de Bruxelles s’op-pose, lorsque le demandeur prétend quela compétence est basée sur l’article 2, àce que la juridiction d’un Etat contrac-tant décline sa compétence, en vertu deson droit national, pour connaître d’uneaction intentée contre une personne danscet Etat en faveur des juridictions d’unEtat tiers et ce, d’une part, dans l’hypo-thèse où la question de la compétenced’une juridiction d’un autre Etat contrac-tant de la Convention de Bruxelles ne sepose pas et, d’autre part, dans le cas où lelitige n’a aucun autre lien de rattache-ment avec un autre Etat contractant?

La Cour considère tout d’abord que pourrépondre à cette première question, ilconvient de déterminer si l’article 2 de laConvention de Bruxelles est applicable dansune situation telle que celle de l’affaire auprincipal, c’est-à-dire lorsque le demandeuret l’un des défendeurs ont leur domicile surle territoire d’un même Etat contractant etque le litige qui les oppose devant les juri-dictions de cet Etat présente certains liens derattachement avec un Etat tiers, mais nonavec un autre Etat contractant.

Ce n’est que dans l’affirmative que se pose-rait, dans les circonstances de l’affaire auprincipal, la question de savoir si laConvention de Bruxelles s’oppose à l’applica-tion par une juridiction d’un Etat contrac-tant de l’exception du forum non conveniens,dans l’hypothèse où l’article 2 de laditeConvention permettrait à cette juridictionde fonder sa compétence en raison du domi-cile du défendeur sur le territoire national.

La Cour rappelle sa jurisprudence pouren conclure que l’article 2 de la

Convention de Bruxelles s’applique àune situation telle que celle de l’affaire auprincipal, couvrant les rapports entre lesjuridictions d’un seul Etat contractant etcelles d’un Etat non contractant et nonles rapports entre les juridictions de plu-sieurs Etats contractants.

La Cour se prononce ensuite sur laquestion de la compatibilité de l’excep-tion du forum non conveniens avec laConvention de Bruxelles. La Cour rappelleque l’article 2 de la Convention de Bruxellesa un caractère impératif et qu’il ne peut yêtre dérogé que dans des cas expressémentprévus par la Convention. La Cour observeque le respect du principe de sécurité juri-dique ne serait pas pleinement garanti s’ilfallait permettre à une juridiction compéten-te, au titre de la Convention, de faire appli-cation de l’exception du forum non conveniens.

Or, la Cour considère que l’application dela théorie du forum non conveniens, qui laisseune large marge d’appréciation au juge saisiquant à la question de savoir si un for étran-ger serait plus approprié pour trancher lefond d’un litige, est de nature à affecter laprévisibilité des règles de compétence poséespar la Convention de Bruxelles, en particu-lier celle de son article 2, et, par voie deconséquence, le principe de sécurité juri-dique en tant que fondement de cetteConvention.

De plus, la Cour souligne que l’admissibi-lité de l’exception du forum non conveniensdans le cadre de la Convention de Bruxellesrisquerait d’affecter l’application uniformedes règles de compétence contenues danscelle-ci dans la mesure où cette exceptionn’est reconnue que dans un nombre limitéd’Etats contractants, alors que le but de laConvention de Bruxelles est précisément deprévoir des règles communes à l’exclusiondes règles nationales exorbitantes.

Par conséquent, la Cour dit pour droitque la Convention de Bruxelles s’opposeà ce qu’une juridiction d’un Etat contrac-tant décline la compétence qu’elle tire del’article 2 de ladite Convention au motifqu’une juridiction d’un Etat non contrac-tant serait un for plus approprié pourconnaître du litige en cause, même si laquestion de la compétence d’une juridic-tion d’un autre Etat contractant ne sepose pas ou que ce litige n’a aucun autrelien de rattachement avec un autre Etatcontractant.

(Arrêt du 1er mars 2005, Andrew Owusu / N. B. Jackson, aff. C-281/02, non encore publiéau recueil)

Juridiction nationale au sens de l’article 234 CEArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par le collège d’ar-bitrage de la Commission de Litiges Voyages(Belgique), la Cour de justice des Commu-nautés européennes a, dans un arrêt du 27janvier 2005, été amenée à interpréter ladirective 90/314/CEE du Conseil de l’Unioneuropéenne, du 13 juin 1990, concernant lesvoyages, vacances et circuits à forfait.

A titre liminaire, la Cour a examiné laquestion de savoir si elle était compéten-te pour statuer sur les questions qui luiétaient déférées et plus précisément surla question de savoir si le collège d’arbi-trage de la Commission de LitigesVoyages devait être considéré commeune juridiction d’un Etat membre ausens de l’article 234 CE.

La Cour rappelle que pour apprécier si l’or-ganisme de renvoi possède le caractère d’unejuridiction au sens de l’article 234 CE, elletient compte d’un ensemble d’éléments, telsque l’origine légale de l’organe, sa perma-nence, le caractère obligatoire de sa juridic-tion, la nature contradictoire de la procédu-re, l’application, par l’organe, des règles dedroit, ainsi que son indépendance.

La Cour remarque ensuite qu’en l’espèce, lasaisine du collège d’arbitrage de laCommission de Litiges Voyages résulted’une convention d’arbitrage conclue entreles parties et qu’en l’absence d’une conven-tion d’arbitrage conclue entre les parties, unparticulier peut s’adresser aux tribunauxordinaires pour trancher le litige.

La Cour en déduit que dans la mesure oùil n’y a aucune obligation, ni en droit, ni enfait, pour les parties contractantes deconfier leurs différends à l’arbitrage et queles autorités publiques belges ne sont pasimpliquées dans le choix de la voie de l’ar-bitrage, le collège d’arbitrage de laCommission de Litiges Voyages ne sauraitêtre considéré comme une juridiction d’unEtat membre au sens de l’article 234 CE.

Il en résulte que la Cour n’est pas com-pétente pour statuer sur les questionsdéférées par le collège d’arbitrage de laCommission de Litiges Voyages.

(Arrêt du 27 janvier 2005, Guy Denuit,Betty Cordenier / Transorient - Mosaïque Voyageset Culture SA, aff. C-125/04, non encore publiéau recueil)

Droit communautaire général

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16 L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

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Renvoi préjudiciel, absence de litige pendantArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par le Juzgado delo Social n°3 de Orense (Espagne), la Cour dejustice des Communautés européenne s’estprononcée sur l’interprétation des articles 12CE, 39 CE et 42 CE, ainsi que des articles 45et 48, paragraphe 1, du règlement1408/71/CEE du Conseil de l’Union euro-péenne, du 14 juin 1971, relatif à l’applica-tion des régimes de sécurité sociale aux tra-vailleurs salariés, aux travailleurs non salariéset aux membres de leur famille qui se dépla-cent à l’intérieur de la Communauté, dans saversion modifiée et mise à jour par le règle-ment 118/97/CE du Conseil, du 2 décembre1996, tel que modifié par le règlement1606/98/CE du Conseil, du 29 juin 1998.

La demande a été présentée dans lecadre d’un litige opposant MadameGarcía Blanco à l’Instituto Nacional de laSeguridad Social (Institut national desécurité sociale - INSS) et à la TesoreríaGeneral de la Seguridad Social(Trésorerie générale de la sécurité sociale- TGSS) au sujet de la liquidation de sesdroits à une pension de retraite au titrede la législation espagnole.

En effet, Madame García Blanco, née le 9octobre 1935 et décédée le 14 mai 2002, ademandé le 18 octobre 2000, à l’âge de 65ans révolus, la liquidation de ses droits à pen-sion de retraite au titre des régimes de sécu-rité sociale allemand et espagnol. Elle avait

accompli, d’une part, des périodes d’assuran-ce effectives équivalant à 209 mois - plus de17 ans - au titre de la législation allemande ettotalisé, d’autre part, 4265 jours de cotisationau titre de la législation espagnole.

Madame García Blanco a obtenu une pen-sion versée par le régime de sécurité socialeallemand. En revanche, l’INSS a refusé de luiaccorder une pension de retraite au motifqu’elle n’avait pas accompli, en Espagne, lapériode minimale de cotisation pour l’ouver-ture du droit à pension.

En effet, selon l’INSS, la période de 4080jours, au cours de laquelle l’INEM a versédes cotisations au nom de Madame GarcíaBlanco, en sa qualité de bénéficiaire de l’al-location spéciale de chômage, ne pouvait pasêtre prise en considération, conformément àla loi générale sur la sécurité sociale. Demême, la période restante de 185 jours,durant laquelle des cotisations ont été ver-sées en son nom, alors qu’elle percevait enEspagne des allocations contributives autitre de l’assurance chômage légale, ne pou-vait pas être prise en compte dans la mesureoù, conformément à l’article 48, paragraphe1, du règlement 1408/71/CEE, sa durée étaitinférieure à une année.

Saisi par Madame García Blanco d’unrecours à l’encontre de l’INSS et de la TGSS,le Juzgado de lo Social n°3 de Orense a poséà la Cour deux questions préjudicielles surl’interprétation des articles 12 CE, 39 CE à42 CE ainsi que les articles 45 et 48 durèglement 1408/71/CEE.

Par lettre du 8 avril 2003, l’INSS a infor-mé la Cour que, par décision du 3 avril2003, la pension de retraite légale réclaméepar Madame García Balnco, décédéeentre-temps, lui avait été accordée à comp-ter du 10 octobre 2000. Dès lors, la Courrappelle que la procédure prévue à l’article 234CE est un instrument de coopération entre laCour et les juridictions nationales, grâceauquel la première fournit aux secondes les élé-ments d’interprétation du droit communautai-re qui leur sont nécessaires pour la solution deslitiges qu’elles sont appelées à trancher.

Cette procédure présuppose doncqu’un litige soit effectivement pendantdevant les juridictions nationales. La jus-tification du renvoi préjudiciel n’est pas, eneffet, la formulation d’opinions consultativessur des questions générales ou hypothé-tiques, mais le besoin inhérent à la solutioneffective d’un contentieux.

Or, la Cour constate que, dans la présen-te affaire, après que le Juzgado de lo Socialn°3 de Orense a adressé sa demande de déci-sion préjudicielle, la pension sollicitée parMadame García Blanco lui a été accor-dée. Dans ces conditions, une réponse dela Cour aux questions posées ne seraitd’aucune utilité à la juridiction nationale.

(Arrêt du 20 janvier 2005, Rosa GarcíaBlanco contre Instituto Nacional de la SeguridadSocial (INSS), Tesorería General de la SeguridadSocial (TGSS), aff. C-225/02, non encore publiéau recueil)

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Organisation commune des marchés, décision de l’organe de règlement des différends de l’OMC, bananes, recours en indemnitéArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par le Raad vanState (Belgique), la Cour de justice des com-munautés européennes a été amenée à se pro-noncer sur la validité du règlement404/93/CEE du Conseil de l’Union euro-péenne, du 13 février 1993, portant orga-nisation commune des marchés dans lesecteur de la banane, de nombreuses foismodifié, au regard des articles I et XIII del’accord général sur les tarifs douaniers et lecommerce (GATT) de 1994.

Ce règlement a substitué, dans le secteurde la banane, un régime commun deséchanges avec les Etats tiers aux différentsrégimes nationaux antérieurs. Ce régimecommun d’importation a fait l’objet d’uneprocédure de règlement des différends dansle cadre de l’Organisation Mondiale duCommerce (OMC) et le 9 septembre 1997,l’organe d’appel permanent a constaté uneincompatibilité entre certains éléments durèglement communautaire et les articles I etXIII du GATT. A la suite de cette décision,le Conseil a modifié le règlement mais lenouveau régime d’importation institué amaintenu la distinction entre les bananesvenant des pays Afrique-Caraïbes-Pacifique(ACP) et les bananes venant d’autres pays.

Saisi par la République de l’Equateur,un groupe spécial de l’OMC a de nouveauconstaté l’incompatibilité de la réglemen-tation communautaire avec les accordsdu GATT. Le régime communautaire a denouveau fait l’objet de modifications intro-duites par le règlement 216/2001/CE duConseil, du 29 janvier 2001.

Le litige au principal opposait Léon VanParys au Bureau d’intervention et de restitu-tion belge (le BIRB) au sujet du refus de cedernier de délivrer à ladite société des certi-ficats d’importation pour certaines quantitésde bananes en provenance de l’Equateur etdu Panama durant les années 1998 et 1999.Dans son recours devant le Raad van State,Van Parys a fait valoir que ces refus étaientirréguliers en raison de l’illégalité, au regarddes règles de l’OMC, des règlements quirégissent l’importation de bananes dans laCommunauté et sur lesquels se fondaient les-dites décisions.

La Cour examine tout d’abord la questionde savoir si les accords OMC engendrent pourles justiciables le droit de s’en prévaloir enjustice en vue de contester la validité d’uneréglementation communautaire, dans l’hypo-thèse où l’organe de règlement des différends(ORD) de l’OMC a déclaré que celle-ci étaitincompatible avec les règles de l’OMC.

La Cour rappelle que, selon sa jurispru-dence constante, les accords OMC nefigurent pas, en principe, parmi lesnormes au regard desquelles la Courcontrôle la légalité des actes des institu-tions communautaires. Ce n’est que dansl’hypothèse où la Communauté a enten-du donner exécution à une obligationparticulière assumée dans le cadre del’OMC, ou, dans le cas où l’acte commu-nautaire renvoie expressément à des dis-positions précises des accords OMC, qu’ilappartient à la Cour de contrôler la léga-lité d’un acte communautaire au regarddes règles de l’OMC.

Or, en l’espèce, la Communauté n’a pasentendu assumer une obligation particu-lière dans le cadre de l’OMC, susceptiblede permettre au juge communautaire decontrôler la légalité des dispositionscommunautaires au regard des règles del’OMC en cause. Les règlements en cause nerenvoient pas non plus expressément à desdispositions précises des accords OMC.

En effet, et en premier lieu, la Coursouligne que, même en présence d’unedécision de l’ORD constatant l’incompa-tibilité de mesures prises par un membreavec les règles de l’OMC, le système derèglement des différends au sein de cetteorganisation n’en réserve pas moins uneplace importante à la négociation entreles parties.

Dans ces conditions, imposer à la Courl’obligation d’écarter l’application des règlescommunautaires qui seraient incompatiblesavec les accords OMC aurait pour consé-quence de priver les organes législatifs ouexécutifs de la Communauté, de la possibili-té, offerte par les règles de l’OMC, de trou-ver une solution négociée. D’ailleurs, en l’es-pèce, une solution a été négociée en 2001entre la Communauté, d’une part, et lesEtats-Unis et l’Equateur, d’autre part.

En second lieu, la Cour souligne, qu’ad-mettre que la tâche d’assurer la confor-mité du droit communautaire avec lesrègles de l’OMC incombe directement aujuge communautaire, reviendrait à pri-ver les organes législatifs ou exécutifs dela Communauté de la marge demanœuvre dont jouissent les organessimilaires des partenaires commerciaux

de la Communauté. Les partenaires les plusimportants de la Communauté du point devue commercial, considèrent précisémentque les accords OMC ne figurent pas parmiles normes au regard desquelles leurs organesjuridictionnels contrôlent la légalité de leursrègles en droit interne. Une telle absence deréciprocité risquerait d’aboutir à un déséqui-libre dans l’application des règles de l’OMC.

La Cour conclut donc qu’un opérateuréconomique ne peut pas invoquer devantune juridiction d’un Etat membre,qu’une réglementation communautaireest incompatible avec certaines règles del’OMC, quand bien même l’organe derèglement des différends a déclaré laditeréglementation incompatible avec lesrègles de l’OMC.

(Arrêt du 1er mars 2005, Léon Van Parys NV/ Belgish Interventie-en Restitutiebureau, aff. C-377/02, non encore publié au recueil)

Organisation commune des marchés, décisions de l’organe de règlement des différends de l’OMC, bananes, recours en indemnitéArrêt du Tribunal

Le Tribunal de première instance desCommunautés européennes a été saisi par lessociétés Chiquita Brands International,Chiquita Banana et Chiquita Italia d’unedemande en réparation du préjudice pré-tendument subi du fait de l’adoption et dumaintien en vigueur du règlement2362/98/CE de la Commission européenne,portant modalité d’application du règlement404/93/CEE du Conseil de l’Union européen-ne, en ce qui concerne le régime d’impor-tation de bananes dans la Communauté.

Ce règlement a substitué, dans le secteur dela banane, un régime commun des échangesavec les Etats tiers aux différents régimesnationaux antérieurs. Ce régime commund’importation a fait l’objet d’une procédurede règlement des différends dans le cadre del’Organisation Mondiale du Commerce(OMC) et, le 9 septembre 1997, l’organed’appel permanent a constaté une incompati-bilité entre certains éléments du règlementcommunautaire et les articles I et XIII duGeneral Agreement on Tariffs and Trade(GATT). A la suite de cette décision, leConseil a modifié le règlement mais le nou-veau régime d’importation institué a mainte-nu la distinction entre les bananes venant despays ACP et les bananes venant d’autres pays.

Saisi par la République de l’Equateur,un groupe spécial de l’OMC a de nouveau

Commerce

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

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constaté l’incompatibilité de la réglemen-tation communautaire avec les accordsdu GATT. Le régime communautaire a denouveau fait l’objet de modifications intro-duites par le règlement 216/2001/CE duConseil, du 29 janvier 2001.

Les trois sociétés relevant du groupe desociété Chiquita, un des plus grands produc-teurs et distributeurs de bananes au mondedemandent au Tribunal de condamner laCommunauté à la somme évaluée provisoire-ment à 564,1 millions d’euros en guise deréparation du préjudice subi.

La Cour s’attarde, tout d’abord, sur laquestion de la recevabilité du recours, laCommission estimant que la requête est irre-cevable en raison de sa prétendue impréci-sion sur le comportement reproché à laCommission et en raison de l’absence depreuve du préjudice allégué. La Cour répondrapidement que les conditions de recevabili-té de la requête sont remplies, les requé-rantes exposant de manière suffisammentprécise les différents chefs de préjudice.

Sur le fond, les requérantes invoquentquatre moyens afin de démontrer l’illégalitédu comportement de la Commission: viola-tion des règles de l’OMC, violation du man-dat que le Conseil a conféré à la Commissionpour mettre en œuvre le règlement1637/98/CE, violation de principes générauxdu droit communautaire, violation des prin-cipes de bonne foi et de confiance légitime endroit international.

Par son premier moyen, la requérantefait valoir que le règlement 2362/98/CE, quirégissait le régime d’importation desbananes dans la Communauté avant l’en-trée en vigueur du règlement 2362/98/CE,est incompatible avec les règles de l’OMC,cette incompatibilité ayant été constaté parle rapport du groupe spécial de l’OMC du 6avril 1999. Ce moyen repose sur la jurispru-dence de la Cour selon laquelle les juridictionscommunautaires peuvent contrôler la légalitéd’un acte de droit dérivé à la lumière des règlesde l’OMC, dont le GATT, lorsque «laCommunauté a entendu donner exécution à une obli-gation particulière assumée dans le cadre de l’OMC.»

Le Tribunal rappelle que les accords OMCne figurent pas, en principe, parmi les normesau regard desquelles la Cour et le Tribunalcontrôlent la légalité des actes des institu-tions communautaires. Ce n’est que dansl’hypothèse où la Communauté a entendudonner exécution à une obligation parti-culière assumée dans le cadre de l’OMC,ou, dans le cas où l’acte communautairerenvoie expressément à des dispositionsprécises des accords OMC, qu’il appar-tient à la Cour et au Tribunal de contrôler

la légalité d’un acte communautaire auregard des règles de l’OMC. Le Tribunalsouligne que cette règle, issue de l’arrêtNakajima (7 mai 1991, aff. C-69/89), n’a jus-qu’à présent été appliquée que pour le contrô-le, par voie incidente, de règlements de baseantidumping par rapport aux dispositions descodes antidumping du GATT. Mais leTribunal admet a priori que la jurisprudenceNakajima pourrait s’appliquer à un conten-tieux autre que celui de l’antidumping.

Le Tribunal va ensuite apprécier si lesconditions d’application de cette jurispru-dence sont applicables en l’espèce.

Après une analyse des caractéristiquesde l’acte communautaire en cause et desprescriptions pertinentes des accords del’OMC invoqués, le Tribunal dit pourdroit que rien ne permet de conclure àl’existence d’une intention de donnerexécution à une obligation particulièreassumée dans le cadre de l’OMC de lapart de la Communauté. En effet, les dis-positions du GATT invoquées sont desprincipes et des obligations qui revêtentun caractère général, loin d’avoir les pré-cisions et les contraintes des codes anti-dumping de l’OMC.

De plus, le Tribunal souligne que le méca-nisme de règlement des différends résultantdes accords OMC réserve une place impor-tante à la négociation entre les parties desorte qu’imposer aux organes juridictionnelsl’obligation d’écarter l’application des règlesde droit internes qui seraient incompatiblesavec les accords OMC aurait pour consé-quence de priver les organes législatifs ouexécutifs des parties contractantes de la pos-sibilité de trouver des solutions négociées.

Le Tribunal conclut ainsi, qu’en adop-tant le règlement 2362/98/CE, laCommunauté n’a pas entendu donnerexécution à une obligation particulièreassumée dans le cadre des accords del’OMC, de sorte que les requérantes nesont pas en mesure de se prévaloir de laviolation par la Communauté de ses obli-gations au titre des accords de l’OMC.

Par son deuxième moyen, la requéran-te fait valoir que la Commission a excédéles limites du mandat que lui a conféré leConseil en vue de la mise en œuvre durèglement 1637/98/CE. En adoptant cerèglement, le Conseil aurait indubitable-ment eu l’intention d’exécuter les obliga-tions issues des accords de l’OMC.

Le Tribunal rappelle, tout d’abord, qu’unéventuel non-respect de l’équilibre institu-tionnel ne saurait, à lui seul, suffire à enga-ger la responsabilité de la Communautéenvers les opérateurs économiques concernés.

Le Tribunal souligne ensuite, qu’enmatière agricole, la Commission étant laseule à même de suivre de manièreconstante et attentive l’évolution desmarchés et d’agir avec l’urgence querequiert la situation, le Conseil peut êtreamené, dans ce domaine, à lui conférer delarges pouvoirs. Les limites des pouvoirs dela Commission doivent donc être appréciéesen fonction notamment des objectifs géné-raux de l’organisation du marché. La Cour aainsi déjà jugé que la Commission, en matiè-re agricole, est autorisée à adopter toutes lesmesures nécessaires ou utiles pour la mise enœuvre de la réglementation, pour autantqu’elles ne soient pas contraires à celle-ci ou àla réglementation d’application du Conseil.

En l’espèce, le Conseil avait imposé à laCommission, tant d’adoption de mesures degestion des contingents tarifaires obéissant àla méthode des courants d’échanges tradi-tionnels que l’adoption de mesures néces-saires pour faire respecter les obligationsdécoulant des accords internationaux concluspar la Communauté. La Cour estime que lesrequérantes n’ont pas établi que laCommission ait manifestement excédé leslimites de son pouvoir d’appréciation lors-qu’elle a cherché à concilier les objectifs quelui avait donné le Conseil. La Cour rejettedonc le deuxième moyen des requérantes.

Par son troisième moyen, les requé-rantes font valoir que la Commission aviolé trois principes généraux de droitcommunautaire: le principe de non-dis-crimination, celui du libre exercice d’uneactivité économique et celui de propor-tionnalité.

La violation du principe de non discrimina-tion tirerait son origine dans le régime del’organisation commune des marchés dans lesecteur de la banane qui viserait à favoriser lesopérateurs communautaires au détriment desrequérantes. Le Tribunal n’accueille pas cetteargumentation puisque cette différence detraitement est inhérente à l’objectif de l’inté-gration de marchés dans la Communauté.

La violation du principe de libre exerciced’une activité économique se déduirait éga-lement directement de l’objectif poursuivipar l’organisation commune des marchésdans le secteur de la banane. Le Tribunalécarte également l’argumentation en citantla Cour qui a déjà jugé que l’atteinte au libreexercice des activités professionnelles desopérateurs traditionnels de bananes paystiers opérée par le règlement 404/93/CEErépondait à des objectifs d’intérêt généralcommunautaire et n’affectait pas la substan-ce même de ce droit.

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La violation du principe de proportionna-lité tirerait son origine dans la disproportiondes moyens mis en œuvre par la réglementa-tion communautaire pour réaliser son objec-tif. Le Tribunal constate que l’argumenta-tion de la requérante se borne à dénoncer lecaractère inapproprié des mesures commu-nautaires sans en rapporter la preuve, ellerejette donc l’argumentation. La requéranten’ayant pas démontré l’existence d’une vio-lation des principes généraux du droit com-munautaire, le tribunal rejette l’intégralitédu troisième moyen.

Par son quatrième moyen, la requéran-te fait valoir que la Commission a violéles principes de bonne foi et de protec-tion de la confiance légitime en droitinternational.

Les requérantes rappellent le principeénoncé à l’article 26 de la convention deVienne sur le droit des traités qui disposeque «tout traité en vigueur est obligatoire pour lesparties à celui-ci et doit être mis en œuvre par ellesde bonne foi». A l’occasion du contentieuxbananes, la Communauté aurait clairementmanqué à ce principe.

Pour le Tribunal, l’argumentation de larequérante se confond avec celle développéedans le cadre du premier moyen car lesrequérantes se prévalent de l’inexécution parla Communauté de ses obligations au titredes accords de l’OMC. Par ailleurs, le prin-cipe de l’article 26 de la convention deVienne est un principe de droit interna-tional dont les requérantes ne sauraientse prévaloir en l’espèce, compte tenu del’absence d’effet direct de l’accord inter-national dont elle conteste l’exécution debonne foi.

En ce qui concerne le principe du respectde la confiance légitime, le Tribunal consta-te que les requérantes n’ont pas démontré enquoi le comportement de la Commissionleur aurait légitimement permis d’entretenirde quelconques espérances.

Pour toutes ces raisons, le Tribunal rejettele recours.

(Arrêt du 3 février 2005, Chiquita BrandsInternational et autres / Commission des Commu-nautés européennes, aff. T-19/01, non encorepublié au recueil)

Le renvoi des affaires en matière de concentrationsCommunication de la Commission

La Commission européenne a adopté unecommunication sur le renvoi des affaires enmatière de concentrations.

Le règlement 139/2004/CE du Conseil del’Union européenne, du 20 janvier 2004,relatif au contrôle des concentrations entreentreprises, définit les compétences respec-tives de la Commission et des Etats membresdans le domaine du contrôle des concentra-tions, par l’application des critères de chiffresd’affaires fixés à son article 1er, paragraphes 2 et 3. Les concentrations de «dimension com-munautaire» relèvent de la compétence exclu-sive de la Commission.

Sous l’ancien système, qui était régi par lerèglement 4064/89/CE du Conseil, du 21décembre 1989, le Conseil et la Commissionestimaient que la procédure de renvoi desaffaires par la Commission aux Etatsmembres et vice-versa devait être limitée àdes cas exceptionnels et dans les cas où «lesintérêts de concurrence de l’Etat membre concerné nepourraient pas être suffisamment protégés d’uneautre façon».

Or, avec l’adoption du nouveau règlement,la Commission, estimant que «les choses ontévolué», a souhaité adapter le système de ren-voi. La nouvelle communication a pourobjet d’exposer les grandes lignes de lalogique qui est à la base du système derenvoi institué par l’article 4, para-graphes 4 et 5, et l’article 22 du récentrèglement 139/2004/CE sur le contrôledes concentrations et notamment lesmodifications qui y ont été apportées, dedresser le catalogue des critères juri-diques qui doivent être remplis pourpermettre les renvois et d’indiquer lesfacteurs qui peuvent être pris en consi-dération lorsqu’il s’agit de décider d’unrenvoi. La communication fournit égale-ment des orientations pratiques au sujetdu mécanisme de renvoi, et notammenten prénotification.

La Commission précise toutefois que, euégard à la sécurité juridique, les renvois res-tent une dérogation à la règle générale quidétermine la compétence en fonction des seuilsde chiffres d’affaires. En outre, elle souligneque les décisions prises en matière de renvoidoivent tenir compte de tous les aspects del’application du principe de subsidiarité.

L’application du principe de subsidiaritécomporte les aspects suivants: le point desavoir quelle est l’autorité la plus appropriéepour l’examiner, en tenant compte en parti-culier du lieu probable où se feraient ressen-tir les effets de la concentration sur laconcurrence et des implications du renvoienvisagé sur le plan administratif; les avan-tages du guichet unique, qui est au cœur durèglement sur les concentrations; et l’impor-tance de la sécurité juridique en ce quiconcerne la compétence.

La Commission distingue le renvoipréalable à la notification (renvoi en pré-notification), dont le mécanisme estdéclenché par le dépôt d’un mémoiremotivé par les parties à la concentration,et le renvoi postérieur à la notification.Pour chaque cas, la Commission définit danssa communication les critères juridiquesainsi que les autres facteurs à prendre enconsidération.

Après avoir défini ces critères de renvoi, laCommission expose le fonctionnement dusystème de renvoi.

La Commission opère d’abord une présen-tation générale du système de renvoi,dont les règles sont établies à l’article 4,paragraphes 4 et 5, et aux articles 9 et 22 durèglement sur les concentrations. Ces dispo-sitions décrivent les démarches requises pourun renvoi.

La Commission fournit ensuite des préci-sions sur certains aspects du fonctionne-ment de ces systèmes de renvoi. Cette sec-tion de la communication (paragraphes 52 etsuivants) apporte des détails concernant lespoints suivants: le réseau des autorités de laconcurrence; le déclenchement du mécanis-me de renvoi préalable à la notification et lesrenseignements que doivent fournir les par-ties requérantes; les concentrations suscep-tibles de renvoi; la notion de «en prénotifica-tion» au sens de l’article 4, paragraphes 4 et5, du règlement sur les concentrations; lesnotions de «concentration susceptible d’être exa-minée en vertu du droit national de la concurren-ce» et d’«Etat membre compétent» au sens del’article 4, paragraphe 5, du règlement surles concentrations; la question de la notifica-tion et de la publication des décisions; etenfin l’article 9, paragraphe 6, du règlementsur les concentrations qui prévoit que l’auto-rité nationale de concurrence statue «dans lesmeilleurs délais» après renvoi d’une concentra-tion par la Commission.

Annexés à la communication figurent desschémas explicatifs du mécanisme de renvoirelatifs, le premier, aux concentrations dedimension communautaire de l’article 4, para-graphe 4; le deuxième, aux concentrations de

Concurrence

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dimension non communautaire susceptiblesd’être examinées en vertu du droit nationald’au moins trois Etats membres de l’article 4,paragraphe 5; le troisième, aux concentrationsde dimension communautaire de l’article 9; etle quatrième, aux concentrations de dimen-sion non communautaire de l’article 22 durèglement sur les concentrations.

Enfin, la Commission indique que sa com-munication fera l’objet d’un examen pério-dique.

(JOUE C 56, du 5 mars 2005)

Les restrictions directement liéeset nécessaires à la réalisation des opérations de concentrationCommunication de la Commission

La Commission européenne a adopté unecommunication relative aux restrictionsdirectement liées et nécessaires à la réalisationdes opérations de concentration en applica-tion du règlement 139/2004/CE du Conseilde l’Union européenne, du 20 janvier 2004,relatif au contrôle des concentrations entreentreprises, dont l’article 6, paragraphe 1,point b), deuxième alinéa, ainsi que l’article8, paragraphe 1, deuxième alinéa, et l’article8, paragraphe 2, troisième alinéa, disposentque toute décision déclarant une concentra-tion compatible avec le marché commun «estréputée couvrir les restrictions directement liées etnécessaires à la réalisation de la concentration». Lamodification des règles régissant l’apprécia-tion de ces restrictions, également dénom-mées «restrictions accessoires», introduit le prin-cipe de l’appréciation de ces restrictions parles entreprises elles-mêmes, afin de soulagerla Commission européenne dans leur appré-ciation et leur traitement.

La nouvelle communication de laCommission a donc pour objet de fournirdes indications sur l’interprétation de lanotion de restrictions accessoires auxopérations de concentration afin degarantir la sécurité juridique. Elle rempla-ce la précédente communication de laCommission sur le même sujet.

La communication définit tout d’abordcertains principes généraux. Après avoirexpliqué la notion d’opération de concentra-tion, elle précise les critères de «lien direct» etde «nécessité».

La communication identifie ensuite lesprincipes applicables aux restrictionsusuelles en cas d’acquisition d’une entre-prise. Elle précise que les restrictions conve-nues entre les parties peuvent être en faveurde l’acquéreur (dont la nécessité de protec-tion est en général plus impérieuse) ou du

vendeur. Au titre de ces restrictions, elle ana-lyse les clauses de non-concurrence, lesaccords de licence et les obligations d’achatet de livraison. La Commission indique queles clauses de non-sollicitation et de confi-dentialité sont soumises aux mêmes prin-cipes que les clauses de non-concurrence.

Enfin, la communication examine lesprincipes applicables, dans ces trois typesde restrictions usuelles (obligations denon-concurrence, accords de licence etobligations d’achat et de livraison), en casde création d’une entreprise commune ausens de l’article 3, paragraphe 4, du règle-ment 139/2004/CE sur les concentrations.

(JOUE C 56, du 5 mars 2005)

Procédure simplifiée detraitement de certainesopérations de concentrationCommunication de la Commission

La Commission européenne a adopté unecommunication relative à une procéduresimplifiée de traitement de certaines opéra-tions de concentration en application durèglement 139/2004/CE du Conseil del’Union européenne, du 20 janvier 2004,relatif au contrôle des concentrations entreentreprises. Cette communication a pourobjet de définir les conditions dans les-quelles la Commission adopte en princi-pe une décision abrégée déclarant uneconcentration compatible avec le marchécommun conformément à la procéduresimplifiée et de fournir des indicationssur la procédure elle-même.

La Commission se réserve la possibilité d’ou-vrir une enquête et/ou d’adopter une décisionpleine et entière au cas où les garanties ou lesexclusions qu’elle définit aux articles 6 à 11 dela communication sont remplies.

La Commission définit à l’article 5 les caté-gories de concentrations se prêtant à l’appli-cation de la procédure simplifiée, dites«concentrations éligibles».

Les dispositions de procédure sont éta-blies aux articles 15 et suivants de la com-munication.

La Commission souligne notamment l’inté-rêt des contacts établis dans la prénotifica-tion, qui permettent à la Commission et auxparties notifiantes de déterminer avec préci-sion la quantité d’informations à fournir dansla notification. L’article 15 encadre donc lesconditions dans lesquelles ces contacts peu-vent s’établir.

L’article 16 mentionne les informationsqui font l’objet d’une publication au Journal

officiel de l’Union européenne (JOUE) à laréception d’une notification.

Enfin, la Commission précise les délaisdans lesquels elle rendra une décision dite«abrégée», si elle constate que la concentra-tion remplit les critères d’application de laprocédure simplifiée, ainsi que les conditionsde publication de cette décision au JOUE.Elle souligne que la procédure simplifiéen’est pas applicable aux affaires dans les-quelles les entreprises concernées demandentune appréciation formelle des restrictionsqui sont directement liées et nécessaires à laréalisation de l’opération de concentration(qui font l’objet d’une communication sépa-rée, traitée ci-dessus).

(JOUE C 56, du 5 mars 2005)

Concentration entre Tetra Lavalet Sidel, critères du contrôlejuridictionnelArrêt de la Cour

Saisie d’un recours formé par la Commissioneuropéenne, tendant à l’annulation de l’arrêtdu Tribunal de première instance desCommunautés européennes du 25 octobre2002 (Tetra Laval / Commission, aff. T-5/02,Rec. p. II-4381, ci-après «l’arrêt attaqué»), parlequel celui-ci a annulé la décision2004/124/CE de la Commission, du 30octobre 2001, déclarant une opération deconcentration incompatible avec le marchécommun et l’accord sur l’Espace économiqueeuropéen (Affaire COMP/M.2416 - TetraLaval / Sidel, JOUE 2004, L 43, p. 13, ci-après«la décision litigieuse»), la Cour de justicedes Communautés européennes s’est pro-noncée sur le contrôle juridictionnel opérépar le Tribunal concernant la décision dela Commission relative à l’opération deconcentration entre Tetra Laval et Sidel.

Par la décision litigieuse, la Commissioneuropéenne a interdit une concentration entreTetra Laval BV, appartenant à un groupedominant au niveau mondial dans le secteurde l’emballage de boissons en carton, et SidelSA, entreprise leader dans la productiond’équipements pour les emballages de bois-sons en polyéthylène téréphtalate (PET).Selon la Commission, cette opération auraitincité Tetra Laval à se servir de sa positiondominante sur le marché des emballages car-ton pour persuader ses clients sur ce marché,qui passent au PET pour certains produitssensibles (lait, jus de fruits, boissons nongazeuses, boissons au thé et au café) d’opterpour certains équipements de Sidel utiliséspour la production des bouteilles PET (lesmachines «SBM») et aurait transformé de cefait la prééminence de Sidel en position

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dominante. De plus, cette concentrationaurait eu pour effet de renforcer la positiondéjà dominante de Tetra Laval sur le marchédes emballages carton. La Commission a doncordonné, dans une deuxième décision, laséparation des deux sociétés, afin de rétablirles conditions d’une concurrence effective.

A la suite du recours de Tetra Laval, leTribunal a annulé les décisions de laCommission en raison d’erreurs manifestesd’appréciation commises par la Commission.La Commission a donc introduit un pourvoidevant la Cour contre l’arrêt du Tribunal.Elle faisait valoir cinq moyens.

Le premier moyen était tiré de ce que leTribunal aurait exigé de la Commission,lorsqu’elle adopte une décision déclarant uneopération de concentration incompatibleavec le marché commun, un niveau de preu-ve et une qualité des éléments de preuve pro-duits à l’appui de son argumentation incom-patibles avec le large pouvoir dont elle dis-pose lorsqu’elle procède à des appréciationsde nature économique. Le Tribunal auraitainsi outrepassé le niveau de contrôle juridic-tionnel qui lui est reconnu.

Toutefois, la Cour constate que le Tribunala correctement rappelé dans son arrêt les cri-tères du contrôle juridictionnel d’une déci-sion de la Commission en matière deconcentrations. Si la Cour reconnaît unemarge d’appréciation à la Commission enmatière économique, elle souligne que celan’implique pas que le juge communautairedoit s’abstenir de contrôler l’interprétation,par la Commission, de données de natureéconomique.

En effet, le juge communautaire doitnotamment vérifier non seulement l’exactitu-de matérielle des éléments de preuve invo-qués, leur fiabilité et leur cohérence, maiségalement contrôler si ces éléments consti-tuent l’ensemble des données pertinentesdevant être prises en considération pourapprécier une situation complexe et s’ils sontde nature à étayer les conclusions qui en sonttirées. Un tel contrôle est d’autant plus néces-saire s’agissant d’une analyse prospectiverequise par l’examen d’un projet de concen-tration produisant un effet de conglomérat.

La Cour en déduit que le Tribunal n’a com-mis aucune erreur de droit en rappelant lescritères du contrôle juridictionnel qu’il exer-ce ou en précisant la qualité des éléments depreuve qui doivent être produits par laCommission.

La Cour relève en outre que, s’agissant ducontrôle juridictionnel concret effectué parle Tribunal, il ne ressort pas de l’exempleinvoqué par la Commission, relatif à lacroissance de l’utilisation des emballages

PET pour les produits sensibles, que leTribunal aurait excédé les limites propres aucontrôle d’une décision administrative par lejuge communautaire.

Dès lors, la Cour considère que leTribunal a respecté les critères ducontrôle juridictionnel exercé par le jugecommunautaire et a donc respecté l’ar-ticle 230 CE. La Cour rejette ainsi le pre-mier moyen soulevé par la Commissioncomme non fondé.

Par son deuxième moyen, la Commissionreprochait au Tribunal de lui avoir imposé detenir compte de l’incidence de l’illégalité decertains comportements sur les incitationsqu’aurait la nouvelle entité à faire usage d’uneffet de levier et d’apprécier, en tant quemesure corrective éventuelle, l’engagementde ne pas adopter de comportements abusifs.

La Cour souligne d’abord que l’examenauquel doit procéder la Commission de l’en-semble des données pertinentes pour rappor-ter une «preuve solide» de l’incompatibilitéd’un projet de concentration avec le marchécommun doit être effectué à la lumière del’objectif du règlement 4064/89/CEE(ancien règlement relatif au contrôle des opé-rations de concentration), qui est de prévenirla création ou le renforcement de positionsdominantes susceptibles d’entraver demanière significative la concurrence effectivedans le marché commun ou une partie sub-stantielle de celui-ci.

Or, la Cour relève ensuite qu’il seraitcontraire à l’objectif de prévention du règle-ment d’exiger de la Commission que, pourchaque projet de concentration, elle examinedans quelle mesure les incitations à adopterdes comportements anticoncurrentielsseraient réduites, voire éliminées, en raisonde l’illégalité des comportements en ques-tion, de la probabilité de leur détection, deleur poursuite par les autorités compétentes,tant au niveau communautaire que national,et des sanctions qui pourraient en résulter.

En effet, selon la Cour, exiger une telleanalyse imposerait à la Commission un exa-men exhaustif et détaillé des réglementa-tions des divers ordres juridiques suscep-tibles de s’appliquer et de la politique répres-sive pratiquée dans ces derniers.

La Cour estime donc que, au stade de l’ap-préciation du projet de concentration, uneanalyse visant à établir l’existence probabled’une infraction à l’article 82 CE et à s’assu-rer que celle-ci fera l’objet d’une sanctiondans plusieurs ordres juridiques serait tropspéculative et ne permettrait pas à laCommission de fonder son appréciation surl’ensemble des éléments factuels pertinentsafin de vérifier s’ils soutiennent la descrip-

tion d’un scénario d’évolution économiquetel qu’un effet de levier.

Par conséquent, la Cour conclut que le Tribunal a commis une erreur de droit en écartant les conclusions de laCommission relatives à l’adoption, par lanouvelle entité, de comportements anti-concurrentiels susceptibles de produireun effet de levier au seul motif que cetteinstitution n’aurait pas apprécié la vrai-semblance de l’adoption de tels compor-tements en tenant compte de leur carac-tère illégal et, par suite, de la probabilitéde leur détection, de leur poursuite parles autorités compétentes, tant au niveaucommunautaire que national, et dessanctions pécuniaires qui pourraient enrésulter.

Néanmoins, la Cour considère que cetteerreur de droit ne saurait conduire à lamise en cause de l’arrêt du Tribunal. Eneffet, l’arrêt attaqué était également fondésur le refus, par la Commission, deprendre en considération les engagementsproposés par Tetra au sujet du comporte-ment futur de la nouvelle entité.

La Cour rejette enfin les trois derniersmoyens soulevés par la Commission - tirésd’une mauvaise définition des marchés, dela dénaturation, par le Tribunal, des faits etarguments au sujet du renforcement de laposition dominante sur le marché du cartonet de la création d’une position dominantesur le marché des machines SBM - soitcomme non fondés, soit comme irrecevablesparce qu’ils concernent l’appréciation, parle Tribunal, d’éléments de preuve. Or, laCour rappelle que cette appréciation n’estpas soumise à son contrôle dans le cadred’un pourvoi, qui doit se limiter aux ques-tions de droit.

La Cour rejette donc le pourvoi de laCommission contre l’arrêt du Tribunal dansson entier.

Dès lors, la Cour déclare sans objet lepourvoi formé par la Commission dans laseconde affaire C-13/03 P, demandant l’an-nulation de l’arrêt du Tribunal du 25octobre 2002 (T-80/02, Rec. p. II-4519) parlequel celui-ci avait annulé la décision2004/103/CE de la Commission, du 30 jan-vier 2002 (Affaire COMP/M.2416), impo-sant des mesures correctives et ordonnant laséparation des deux sociétés.

(Arrêt du 15 février 2005, Commission desCommunautés européennes / Tetra Laval BV, aff.C-12/03 P et C-13/03 P, non encore publié aurecueil)

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Position dominante, montant des redevances imposéesaux opérateurs GSM, recevabilitédu recours d’un particulierArrêt de la Cour

Saisie d’un recours formé par la Commissioneuropéenne, tendant à l’annulation de l’arrêtdu Tribunal de première instance desCommunautés européennes du 30 janvier2002, par lequel celui-ci a déclaré recevable lerecours en annulation introduit par la sociétémax.mobil Telekommunikation ServiceGmbH, devenue depuis T-Mobile AustriaGmbH (ci-après la «société max.mobil»)contre la lettre de la Commission du 11décembre 1998, par laquelle celle-ci a refuséd’engager un recours en manquement contrela République d’Autriche, la Cour de justicedes Communautés européennes s’est pro-noncée sur la recevabilité du recoursformé par un particulier contre une déci-sion de refus, par la Commission, d’enga-ger une action contre un Etat membredans le cadre de son contrôle des mesuresétatiques.

Le litige au principal opposait la sociétémax.mobil, deuxième opérateur GSM sur lemarché autrichien d’exploitation des réseauxde téléphonie mobile, à la Républiqued’Autriche. Max.mobil reprochait aux auto-rités autrichiennes de n’avoir pas différenciéles montants des redevances réclamées res-pectivement à max.mobil et à Mobilkom,filiale de la société Post und Telekom AustriaAG («PTA») à laquelle l’administrationautrichienne des postes et des télégraphesavait confié son monopole légal sur l’en-semble du secteur de la téléphonie mobile.Max.mobil reprochait également aux autori-tés d’avoir octroyé des avantages de paiementdesdites redevances à Mobilkom. En outre,les autorités autrichiennes auraient donné,selon max.mobil, une portée légale aux avan-tages accordés à Mobilkom dans l’attributiondes fréquences et PTA aurait accordé un sou-tien à sa filiale Mobilkom pour l’établisse-ment et l’exploitation du réseau GSM decette dernière.

Max.mobil a donc déposé une plainteauprès de la Commission visant, notamment,à faire constater que la Républiqued’Autriche avait violé les dispositions desarticles 82 CE et 86, paragraphe 1, CE. LaCommission ayant rejeté sa plainte, la socié-té a introduit un recours devant le Tribunalayant pour objet l’annulation partielle de ladécision de la Commission. Le Tribunalayant admis la recevabilité du recours demax.mobil, la Commission a formé un pour-voi devant la Cour, tendant, notamment, àl’annulation de l’arrêt du Tribunal en ce qu’il

déclarait recevable le recours en annulationintroduit par max.mobil contre la décisionde la Commission.

Dans un premier temps, la Cour exa-mine la question de la recevabilité dupourvoi principal.

La Cour rappelle d’abord les termes de l’ar-ticle 49 du statut CE de la Cour de justi-ce, qui détermine qu’un pourvoi peut êtreformé devant la Cour, dans un délai de deuxmois à compter de la notification de la déci-sion attaquée, contre les décisions duTribunal mettant fin à l’instance ainsi quecontre ses décisions qui tranchent partielle-ment le litige au fond ou qui mettent fin àun incident de procédure portant sur uneexception d’incompétence ou d’irrecevabili-té. Aux termes du troisième alinéa de cetarticle, les institutions de la Communauté nedoivent faire preuve d’aucun intérêt pourformer un tel pourvoi.

La Cour précise que les décisions qui met-tent fin à un incident de procédure portantsur une exception d’irrecevabilité sont lesdécisions qui font grief à l’une des parties enadmettant ou en rejetant cette exceptiond’irrecevabilité.

Elle en déduit qu’en l’espèce, dès lorsque le Tribunal a entendu se prononcersur la recevabilité du recours introduitpar la société max.mobil avant de le reje-ter au fond, le pourvoi de la Commissioncontre cette décision qui lui fait grief doitêtre regardé comme recevable. La Courrejette donc l’exception d’irrecevabilitésoulevée par la société max.mobil contrele pourvoi.

Dans un deuxième temps, la Cour s’in-terroge sur la recevabilité du recoursdevant le Tribunal.

La Cour rappelle tout d’abord la juris-prudence Bundesverband der Bilanz-buchhalter / Commission (arrêt du 20février 1997, aff. C-107/95 P, Rec. p. I-947), d’où il ressort qu’un particulierpeut, le cas échéant, disposer du droitd’introduire un recours en annulation àl’encontre d’une décision que laCommission adresse à un Etat membresur le fondement de l’article 86, para-graphe 3, CE, si les conditions prévues àl’article 230, alinéa 4, CE (conditions durecours en annulation) sont réunies.

La Cour souligne toutefois qu’il décou-le du paragraphe 3 de l’article 86 CE et del’économie de l’ensemble des disposi-tions de cet article que la Commissionn’est pas tenue d’engager une action ausens de ces dispositions. Les particulierspeuvent en effet exiger de la Commission

qu’elle prenne position dans un sens déter-miné.

La Cour indique que la circonstance que lerequérant aurait un intérêt direct et indivi-duel à l’annulation de la décision de refus dela Commission de donner suite à sa plainten’est pas de nature à lui ouvrir un droit àcontester cette décision. En effet, la lettre parlaquelle la Commission a informé max.mobilqu’elle n’envisageait pas d’engager uneaction contre la République d’Autriche nepeut être considérée comme produisant deseffets juridiques obligatoires de sorte qu’ellene constitue pas un acte attaquable suscep-tible d’un recours en annulation.

La Cour précise que max.mobil ne sauraitdavantage se prévaloir d’un droit à exercer unrecours qu’il tirerait du règlement17/62/CEE (premier règlement d’applicationdes articles 81 et 82 CE) qui n’est pas appli-cable à l’article 86 CE.

La Cour relève en outre que ni le principede bonne administration, ni aucun principegénéral du droit communautaire n’imposentqu’une entreprise soit recevable, devant lejuge communautaire, à contester le refus dela Commission d’engager une action à l’en-contre d’un Etat membre, sur le fondementde l’article 86, paragraphe 3, CE.

La Cour considère donc que c’est à tortqu’en l’espèce, le Tribunal a déclaré rece-vable le recours de max.mobil dirigécontre l’acte litigieux. Dès lors, la Courannule l’arrêt du Tribunal et rejette lerecours formé par max.mobil contre ladécision de la Commission.

(Arrêt du 22 février 2005, Commission desCommunautés européennes / T-Mobile AustriaGmbH, aff. C-141/02 P, non encore publié aurecueil)

Aides d’Etat, exonération des prestations de soins Arrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par leVerwaltungsgerichtshof (Tribunal admi-nistratif, Autriche), la Cour de justice desCommunautés européennes s’est pro-noncée, dans un arrêt rendu le 3 mars2005, sur la question de savoir s’il conve-nait de qualifier d’aide d’Etat, au sens del’article 87 CE, une règle en vertu delaquelle le fait, pour des médecins, depasser d’un régime d’opérations assujet-ties à la taxe sur le chiffre d’affaires à unrégime d’opérations exonérées n’entraî-nait pas la réduction, prescrite par l’ar-ticle 20 de la sixième directive, de ladéduction déjà opérée concernant des

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POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

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biens qui continuaient à être utilisésdans l’entreprise.

Le litige au principal opposait MonsieurHeiser au Finanzamt Innsbruck (Autriche)au sujet d’une décision de ce dernier enmatière de régularisation des déductions dela taxe sur la valeur ajoutée («TVA»).

En vertu d’une loi autrichienne datant de1994, les opérations afférentes à l’activité demédecin étaient exonérées de la TVA, ladéduction des taxes acquittées en amontétant exclue. Cette exonération n’était toute-fois applicable qu’aux opérations effectuéesaprès le 31 décembre 1996, alors que lesprestations médicales dispensées avant le 1er

janvier 1997 étaient assujetties à la TVA ettaxées au taux normal. Ce passage d’un régi-me d’assujettissement à un régime d’exoné-ration constituait la mise en œuvre de cer-taines dispositions de l’acte relatif à l’adhé-sion de la République d’Autriche et auxadaptations des traités sur lesquels est fondéel’Union européenne.

Monsieur Heiser, médecin spécialiste enart dentaire, avait fait valoir, dans sa déclara-tion de TVA pour l’année 1997, un dégrève-ment d’environ 3,5 millions de ATS corres-pondant aux soins orthodontiques de longuedurée commencés depuis 1991 et non encoreterminés au 1er janvier 1997, soins quiavaient fait l’objet d’acomptes ayant donnélieu au paiement de la TVA. Or, le bureaudes contributions compétent a considéré que,s’agissant de soins orthodontiques de longuedurée, la prestation s’étalait sur environ uneannée. Il n’a donc accordé de dégrèvement deTVA, dans son avis de taxation en date du 4octobre 1999, que pour les seuls traitementsayant débuté en 1996.

Monsieur Heiser a introduit un recourscontre cet avis de taxation, qui a été rejetépar la Finanzlandesdirektion. MonsieurHeiser a ensuite introduit un nouveaurecours contre la décision de cette dernièredevant le Verwaltungsgerichtshof, lui repro-chant d’avoir opéré des régularisations alorsque la loi fédérale excluait expressément queles médecins soient tenus de procéder à unerégularisation des déductions au 1er janvier1997. La Finanzlandesdirektion prétendaitau contraire qu’elle n’avait pas appliqué les-dites dispositions de la loi fédérale car l’ab-sence de régularisation des déductionsconstituait une aide d’Etat non notifiée ausens de l’article 87 CE. Or, selon l’article 88,paragraphe 3, CE, les autorités d’un Etatmembre ne peuvent mettre à exécution desaides non notifiées.

Le Verwaltungsgerichtshof a décidé de sur-seoir à statuer et de poser à la Cour une ques-tion préjudicielle.

La Cour relève au préalable que la questionposée ne porte que sur l’interprétation del’article 87 CE. Elle constate que cet articles’applique à Monsieur Heiser dans la mesureoù un médecin spécialiste en art dentairedoit être considéré comme une entreprise ausens de cette disposition s’il fournit, en saqualité d’opérateur économique indépen-dant, des services sur le marché des servicesmédicaux spécialisés en art dentaire.

La Cour rappelle ensuite les conditionsdevant être remplies par application del’article 87, paragraphe 1, CE pourqu’une mesure puisse être qualifiée d’ai-de d’Etat: premièrement, il doit s’agird’une intervention de l’Etat ou au moyende ressources d’Etat; deuxièmement,cette intervention doit être susceptibled’affecter les échanges entre Etatsmembres; troisièmement, elle doit accor-der un avantage à son bénéficiaire; etquatrièmement, elle doit fausser oumenacer de fausser la concurrence. LaCour procède donc à l’examen de chacune deces quatre conditions en l’espèce.

S'agissant de la première condition, elleconstate qu’il ne saurait être contesté que lamesure en cause constitue une interventionde l’Etat.

S'agissant de la deuxième condition, laCour rappelle qu’une aide peut être de natu-re à affecter les échanges entre Etatsmembres indépendamment de la naturelocale ou régionale des services fournis ou del’importance du domaine d’activité concer-né. Dès lors qu’il ne saurait être exclu quedes médecins spécialistes en art dentairesoient en concurrence avec leurs confrèresétablis dans d’autres Etats membres, ladeuxième condition doit être considéréecomme remplie.

S'agissant de la troisième condition,relative à l’existence d’un avantage, la Courrappelle qu’il est de jurisprudence constanteque la notion d’aide comprend non seule-ment des prestations positives, mais égale-ment des interventions qui, sous des formesdiverses, allègent les charges qui grèventnormalement le budget d’une entreprise etqui, par là, sans être des subventions au sensstrict du terme, sont de même nature et ontdes effets identiques.

Selon la Cour, la réglementation autri-chienne qui est susceptible de produire seseffets aussi longtemps qu’elle n’a pas étéabrogée est de nature à créer une charge quigrève normalement le budget d’un médecinspécialiste en art dentaire. Le fait pour laRépublique d’Autriche de renoncer, ulté-rieurement, à la régularisation des déduc-tions, par une mesure autre que celle pré-

voyant cette régularisation, allège donc lescharges qui pèsent normalement sur le bud-get d’un tel médecin et constitue, de ce fait,un avantage dont il bénéficie.

La Cour vérifie ensuite si la condition desélectivité de l’aide, prévue par l’article 87,paragraphe 1, CE est remplie. Celle-ci impo-se de déterminer si, dans le cadre d’un régimejuridique donné, une mesure nationale est denature à favoriser certaines entreprises ou cer-taines productions par rapport à d’autres, les-quelles se trouveraient, au regard de l’objectifpoursuivi par ledit régime, dans une situationfactuelle et juridique comparable. La Courprécise que le fait que la mesure en cause auprincipal constitue un avantage non seule-ment dans le chef des médecins spécialistes enart dentaire, tels que Monsieur Heiser, maiségalement au bénéfice d’autres opérateursactifs dans le domaine médical, voire à l’égardde tous les opérateurs actifs dans ce domaine,n’implique pas que cette mesure ne remplitpas la condition de sélectivité.

En outre, la Cour rejette l’argument selonlequel la mesure, quoique constitutive d’unavantage pour son bénéficiaire, serait justi-fiée par la nature ou l’économie générale dusystème dans lequel elle s’inscrit. Elle relève,d’une part, que le simple fait que la renon-ciation à la régularisation des déductionspoursuit un but social ne suffit pas à faireéchapper d’emblée une telle mesure à la qua-lification d’aide, dans la mesure où l’article87, paragraphe 1, CE définit les interven-tions étatiques en fonction de leurs effets.Elle relève, d’autre part, que, juridiquement,les médecins sont les seuls bénéficiaires de lamesure en cause.

Enfin, la Cour rappelle que, selon unejurisprudence bien établie, la circonstancequ’un Etat membre cherche à rapprocher, pardes mesures unilatérales, les conditions deconcurrence existant dans un certain secteuréconomique de celles prévalant dans d’autresEtats membres ne saurait enlever à cesmesures le caractère d’aides.

S'agissant, enfin, de la quatrièmecondition, selon laquelle l’intervention del’Etat doit fausser ou menacer de fausser laconcurrence, la Cour rappelle le principeselon lequel les aides qui visent à libérer uneentreprise des coûts qu’elle aurait normale-ment dû supporter dans le cadre de sa ges-tion courante ou de ses activités normales,faussent en principe les conditions deconcurrence. En effet, même si le choix dumédecin par les patients peut être influencépar des critères autres que le prix du traite-ment médical, tels que la qualité de celui-ciet la relation de confiance avec le médecin, laCour considère que ce prix est susceptibled’influencer, même de manière importante,

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24 L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

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le choix du médecin par le patient, notam-ment lorsque, s’agissant de médecins nonconventionnés tels que Monsieur Heiser, lepatient doit acquitter sur ses propres deniersplus de 50% du prix du traitement.

Dès lors, la Cour estime que l’article 87CE doit être interprété en ce sens qu’unerègle en vertu de laquelle le fait, pour desmédecins, de passer d’un régime d’opéra-tions assujetties à la TVA à un régimed’opérations exonérées n’entraîne pas laréduction, prescrite par l’article 20 de lasixième directive, de la déduction déjàopérée concernant des biens qui conti-nuent à être utilisés dans l’entreprise,doit être qualifiée d’aide d’Etat.

(Arrêt du 3 mars 2005, Wolfgang Heiser /Finanzamt Innsbruck, aff. C-172/03, non enco-re publié au recueil)

Prestation de services et taxe communale sur la publicitéArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par le Giudice dipace di Genova-Voltri (Italie), la Cour dejustice des Communautés européennes s’estprononcée sur deux questions.

La première question portait sur lacompatibilité de l’attribution à uneentreprise publique (les communes) de lagestion d’une taxe et de droits relatifs àun marché constituant une partie sub-stantielle du marché commun sur lequelcette entreprise publique opère en posi-tion dominante avec l’application combi-née des articles 86 et 82 CE, d’une part, et86 et 49 CE, d’autre part.

La deuxième question portait sur lacompatibilité de l’attribution à cetteentreprise publique du produit de la taxeet des droits en question avec l’applica-tion combinée des articles 86 et 82 CE,d’une part, et l’application combinée desarticles 87 et 88 CE, d’autre part, dans lamesure où elle constitue une aide d’Etatillégale car non notifiée.

Le litige au principal opposait ViacomOutdoor Srl («Viacom»), établie à Milan(Italie), à Giotto Immobilier SARL(«Giotto»), une société établie à Menton(France) qui vend des services immobiliers enFrance. Cette dernière avait chargé Viacomd’effectuer pour son compte des services depose d’affiches publicitaires sur le territoirede la commune de Gênes. Toutefois, Giotto,prétendant que les dispositions italiennes quiinstituaient et régissaient la taxe communalesur la publicité étaient contraires au droitcommunautaire, notamment à la liberté de

prestation de services prévue à l’article 49 CEet aux règles en matière de concurrence pré-vues aux articles 82, 86, 87 et 88 CE, a refu-sé de rembourser à Viacom le montant payé àla commune de Gênes au titre de l’«impostacomunale sulla publicittà» (taxe communalesur la publicité).

Viacom a donc saisi la juridiction nationa-le, qui a décidé de surseoir à statuer et deposer à la Cour deux questions préjudicielles.

Dans un premier temps, la Cour exa-mine la recevabilité des questions préju-dicielles.

La Cour relève d’emblée qu’il ne res-sort pas de manière manifeste que le jugenational ait omis de lui fournir des indi-cations suffisantes sur les raisons quil’ont conduit à s’interroger sur l’interpré-tation de certaines dispositions du droitcommunautaire et sur le lien qu’il a éta-bli entre ces dispositions et la législationnationale applicable au litige. La juridic-tion de renvoi a en effet expressément indi-qué que l’interprétation par la Cour des dis-positions du traité relatives à la libre presta-tion des services (article 49 CE), à l’octroi dedroits spéciaux et exclusifs (articles 86 CE et82 CE) et à l’octroi d’aides d’Etat (articles 87CE et 88 CE) lui semblait nécessaire dans lamesure où, si les dispositions nationales quirégissent la taxe sur la publicité et les droitsd’affichage étaient considérées commeincompatibles avec ces dispositions commu-nautaires, les charges instituées en faveur dela commune de Gênes par la législation ita-lienne devraient être considérées comme illé-gales et, par conséquent, la demande de paie-ment présentée par Viacom serait privée defondement légal et devrait être rejetée.

La Cour examine ensuite si l’ordonnan-ce de renvoi fournit des indications suffi-santes quant au contexte factuel et régle-mentaire, dont l’exigence est renforcéeen matière de concurrence. Elle constateainsi que, si les informations fournies par lajuridiction de renvoi étaient suffisammentclaires et complètes s’agissant du contexteréglementaire, elles étaient toutefois insuffi-santes s’agissant du cadre factuel.

La Cour rejette donc comme irrece-vables les questions portant sur l’inter-prétation des articles 82, 86, 87 et 88 CE.

Dans un deuxième temps, la Cour exa-mine la question préjudicielle portantsur l’interprétation de l’article 49 CE.

Elle rappelle tout d’abord que l’article 49CE exige la suppression de toute restriction àla libre prestation des services, même si cetterestriction s’applique indistinctement auxprestataires nationaux et à ceux d’autres

Etats membres, lorsqu’elle est de nature àprohiber ou à gêner autrement les activitésdu prestataire établi dans un autre Etatmembre, où il fournit légalement des ser-vices analogues.

S'agissant de la question de savoir si la per-ception par les autorités communales d’unetaxe telle que la taxe sur la publicité consti-tue une entrave incompatible avec l’article 49CE, la Cour relève qu’une telle taxe est indis-tinctement applicable à toutes les prestationsde services qui impliquent une publicitéextérieure et des affichages publics sur le ter-ritoire de la commune concernée. Les règlesrelatives à la perception de cette taxe ne pré-voient donc aucune distinction tenant au lieud’établissement du prestataire ou destinatairedes services d’affichage ni tenant au lieud’origine des produits ou des services qui fontl’objet des messages publicitaires diffusés.

La Cour constate ensuite qu’une telle taxene s’applique qu’à des activités publicitairesextérieures impliquant l’utilisation de l’espa-ce public administré par les autorités com-munales et que son montant est fixé à unniveau qui peut être considéré commemodeste par rapport à la valeur des presta-tions de services qui lui sont assujetties.Dans ces conditions, la perception d’une telletaxe n’est pas de nature, selon la Cour, à pro-hiber, gêner ou rendre autrement moinsattrayantes les prestations de services publi-citaires, y compris lorsque ces prestations ontun caractère transfrontalier en raison du lieud’établissement soit du prestataire soit dudestinataire des services.

Il en résulte que l’article 49 CE doit êtreinterprété en ce sens qu’il ne s’oppose pasà la perception d’une taxe telle que la taxecommunale sur la publicité instituée parles dispositions réglementaires italiennes.

(Arrêt du 17 février 2005, Viacom OutdoorSrl / Giotto Immobilier SARL, aff. C-134/03,non encore publié au recueil)

Aide d’Etat, majoration de la redevance pour l’accès au réseau national de transport d’électricitéArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par le Consigliodi Stato (Conseil d’Etat, Italie), la Cour dejustice des Communautés européenness’est prononcée sur l’interprétation del’article 87 CE et de la directive 96/92/CEdu Parlement européen et du Conseil del’Union européenne, du 19 décembre1996, concernant des règles communespour le marché intérieur de l’électricité.

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 25

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

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Le litige au principal opposait deux socié-tés, AEM SpA et AEM Torino SpA, àl’Autorità per l’energia elettrica e per il gas(agence pour l’énergie électrique et pour legaz, ci-après l’«AEEG»), cette dernière ayantadopté deux décisions soumettant certainescentrales hydrauliques et géothermiques àune majoration de la redevance pour l’accèsau réseau national de transport et pour sonutilisation pour les années 2000 à 2006, parapplication d’un décret législatif.

Les recours formés par les sociétés contreles deux décisions et contre le décret ayantété rejetés par le tribunal administratif ita-lien, AEM et AEM Torino ont formé despourvois en annulation des décisions de rejetdevant le Conseil d’Etat italien, qui a décidéde surseoir à statuer et de poser des questionspréjudicielles à la Cour.

Plus précisément, la Cour a dû déter-miner, en premier lieu, si une mesure parlaquelle un Etat membre n’impose qu’àcertains utilisateurs du réseau nationalde transport d’électricité une majorationde la redevance due pour l’accès à ceréseau et son utilisation, constitue uneaide d’Etat au sens de l’article 87 CE.

La Cour rappelle tout d’abord que l’article87, paragraphe 1, CE définit les aides d’Etatqui sont réglementées par le traité comme lesaides accordées par les Etats ou au moyen deressources d’Etat sous quelque forme que cesoit, qui faussent ou qui menacent de fausserla concurrence en favorisant certaines entre-prises ou certaines productions, dans lamesure où elles affectent les échanges entreEtats membres. La notion d’aide d’Etat ausens de cette disposition est plus généraleque celle de subvention.

Toutefois, la Cour souligne que lanotion d’aide d’Etat ne vise pas desmesures introduisant une différenciationentre entreprises en matière de chargeslorsque cette différenciation résulte de lanature et de l’économie du système descharges en cause.

En l’espèce, la majoration de la redevancepour l’accès au réseau national de transportd’électricité et pour son utilisation exigéedes seules entreprises productrices-distribu-trices d’électricité provenant d’installationshydrauliques ou géothermiques avait pourobjet de compenser l’avantage généré pources entreprises, pendant la période de transi-tion, par la libéralisation du marché del’électricité à la suite de la transposition de ladirective 96/92/CE.

La Cour en déduit que la mesure encause constituait une différenciation entreentreprises en matière de charges résul-tant de la nature et de l’économie du sys-

tème de charges en cause. Dès lors, cettedifférenciation ne constituait pas en soiune aide d’Etat au sens de l’article 87 CE.

Toutefois, la Cour relève que l’examend’une aide ne saurait être séparé des effetsde son mode de financement. Dans lamesure où il existait un lien d’affectationcontraignant entre la majoration de la rede-vance pour l’accès au réseau national de trans-port d’électricité et pour son utilisation et unrégime d’aide national, en ce sens que le pro-duit de la majoration était nécessairementaffecté au financement de cette aide, laditemajoration faisait partie intégrante de cerégime. La Cour constate donc que lamajoration doit être examinée ensembleavec ce régime.

En deuxième lieu, la Cour a dû se pro-noncer sur la question de savoir si lesarticles 7, paragraphe 5, et 8, paragraphe2, de la directive 96/92/CE, en ce qu’ilsinterdisent toute discrimination entreutilisateurs du réseau national de trans-port d’électricité, s’opposent à ce qu’unEtat membre adopte une mesure à titretransitoire qui n’impose qu’à certainesentreprises productrices-distributricesd’électricité une majoration de la rede-vance due pour l’accès audit réseau etpour son utilisation.

La Cour constate tout d’abord que l’article7, paragraphe 5, de la directive 96/92/CEvise le gestionnaire du réseau national detransport d’électricité et l’article 8, para-graphe 2, de cette même directive visel’ordre d’appel des installations de produc-tion d’électricité. Or, d’une part, les mesuresen cause dans l’affaire au principal étaient undécret ministériel et des décisions adoptéespar une autorité publique et non pas par legestionnaire du réseau. D’autre part, les dis-positions nationales visées par les recours for-més par AEM et AEM Torino concernaientles conditions d’accès au réseau et non pasl’ordre d’appel des installations de produc-tion d’électricité.

Toutefois, la Cour souligne que, quelle quesoit la formule choisie pour l’organisation del’accès au réseau, par application de l’article16 de la directive 96/92/CE, (formule de l’ac-cès négocié au réseau ou formule de l’acheteurunique), les deux formules doivent être misesen œuvre conformément à des critères objec-tifs, transparents et non discriminatoires.

Or, la mesure nationale en cause prévoyait,à titre transitoire, la majoration de la redevan-ce pour l’accès au réseau national de transportd’électricité et pour son utilisation pour lesseules entreprises productrices-distributricesd’électricité provenant d’installations hydrau-liques et géothermiques afin de compenser

l’avantage généré pour ces entreprises, pen-dant la période de transition, par la modifica-tion du contexte juridique à la suite de la libé-ralisation du marché de l’électricité résultantde la transposition de la directive 96/92/CE.La Cour souligne que si une telle mesuretraitait de manière différente des situa-tions non similaires, conformément à larègle de l’accès sans discrimination auréseau national de transport d’électricitéentérinée par la directive 96/92/CE, ilappartient néanmoins à la juridiction derenvoi de s’assurer que la majoration de laredevance ne dépasse pas ce qui est néces-saire pour compenser ledit avantage.

(Arrêt du 14 avril 2005, AEM SpA, AEMTorino SpA / Autorità per l’energia elettrica e peril gas e.a., aff. jointes C-128/03 et C-129/03,non encore publié au recueil)

Locations de voitures, contrats àdistance, notion de services detransportsArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par la HighCourt of Justice (England & Wales)(Haute Cour de Justice britannique), laCour de justice des Communautés euro-péennes s’est prononcée sur l’interpréta-tion de l’expression «contrats de fournitu-re de services de transport» figurant à l’article 3, paragraphe 2, de la directive97/7/CE du Parlement européen et duConseil de l’Union européenne, du 20mai 1997, concernant la protection desconsommateurs en matière de contrats àdistance.

Le litige au principal opposait la sociétéeasyCar (UK) Ltd à l’Office of Fair Trading(OFT) au sujet des termes et conditions descontrats de location de voitures proposés etconclus par la société easyCar.

L’OFT reprochait en effet à la sociétéeasyCar d’inclure dans ses contrats de location(uniquement par Internet) de voitures sanschauffeurs des termes et conditions qui, enviolation de la directive 97/7/CE et de la loinationale de transposition, prévoyaient que leconsommateur ne pouvait obtenir le rem-boursement des sommes versées en cas d’an-nulation du contrat de location, sauf «circons-tances inhabituelles et imprévisibles indépendantesde [sa] volonté, notamment [...]: maladie grave duconducteur le rendant inapte à la conduite; catas-trophes naturelles [...]; actes ou restrictions de gou-vernements ou d’autorités publiques; guerre, émeute,

Consommation

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

26 L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

Page 27: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

insurrection ou actes de terrorisme» ou «à la dis-crétion de notre chef du service clientèle dansd’autres circonstances extrêmes». Or, la loi natio-nale de transposition prévoyait, aux fins demise en œuvre de la directive 97/7/CE, undroit de rétractation assorti d’un rembourse-ment total des sommes versées par le consom-mateur dans un délai déterminé après laconclusion du contrat.

Toutefois, la société easyCar prétendait queles contrats de location qu’elle proposaitrelevaient de l’exemption, prévue par ladirective et par la loi de transposition natio-nale, relative aux «contrats de fourniture de ser-vices [...] de transports».

La société easyCar et l’OFT ayant intro-duit des recours devant la High Court ofJustice, cette dernière a décidé de sur-seoir à statuer et de poser à la Cour unequestion afin de déterminer si l’expres-sion «contrats de fourniture de services[...] de transports» figurant à l’article 3,paragraphe 2, de la directive 97/7/CEinclut les contrats de fourniture de ser-vices de location de voitures.

Dans un premier temps, la Courconstate que ni la directive, ni les docu-ments pertinents pour son interpréta-tion, tels que les travaux préparatoires,ne précisent la notion de «services detransports».

De plus, l’économie générale de la directi-ve fait seulement apparaître que celle-ci apour objectif de faire bénéficier les consom-mateurs d’une protection étendue, en leurconférant, notamment, le droit de rétracta-tion, sous réserve des exemptions prévues parla directive qui portent, entre autres, sur lesservices de transports.

La Cour rappelle qu’il est de jurispruden-ce constante que la détermination de lasignification et de la portée des termes pourlesquels le droit communautaire ne fournitaucune définition doit être établie confor-mément au sens habituel en langage cou-rant, tout en tenant compte du contextedans lequel ils sont utilisés et des objectifspoursuivis par la réglementation dont ilsfont partie.

Dans un second temps, la Cour procèdeà l’examen, à la lumière de ces principes,de l’expression «services de transports».

Elle constate qu’il s’agit d’une exemptionsectorielle, visant d’une façon générale tousles services dans le secteur des transports.Elle relève ainsi que le législateur, qui n’a pasopté pour l’expression «contrats de transport»,a entendu définir l’exemption non pas partypes de contrats mais de façon à ce que tousles contrats de fourniture de services dans les

secteurs de l’hébergement, des transports, dela restauration et des loisirs entrent dans lechamp de cette exemption.

La Cour souligne que dans le langage cou-rant, la notion de «transports» désigne nonseulement l’action de déplacer des personnesou des biens d’un lieu à un autre, mais éga-lement les modes d’acheminement et lesmoyens employés pour déplacer ces per-sonnes et ces biens. Dès lors, la mise à la dis-position du consommateur d’un moyen detransport fait partie des services qui relèventdu secteur des transports.

En outre, la Cour précise qu’en ce quiconcerne le contexte dans lequel est utiliséela notion de «services de transports» et lesobjectifs poursuivis par la directive, il estconstant que le législateur a entendu établirune protection des intérêts des consomma-teurs utilisant des moyens de communica-tion à distance, mais également des intérêtsdes fournisseurs de certains services, afin queceux-ci ne subissent pas les inconvénientsdisproportionnés liés à l’annulation sans fraisni motifs de services ayant donné lieu à uneréservation.

Par conséquent, la Cour conclut qu’il ya lieu de considérer que l’exemption sec-torielle prévue à l’article 3, paragraphe 2,de la directive 97/7/CE concernant les«services de transports» vise les servicesde location de voitures et que la notionde «contrats de fourniture de services detransports» inclut les contrats de fourni-ture de services de location de voitures.

(Arrêt du 10 mars 2005, easyCar (UK) Ltd /Office of Fair Trading, aff. C-336/03, non enco-re publié au recueil)

Convention de Bruxelles, notion de «contrat conclu par un consommateur»Arrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par l’ObersterGerichtshof (Autriche), la Cour de justicedes Communautés européennes a, dans unarrêt du 20 janvier 2005, été amenée à inter-préter l’article 13, premier alinéa, de laConvention du 27 septembre 1968, concer-nant la compétence judiciaire et l’exécutiondes décisions en matière civile et commercia-le (ci-après la Convention de Bruxelles).

Le litige au principal opposait MonsieurGruber, agriculteur, domicilié en Autriche,à la société de droit allemand Bay Wa AG(ci-après «Bay Wa»), établie en Allemagne,en raison de la prétendue mauvaise exécu-tion d’un contrat qu’il avait conclu aveccette dernière.

Monsieur Gruber a, le 26 mai 1999, inten-té une action devant le Landesgericht Steyr(Autriche) qui avait été désigné comme juri-diction compétente en Autriche parl’Oberster Gerichtshof. Par jugement du 29novembre 2000, le Landesgericht Steyr arejeté l’exception d’incompétence soulevéepar Bay Wa et s’est donc déclaré compétentpour connaître du litige. Selon cette juridic-tion, les conditions d’application de l’article13 de la Convention de Bruxelles sont rem-plies dans la mesure où en cas de contratayant une double finalité: professionnelle etpersonnelle, il conviendrait de rechercherquel est l’objectif, privé ou professionnel, quiprédomine et que dans la mesure où rienn’avait permis au vendeur de savoir objecti-vement si l’une ou l’autre des finalités prédo-minait lors de la conclusion du contrat, dansle doute, il s’agirait d’un contrat conclu parun consommateur. De plus, la conditiond’une «proposition spécialement faite» par levendeur au sens de ladite disposition seraitégalement satisfaite en l’espèce, puisqueMonsieur Gruber aurait reçu une offre partéléphone.

Par arrêt du 1er février 2001, l’Oberlandes-gericht Linz (Autriche) a, en revanche, faitdroit à l’appel interjeté par Bay Wa contreledit jugement et a rejeté la demande deMonsieur Gruber au motif que les juridic-tions autrichiennes ne sont pas compétentespour connaître du litige. Les articles 13 à 15de la Convention de Bruxelles ne seraientapplicables que si l’intéressé a agi, pour l’es-sentiel, en dehors du cadre de son activitéprofessionnelle et si le cocontractant de celui-ci avait ou devait avoir connaissance de cettecirconstance au moment de la conclusion ducontrat, cette connaissance étant appréciée entenant compte de tous les éléments objectifs.

Or, l’Oberlandesgericht Linz considère quela transaction en cause aurait, d’après les élé-ments objectifs portés à la connaissance deBay Wa, un but pour le moins essentielle-ment professionnel. Monsieur Gruber a alorsformé un pourvoi devant l’ObersterGerichtshof contre l’arrêt du 1er février 2001de l’Oberlandesgericht Linz.

A l’appui de son pourvoi, MonsieurGruber fait valoir que, pour qu’il puisse êtreconsidéré comme un consommateur au sensde l’article 13 de la Convention de Bruxelles,il faut que le but non professionnel de l’opé-ration prédomine. Or, en l’espèce, l’utilisa-tion privative de la ferme l’emporterait surson utilisation professionnelle. Il ajoute quele cocontractant du consommateur a l’obli-gation de se renseigner ainsi que deconseiller le client, le risque d’une éventuel-le erreur étant à sa charge. Selon lui, Bay Waaurait eu en l’occurrence suffisamment de

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raisons de considérer qu’il s’agissait d’unusage essentiellement privé de la ferme et,dans le doute, elle aurait dû questionnerl’acheteur à ce sujet. En outre, la vente destuiles aurait été précédée d’une publicité dif-fusée en Autriche par Bay Wa, qui auraitconduit Monsieur Gruber à traiter avec cettedernière, alors que, avant cette diffusion, ilne connaissait pas cette société. Enfin,Monsieur Gruber aurait effectué en Autricheles actes précédant la conclusion du contrat.

L’Oberster Gerichtshof relève que, s’ildécoule de la jurisprudence de la Cour queles règles de compétence de la Convention deBruxelles en matière de contrats conclus parles consommateurs revêtent un caractèredérogatoire par rapport au principe de lacompétence des juridictions de l’Etatcontractant sur le territoire duquel le défen-deur est domicilié, en sorte que la notion deconsommateur est d’interprétation stricte, laCour ne se serait pas encore prononcée surcertaines des conditions d’application de l’ar-ticle 13 de cette Convention qui sont encause dans l’affaire qui lui est soumise.L’Oberster Gerichtshof a décidé de surseoir àstatuer et de poser à la Cour les questionspréjudicielles suivantes.

Tout d’abord, pour décider si l’intéres-sé a la qualité de consommateur au sensde l’article 13 de la Convention deBruxelles, dans une opération à caractèrepartiellement privé, faut-il considérer laprépondérance du but privé ou du butprofessionnel de cette opération commeun élément déterminant et en fonctionde quels critères peut-on décider si c’estle but privé ou le but professionnel quiprédomine?

De plus, faut-il tenir compte, pourdéfinir le but de l’opération, des élé-ments objectivement apparents du pointde vue du partenaire contractuel duconsommateur? Un contrat susceptiblede se rattacher aussi bien à l’activité pro-fessionnelle que privée doit-il être, dansle doute, considéré comme conclu par unconsommateur?

Ensuite, l’Oberster Gerichtshof deman-de à la Cour si l’on peut considérer que laconclusion du contrat a été précédéed’une publicité au sens de l’article 13, pre-mier alinéa, point 3, sous a), de laConvention de Bruxelles, lorsque le futurcocontractant du consommateur a bieneffectué une publicité par voie de pros-pectus dans l’Etat contractant où estdomicilié le consommateur, mais que leproduit acheté par la suite par ce derniern’a pas lui-même bénéficié de la publicité?

Est-on en présence d’un contrat conclupar un consommateur au sens de l’article13 de la Convention de Bruxelles lorsquele vendeur a fait une offre par téléphone àl’acheteur domicilié dans l’autre Etat, quecette offre n’a pas été acceptée, mais quel’acheteur a acquis par la suite le produitobjet de l’offre sur la base d’un devis écrit?

Le consommateur a-t-il effectué dansson propre Etat les actes nécessaires à laconclusion du contrat, au sens de l’article13, premier alinéa, point 3, sous b), de laConvention de Bruxelles, s’il a acceptépar téléphone, dans l’Etat de son domici-le, un devis établi dans l’Etat où soncocontractant est domicilié?

Dans un premier temps, la Cour répondaux trois premières questions conjointement.La Cour rappelle, d’une part, que laConvention de Bruxelles détermine, à sontitre II, section 4, les règles de compétencejuridictionnelle en matière de contrat conclupar un consommateur, notion visant le«contrat conclu par une personne pour un usagepouvant être considéré comme étranger à son activi-té professionnelle» et que, d’autre part, selonune jurisprudence constante, les notionsemployées par la Convention de Bruxelles,telles que celle de «consommateur», doiventêtre interprétées de façon autonome, en seréférant principalement au système et auxobjectifs de ladite Convention, en vue d’as-surer l’application uniforme de celle-ci danstous les Etats contractants.

La Cour indique ensuite que le principeselon lequel la compétence des juridictionsde l’Etat contractant sur le territoire duquelle défendeur a son domicile constitue le prin-cipe général, énoncé à l’article 2, premier ali-néa, de cette Convention et que par consé-quent, les règles de compétence dérogatoiresà ce principe général sont d’interprétationstricte, en ce sens qu’elles ne sauraient don-ner lieu à une interprétation allant au-delàdes hypothèses expressément envisagées parladite Convention. La Cour considère qu’unetelle interprétation s’impose à plus forte rai-son à propos d’une règle de compétence, telleque celle de l’article 14 de la Convention deBruxelles, qui permet au consommateur, ausens de l’article 13, premier alinéa, de celle-ci, d’attraire le défendeur devant les juridic-tions de l’Etat contractant sur le territoireduquel le demandeur a son domicile.

Dans un second temps, la Cour rappelleque le régime particulier institué par les dis-positions du titre II, section 4, de laConvention de Bruxelles, qui déroge à larègle de principe prévue à l’article 2, premieralinéa, de celle-ci et à la règle de compétencespéciale pour les contrats en général, énoncéeà l’article 5, point 1, de cette même

Convention, a pour fonction d’assurer uneprotection adéquate au consommateur entant que partie au contrat réputée économi-quement plus faible et juridiquement moinsexpérimentée que son cocontractant profes-sionnel, partie qui ne doit pas être découragéed’agir en justice en se voyant obligée de por-ter l’action devant les juridictions de l’Etatsur le territoire duquel son cocontractant ason domicile. Il s’ensuit que les règles decompétence spécifiques des articles 13 à15 de la Convention de Bruxelles ne trouvent, en principe, à s’appliquer quedans l’hypothèse où le contrat concluentre les parties a pour finalité un usageautre que professionnel du bien ou duservice concerné.

Au regard des principes susmentionnés, laCour affirme qu’il découle clairement del’objectif des articles 13 à 15 de laConvention de Bruxelles, à savoir protégerdûment la personne qui est présumée setrouver en position de faiblesse par rapport àson cocontractant, que le bénéfice de ces dis-positions ne saurait en principe être invoquépar une personne qui conclut un contrat pourun usage se rapportant en partie à son activi-té professionnelle et n’étant donc qu’en par-tie seulement étranger à celle-ci. Il n’en iraitdifféremment que dans l’hypothèse où lelien dudit contrat avec l’activité profes-sionnelle de l’intéressé serait si ténu qu’ildeviendrait marginal et, partant, n’auraitqu’un rôle négligeable dans le contextede l’opération pour laquelle ce contrat aété conclu considérée dans sa globalité.

La Cour dit pour droit qu’une personnequi a conclu un contrat portant sur unbien destiné à un usage en partie profes-sionnel et en partie étranger à son activi-té professionnelle n’est pas en droit de seprévaloir du bénéfice des règles de com-pétence spécifiques prévues aux articles13 à 15 de ladite convention, sauf si l’usa-ge professionnel est marginal au pointd’avoir un rôle négligeable dans lecontexte global de l’opération en cause, lefait que l’aspect extraprofessionnel pré-domine étant sans incidence à cet égardet qu’il appartient à la juridiction saisie dedécider si le contrat en cause a été conclupour couvrir, dans une mesure non négli-geable, des besoins relevant de l’activitéprofessionnelle de la personne concernéeou si, au contraire, l’usage professionnelne revêtait qu’un rôle insignifiant.

La Cour conclut également qu’il y a lieupour ladite juridiction de prendre en considé-ration l’ensemble des éléments de fait perti-nents résultant objectivement du dossier; enrevanche, il ne convient pas de tenir comptede circonstances ou d’éléments dont le cocon-

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tractant aurait pu avoir connaissance lors dela conclusion du contrat, sauf si la personnequi invoque la qualité de consommateur s’estcomportée de manière telle qu’elle a légiti-mement pu faire naître l’impression, dans lechef de l’autre partie au contrat, qu’elle agis-sait à des fins professionnelles.

La Cour considère que dans la mesure où lestrois dernières questions ne sont posées quedans l’hypothèse où la qualité de consomma-teur au sens de l’article 13, premier alinéa, dela Convention de Bruxelles serait établie etcompte tenu de la réponse apportée à cetégard aux trois premières questions, il n’y aplus lieu de répondre aux trois dernièresquestions, relatives à d’autres conditionsd’application de ladite disposition.

(Arrêt du 20 janvier 2005, Johann Gruber /Bay Wa AG, aff. C-464/01, non encore publiéau recueil)

Convention de Bruxelles,consommateur, publicité trompeuseArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par l’Oberlandes-gericht Innsbruck (Autriche), la Cour de jus-tice des Communautés européennes a étéamenée à interpréter les articles 5, points 1 et 3, ainsi que 13, premier alinéa, point 3,de la Convention du 27 septembre 1968concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile etcommerciale (ci-après la Convention deBruxelles).

Le litige au principal opposait MadameEngler, ressortissante autrichienne domici-liée à Lustenau (Autriche), à la société devente par correspondance de droit allemandJanus Versand GmbH (ci-après «JanusVersand»), établie à Langenfeld (Allemagne),au sujet d’une action visant à la condamna-tion de cette dernière à la remise à la pre-mière d’un gain dès lors que, dans un envoinominatif qu’elle lui avait adressé, laditesociété avait donné l’impression à MadameEngler qu’un prix lui avait été attribué.

En effet, il ressort de cette affaire qu’audébut de l’année 2001, Madame Engler areçu de Janus Versand, qui exerce des activi-tés de vente par correspondance de marchan-dises, un courrier que cette dernière lui avaitpersonnellement adressé à son domicile. Cecourrier contenait, d’une part, un «bon depaiement» dont la forme et le contenu ontlaissé croire à la destinataire qu’elle avaitgagné un prix, dans le cadre d’un «tirage delots en espèces» organisé par ladite société et, d’autre part, un catalogue des produitscommercialisés par celle-ci - laquelle, appa-

remment, se présentait aussi dans ses rela-tions avec ses clients sous le nom de«Handelskontor Janus GmbH» -, ce cata-logue étant accompagné d’un formulaire de«demande d’essai sans engagement». Dans leprospectus publicitaire envoyé à MadameEngler, Janus Versand indiquait qu’elle pou-vait également être contactée sur son siteInternet. Sur le «bon de paiement» figuraitun certain nombre d’éléments comme entitre le mot «confirmation», le numérogagnant, les noms et adresse du destinataire,en l’espèce Madame Engler, le montant dugain en chiffres, le tout assorti de la mention«personnel - non négociable». C’est dans cecontexte que Madame Engler a retourné le«bon de paiement» à la société JanusVersand, puisqu’elle pensait que cela suffisaitpour obtenir le gain promis. Janus Versandn’a pas réagi puis elle a refusé de verser ladi-te somme à Madame Engler.

Madame Engler a alors introduit uneaction contre Janus Versand, devant les juri-dictions autrichiennes, visant à la condamna-tion de cette société à lui verser le gain. SelonMadame Engler, cette demande revêtait unenature contractuelle, étant donné que JanusVersand l’avait, par sa promesse d’attributiond’un gain, incitée à conclure un contrat devente de biens mobiliers avec cette société.Une telle demande était cependant fondéeégalement sur d’autres moyens, en particu-lier sur la violation d’obligations précontrac-tuelles. A titre subsidiaire, la requérante auprincipal considérait que sa demande étaitprésentée en matière délictuelle ou quasidélictuelle.

Janus Versand a contesté la compétencedes juridictions autrichiennes pour connaîtrela requête de Madame Engler. LeLandesgericht Feldkirch (Autriche) a rejetépour incompétence l’action de MadameEngler. Cette dernière a fait appel de ce juge-ment devant l’Oberlandesgericht Innsbruckqui a considéré que, pour trancher la ques-tion de la compétence internationale, il étaitnécessaire de tenir compte de la Conventionde Bruxelles et a décidé de surseoir à statuerpour interroger la Cour de justice desCommunautés européennes.

La juridiction de renvoi a interrogé laCour sur la question de savoir si les règlesde compétence énoncées par laConvention de Bruxelles doivent êtreinterprétées en ce sens que l’action juri-dictionnelle par laquelle un consomma-teur vise à faire condamner, en applica-tion de la législation de l’Etat contractantsur le territoire duquel il est domicilié,une société de vente par correspondance,établie dans un autre Etat contractant, àla remise d’un prix apparemment gagné

par lui est de nature contractuelle, ausens des articles 5, point 1, ou 13, premieralinéa, point 3, de cette Convention, oubien constitue une action en matièredélictuelle ou quasi délictuelle au sens del’article 5, point 3, de celle-ci, lorsquecette société avait adressé à ce consom-mateur nominativement désigné unenvoi de nature à donner l’impressionqu’un prix lui sera attribué dès lors qu’ilen réclame le versement en retournant le«bon de paiement» joint à l’envoi et que cedernier comportait en outre un cataloguepublicitaire de produits de la mêmesociété accompagné d’un formulaire de«demande d’essai sans engagement», sansque l’attribution dudit prix dépende de lacommande de marchandises et alorsmême que, en fait, le consommateur n’apas passé une telle commande.

Dans un premier temps, la Cour rappelle sajurisprudence constante selon laquelle lanotion de matière délictuelle ou quasi délic-tuelle couverte par l’article 5, point 3, de laConvention de Bruxelles comprend toutedemande qui vise à mettre en jeu la responsa-bilité d’un défendeur et qui ne se rattache pasà la matière contractuelle au sens de l’article 5,point 1, de la même Convention. La Cour endéduit qu’il importe de rechercher si uneaction telle que celle en cause au principalrevêt un caractère contractuel. En ce sens,la Cour souligne que l’article 5, point 1, de laConvention est relatif à la matière contrac-tuelle en général et que l’article 13 de cetteConvention vise de façon spécifique différentstypes de contrats conclus par un consomma-teur. La Cour considère qu’en l’espèce, lesconditions d’application de l’article 13 ne sontpas réunies dans la mesure où, bien queMadame Engler ait la qualité de consomma-teur, la démarche de Janus Versand n’a pas étésuivie de la conclusion d’un contrat portantsur l’un des objectifs spécifiques prévus parl’article 13 de la Convention et dans le cadreduquel les parties auraient assumé des enga-gements synallagmatiques. En effet, l’attri-bution du prix prétendument gagné par leconsommateur n’était pas subordonnée àla condition que celui-ci commande desmarchandises offertes par le professionnelJanus Versand. La Cour en déduit doncque l’affaire au principal ne saurait êtreconsidérée comme étant de naturecontractuelle au sens de l’article 13, pre-mier alinéa, point 3, de la Convention deBruxelles.

Dans un second temps, la Cour exami-ne si une action telle que celle en cause auprincipal est susceptible d’être considéréecomme revêtant une nature contractuelleau sens de l’article 5, point 1, de laConvention de Bruxelles. La Cour rappelle

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sa jurisprudence selon laquelle d’une part, sil’article 5, point 1, de la Convention deBruxelles n’exige pas la conclusion d’uncontrat, l’identification d’une obligation estnéanmoins indispensable à l’application decette disposition, étant donné que la compé-tence juridictionnelle est établie, en matièrecontractuelle, en fonction du lieu où l’obliga-tion qui sert de base à la demande a été oudoit être exécutée. D’autre part, la Cour ajugé à plusieurs reprises que la notion dematière contractuelle au sens de ladite dispo-sition ne saurait être comprise comme visantune situation dans laquelle il n’existe aucunengagement librement assumé d’une partieenvers une autre. En conséquence, l’appli-cation de la règle de compétence spécialeprévue en matière contractuelle à l’article5, point 1, de la Convention de Bruxelles,présuppose la détermination d’une obli-gation juridique librement consentie parune personne à l’égard d’une autre et surlaquelle se fonde l’action du demandeur.La Cour considère que dans l’affaire présente,toutes les conditions d’application de l’article5, point 1, sont satisfaites.

Enfin, la Cour dit pour droit que l’ac-tion juridictionnelle par laquelle unconsommateur vise à faire condamner,en application de la législation de l’Etatcontractant sur le territoire duquel il estdomicilié, une société de vente par cor-respondance, établie dans un autre Etatcontractant, à la remise d’un prix appa-remment gagné par lui est de naturecontractuelle, au sens de l’article 5, point1, de ladite Convention, à condition que,d’une part, cette société, dans le but d’in-citer le consommateur à contracter, aitadressé à ce dernier nominativementdésigné un envoi de nature à donnerl’impression qu’un prix lui sera attribuédès lors que le «bon de paiement» joint àcet envoi est retourné à l’intéressé et que,d’autre part, le consommateur accepteles conditions stipulées par le vendeur etréclame effectivement le versement dugain promis.

En revanche, la Cour juge qu’alorsmême que ledit envoi comporte en outreun catalogue publicitaire de produits dela même société accompagné d’un for-mulaire de «demande d’essai sans enga-gement», la double circonstance que l’at-tribution du prix ne dépend pas de lacommande de marchandises et que leconsommateur n’a, en fait, pas passé unetelle commande est sans incidence surl’interprétation susmentionnée.

(Arrêt du 20 janvier 2005, Petra Engler /Janus Versand GmbH, aff. C-27/02, non encorepublié au recueil)

Mise en décharge des déchetsArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par leVerwaltungsgericht Koblenz (Allemagne),la Cour de justice des Communautés euro-péennes s’est prononcée sur l’interpréta-tion de l’article 5 de la directive1999/31/CE du Conseil de l’Union euro-péenne, du 26 avril 1999, concernant lamise en décharge des déchets, ainsi quesur l’interprétation de l’article 176 CE etdu principe de proportionnalité.

Dans le cadre de la politique de laCommunauté dans le domaine de l’environ-nement, l’article 176 CE prévoit que:«lesmesures de protection arrêtées en vertu de l’article175 ne font pas obstacle au maintien et à l’éta-blissement, par chaque Etat membre, de mesures deprotection renforcées. Ces mesures doivent être com-patibles avec le présent traité».

La directive a été adoptée sur le fondementde l’article 175 CE.

Selon la directive, les Etats membres défi-nissent une stratégie nationale afin de mettreen œuvre la réduction des déchets biodégra-dables mis en décharge. La quantité desdéchets mis en décharge devra être réduitepar certains pourcentages avant certainesdates déterminées.

Le règlement allemand du 20 février 2001a été adopté en vue de la transposition de ladirective.

Le litige au principal opposait le Deponiez-weckverband, une association entre diffé-rentes circonscriptions administratives alle-mandes, et le Land Rheinland-Pfalz.L’association cherchait à obtenir du Land, ense fondant sur la directive 1999/31/CE, l’au-torisation de remplir, au-delà du 31 mai2005 et jusqu’au 31 décembre 2013, deuxsections de la décharge avec des déchets quin’ont été préalablement traités que mécani-quement. Le Land maintenait que la régle-mentation nationale applicable, notammentle règlement du 20 février 2001, ne le per-mettait pas.

La Cour devait donc se prononcer sur lacompatibilité du règlement allemand avec ladirective 1999/31/CE.

La Cour rappelle tout d’abord que,dans le domaine de l’environnement, laréglementation communautaire n’envisa-ge pas une harmonisation complète. LesEtats membres sont libres d’adopter desmesures de protection renforcées.

Concernant l’article 5 de la directive, ilressort clairement que les objectifs fixés dansle texte ne constituent qu’un minimum queles Etats membres doivent atteindre. Cesderniers peuvent donc adopter des mesuresplus contraignantes.

La Cour, en étudiant les quatre typesd’exigences de la réglementation natio-nale au regard des dispositions de ladirective, en conclut que la réglementa-tion allemande impose des exigencesplus sévères que celles de la directive. Lerèglement allemand constitue donc unemesure de protection renforcée au sens del’article 176 CE.

En effet, alors que l’article 5 de la directi-ve prévoit que la quantité de déchets mis endécharge doit être progressivement réduite à35% en poids de la totalité des déchets pro-duits en 1995, le règlement de 2001 fixe desseuils plus bas pour les quantités organiquesrestantes dans les déchets admis en décharge.

Alors que la directive prévoit une réduc-tion de la quantité des déchets en trois étapesqui se terminent au plus tard en 2006, 2009et 2016, le règlement de 2001 impose desdélais plus courts, à savoir jusqu’au 31 mai2005 au plus tard.

Alors que l’article 5 de la directive concer-ne les seuls déchets biodégradables, le règle-ment de 2001 vise également les déchetsorganiques non biodégradables.

Enfin, l’article 5 de la directive ne vise queles déchets municipaux, alors que la régle-mentation allemande vise également d’autresdéchets.

La juridiction nationale s’interroge égale-ment sur la conformité des dispositions durèglement de 2001 avec le principe commu-nautaire de proportionnalité.

La Cour rappelle que les mesures natio-nales telles que celles en cause constituentdes mesures de protection renforcées au sensde l’article 176 CE. En adoptant des mesuresplus sévères, la définition de l’étendue de laprotection à atteindre est confiée aux Etatsmembres. En effet, le principe de propor-tionnalité ne trouve plus à s’appliquer ence qui concerne les mesures nationalesde protection renforcées prises en vertude l’article 176 CE et dépassant les exi-gences minimales prévues par la directi-ve. Les Etats membres conservent une entiè-re liberté pour apprécier l’étendue de la pro-tection conférée.

(Arrêt du 14 avril 2005, Deponiezweck-verband Eiterköpfe / Land Rheinland-Pfalz, aff. C-6/03, non encore publié au recueil)

Environnement

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

30 L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

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Accès à l’information en matière d’environnementArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par le Conseild’Etat belge, la Cour de justice desCommunautés européennes s’est pro-noncée sur l’interprétation des articles 3,paragraphe 4, et 4 de la directive90/313/CEE du Conseil de l’Union euro-péenne, du 7 juin 1990, concernant laliberté d’accès à l’information en matièred’environnement.

Le litige au principal opposait MonsieurHousieaux au Collège des délégués du conseilde la Région de Bruxelles-Capitale (leCollège), à propos d’une décision de ce der-nier relative à l’accès aux documents afférentsà une convention d’aménagement urbain.

La Région de Bruxelles-Capitale a, au moisde février 1991, exproprié le site d’un ancienhôpital militaire au profit de la société dedéveloppement régional de Bruxelles (laSDRB). Par la suite, la SDRB a conclu uneconvention avec les sociétés Batipont etImmomills qui se sont engagées à ériger surledit site un ensemble de constructions etd’ouvrages conformément à un programmepréétabli par la SDRB.

Devant le Conseil d’Etat, saisi le 31 mars1995, par Monsieur Housieaux, de la déci-sion du Collège qui lui refusait la consulta-tion de la convention, le Collège a soulevéune exception d’irrecevabilité. Le Collègeestimait que son silence, gardé pendant deuxmois suite à la demande d’information, étaitune décision implicite de rejet devenue défi-nitive car non contestée dans le délai de 60jours prévu par la réglementation belge.

La première question préjudicielle portesur l’interprétation de l’article 3, paragraphe4, de la directive 90/313/CEE.

L’article 3, paragraphe 1, de la directiveprévoit que «les Etats membres font en sorte queles autorités publiques soient tenues de mettre lesinformations relatives à l’environnement à la dis-position de toute personne physique ou morale quien fait la demande, sans que celle-ci soit obligée defaire valoir un intérêt». Le paragraphe 4 pré-voit que «l’autorité publique répond àl’intéressé dans les meilleurs délais et auplus tard dans les deux mois. De plus, le refusde communiquer l’information demandée doit êtremotivé».

L’article 4 de la directive dispose que: «unepersonne estimant que sa demande d’information aété abusivement rejetée ou négligée, ou qu’elle n’a pasreçu une réponse satisfaisante de la part de l’autori-té publique, peut introduire un recours judiciaire ouadministratif à l’encontre de la décision».

Le Conseil d’Etat belge s’interroge plusprécisément sur le caractère indicatif ouimpératif du délai de 60 jours.

Selon la Cour, il ressort tant du libelléque de l’esprit de ladite disposition quele délai de deux mois prévu par celle-cidoit être considéré comme ayant uncaractère impératif. Une interprétationcontraire priverait de tout effet la protectionjuridictionnelle de l’individu prévue à l’ar-ticle 4 de la directive.

Le Conseil d’Etat s’interroge également surla compatibilité des articles 3 et 4 de ladirective avec la réglementation nationale,selon laquelle le silence observé pendant undélai de deux mois par l’autorité publique àl’égard de la demande d’information, estconsidéré comme faisant naître, à l’expira-tion de ce délai, une décision implicite derejet de cette demande. Cette décision n’estcertes pas motivée mais elle peut tout demême faire l’objet d’un recours juridiction-nel ou administratif au sens de l’article 4 dela directive.

La Cour rappelle tout d’abord son arrêtdu 26 juin 2003 (Commission / France, C-233/00) dans lequel elle a considéré que lafiction selon laquelle le silence gardé parl’administration vaut décision de rejetimplicite ne peut pas, en tant que telle,être tenue pour incompatible avec les exi-gences de la directive, au seul motifqu’une décision de rejet tacite ne com-porte pas, par définition, de motivation.

Cependant, la Cour a considéré que, dansl’hypothèse d’un rejet implicite d’unedemande d’informations relative à l’environ-nement, la communication des motifs de cerejet, même à une date postérieure à celle durejet implicite, doit intervenir dans les deuxmois suivant l’introduction de la demandeinitiale. La Cour ajoute que seule une telleinterprétation de l’article 3, paragraphe 4, dela directive permet de conserver un effet utileà cette disposition dont le libellé mêmeimplique que l’autorité publique est tenuede motiver toute décision de rejet d’unedemande d’information.

Il résulte de cet arrêt que si la directivene fait pas obstacle à la fiction d’unedécision implicite de rejet d’une deman-de d’accès à l’information après un silen-ce de deux mois, l’article 3, paragraphe 4,de ladite directive s’oppose à ce qu’unetelle décision ne soit pas accompagnéed’une motivation au moment de l’expira-tion du délai de deux mois. Dans cesconditions, la décision implicite de rejetconstitue certes une réponse au sens de ladirective, mais elle doit être considéréecomme entachée d’illégalité.

Le Conseil d’Etat demande enfin quelle estla décision pouvant faire l’objet d’un recoursau sens de l’article 4 de la directive, lorsquel’autorité publique n’a pris aucune décision àl’expiration du délai de deux mois visé à l’ar-ticle 3, paragraphe 4, de ladite directive.

La Cour se réfère à ses développementsrelatifs à la question préjudicielle précédentedont il résulte que le silence de l’autoritépublique pendant un délai de deux mois estréputé faire naître une décision susceptiblede recours conformément à l’ordre national.

(Arrêt du 21 avril 2005, Pierre Housieaux /Délégués du conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, aff. C-186/04, non encore publié aurecueil)

TVA, exonérations, jeux de hasardArrêts de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par leBundesfinanzhof (Cour fédérale des finances,Allemagne), la Cour de justice desCommunautés européennes s’est prononcéedans deux arrêts sur l’interprétation de l’ar-ticle 13, B, sous f), de la sixième directive77/388/CEE du Conseil de l’Union euro-péenne, du 17 mai 1977, en matière d’har-monisation des législations des Etatsmembres relatives aux taxes sur le chiffred’affaires - Système commun de taxe sur lavaleur ajoutée (TVA): assiette uniforme (ci-après la «sixième directive»).

Madame Linneweber exploitait, enAllemagne, des machines à sous dans descafés ainsi que dans des salons de jeu qui luiappartenaient. Monsieur Akritidis exploitait,également en Allemagne, un salon de jeu, oùil organisait des jeux de cartes. Les autoritésfiscales compétentes ont considéré que lesrecettes provenant de l’exploitation desmachines à sous et de l’organisation des jeuxde cartes étaient soumises à la TVA, étantdonné que la législation allemande ne prévoitune exonération de tels chiffres d’affaires quelorsqu’ils résultent de l’exploitation d’uncasino public agréé. Le Bundesfinanzhof saisien dernier ressort des litiges résultant de cetraitement fiscal, a posé plusieurs questions àcet égard à la Cour.

La Cour constate, tout d’abord, quel’Umsatzsteuergesetz (loi allemande relativeà la taxe sur le chiffre d’affaires) exonère de laTVA tous les jeux et appareils de jeux dehasard lorsqu’ils sont exploités dans un casi-no public agréé, indépendamment de leur

Fiscalité

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 31

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

Page 32: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

forme ou des modalités d’organisation etd’exploitation. De plus, en Allemagne, lescasinos publics agréés ne sont soumis à aucu-ne limitation en ce qui concerne les formesde jeux et types d’appareils qu’ils peuventexploiter.

La Cour rappelle ensuite que, selon lasixième directive, l’exploitation des jeuxet appareils de jeux de hasard, doit êtreexonérée, en principe, de la TVA. LesEtats membres demeurent toutefois compé-tents pour déterminer les conditions et leslimites de cette exonération. A cet égard, ellesouligne cependant que dans l’exercice decette compétence, les Etats membres doiventrespecter le principe de neutralité fiscale.

Ce principe requiert notamment que desprestations de services semblables, qui setrouvent donc en concurrence les unes avecles autres, soient, du point de vue de la TVA,traitées de manière égale et soient soumises àun taux uniforme. Or, pour évaluer si desprestations de services sont semblables,l’identité du prestataire de services ainsi quela forme juridique sous laquelle celui-ci exer-ce ses activités sont, en principe, sans perti-nence. Par conséquent, les Etats membresne peuvent pas faire valablementdépendre le bénéfice de l’exonération dela TVA de l’identité de l’exploitant desjeux ou appareils de jeux de hasard.

Ainsi, la Cour constate que la sixièmedirective s’oppose à une législation nationalequi prévoit que l’exploitation de tous les jeuxet appareils de jeux de hasard est exonérée dela TVA lorsqu’elle est effectuée dans des casi-nos publics agréés, alors que l’exercice decette même activité par des opérateurs autresque les exploitants de tels casinos ne bénéfi-cie pas de cette exonération.

En outre, la Cour juge que la disposi-tion pertinente de la sixième directive,qui prévoit l’exonération des jeux etappareils de jeux de hasard, a un effetdirect. Elle peut donc être invoquée par unexploitant de ces jeux et appareils devant lesjuridictions nationales pour écarter l’applica-tion des règles de droit interne incompa-tibles avec cette disposition.

Enfin, s’agissant de la demande du gou-vernement allemand de limiter dans letemps les effets de cet arrêt, la Cour rappel-le que l’interprétation donnée par la Courd’une règle de droit communautaire éclaireet précise la signification et la portée decette règle, telle qu’elle doit ou aurait dûêtre comprise et appliquée depuis lemoment de son entrée en vigueur. Il enrésulte que la règle ainsi interprétée peut etdoit être appliquée par le juge même à desrapports juridiques nés et constitués avant

l’arrêt statuant sur la demande d’interpréta-tion, si par ailleurs les conditions permet-tant de porter devant les juridictions com-pétentes un litige relatif à l’application deladite règle se trouvent réunies. La Courréaffirme que les conséquences financièresqui pourraient découler pour un Etatmembre d’un arrêt rendu à titre préjudicielne justifient pas, par elles-mêmes, la limita-tion des effets dans le temps de cet arrêt.Ainsi, la Cour refuse de limiter les effetsde cet arrêt dans le temps.

(Arrêts du 17 février 2005, FinanzamtGladbeck / Edith Linnenweber, aff. C-453/02 etFinanzamt Herne-West / Savvas Akritidis, aff.C-462/02, non encore publiés au recueil)

Sixième directive TVA, déduction de la taxe sur le carburant utilisé dans les véhicules d’un assujetti par ses employésArrêt de la Cour

Saisie d’un recours en manquement intro-duit par la Commission européenne contre leRoyaume-Uni de Grande Bretagne etd’Irlande du Nord, la Cour de justice desCommunautés européennes a constaté lemanquement de cet Etat à ses obligationscommunautaires découlant de la sixièmedirective 77/388/CEE du Conseil de l’Unioneuropéenne, du 17 mai 1977, en matièred’harmonisation des législations des Etatsmembres relatives aux taxes sur le chiffred’affaires - Système commun de taxe sur lavaleur ajoutée (TVA): assiette uniforme (ci-après la «sixième directive»).

Selon la sixième directive, un assujetti peutdéduire la TVA pour les biens ou services uti-lisés pour les besoins de ses opérations taxées.Pour pouvoir exercer ce droit à déduction,l’assujetti doit détenir une facture.

Un arrêté britannique de 1991 (VAT(Input Tax) (Person Supplied) Order 1991)prévoit que le carburant acheté par les sala-riés est considéré fourni à l’employeurlorsque l’employeur rembourse le salarié. Leremboursement peut être fait, soit au moyend’une indemnité kilométrique, soit sur labase du prix effectivement payé. Lorsque lecarburant est considéré fourni à l’employeurpour ses besoins, l’employeur peut déduire laTVA payée.

Considérant que cet octroi du droit àdéduction n’était pas conforme avec l’obliga-tion de détenir une facture, la Commission aengagé une procédure en manquementcontre le Royaume-Uni. Lors de son examen,la Commission a par ailleurs conclu que le

droit à déduction viole également le principeselon lequel seule la TVA sur les biens ou ser-vices fournis à un assujetti pour les besoinsde ses propres opérations peut être déduite.

La Cour rappelle que la sixième directiveindique avec précision les conditions de nais-sance et l’étendue du droit à déduction. Ellene laisse aux Etats membres aucune marged’appréciation quant à leur mise en œuvre. Ilressort de la sixième directive qu’un assujet-ti est autorisé à déduire la TVA pour lesbiens et les services livrés par un autre assu-jetti pour les besoins de ses opérations taxées.L’arrêté en question habilite un assujetti,l’employeur, à déduire la TVA sur le carbu-rant livré à des non-assujettis, les salariés.Certes, les salariés, dans l’exercice de leursactivités professionnelles, agissent pour lecompte de l’employeur. Toutefois, la Courconstate que l’arrêté britannique ne soumetpas le droit à déduction à la condition que lecarburant acheté par le salarié soit utilisépour les besoins des opérations taxées del’employeur.

Au contraire, l’arrêté permet la déductionde la TVA sur le montant du carburant rem-boursé calculé par référence à la distancetotale, «que cette distance inclue ou non les trajetseffectués pour des besoins autres que pour l’activitéde l’assujetti». Il est donc possible que l’em-ployeur déduise la TVA pour le carburantutilisé par le salarié pour ses besoins privés.Il s’ensuit que l’arrêté britannique n’estpas compatible avec la sixième directivesur la TVA puisqu’il n’assure pas que laTVA déduite se rapporte exclusivementau carburant utilisé pour les besoins desopérations taxées de l’assujetti. Le gouver-nement britannique n’a contesté le griefconcernant l’obligation de détenir une factu-re, que dans l’hypothèse où le premier griefne serait pas fondé. Dans ces circonstances, la Cour constate que l’arrêté britanniqueenfreint aussi cette obligation.

(Arrêt du 10 mars 2005, Commission desCommunautés européennes / Royaume-Uni deGrande Bretagne et d’Irlande du Nord, aff. C-33/03, non encore publié au recueil)

Restriction à la libre prestation des services, impôt sur les sociétés, crédit d’impôt rechercheArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par le tribunaladministratif de Dijon (France), la Cour dejustice des Communautés européennes s’estprononcée sur l’interprétation de l’article 49CE au regard d’une législation nationale quiinstitue un mécanisme de crédit d’impôt

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

32 L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

Page 33: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

«Le droit communautaire de l’environnement»

Sommaire

Propos introductifs

Par Stavros Dimas*, Commissaire européen en charge de l’environnement

Le protocole de Kyoto n’est qu’un début dans la lutte contre le changement climatique

Par Artur Runge-Metzger*, Chef de l’unité s’occupant du changement climatique et de l’énergie, Direction générale Environnement, Commission européenne

Le plan d’action européen en faveur de l’environnement et de la santé 2004-2010

Par Michael Hübel*, Chef d’unité adjoint, Direction générale Santé et protection des consommateurs, Commission européenne

La directive 2004/35/CE sur la prévention et la réparation des dommagesenvironnementaux

Par Charles Pirotte*, Administrateur, Direction générale Environnement, Commission européenne

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 I

LES DOSSIERS DE L’OBSERVATEURde Bruxelles

Barreau de Paris - Conférence des Bâtonniers - Conseil National des Barreaux

Edité par la Délégation des Barreaux de France

1, avenue de la Joyeuse Entrée - B-1040 Bruxelles

Tél.: (32 2) 230 83 31 - Fax: (32 2) 230 62 77 - [email protected] - http://www.dbfbruxelles.comDBF

DELEGATION DES BARREAUX DE FRANCE

N°61 - JUIN 2005

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Propos introductifsPar Stavros Dimas*, Commissaire européen

en charge de l’environnement

Œuvrer pour le développement durable de l’Europe et de la planètetoute entière figure parmi les objectifs majeurs de l’Union européen-ne (UE). C’est en effet le droit primaire de l’UE lui-même qui prévoitles modalités de la politique communautaire de l’environnement dansl’article 174 du Traité UE. Je me réjouis donc de l’initiative de laDélégation des Barreaux de France de consacrer un dossier à la pro-tection de l’environnement, et notamment aux importantes questionsde la responsabilité environnementale, du changement climatique etdu Plan d’action pour la santé et l’environnement. Cette contributionpermettra utilement aux praticiens du droit en France de se familiari-ser avec des sujets des plus actuels et des plus importants pour l’ave-nir de notre planète.

Si le protocole de Kyoto pour lutter contre le changement climatiqueest entré en vigueur le 16 février dernier, la «diplomatie environne-mentale» pratiquée par l’UE y est pour beaucoup. On peut en effetconsidérer que c’est en grande partie grâce à l’engagement européensans faille sur ce dossier sur la scène mondiale que le Protocole a fina-lement pu être signé et ratifié par un nombre suffisant d’Etats pourpermettre son entrée en vigueur.

Au sein même de l’Europe, le système d’échange de quotas d’émissionde gaz à effet de serre, lancé le 1er janvier 2005, devrait aider les Etatsmembres à atteindre l’objectif que l’UE s’est fixé: limiter la hausse dela température moyenne mondiale à 2° maximum par rapport àl’époque pré-industrielle.

Mais déjà l’UE se tourne vers l’après-Kyoto, car le protocole expire en2012. La Commission européenne se bat, d’une part, pour une pluslarge participation internationale à l’effort de réduction des émissions,pour intégrer davantage de secteurs économiques dans l’opération, enparticulier, l’aviation et les transports maritimes, pour promouvoirl’innovation. Pour atteindre cet objectif, l’UE continuera à avoirrecours à des mesures législatives et non-législatives adaptées. D’autrepart, l’UE œuvrera pour mettre au point des politiques d’adaptationefficaces, tant au niveau européen que mondial, qui permettront d’in-tégrer dans les stratégies à venir les augmentations de la températuremondiale, qui se révèleront malgré tout inévitables.

Les citoyens européens sont en droit d’attendre un niveau élevé de pro-tection non seulement de leur environnement mais de leur santé. Leprojet de règlement REACH, concernant l’enregistrement, l’évalua-tion et l’autorisation des substances chimiques, est entre les mains duParlement européen pour une première lecture, dans le cadre du pro-cessus de co-décision. Il s’agit d’atteindre un équilibre judicieux entre,d’un côté, la nécessité de protéger les travailleurs et les consomma-teurs contre les risques que les produits chimiques comportent pour lasanté humaine et l’environnement, et, de l’autre, ce qui peut raison-nablement être demandé aux entreprises concernées afin d’assurer la

mise sur le marché de ces produits dans des conditions suffisantes deprotection de la santé et de l’environnement.

La politique de l’environnement ne saurait se contenter du découpagetraditionnel entre les différents domaines politiques. Elle doit êtreintégrée dans toutes les politiques de l’Union européenne, à commen-cer par les politiques agricole, de la pêche, des transports, de l’énergie,de la cohésion économique et sociale, de la recherche et du développe-ment Nord-Sud... C’est pourquoi nous allons lancer des stratégies thé-matiques extrêmement ambitieuses pour les vingt ans à venir, qui per-mettront d’appréhender l’environnement de façon plus globale maisaussi plus efficace, y compris en termes de coûts.

Ces stratégies seront centrées sur la pollution de l’air, l’exploitationdurable des ressources naturelles, la prévention et le recyclage desdéchets, la protection de l’environnement maritime, l’utilisation rai-sonnée des pesticides, la protection des sols et l’amélioration de l’en-vironnement urbain. Leur élaboration permettra d’associer un éventailextrêmement large d’acteurs de tous ordres, de collecter toutes infor-mations utiles, de faire le rapprochement entre des problématiquesdemeurées jusqu’à présent cloisonnées... Elles donneront lieu à despropositions législatives et non-législatives adaptées.

La politique de l’environnement de l’Union européenne remonte à1972. Environ 300 actes législatifs européens, dont près de 80 lois,ont été adoptés par l’Union européenne dans ce domaine. Veiller à lamise en œuvre effective et correcte de ce corpus législatif est la mis-sion impartie à la Commission européenne par les traités successifs. LaCommission joue tout d’abord pleinement son rôle dans la mise enoeuvre de l’article 226 du Traité UE, lui permettant d’obtenir laconstatation judiciaire des manquements des Etats membres au droitcommunautaire. D’autre part, dans le cadre du plan «mieux légifé-rer», afin d’être en mesure de relever les défis auxquels l’Union euro-péenne est confrontée et de continuer à promouvoir le développementéconomique, la protection de l’environnement et améliorer les normessociales, la Commission a lancé un cadre d’action visant à améliorerl’accessibilité de la législation et à simplifier la législation existante.Pour ce qui concerne l’environnement, ces préoccupations sont plei-nement prises en compte dans le cadre des stratégies thématiques.Enfin, la Commission est également très consciente de la nécessité deconsulter toutes les parties prenantes, lorsqu’elle prépare de nouvellesmesures, afin que celles-ci soient adaptées aux besoins de tous, ce quirenforce leur qualité et facilite leur mise en œuvre. La Commissions’emploie à fournir toutes indications nécessaires aux Etats membreset parties intéressées afin de permettre une meilleure mise en œuvredes instruments communautaires, par exemple en rédigeant, avec lesparties intéressées, des guides d’interprétation des textes. Je croisd’ailleurs que la Délégation des Barreaux de France contribue active-ment par son travail d’information en direction des professions juri-diques en France à ce travail de fond primordial. C’est en effet unemise en œuvre complète et de qualité du droit communautaire de l’en-vironnement qui permettra de protéger notre environnement etd’améliorer la qualité de vie de chacun de nous tous en Europe.

DOSSIER SPECIAL

«Le droit communautaire de l’environnement»

II L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

Page 35: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

Le protocole de Kyoto n’est qu’un début dans la lutte

contre le changement climatiquepar Artur Runge-Metzger*, Chef de l’unité s’occupant

du changement climatique et de l’énergie, Direction générale Environnement, Commission européenne

Le réchauffement rapide de notre planète qui provoque des change-ments climatiques à l’échelle mondiale est une des menaces les plusgraves auxquelles nos sociétés sont confrontées. Comme les chefs d’État et de gouvernement l’ont reconnu lors de leur sommet du moisde mars, les changements climatiques sont susceptibles d’avoir, auniveau mondial, des incidences négatives majeures sur le plan envi-ronnemental, économique et social.

Les changements climatiques ne sont pas seulement un défi à releverpour l’avenir: leurs effets se font déjà sentir aujourd’hui. En une cen-taine d’années, la température moyenne des terres a augmenté de plusde 0,6°C sur l’ensemble du globe, de près de 1°C en Europe, et de pasmoins de 5°C dans l’Arctique. Le niveau des mers monte, les glaciersreculent et certaines stations de ski doivent prendre des mesures radi-cales pour se maintenir en activité. D’après les compagnies d’assuran-ce, les catastrophes naturelles liées aux conditions météorologiques,telles que les inondations, les tempêtes et les sécheresses, sont trois foisplus nombreuses que dans les années 1960. La France, par exemple, aété frappée de plein fouet: au cours des dix dernières années, tempêtes,inondations et vagues de chaleur y ont provoqué pour des milliardsd’euros de dommages matériels, sans parler des souffrances humaines.

Avec l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto, au milieu du mois defévrier, la communauté internationale a fait un premier pas importantdans la lutte contre le changement climatique. L’Union européennen’a pas ménagé ses efforts pour que le protocole de Kyoto devienneune réalité malgré la décision des États-Unis et de l’Australie de seretirer de l’accord. Le fait que ce soit la ratification par la Russie à lafin de l’année passée qui ait permis l’entrée en vigueur du protocole nedoit pas faire oublier que 150 autres pays, plus l’Union européenne,l’ont également ratifié. Le protocole s’applique ainsi directement àquelque 85% de la population mondiale.

Le protocole de Kyoto est capital parce que c’est la première fois que lespays industrialisés sont engagés à réduire leurs émissions de dioxyde decarbone (CO2) et des autres gaz à effet de serre, qui selon les climato-logues provoquent le réchauffement de la planète. Les mécanismes deKyoto, qui s’appuient sur le marché et qui offrent une grande flexibili-té, fournissent aux pays industrialisés des moyens efficaces et économesqui leur permettent de réduire leurs émissions, tout en encourageant letransfert de technologies propres vers les pays moins avancés. Le proto-cole nous met sur la voie conduisant à l’économie de l’avenir à faibleémission de carbone, et crée ainsi d’énormes possibilités d’innovation àexploiter par les organismes de recherche et les entreprises dans les pro-chaines décennies. En exploitant à son avantage ces occasions qui sontoffertes, l’Europe renforcera sa compétitivité, et devrait atteindre plusfacilement les objectifs reformulés de la stratégie de Lisbonne en vue derenforcer la croissance économique et de créer de l’emploi.

L’Union européenne a donné l’exemple dès que la question du chan-gement climatique a été mise à l’ordre du jour sur le plan internatio-nal. Dès 1990, l’Union européenne s’est engagée à maintenir au mêmeniveau, voire à réduire à un niveau inférieur, ses émissions de CO2

jusqu’en 2000, ce qu’elle a fait. Elle est également déterminée à

atteindre ses objectifs dans le cadre de Kyoto. Pour les quinze pays quiétaient membres de l’UE avant le 1er mai de l’année passée, cela se traduit par l’obligation de réduire de 8% d’ici 2012 leurs émissionscombinées de CO2 et des autres gaz à effet par rapport au niveau de 1990. Cet objectif global a été réparti en des objectifs différenciéspour chaque État membre en fonction de la capacité de chacun decontribuer à l’effort commun, allant d’une réduction de 28% pour leLuxembourg à une augmentation de 27% pour le Portugal. La Francedoit maintenir ses émissions à un niveau égal ou inférieur à celui de1990 d’ici 2012. Huit des dix pays qui ont rejoint l’UE l’année der-nière, se sont vu attribuer des objectifs de réduction de 6% ou de 8%à atteindre sur la même période.

La responsabilité d’atteindre ces objectifs nationaux incombe avanttout aux États membres eux-mêmes. Pour compléter leur action pardes mesures à l’échelle de l’Union européenne, la Commission euro-péenne a établi en 2000 le programme européen sur le changementclimatique (PECC), qui rassemble tous les principaux intéressés dansle domaine du changement climatique en vue de déterminer lesmesures praticables et rentables pour réduire les émissions de gaz àeffet de serre dans toute l’Union européenne. Jusqu’à ce jour, ce pro-gramme a permis de définir pas moins de 42 actions de portée com-munautaire, dont la plupart sont déjà mises en œuvre.

Nous avons, par exemple, augmenté la part de marché des sourcesd’énergie renouvelables, biocarburants inclus. Nous exigeons que lesnouveaux bâtiments soient conformes à certaines normes de rende-ment énergétique, car une meilleure isolation permet de réduire laconsommation d’énergie jusqu’à 90%. Les constructeurs automobilesqui vendent des voitures particulières dans l’Union européenne se sontlibrement engagés à réduire d’environ 25% en moyenne les émissionsde CO2 de leurs voitures sur la période de 1995 à 2009. Nous incitonsà opter pour la production combinée d’électricité et de chaleur, quiéconomise l’énergie. Nous luttons contre l’utilisation des gaz fluorés àeffet de serre dans les systèmes de climatisation. Nous avons fixé deslimites pour les émissions de méthane produites par les décharges.

De toutes les mesures découlant du PECC, le système d’échange dequotas d’émission dans l’UE, qui a démarré le 1er janvier de cetteannée, est sans doute la plus importante, et certainement la plus inno-vante. Il s’agit du premier système d’échange international pour lesémissions de gaz à effet de serre et du plus ambitieux système d’échan-ge international jamais conçu. Son but est d’aider les États membres àrespecter les obligations qu’ils ont contractées dans le cadre de Kyotoen donnant aux entreprises un moyen efficace et économique de rédui-re les quantités de CO2 - principal gaz à effet de serre - qu’elles émet-tent du fait de leurs activités.

Des dizaines de millions de tonnes de CO2 ont déjà été échangéesentre les participants dans les 25 États membres de l’UE, et le systè-me pourrait s’étendre au-delà de l’Europe par l’établissement de liensavec les systèmes nationaux ou régionaux similaires mis en œuvre dansles autres pays qui ont ratifié le protocole de Kyoto. Le système donneaux entreprises établies en Europe une expérience inestimable de cetype d’échanges dans la perspective du démarrage probable d’un mar-ché mondial des émissions en 2008.

Pour le moment, le système s’applique aux émissions de CO2 pro-duites par des installations de grande et de moyenne taille dans unnombre de secteurs déterminés, à savoir, les installations de produc-tion d’électricité et de chaleur, les installations de combustion, les raffineries de pétrole, les cokeries, les installations sidérurgiques et lesaciéries, et les usines fabriquant du ciment, du verre, de la chaux, dela brique, de la céramique, de la pâte à papier et du papier. En France

DOSSIER SPECIAL

«Le droit communautaire de l’environnement»

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 III

Page 36: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

cela concerne quelques 1 170 installations, et pour l’ensemble de l’UEle chiffre se situe autour de 12 000. Ces installations sont à l’originede près de la moitié de l’ensemble des émissions de CO2 dans l’Unioneuropéenne. Le système pourra être étendu à d’autres gaz à effet deserre et à d’autres secteurs dans une seconde phase à partir de 2008.

Établi par un acte législatif arrêté par le Parlement européen et leConseil de ministres en 2003, le système fonctionne selon le principedu plafonnement. Les installations auxquelles le système s’appliquereçoivent des quotas d’émission de leur gouvernement, qui limitentou «plafonnent» le volume des émissions autorisées. Chaque quotareprésente le droit d’émettre une tonne de CO2 et peut entrer dans lesystème d’échange. Les gouvernements allouent les quotas au moyende plans nationaux d’allocation de quotas qui doivent répondre à unesérie de critères sur le plan législatif et qui sont évalués, et éventuel-lement modifiés si nécessaire, par la Commission européenne. Pourexercer une pression à la baisse sur les émissions, l’idée est que lenombre total des quotas alloués doit correspondre à un volumequelque peu inférieur à celui qui aurait été produit si la situation étaitrestée inchangée. On crée ainsi la rareté nécessaire pour conférer unevaleur aux quotas et créer un marché.

Les installations qui réussissent à maintenir au cours d’une année leursémissions en dessous du plafond qui leur a été alloué peuvent alorsvendre les quotas inutilisés sur le marché. Par contre, celles quiconstatent qu’elles ne pourront pas maintenir leurs émissions dans leslimites des quotas alloués ont le choix. Elles peuvent investir dans desmoyens qui permettent de réduire les émissions - par exemple en ins-tallant des équipements ayant un meilleur rendement énergétique -,ou elles peuvent, si cela revient moins cher, acheter des quotas sup-plémentaires sur le marché pour couvrir leurs besoins. Cette faculté estune bonne chose pour les entreprises concernées mais aussi pour l’éco-nomie dans son ensemble, car elle assure que les émissions sontréduites lorsqu’il est plus rentable de le faire.

Le système d’échange de quotas d’émission donne donc un prix auxémissions de carbone, et crée ainsi un nouveau marché international desquotas d’émission et une nouvelle devise basée sur les tonnes de CO2.C’est la première fois que l’UE a mis à une telle échelle les forces dumarché au service de l’environnement. Ce marché est ouvert à tout lemonde, et pas seulement aux entreprises qui détiennent des quotas. Lesystème vient à peine de se mettre en place, et déjà on a connu des jour-nées où plus de deux millions de tonnes ont été échangées. Dans lesquatre premiers mois, les prix ont varié entre 6 euros et près de 18 eurosla tonne de CO2, principalement sous l’influence des prix du pétrole, ducharbon et du gaz ainsi que des conditions météorologiques.

Le système comporte un solide ensemble de mesures destinées à garan-tir que ses règles seront respectées. Après chaque année civile, les ins-tallations auxquelles le système s’applique doivent restituer les quotascorrespondant à leurs émissions de CO2 produites au cours de l’annéecivile écoulée, telles qu’elles ont été vérifiées. Ces quotas sont annulésafin qu’ils ne puissent être réutilisés. Les installations qui se retrou-vent avec un excédent de quotas peuvent les vendre ou les conserveren vue de les utiliser avant la fin de la première phase, en 2007. Lesinstallations qui ne sont pas en mesure de restituer un nombre suffi-sant de quotas pour couvrir leurs émissions doivent payer une amen-de dissuasive pour chaque tonne excédentaire émise. Pour le moment,cette amende est de 40 euros pour chaque tonne, mais à partir de 2008elle s’élèvera à 100 euros. Les exploitants auront aussi l’obligationd’acheter des quotas pour compenser cette insuffisance dans l’annéesuivante, et leur nom sera publié.

Le système d’échange de quotas d’émission applicable aux entreprisesétablies dans l’UE a l’avantage d’être explicitement lié aux méca-nismes fondés sur le marché établis dans le cadre du protocole deKyoto. Ces mécanismes, connus sous le nom de mécanisme de mise enœuvre conjointe et de mécanisme pour un développement propre, permettentaux pays industrialisés qui sont tenus de respecter des objectifs deréduction ou de limitation de leurs émissions de réaliser des investis-sements dans des projets de réduction des émissions dans des paystiers, et d’être crédités de ces réductions dans l’estimation de leurspropres objectifs en matière d’émission. Le système d’échange de quo-tas d’émission est le premier au monde à assimiler les crédits dérivésde tels projets aux quotas d’émission alloués par les gouvernements.Cela a non seulement pour effet de promouvoir de tels projets, et doncd’inciter au transfert de technologies favorables à l’environnemententre les pays industrialisés et vers les pays en développement, maiségalement d’étendre les possibilités d’investissement et d’échange etde renforcer la liquidité du système.

Grâce au système d’échange de quotas d’émission et à l’ensemble desautres mesures prises au niveau de l’Union européenne et par chaqueÉtat membre sur le plan intérieur, nous pourrons sans doute atteindrenos objectifs de Kyoto. Mais il est clair depuis toujours que Kyoton’est qu’un début et qu’il faudra faire beaucoup plus à l’avenir pourréduire les émissions. Les climatologues prévoient que la températureaugmentera encore à l’échelle planétaire de 1,4°C (2,5°F) à pas moinsde 5,8°C (10,4°F) d’ici la fin du siècle. Même le plus bas de ceschiffres correspondrait à l’augmentation de température la plus rapidedepuis la fin de la dernière glaciation, il y a 10 000 ans.

Le défi auquel la communauté internationale doit faire face consiste àramener les émissions à l’échelle mondiale à un niveau qui permettraitd’empêcher que les activités humaines n’interfèrent dangereusementavec le système climatique planétaire. Lors du sommet de mars, leschefs d’Etat et de gouvernement de l’UE ont convenu que cela signi-fie que l’augmentation de la température mondiale annuelle moyenneen surface ne doit pas dépasser 2°C par rapport aux niveaux del’époque préindustrielle. Pour atteindre cet objectif, il faudra une nou-velle action déterminée pour réduire les émissions après 2012, lorsqueles objectifs de Kyoto seront censés être atteints.

En février, la Commission a expliqué ce qu’elle considère être les élé-ments de base d’un régime post-2012, et ces idées ont été bienaccueillies par les chefs d’État et de gouvernements de l’UE.

L’idée centrale est qu’il faut arriver à une participation la plus largepossible dans les futurs efforts pour réduire les émissions. L’Unioneuropéenne ne peut pas à elle seule résoudre le problème du change-ment climatique: elle ne compte que pour 14% dans le volume totaldes émissions dans le monde, et en 2050 sa part sera tombée à 8%.Tous les pays industrialisés, y compris les Etats-Unis et l’Australie,doivent participer. La participation des Etats-Unis, qui produisentpresque un quart des émissions de CO2 dans le monde, est d’uneimportance cruciale. Mais il faudra aussi une action de la part des paysen développement les plus avancés sur le plan économique, quiconnaissent une augmentation rapide de leurs volumes d’émissions.Ensemble nous devons veiller à ce que les autres pays en voie de déve-loppement s’engagent dans la voie d’un développement durable qui neles condamne pas à devenir les principaux pollueurs de l’avenir ens’appuyant sur les technologies du passé.

Nous pensons aussi qu’il faudra que le régime d’après 2012 étende lesefforts de réduction des émissions à un plus grand nombre de secteurs,notamment à l’aviation - dont les émissions augmentent rapidement,aux transports maritimes et à la gestion des forêts. Le déboisement est

DOSSIER SPECIAL

«Le droit communautaire de l’environnement»

IV L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

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en effet une source d’émissions importante dans le monde que nous nepouvons continuer d’ignorer.

Nous devrons également soutenir vigoureusement le déploiement destechnologies propres qui existent déjà: on peut penser à cet égard auxvoitures hybrides, aux sources d’énergie renouvelables, aux appareils àbon rendement énergétique, et à l’isolation des bâtiments. Nousdevrons en outre investir davantage dans la mise au point de techno-logies innovantes, qui nous fourniront les solutions dont nous auronsbesoin dans les trois ou quatre décennies prochaines.

D’autre part, le système d’échange de droits d’émission et les autresmécanismes de marché mis en place dans le cadre du protocole deKyoto devraient être maintenus dans tout futur régime destiné à maî-triser les changements climatiques. Ils sont essentiels pour limiter lecoût de l’action.

Enfin, il convient de mobiliser davantage de moyens et de consentirplus d’efforts pour s’adapter aux changements climatiques qui sont déjàen train de se manifester et qui sont inévitables. Une adaptation, parexemple, basée sur une révision des plans d’occupation des sols dans lespays proches du niveau de la mer et dans les bassins hydrographiquesd’un fleuve, permettrait de faire plus facilement face aux effets deschangements climatiques lorsque ceux-ci seront plus marquants.

L’Union européenne a commencé à débattre de ces idées avec ses par-tenaires pour arriver à ce que les négociations sur l’action à meneraprès 2012 puissent être entamées le plus tôt possible à l’échelle mon-

diale. Nous espérons réaliser encore cette année des progrès dans plu-sieurs assemblées, notamment au sein du G8, où la Grande-Bretagnea fait du changement climatique une des priorités essentielles de saprésidence, et lors de la prochaine réunion des parties de la conventiondes Nations unies sur le changement climatique, qui aura lieu endécembre à Montréal. Un séminaire d’experts gouvernementaux quis’est tenu à Bonn les 16 et 17 mai a confirmé l’urgente nécessité res-sentie tant par les pays développés que par les pays en développementde renforcer encore l’action internationale pour lutter contre le chan-gement climatique. Cette réunion a été très utile pour aider à recen-ser une série de questions dont il faudra tenir compte dans la concep-tion d’un nouveau régime à mettre en œuvre pour maîtriser les chan-gements climatiques. La Commission espère que la dynamique engen-drée par le séminaire conduira, lors de la réunion de Montréal, au lan-cement d’un processus plus officiel pour discuter de l’établissement durégime à mettre en place après 2012.

Des études indiquent qu’il serait beaucoup plus coûteux, en termes dedommages matériels et de souffrance humaine, de subir le change-ment climatique que de réduire nos émissions si nous choisissons labonne approche. Il ne sera pas facile d’arriver à un accord sur le planmondial, mais l’importance de la menace que constitue le changementclimatique fait qu’on ne peut tout simplement pas se croiser les braset ne rien faire. Ce défi planétaire exige que tous les membres de lacommunauté mondiale unissent leurs efforts, et c’est dès à présentqu’il faut s’atteler à la tâche.

DOSSIER SPECIAL

«Le droit communautaire de l’environnement»

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 V

Page 38: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

Le plan d’action européen en faveur de l’environnement

et de la santé 2004-2010Par Michael Hübel*, Chef d’unité adjoint,

Direction générale Santé et protection des consommateurs, Commission européenne

Les facteurs environnementaux, notamment l’exposition à des sub-stances polluantes qui peuvent contaminer l’eau, l’air ou les aliments,sont d’importants déterminants de la santé. On a ainsi estimé que jus-qu’à un sixième des décès et des maladies chez l’enfant peut être impu-té à ces facteurs. Mais la plus grande incertitude règne autour de lamanière dont l’exposition à des facteurs environnementaux peutentraîner des effets précis sur la santé. Elle provient pour partie deconnaissances lacunaires et pour partie de la nécessité d’améliorer lesliens existant entre les activités de surveillance de l’environnement,d’une part, et de veille sanitaire, d’autre part, et de mieux cibler celles-ci. Toutefois, lorsque certains liens sont avérés, il faut réagir, que cesoit par des mesures réglementaires ou des actions de santé publiqueet d’évaluation des risques.

En 2003, résolument soutenue par les Etats membres et le Parlementeuropéen, la Commission européenne a présenté une stratégie euro-péenne en matière d’environnement et de santé dans laquelle elle s’en-gageait à élaborer un plan d’actions concrètes couvrant la période2004-2010. Tous les acteurs concernés ont pu contribuer à l’élabora-tion de ce plan d’action: plus de 300 experts ont été consultés, neufgroupes de travail techniques et un groupe consultatif ont été créés,rassemblant des experts en environnement et en santé provenant desEtats membres (ministères de la santé et de l’environnement), dumonde universitaire, de l’industrie et des principales organisationsparties prenantes dans ces matières.

Le 9 juin 2004, la Commission adoptait le Plan d’action européen enfaveur de l’environnement et de la santé 2004-2010, qui s’inspiredes orientations générales présentées dans la communication de laCommission de juin 2003. Le plan d’action a également constitué lacontribution de la Commission à la conférence ministérielle euro-péenne sur l’environnement et la santé de Budapest (23-25 juin2004), dont l’un des principaux résultats a consisté en l’adoption duplan d’action pour l’environnement et la santé des enfants en Europe(CEHAPE). Le CEHAPE fixe une série d’objectifs de priorité régiona-le que les ministres se sont engagés à atteindre, dont la réduction desinfections gastro-intestinales et l’amélioration de l’accès à l’eaupotable, la prévention des accidents et des blessures et la promotion dela sécurité dans les environnements urbains, la promotion de la santérespiratoire et de la lutte contre la pollution de l’air et enfin la réduc-tion du risque de maladies résultant de l’exposition à des substanceschimiques dangereuses.

Les commissaires chargés de la santé, de l’environnement et de larecherche ont été les chefs de file des travaux préparatoires du pland’action et les directions générales de la Commission chargées de cesmatières (Santé et protection des consommateurs, Environnement,Recherche et le Centre commun de recherche) ont à présent pris lerelais. Le plan d’action a été élaboré en étroite coopération avecl’Organisation mondiale de la santé (OMS) et s’aligne en grande par-tie sur son action en la matière.

Il faut toutefois souligner que la réduction des risques sanitaires liésaux conditions environnementales est un chantier déjà largement

entamé. Les actions de la Commission et des Etats membres en lamatière ont permis de faire progresser les politiques environnemen-tales parallèlement aux initiatives internationales. Le vrai défi restetoutefois de veiller à ce que tous ces efforts contribuent réellement àl’amélioration effective et continue dans le temps de la santé.

La valeur ajoutée du plan d’action consiste en un renforcement de lacoordination entre les secteurs de la santé, de l’environnement et de larecherche, afin d’évaluer de manière systématique la capacité de notrepolitique à améliorer les résultats concernant la santé et, au besoin, del’adapter.

Nous devons pour cela mieux connaître les liens permettant de remon-ter, à partir des effets sanitaires, jusqu’aux émissions dans l’environne-ment et aux sources de pollution. Les résultats des actions menéesnous donneront une image plus complète à la fois des risques que peutreprésenter l’environnement pour la santé et des progrès réalisés pournous prémunir contre ces risques.

Si nous comprenons parfois assez bien les effets de substances pol-luantes prises séparément, nos connaissances restent limitées dans lescas d’exposition à des facteurs multiples (effets cocktail) ou pour ce quiest des effets à long terme d’une exposition à faible dose, ou bien deseffets dus à la migration d’un polluant d’un milieu à un autre, ouencore lorsqu’il s’agit de comprendre comment les polluants sontabsorbés par l’organisme.

L’application du plan fera l’objet d’une étroite coopération entre lesEtats membres, les parties concernées et les organisations internatio-nales, notamment par le biais d’un groupe consultatif mis en place àcet effet, au sein duquel tous ces intervenants sont représentés. LaCommission concrétisera ces actions dans le cadre des initiatives etprogrammes existants auxquels des ressources ont déjà été allouées,notamment le programme d’action dans le domaine de la santépublique et les programmes-cadres de recherche, ainsi qu’au titre dubudget opérationnel de la Direction générale Environnement. LaCommission invite les parties intéressées à prendre part à ces actionsdans leurs sphères de compétence ou d’intérêt respectives. La révisionde mesures existantes ou l’introduction de nouvelles mesures seraenvisagée en concertation avec les parties intéressées.

Afin de progresser dans ce domaine complexe, la responsabilité estpartagée entre:

• les Etats membres, qui sont chargés de mettre en œuvre la surveillan-ce et les mesures de gestion des risques, et qui sont responsables de larecherche, de l’éducation et de la formation. Leur rôle est primordialpour intégrer les résultats obtenus à l’échelon national dans les discussions menées au niveau de l’Union européenne (UE) et diffuserles informations à l’échelle de l’UE aux niveaux national et local;

• les parties intéressées, comme l’industrie et la société civile, quijouent un rôle important pour traduire les informations recueilliessur certains dangers en actions préventives et en mesures novatrices;

• la Commission, qui poursuivra le dialogue avec les principauxacteurs, continuera d’encourager la coopération au niveau de l’UEdans ses domaines de compétence et entretiendra les contacts avecl’Agence européenne de l’environnement, l’Autorité européenne desécurité des aliments et d’autres organismes compétents.

Le plan d’action vise à atteindre les objectifs à long terme fixés par la com-munication sur l’environnement et la santé de la Commission de 2003:

> diminuer le nombre des maladies dues à des facteurs environne-mentaux dans l’UE;

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«Le droit communautaire de l’environnement»

VI L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

Page 39: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

> détecter et prévenir les nouvelles menaces sanitaires dues à des facteurs environnementaux;

> renforcer la capacité de l’UE à adopter des politiques dans cedomaine.

Le plan d’action de l’UE constitue un document opérationnel définis-sant 13 actions clés à réaliser sur la période allant jusqu’en 2010 etregroupées en trois grands thèmes:

> améliorer la chaîne d’information en disposant d’informations inté-grées sur l’environnement et la santé;

> compléter les connaissances en renforçant la recherche, et

> agir: réexaminer les politiques et améliorer la communication.

Les actions 1 à 4 du plan visent à améliorer l’information sur l’inter-action environnement/santé. Les mesures comprennent l’élaborationd’indicateurs de santé pertinents, la surveillance intégrée de l’environ-nement et l’identification des diverses voies d’exposition, ainsi que lasurveillance biologique chez l’homme. Pour ce qui est des informa-tions, la Commission collaborera avec les Etats membres etl’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour faire en sorte que lesystème d’information sur l’environnement et la santé de l’OMS soitcompatible avec les exigences en matière d’information découlant del’évaluation des données requise par la législation communautairedans le domaine de l’environnement, et associera l’OMS à cet exerci-ce. L’objectif étant de garantir, lorsque c’est possible, que les exigencesde l’UE et de l’OMS en matière de préparation et présentation de rapports soient cohérentes.

Les actions 5 à 8 préconisent un renforcement des activités derecherche en Europe, notamment sur les quatre maladies prioritairesidentifiées en 2003: asthme/allergies, troubles du développement neurologique, cancers et perturbations du système endocrinien. Ellesportent également sur la mise en place de mécanismes permettantd’améliorer l’évaluation des risques, ainsi que d’un système de détec-tion précoce des phénomènes préoccupants tels que les effets du chan-gement climatique sur la santé. L’exécution de ce processus est assuréepar les programmes-cadres de recherche communautaires.

Dans le sixième programme-cadre de recherche, trois priorités théma-tiques comprennent des thèmes relatifs à l’environnement et à lasanté, auxquelles s’ajoute la priorité du soutien spécifique à l’élabora-tion des politiques. Il en ira de même avec le nouveau (septième) pro-gramme-cadre, puisque les questions liées à l’environnement et à lasanté ont été désignées parmi les priorités.

Les actions 9 à 13 concernent les conclusions qui pourront être tiréesde ces informations et actions améliorées, grâce à des campagnes desensibilisation, à une meilleure communication sur les risques, et à desactions de formation et d’éducation. La Commission réexaminera lesmesures existantes en se fondant sur cette meilleure compréhension etles adaptera si nécessaire, en faisant participer toutes les parties inté-ressées.

Cette participation sera notamment assurée par le lancement d’activi-tés de santé publique et de travail en réseaux dans le domaine desdéterminants environnementaux de la santé, en s’appuyant sur le pro-gramme de santé publique, la coordination des mesures de réductiondes risques en vigueur et en concentrant l’action sur les maladies prio-ritaires. Enfin, le plan d’action prévoit deux actions spécifiques visantà améliorer la qualité de l’air intérieur et à surveiller l’évolution en cequi concerne les champs électromagnétiques.

La concrétisation du plan d’action est entamée depuis l’été 2004. Lespremières étapes ont été évaluées lors d’une conférence organisée sousla présidence néerlandaise en coopération avec la Commission, les 2 et3 décembre 2004 à Egmond aan Zee aux Pays-Bas. Après des débatstechniques sur des aspects fondamentaux du plan d’action, la confé-rence s’est clôturée par une séance de travail politique de haut niveauqui a apporté le soutien du monde politique aux activités et initiativesen cours d’exécution.

La conciliation des politiques en matière d’environnement et de santéest un objectif à long terme. Le plan d’action permettra d’améliorer lesocle d’informations nécessaires dans un exercice aussi important,d’identifier et de contribuer à combler les manques de connaissances,et de franchir les étapes initiales vers la solution aux problèmes posés.

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L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 VII

Page 40: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

La directive 2004/35/CE sur la prévention et la réparation

des dommages environnementauxPar Charles Pirottei*, Administrateur,

Direction générale Environnement, Commission européenne

Le 21 avril 2004 le Parlement européen et le Conseil adoptaient ladirective 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale en ce quiconcerne la prévention et la réparation des dommages environnemen-tauxii. Les Etats membres doivent transposer celle-ci le 30 avril 2007au plus tard.

Si la procédure législative au terme de laquelle la directive fut arrêtéene fut pas en elle-même d’une longueur particulièreiii, les péripétiesqui ont entouré la gestation de la proposition par la Commission mon-trent à suffisance que la matière est pour le moins controversée.

La Communauté avait envisagé, dès 1984, de se doter d’une législa-tion en matière de responsabilité civile en cas de dommages causés àl’environnement par les déchets dangereux faisant l’objet de transfertsfrontaliersiv. En 1989, pour répondre entre autres à l’intention émiseen 1984, la Commission a présenté au Conseil une proposition dedirective concernant la responsabilité civile pour les dommages causéspar les déchetsv. Cette proposition ne fut jamais adoptée par leConseilvi. Il est vrai que, entre-temps, la Commission publia un Livrevert sur la responsabilité pour dommage à l’environnementvii, suivi, enl’an 2000, d’un Livre blanc sur la responsabilité environnementaleviii.Au cours du mois de juillet 2001, la Direction générale de l’environ-nement de la Commission européenne procédait à une consultationpublique sur un «document de travail»ix. Enfin, en février 2002, laCommission présentait au Parlement européen et au Conseil la propo-sitionx qui a conduit à l’adoption par le législateur communautaire dela directive. Tant la proposition que la directive sont basées sur l’ar-ticle 175 du traité instituant la Communauté européenne, lequelconsacre les pouvoirs d’action de la Communauté en matière de poli-tique environnementale.

Tout examen de la directive 2004/35/CE, fût-il aussi sommaire quecelui-ci, ne peut faire l’impasse sur cette question préalable: que faut-il comprendre par «responsabilité environnementale» au sens où l’en-tend la directive? Une rapide lecture de celle-ci suffit à perturber celuiqui associe ces mots aux régimes de responsabilité civile traditionnels.Le schéma classique de la victime introduisant une action en dom-mages et intérêts, devant un tribunal, à l’encontre de la personne quil’a lésée, ne se retrouve en effet pas dans la directive. De victime, point(sauf à considérer l’environnement comme tel); de tribunal, pas néces-sairement (du moins dans un premier temps) et nuls dommages etintérêts.

La responsabilité environnementale repose à la fois sur un principed’action et sur un principe d’imputation financière en ce qu’elle sup-pose des exploitants qui relèvent de son champ d’application que ceux-ci agissent (ou soient forcés à agir par les autorités compétentes) (II.A)en vue de prévenir ou réparer les dommages environnementaux causéspar eux, ou que, à défaut, les coûts éventuellement encourus par lesautorités compétentes soient supportés par lesdits exploitants (II.B).

Cette présentation des plus synthétiques suppose, pour être pleine-ment intelligible, que les principaux concepts-clefs (I.A) et la portéedes régimes de responsabilité environnementale de la directive soientbrièvement exposés (I.B).

I. Le cadre juridique de la responsabilité environnementale

La directive a pour objet d’établir un cadre de responsabilité environ-nementale, fondé sur le principe du «pollueur-payeur», en vue de pré-venir et de réparer les dommages environnementauxxi.

S’il est impossible de passer ici en revue les seize définitions énoncéesà l’article 2 de la directive, celles des notions d’exploitant et de dom-mage environnemental justifient de retenir un minimum l’attentionen raison de leur rôle central. Une bonne compréhension de la portéedes obligations découlant de la directive implique, pour sa part, quesoient aussi prises en compte d’autres dispositions que celles relativesà son champ d’application.

A. L’obligé et le bénéficiaire: l’exploitant et l’environnement.

Par «exploitant», la directive entend toute personne physique ou mora-le, privée ou publique, qui exerce ou contrôle une activité professionnel-le ou, lorsque la législation nationale le prévoit, qui a reçu par délégationun pouvoir économique important sur le fonctionnement technique, ycompris le titulaire d’un permis ou d’une autorisation pour une telle acti-vité, ou la personne faisant enregistrer ou notifiant une telle activité.

L’environnement, quant à lui, n’est pas protégé de façon globale etindistincte par la directive en ce que seuls certains éléments de celui-ci voient les dommages qui les affectent soumis à une obligation deprévention et de réparation. Encore faut-il préciser, par ailleurs, quel’atteinte portée à ces éléments ne constitue un «dommage» qu’à cer-taines conditions.

Ainsi, un «dommage» suppose-t-il qu’une modification négative sur-vienne, de manière directe ou indirecte, laquelle doit être mesurablexii.

Quant au «dommage environnemental»xiii, celui-ci se décompose entrois catégories:

a) les dommages causés aux espèces et habitats naturels protégés, àsavoir tout dommage qui affecte gravement la constitution ou lemaintien d’un état de conservation favorable de tels habitats ouespèces; l’importance des effets de ces dommages s’évalue parrapport à l’état initial, en tenant compte des critères qui figu-rent à l’annexe Ixiv;

b) les dommages affectant les eaux, à savoir tout dommage quiaffecte de manière grave et négative l’état écologique, chimiqueou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux concernées,tels que définis dans la directive 2000/60/CExv, à l’exception desincidences négatives auxquelles s’applique l’article 4, para-graphe 7, de ladite directive;

c) les dommages affectant les sols, à savoir toute contamination dessols qui engendre un risque d’incidence négative grave sur lasanté humaine du fait de l’introduction directe ou indirecte ensurface ou dans le sol de substances, préparations, organismes oumicro-organismes.

On notera la présence, déclinée sous diverses formes, du mot «grave».Les eaux concernées sont celles couvertes par la directive 2000/60/CExvi

tandis que les «espèces et habitats naturels protégés» sont identifiés parréférence aux directives 79/409/CEExvii et 92/43/CEE xviii.

Notons enfin que la réparation du dommage environnemental estcomplétée par un volet prévention en ce que la directive s’appliqueaussi en cas de «menace imminente de dommage», à savoir lorsquevoit le jour une probabilité suffisante de survenance d’un dommageenvironnemental dans un avenir prochexix.

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«Le droit communautaire de l’environnement»

VIII L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

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B. La portée des régimes de responsabilité environnementale

La directive établit non pas un mais deux régimes de responsabilitéenvironnementale puisqu’elle s’applique aux:

a) dommages causés à l’environnement par l’une des activités pro-fessionnelles énumérées à son annexe III, et à la menace immi-nente de tels dommages découlant de l’une de ces activitésxx;

b) dommages causés aux espèces et habitats naturels protégés parl’une des activités professionnelles autres que celles énumérées àson annexe III, et à la menace imminente de tels dommagesdécoulant de l’une de ces activités, lorsque l’exploitant a com-mis une faute ou une négligencexxi.

Signalons à cette occasion que constitue une «activité professionnelle»toute activité exercée dans le cadre d’une activité économique, d’uneaffaire ou d’une entreprise, indépendamment de son caractère privé oupublic, lucratif ou non lucratifxxii.

Si la directive ne couvre pas l’ensemble des dommages environnemen-taux possibles, elle ne concerne en revanche aucunement les dom-mages aux biens et aux personnes. En effet, sans préjudice de la légis-lation nationale pertinente, la directive ne confère aux parties privéesaucun droit à indemnisation à la suite d’un dommage environnemen-tal ou d’une menace imminente d’un tel dommagexxiii.

Une appréciation exacte de la portée de ces régimes suppose la priseen compte d’autres dispositions de la directive puisque le champd’application de cette dernière comporte plusieurs exclusions tandisque des circonstances particulières peuvent conduire à exonérer l’ex-ploitant de l’obligation de supporter les coûts de prévention ou deréparation.

Ainsi, aux termes de son article 4, la directive ne s’applique pas auxdommages environnementaux ou à une menace imminente de telsdommages soit causés par certains événements caractérisés (forcemajeure, pollution diffuse), ou résultant d’activités particulières (sec-teur nucléaire, défense et protection civile) ou d’incidents à l’égarddesquels la responsabilité ou l’indemnisation relève du champ d’ap-plication de certaines conventions internationalesxxiv.

Par ailleurs, les paragraphes 3 et 4 de l’article 8 identifient des situa-tions pouvant conduire l’exploitant à être exonéré de sa responsabilitéfinancière, sous des conditions cependant fort différentes. Ainsi, si lapremière des dispositions citées prononce une telle exonération auregard des actions de prévention ou de réparation en cas d’interventiond’un tiers (en dépit de mesures de sécurité appropriées) ou d’uneinjonction de l’autorité publique (qui ne découle pas de la mise enœuvre de la directive), la seconde se limite à habiliter les Etatsmembres à prévoir une telle exonération pour ce qui concerne lesseules actions de réparation et pour autant que les circonstances y précisées soient remplies: le dommage doit être dû soit à:

a) une émission ou un événement expressément autorisé et respec-tant toutes les conditions liées à une autorisation conférée par oudélivrée en vertu des dispositions législatives et réglementairesnationales mettant en œuvre les mesures législatives arrêtées parla Communauté et visées à l’annexe III, telle qu’elle est d’appli-cation à la date de l’émission ou de l’événement;

b) une émission ou une activité ou tout mode d’utilisation d’un pro-duit dans le cadre d’une activité dont l’exploitant prouve qu’ellen’était pas considérée comme susceptible de causer des dommagesà l’environnement au regard de l’état des connaissances scientifiqueset techniques au moment où l’émission ou l’activité a eu lieu,

étant entendu que, dans tous les cas, l’exploitant ne doit pas avoir com-mis de faute ou de négligence (la charge de la preuve lui incombant).

Un mot encore pour préciser que, du point de vue de son applicationdans le temps, la directive n’a pas d’effet rétroactif en ce qu’elle nes’applique pas:

- aux dommages causés par une émission, un événement ou unincident survenus avant la date du 30 avril 2007;

- aux dommages causés par une émission, un événement ou unincident survenus après la date du 30 avril 2007, lorsqu’ilsrésultent d’une activité spécifique qui a été exercée et menée àson terme avant ladite date;

- aux dommages lorsque plus de trente ans se sont écoulés depuisl’émission, événement ou incident ayant donné lieu à ceux-cixxv.

II. Le contenu de la responsabilité environnementale:principes d’action et d’imputation financière

Se démarquant du schéma classique de la responsabilité civile, ladirective se veut moins instrument de «rattrapage» qu’outil de gestion dynamique des atteintes et menaces d’atteinte à l’environ-nement. Ainsi, l’exploitant à l’origine d’une menace imminente de dommage ou de survenance d’un tel dommage se voit enjointd’agir et d’adopter certains comportements, sous le contrôle éventuelde l’autorité publique (II.A). A défaut d’agir par lui-même, l’exploi-tant «défaillant» se verra imputer les frais exposés dans le cadre de la mise en œuvre de la directive par l’autorité publique ou à sademande (II.B).

A. Un principe d’action ou la gestion directe de sa responsabilitépar l’exploitant

Les articles 5 et 6 de la directive imposent à l’exploitant certaines obli-gations d’agir. Il s’agit, pour l’essentiel, et selon les cas, d’informerl’autorité compétente et de mettre en œuvre les actions nécessaires deprévention et de réparation, ces dernières recouvrant tout à la fois desmesures que l’on pourrait qualifier de «conservatoires»xxvi et lesdémarches visant à restaurer l’environnement physiquement dégradé,voire à le recréer, sur un site alternatif plus propice à cette fin, si lebesoin s’en fait sentir.

A vrai dire, l’action de l’exploitant ne peut pas toujours être «immé-diate» dès lors que la directive elle-même subordonne l’exécution destravaux de restauration à l’approbation préalable de l’autorité compé-tentexxvii. Il est vrai que la préparation des actions de réparation doitreposer sur les principes de l’annexe II de la directive; la mise en œuvrede ceux-ci supposant que des appréciations complexes d’ordre tech-nique et économique soient portées, l’intervention de l’autoritépublique, gardienne de l’intérêt général, s’imposait pour éviter que lesexploitants ne soient tentés de privilégier leurs intérêts propres. Car,s’agissant du moins des dommages affectant les espèces et habitatsnaturels protégés et les eaux, la directive ambitionne d’assurer la remi-se en l’état initial de l’environnement par le biais de différentesapproches et méthodes de réparation plus précisément définies etexposées à son annexe II.

En un mot, la directive tente de contourner tant que faire se peutl’écueil de l’évaluation monétaire des atteintes causées à l’environne-ment, laquelle est possible par le biais de méthodes d’analyses écono-miques parfois fort sophistiquées (et, dans cette mesure, assez contro-versées), en privilégiant de façon systématique la réparation «en natu-re» (si bien nommée en pareil cas). Les coûts devant être supportés parl’exploitant responsable correspondent alors aux dépenses engagées

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L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 IX

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pour concevoir et exécuter les actions concrètes de restauration de l’en-vironnement physique.

Point particulièrement innovateur, la directive impose de compenserce qu’elle dénomme les «pertes intermédiaires», lesquelles résultentdu fait que les ressources naturelles endommagées ne sont plus enmesure de remplir leurs fonctions écologiques ou de fournir des servi-cesxxviii à d’autres ressources naturelles ou au public tant que le dom-mage causé à l’environnement n’est pas réparéxxix. Ce concept de pertesintermédiaires remplit un double rôle: d’une part, il permet de tenircompte du facteur «temps» (en ce que le retour à l’état initial ne pour-ra que rarement être réalisé à bref délai) et, d’autre part, il élargit defaçon considérable la palette des options de réparation envisageablesdès lors que, grâce à la couverture des pertes intermédiaires, desactions de restauration dont les effets bénéfiques ne se feront sentirqu’à terme, mais dont les coûts de mise en œuvre sont réduits, pour-raient être retenues. Cette dernière option ne serait d’ailleurs pas audétriment de l’environnement (considéré globalement) puisque lacompensation des pertes intermédiaires - d’autant plus importantesque les délais de réparation sont longs - conduira à une situation fina-le où l’état des ressources naturelles concernées sera amélioré par rap-port à l’état initial. La directive prévoit, en effet, que la compensationdes pertes intermédiaires passe par la réalisation d’un surcroît d’ac-tions de réparation, sans qu’il soit question de paiement sous forme decompensation financière directe au public.

Il ne peut, cependant, être exclu que, dans certaines situations, uneévaluation monétaire soit indispensable. (Pour difficile que puisse êtrele recours à de telles méthodes, refuser par principe d’utiliser celles-ciéquivaudrait à tenir en échec de façon frontale le principe du «pol-lueur-payeur».) L’annexe II contient donc également des dispositionsen ce sensxxx.

Pour ce qui concerne la réparation des dommages affectant les sols, l’an-nexe II, point 2, de la directive prévoit que les mesures nécessaires soientprises afin de garantir au minimum la suppression, le contrôle, l’endi-guement ou la réduction des contaminants concernés, de manière à ceque les sols contaminés, compte tenu de leur utilisation actuelle ou pré-vue pour l’avenir au moment où les dommages sont survenus, ne pré-sentent plus de risque grave d’incidence négative sur la santé humaine.

Dès lors que l’exploitant finance directement les actions de préventionet de réparation, il assume sa responsabilité en matière de protectionde l’environnement. Il se peut, cependant, que l’exploitant rechigne àagir de son propre chef, auquel cas les autorités compétentes désignéespar les Etats membres afin d’assurer la mise en œuvre de la directiveinterviendront en vue de rappeler à celui-ci ses obligations et, aubesoin, prendre les mesures coercitives appropriées pour le forcer às’exécuterxxxi.

Le législateur communautaire ne s’en remet pas, cependant, aux seulesautorités compétentes pour assurer le respect de la directive. Celle-cipermet, en effet, aux personnes physiques ou morales intéressées desoumettre à l’autorité compétente toute observation liée à la surve-nance de dommages environnementaux ou à une menace imminentede tels dommages dont elles ont eu connaissance, et de demander àl’autorité de prendre les mesures requises par la directivexxxii.

Dans les circonstances précisées à l’article 13, l’autorité se doit d’exa-miner ces observations et cette demande d’action, dans le respect ducontradictoire, et décider des suites à donner, étant entendu que lalégalité de l’action ou, le cas échéant, de l’inaction de l’autorité doitpouvoir être l’objet d’un recours devant un tribunal ou «tout autre orga-nisme public indépendant et impartial»xxxiii.

L’originalité de la procédure tient en ce que la directive assimile lesorganisations non gouvernementales qui œuvrent en faveur de la pro-tection de l’environnement et qui remplissent les «conditions pouvantêtre requises en droit interne» aux personnes intéressées habilitées àdemander l’intervention de l’autorité compétentexxxiv.

B. Un principe d’imputation financière ou la gestion indirectede la responsabilité de l’exploitant par l’autorité compétente

Si la directive «responsabilise» l’exploitant en lui réservant un rôleactif dans la prévention et la réparation des dommages environne-mentaux, on ne peut exclure que se présentent des situations où, pourdes raisons diverses et variées, l’exploitant ne prenne pas les mesuresrequises par la directive et que, à défaut, l’initiative en incombe à l’au-torité compétente.

Il est ainsi envisageable que l’autorité compétente, face à une menaceimminente dont il était difficile d’identifier dans l’immédiat l’exploi-tant potentiellement responsable, ait décidé de prendre elle-même lesmesures préventives nécessaires. Dans cette dernière hypothèse, si l’ex-ploitant qui a causé cette menace imminente de dommage est connuou vient à l’être par la suite, l’autorité compétente devra en principe(c’est-à-dire sous réserve de l’intervention d’une cause exonératoire) sefaire rembourser les frais exposés par ledit exploitant.

La directive, dont son article 1er signale qu’elle est fondée sur le prin-cipe du «pollueur payeur», pose en règle générale (quoique non abso-lue eu égard aux causes d’exonération dont il a déjà été question) quel’exploitant supporte les coûts des actions de prévention et de répara-tion entreprises en application de celle-cixxxv. Corollaire obligé, l’auto-rité compétente recouvre, notamment par le biais d’une caution oud’autres garanties appropriées, auprès de l’exploitant qui a causé ledommage ou la menace imminente de dommage, les coûts qu’elle asupportés. Toutefois, l’autorité compétente peut décider de ne pasrecouvrer l’intégralité des coûts supportés lorsque les dépenses néces-saires à cet effet seraient supérieures à la somme à recouvrer, ou lorsquel’exploitant ne peut pas être identifiéxxxvi.

Si l’article 8, paragraphe 2, mentionne l’utilisation, par l’autorité com-pétente, de «caution[s] ou d’autres garanties appropriées», l’article 14est généralement interprété, à la lumière des travaux préparatoires,comme un refus délibéré d’obliger l’ensemble des exploitants relevantdu champ d’application de la directive à souscrire l’un ou l’autre typede garantie financière. La lecture combinée de ces deux dispositionspourrait donner lieu à des débats interprétatifs des plus intéressants.

Il est sans discussion, en revanche, que la Commission soit tenue defaire rapport, en 2010, sur l’efficacité de la directive en termes de répa-ration effective des dommages environnementaux, les conditions et ladisponibilité à un coût raisonnable des assurances et autres formes degarantie financière pour ce qui concerne les activités visées à l’annexeIIIxxxvii.

Ce rapport n’est lui-même que le prélude à un exercice plus vastepuisque la Commission doit également faire rapport, pour le 30 avril2014, sur l’expérience acquise dans l’application de la directive et ce,sur la base d’informations à fournir par les Etats membresxxxiii, l’article18 énumérant, par ailleurs, un certain nombre de points devant néces-sairement être discutés dans le rapport. Au terme de ce processus, ilappartiendra à la Commission, instruite par ce retour d’expérience, dedécider s’il y a lieu de proposer au législateur communautaire demodifier l’une ou l’autre disposition de la directive.

La Commission n’a jamais fait mystère que la responsabilité environ-nementale ferait l’objet d’un «processus itératif», dès lors que des

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«Le droit communautaire de l’environnement»

X L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

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questions, telles celles relatives à l’évaluation des dommages causés àl’environnement, sont largement inédites en Europe. Il faut donc espé-rer que l’expérience acquise dans la mise en œuvre de ce nouvel ins-trument dans ses premières années d’application permettra de déter-miner si la responsabilité environnementale constitue un outil effica-ce de protection des ressources naturelles de la Communauté.

i Direction générale de l’environnement, Commission européenne. Les vuesexprimées ici sont purement personnelles à l’auteur et n’engagent en rien laCommission européenne.

ii JO L 143 du 30.4.2004, p. 56.iii Les principales étapes de la procédure législative peuvent se résumer comme

suit: le Parlement européen a adopté son avis en première lecture le 14 mai2003 (JO C 67 E du 17.3.2004, p. 185), à la suite duquel le Conseil a arrêtéune position commune le 18 septembre 2003 (JO C 227 E du 18.11.2003,p. 10 - la position commune fut préparée par un accord politique en date du13 juin 2003). La Commission fit connaître son avis sur la position commu-ne par communication du 19 septembre 2003 [SEC(2003) 1027 final]. Laposition du Parlement en deuxième lecture fut arrêtée le 17 décembre 2003(non encore parue au Journal official). Ni le Conseil ni la Commission n’étanten mesure d’accepter intégralement les amendements adoptés en deuxièmelecture (sur la position de la Commission, voir l’avis COM(2004) 55 final du26 janvier 2004), recours fut fait à la procédure de conciliation. Un projetcommun fut approuvé par le comité de conciliation le 10 mars 2004. Ce pro-jet a été entériné par le Conseil le 30 mars 2004 et par le Parlement, en troi-sième lecture, le 31 mars 2004. Si le Comité économique et social a rendu unavis (JO C 241 du 7.10.2002, p. 162), le Comité des régions a, quant à lui,décidé de s’abstenir. Sur les différentes étapes du processus décisionnel, voir:http://europa.eu.int/prelex/detail_dossier_real.cfm?CL=en&Dos Id=171860.

iv Directive 84/631/CEE du Conseil du 6 décembre 1984 relative à la sur-veillance et au contrôle dans la Communauté des transferts transfrontaliers dedéchets dangereux (JO L 326 du 13.12.1984, p. 31) dont l’article 11, para-graphe 3, dispose: «Le Conseil, statuant selon la procédure prévue à l’article 100 dutraité, détermine, au plus tard le 30 septembre 1988, les conditions de mise en oeuvrede la responsabilité civile du producteur en cas de dommages ou de celle de toute autrepersonne susceptible de répondre desdits dommages et fixe également un régime d’assu-rances.» Cette directive a été abrogée par l’article 43 du règlement (CEE) nº259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et lecontrôle des transferts de déchets à l’intérieur, à l’entrée et à la sortie de laCommunauté européenne (JO L 30 du 6.2.1993, p. 1). Ce règlement ne com-prend pas de disposition équivalant à l’article 11, paragraphe 3, de la directi-ve 84/631.

v COM(89) 282 final du 15 septembre 1989 (JO C 251 du 4.10.1989, p. 3).Le premier considérant de la proposition de directive renvoie expressément à l’article 11, paragraphe 3, de la directive 84/631.

vi La Commission l’a d’ailleurs finalement retirée (voir la communication au JO C 5 du 9.1.2004, p. 18).

vii Communication de la Commission au Conseil, au Parlement et au Comité économique et social [COM(93) 47 final du 14 mai 1993].

viii COM(2000) 66 final du 9 février 2000.ix Voir, tant sur ce point précis que, de façon générale, sur la question, le site

Internet de la Commission: http://europa.eu.int/comm/environment/liability/.x COM(2002) 17 final du 23 janvier 2002 (JO C 151 E du 25.6.2002, p. 132).xi Article 1er.xii Article 2, point 2.xiii Article 2, point 1.xiv Etant entendu que les dommages causés aux espèces et habitats naturels pro-

tégés n’englobent pas les incidences négatives précédemment identifiées quirésultent d’un acte de l’exploitant qui a été expressément autorisé par les autorités compétentes conformément aux dispositions mettant en oeuvrel’article 6, paragraphes 3 et 4, ou l’article 16 de la directive 92/43/CEE ou

l’article 9 de la directive 79/409/CEE ou, dans le cas des habitats ou desespèces qui ne sont pas couverts par le droit communautaire, conformémentaux dispositions équivalentes de la législation nationale relative à la conser-vation de la nature.

xv Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domai-ne de l’eau (JO L 327 du 22.12.2000, p. 1. Directive modifiée par la décisionn° 2455/2001/CE, JO L 331 du 15.12.2001, p. 1).

xvi Article 2, point 5.xvii Directive 79/409/CEE du Conseil du 2 avril 1979 concernant la conservation

des oiseaux sauvages (JO L 103 du 25.4.1979, p. 1. Directive modifiée endernier lieu par le règlement (CE) n° 807/2003 du Conseil, JO L 122 du16.5.2003, p. 364);

xviii Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservationdes habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206du 22.7.1992, p. 7. Directive modifiée en dernier lieu par le règlement (CE)no 1882/2003 du Parlement européen et du Conseil, JO L 284 du31.10.2003, p. 1).Article 2, point 3. Un Etat membre peut aussi décider d’étendre la directiveà tout habitat ou espèce que celui-ci désigne à des fins équivalentes à cellesexposées dans ces deux directives.

xix Article 2, point 9.xx Article 3, paragraphe 1, sous a).xxi Article 3, paragraphe 1, sous b).xxii Article 2, point 7.xxiii Article 3, paragraphe 3.xxiv Ces conventions sont plus précisément identifiées aux annexes IV et V de la

directive.xxv Article 17.xxvi Il s’agit, aux termes de l’article 6, paragraphe 1, sous a), de «toutes les mesures

pratiques afin de combattre, d’endiguer, d’éliminer ou de traiter immédiatement lescontaminants concernés et tout autre facteur de dommage, en vue de limiter ou de pré-venir de nouveaux dommages environnementaux et des incidences négatives sur la santéhumaine ou la détérioration des services».

xxvii Article 7.xxviii Aux termes de son article 2, point 13, la directive entend par «services» les

fonctions assurées par une ressource naturelle au bénéfice d’une autre ressour-ce naturelle ou du public.

xxix Voir, notamment, les points 1, sous d), et 1.1.3 de l’annexe II.xxx Voir, en particulier, l’annexe II, point 1.2.3.xxxi Articles 5, paragraphe 4, et 6, paragraphe 3. La directive prévoit, en outre,

que l’autorité compétente puisse exiger certaines actions de l’exploitantconcerné (voir, en particulier, les articles 5, paragraphe 3, 6, paragraphe 2, et11, paragraphe 2).

xxxii Les circonstances dans lesquelles une personne est à même de justifier d’unintérêt suffisant sont précisées à l’article 12, paragraphe 1.

xxxiii Article 13, paragraphe 1.xxxiv Article 12, paragraphe 1, alinéa 3.xxxv Article 8, paragraphe 1.xxxvi Article 8, paragraphe 2.xxxvii L’article 14, paragraphe 2, précisant, par ailleurs, que le rapport doit couvrir

les aspects suivants: «une approche progressive, un plafond pour la garantie finan-cière et l’exclusion des activités à faible risque. A la lumière de ce rapport et d’une éva-luation d’impact approfondie, notamment une analyse coût-avantages, la Commission,soumet, le cas échéant, des propositions relatives à un système de garantie financièreobligatoire harmonisée».

xxxviii Les informations à transmettre par les Etats membres à la Commission sontprécisées à l’annexe VI de la directive.

DOSSIER SPECIAL

«Le droit communautaire de l’environnement»

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 XI

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recherche réservé aux seules opérations derecherche effectuées en France.

Cette demande de décision préjudicielle aété présentée dans le cadre d’un litige oppo-sant la société Laboratoires Fournier SA (ci-après les «Laboratoires Fournier»), société dedroit français, à la direction des vérificationsnationales et internationales de la directiongénérale des impôts du ministère del’Economie, des Finances et de l’Industrie(ci-après la «Direction des vérifications») ausujet des redressements, notifiés par cettedernière et résultant de la remise en caused’un crédit d’impôt recherche dont avaientbénéficié les Laboratoires Fournier au titre del’impôt sur les sociétés.

Le code général des impôts français(Article 244 quater B, du code général desimpôts, dans sa version en vigueur à la datedes faits au principal, et article 49 septies Hde l’annexe III au code général des impôtsdans sa version en vigueur à la date des faitsau principal) prévoit la possibilité pour lesentreprises industrielles et commerciales ouagricoles de bénéficier d’un crédit d’impôt,pour les dépenses de recherche scientifique ettechnique effectuées en France.

Les Laboratoires Fournier, dont l’activitéest la fabrication et la vente de spécialitéspharmaceutiques, ont confié des missions derecherche à des centres implantés dans diversEtats membres. Les Laboratoires ont pris encompte les dépenses correspondantes pour lecalcul de leur crédit d’impôt au titre desannées 1995 et 1996. En 1998, suite à unevérification comptable, la Direction des véri-fications a écarté ces dépenses pour la déter-mination du crédit d’impôt et a notifié desredressements aux Laboratoires Fournier.

Les Laboratoires Fournier ont introduit unrecours devant le Tribunal administratif deDijon. Dans ce contexte, la juridiction natio-nale demande à la Cour si le droit commu-nautaire s’oppose à une réglementation d’unEtat membre qui réserve aux seules opéra-tions de recherche réalisées sur le territoirede cet Etat membre le bénéfice d’un créditd’impôt recherche.

Dans un premier temps, la Courindique que la fiscalité directe relève dela compétence des Etats membres, les-quels doivent l’exercer dans le respect dudroit communautaire. Or, le code généraldes impôts français soumet la prestationde services, que constitue l’activité derecherche, à un régime fiscal différent,selon qu’elle est exécutée dans l’Etatmembre concerné ou dans d’autres Etatsmembres. Une telle réglementation nedécoule pas du principe de territorialité del’impôt mais est fondée indirectement sur le

lieu d’établissement du prestataire de ser-vices et est de nature à entraver ses activitéstransfrontalières. Elle est, à ce titre,contraire au principe de la libre presta-tion des services.

Dans un deuxième temps, la Cour exa-mine si cette différence de traitementpeut être justifiée.

Se référant à sa jurisprudence antérieu-re, la Cour rappelle que la nécessité degarantir la cohérence du régime fiscalpeut justifier une restriction à l’exercicedes libertés fondamentales. Toutefois, dansles affaires ayant donné lieu à cette jurispru-dence, il existait pour le même contribuablesoumis à l’impôt, un lien direct entre la facul-té de déduire ses dépenses d’exploitation etson imposition ultérieure. Or, dans une situa-tion comme celle en l’espèce, la Cour jugequ’un tel lien direct fait défaut entre l’im-pôt général sur les sociétés et un crédit d’im-pôt correspondant à une partie des dépensesde recherche exposées par une entreprise.

La Cour indique ensuite qu’il ne peutêtre exclu que la promotion de larecherche et du développement constitueune raison impérieuse d’intérêt généralsusceptible de justifier une restriction àl’exercice des libertés fondamentales.Toutefois, elle note qu’une réglementation,comme celle en cause, est directementcontraire à l’objectif de la politique commu-nautaire dans ce domaine, lequel impliqued’exploiter pleinement les potentialités dumarché intérieur à la faveur, notamment, del’élimination des obstacles juridiques et fis-caux à cette coopération.

Enfin, la Cour précise que l’efficacité descontrôles fiscaux constitue une raisonimpérieuse d’intérêt général, qui autorise unEtat membre à appliquer des mesures per-mettant la vérification du montant des fraisdéductibles dans cet Etat au titre desdépenses de recherche. Mais une réglemen-tation nationale, comme celle en cause,qui empêche de manière absolue lecontribuable de rapporter la preuve desdépenses relatives aux activités derecherche réalisées dans d’autres Etatsmembres, ne peut être justifiée au titrede l’efficacité des contrôles fiscaux.

La Cour conclut que le principe de lalibre prestation des services s’oppose àune réglementation d’un Etat membrequi réserve aux seules opérations derecherche réalisées sur son territoire lebénéfice d’un crédit d’impôt recherche.

(Arrêt du 10 mars 2005, Laboratoires Four-nier SA / Direction des vérifications nationales etinternationales, aff. C-39/04, non encore publiéau recueil)

Code des douanescommunautaire, dénominationerronée des marchandisesArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par le Hof vanBerœp te Antwerpen (Belgique), la Cour dejustice des Communautés européennes s’estprononcée sur l’interprétation des articles 202à 204 du règlement 2913/92/CEE du Conseilde l’Union européenne, du 12 octobre 1992,établissant le code des douanes communautai-re (ci-après le «code des douanes»).

Cette demande a été présentée dans lecadre d’un litige opposant le Ministerie vanFinanciën à Messieurs Papismedov, Geldof,Ben-Or, R. Peer, M. Peer, Tavdidischvili,Janssens, Hoste, Decock et Joris, à MadameVanbelleghem, ainsi qu’aux sociétésTransocean System Transport BVBA etUnited Logistic Partners BVBA, au sujetd’une importation clandestine de marchan-dises par soustraction à la surveillancedouanière.

Les défendeurs au principal sont prévenus,comme auteurs, coauteurs, complices ouintéressés, de s’être rendus coupables de l’im-portation clandestine, par soustraction pen-dant le transit, de 709 boîtes de 10 000 ciga-rettes chacune, cachées derrière 29 cartonsd’ustensiles de cuisine.

Le 10 juin 2001, le navire MSC Rafaela estarrivé à Anvers (Belgique) chargé de contai-ners. Son chargement a été dédouané auprèsdes autorités douanières par la société MSCBelgium NV. De ce navire a été déchargé uncontainer qui, d’après la déclaration sommai-re fournie à ces autorités, renfermait 406 car-tons d’ustensiles de cuisine en provenance deChine, destinés à la société United LogisticPartners, établie à Merksem (Belgique).

Le 11 juin 2001, lors de l’examen ducontainer par les autorités douanières, cesdernières ont constaté que derrière deux ran-gées de cartons contenant des ustensiles decuisine se trouvaient des boîtes identiquesmais composées de cartons de cigarettes. Lecontainer a été, par la suite, refermé, scellé etmis en observation. Aucun des documentsdéposés auprès des autorités douanières nementionnait la présence d’un chargement de7 090 000 cigarettes.

Le même jour, un document de transitcommunautaire externe valant déclaration endouane a été validé pour la cargaison en ques-tion aux services des douanes d’Anvers. Dansce document, étaient mentionnés la sociétéTransocean System Transport BVBA en tantque partie déclarante du transit communau-taire externe et le magasin Eurolog, situé à

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 33

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

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Merksem, comme lieu de destination, lequellieu est reconnu être un entrepôt de type «B»pouvant accueillir des marchandises se trou-vant encore sous surveillance douanière.

Le 12 juin 2001, Monsieur Janssens s’estprésenté comme le chauffeur d’un camionpour prendre livraison du container. Une foischargé, ce camion ne s’est pas dirigé vers lemagasin Eurolog, mais s’est rendu à unmagasin situé à Schoten (Belgique) lequeln’est pas reconnu comme entrepôt douanier.Le même camion a été déchargé, en présencede plusieurs des autres prévenus au principal.Les éléments de l’enquête menée par lesfonctionnaires de l’inspection spéciale desdouanes et accises d’Anvers ont confirmé queledit container était rempli de 29 cartonsd’ustensiles de cuisine et de 709 boîtes de10 000 cigarettes chacune.

Les faits ont donné lieu à une procédurepénale. La chambre des vacations duRechtbank van eerste aanleg te Antwerpensiégeant en matière correctionnelle a, le 30juillet 2001, rendu un arrêt qui a fait l’objetd’un appel devant la juridiction de renvoi.

L’administration des douanes soutientque les marchandises ont été introduitesrégulièrement dans le territoire de laCommunauté, mais qu’elles ont été sous-traites à la surveillance douanière, dansla mesure où l’envoi, pour lequel undocument de transit communautaireexterne a été validé, n’a pas été présentéau lieu de destination mentionné sur ledocument douanier.

Selon Monsieur Papismedov, ilconvient de qualifier les faits reprochésen l’espèce d’importation clandestine decigarettes et non pas de soustraction à lasurveillance douanière.

Dans ces conditions, le Hof van Berœp teAntwerpen a décidé de surseoir à statuer etde poser à la Cour quatre questions préjudi-cielles. La première question vise à savoir siles marchandises, pour lesquelles une décla-ration sommaire mentionnant une dénomi-nation commerciale erronée (en l’espèce desustensiles de cuisine au lieu de cigarettes) aété introduite, ou des marchandises qui ontété déclarées sous une dénomination com-merciale erronée pour un régime douanier(tel que le régime de transit communautai-re externe), doivent, malgré la déclaration,intentionnelle ou non, de cette dénomina-tion commerciale erronée, être considéréescomme ayant été introduites régulièrementsur le territoire douanier de la Communautéet, par conséquent, comme se trouvant sousla surveillance douanière (dépôt temporaireou régime douanier).

La Cour conclut que des marchandisesprésentées en douane, pour lesquellesune déclaration sommaire a été déposéeet un document de transit communautai-re externe validé, n’ont pas fait l’objetd’une introduction régulière dans le ter-ritoire douanier de la Communautélorsque, dans la documentation remiseaux autorités douanières, les marchan-dises ont été désignées sous une dénomi-nation erronée.

La dette douanière afférente à des mar-chandises présentées en douane et décla-rées sous une dénomination erronée estfondée sur l’article 202 du règlement2913/92/CEE du Conseil, du 12 octobre1992, établissant le code des douanescommunautaire.

Il appartient à la juridiction de renvoide vérifier, au vu des circonstances del’affaire au principal, si la personne qui adéposé la déclaration sommaire ou ladéclaration en douane a, du fait d’avoirmentionné une dénomination erronée,été à l’origine de l’introduction irréguliè-re de la marchandise. Lorsque tel n’estpas le cas, il appartient à ladite juridic-tion d’examiner si, par cette action, lapersonne a participé à l’introduction desmarchandises alors qu’elle savait ouqu’elle aurait dû raisonnablement savoirqu’elle était irrégulière.

(Arrêt du 3 mars 2005, Ministerie vanFinanciën / Merabi Papismedov e.a., aff. C-195/03, non encore publié au recueil)

Sixième directive TVA, location de biens immeublesArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par le VestreLandsret (Danemark), la Cour de justice desCommunautés européennes s’est prononcéesur l’interprétation de l’article 13, B, sous b)de la sixième directive 77/388/CEE duConseil de l’Union européenne, du 17 mai1977, en matière d’harmonisation des légis-lations des Etats membres relatives aux taxessur le chiffre d’affaires - Système commun detaxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme(ci-après la «sixième directive»).

La demande de décision préjudicielle a étéprésentée dans le cadre de deux litiges oppo-sant respectivement la Fonden MarselisborgLystbådehavn [fondation du port de plaisan-ce de Marselisborg (Danemark), ci-après la«FML»] au Skatteministeriet (ministère desImpôts danois) et ce dernier à la FML ausujet de l’assujettissement à la taxe sur lavaleur ajoutée (ci-après la «TVA») d’opéra-tions de location, dans un port de plaisance,

d’emplacements sur l’eau ainsi que de placesd’hivernage à terre concernant des bateauxde plaisance.

La gestion du port de plaisance deMarselisborg est confiée à la FML, institu-tion autonome, qui a notamment pour acti-vité la location d’emplacements pourbateaux sur l’eau et de places à terre pourl’hivernage de ceux-ci.

Le litige au principal résulte du fait que, enréponse à une demande adressée en 1999 parla FML à l’autorité fiscale régionale de Århus(Danemark), cette dernière a considéré queles revenus tirés de l’activité de locationd’emplacements pour bateaux étaient soumisà la TVA. La FML a contesté cette décisiondevant le Landsskatteret (Danemark).

Dans son ordonnance du 6 décembre 2000,cette juridiction a jugé que la location d’em-placements pour bateaux sur l’eau ne pouvaitpas bénéficier de l’exonération de la TVA pré-vue à l’article 13, paragraphe 1, point 8, de lamomsloven, au motif que cette activité nepouvait pas être considérée comme une loca-tion de biens immeubles. Le Landsskatteret aestimé que le propriétaire du bateau ne louepas une superficie délimitée et identifiable,ou une partie d’un immeuble, mais acquiertuniquement un droit d’usage consistant àdisposer d’un emplacement sur l’eau pour sonbateau dans le port.

En revanche, en ce qui concerne l’entrepo-sage du bateau pour l’hiver, le Landsskattereta jugé que cette activité n’est pas assujettie àla TVA, car elle peut être qualifiée de «loca-tion de biens immeubles» au sens de l’article 13,paragraphe 1, point 8, de la momsloven. Il aen effet considéré que le propriétaire d’unbateau loue, pour un prix déterminé en pro-portion de la surface occupée, une aire déli-mitée et identifiable où il peut librementvenir pendant la saison d’hiver. Selon cettejuridiction, une telle location n’est pas cou-verte par la disposition dérogatoire concer-nant les «locations d’emplacement pour le station-nement des véhicules», car les bateaux ne ren-trent pas dans la notion de «véhicules» au sensde l’article 13, B, sous b), point 2, de la sixiè-me directive.

Tant la FML que le Skatteministeriet ontintroduit un recours contre ladite ordonnan-ce du Landsskatteret devant le VestreLandsret. Ce dernier a décidé de surseoir àstatuer et de demander à la Cour si l’article13, B, sous b), de la sixième directive TVA[...] doit être interprété en ce sens que lanotion de «location de biens immeubles» com-porte la location d’un emplacement pourbateaux, qui consiste en une partie à terre del’aire portuaire, ainsi qu’un emplacementdélimité et identifiable sur l’eau et si l’article

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

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13, B, sous b), point 2, de la sixième directi-ve doit être interprété en ce sens que lanotion de «véhicules» couvre les bateaux.

Concernant la première question, la Courretient une interprétation stricte de la notionde «location de biens immeubles» étant donnéqu’il s’agit d’une dérogation au principegénéral selon lequel la TVA est perçue surchaque prestation de services effectuée à titreonéreux par un assujetti. La Cour conclutque l’article 13, B, sous b), de la sixièmedirective 77/388/CEE du Conseil, du 17mai 1977, en matière d’harmonisationdes législations des Etats membres rela-tives aux taxes sur le chiffre d’affaires -Système commun de taxe sur la valeurajoutée: assiette uniforme, telle quemodifiée par la directive 92/111/CEE duConseil, du 14 décembre 1992, doit êtreinterprété en ce sens que la notion delocation de biens immeubles englobe lalocation d’emplacements prévus pourl’amarrage de bateaux sur l’eau, ainsi qued’emplacements pour l’entreposage deces bateaux à terre dans l’aire portuaire.

Concernant la deuxième question, la Courdonne une interprétation cohérente avec lesautres versions linguistiques qui ne limitentpas le terme «véhicule» à un moyen de trans-port terrestre. Ainsi, la Cour conclut quel’article 13, B, sous b), point 2, de la sixiè-me directive 77/388/CEE, telle que modi-fiée par la directive 92/111/CEE, doit êtreinterprété en ce sens que la notion de«véhicules» englobe les bateaux.

(Arrêt du 3 mars 2005, Fonden MarelisborgLystbådehavn / Skatteministeriet et Skatteminis-teriet / Fonden Marelisborg Lystbadehavn, aff.C-428/02, non encore publié au recueil)

Sixième directive TVA,assujettissement après cessation d’activité Arrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par le Højesteret(Danemark), la Cour de justice desCommunautés européennes s’est prononcéesur l’interprétation de l’article 4, paragraphes1 à 3, de la sixième directive 77/388/CEE duConseil de l’Union européenne, du 17 mai1977, en matière d’harmonisation des législa-tions des Etats membres relatives aux taxes surle chiffre d’affaires - Système commun de taxesur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L145, p. 1), telle que modifiée par la directive95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995 (JO L102, p. 18, ci-après la «sixième directive»).

Cette demande a été présentée dans lecadre d’un litige opposant la société en com-mandite simple I/S Fini H (ci-après «Fini

H») au Skatteministeriet (ministère desImpôts et Accises). Ce dernier réclame à ladi-te société le reversement du montant de lataxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»)négative qui lui avait été versée pendant lapériode allant du 1er octobre 1993 au 31 mars 1998. Il refuse, en outre, le verse-ment au profit de Fini H de la TVA négati-ve pour la période allant du 1er avril 1998 au30 septembre 1998.

Fini H est une société en commandite quia été créée en 1989 et dont l’objet social étaitl’activité de restauration. Pour l’exercice decelle-ci, elle a loué des locaux à partir du 20mai 1988. Le contrat de location, conclupour une durée de dix ans, ne pouvait êtredénoncé ou résilié qu’avec effet au 30 sep-tembre 1998.

Fini H a cessé son activité de restaurationà la fin de l’année 1993 et les locaux sontensuite restés inutilisés. Elle a cherché àdénoncer le bail, le bailleur s’y est opposé ense prévalant de l’absence dans le contratd’une clause de résiliation ou de dénoncia-tion anticipée. Fini H n’a, par ailleurs, pastrouvé de repreneur pour son bail, qui n’apris fin qu’à son échéance contractuelle.

De la fin de l’année 1993 jusqu’au 30 sep-tembre 1998, Fini H est restée immatriculéeau registre de la TVA alors même qu’ellen’exerçait plus son activité de restauration.Elle a donc continué à faire valoir son droit àdéduction des taxes acquittées en amont parelle sur les dépenses liées à la location enquestion, à savoir les loyers ainsi que les fraisde chauffage, d’électricité et de téléphone.Dès lors que le restaurant ne fonctionnaitplus et qu’il n’y avait aucune taxe en aval àdéclarer, cela s’est traduit par des versementsnets en faveur de Fini H.

En septembre 1998, le told-og skatteregio-nen (administration régionale des Impôts, ci-après l’«administration») a demandé le rem-boursement des montants qu’elle avait versésà Fini H en tant que TVA négative entre lemois d’octobre 1993 et celui de mars 1998.Elle a aussi décidé que les montants de TVAnon encore versés au titre de la période allantdu 1er avril 1998 au 30 septembre 1998 neseraient pas remboursés. L’administration afait valoir à cet égard que Fini H n’exerçaitplus aucune activité soumise à la TVA depuisle troisième trimestre de l’année 1993.

Cette position a été confirmée par leLandsskatteretten (autorité administrativesuprême en matière fiscale). Celui-ci a consi-déré que Fini H n’avait pas exercé, postérieu-rement à la cessation de son activité de res-tauration, une activité économique au sens del’article 3 de la loi en matière de TVA. Lecontrat de location en cause ne pourrait pas,

par lui-même, entraîner l’assujettissement àla TVA en vertu de ce même article 3. LeLandsskatteretten ajoutait que la circonstanceque les locaux ont été utilisés, au cours d’unecertaine période, à des fins économiques sousla forme d’une activité de restauration nesemblait pas devoir justifier l’assujettisse-ment de Fini H à la TVA, au titre duditarticle 3, après que cette activité ait pris fin.

Fini H a alors introduit un recours à l’en-contre de la décision du Landsskatterettendevant le Vestre Landsret (Danemark) qui l’arejeté par un arrêt du 29 août 2001. Cettejuridiction a considéré que le droit à déduc-tion de la taxe en amont présuppose que lesdépenses taxables se rapportent à une activi-té économique indépendante au sens de l’ar-ticle 3 de la loi en matière de TVA. Elle ajugé en effet que les dépenses de loyer et decharges postérieures à la cessation de l’activi-té de restauration de Fini H qui ne seraientpas justifiées dans le cadre d’opérations demise en liquidation ordinaires ne peuventpas être considérées comme des dépensesd’exploitation liées à une activité indépen-dante au sens dudit article 3.

Fini H a interjeté appel de cet arrêt duVestre Landsret devant le Højesteret.

C’est dans ces conditions que le Højestereta décidé de surseoir à statuer et de demander,en substance, si l’article 4, paragraphes 1 à 3,de la sixième directive doit être interprété ence sens qu’une personne, qui a cessé son acti-vité commerciale mais qui continue de payerle loyer et les charges afférents au local ayantservi pour cette activité, en raison du fait quele contrat de location contient une clause denon-résiliation, est considérée comme unassujetti et peut, en conséquence, déduire laTVA sur les montants ainsi acquittés.

La Cour commence par rappeler que,selon les termes de l’article 4, paragraphe1, de la sixième directive, la notion d’as-sujetti est définie en relation avec celled’activité économique. En effet, c’estl’existence d’une telle activité qui justifie laqualification d’assujetti qui se voit recon-naître, par la sixième directive, le droit àdéduction.

S'agissant de la transmission d’une univer-salité de biens, la Cour a reconnu que, lorsquel’assujetti ne réalise plus d’opérations aprèsl’utilisation de services fournis afin de réalisercelle-ci, les coûts de ces services devaient êtreconsidérés comme inhérents à l’ensemble del’activité économique de son entreprise avantla transmission et que le droit à déductiondevait lui être reconnu. Toute autre interpré-tation reviendrait à procéder à une distinctionarbitraire entre, d’une part, les dépenses effec-tuées pour les besoins d’une entreprise avant

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POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

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l’exploitation effective de celle-ci et cellesréalisées au cours de ladite exploitation et,d’autre part, les dépenses effectuées pourmettre fin à cette exploitation.

Les mêmes considérations imposent quedes opérations, telles que les paiements queFini H a dû continuer à effectuer pendant lapériode de liquidation de son activité de res-tauration, doivent être considérées commefaisant partie de l’activité économique ausens de l’article 4 de la sixième directive.

Une telle interprétation est justifiée par lerégime des déductions dont la Cour a itérati-vement jugé qu’il vise à soulager entière-ment l’entrepreneur du poids de la TVA dueou acquittée dans le cadre de toutes ses acti-vités économiques. Le système commun deTVA garantit, par conséquent, la parfaiteneutralité quant à la charge fiscale de toutesles activités économiques, quels que soientles buts ou les résultats de ces activités, àcondition que celles-ci soient, en principe,elles-mêmes soumises à la TVA.

Toutefois, un lien direct et immédiatentre une opération particulière en amontet une ou plusieurs opérations en avalouvrant droit à déduction est nécessairepour qu’un droit à déduction de la TVAen amont soit reconnu à l’assujetti et pourdéterminer l’étendue d’un tel droit.

La Cour constate que l’obligation pourFini H de continuer à payer les loyers com-merciaux et les charges afférents à unimmeuble qu’elle avait pris à bail pour exer-cer une activité de restauration jusqu’auterme normal du contrat de location, en rai-son du fait que celui-ci comporte une clausede non-résiliation, pourrait en principe êtreconsidérée comme directement et immédia-tement liée à l’activité de restauration.

En effet, dans la mesure où le contrat delocation a été conclu par Fini H en vue depouvoir disposer d’un local nécessaire àl’exercice de son activité de restauration etcompte tenu du fait que le local a été effecti-vement affecté à cette activité, il convientd’admettre que l’obligation qu’avait la socié-té de continuer à payer le loyer et les autrescharges après que cette activité eut cessédécoule directement de l’exercice de celle-ci.

Dans ces conditions, la durée de l’obli-gation de payer le loyer et les chargesafférents audit local est sans incidencesur l’existence d’une activité écono-mique, au sens de l’article 4, paragraphe1, de la sixième directive, pour autantque ce laps de temps soit strictementnécessaire à l’achèvement des opérationsde liquidation.

Le droit à déduction de la TVA, en raisonde la mise en liquidation de l’exploitation,doit ainsi être reconnu pour autant que samise en œuvre ne donne pas lieu à des situa-tions frauduleuses ou abusives.

À cet égard, la Cour a déjà jugé que les jus-ticiables ne sauraient frauduleusement ouabusivement se prévaloir des normes com-munautaires. Tel serait le cas, par exemple, siFini H, tout en se prévalant du droit àdéduction de la TVA pour le paiement desloyers et des charges afférents à la périodepostérieure à la cessation de l’activité de res-tauration, continuait à utiliser le local précé-demment affecté à la restauration à des finspurement privées.

Si l’administration fiscale venait àconstater que le droit à déduction a étéexercé de manière frauduleuse ou abusi-ve, elle serait habilitée à demander, aveceffet rétroactif, le remboursement dessommes déduites.

Il appartient, en tout état de cause, au jugenational de refuser le bénéfice du droit àdéduction s’il est établi, au vu d’élémentsobjectifs, que ce droit est invoqué frauduleu-sement ou abusivement.

(Arrêt du 3 mars 2005, I/S Fini H / Skatte-ministeriet, aff. C-32/03, non encore publié aurecueil)

Tarif douanier commun, erreur de l’administrationdouanière, bonne foiArrêt de la Cour

Saisie par Peter Biegi NahrungsmittelGmbH et Commonfood Handelsgesellschaftfür Agrar-Produkte mbH (ci-après, respecti-vement, «Biegi» et «Commonfood» et,ensemble, les «requérantes») d’un pourvoi enannulation de l’arrêt du Tribunal de premiè-re instance des Communautés européennesdu 17 septembre 2003, Biegi Nahrungs-mittel et Commonfood / Commission (aff. T-309/01 et T-239/02, non encore publiées aurecueil, ci-après l’«arrêt attaqué»), la Cour dejustice des Communautés européennes s’estprononcée sur la validité de l’arrêt attaqué.

L’arrêt attaqué avait rejeté, d’une part, lerecours de Biegi tendant à l’annulation partiel-le de la décision C (2001) 2533 de laCommission européenne, du 14 août 2001(REC 4/00), constatant qu’il est justifié deprocéder à la prise en compte a posteriori desdroits à l’importation non exigés pour lesimportations de viande de volaille en prove-nance de Thaïlande durant les périodes du 13au 18 juillet 1995 et du 4 au 22 septembre

1995, et, d’autre part, le recours deCommonfood tendant à l’annulation de ladécision C (2002) 857 de la Commission, du 5mars 2002 (REC 4/01), constatant qu’il estjustifié de procéder à la prise en compte a pos-teriori des droits à l’importation non exigéspour l’importation de viande de volaille enprovenance de Thaïlande effectuée le 24 juillet1995 (ci-après les «décisions litigieuses»).

Biegi et Commonfood sont des sociétés dedroit allemand, liées entre elles, figurantparmi les principaux importateurs de viandede poulet en Allemagne. Par décret du 29juin 1995 (dit «Eilverteiler»), le ministèrefédéral des Finances allemand a modifié letarif d’usage des douanes allemandes en yinsérant, notamment, un nouveau contin-gent tarifaire pour viande de poulet à droitnul, à compter du 1er juillet 1995, mais ledécret ne contenait aucune indication quantà l’exigence d’un certificat d’importationpour l’importation de produits relevant ducontingent tarifaire précité.

Cependant, à la suite de la modification dutarif d’usage des douanes allemandes, intro-duite par l’Eilverteiler, le bureau de douanecompétent a utilisé le contingent tarifairecommunautaire et accordé aux requérantes lebénéfice de l’exonération des droits de doua-ne. Puis, le ministère fédéral des Finances amodifié, avec effet rétroactif, le tarif d’usagedes douanes allemandes. Cette modificationa eu pour conséquence de rendre nécessaire, àcompter du 1er juillet 1995, la présentationd’un certificat d’importation lors de l’utilisa-tion du contingent tarifaire en question.

Par deux décisions fiscales modificatives,adoptées les 12 et 13 août 1996, le bureau dedouane compétent, à savoir le HauptzollamtBremen-Freihafen, a alors entrepris de procé-der au recouvrement a posteriori des droits àl’importation, à savoir, pour les importationsde Commonfood, d’un montant total de222 116,06 marks allemands (DEM) (déci-sion du 12 août 1996) et, pour les importa-tions de Biegi, d’un montant total de259 270,23 DEM, dont 218 605,64 DEMpour les importations de juillet 1995 et40 664,59 DEM pour les importations deseptembre 1995 (décision du 13 août 1996)pour le fait que les requérantes n’avaient pasprésenté pour cette période un certificatd’importation.

Invoquant leur bonne foi, l’erreur des auto-rités allemandes et le fait que celle-ci étaitindécelable, les requérantes ont demandé lanon-prise en compte a posteriori des droits àl’importation. Mais leurs demandes ayant étérejetées le 30 juillet 1997 par le bureau dedouane compétent, les requérantes ont saisile Finanzgericht Bremen (Allemagne).

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

36 L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

Page 49: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

Le Finanzgericht Bremen a estimé que,pour ce qui était des déclarations en douanede Biegi datant du mois de septembre 1995,le recours de celle-ci avait peu de chances desuccès, cette société ayant dûment été infor-mée de la situation juridique exacte appli-cable par le courrier du 22 août 1995 del’administration des douanes allemandes et adonc recommandé à Biegi de considérerl’éventualité de retirer son recours quant àces déclarations. En revanche, pour ce quiétait des déclarations en douane datant dejuillet 1995, la même juridiction a estimé, àtitre provisoire, qu’il était possible d’accor-der aux requérantes une protection de leurconfiance légitime, au sens de l’article 220,paragraphe 2, du code des douanes commu-nautaire (ci-après le «CDC»), et a proposéau bureau des douanes compétent de vérifiers’il était possible de retirer les décisions fis-cales modificatives des 12 et 13 août 1996,susvisées, pour ce qui était des déclarationsen question.

Conformément à l’article 871 du règle-ment 2454/93/CEE [...], la République fédérale d’Allemagne a, par lettres des 2 août 2000 et 17 avril 2001, demandé à laCommission de décider, en vertu de l’article220, paragraphe 2, sous b), du CDC, s’il étaitjustifié de ne pas procéder à la prise en comp-te a posteriori des droits à l’importation dansles litiges qui opposaient l’administration àBiegi et à Commonfood.

Considérant que les circonstances desaffaires ne faisaient pas apparaître d’erreurdes autorités douanières elles-mêmes, nondécelable par un opérateur de bonne foi, ausens de l’article 220, paragraphe 2, sous b),du CDC, la Commission a, par décisionsadoptées les 14 août 2001 (aff. T-309/01) et5 mars 2002 (aff. T-239/02), décidé que les droits à l’importation faisant l’objet desdemandes de la République fédéraled’Allemagne, précitées, devaient être pris en compte.

Par requêtes déposées au greffe duTribunal les 12 décembre 2001 et 8 août2002, les requérantes ont introduit desrecours tendant à l’annulation des décisionslitigieuses.

À l’appui de leurs recours, les requérantesont invoqué trois moyens tirés d’une viola-tion, premièrement, de l’article 220, para-graphe 2, sous b), du CDC, deuxièmement,du principe de proportionnalité et, troisiè-mement, des principes de bonne administra-tion et d’égalité de traitement.

Par l’arrêt attaqué, les affaires T-309/01 etT-239/02 ayant été jointes, le Tribunal arejeté dans leur intégralité les recours dont ilétait saisi, après avoir écarté comme non

fondé l’ensemble des moyens soulevés par lesrequérantes.

Les requérantes font grief au Tribunald’avoir, pour rejeter leurs recours en se fon-dant sur le caractère décelable, par elles, del’erreur commise par les autorités douanières,exagéré les exigences de diligence pesant surles opérateurs économiques et d’avoirméconnu la complexité de la réglementationapplicable.

Dans un premier temps, la Cour rap-pelle qu’elle est compétente pour exer-cer, en vertu de l’article 225 CE, uncontrôle sur la qualification juridiquedes faits et les conséquences de droit quien ont été tirées par le Tribunal. Une telleopération de qualification constitue en effetune question de droit qui, comme telle, peutêtre soumise au contrôle de la Cour dans lecadre d’un pourvoi.

Les requérantes soumettent en effet aucontrôle de la Cour une question de droitquant elles soutiennent que le Tribunal auraitviolé le droit communautaire en jugeant queles erreurs commises par les autorités doua-nières allemandes étaient décelables par lesrequérantes. Celles-ci reprochent plus parti-culièrement au Tribunal d’avoir, ce faisant,exagéré, dans la mise en œuvre de l’article220, paragraphe 2, sous b), du CDC, telqu’interprété par la Cour, les exigences dediligence pesant sur les opérateurs écono-miques concernés et d’avoir apprécié demanière erronée le caractère complexe de laréglementation douanière en cause.

La Cour conclut de l’ensemble desconsidérations que c’est à tort que leTribunal a estimé que les erreurs com-mises par les autorités douanièresn’étaient pas d’une nature telle qu’ellesne pouvaient être raisonnablement déce-lées par les requérantes. Celles-ci sont, dèslors, fondées à soutenir que le Tribunal acommis une erreur de droit en procédant àune telle qualification et en jugeant, par lasuite, que la deuxième des conditions cumu-latives prévues à l’article 220, paragraphe 2,sous b), du CDC n’était pas remplie en l’es-pèce. En conséquence, l’arrêt attaqué doitêtre annulé pour ce motif, sans qu’il soitnécessaire d’examiner l’autre moyen soulevépar les requérantes.

Conformément à l’article 61 de son statut,qui lui permet de statuer sur le fond lorsquel’affaire est en état d’être jugée, la Cour seprononce ensuite sur les conclusions desrequérantes tendant à l’annulation des déci-sions litigieuses.

La Cour constate que c’est à tort que,pour justifier, par les décisions liti-gieuses, qu’il soit procédé à la prise en

compte a posteriori des droits à l’impor-tation dans les litiges opposant les requé-rantes à l’administration douanière alle-mande, la Commission a estimé que lescirconstances des affaires en cause ne fai-saient pas apparaître d’erreur des autori-tés douanières, non décelable par un opé-rateur de bonne foi au sens de l’article220, paragraphe 2, sous b), du CDC.

Il s’ensuit que le moyen des requérantestiré d’une violation dudit article doit êtreaccueilli. Dès lors, les décisions litigieusesdoivent être annulées, sans qu’il soit néces-saire d’examiner les autres moyens.

(Arrêt du 3 mars 2005, Peter Biegi Nahrung-smittel GmbH e.a. / Commission européenne, aff.C-499/03, non encore publié au recueil)

Taxe communale sur la fourniturede boissons alcooliquesArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par le HessischerVerwaltungsgerichtshof (Allemagne), laCour de justice des Communautés euro-péennes s’est prononcée sur l’interprétationde l’article 3, paragraphes 2 et 3, de ladirective 92/12/CEE du Conseil de l’Unioneuropéenne, du 25 février 1992, relative aurégime général, à la détention, à la circula-tion et aux contrôles des produits soumis à accise.

Cette demande a été présentée dans lecadre d’un litige opposant MonsieurHermann, désormais curateur à la faillite deVolkswirt Weinschänken GmbH, à la StadtFrankfurt am Main (ville de Francfort-sur-le-Main), au sujet de la légalité d’une taxe surles boissons alcooliques instituée par la villede Francfort.

L’entreprise Volkswirt WeinschänkenGmbH exploitait, à l’époque des faits dulitige au principal, un restaurant sur le terri-toire de la ville de Francfort-sur-le-Main.Pour le troisième trimestre de 1995, elleétait redevable d’une somme de 9 135,35DEM (environ 4 670 euros) au titre de lataxe sur les boissons prévue par le règlementdu 24 mai 1996 (Amtsblatt der StadtFrankfurt am Main, Nr.25, du 18 juin 1996,Getränkesteuersatzung, ci-après la«GetrStS»).

Estimant que cette taxe violait, entreautres, les dispositions de la directive92/12/CEE, ladite société a contesté devantle Verwaltungsgericht Frankfurt am Mainl’avis de taxation du 7 novembre 1995.

Dans son jugement du 14 mai 2002, cettejuridiction a annulé ledit avis.

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 37

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

Page 50: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

La Stadt Frankfurt am Main a interjetéappel contre ce jugement devant leHessischer Verwaltungsgerichtshof. Lors decette instance, elle a précisé que la GetrStSprévoit que sont soumises à imposition nonpas la livraison de biens, mais des opérationsde prestation de services. Or, conformémentà l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, dela directive 92/12/CEE, les Etats membresresteraient libres d’appliquer des taxes tellesque la taxe sur les boissons.

Dans ces conditions, le HessischerVerwaltungsgerichtshof a décidé de surseoirà statuer et de poser à la Cour deux questionspréjudicielles.

Par sa première question, la juridiction derenvoi cherche à savoir si une taxe telle quecelle instituée par la GetrStS constitue uneautre imposition indirecte sur des produitssoumis à accise au sens de l’article 3, para-graphe 2, de la directive 92/12/CEE ou unetaxe frappant des prestations de services enrelation avec des produits soumis à accise ausens de l’article 3, paragraphe 3, second ali-néa, de cette directive.

A titre liminaire, la Cour rappelle que l’ar-ticle 3, paragraphe 2, de la directive92/12/CEE fixe des conditions strictes pourles impositions indirectes instituées par lesEtats membres s’agissant des produits sou-mis à accise, tels que les boissons alcooliques.Cette disposition énonce que les impositionsindirectes, autres que les accises, doiventpoursuivre des «finalités spécifiques», à savoirdes finalités autres que purement budgé-taires, et qu’elles doivent, en outre, respecterles règles de taxation applicables pour lesbesoins des accises ou de la taxe sur la valeurajoutée pour la détermination de la based’imposition, le calcul, l’exigibilité et lecontrôle de l’impôt.

Conformément à l’article 3, paragraphe 3,de la directive 92/12/CEE, les Etatsmembres conservent la faculté d’introduireou de maintenir des impositions frappant desproduits non soumis à accise (premier alinéa)ou des impositions «n’ayant pas le caractère detaxes sur le chiffre d’affaires» qui frappent des«prestations de services [...], y compris celles enrelation avec des produits soumis à accise»(second alinéa).

S'agissant du point de savoir si la taxe ins-tituée par la GetrStS porte sur des produitssoumis à accise au sens de l’article 3, para-graphe 2, de la directive 92/12/CEE ou surdes prestations de services en relation avec detels produits au sens dudit article 3, para-graphe 3, second alinéa, la Stadt Frankfurtam Main estime que les services fournisconstituent l’élément prépondérant de latransaction imposée par la GetrStS. Pour le

restaurateur, en effet, le coût de la boissonelle-même n’aurait qu’une importancemineure comparé au coût des prestations deservices nécessaires pour la servir. La taxetomberait ainsi dans le champ d’applicationdu second alinéa de l’article 3, paragraphe 3,de la directive 92/12/CEE.

La Cour expose que afin de déterminer si lataxe instituée par la GetrStS frappe des pro-duits soumis à accise au sens de l’article 3,paragraphe 2, de la directive 92/12/CEE ouplutôt les services fournis en relation avec detels produits au sens dudit article 3, para-graphe 3, second alinéa, il y a lieu de prendreen compte l’élément prépondérant de latransaction qu’elle taxe.

La livraison de boissons alcooliques auxclients dans le cadre d’une activité de res-tauration, telle que exercé par VolkswirtWeinschänken GmbH dans l’exploitationde son restaurant, s’accompagne d’une sériede services distincts des opérations qui sontnécessairement liées à la commercialisationde tels produits. Une livraison de boissonsalcooliques dans le cadre d’une activité derestauration est caractérisée par un faisceaud’éléments et d’actes dont la livraison dubien lui-même n’est qu’une composante etau sein desquels les services prédominent.

Par conséquent, une taxe qui, dans un cascomme celui de l’espèce au principal, est per-çue sur la livraison de boissons alcooliquesdans le cadre d’une activité de restaurationdoit être considérée comme une taxe frap-pant des prestations de services «en relationavec des produits soumis à accise» au sens de l’ar-ticle 3, paragraphe 3, second alinéa, de ladirective 92/12/CEE.

Enfin, la Cour constate qu’une telle taxe neprésente pas «le caractère [d’une] taxe[..] sur lechiffre d’affaires» au sens de ladite dispositiondès lors qu’elle ne s’applique qu’à une caté-gorie définie de produits, à savoir les bois-sons alcooliques.

La Cour en conclut donc qu’une taxequi impose, dans le cadre d’une activité derestauration, la fourniture, à titre onéreux,de boissons alcooliques en vue de leurconsommation immédiate sur place doitêtre considérée comme une taxe sur desprestations de services en relation avecdes produits soumis à accise n’ayant pas lecaractère d’une taxe sur le chiffre d’af-faires au sens de l’article 3, paragraphe 3,second alinéa, de la directive 92/12/CEE.

Par sa seconde question, la juridiction derenvoi cherche, en substance, à savoir si unetaxe frappant des prestations de services ausens de l’article 3, paragraphe 3, second ali-néa, de la directive 92/12/CEE est soumise àla condition qu’elle poursuive une finalité

spécifique au sens du paragraphe 2 du mêmearticle.

A cet égard, la Cour rappelle que, confor-mément à l’article 3, paragraphe 3, premieralinéa, de la directive 92/12/CEE, les Etatsmembres conservent la faculté d’introduireou de maintenir des impositions indirectesfrappant des produits non soumis à accise«à condition toutefois que ces impositions ne don-nent pas lieu dans les échanges entre Etatsmembres à des formalités liées au passage d’unefrontière». Le second alinéa de ce mêmeparagraphe dispose que «[s]ous le respect decette même condition», les Etats membres gar-deront également la faculté d’appliquer destaxes sur les «prestations de services n’ayant pasle caractère de taxes sur le chiffre d’affaires, ycompris celles en relation avec des produits soumisà accise».

La faculté figurant au second alinéa del’article 3, paragraphe 3, de la directive92/12/CEE n’est soumise qu’à la seulecondition énoncée au premier alinéa dumême paragraphe, à savoir que les «imposi-tions ne donnent pas lieu dans les échanges entreEtats membres à des formalités liées au passaged’une frontière». Ladite directive n’exigedonc pas que les taxes entrant dans lechamp d’application de son article 3, para-graphe 3, respectent la condition énoncéeau deuxième paragraphe du même article, àsavoir qu’elles poursuivent une finalité spé-cifique.

La Cour conclut alors que la «mêmecondition» à laquelle sont soumises lestaxes entrant dans le champ d’applica-tion de l’article 3, paragraphe 3, secondalinéa, de la directive 92/12/CEE se réfèreà la seule condition inscrite au premieralinéa dudit paragraphe, à savoir que les«impositions ne donnent pas lieu dans leséchanges entre Etats membres à des forma-lités liées au passage d’une frontière».

(Arrêt du 10 mars 2005, Ottmar Hermann /Stadt Frankfurt am Main, aff. C-491/03, nonencore publié au recueil)

Charte européenne des PMECommunication de la Commission

La Commission européenne a adopté,le 8 février 2005, une communicationintitulée «Rapport sur la mise en œuvrede la Charte européenne des petitesentreprises».

Marché intérieur

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

38 L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

Page 51: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

Ce document, basé sur les rapports nationauxdes pays participants, est le cinquième rap-port annuel sur la mise en œuvre de laCharte.

Il donne un aperçu des principaux déve-loppements intervenus entre l’automne 2003et l’automne 2004. Il identifie les forces etfaiblesses dans l’Union européenne ainsi quedans les pays tiers et met en lumière lesmesures nationales prometteuses. En outre,la Commission émet des recommandationsd’actions futures afin de contribuer à renfor-cer la politique d’aide aux petites entrepriseset à poursuivre les efforts pour atteindre l’ob-jectif de Lisbonne.

Plus précisément, le rapport examine lesprogrès réalisés dans trois domainesprioritaires sélectionnés parmi les dix figu-rant dans la Charte: l’éducation à l’espritd’entreprise; une meilleure législation, enparticulier, la loi en matière de faillite etl’analyse d’impacts; la pénurie de main-d’œuvre qualifiée.

Parmi les constats, la Commissioneuropéenne relève que la dimensionPME est mieux intégrée dans les activitésde l’Union européenne. Toutefois, desaméliorations demeurent nécessaires pourfaciliter la participation des PME aux pro-grammes de l’Union. En effet, laCommission constate que les procédures nesont souvent pas adaptées aux PME entermes de formalités administratives ou dutemps nécessaire à l’évaluation des projets.

Enfin, ce rapport est complété pard’autres documents qui donnent une vued’ensemble des récentes mesures prisespour la mise en œuvre de la Charte par lesEtats membres et la Norvège, les pays candi-dats, la Moldavie et les pays des Balkansoccidentaux ainsi que par la Commission.

(COM(2005) 30 final)

Magasins d’optiqueArrêt de la Cour

Saisie d’un recours en manquementintroduit, le 27 mars 2003, par laCommission européenne contre laRépublique hellénique, la Cour de justicedes Communautés européennes s’est pro-noncée sur la question de savoir si, en nepermettant pas à un opticien diplôméd’exploiter plus d’un magasin d’optique,et en subordonnant la possibilité pourune personne morale d’ouvrir un magasind’optique à diverses conditions, la Grèce

a manqué aux obligations qui lui incom-bent en matière de liberté d’établisse-ment, en vertu des articles 43 CE et 48 CE.

La Commission formulait deux griefs àl’égard de la législation hellénique. Elle luireprochait d’abord de ne pas permettre à unopticien personne physique diplômé d’ex-ploiter plus d’un magasin d’optique, et doncde restreindre les conditions d’établissementdes opticiens personnes physiques, violantainsi l’article 43 CE.

Ensuite, elle lui reprochait de restreindreles conditions d’établissement des personnesmorales dans le secteur de l’optique enGrèce, d’une manière incompatible avec l’ar-ticle 43 CE et d’imposer aux personnesmorales des restrictions qui n’existent paspour les personnes physiques, violant ainsil’article 48 CE.

La loi grecque subordonne en effet la possi-bilité pour une personne morale d’ouvrir unmagasin d’optique aux conditions que l’auto-risation d’exploiter le magasin soit délivréeau nom d’un opticien personne physiqueagrée, que la personne qui possède l’autorisa-tion d’exploiter le magasin participe à raisonde 50% au moins au capital de la société ainsiqu’à ses bénéfices et pertes, que la société aitla forme d’une société en nom collectif oud’une société en commandite, et que l’opti-cien en cause fasse partie de tout au plus uneautre société propriétaire d’un magasin d’op-tique à la condition que l’autorisation decréer et d’exploiter le magasin soit délivrée aunom d’un autre opticien agréé.

La République hellénique considérait, aucontraire, que sa législation ne créait aucunediscrimination directe ou indirecte entre lesprofessionnels nationaux et étrangers. Dès lors,il n’y aurait pas de violation de l’article 43 CE.

La Cour rappelle tout d’abord sa juris-prudence constante selon laquelle l’ar-ticle 43 CE s’oppose à toute mesure natio-nale qui, même applicable sans discrimi-nation tenant à la nationalité, est suscep-tible de gêner ou de rendre moinsattrayant l’exercice, par les ressortissantscommunautaires, de la liberté d’établis-sement garantie par le traité.

Or, en l’espèce, la Cour constate quel’interdiction, pour un opticien diplômé,d’exploiter plus d’un magasin d’optiqueconstitue effectivement une restriction àla liberté d’établissement des personnesphysiques au sens de l’article 43 CE.

S'agissant des personnes morales, laCour constate que les conditions qui leursont imposées par la législation grecquerestreignent leur liberté d’établissement,pour l’exercice de laquelle elles sont assi-

milées aux personnes physiques par l’ar-ticle 48 CE.

La Cour examine ensuite les justificationsapportées par la Grèce pour justifier ces res-trictions à la liberté d’établissement.

La Grèce justifie ces restrictions à laliberté d’établissement pour des motifsimpérieux d’intérêt général tirés de laprotection de la santé publique. Le législa-teur grec aurait voulu sauvegarder une rela-tion personnelle de confiance à l’intérieur dumagasin de vente d’articles d’optique ainsiqu’une responsabilité illimitée et absolue del’opticien, exploitant ou propriétaire dumagasin, en cas de faute. En ce qui concerneles personnes morales, le niveau élevé de par-ticipation des opticiens dans le capital socialéloignerait le risque de commercialisationcomplète des magasins d’articles d’optique.

La Cour admet tout à fait que la libertéd’établissement peut être entravée par desmesures nationales justifiées par des raisonsimpérieuses d’intérêt général mais à lacondition que ces mesures garantissent laréalisation de l’objectif qu’elles poursuiventet n’aillent pas au delà de ce qui est nécessai-re pour atteindre cet objectif.

En l’espèce, la Cour constate que l’ob-jectif de protection de la santé publique,invoqué par la République hellénique,peut être atteint au moyen de mesuresbeaucoup moins restrictives de la libertéd’établissement des personnes physiqueset morales, par exemple au moyen del’exigence de la présence d’opticiensdiplômés salariés ou associés danschaque magasin d’optique.

La Cour en conclut donc que les restric-tions de la législation grecque ne sont pasjustifiées. Dès lors, les griefs de laCommission sont fondés et il convient deconstater que la République hellénique amanqué à ses obligations communautaires envertu des articles 43 et 48 CE.

(Arrêt du 21 avril 2005, Commission desCommunautés européennes / République hellé-nique, aff. C-140/03, non encore publié aurecueil)

Droit de séjour, obligation deprésenter une carte d’identitéArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par le Rechtbankte 's-Gravenhage (Pays-Bas), la Cour de jus-tice des Communautés européennes a été

Libre circulation des personnes

Liberté d’établissement

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 39

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

Page 52: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

amenée à interpréter l’article 4, paragraphe2, de la directive 73/148/CEE du Conseil del’Union européenne, du 21 mai 1973, relati-ve à la suppression des restrictions au dépla-cement et au séjour des ressortissants desEtats membres à l’intérieur de la Commu-nauté en matière d’établissement et de pres-tation de services.

Le litige au principal opposait MonsieurSalah Oulane, ressortissant français, auMinister voor Vreemdelingenzaken enIntegratie (ministre des affaires relativesaux étrangers et à l’intégration) au sujet desa détention aux fins d’éloignement pournon-présentation d’une carte d’identité oud’un passeport prouvant sa qualité de res-sortissant communautaire. En effet,Monsieur Oulane a été arrêté à deux reprisespar les autorités néerlandaises. La premièrefois, Monsieur Oulane avait été placé endétention en vue de son expulsion aprèsavoir été dans l’impossibilité de prouver sanationalité. Il avait alors déclaré être auxPays-Bas depuis environ trois mois et y êtreen vacances. Quatre jours plus tard, il a pré-senté une carte d’identité française auxautorités néerlandaises qui ont levé lamesure de détention reconnaissant sa quali-té de ressortissant communautaire et detouriste. La seconde fois, Monsieur Oulanea, de nouveau, été placé en détentionn’ayant pu prouver son identité. Ce place-ment a été justifié par la protection del’ordre public. Monsieur Oulane a indiquéaux autorités néerlandaises qu’il se trouvaitaux Pays-Bas depuis 18 jours et qu’il sou-haitait rentrer en France. Six jours après sonarrestation, Monsieur Oulane a été expulsévers la France.

Tout d’abord, la Cour a été amenée à seprononcer sur le fait de savoir si la reconnais-sance par un Etat membre du droit de séjourd’un destinataire de services ressortissantd’un autre Etat membre est subordonnée à laprésentation par ce ressortissant d’une carted’identité ou d’un passeport.

La Cour rappelle que, selon une jurispru-dence constante, le droit des ressortissantsd’un Etat membre d’entrer sur le territoired’un autre Etat membre et d’y séjourner, auxfins voulues par le traité, constitue un droitdirectement conféré par le traité ou par lesdispositions prises pour la mise en œuvre decelui-ci. La délivrance d’un titre de séjour estdonc un acte destiné, de la part d’un Etatmembre, à constater la situation individuel-le d’un ressortissant d’un autre Etat membre.

Pour les ressortissants d’un Etatmembre qui séjournent dans un autreEtat membre en tant que destinataires deservices, l’Etat membre d’accueil peutsubordonner la délivrance du titre de

séjour à la présentation du documentsous le couvert duquel ils ont pénétré surson territoire. Le séjour est couvert par unecarte d’identité ou un passeport si la durée dela prestation est inférieure ou égale à troismois. Les Etats membres sont donc en droitd’imposer aux destinataires de services quisouhaitent séjourner sur leur territoire d’ap-porter la preuve de leur identité et de leurnationalité.

Toutefois, la Cour précise que le fait dene pouvoir apporter la preuve du droit deséjour que par la présentation d’une carted’identité ou d’un passeport en cours devalidité va au-delà des objectifs de la direc-tive 73/148/CEE. La Cour en conclut quel’Etat membre d’accueil ne peut remettreen cause le droit de séjour d’un destinatai-re de services ressortissant d’un autre Etatmembre au seul motif qu’il n’a pas présen-té un de ces deux documents alors qu’ilaurait établi sa nationalité par d’autresmoyens et sans aucune équivoque.

Ensuite, la Cour a répondu à la question desavoir si le droit communautaire s’opposait àce que les ressortissants des Etats membressoient soumis dans un autre Etat membre àl’obligation de présenter une carte d’identitéou un passeport alors que cet Etat n’imposeaucune obligation générale d’identification àses propres ressortissants.

La Cour estime que le régime néerlandaiscrée une différence de traitement entre lesressortissants néerlandais et ceux des autresEtats membres. En effet, la législationnéerlandaise ne prévoit pas d’obligationuniverselle et générale d’identification.Ainsi, lors d’un contrôle, une personne quise déclare de nationalité néerlandaise doitrendre son identité plausible. A défaut d’unecarte d’identité, d’un passeport ou d’un per-mis de conduire délivré aux Pays-Bas, lecaractère plausible peut résulter de laconsultation des données disponibles auprèsdes autorités néerlandaises locales. Enrevanche, un ressortissant d’un autreEtat membre qui n’est pas en mesure deprésenter une carte d’identité ou un pas-seport est placé en détention par lesautorités néerlandaises jusqu’à ce qu’ilproduise ces documents. La différencede traitement ainsi créée est contraire autraité. La Cour précise, en outre, qu’un Etatmembre peut effectuer des contrôles quantau respect de l’obligation d’être toujours enmesure de présenter un document d’identitémais à la condition d’imposer la même obli-gation à ses propres ressortissants en ce quiconcerne leur carte d’identité.

La Cour s’est, enfin, prononcée sur le faitde savoir si une mesure de détention d’unressortissant d’un autre Etat membre, aux

fins de son éloignement, prise sur le fonde-ment de la non-présentation d’une carted’identité ou d’un passeport en cours de vali-dité, même en l’absence d’une atteinte àl’ordre public, constitue un obstacle à la libreprestation de services.

La Cour rappelle, en premier lieu, sa juris-prudence selon laquelle les touristes doiventêtre regardés comme des destinataires de ser-vice qui jouissent, à ce titre, de la libre pres-tation de services en ce qu’elle inclut la liber-té des destinataires de services de se rendredans un autre Etat membre pour y bénéficierd’un service.

En second lieu, la Cour rappelle que lesEtats membres peuvent sanctionner l’obliga-tion de présenter une carte d’identité ou unpasseport mais à la condition que les sanc-tions applicables soient comparables à cellesappliquées à des infractions nationales simi-laires et qu’elles soient proportionnées. Or,selon l’examen de la Cour, l’absence d’obli-gation générale d’identification pour les res-sortissants néerlandais et les mesures d’em-prisonnement ou d’éloignement prévues parla législation néerlandaise, en dehors d’uneatteinte à l’ordre public, constituent un obs-tacle non justifié et disproportionné à la libreprestation de services.

(Arrêt du 17 février 2005, Salah Oulane /Minister voor Vreemdelingenzaken en Integratie,aff. C-215/03, non encore publié au recueil)

Notion de travailleur,Rechtsreferendare,remboursement des frais de déplacementArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par leBundesverwaltungsgericht (Allemagne), laCour de justice des Communautés euro-péennes a été amenée à interpréter l’article 39CE relatif à la libre circulation des travailleurs.

Le litige au principal opposait MonsieurKranemann, Rechtsreferendare (ci-après«stagiaire en droit»), au Land Nordrhein-Westfalen au sujet du refus de ce dernier delui rembourser les frais de déplacement rela-tifs au trajet effectué en dehors du territoireallemand pour se rendre sur son lieu destage. En effet, Monsieur Kranemann aeffectué, en tant que fonctionnaire révo-cable, une partie de son stage juridique pré-paratoire dans un cabinet d’avocats àLondres. Il a, en vertu du règlement alle-mand relatif à l’octroi de l’indemnité deséparation applicable aux fonctionnairesrévocables en période de stage, demandé leremboursement de ses frais de déplacement

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

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relatifs au voyage aller et retour de sondomicile d’Aix-la-Chapelle jusqu’au lieu destage. Or, selon le règlement allemand, si unfonctionnaire révocable en période de stagechoisit volontairement un lieu de stage àl’étranger, ses frais de déplacement ne sontremboursés qu’à concurrence du montantnécessaire au voyage jusqu’au poste frontiè-re allemand et retour. La ville d’Aix-la-Chapelle étant considérée comme postefrontière, Monsieur Kranemann n’a pasobtenu le remboursement de ses frais.

La juridiction de renvoi qui a saisi la Cours’interroge sur le fait de savoir si les fonc-tionnaires révocables accomplissant le stagejuridique préparatoire ou stagiaire en droitrelèvent de la notion de travailleur au sens del’article 39 CE et si le refus de rembourse-ment des frais de déplacement liés à un tra-jet effectué en dehors du territoire nationalconstitue une entrave à la libre circulationdes personnes.

La Cour examine donc, en premier lieu, si lasituation du stagiaire en droit accomplissantune partie de son stage préparatoire dans unautre Etat membre que l’Etat membre dont ilest ressortissant relève de l’article 39 CE.

Afin de se prononcer, la Cour rappelle ladéfinition de travailleur. Il s’agit de toutepersonne qui exerce des activités réelles eteffectives, à l’exclusion d’activités tellementréduites qu’elles se présentent comme pure-ment marginales et accessoires. La caractéris-tique de la relation de travail est ainsi la cir-constance qu’une personne accomplit pen-dant un certain temps, en faveur d’une autreet sous la direction de celle-ci, des presta-tions en contrepartie desquelles elle toucheune rémunération.

En ce qui concerne les personnes accomplis-sant un stage préparatoire, la Cour rappelle sajurisprudence selon laquelle si le stage esteffectué dans les conditions d’une activitésalariée réelle et effective, le fait qu’il puisseêtre considéré comme une préparation pra-tique liée à l’exercice même de la profession,n’empêche pas l’application de l’article 39 CE.

Or, selon les éléments fournis par lajuridiction de renvoi, les activitésaccomplies par le stagiaire en droitcontribuent, sous la direction de leurmaître de stage, aux activités effectuéespar ce dernier dans la mesure où le sta-giaire en droit applique les connais-sances acquises pendant ses études. Deplus, le stagiaire en droit perçoit, lors desa formation, une rémunération sous laforme d’une allocation de subsistance.Par conséquent, les stagiaires en droitdoivent être considérés comme des tra-vailleurs au sens de l’article 39 CE dès

lors qu’ils exercent une activité réelle eteffective d’autant que ni le niveau limitéde la rémunération ni l’origine des res-sources pour cette dernière ne peuventavoir de conséquences quelconques surla qualité de travailleur au sens du droitcommunautaire.

En second lieu, la Cour s’est prononcée surle fait de savoir si les règles relatives au rem-boursement des frais de déplacement, tellesque prévues par le règlement allemand,constituaient une entrave au droit à la librecirculation que l’article 39 CE confère auxtravailleurs.

En application du règlement allemand, ilrésulte que si les stagiaires accomplissentleur stage dans un lieu de travail situé sur leterritoire allemand, ils ont le droit au rem-boursement de la totalité de leurs frais dedéplacement quelle que soit la distance entreleur domicile et le lieu du stage alors queceux qui ont choisi d’effectuer une partie deleur stage dans un autre Etat membre doi-vent prendre à leur charge la partie des fraisde déplacement relative au trajet effectué endehors du territoire allemand.

Or, selon une jurisprudence constantede la Cour, des dispositions nationalesqui empêchent ou dissuadent un tra-vailleur ressortissant d’un Etat membrede quitter son Etat d’origine pour exer-cer son droit à la libre circulation consti-tuent des entraves à cette liberté mêmesi elles s’appliquent indépendamment dela nationalité des travailleurs concernés.La réglementation allemande, telle quedécrite ci-dessus, place le stagiaire effec-tuant son stage dans un autre Etatmembre dans une situation plus défavo-rable que s’il l’avait accompli dans sonEtat membre d’origine puisqu’en pareilcas il aurait bénéficié d’une prise encharge de ses frais de déplacement. Lesdispositions allemandes sont donc de natureà entraver la libre circulation des tra-vailleurs, ce qui est, en principe, interdit parl’article 39 CE.

La Cour indique, pour conclure, que cetteentrave ne peut être justifiée par des considé-rations budgétaires contrairement à ce quedemande la juridiction de renvoi. En effet,une jurisprudence constante précise que desmotifs de nature purement économique nepeuvent constituer des raisons impérieusesd’intérêt général de nature à justifier une res-triction à une liberté fondamentale garantiepar le traité.

(Arrêt du 17 mars 2005, Karl Robert Krane-mann / Land Nordrhein-Westfalen, aff. C-109/04, non encore publié au recueil)

Aide aux étudiants, frais d’entretien, interdiction de discrimination en raison de la nationalitéArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par la High Courtof Justice (England & Wales), Queen’s BenchDivision (Administrative Court) (Royaume-Uni), la Cour de justice des Communautéseuropéennes a été amenée à interpréter lesarticles 12, premier alinéa, CE (interdictionde toute discrimination en raison de la natio-nalité) et 18 CE (citoyenneté de l’Union etliberté de circulation et de séjour).

Le litige au principal opposait MonsieurDany Bidar au London Borough of Ealing etau Secretary of State for Education and Skills(ministère de l’éducation et de la formationprofessionnelle) à propos du refus opposé à sademande de prêt subventionné pour étudiantvisant à couvrir ses frais d’entretien. Selon lalégislation britannique, les étudiants peu-vent obtenir une aide, sous forme de prêtétudiant accordé par l’Etat, pour couvrirleurs frais d’entretien. Les ressortissants desautres Etats membres ont droit à ce prêt s’ilssont «établis» au Royaume-Uni et s’ils y ontrésidé pendant les trois années précédant ledébut de leurs études. Toutefois, selon lalégislation britannique, un ressortissant d’unautre Etat membre ne peut obtenir, en tantqu’étudiant, le statut de personne établie auRoyaume-Uni.

Initialement, Monsieur Bidar s’est renduau Royaume-Uni pour accompagner sa mèrequi devait y subir un traitement médical. Ila alors habité chez sa grand-mère et effectuéses trois dernières années d’études secon-daires. A l’occasion de son inscription àl’University College London, MonsieurBidar a demandé une aide financière auLondon Borough of Ealing. L’aide relativeaux frais de scolarité lui a été accordée maisle prêt pour couvrir ses frais d’entretien lui aété refusé au motif qu’il n’était pas «établi»au Royaume-Uni.

Monsieur Bidar a contesté devant la HighCourt of Justice cette décision car il estimaitque la condition d’être établi constituait unediscrimination en raison de la nationalitéinterdite par l’article 12 CE. La High Courtof Justice a alors saisi la Cour afin de savoirsi, compte tenu de la jurisprudence de laCour, des développements du droit del’Union européenne, de l’article 18 CE et desdéveloppements relatifs à la compétence del’Union européenne en matière d’éducation,l’aide pour les frais d’entretien accordée auxétudiants échappe au domaine d’applicationdu traité, et notamment de l’article 12,

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 41

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

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premier alinéa, CE. De plus, la juridiction derenvoi souhaite savoir, au cas où l’aiden’échapperait pas à l’application du traité,quels sont les critères qu’elle doit appliquerpour déterminer si les conditions d’octroi del’aide sont fondées sur des considérationsobjectives indépendantes de la nationalité.

La Cour rappelle que, selon une jurispru-dence constante, un citoyen de l’Union quiréside légalement sur le territoire de l’Etatmembre d’accueil peut se prévaloir de l’ar-ticle 12 CE dans toutes les situations rele-vant du domaine d’application ratione mate-riae du droit communautaire. Ces situationscomprennent, notamment, celles relevant del’exercice des libertés fondamentales garan-ties par le traité et celles relevant de l’exerci-ce de la liberté de circuler et de séjourner surle territoire des Etats membres telle queconférée par l’article 18 CE. Or, rien dans letraité ne permet de considérer que lesétudiants qui sont des citoyens del’Union, lorsqu’ils se déplacent dans unautre Etat membre pour y poursuivre desétudes, sont privés des droits conféréspar le traité aux citoyens de l’Union.Ainsi, un ressortissant d’un Etat membrequi se rend dans un autre Etat membreoù il suit des études secondaires, faitusage de la liberté de circuler garantiepar l’article 18 CE.

La Cour précise, en outre, que dans lamesure où Monsieur Bidar a poursuivi et ter-miné ses études secondaires sans que lui soitopposé le fait de ne pas disposer de ressourcessuffisantes ou d’une assurance maladie, ilbénéficie d’un droit de séjour sur le fonde-ment de l’article 18 CE.

Par ailleurs, la Cour précise que bien qu’el-le ait jugé qu’une aide accordée aux étu-diants pour l’entretien échappe au domained’application du traité, le traité sur l’Unioneuropéenne a depuis lors introduit lacitoyenneté européenne ainsi qu’un chapitreconsacré à l’éducation et à la formation pro-fessionnelle.

La Cour en conclut donc que la situa-tion d’un citoyen de l’Union qui séjournelégalement dans un autre Etat membreentre dans le champ d’application dutraité au sens de l’article 12, premier ali-néa, CE en vue de l’obtention d’une aideaccordée aux étudiants, que ce soit sousla forme d’un prêt subventionné oud’une bourse, et visant à couvrir ses fraisd’entretien.

La Cour examine ensuite les critères que lajuridiction de renvoi doit appliquer pourdéterminer si les conditions d’octroi d’uneaide visant à couvrir les frais d’entretien desétudiants sont fondées sur des considérations

objectives indépendantes de la nationalité.Pour ce faire, la Cour doit évaluer si la régle-mentation britannique opère une distinctionfondée sur la nationalité parmi les étudiantssollicitant une telle aide.

Selon la Cour, les conditions imposées parla législation britannique risquent de désa-vantager les ressortissants des autres Etatsmembres, les ressortissants britanniquesétant susceptibles de les remplir plus facile-ment. Or, une telle différence de traitementne peut être justifiée que si elle se fonde surdes considérations objectives indépendantesde la nationalité des personnes concernées etproportionnées à l’objectif légitimementpoursuivi.

A cet égard, la Cour reconnaît la possibilitépour un Etat membre de veiller à ce que l’oc-troi d’aides visant à couvrir les frais d’entre-tien d’étudiants provenant d’autres Etatsmembres ne devienne pas une charge dérai-sonnable qui pourrait avoir des conséquencessur le niveau global de l’aide pouvant êtreoctroyée par cet Etat. Il est ainsi légitime pourun Etat membre de n’octroyer une telle aidequ’aux étudiants ayant démontré un certaindegré d’intégration dans la société de cet Etat.En l’espèce, l’existence d’un certain degréd’intégration peut être considérée comme éta-blie par la constatation selon laquelleMonsieur Bidar a, pendant une certaine pério-de, séjourné dans l’Etat membre d’accueil.

Toutefois, dans la mesure où la régle-mentation britannique exclut toute pos-sibilité pour un ressortissant d’un autreEtat membre d’obtenir, en tant qu’étu-diant, le statut de personne établie, elleplace ce ressortissant, quel que soit sondegré d’intégration réelle dans la sociétéde l’Etat membre d’accueil, dans l’impos-sibilité de remplir ladite condition et, parconséquent, de bénéficier du droit à l’ai-de couvrant ses frais d’entretien. Un teltraitement ne saurait être considérécomme justifié par l’objectif légitime quela même réglementation visait à garantir.En effet, un tel traitement fait obstacle à cequ’un étudiant, ressortissant d’un Etatmembre, qui séjourne légalement et a effec-tué une partie importante de ses étudessecondaires dans l’Etat membre d’accueil et,par conséquent, qui a établi un lien réel avecla société de ce dernier Etat, puisse pour-suivre ses études dans les mêmes conditionsqu’un étudiant ressortissant de cet Etat setrouvant dans la même situation. La régle-mentation britannique est donc incompa-tible avec le droit communautaire.

(Arrêt du 15 mars 2005, The Queen, à lademande de Dany Bidar / London Borough ofEaling, Secretary of State for Education and Skills,aff. C-209/03, non encore publié au recueil)

Droit à soumissionner,Participation aux travaux préparatoiresArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par le Conseild’Etat belge, la Cour de justice desCommunautés européennes a été amenée àinterpréter la législation communautaire enmatière de marchés publics.

Le litige au principal opposait la sociétéFabricom SA à l’Etat belge au sujet de lalégalité d’un arrêté royal prévoyant l’impos-sibilité pour une personne qui souhaite sevoir attribuer un marché public, de tirer unavantage, contraire à la libre concurrence, dela recherche, de l’expérimentation, de l’étudeou du développement de travaux, fournituresou services relatifs à un tel marché, sans quesoit laissée à cette personne la possibilité defaire la preuve que, dans les circonstances del’espèce, l’expérience acquise par elle n’a pufausser la concurrence. La société FabricomSA est une entreprise de travaux qui est ame-née à soumettre régulièrement des offrespour des marchés publics, notamment dansles secteurs de l’eau, de l’énergie, des trans-ports et des télécommunications. Elle setrouvait, à ce titre, concernée par l’interdic-tion prévue par l’arrêté royal.

Au regard du principe de l’égalité de trai-tement, la Cour rappelle sa jurisprudenceconstante selon laquelle des situations com-parables doivent être traitées de manièreidentique et des situations distinctes demanière différente sauf si un tel traitementdifférent n’est pas objectivement justifié. Enl’espèce, la Cour estime qu’une personnequi a été chargée de la recherche, de l’ex-périmentation, de l’étude ou du dévelop-pement de travaux, fournitures ou ser-vices relatifs à un marché public ne setrouve pas nécessairement, s’agissant dela participation à la procédure d’attribu-tion de ce marché, dans la même situa-tion qu’une personne qui n’a pas effectuéde tels travaux.

Ainsi, la Cour estime que cette personnepeut se trouver favorisée compte tenu desinformations qu’elle aura pu recueillir lorsde sa participation aux travaux prépara-toires du marché public en cause.

De plus, cette personne serait suscep-tible d’orienter, au cours des travaux pré-paratoires, les conditions du marchépublic concerné en sa faveur.

Marchés publics

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

42 L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

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La Cour en conclut donc que cette person-ne peut ne pas bénéficier du principe del’égalité de traitement de la même façon quetout autre soumissionnaire.

Néanmoins, l’interdiction édictée parl’arrêté royal étant de nature systéma-tique et absolue, elle est jugée dispropor-tionnée. En effet, la Cour considèrequ’une telle interdiction n’offre pas lapossibilité à la personne concernée dedémontrer qu’elle ne fausse pas laconcurrence en soumissionnant au mar-ché public en cause.

La Cour s’est également prononcée sur lesmodalités pour une entreprise liée à toutepersonne ayant effectuée les travaux prépara-toires de soumissionner dès le début de laprocédure de passation contrairement à ceque prévoyait l’arrêté royal. Ce dernier per-mettait à l’entité adjudicatrice de refuser,jusqu’à la fin de la procédure d’examen desoffres, que puisse soumissionner l’entrepriseconcernée alors même que celle-ci avait affir-mé qu’elle ne faussait pas la concurrence.

La Cour dit pour droit qu’un tel report étaitinjustifié au regard de la législation commu-nautaire applicable aux marchés publicslaquelle vise à protéger les soumissionnairesvis-à-vis de l’autorité adjudicatrice.

(Arrêt du 3 mars 2005, Fabricom SA / Etatbelge, aff. jointes C-21/03 et C-34/03, non enco-re publié au recueil)

Marque communautaire,conditions de notification des décisions et communications de l’OHMIArrêt du Tribunal

Saisi d’un recours formé par Success-Marketing Unternehmensberatungsgesell-schaft (Autriche), tendant à l’annulation,d’une part, de la décision de la premièrechambre de recours de l’Office de l’harmoni-sation dans le marché intérieur (marques,dessins et modèles) (OHMI) du 26 septembre2002, et, d’autre part, de la décision du 13février 2003 et / ou de la décision du 13 mars2003 de la première chambre de recours del’OHMI, le Tribunal de première instance desCommunautés européennes s’est prononcésur les conditions de notification des déci-sions et communications de l’OHMI.

Le 16 septembre 1997, la requérante a pré-senté auprès de l’OHMI une demande d’en-

registrement du signe verbal PAN & CO entant que marque communautaire, relevantdes classes 11, 30, 35, 37 et 42 au sens del’arrangement de Nice.

Le 19 octobre 1998, Chipita Internationala formé une opposition au motif qu’il existaitun risque de confusion entre la marquedemandée et sa demande de marque commu-nautaire déposée le 30 août 1996 pour desproduits de la classe 30. Par décision du 22septembre 1999, la division d’opposition del’OHMI a rejeté la demande de marque com-munautaire de la requérante, mais unique-ment pour les produits de la classe 30.

Par télécopie du 21 février 2000, l’OHMIa demandé à la requérante de s’acquitter de lataxe d’enregistrement. A la suite d’uncontact téléphonique entre un agent del’OHMI et le représentant de la requérante,la décision de la division d’opposition du 22septembre 1999 a été transmise à ce dernierpar courriel du 25 avril 2000.

Par lettre du 23 juin 2000, la requérante adéposé une requête en restitutio in integrum,ainsi qu’une demande d’accès au dossier et deremboursement des frais exposés.

La requête restitutio in integrum est prévue àl’article 78 du règlement 40/94/CEE sur lamarque communautaire. Elle permet audemandeur d’une marque communautaire,qui, bien qu’ayant fait preuve de toute lavigilance nécessitée par les circonstances, n’apas été en mesure d’observer un délai àl’égard de l’OHMI, d’être rétabli dans sesdroits si l’empêchement a eu pour consé-quence directe, en vertu du présent règle-ment, la perte d’un droit ou celle d’unmoyen de recours. La requête n’est recevableque dans un délai d’un an à compter de l’ex-piration du délai non observé.

Success-Marketing fait valoir qu’ellen’avait pas été informée par l’OHMI de laprocédure d’opposition. Cette situation nelui aurait pas permis de respecter le délairelatif au dépôt d’observations sur l’opposi-tion à la demande de marque communautai-re, ainsi que le délai concernant le recourscontre la décision de la division d’oppositiondu 22 septembre 1999. Elle a donc demandéà être rétablie dans ses droits au stade où setrouvait la procédure, un an avant le dépôtde la requête en restitutio in integrum et aprésenté en annexe à ladite requête des obser-vations concernant l’opposition formée parl’intervenante.

La requérante a demandé que ces observa-tions soient considérées comme un recourscontre la décision de la division d’opposition,au cas où l’OHMI estimerait impossible de larétablir dans ses droits.

Par décision du 26 septembre 2002,l’OHMI a rejeté le recours introduit par larequérante au motif que la requête en resti-tutio in integrum n’avait pas été déposée dansles délais.

Par décision du 13 février 2003, l’OHMI arejeté le recours introduit contre la décisionde la division d’opposition du 22 septembre1999 au motif que le recours n’avait pas étéintroduit dans le délai qui expirait le 22novembre 1999. Par décision du 14 mars2003, l’OHMI a rectifié sa décision du 13février 2003 en considérant que le recours encause était réputé ne pas avoir été formé.

La requérante a alors introduit un recoursdevant le Tribunal de première instancecontre ces deux décisions.

La requérante explique qu’elle n’a apprisl’existence d’une procédure d’opposition àsa demande d’enregistrement de marquecommunautaire que très tardivement, à lalecture de la décision de la division d’oppo-sition du 25 octobre 2000. Cette décisionmentionne quatre documents qui auraientété envoyés par l’OHMI à la requérante,entre novembre 1998 et janvier 2000, maisaucun de ces documents ne serait parvenuau cabinet de son représentant. La requéran-te aurait ainsi été privée du droit d’êtreentendue, de soumettre des observations oude former un recours contre la décision de ladivision d’opposition dans le délai prescrit.Ainsi la requérante remplirait bien lesconditions pour que soit justifiée la restitu-tio in integrum.

La requérante soutient également quel’OHMI aurait dû procéder à une notifica-tion par voie postale, que des rapports detransmission par télécopie ne peuvent enaucun cas prouver une notification en bonneet due forme, laquelle seule peut faire com-mencer à courir les délais.

Le Tribunal rappelle tout d’abord que lecaractère probant d’un envoi effectué partélécopie dépend tant du degré de formalis-me requis pour l’acte en question que desconditions d’utilisation du procédé de trans-mission.

Puis le Tribunal examine si les exigencesparticulières de transmission de certainsactes prévus dans le règlement sur la marquecommunautaire ont été respectées. En ce quiconcerne la notification par télécopieur,le Tribunal constate que n’importe quel-le décision de l’OHMI peut être notifiéepar le biais de cet instrument. Mêmepour les décisions qui font courir undélai de recours et pour les communica-tions qui font courir un autre délai, lavoie postale n’est pas obligatoire.

Propriété intellectuelle

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 43

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

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En l’espèce, l’OHMI a donc pu valable-ment procéder à la notification des actes encause par le biais de télécopies.

Le Tribunal va ensuite apprécier le caractè-re probant des envois effectués au regard desconditions d’utilisation du procédé de trans-mission lui-même.

Selon la règle 68 du règlement sur la marquecommunautaire, lorsqu’un document est par-venu au destinataire, si l’OHMI n’est pas enmesure de prouver qu’il a été dûment notifié,le document est réputé notifié à la date établiepar l’OHMI comme date de réception.

Le Tribunal en conclut que l’OHMI adonc la possibilité d’établir la date à laquel-le un document est parvenu à son destina-taire, lorsqu’il n’est pas en mesure de prou-ver qu’il a été dûment notifié et qu’ilattache à cette preuve les effets de droitd’une notification régulière. Aucun forma-lisme n’étant exigé par la règle 68, leTribunal admet que la preuve peut êtreapportée au moyen d’une télécopie, pourautant que les conditions d’utilisation de ceprocédé de transmission lui confèrent uncaractère probant.

L’OHMI a fourni aux débats les rapportsde transmission relatifs à la notification de ladécision du 22 septembre 1999 et de la com-munication du 6 novembre 1998. LeTribunal conclut que la réunion des diffé-rents éléments contenus dans les rapports detransmission permet de reconnaître au rap-port de transmission un caractère probant.

Le Tribunal souligne d’ailleurs que larequérante n’apporte aucun élément depreuve de nature à prouver l’absence de noti-fication de la communication du 6novembre 1998 et de la décision du 22 sep-tembre 1999.

Eu égard au caractère probant des rapportsde transmission, le Tribunal considère que lanotification de la communication du 6novembre 1998 a effectivement fait com-mencer à courir le délai de trois mois pourprésenter des observations. L’expiration dece délai, le 6 février 1999, constitue donc lepoint de départ du délai d’un an prévu pourla présentation de la requête en restitutio in intergrum.

La requête en restitutio in intergrumayant été déposée le 26 juin 2000, c’est àjuste titre que l’OHMI a rejeté la requêtede la requérante.

(Arrêt du 19 avril 2005, Success-MarketingUnternehmensberatungsgesellschaft / OHMI, aff.T-380/02 et T-128/03, non encore publié aurecueil)

Portée des formulaires E111 et E112Arrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par le Juzgado delo Social n°20 de Madrid (Espagne), la Courde justice des Communautés euro-péennes s’est prononcée sur l’interpréta-tion des articles 3, 19 et 22 du règlement1408/71/CEE, du 14 juin 1971, relatif àl’application des régimes de sécurité socialeaux travailleurs salariés, aux travailleurs nonsalariés et aux membres de leur famille qui sedéplacent à l’intérieur de la Communauté, etde l’article 22, paragraphes 1 et 3, du règle-ment 574/72/CEE du Conseil de l’Unioneuropéenne, du 21 mars 1972, fixant lesmodalités d’application du règlement1408/71/CEE, dans leur version modifiée etmise à jour par le règlement 2001/83/CEEdu Conseil, du 2 juin 1983.

Cette demande s’inscrit dans le cadre d’unlitige opposant les héritiers de MadameKeller à l’Instituto Nacional de la SeguridadSocial (INSS) et à l’Instituto Nacional deGestión Sanitaria (Ingesa). Le litige est nédu refus de ce dernier de rembourser lesfrais liés à des soins hospitaliers reçus parMadame Keller dans une clinique suisse.

De nationalité allemande, Madame Kellerrésidait, à l’époque des faits au principal, enEspagne et était affiliée au régime général desécurité sociale de cet Etat membre.Désireuse de se rendre en Allemagne pourdes motifs familiaux, Madame Keller a solli-cité de l’institution espagnole compétente(Insalud) un formulaire E 111 pour unepériode d’un mois.

Pendant son séjour dans ce pays, unetumeur maligne susceptible d’entraîner àtout moment un décès lui a été diagnosti-quée. Elle a demandé à l’Insalud la déli-vrance d’un formulaire E 112 afin depouvoir continuer à se faire soigner enAllemagne. La validité de ce formulaire aété prorogée à plusieurs reprises.

Les médecins allemands ont estimé que laclinique universitaire de Zurich (Suisse) étaitla seule clinique où l’opération nécessaire deMadame Keller pouvait être pratiquée avecde réelles chances de succès. Cette dernière adonc été transférée dans cette clinique où ellea acquitté elle-même les coûts des soins reçusà Zurich. Elle a ultérieurement demandé leremboursement de ces frais à l’Insalud.

A la suite du rejet de sa demande parl’Insalud, elle a introduit un recours en justi-

ce devant le Juzgado de lo Social n°20 deMadrid. La juridiction nationale a alorsdemandé à la Cour de justice desCommunautés européennes une inter-prétation du règlement de 1971 relatif àl’application des régimes de sécuritésociale aux travailleurs migrants sur lapossibilité d’un remboursement des fraisliés à des soins hospitaliers reçus dans unpays tiers.

La Cour rappelle tout d’abord qu’un desobjectifs du règlement de 1971 est de facili-ter la libre circulation des assurés sociaux quiont besoin des prestations médicales au coursd’un séjour d’un autre Etat membre, ou quiont une autorisation pour se faire soignerdans un autre Etat membre.

Dans ce contexte, les formulaires E 111et E 112 visent à assurer à l’institution del’Etat membre de séjour et aux médecinsagréés par cette institution que le déten-teur de ces formulaires est en droit derecevoir dans cet Etat membre, pendantla période précisée dans le formulaire,des soins dont le coût sera supporté parl’institution compétente.

La Cour précise ensuite que les méde-cins de l’Etat membre de séjour sont lesmieux placés pour apprécier les soinsrequis par le malade et que l’institutionde l’Etat membre d’affiliation, durant lapériode de validité du formulaire, accor-de sa confiance à l’institution de l’Etatmembre de séjour et aux médecins agrééspar celle-ci, comme offrant des garantiesprofessionnelles équivalentes à celles desmédecins établis sur le territoire national.

En conséquence, l’institution de l’Etatmembre d’affiliation est liée par les évalua-tions relatives à la nécessité de soins urgentsà caractère vital, effectuées par des médecinsagréés par l’institution de l’Etat membre deséjour et par la décision de ces médecins detransférer le malade dans un autre Etat afinque lui soit prodigué le traitement urgentque les médecins de l’Etat membre de séjourne peuvent pas lui offrir.

La Cour considère, dans ce contexte,qu’il est sans importance que l’Etat danslequel les médecins ont décidé de trans-férer le malade ne soit pas membre del’Union européenne.

L’article 22, paragraphe 1, du règlement1408/71/CEE et l’article 22, paragraphes 1et 3, du règlement 574/72/CEE doiventêtre interprétés en ce sens que l’institutioncompétente qui a consenti, par la délivran-ce des formulaires E 111 et E 112, à ce quel’un de ses assurés sociaux reçoive des soinsmédicaux dans un autre Etat membre quel’Etat membre compétent est liée par les

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POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

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constatations relatives à la nécessité de soinsurgents à caractère vital, effectuées au coursde la période de validité du formulaire pardes médecins agréés par l’institution del’Etat membre de séjour, ainsi que par ladécision de tels médecins, prise au cours decette même période, sur le fondement des-dites constatations et de l’état des connais-sances médicales du moment, de transférerl’intéressé dans un établissement hospitaliersitué dans un autre Etat, ce dernier fût-il unEtat tiers.

Toutefois, la Cour souligne que dansune telle situation, le droit de l’assuréaux prestations en nature servies pour lecompte de l’institution compétente estsoumis à la condition que, selon la légis-lation appliquée par l’institution de l’Etatmembre de séjour, celle-ci soit tenue deservir à une personne qui y est affiliée lesprestations en nature correspondant à detels soins.

Dès lors, l’institution de l’Etat membred’affiliation ne peut ni exiger le retour de lapersonne dans l’Etat membre de résidence afinde l’y soumettre à un contrôle médical, ni lafaire contrôler dans l’Etat membre de séjour,ni soumettre les constatations et les décisionsmédicales à une approbation de sa part.

Quant à la prise en charge des soins médi-caux prodigués dans le pays tiers à la suited’une décision médicale de transfert, la Courrappelle que selon les termes de l’article 22,paragraphe 1, du règlement 1408/71/CEE,le principe applicable est celui de la prise encharge de ces soins par l’institution de l’Etatmembre de séjour, selon les dispositionslégales appliquées par celle-ci, à charge pourl’institution de l’Etat membre d’affiliationde rembourser ultérieurement l’institutionde l’Etat membre de séjour.

La Cour relève donc que les soins prodi-gués en Suisse à Madame Keller n’ont pasété pris en charge à l’époque par la caissed’assurance maladie. Toutefois, dans lamesure où il est établi que MadameKeller était en droit d’obtenir une telleprise en charge et que les soins en causefigurent parmi les prestations prévuespar la législation espagnole de sécuritésociale, la Cour juge qu’il incombe àl’institution espagnole de sécuritésociale de rembourser directement lecoût de ces soins aux héritiers deMadame Keller.

(Arrêt du 12 avril 2005, Héritiers d’AnnetteKeller / Instituto Nacional de la Seguridad Social(INSS), Instituto Nacional de Gestión Sanitaria(Ingesa), anciennement Instituto Nacional deSalud (Insalud), aff. C-145/03, non encorepublié au recueil)

Sécurité sociale des travailleursmigrants, prestations de vieillesseArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par l’Arbeids-rechtbank Gent (Belgique), la Cour de justi-ce des Communautés européennes s’est pro-noncée sur l’interprétation du règlement1408/71/CEE du Conseil de l’Union euro-péenne, du 14 juin 1971, relatif à l’applica-tion des régimes de sécurité sociale aux tra-vailleurs salariés, aux travailleurs non salariéset aux membres de leur famille qui se dépla-cent à l’intérieur de la Communauté, dans saversion modifiée et mise à jour par le règle-ment 118/97/CE du Conseil, du 2 décembre1996, tel que modifié par le règlement1606/98/CE du Conseil, du 29 juin 1998.

La demande a été présentée dans le cadred’un litige opposant Monsieur Noteboomau Rijksdienst voor Pensioenen (ci-après le«Rijksdienst»), organisme belge de sécuri-té sociale, au sujet d’un pécule de vacancesversé aux pensionnés.

Dans cette affaire, Monsieur Noteboom,ressortissant belge ayant travaillé aux Pays-Bas et conservé son domicile en Belgique, esttombé au chômage peu avant sa mise à laretraite.

Il a bénéficié des prestations de chômagesans interruption pendant l’année qui a pré-cédé celle au cours de laquelle a pris effet sondroit au versement d’une pension de retraite.En vertu de l’article 71, paragraphe 1, durèglement 1408/71/CEE, ces prestations dechômage ont été calculées et versées confor-mément à la réglementation belge en lamatière.

Depuis le 1er janvier 1999, MonsieurNoteboom a droit à une pension de retraitedans le cadre du régime belge des tra-vailleurs salariés. En 1999, le Rijksdienst luia versé outre cette pension, un pécule devacances. Rijksdienst ayant estimé le luiavoir versé par erreur a réclamé à MonsieurNoteboom son remboursement.

Saisie du recours de Monsieur Noteboom àl’encontre de la décision du Rijksdienst, lajuridiction belge a posé à la Cour plusieursquestions préjudicielles.

Par sa première question, la juridictiondemande si une prestation telle que le pécu-le de vacances visé dans les arrêtés royauxbelges de 1967 constitue une prestation devieillesse au sens de l’article 4, paragraphe 1,sous c), du règlement 1408/71/CEE.

La Cour rappelle, tout d’abord, qu’envertu de sa jurisprudence, une prestationne peut être considérée comme une pres-tation de sécurité sociale que si, d’une

part, elle est octroyée, en dehors de touteappréciation individuelle et discrétion-naire des besoins personnels, aux bénéfi-ciaires sur la base d’une situation légale-ment définie et si, d’autre part, elle serapporte à l’un des risques énumérésexpressément à l’article 4, paragraphe 1,du règlement 1408/71/CEE. Une presta-tion telle que le pécule de vacances en causeremplit ces conditions.

En outre, la qualification de pécule devacances n’est pas déterminante pour appré-cier si cette prestation peut être considéréecomme une prestation vieillesse au sensdudit règlement.

Toutefois, il ressort, en premier lieu, desdispositions relatives à l’octroi de ce péculede vacances qu’il est versé exclusivement auxbénéficiaires d’une pension de retraite et/oude survie. De plus, les sources de finance-ment des pécules de vacances des pensionnéssont les mêmes que celles pour le finance-ment des pensions de retraites et de survie.

En second lieu, la Cour relève que le pécu-le de vacances qui accompagne la pension deretraite permet aux bénéficiaires de subvenirà leurs besoins.

La Cour considère dès lors que le faitque le pécule de vacances consiste en unesomme forfaitaire qui ne dépend pas dumontant du salaire perçu ou des périodesd’assurance accomplies ne remet pas encause sa qualification juridique en tantque prestation de vieillesse au sens durèglement 1408/71/CEE.

Par sa deuxième question, la juridiction derenvoi demande si l’article 45, paragraphes 1et 6, du règlement 1408/71/CEE doit êtreinterprété en ce sens que l’institution compé-tente de l’Etat membre de résidence doit, auxfins de l’octroi d’une prestation telle que celleen cause, prendre en considération une pério-de de chômage complet au cours de laquellel’ancien travailleur salarié a bénéficié de pres-tations selon l’article 71, paragraphe 1, dumême règlement, en dépit du fait que le chô-mage n’a pas fait suite à une activité pourlaquelle ledit travailleur était soumis à lalégislation qu’applique cette institution.

La Cour constate qu’il découle du premieralinéa de l’article 45, paragraphe 6, du règle-ment 1408/71/CEE, qu’une période de chô-mage complet au cours de laquelle le tra-vailleur salarié bénéficie de prestations selonl’article 71, paragraphe 1, du même règle-ment, est prise en considération par l’institu-tion compétente de l’Etat membre sur le ter-ritoire duquel le travailleur réside, conformé-ment à la législation qu’applique cette insti-tution, comme s’il avait été soumis à cettelégislation au cours de son dernier emploi.

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 45

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

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Dès lors, le droit à une prestation telle quecelle en cause doit être déterminé en tenantcompte des périodes de chômage complet dutravailleur frontalier ayant donné lieu à l’oc-troi de prestations de chômage au titre del’article 71, paragraphe 1, du règlement1408/71/CEE, comme s’il avait été soumis àla législation de l’Etat membre de sa résiden-ce au cours de son dernier emploi.

La Cour répond donc que l’article 45,paragraphe 6, du règlement 1408/71/CEEdoit être interprété en ce sens que l’insti-tution compétente de l’Etat membre derésidence doit, aux fins de l’octroi d’uneprestation telle que celle en cause,prendre en considération une période dechômage complet au cours de laquellel’ancien travailleur salarié a bénéficié deprestations selon l’article 71, paragraphe1, du même règlement, comme si ce tra-vailleur avait été soumis à la législationqu’applique cette institution au cours deson dernier emploi.

(Arrêt du 20 janvier 2005, Roger Noteboom /Rijksdienst voor Pensioenen, aff. C-101/04, nonencore publié au recueil)

Sécurité sociale des travailleursmigrants, vieillesse et décès,période d’assurance minimaleArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par le Juzgado delo Social n°3 de Orense (Espagne), la Cour dejustice des Communautés européennes s’estprononcée sur l’interprétation des articles 12CE, 39 CE et 42 CE ainsi que des articles 45et 48, paragraphe 1, du règlement1408/71/CEE du Conseil de l’Union euro-péenne, du 14 juin 1971, relatif à l’applica-tion des régimes de sécurité sociale aux tra-vailleurs salariés, aux travailleurs non salariéset aux membres de leur famille qui se dépla-cent à l’intérieur de la Communauté, dans saversion modifiée et mise à jour par le règle-ment 118/97/CE du Conseil, du 2 décembre1996, tel que modifié par le règlement1606/98/CE du Conseil, du 29 juin 1998.

Cette demande a été présentée dans lecadre d’un litige opposant MadameSalgado Alonso à l’Instituto Nacional dela Seguridad Social (Institut national desécurité sociale, ci-après l’«INSS) et à laTesorería General de la Seguridad Social(Trésorerie générale de la sécurité sociale,ci-après la «TGSS») au sujet de la liquida-tion de ses droits à une pension de retrai-te au titre de la législation espagnole.

Madame Alonso a introduit auprès del’Instituto Nacional de Empleo (organismede gestion de l’assurance chômage, ci-après

l’«INEM») une demande en vue d’obtenirl’allocation spéciale de chômage prévue aubénéfice des chômeurs âgés de plus de 52 ans.

L’INEM lui a refusé, dans un premiertemps, le bénéfice de l’allocation spéciale dechômage au motif qu’elle n’avait pas accom-pli en Espagne la période de carence de quin-ze ans au minimum.

Madame Alonso a alors engagé un recourscontre cette décision devant le Juzgado de loSocial n°2 de Orense (Espagne) lequel, parjugement du 22 juin 1993, lui a reconnu ledroit à cette allocation.

En mai 2001, à l’âge de 65 ans, MadameAlonso a demandé la liquidation de ses droitsà pension au titre des régimes de sécuritésociale allemand, suisse et espagnol. Sademande a été rejetée par l’INSS au motifqu’elle n’avait pas accompli, en Espagne, lapériode minimale de cotisation requise pourl’ouverture du droit à pension. Par ailleurs,pour l’INSS, l’article 46, paragraphe 2, durèglement 1408/71/CEE relatif à la totalisa-tion des périodes d’assurance n’était pasapplicable. En effet, la période d’assuranceaccomplie en Espagne était inférieure à un an.

Madame Alonso a alors exercé un recours àl’encontre de l’INSS et de la TGSS devant leJuzgado de lo Social n°3 de Orense. Ce der-nier a saisi d’un renvoi préjudiciel la Cour dejustice des Communautés européennes.

Par ce renvoi, la juridiction nationaledemande à la Cour si les articles 12 CE, 39CE et 42 CE ainsi que 45 du règlement1408/71/CE doivent être interprétés commes’opposant à une règle nationale qui ne per-met pas aux autorités compétentes d’un Etatmembre de prendre en considération, auxfins de l’ouverture d’un droit à pension deretraite du régime national, certainespériodes d’assurance accomplies sur le terri-toire de cet Etat par un travailleur au chô-mage. Au cours de ces périodes, des cotisa-tions à l’assurance vieillesse ont été verséespar l’organisme de gestion de l’assurancechômage, étant précisé que de telles périodessont prises en considération uniquementpour le calcul du montant de la pension.

La Cour rappelle, tout d’abord, qu’envertu de sa jurisprudence constante, lesEtats membres restent compétents pourdéfinir les conditions requises pour l’octroi des prestations de sécurité socia-le à condition qu’il n’y ait pas discri-mination ostensible ou dissimulée entre travailleurs communautaires. Un Etatmembre peut donc prévoir une période decarence, telle que celle en cause.

Par ailleurs, le principe de la totalisationdes périodes d’assurances énoncé à l’article

42, sous a), CE est un principe de base de lacoordination communautaire des régimes desécurité sociale des Etats membres. Il tend àgarantir que l’exercice du droit à la libre cir-culation conféré par le traité ne prive pas untravailleur d’avantages de sécurité socialeauxquels il aurait pu prétendre s’il avaitaccompli toute sa carrière dans un seul Etatmembre.

Toutefois, la Cour précise que le règlement1408/71/CEE ne détermine pas les condi-tions auxquelles est soumise la constitutiondes périodes d’emploi ou d’assurance. Cesconditions sont définies par la législation del’Etat membre sous laquelle les périodes encause ont été accomplies.

En outre, la Cour relève que la règlenationale en cause s’applique sans dis-tinction aux travailleurs ayant accomplitoute leur carrière professionnelle sur leterritoire national et à ceux ayant égale-ment travaillé dans d’autres Etatsmembres.

Dès lors, les articles 39 CE et 42 CEainsi que 45 du règlement 1408/71/CEEne s’opposent pas à une règle nationalequi ne permet pas aux autorités compé-tentes d’un Etat membre de prendre enconsidération, aux fins de l’ouvertured’un droit à pension de retraite du régi-me national, certaines périodes d’assu-rance accomplies par un travailleur auchômage sur le territoire de cet Etat et aucours desquelles les cotisations à l’assu-rance vieillesse ont été versées par l’orga-nisme de gestion de l’assurance chômage.Etant précisé que ces périodes sont prises enconsidération uniquement pour le calcul dumontant de ladite pension.

(Arrêt du 20 janvier 2005, Cristalina Salga-do Alonso / Instituto Nacional de la SeguridadSocial (INSS), Tesorería General de la SeguridadSocial (TGSS), aff. C-306/03, non encore publiéau recueil)

Egalité de traitement entre hommes et femmes,interdiction d’employer des femmes aux travaux miniersArrêt de la Cour

Saisie d’un recours en manquement intro-duit le 12 mai 2003 par la Commission euro-péenne contre la République d’Autriche, laCour de justice des Communautés euro-péennes a constaté le manquement de cetEtat à ses obligations communautaires luiincombant en vertu des articles 2 et 3 de ladirective 76/207/CEE du Conseil de l’Unioneuropéenne, du 9 février 1976, relative à la

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

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mise en œuvre du principe de l’égalité detraitement entre hommes et femmes en cequi concerne l’accès à l’emploi, à la forma-tion et à la promotion professionnelle et lesconditions de travail.

La Commission estime, en effet, contrairesau droit communautaire l’interdiction pré-vue par le décret de 2001 d’employer des tra-vailleuses dans l’industrie minière souterrai-ne ainsi que l’interdiction similaire concer-nant les travaux en atmosphère hyperbare etles travaux de plongée prévue dans le décretde 1973.

Concernant l’interdiction d’employerdes travailleuses dans l’industrie minière,la Commission soutient que les risques aux-quels les femmes sont exposées dans l’indus-trie minière souterraine ne sont pas de façongénérale, différents par leur nature de ceuxauxquels les hommes sont également exposés.

En revanche, pour le gouvernement autri-chien, un travail physique très contraignantdans l’industrie minière souterraine expose-rait les femmes à davantage de risques queles hommes en raison de leurs différencesmorphologiques.

Pour la Cour, conformément à l’article 3,paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE, l’application du principe d’égalitéde traitement implique l’absence detoute discrimination fondée sur le sexedans les conditions d’accès aux emploisou postes de travail. Or, il est constant quele décret de 2001 traite différemment leshommes et les femmes en matière d’emploidans l’industrie minière.

Par ailleurs, l’article 2, paragraphe 3, de ladirective 76/207/CEE réserve aux Etatsmembres le droit de maintenir ou d’intro-duire des dispositions destinées à protéger lafemme en ce qui concerne la grossesse et lamaternité. A ce titre, la Cour rappelle quecette dérogation reconnaît la légitimité, auregard de l’égalité de traitement entre lessexes, d’une part, de la protection de lacondition biologique de la femme au coursde sa grossesse et à la suite de celle-ci etd’autre part, de la protection des rapportsparticuliers entre la femme et son enfant aucours de la période suivant l’accouchement.

Toutefois, la Cour souligne que cettedérogation ne permet pas d’exclure lesfemmes d’un emploi au seul motif qu’ellesdevraient être davantage protégées que leshommes contre des risques qui concer-nent, de manière similaire, les hommes etles femmes et qui sont distincts des besoinsde protections spécifiques de la femme.

La Cour précise également qu’il n’estpas permis d’exclure les femmes d’un

emploi au seul motif qu’elles sont enmoyenne plus petites et moins fortes quela moyenne des hommes, tant que deshommes ayant des caractéristiques phy-siques similaires sont admis à cet emploi.

Ainsi, la Cour considère que si le décret de2001 n’interdit pas l’emploi des femmesdans l’industrie minière souterraine sansavoir prévu des exceptions à cette interdic-tion, son champ d’application reste trèslarge. En effet, l’interdiction exclut lesfemmes même des travaux qui ne sont pasphysiquement contraignants.

Les exceptions prévues dans le décret de2001 ne vise, en effet, que les postes dedirection et des tâches techniques assuméspar des personnes situées à un échelon supé-rieur de la hiérarchie, les travailleuses exer-çant une activité dans les services sociaux oude santé ainsi que des situations spécifiqueslimitées dans le temps.

Dès lors, cette réglementation nationale vaau-delà de ce qui est nécessaire pour assurerla protection de la femme au sens de la direc-tive 76/207/CEE.

En ce qui concerne l’interdiction d’em-ployer des femmes aux travaux en atmo-sphère hyperbare et aux travaux de plon-gée prévue par le décret de 1973, la Courconsidère que ce dernier exclut les femmesmême des travaux qui ne représentent pasune charge importante sur le plan physique.Cette interdiction va donc au-delà ce quiest nécessaire pour assurer la protectionde la femme.

La République d’Autriche en maintenantcette interdiction générale dans son décret de1973 a ainsi manqué à ses obligations luiincombant en vertu de la directive76/207/CEE.

(Arrêt du 1er février 2005, Commission des Com-munautés européennes / République d’Autriche, aff.C-203/03, non encore publié au recueil)

Congé de maternité et congé parental, substitutionArrêt de la Cour

Saisie d’un recours en manquement intro-duit, le 12 décembre 2003, par laCommission européenne contre leLuxembourg, la Cour de justice desCommunautés européennes a constaté lemanquement de cet Etat à ses obligationsdécoulant de la clause 2, point 1, de l’accord-

cadre sur le congé parental (ci-après «l’ac-cord-cadre») qui figure en annexe de ladirective 96/34/CE du Conseil de l’Unioneuropéenne, du 3 juin 1996, concernant l’ac-cord-cadre sur le congé parental conclu parl’UNICE, la CEEP et la CES.

La Commission européenne considéraitque les dispositions de la législation luxem-bourgeoise portant création d’un congéparental et d’un congé pour raisons fami-liales et, plus particulièrement son article 7,paragraphe 2, qui prévoit la substitution ducongé maternité au congé parental en cas degrossesse ou d’accueil d’un enfant pendant cecongé et son article 19, cinquième alinéa,qui limite l’octroi du congé parental auxparents d’enfants nés après le 31 décembre1998 ou dont la procédure d’adoption a étéintroduite après cette date, étaient contrairesaux dispositions de l’accord-cadre.

La Cour rappelle, tout d’abord, que l’ac-cord-cadre accorde un droit individuel àun congé parental d’une durée de troismois au moins aux travailleurs, hommeset femmes. Ce congé parental est distinctdu congé maternité. Il est accordé auxparents pour qu’ils puissent s’occuper de leurenfant. Il peut être pris jusqu’à un âge déter-miné de ce dernier pouvant aller jusqu’à huitans. Le Luxembourg a fixé cinq ans. Le congéde maternité poursuit une finalité différente.

Ensuite, la Cour explique que, dès lors,chaque parent a droit à un congé paren-tal d’une durée minimale de trois mois etque celui-ci ne peut pas être réduit lors-qu’il est interrompu par un autre congéqui poursuit une finalité différente decelle du congé parental, tel qu’un congéde maternité.

Enfin, la Cour conclut en constatant que lesdispositions luxembourgeoises n’assurent pasà tous les parents un congé parental d’unedurée de trois mois. Dès lors, le Luxembourga manqué aux obligations qui lui incombenten vertu du droit communautaire.

Quant à la date à partir de laquelle undroit individuel à un congé parental estaccordé, la Cour estime que le fait, qu’uncongé parental ne soit octroyé qu’aux parentsd’enfants nés après le 31 décembre 1998 oudont la procédure d’adoption a été introdui-te après cette date, exclut la possibilité pourles parents d’enfants nés ou adoptés avantcette date, mais qui n’ont pas encore atteintl’âge de cinq ans, âge jusqu’auquel ce congépeut être pris au Luxembourg, à la date del’entrée en vigueur de la législation luxem-bourgeoise, de bénéficier d’un tel droit. Unetelle modalité de mise en œuvre de l’accord-cadre est contraire à sa finalité qui vise àaccorder un droit à un congé parental aux

Social

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 47

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

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parents des enfants qui n’ont pas encoreatteint un certain âge. Le Luxembourg ajou-tait une condition au droit au congé parentalprévu par le droit communautaire qui n’étaitpas autorisée par celui-ci.

(Arrêt du 14 avril 2005, Commission des Com-munautés européennes / Grand-Duché de Luxem-bourg, aff. C-519/03, non encore publié au recueil)

Notion de licenciement, moment du licenciementArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par l’ArbeitsgerichtBerlin (Allemagne), la Cour de justice desCommunautés européennes a été amenée àinterpréter les articles 1 à 4 de la directive98/59/CE du Conseil de l’Union européenne,du 20 juillet 1998, concernant le rapproche-ment des législations des Etats membres rela-tives aux licenciements collectifs.

Le litige au principal opposait Madame Junk àMaître Kühnel, en sa qualité d’administrateur judi-ciaire des biens de la société qui employait MadameJunk, au sujet du licenciement de cette dernière.Madame Junk contestait les conditions de sonlicenciement, qui intervenait dans le cadre d’unlicenciement collectif à la suite d’une procédure deliquidation judiciaire définitive de la société quil’employait, au regard des règles communautaireset, plus particulièrement, des procédures de consul-tation et de notification prévues par la directive98/59/CE.

Pour apprécier la régularité du licencie-ment, la Cour a du se prononcer sur la déter-mination du moment auquel intervient unlicenciement, c’est-à-dire le moment où sur-vient l’événement valant licenciement, et adu préciser la notion de licenciement.

La notion de licenciement collectif estdéfini à l’article 1, paragraphe 1, sous a), dela directive 98/59/CE mais n’indique pasl’élément qui opère licenciement ni ne revoiesur ce point au droit des Etats membres. LaCour rappelle que dans une telle situation lanotion de licenciement doit recevoir uneinterprétation autonome et uniforme dansl’ordre juridique communautaire.

La juridiction de renvoi souhaite ainsisavoir si l’événement valant licenciement estconstitué par la manifestation de la volontéde l’employeur de résilier le contrat de tra-vail ou bien par la cessation effective de larelation d’emploi à l’expiration du délai depréavis de licenciement, la version en langueallemande de la directive visant la cessationeffective de la relation d’emploi, en raison dela résiliation du contrat de travail décidée parl’employeur.

Or, selon l’examen par la Cour des autresversions linguistiques, il apparaît que leterme utilisé recouvre soit les deux événe-ments visés par la juridiction de renvoi, soitla manifestation de la volonté de l’em-ployeur de résilier le contrat de travail. Deplus, l’article 2, paragraphe 1, de la directi-ve prévoit une obligation de l’employeur deprocéder, en temps utile, à des consulta-tions avec les représentants des travailleurslorsqu’il «envisage d’effectuer des licenciementscollectifs». En outre, l’article 3, paragraphe1, de la directive énonce une obligation del’employeur de notifier à l’autorité compé-tente «tout projet de licenciement collectif». LaCour en conclut que les termes employésdans la législation communautaire indi-quent que les obligations de consultation etde notification naissent antérieurement àune décision de l’employeur de résilier descontrats de travail. Elle insiste égalementsur l’objectif de la procédure de consulta-tion qui est d’éviter des résiliations decontrats de travail ou d’en réduire lenombre. En effet, la réalisation de cet objec-tif serait compromise si la consultation desreprésentants des travailleurs était posté-rieure à la décision de l’employeur. La Courdit donc pour droit que l’événementvalant licenciement est constitué par lamanifestation de la volonté de l’em-ployeur de résilier le contrat de travail.

Quant à la question de savoir si l’em-ployeur est en droit d’effectuer deslicenciements collectifs avant la fin dela procédure de consultation ainsi quede la procédure de notification, la Cour,par rapport à ce qu’elle a indiqué pré-cédemment, confirme que l’employeurne peut effectuer des licenciements col-lectifs que postérieurement à la fin dela procédure de consultation et de noti-fication.

(Arrêt du 27 janvier 2005, Irmtraud Junk /Wolfgang Kühnel, aff. C-188/03, non encorepublié au recueil)

Egalité de traitement, accès à la titularisation et charge de la preuveArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par l’EirinodikeioAthinon (Grèce), la Cour de justice desCommunautés européennes a été amenée àinterpréter le principe de l’égalité de traite-ment.

Le litige au principal opposait MadameNikoloudi, technicienne de surface à tempspartiel, à la société Organismos Tilepi-koinonion Ellados (organisme national des

télécommunications, OTE), son employeur,au sujet de son impossibilité à être titularisée.

En effet, selon le statut du personneld’OTE et l’une des conventions collectivesqui le complète, un travailleur à temps par-tiel sous contrat à durée indéterminée nepeut pas être titularisé. Or, selon ces mêmestextes, les seuls agents non titulairesemployés à temps partiel sont les techniciensde surface, lesquels ne peuvent être que desfemmes.

La Cour précise, tout d’abord, que lefait qu’il existe une catégorie de tra-vailleurs composée de personnes d’unseul sexe est autorisé. En revanche, le faitde réserver à cette catégorie un traite-ment défavorable par rapport à d’autrescatégories équivalentes peut constituerune discrimination. En l’espèce, les autrestravailleurs non titulaires sous contrat àdurée indéterminée mais employés à pleintemps ont été titularisés. Cette différence detraitement constitue une discrimination fon-dée sur le sexe.

Par ailleurs, la Cour s’est prononcée surle point de savoir sur qui pèse la chargede la preuve lorsqu’un travailleur faitvaloir que le principe de l’égalité de trai-tement a été violé à son détriment.

Selon une jurisprudence constante etafin de respecter la finalité des textescommunautaires applicables en l’espèce,notamment pour faire en sorte que soitrendue plus efficace la mise en œuvre duprincipe de l’égalité de traitement, lacharge de la preuve doit peser sur l’em-ployeur.

(Arrêt du 10 mars 2005, Vasiliki Nikoloudi /Organismos Tilepikoinonion Ellados AE, aff. C-196/02, non encore publié au recueil)

Information des passagers du transport aérienProposition de règlement du Parlement et du Conseil

La Commission a présenté, le 16 février2004, une proposition de règlementconcernant l’information des passagersdu transport aérien sur l’identité dutransporteur aérien effectif et la commu-nication des informations de sécurité parles Etats membres.

Cette proposition vise tout d’abord àrenforcer la sécurité du transport aérien

Transports

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

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en Europe. Divers règlements et directivescommunautaires fixent déjà des procéduresde sécurité dans le domaine aérien. La créa-tion, en 2002, de l’Agence européenne de lasécurité aérienne constitue notamment unélément fondamental pour l’application uni-forme des exigences de sécurité. En 2004,une directive instaurant un système d’ins-pection harmonisé des aéronefs des paystiers qui utilisent des aéroports européens aété adoptée.

Mais l’accident d’avion de Charm ElCheikh, le 3 janvier 2004, où 148 personnesont trouvé la mort, a montré que les règlesen place devaient être renforcées pour rendreles inspections au sol obligatoires et pourobliger les Etats membres à participer à unplus large échange d’informations. En effet,il s’est avéré, qu’au moment de l’accident, letransporteur aérien concerné était interdit devol en Suisse pour des raisons de sécuritémais qu’il était autorisé dans certains Etatsmembres.

Cette proposition prévoit donc, demanière très succincte, que les Etatsmembres devront publier une liste destransporteurs aériens qui sont interditsde vol dans leur espace aérien ou dontles droits de trafic sont soumis à des res-trictions pour des raisons de sécurité.Cette liste devra être mise à la dispositiondes autres Etats membres et de laCommission européenne, cette dernièrepubliant une liste consolidée de ces trans-porteurs aériens.

Cette proposition de règlement viseensuite à mieux informer les voyageurs,au moment de la réservation, sur letransporteur aérien effectif. Après l’acci-dent de Charm El Cheikh, le sentiments’était en effet largement répandu dans lepublic que les voyageurs devaient connaîtrel’identité précise de la compagnie qui assurele transport.

La proposition de règlement prévoitdonc que le transporteur contractantinforme le voyageur de l’identité du oudes transporteurs aériens effectifs aumoment de la réservation. En cas de chan-gement de transporteur effectif après laréservation, le transporteur contractant eninforme immédiatement le voyageur, quelleque soit la raison du changement.

Il est à noter que ce projet de règle-ment s’appliquerait tant aux vols régu-liers que non réguliers et indépendam-ment du fait que le vol fasse partie d’unvoyage à forfait ou non.

(COM(2005) 48 final)

Accord de partenariat CE-Fédération de Russie,condition de travail desfootballeurs professionnels russesdans les compétitions nationales des Etats membresArrêt de la Cour

Saisie à titre préjudiciel par l’AudienciaNacional (Espagne), la Cour de justicedes Communautés européennes s’estprononcée sur l’interprétation de l’article23, paragraphe 1, de l’accord de partena-riat et de coopération entre lesCommunautés européennes et leurs Etatsmembres, d’une part, et la Fédération deRussie, d’autre part. Cet accord a été signéà Corfou le 24 juin 1994, et approuvé aunom des Communautés par la décision97/800/CEE du Conseil et de la Commissiondu 30 octobre 1997.

Le litige au principal opposait MonsieurSimutenkov, un ressortissant russe, titulaired’un titre de séjour et d’un permis de travail enEspagne, engagé comme joueur profession-nel de football dans le Club de Tenerife, àla fédération espagnole de football.

Selon la réglementation de cette fédéra-tion, les clubs ne peuvent, lors des compéti-tions nationales aligner qu’un nombre limitéde joueurs ressortissants de pays tiers quin’appartiennent pas à l’Espace économiqueeuropéen. Détenteur d’une licence fédéra-le en qualité de joueur non communau-taire, Monsieur Simutenkov a demandé àla fédération espagnole de football que salicence soit transformée en une licencepour joueurs communautaires, en se fon-dant sur l’accord de partenariat CE-Fédération de Russie qui, concernant lesconditions de travail, interdit qu’un res-sortissant russe soit discriminé en raisonde sa nationalité. La fédération espagnole arejeté sa demande en application de sonrèglement général qui prévoit que seuls lesjoueurs ressortissants d’un Etat membre del’Union européenne ou de l’Espace écono-mique européen peuvent obtenir la licencede joueur communautaire.

La juridiction espagnole saisie du litige ainterrogé la Cour sur la compatibilité de laréglementation de la fédération espagnoleavec l’accord de partenariat CE-Fédérationde Russie.

Dans un premier temps, la Cour examine sil’article 23, paragraphe 1, de l’accord de par-

tenariat, concernant la non-discrimination destravailleurs russes au sein de l’Union euro-péenne, est susceptible d’effet direct et ainsisusceptible d’être invoqué par un particulierdevant les juridictions d’un Etat membre.

La Cour constate que le libellé de l’ar-ticle 23, paragraphe 1, consacre dans destermes clairs, précis et inconditionnels,l’interdiction pour chaque Etat membrede traiter de manière discriminatoire, enraison de leur nationalité, les travailleursrusses qui sont légalement employés surle territoire d’un Etat membre, par rap-port aux ressortissants dudit Etat, en cequi concerne les conditions de travail.Elle en conclut donc que l’article 23, para-graphe 1, a un effet direct, de sorte que lesjusticiables auxquels il s’applique ont ledroit de s’en prévaloir devant les juridictionsdes Etats membres.

Dans un second temps, la Cour examine laportée du principe de non-discrimina-tion de l’article 23, paragraphe 1.

La Cour relève tout d’abord que cetaccord institue, en faveur des travailleursrusses, légalement employés sur le territoired’un Etat membre, un droit à l’égalité detraitement dans les conditions de travailde même portée que celui reconnu en destermes similaires aux ressortissants desEtats membres par le traité CE. Ce droits’oppose, ainsi que l’a déjà jugé la Cour dansses arrêts Bosman (aff. C-415/93) etDeutscher Handballbund (aff. C-438/00), àune limitation fondée sur la nationalité,comme en l’espèce.

Ensuite, la Cour constate que la limitationfondée sur la nationalité ne concerne pas desrencontres spécifiques, opposant des équipesreprésentatives de leur pays, mais s’appliqueaux rencontres officielles entre clubs et, par-tant, à l’essentiel de l’activité exercée par lesjoueurs professionnels. Ainsi, une telle limi-tation ne saurait être considérée comme jus-tifiée par des considérations sportives.

En conséquence, la Cour dit pour droitque «l’article 23, paragraphe 1, de l’accordde partenariat s’oppose à l’application àun sportif professionnel de nationalitérusse, régulièrement employé par un clubétabli dans un Etat membre, d’une règleédictée par une fédération sportive dumême Etat, selon laquelle les clubs ne sontautorisés à aligner, dans les compétitionsorganisées à l’échelle nationale, qu’unnombre limité de joueurs originairesd’Etats tiers qui ne sont pas partis à l’ac-cord sur l’EEE.»

(Arrêt du 12 avril 2005, Igor Simutenkov /Real Federación Espanola de Fútbol, aff. C-265/03, non encore publié au recueil)

Relations extérieures

L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 49

POLITIQUES DE LA COMMUNAUTÉ

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1. Introduction - un peu d’histoire

Depuis le 1er mars 2005, les décisions enmatière de divorce et de responsabilitéparentale sont reconnues à travers l’Unioneuropéenne en vertu du règlement2201/2003/CE du Conseil de l’Union euro-péenne du 27 novembre 2003 («le nouveaurèglement Bruxelles II»)1. Il s’agit d’un ins-trument novateur dans beaucoup dedomaines. C’est notamment la première foisque l’exequatur a été supprimé dans le domai-ne de coopération civile. C’est également lapremière fois que la Communauté s’est dotéedes règles en matière de droit de visite etd’enlèvement d’enfants. On peut désormaisparler d’un véritable espace judiciaire enmatière de droit de la famille!

Ce règlement s’inscrit dans le cadre de lacoopération judiciaire en matière civile pré-vue par le Traité d’Amsterdam, fondée sur leprincipe de reconnaissance mutuelle desdécisions. Ce principe a été confirmé lors duConseil européen à Tampere en 1999 et parle programme de reconnaissance mutuelle,adopté le 30 novembre 2000 par le Conseilde l’Union européenne et la Commissioneuropéenne. Ce programme prévoit en effetla disparition progressive des mesures inter-médiaires nécessaires à l’exécution d’unedécision dans un autre Etat membre (exequa-tur) pour toute décision en matière civile, ycompris en droit de famille2.

La coopération judiciaire en matière dedroit de la famille a évolué de façon progres-sive. La première étape a été franchie avecl’adoption du règlement 1347/2000/CE du29 mai 2000 3 («le règlement Bruxelles II»),entré en vigueur le 1er mars 2001. Ce règle-ment fixait des règles uniformes concernantla compétence et la reconnaissance en matiè-re matrimoniale. Bien que ce règlement aitmarqué un progrès, il s’est vite avéré que sonchamp d’application était beaucoup troplimité en matière de responsabilité parenta-le. En effet, ces décisions n’étaient couvertesque lorsqu’elles étaient rendues dans le cadred’une procédure matrimoniale et qu’ellesconcernaient les enfants communs des époux.En revanche, le règlement n’offrait aucuneprotection aux enfants dont les parentsn’étaient pas mariés, ni aux enfants quin’étaient pas communs aux deux conjoints.

En juillet 2000, juste après l’adoption durèglement Bruxelles II, la France a présenté

une initiative sur la suppression de l’exequa-tur pour les décisions relatives aux droits devisite 4. Puisque le but n’était pas de rempla-cer le règlement Bruxelles II mais de le com-pléter, le champ d’application de l’initiativeétait identique au règlement et concernaituniquement les enfants des couples mariés.En septembre 2001, la Commission a pré-senté une proposition de règlement afind’élargir le champ d’application du règle-ment Bruxelles II à toute décision en matiè-re de responsabilité parentale et ainsi élimi-ner toute discrimination entre enfants desparents mariés et non mariés. LaCommission a aussi proposé d’établir unrégime juridique communautaire pour lescas d’enlèvements d’enfants. La suite desnégociations a montré la nécessité de traiterces règles dans un seul texte et de fusionnerle règlement Bruxelles II, la proposition dela Commission et l’initiative française. LaCommission a alors retiré sa proposition ini-tiale et l’a remplacée par une nouvelle propo-sition en mai 20025. Les négociations, parfoisdifficiles, se sont poursuivies sur la base decette proposition et le nouveau règlementBruxelles II a été adopté en novembre 2003sous la Présidence italienne.

2. Le nouveau règlement Bruxelles II

A. Le champ d’application

En abrogeant le règlement Bruxelles II, lenouveau règlement Bruxelles II s’applique àcompter du 1er mars 2005 dans l’ensembledes Etats membres à l’exception duDanemark 6. Le règlement s’applique aux dixEtats membres qui ont rejoint l’Union euro-péenne le 1er mai 2004. Il s’applique auxactions judiciaires intentées après le 1er mars2005. Ses dispositions sont d’applicationdirecte dans les Etats membres et prévalentsur les règles de droit national.

Le champ d’application matériel couvre lesprocédures matrimoniales et les procéduresrelatives à la responsabilité parentale. Lesdispositions relatives au divorce ont étépresque intégralement reprises du règlementBruxelles II alors que des règles novatricesont été introduites en matière de responsabi-lité parentale.

Contrairement au règlement Bruxelles II,le nouveau règlement Bruxelles II s’appliqueà toutes les décisions rendues par une juri-diction d’un Etat membre en matière de res-

ponsabilité parentale, indépendamment detout lien avec une procédure matrimoniale.

La notion de «responsabilité parentale» esttrès large et couvre «l’ensemble des droits et obli-gations d’un titulaire de la responsabilité parenta-le envers la personne ou les biens de l’enfant». Celacomprend non seulement la garde et le droitde visite, mais aussi des matières telles que latutelle ou le placement de l’enfant dans unefamille d’accueil ou dans un établissement 7.D’autres matières sont exclues du champd’application, par exemple les obligations ali-mentaires, l’adoption, l’émancipation et lenom et les prénoms de l’enfant8.

B. Les règles de compétence

Les règles de compétence énumérées auxarticles 8 à 15 visent à assurer la sécurité juri-dique en évitant des conflits de compétencetout en offrant une certaine flexibilité àcondition que cela soit dans l’intérêt supé-rieur de l’enfant. En règle générale, la compé-tence incombe aux juridictions de l’Etatmembre où l’enfant a sa résidence habituelle 9.Il est considéré que le juge de la résidencehabituelle, qui est le plus proche de l’enfant,est le mieux placé pour entendre l’enfant en personne et recueillir les informationsnécessaires.

La question de compétence est appréciéeau moment où la juridiction est saisie. Unefois qu’une juridiction compétente est saisie,elle conserve en principe sa compétencemême si l’enfant déménage vers un autreEtat membre et y acquiert une résidencehabituelle au cours de la procédure.Néanmoins, l’article 15 permet sous desconditions strictes de renvoyer une affaire àla juridiction de l’Etat membre vers laquellel’enfant a déménagé si cela est dans l’intérêtsupérieur de l’enfant.

Les articles 9, 12 et 13 énoncent les excep-tions à la règle générale, c’est-à-dire leshypothèses où les juridictions d’un Etatmembre peuvent être compétentes alors quel’enfant n’y a pas sa résidence habituelle.

Ainsi, l’article 9 introduit une règle nova-trice qui vise à encourager les parents à réglerles questions de responsabilité parentaleavant que l’un d’eux ne déménage avec l’en-fant vers un autre Etat membre. Cette règlen’empêche en aucune façon un parent de sedéplacer à l’intérieur de l’Union, mais elleoffre une certaine protection à l’autre parent,

POINT SUR.. .

50 L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

Le règlement du Conseil de l’Union européenne 2201/2003/CE: «le nouveau règlement Bruxelles II»

Par Monika Ekström*, Administratrice, Direction générale Justice, Liberté et Sécurité, Unité Justice civile, Commission européenne

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L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 51

qui ne serait plus en mesure d’exercer sondroit de visite comme auparavant. Ce parenta la possibilité de demander une révisiond’une décision de droit de visite devant lesjuridictions de l’Etat membre où il réside etil n’est donc pas obligé de saisir les juridic-tions de l’Etat membre vers lequel l’enfant adéménagé. Les juridictions de «l’ancien»Etat membre gardent donc leur compétencepour modifier une décision en matière dedroit de visite pendant trois mois suivant ledéménagement. Les juridictions du «nou-vel» Etat membre deviennent compétentesune fois que ce délai est écoulé.

Dans le même esprit, le règlement chercheà encourager les titulaires de responsabilitéparentale à se mettre d’accord sur la juridic-tion. L’article 12 permet donc la prorogationde compétence dans deux hypothèses. Lesparties peuvent saisir une juridiction dans unEtat membre, soit parce que la question deresponsabilité parentale est liée à une procé-dure de divorce en cours dans cet Etat, soitparce l’enfant a un lien étroit avec l’Etatmembre en question, par exemple en vertude sa nationalité. Dans les deux hypothèses,le juge doit vérifier que tous les titulaires dela responsabilité parentale acceptent la com-pétence du tribunal et que celle-ci est dansl’intérêt supérieur de l’enfant.

Lorsqu’il s’avère impossible de déterminerla résidence habituelle de l’enfant, les juri-dictions dans l’Etat membre où l’enfant estprésent sont compétentes en vertu de l’ar-ticle 13.

Si aucune juridiction n’est compétente envertu du règlement, l’article 14 permet auxjuridictions de fonder leur compétence surles règles nationales de droit internationalprivé («compétences résiduelles»).

L’article 15 est une règle novatrice qui per-met, à titre d’exception, à une juridictionsaisie d’une affaire de responsabilité parenta-le de la renvoyer à une juridiction d’un autreEtat membre si celle-ci est mieux placéepour statuer. Un renvoi peut avoir lieu à lademande de l’une des parties, à l’initiative dela juridiction saisie ou à la demande d’unejuridiction d’un autre Etat membre. La pos-sibilité de renvoyer l’affaire est soumise àplusieurs conditions. Ainsi, au moins l’unedes parties doit l’accepter et l’enfant doitavoir un lien particulier avec l’autre Etatmembre, par exemple en vertu de sa nationa-lité. De plus, il faut que les deux juridictionsconsidèrent que le renvoi est dans l’intérêtsupérieur de l’enfant. A cet effet, les deuxjuges doivent coopérer, directement ou par lebiais des autorités centrales désignées envertu du règlement (cf., infra point E).

C. Le régime de reconnaissance et d’exécution

(a) Le régime «classique»

Toute partie intéressée peut demanderqu’une décision soit reconnue et déclaréeexécutoire dans un autre Etat membre (exe-quatur). Cette procédure, qui a été reprise durèglement Bruxelles II, s’applique aux déci-sions matrimoniales et aux décisions rela-tives à la responsabilité parentale, parexemple en matière de droit de garde. Lesmotifs de non-reconnaissance sont réduits austrict minimum 10 et la révision au fondd’une décision étrangère est interdite11.

(b) Le nouveau régime - la suppression d’exequatur

Dans deux cas, le règlement va plus loin etdispense de la procédure d’exequatur. Ce nou-veau régime s’applique aux (i) droits de visi-te et (ii) décisions ordonnant le retour del’enfant après un enlèvement. Ces décisionssont dorénavant reconnues et jouissent de laforce exécutoire dans les autres Etatsmembres à condition qu’elles soient accom-pagnées d’un certificat. Il n’est plus possiblede s’opposer à la reconnaissance de la déci-sion, par exemple au motif qu’elle seraitcontraire à l’ordre public de l’Etat membrerequis. Les autorités de l’Etat membre d’exé-cution sont tenues d’exécuter ces décisionsdans les mêmes conditions qu’une décisionrendue dans cet Etat membre. Le certificat,qui est délivré par le juge d’origine, garantitque la décision est exécutoire dans l’Etatmembre d’origine et que certaines règlesprocédurales ont été respectées pendant laprocédure, notamment que les parties etl’enfant ont eu la possibilité d’être entenduset que les droits de la défense ont été respec-tés en cas de procédure par défaut. Les certi-ficats sont disponibles en tant qu’annexesharmonisées au règlement 12.

C. Les règles relatives aux droits de visite

L’un des objectifs majeurs du règlement estd’assurer que les enfants puissent rester encontact avec tous les titulaires de la responsa-bilité parentale lorsqu’ils vivent dans diffé-rents Etats membres. La suppression de l’exe-quatur décrite ci-dessus est un des moyens defaciliter l’exercice du droit de visite, qui estdéfini comme notamment le droit d’emmenerl’enfant dans un lieu autre que celui de sa rési-dence habituelle pour une période limitée. Ilconvient de souligner que la suppression del’exequatur s’applique à tous les droits de visi-te, quel que soit le bénéficiaire. Selon le droitnational, ils peuvent être attribués au parentavec lequel l’enfant ne vit pas, les grands-parents ou d’autres membres de la famille.

D. Les règles relatives aux enlèvements d’enfants

Un autre objectif principal du règlementest de résoudre le problème des enlèvementsparentaux dans l’Union européenne. Les pro-positions de la Commission prévoyaient unrégime juridique communautaire à cet effet.Cette question a cependant divisé les Etatsmembres et un compromis a été trouvé sousla Présidence danoise selon lequel laConvention de la Haye de 1980 sur lesaspects civils de l’enlèvement d’enfantscontinue à s’appliquer entre Etats membres,telle que complétée par les dispositions durèglement13.

Le règlement se veut avant tout préventifet dissuasif dans ce domaine. De ce fait, ilgarantit que les juridictions de l’Etatmembre où l’enfant avait sa résidence habi-tuelle immédiatement avant l’enlèvementgardent leur compétence pour statuer sur lefond. La compétence ne peut basculer quedans des hypothèses exceptionnelles, énumé-rées à l’article 10. Ce dispositif a pour but dedissuader les parents d’enlever leurs enfantsvers un autre Etat membre afin de porter uneaffaire de responsabilité parentale devant unjuge de leur nationalité.

Alors que la Convention de la Haye de1980 continue à s’appliquer dans les Etatsmembres, l’article 11 du règlement introduitdes nouvelles règles qui entrent en jeu lors-qu’une personne demande le retour de l’en-fant en vertu de la Convention. Ces règlessont de nature à compléter et à renforcer laConvention de plusieurs façons. Première-ment, le règlement impose l’obligation d’or-donner le retour immédiat de l’enfant lors-qu’il établi que les autorités de l’Etat membred’origine ont pris des dispositions adéquatespour assurer la protection de l’enfant aprèsson retour14. Deuxièmement, le règlementintroduit l’obligation d’entendre l’enfant15 etla personne ayant demandé le retour pendantla procédure. Finalement, la juridiction doitrespecter un délai très strict et rendre sa déci-sion dans un délai de six semaines.

Vu les conditions strictes, le retour de l’en-fant devrait être ordonné dans la grandemajorité des cas. Si, néanmoins, la juridic-tion décide du non-retour de l’enfant, lerèglement met en place une procédure spé-ciale selon laquelle la décision de non-retourest transmise à la juridiction compétentedans l’Etat membre d’origine, qui a le der-nier mot pour décider si l’enfant doit retour-ner ou non. La juridiction d’origine notifieles parties et les invite à présenter des obser-vations dans un délai de trois mois 16. Le juged’origine doit coopérer avec le juge ayantpris la décision de non-retour. Si sa décisionimplique le retour de l’enfant, cette décision

POINT SUR.. .

Page 64: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

est directement reconnue et exécutoire dansl’autre Etat membre, sans procédure d’exe-quatur. Comme pour les droits de visite, ladécision doit être accompagnée par un certi-ficat, délivré par le juge d’origine, qui garan-tit que les parties et l’enfant ont eu la possi-bilité d’être entendus et que la juridictiond’origine a pris en compte les motifs et leséléments de preuves sur lesquels la premièredécision a été prise 17.

E. Coopération

Le règlement instaure un système decoopération entre les autorités centrales quisont désignées dans toutes les Etatsmembres. Ces autorités doivent, entre autres,assister des titulaires de responsabilité paren-tale gratuitement, coopérer dans des affairesconcrètes et faciliter les communicationsentre les juridictions. Leur assistance seraitnotamment indispensable pour l’applicationde l’article 15 (le renvoi) et l’article 11 para-graphes 6 et 7 (la procédure suite à une déci-sion de non-retour). Afin d’encourager lesaccords à l’amiable entre les titulaires de res-ponsabilité parentale, les autorités centralessont également chargées de faciliter lesaccords entre ceux-ci, par exemple par lamédiation. Les autorités centrales sont inté-grées dans le réseau judiciaire européen enmatière civile et commerciale18 au seinduquel elles se réuniront régulièrement pourdiscuter l’application du règlement.

3. Conclusion

Avec l’entrée en vigueur du nouveau règle-ment Bruxelles II, nous pouvons pour la pre-mière fois parler d’un véritable espace judi-

ciaire commun en matière de droit de lafamille. Il est clair que cet instrument, inno-vateur et complexe, exige que les juges, avo-cats, autorités centrales, et autres praticienssoient bien informés, qu’ils reçoivent uneformation adéquate et les ressources néces-saires. Pour sa part, la Commission a rédigé,en collaboration avec le réseau judiciaireeuropéen, un Guide Pratique, afin de facili-ter l’application du règlement. Le GuidePratique est accessible sur le site web duréseau judiciaire européen et sera mis à jourcontinuellement19. Mais la suppression del’exequatur et les mécanismes de coopérationdu règlement demande aussi que les juridic-tions nationales, les autorités centrales et lesautres acteurs fassent preuve d’une véritableconfiance mutuelle. Dans l’expérience de laCommission, une telle confiance mutuelle seconstruit progressivement, par un processusfondé sur un échange de vues et de dialoguesqui permet de prendre connaissance desautres systèmes. Pour cette raison, laCommission encourage vivement toutesformes d’échanges, dans le contexte duréseau judiciaire européen et ailleurs.

1 Règlement 2201/2003/CE du Conseil de l’Unioneuropéenne du 27 novembre 2003 relatif à la com-pétence, la reconnaissance et l’exécution des déci-sions en matière matrimoniale et en matière deresponsabilité parentale abrogeant le règlement1347/2000/CE, JOCE L 338, 23.12.2003, p. 1.

2 Programme de mesures sur la reconnaissancemutuelle des décisions en matière civile et com-merciale, JO C12, 15.01.2001, p. 1.

3 Règlement 1347/2000/CE du Conseil de l’Unioneuropéenne du 29 mai 2000 relatif à la compé-tence, la reconnaissance et l’exécution des déci-sions en matière matrimoniale et en matière de

responsabilité parentale des enfants communs,JOCE L 160, 30.06.2000, p. 19.

4 JOCE C 234, 15.08.2000, p. 7.

5 JO C 203 E du 27.08.2002, p. 155.

6 Le Danemark ne participe pas à la coopérationjudiciaire instituée par le titre IV du Traité d’Amsterdam.

7 Article 1 paragraphe 2.

8 Article 1 paragraphe 3.

9 Article 8.

10 Article 22 concernant des décisions matrimo-niales et l’article 23 concernant des décisions deresponsabilité parentale.

11 Article 24.

12 Annexe III concernant le droit de visite et AnnexeIV concernant le retour de l’enfant.

13 Considérant 17.

14 L’article 13(1)(b) de la Convention de la Haye de1980 prévoit qu’une juridiction n’est pas obligéed’ordonner le retour s’il existe un risque grave quele retour de l’enfant ne l’expose à un danger phy-sique ou psychique ou de toute autre manière ne leplace dans une situation intolérable. L’article 11paragraphe 4 du règlement réduit la portée de cetteexception; la juridiction doit ordonner le retour del’enfant même si un tel risque existe, s’il est établique les autorités de l’Etat membre d’origine assu-reront la protection de l’enfant après son retour.

15 Article 11 paragraphe 2 précise que l’audition del’enfant doit avoir lieu à moins que cela n’appa-raisse inapproprié eu égard à son âge ou à sondegré de maturité.

16 Article 11 paragraphes 6 et 7.

17 Article 42.

18 Voir site: http://europa.eu.int/comm/justice_home/ejn/

19 http://europa.eu.int/comm/justice_home/ejn/parental_resp/parental_resp_ec_fr.htm

POINT SUR.. .

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Ouvrages

Les Guides Pratiques de la Délégationdes Barreaux de France

«Délégation des Barreaux de France: Mode d’emploi» (2002)

Dans le but de permettre aux Avocatsinscrits dans un barreau français de bénéfi-cier dans les meilleures conditions des ser-vices qui leur sont proposés par la Déléga-tion des Barreaux de France à Bruxelles, unGuide Pratique intitulé «Délégation desBarreaux de France, mode d’emploi» est mis àleur disposition à la Délégation des Bar-reaux de France et peut être obtenu sursimple demande.

(Téléchargeable sur le site de la Délégation desBarreaux de France ou sur demande: pour les assu-jettis à la TVA: 5 € HTVA, pour les non assujet-tis à la TVA: 6,05 € TTC (TVA à 21%)

Autres publications

«Art. 88-4 de la Constitution -Textes soumis du 21 décembre2004 au 14 février 2005»Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne

La Délégation de l’Assemblée nationalepour l’Union européenne a publié un rapportd’information recensant les trente-huit pro-positions ou projets d’actes communautairesqui lui ont été transmis par le Gouvernementau titre de l’article 88-4 de la Constitutionentre le 21 décembre 2004 et le 14 février2005. Chaque texte fait l’objet d’une brèveanalyse et est assorti de la position prise parla Délégation (approbation ou opposition auprojet d’acte).

(«Art. 88-4 de la Constitution - Textes soumisdu 21 décembre 2004 au 14 février 2005», Rap-port d’information n° 2103, mars 2005, LeKiosque de l’Assemblée, Paris, 2005)

«Pacte de stabilité et de croissance: de l’automaticité à la responsabilité»Délégation de l’Assembléenationale pour l’Union européenne

La Délégation de l’Assemblée nationalepour l’Union européenne a publié un rapport

consacré au Pacte de stabilité: sa mise enplace, sa progressive remise en cause et lesnégociations en cours pour réorienter ses cri-tères et ses modalités d’application. Dans sesconclusions, la Délégation se prononcenotamment pour une flexibilité accrue dansl’application des critères du Pacte et pourl’instauration rapide d’un véritable gouver-nement économique de l’Europe.

(«Pacte de stabilité et de croissance: de l’auto-maticité à la responsabilité», Rapport d’informa-tion n° 2124, mars 2005, Le Kiosque de l’As-semblée, Paris, 2005)

«La stratégie de Lisbonne: stratégied’une Europe plus volontaire»Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne

La Délégation de l’Assemblée nationalepour l’Union européenne a publié un rapportsur la stratégie lancée à Lisbonne, en 2000,qui avait pour ambition de faire de l’Europel’économie la plus compétitive et la plusdynamique du monde. Le rapport souligne lesobjectifs irréalistes de la stratégie initiale etanalyse les propositions de la Commission defévrier 2005 pour redonner un nouvel élan à lastratégie de Lisbonne. La Délégation se félici-te des efforts de simplification et de clarifica-tion effectués par la Commission et insiste surla nécessité de mobiliser l’ensemble des col-lectivités dans la mise en oeuvre des objectifsde la stratégie de Lisbonne.

(«La stratégie de Lisbonne: stratégie d’uneEurope plus volontaire», Rapport d’informationn° 2102, février 2005, Le Kiosque de l’Assem-blée, Paris, 2005)

«L’Europe face au terrorisme -Quelle valeur ajoutée?»Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne

La Délégation de l’Assemblée nationalepour l’Union européenne a publié un rapportsur la réaction de l’Europe face au terrorisme.Ce rapport dresse un bilan de l’activité anti-terroriste de l’Union depuis 2001 et metl’accent sur la nécessité de renforcer la coopé-ration opérationnelle entre les Etatsmembres (Europol, Eurojust, Agence euro-péenne pour le contrôle des frontières exté-rieures) et l’importance de la lutte contre«les racines du terrorisme».

(«L’Europe face au terrorisme - Quelle valeurajoutée?», Rapport d’information n° 2123, mars2005, Le Kiosque de l’Assemblée, Paris, 2005)

«L’Europe des services: les conditions pour une réussiteéconomique et sociale»Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne

La Délégation de l’Assemblée nationale pourl’Union européenne a publié un rapport sur laproposition de directive de la Commissioneuropéenne, du 13 janvier 2004, visant à sup-primer les obstacles à la libre circulation desservices. Le rapport souligne les nombreusesinsuffisances du texte proposé et condamnefermement le principe du pays d’origine quiprésente un risque de dumping social et juri-dique favorisant une concurrence déloyale etune baisse de qualité de l’offre de services. La Délégation se prononce donc pour unretrait et une remise à plat complète du texte.

(«L’Europe des services: les conditions pour uneréussite économique et sociale», Rapport d’infor-mation n° 2053, février 2005, Le Kiosque del’Assemblée, Paris, 2005)

«Egalité et non-discrimination - Rapport 2004»Commission européenne

Ce rapport donne un aperçu de la mise enœuvre de la politique de lutte contre la dis-crimination fondée sur l’origine raciale ouethnique, la religion ou les convictions, lehandicap, l’âge et l’orientation sexuelle, àtravers l’Union européenne. Dans une pre-mière partie, il examine les progrès accom-plis dans l’Union en terme de modificationsapportées aux lois existantes pour répondreaux exigences des directives. Dans unedeuxième partie, il décrit un éventail d’ac-tions soutenues par le programme d’actionpour garantir à chaque personne le droit à untraitement équitable.

(«Egalité et non-discrimination - 2004»,Commission européenne, Office des publicationsofficielles des Communautés européennes, Luxem-bourg, 2004)

«Des agences européennesœuvrent pour vous à travers toute l’Europe»Commission européenne

Cette publication présente et définit le rôledes seize agences spécialisées et décentrali-sées de l’Union européenne. Pour la majori-té, créées à partir des années 90, elles répon-dent à une volonté de décentralisation géo-graphique et au besoin de prendre en chargede nouvelles tâches de nature juridique,

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technique et/ou scientifique. En plus de cesseize agences, cinq nouvelles agencesdevraient être établies en 2005 (une agenceferroviaire, une agence chargée de la sécuritédes réseaux et de l’information, un centre deprévention et de contrôle des maladies, uneagence des produits chimiques et une agencede contrôle de la pêche).

(«Des agences européennes œuvrent pour vous àtravers toute l’Europe», Commission européenne,Office des publications officielles des Communautéseuropéennes, Luxembourg, 2004)

«Où en est le marché uniqueélargi?»Comité économique et socialeuropéen

Cette publication présente les vingt-cinqconstatations de l’Observatoire du marchéunique sur les progrès réalisés et les retardsaccumulés dans la mise en œuvre du marchéunique, tel qu’il est vécu par ses acteurs etses utilisateurs sur le terrain. Chaque constatest accompagné de recommandations duComité économique et social européen.

(«Où en est le marché unique élargi?», Comitééconomique et social européen, Office des publica-tions officielles des Communautés européennes,Luxembourg, 2004)

«Etalonnage de la politique des entreprises - Résultat du tableau de bord 2004»Commission européenne

Cette publication suit l’évolution des condi-tions-cadre qui déterminent l’environnementdes entreprises dans l’Union européenne. Lesprogrès réalisés sont suivis sur la base d’indica-teurs. Le tableau de bord couvre neuf domaines:l’accès au financement, l’environnement régle-mentaire et administratif, la fiscalité, l’ouvertu-re et le bon fonctionnement des marchés, l’es-prit d’entreprise, le capital humain, l’innova-tion et la diffusion des connaissances, les tech-nologies de l’information et de communica-tion, le développement durable.

(«Etalonnage de la politique des entreprises -2004», Commission européenne, Office des publi-cations officielles des Communautés européennes,Luxembourg, 2004)

«Report on social inclusion in theten new member states - 2005» Commission européenne

La Commission européenne a publié unrapport sur la situation sociale dans les dix Etats ayant rejoint l’Union européenne le

1er mai 2004. Ce rapport a pour objectifd’analyser l’étendue et la nature de la pauvre-té dans ces pays, d’encourager les Etats àadopter une politique ambitieuse pour luttercontre l’exclusion sociale et enfin d’encoura-ger la coopération entre les Etats membresdans ce domaine. Dans une première partie, ilanalyse d’une façon transversale la situationdans les dix nouveaux Etats membres et lesprincipales politiques adoptées pour luttercontre l’exclusion sociale. Dans une secondepartie, il analyse la situation pays par pays.

(«Report on social inclusion in the ten newmember states - 2005», Commission européenne,Office des publications officielles des Communautéseuropéennes, Luxembourg, 2005)

«European competitiveness report - 2004»Commission européenne

Ce huitième rapport sur la compétitivitéeuropéenne est centré sur le rôle du secteurpublic dans les performances économiques. Lerapport analyse notamment l’importance etl’efficacité des services publics dans les diffé-rents Etats membres, l’impact des fondspublics sur la recherche et les performances desservices de santé. La Commission se pencheégalement sur la compétitivité de l’Europedans le secteur clé de l’industrie automobile etsur le défi attendant l’Europe face à la montéeen puissance de l’économie chinoise.

(«European competitiveness report - 2004»,Commission européenne, Office des publicationsofficielles des Communautés européennes,Luxembourg, 2005)

«L’environnement pour les Européens»Commission européenne

Cette publication propose un dossier spé-cial sur les changements climatiques dans lemonde, suite à la réunion s’étant tenue àBuenos Aires, en décembre 2004, entre desreprésentants de 189 pays, venus discuter desactions à entreprendre au titre de laConvention-cadre des Nations-Unies sur leschangements climatiques. Elle rappelle lesenjeux globaux de cette problématique etprésente les outils mis en place pour contre-carrer ces menaces, tels que le Protocole deKyoto. Cette publication expose égalementle plan d’action de l’Union européenne enfaveur des écotechnologies.

(«L’environnement pour les Européens»,Commission européenne, Office des publicationsofficielles des Communautés européennes,Luxembourg, 2005)

«Rapport sur l’égalité entre leshommes et les femmes - 2004»Commission européenne

Ce rapport est une réponse à la demandeformulée par les chefs d’Etat et de gouverne-ment, lors du Conseil européen de printemps2003, de disposer d’un rapport annuel sur lesprogrès accomplis en vue de promouvoirl’égalité entre les hommes et les femmes. Ilexamine notamment les progrès réalisés ence qui concerne le statut des femmes, leurparticipation au processus de décision, leurrémunération et leurs conditions de travail.Il confirme l’existence d’écarts significatifsentre les sexes dans la plupart des domaineset dans l’ensemble des Etats membres del’Union.

(«Rapport sur l’égalité entre les hommes et lesfemmes - 2004», Commission européenne, Officedes publications officielles des Communautés euro-péennes, Luxembourg, 2004)

«Employment in Europe - 2004»Commission européenne

La Commission européenne a publié unrapport sur l’état de l’emploi dans l’Unioneuropéenne. Il présente un panorama globaldu marché de l’emploi européen, soulignantses performances, ses manques, sa situationpar rapport au marché de l’emploi américainet les conséquences de la mondialisation surson évolution. Les annexes permettent d’avoirune vision globale et détaillée du marché del’emploi dans chacun des 25 Etats membres.

(«Employment in Europe - 2004», Commissioneuropéenne, Office des publications officielles desCommunautés européennes, Luxembourg, 2004)

«Rapport général sur l’activité de l’Union européenne - 2004»Commission européenne

La Commission européenne a rendupublic, le 21 janvier 2005, son rapportannuel. L’ouvrage offre une synthèse généra-le, par chapitre thématique, des développe-ments intervenus au cours de l’année 2004dans les différents domaines d’activité del’Union européenne. Cette année, l’ouvragese concentre particulièrement sur l’élargisse-ment et ses conséquences. En annexe, figurel’état des procédures législatives et desaccords internationaux.

(«Rapport général sur l’Union européenne -2004», Commission européenne, Office des publi-cations officielles des Communautés européennes,Luxembourg, 2005)

54 L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

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Au sommaire des revues

- «Une personnalité juridique pourl’Union européenne», par Jean-RenéTancrède, in Les Annonces de la Seinen° 28, 21 avril 2005.

- «D’Aristide Briand à Jean Monnet»,par Bernard Robert, Conseiller duCommerce extérieur de la France,Vice-président de la Section desAffaires Européennes, in Les Annoncesde la Seine n° 28, 21 avril 2005.

- «Enjeux et atouts sociaux de l’Europeélargie à 25», par Jacques Brouillet, inLes Annonces de la Seine n° 28, 21avril 2005.

- «La directive Bolkestein et le devenireuropéen des services publics», par Jean-Louis Autin, Professeur de droit publicà l’Université Montpellier 1, in LesPetites Affiches n° 77, 19 avril 2005.

- «Activité des juridictions communau-taires en droit de la concurrence (juin àseptembre 2004), par Pierre Arhel,Chargé d’enseignement à l’UniversitéParis I (Panthéon-Sorbonne), in LesPetites Affiches n° 76, 18 avril 2005.

- «Les familles sans frontières enEurope: mythe ou réalité?», 101eCongrès des notaires de France, in LesPetites Affiches n° 74, 14 avril 2005.

- «L’équilibre entre la liberté de la presseet le respect de la vie privée selon laCEDH (A propos de l’arrêt de la CEDHdu 24 juin 2004), par Patrick Auvret,Professeur à l’Université de Toulon etdu Var, in La Gazette du Palais n°S 100à 102, 10 au 12 avril 2005.

- «Limites et virtualités du respect del’identité nationale des Etats membrespar l’Union européenne», par ThierryDaups, Maître de conférences àl’Université de Rennes 2, in LesPetites Affiches n° 71, 11 avril 2005.

- «Bruxelles II bis: déplacements illi-cites d’enfants», in Les Annonces de laSeine n° 25, 11 avril 2005.

- «Compétence des juridictions natio-nales pour suspendre les effets d’unedécision de la Commission européenne(Cass. crim., 22 septembre 2004)», inLa Gazette du Palais n°S 98 à 99, 8 et9 avril 2005.

- «Droit des patients: vers une harmoni-sation des législations européennes»,par Nadège Voidey, Docteur en droit,in La Gazette du Palais n°S 96 à 97, 6et 7 avril 2005.

- «Réflexions sur la Constitution euro-péenne (à propos de l’ouvrage «LaConstitution européenne expliquée aucitoyen»), par Jean Marie Coulon,Premier président honoraire de la Courd’appel de Paris, in Les PetitesAffiches n° 68, 6 avril 2005.

- «Le rejet général des actions en res-ponsabilité engagées contre les fabri-cants de tabac par les juridictions euro-péennes», par Brigitte Daille-Duclos,Avocat au Barreau de Paris, in LesPetites Affiches n° 67, 5 avril 2005.

- «Bruxelles II bis, le nouveau droitjudiciaire européen du divorce et de laresponsabilité parentale», par HuguesFulchiron, Professeur à l’UniversitéJean-Moulin Lyon 3, Directeur duCentre de droit de la famille, in Droit& patrimoine n° 136, avril 2005.

- «L’espace européen de justice», parDominique Grisay et DelphinePiccininno, Avocats au Barreau deBruxelles, in Journal des tribunaux,Droit européen n° 118, avril 2005.

- «Les nouvelles dispositions du statutde la Cour de justice», par IgnaceMaselis, référendaire à la Cour deJustice des Communautés euro-péennes, Maître de conférences àl’Université catholique de Louvain, inJournal des tribunaux, Droit européenn° 117, mars 2005.

- «Oui, mais...: la réponse de l’Union àla Turquie», par Judicaël Etienne,assistant de recherche à l’Universitécatholique de Louvain, in Journal destribunaux, Droit européen n° 117,mars 2005.

- «La légitimité du droit communautai-re en droit international privé de lafamille», par Jean-François Sagaut etMarc Cagniart, Notaires à Paris, inDroit & patrimoine n° 135, mars2005.

- «L’avocat français et le solicitoranglais: le secret professionnel dansune dimension européenne», parDiane Le Grand de Belleroche, Avocatau Barreau de Paris, BMH Avocats, inLes Petites Affiches n° 60, 25 mars2005.

- «Les procédures d’insolvabilité enItalie, en Belgique, en Allemagne»,Dossier, in Les Petites Affiches n° 58,23 mars 2005.

- «Panorama des principales référencescommunautaires (février 2005)», parJean Ricatte, in La Gazette du Palais

n°S 79 à 81, 20 au 22 mars 2005.

- «Le clivage acteur publics/acteurs pri-vés à la lumière du droit européen»,colloque de l’Université Paris X-Nanterre du 29 juin 2004, in LesPetites Affiches n° 54, 17 mars 2005.

- «Absence de communication du rap-port du conseiller rapporteur de laCour de cassation et article 6 de laCEDH (Arrêt de la CEDH du 1er

février 2005)», in La Gazette du Palaisn°S 72 à 74, 13 au 15 mars 2005.

- «Activité des juridictions communau-taires en droit de la concurrence(octobre à décembre 2004)», par PierreArhel, Docteur en droit, Chargé d’en-seignement à l’Université Paris I(Panthéon-Sorbonne), in Les PetitesAffiches n° 51, 14 mars 2005.

- «l’analyse économique du droit descontrats: outils de comparaison, fac-teur d’harmonisation», Dossier, in LaGazette du Palais n°S 68 à 69, 9 et 10mars 2005.

- «La législation commerciale: instru-ment du rayonnement du droit fran-çais dans le monde», par Denis Voinot,Professeur à l’Université de laRéunion, in Les Petites Affiches n° 48,9 mars 2005.

- «To be or not to be: la situation dureprésentant d’une société dissoute parapplication de l’article 1844-7-7° ducode civil (Cass. com., 30 juin 2004),par Fernand Derrida, Pierre Julien etJean-François Renucci, Ex-professeurset professeur des Facultés de droit, inLes Petites Affiches n° 47, 8 mars2005.

- «Panorama des principales référencescommunautaires (janvier 2005)», parJean Ricatte, in La Gazette du Palaisn°S 65 à 67, 6 au 8 mars 2005.

- «Nationalité du capitaine d’un navirebattant pavillon français (Cass. crim.,23 juin 2004)», in La Gazette duPalais n°S 63 à 64, 4 et 5 mars 2005.

- «Avocats et juristes d’entreprise: pro-messe de fiançailles», par RaymondMartin, Avocat honoraire, in LaGazette du Palais n°S 61 à 62, 2 et 3mars 2005.

- «La consécration par la Cour de justicedu système bonus-malus en matièred’assurance auto (CJCE, 7 septembre2004, 2 arrêts)», par Jean-LouisClergeris, Maître de conférence dedroit public à l’Université de Limoges,Titulaire de la chaire Jean Monnet, in

BIBLIOTHÈQUE

Page 68: L’OBSERVATEUR Trimestriel d’informations européennes de

Les Petites Affiches n° 43, 2 mars2005.

- «Service directive: new study onpotential impact», par la DG duMarché Intérieur de la CommissionEuropéenne, in Single Market Newsn° 36, février 2005.

- «La confidentialité des avis rendus pardes juristes d’entreprise exerçant dansl’Union européenne», par JacquesBuhart, Avocat à la cour d’appel deParis et au barreau de Bruxelles, inJournal des tribunaux, Droit européenn° 116, février 2005.

- «La Cour européenne des droits del’homme: 2004», par Pierre Lambert,Avocat au barreau de Bruxelles, inJournal des tribunaux, Droit européenn° 116, février 2005.

- «Blanchiment d’argent: quel risquepénal en cas d’inobservation par lesprofessionnels des obligations de vigi-lance?», par Chantal Cutajar, Univer-sité Robert Schuman, Responsable duGrasco, in La Gazette du Palais n°S 56à 57, 25 et 26 février 2005.

- «La difficile application du critèreenvironnemental pour déterminerl’offre économiquement la plus avanta-geuse (à propos de l’arrêt de la CJCE,EVN AG Wienstrom)», par CharlesBeaugendre, Docteur en Droit, in LesPetites Affiches n° 40, 25 février 2005.

- «Quel secret pour les acteurs judi-ciaires?», Forum in La Gazette du Palaisn°S 49 à 50, 18 et 19 février 2005.

- «Panorama des principales référencescommunautaires (décembre 2004)», parJean Ricatte, in La Gazette du Palais n°S

44 à 46, 13 au 15 février 2005.

- «Conditions d’accès à la profession de

moniteur de snowboard en Francepour un ressortissant de l’Union euro-péenne déjà titulaire d’un diplômedans son pays» (Cour d’appel deGrenoble, 22 avril 2004), in LaGazette du Palais n°S 42 à 43, 11 et 12février 2005.

- «Avocats et juristes: le dialogue peut-il faciliter le rapprochement?»,Entretien avec Dominique Durand,Président du Cercle Montesquieu, etextraits du rapport d’étape du CercleMontesquieu, in Les Petites Affichesn° 28, 9 février 2005.

- «Droit institutionnel de l’Union euro-péenne», Bibliographie, par PierreYves Monjal, Professeur de droitpublic, in Les Petites Affiches n° 27, 8 février 2005.

- «Réforme de la directive sur les ser-vices d’investissement: réflexions sur lanotion communautaire de marché»,par Jean-Baptiste Lenhof, Maître deconférence à l’Ecole normale supérieurede Cachan, antenne de Bretagne, in LesPetites Affiches n° 26, 7 février 2005.

- «Le secret professionnel», XIIIes

Rencontres Notariat-Université, in LesPetites Affiches n° 24, 3 février 2005.

- «Les avocats favorables à une «classaction» à la française»?, par JeanneRoussel, in Les Petites Affiches n° 22,1er février 2005.

- «Une facette de la modernisation dudroit communautaire de la concurren-ce: les nouveaux règlements d’exemp-tion», par Laurence Idot, Professeur à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne) in Les Petites Affiches n° 22,1er février 2005.

- «Le secret professionnel des avocats enAllemagne», par Christian Völker,

Rechtsanwalt, ancien SecrétaireGénéral Adjoint de l’UAE, in Journalde l’UAE n° 62, janvier-février 2005.

- «L’Europe: une menace pour les avo-cats?», Entretien avec ThierryWickers, Président de la Conférencedes Bâtonniers, in Les Petites Affichesn° 19, 27 janvier 2005.

- «L’article 6-1 de la CEDH au conten-tieux fiscal: le revirement de la Cour decassation (Cass. com., 12 juillet 2004),par Thierry Lambert, Professeur àl’Université Paris 13, in Les PetitesAffiches n° 19, 27 janvier 2005.

- «Le retrait des actes administratifscontraires au droit communautaire:quelles obligations pour les Etatsmembres? (CJCE, 13 janvier 2004)»,par Théodore Georgopoulos, Maîtrede conférences à l’Université deReims, in Les Petites Affiches n° 18,26 janvier 2005.

- «Sécurité alimentaire en Europe: lamise en place du nouveau cadre juri-dique», par Florence Aubry-Caillaud,Maître de conférences à l’Université de Cergy-Pontoise, in Journal des tri-bunaux, Droit européen n° 114,décembre 2004.

- «Propriété intellectuelle et concurren-ce», par Claude Lucas de Leyssac,Professeur à l’Université de Paris I(Panthéon-Sorbonne), in Journal destribunaux, Droit européen n° 114,décembre 2004.

- «L’exequatur des jugements étrangers enFrance, étude de 1390 décisionsinédites», par Marie-Laure Niboyet etLaurence Sinopoli avec la collaborationde François de Bérard, in La Gazette duPalais n°S 168 à 169, 16 et 17 juin 2004.

BIBLIOTHÈQUE

56 L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005

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L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 57

L’Académie de Droit Européen (ERA) ale plaisir de vous informer de son pro-gramme élargi et renouvelé de cours d’étépour l’année 2005. Ces cours, qui aurontlieu dans le Centre des Congrès de l’ERA àTrèves (Allemagne), s’adressent essentielle-ment à un public de jeunes juristes et avo-cats et seront dispensés en anglais.Conformément à une tradition bien éta-blie, l’ERA a invité des experts hautementqualifiés et adopté une politique de fraisd’inscription adaptée.

Les cours proposés sont les suivants:

- droit constitutionnel de l’UE (du22 au 24 juin 2005);

- droit communautaire de la concur-rence (du 27 juin au 1er juillet 2005);

- droit fiscal communautaire (du 4au 8 juillet 2005);

- droit pénal de l’UE (du 4 au 8juillet 2005).

Nous proposons également cette annéeun nouveau cours en droit privé euro-péen et droit du travail du 27 juin au 1er

juillet 2005. Celui-ci comprendra deuxvolets.

Le premier sera consacré à des questionsde droit privé général et fournira une ana-lyse approfondie des directives commu-nautaires visant à protéger les consomma-teurs, mais également de certains types decontrats (contrats à distance, contrats élec-troniques, etc.) et des questions de respon-sabilité du fait des produits défectueux.

Le second volet, consacré au droit dutravail, envisagera plus particulièrementles règles communautaires régissant l’em-ploi, les contrats de travail, l’égalité pro-fessionnelle entre hommes et femmes etles droits des travailleurs en cas de trans-fert d’entreprises.

Des ateliers et des études de cas per-mettront aux participants d’approfondirleurs connaissances.

Une visite à la Cour de Justice deLuxembourg est également prévue dans lecadre de ce nouveau cours d’été.

Pour plus d’informations sur tous noscours, n’hésitez pas à visiter notre nou-veau site: www.era.int.

COLLOQUES – SÉMINAIRES

ERA

Metzer Allee 4 - D-54295 TRIER

Tél: +49(0)651 93737-0 - Fax: +49(0)651 93737-90 -

E-Mail: [email protected] - Site: http://www.era.int

P r o g r a m m e E R A

Les cours d’été à l’ERA

14-17 juin 2005: Droit européen de laprocédure civile - Les règlements enmatière civile et commerciale - Trèves

20-22 juin 2005: Travailler en anglais -Cours intensif d’anglais juridique - Trèves

15-16 septembre 2005: Journées du droitde l’activité commerciale - Trèves

19-20 septembre 2005: Développementsrécents en droit européen de la famille etdes successions - Trèves

26-27 septembre 2005: Développementsrécents en droit de la concurrence -Jurisprudence des juridictions commu-nautaires - Trèves

Octobre 2005: Série de séminaires sur laConstitution européenne - Bruxelles

13-14 octobre 2005: Accès aux médica-ments innovants à usage humain et pro-tection du patient dans l’Union euro-péenne - Résultats et perspectives d’ave-nir - Bruxelles

13-14 octobre 2005: Journées euro-péennes sur le droit des transports (TrèvesVI) - Trèves

20-21 octobre 2005: La Cour PénaleInternationale: expériences et défis -Trèves

20-21 octobre 2005: Interactions entre25 systèmes fiscaux - Particularités dessystèmes fiscaux des nouveaux Etatsmembres: quelles sont leur influence etleurs conséquences sur le système global?- Trèves

24-25 octobre 2005: La lutte contre ladiscrimination: les directives de 2000 surl’égalité de traitement - Séminaire orga-nisé et financé dans le cadre du program-me d’action communautaire de luttecontre la discrimination - Trèves

28 octobre 2005: Le titre exécutoire euro-péen pour les créances incontestées - Trèves

Autres conférences

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SÉMINAIRES DE LA DÉLÉGATION

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L E S E N T R E T I E N S C O M M U N A U T A I R E Souverts aux avocats et juristes individuellement

Les Entretiens Communautaires sont des séminaires d’une journée de conférences organisés par la Délégation des Barreaux de France.

Les intervenants, principalement des administrateurs des institutions européennes, y présentent un rappel théorique et une approche pratique de points précis de droit communau-taire et se proposent de répondre à l’ensemble des questions des participants pour que ceux-ci soient en mesure de connaître dans les meilleures conditions les évolutions que ce droitconnaît sans cesse.

Ces réunions sont aussi l’occasion de créer un forum de rencontres entre les avocats des Barreauxde France, les administrateurs européens, des représentants d’intérêts économiques français et d’une manière générale les personnalités du milieu juridico-économique, sensibles aux sujets traités.

Entretiens communautaires – programme 2005

L’Organisation mondiale du commerce: actualités 7 octobre 2005

Les derniers développements du droit communautaire de la concurrence 9 décembre 2005

LieuDélégation des Barreaux de Franceà Bruxelles

Heure: >9 h > 17 hRéservations transports parles participants

PRIX: 115 € TVA comprise

75 € TVA comprise – moins de trois ans d’exercice

60 € TVA comprise – élèves – avocats

incluant:• Conférences• Dossier de travail

et de documentation• Pauses café / rafraîchissements• Déjeuner sur place

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L’Observateur de Bruxelles - N° 61 - JUIN 2005 59

SÉMINAIRES DE LA DÉLÉGATION

L E S S E M I N A I R E S - E C O L Eouverts aux Barreaux, aux centres de formation ou aux avocats individuellement

LieuDans les locaux de la DBFà Bruxelles

Durée 2 jours

La réservation des transports reste à la charge des participants

Inscription: 200 € TVA comprise

150 € TVA comprise – moins de trois ans d’exercice

120 € TVA comprise – élèves – avocats

Frais de logement par nuit:

120 € TVA comprise

incluant:• 2 nuitées (si formule hôtel)• Conférences• Dossier de travail et

de documentation• Pauses café / rafraîchissements• Déjeuners des jeudi et vendredi

Réservation hôtel par la DBF

Les Séminaires - Ecole sont des cycles intensifs de deux jours de conférences à Bruxelles surdes thèmes essentiels de droit communautaire.

Ces séminaires, qui n’ont pas la prétention de «produire» des spécialistes de droit communau-taire, doivent permettre aux personnes qui y auront participé d’acquérir le «réflexe commu-nautaire» et de prendre pleine conscience du fait que le droit communautaire n’est pas un droitinternational d’application exceptionnelle, mais constitue un pan entier de notre droit interne,destiné à s’appliquer quotidiennement.

• «Pratique du droit communautaire général»: 27-28 octobre 2005

Ce séminaire est destiné à l’étude pratique des thèmes essentiels du droit communautaire institutionnel et procédural: rappels institutionnels et influence du droit communautaire sur la profession d’avocat, l’application du droit communautaire par le juge national, les recoursdirects devant le juge communautaire, les procédures non-contentieuses en droit communau-taire, le droit communautaire de la concurrence, la libre circulation des personnes et des marchandises et enfin, l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

Tout renseignement concernant ces différentes manifestations peut être obtenu sur notre site: www.dbfbruxelles.com ou auprèsde la Délégation des Barreaux de France, 1, Avenue de la Joyeuse Entrée, B-1040 Bruxelles, tél. (00 322) 230 83 31, fax. (00 322) 230 62 77,

courriel: [email protected]

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AVERTISSEMENT

Ce numéro de «L’Observateur de Bruxelles» couvre les évolutions importantes liées à l'Europe et intervenues au cours des mois defévrier, mars et avril 2005.

La prochaine parution de «L’Observateur de Bruxelles» interviendra au mois de septembre 2005.

Les articles signés reflètent la position de leurs auteurs et non celle de l'institution qu'ils représentent. La rédaction n’assume aucuneresponsabilité concernant ces textes.

n° BD 46781

Reproduction autorisée avec mention d’origine.

Bruxelles, le 10 juin 2005

Cyril SARRAZIN Dominique VOILLEMOTDirecteur Président

L’Observateur de Bruxelles est une publication trimestrielle de la Délégation des Barreaux de France à Bruxelles. Si vous souhaitez davantage d’informationsconcernant un sujet qui y est développé, vous pouvez vous adresser à Dominique VOILLEMOT, Président, Cyril SARRAZIN, Directeur, Karine DELVOLVÉ,Cécile PERLAT-LOPES, Béatrice RENTMEISTER, Avocates, Mélanie CEPPE et Emilie PISTORIO, Juristes, 1, avenue de la Joyeuse Entrée, B-1040 - Bruxelles - Tel.: (32 2) 230 83 31 - Fax: (32 2) 230 62 77 - [email protected]. A également contribué à ce numéro, Baptiste MESSMER, juriste stagiaire.

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ABONNEZ-VOUS OU FAITES ABONNER VOS PROCHESA L’OBSERVATEUR DE BRUXELLES

Re.: «L’Observateur de Bruxelles»

Madame, Monsieur, Mon cher Confrère,

Parmi les différentes tâches de la Délégation des Barreaux de France, bureau à Bruxelles du Barreau de Paris, de la Conférence des Bâtonniers etdu Conseil National des Barreaux, figure celle d’informer chaque personne intéressée, des évolutions qui interviennent régulièrement en Droitcommunautaire.

«L’Observateur de Bruxelles», trimestriel, propose une information approfondie, précise et détaillée, sur les différents textes, arrêts et décisions d’im-portance issus des Institutions communautaires, qu’ils soient encore en discussion ou déjà d’application.

Pour permettre un suivi plus fréquent de ces changements qui interviennent dans le domaine communautaire, la Délégation des Barreaux deFrance propose également un télégramme hebdomadaire de quelques pages, «L’Europe en Bref», qui est adressé chaque vendredi par E-mail à nosabonnés.

Ce télégramme hebdomadaire vous est proposé gratuitement en complément de votre abonnement à «L’Observateur de Bruxelles».

Ainsi, si vous souhaitez devenir destinataire de ces deux publications, je vous engage à renvoyer votre bulletin d’abonnement ci-dessous.

Je vous prie de croire, Madame, Monsieur, Mon cher Confrère, à l’assurance de mes sentiments dévoués.

Dominique VoillemotPrésident du Conseil d’Administration de la DBF

BULLETIN D’ABONNEMENT

A retourner à: «La Délégation des Barreaux de France», Avenue de la Joyeuse Entrée, 1 - B-1040 BruxellesOui, je souhaite m’abonner pendant un an à «L’Observateur de Bruxelles» et le recevoir à l’adresse ci-dessous.■■ oui, je souhaite recevoir gratuitement et en complément «L’Europe en Bref» à l’adresse E-Mail suivante

.....................................................................................................................................................................................................................................

• Je joins un chèque de 45,73 euros hors TVA (barré, libellé à l’ordre de «La Délégation des Barreaux de France») si je suis:

■■ Assujetti à la TVA intra-communautaire en tant que personne PHYSIQUE

N°TVA en cette qualité: FR ■■ ■■ ■■ ■■ ■■ ■■ ■■ ■■ ■■ ■■ ■■OU

■■ Assujetti à la TVA intra-communautaire en tant que personne MORALE

N°TVA en cette qualité: FR ■■ ■■ ■■ ■■ ■■ ■■ ■■ ■■ ■■ ■■ ■■• Je joins un chèque de 55,33 euros TVA comprise (barré, libellé à l’ordre de «La Délégation des Barreaux de France) si je suis

■■ Non assujetti à la TVA.

M .......................................................................................... cabinet: .....................................................................................................................................

Adresse: ....................................................................................................................................................................................................................................

code postal: ................................................ ville: ....................................................................................................................................................................

Tél.: ...................................................... Fax: .....................................................

Je souhaite recevoir une facture acquittée à l’adresse ci-dessous:

M .......................................................................................... cabinet: .....................................................................................................................................

Adresse: ....................................................................................................................................................................................................................................

code postal: ........................................... ville: ..........................................................................................................................................................................

Tel.: ...................................................... Fax: .....................................................

à ..............................................., le ....................................... signature:

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Site Internet

Le site Internet de la Délégation des Barreaux de France a pour vocation de faciliter votre accès à nos activités et services.

Une rubrique «Actualités» vous informe régulièrement des séminaires organisés par la Délégation, auxquels vous pouvez désormais vousinscrire en ligne.

Par ailleurs, L’Europe en Bref, notre bulletin d’information, est facilement consultable chaque vendredi. En vous inscrivant sur notre listede diffusion, vous pourrez recevoir ce bulletin gratuitement et automatiquement.

La nouvelle rubrique «Les dernières opportunités» permet la consultation de notre sélection des appels d’offres, publiés hebdomadairementau Journal officiel de l’Union européenne, susceptibles d’intéresser les avocats français.

Enfin, dans le but de faciliter votre venue dans nos locaux à Bruxelles, vous trouverez toutes les informations pratiques et utiles (indica-tions d’itinéraires, logements).

Nous vous invitons à parcourir notre site afin de découvrir ces rubriques: http://www.dbfbruxelles.com

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DELEGATION DES BARREAUX DE FRANCELES AVOCATS FRANÇAIS À BRUXELLES POUR LE DROIT COMMUNAUTAIRE

DELEGATION DES BARREAUX DE FRANCE

Créée le 1er janvier 1993 à l’initiative du Bâtonnier du Granrut, la Délégation des Barreaux de France est le bureau à Bruxelles duBarreau de Paris, de la Conférence des Bâtonniers et du Conseil National des Barreaux. Présidée par Dominique Voillemot, avocataux Barreaux de Paris et de Bruxelles et dirigée par Cyril Sarrazin, avocat au Barreau de Paris, la Délégation des Barreaux de Franceest au service des Barreaux français et des avocats qui y sont inscrits pour toutes informations et questions juridiques portant sur ledroit communautaire:

UN SOUTIEN EN DROITCOMMUNAUTAIRE

La DBF est à la disposition des Avocats français pour les aider à intro-duire davantage de moyens de droit et de procédure communautaire,dans le cadre de leurs dossiers. Ainsi, à sa demande, la DBF fait desrecherches approfondies dans le domaine souhaité par l’Avocatdemandeur et lui fournit une note objective et explicative des élé-ments communiqués.

UNE INFORMATION RÉGULIÈREEN DROIT COMMUNAUTAIRE

La DBF développe différents supports d’informations communau-taires:

L’Observateur de Bruxelles présente tous les trois mois une revuedétaillée de l’évolution du droit communautaire (sur abonnement).

L’Europe en Bref propose chaque vendredi soir un télégramme syn-thétique des nouvelles juridiques, économiques et politiques euro-péennes (gratuit par E-mail).

Les guides pratiques de la DBF sont des publications techniquesque la DBF met à la disposition des Avocats sur des questions de droitcommunautaire.

UNE CELLULE DE VEILLESUR LE DROIT COMMUNAUTAIRE

La DBF est également chargée par le Barreau de Paris, la Conférencedes Bâtonniers et le Conseil National des Barreaux de suivre les travaux développés par les institutions communautaires en relationavec la profession d’Avocat et d’indiquer aux Institutions respon-sables la position du Barreau de Paris, de la Conférence des Bâtonnierset du Conseil National des Barreaux.

DES SEMINAIRES EN DROIT COMMUNAUTAIRE

Pour 2005

• LES ENTRETIENS COMMUNAUTAIRES

Ces manifestations consistent en une série de conférences organiséessur une journée et concernant des thèmes sensibles de droit commu-nautaire.

1. Quel espace judiciaire pour les citoyens européens? 8 avril

2. Les partenariats public-privé et le droit communautaire 10 juin

3. L’Organisation mondiale du commerce: actualités 7 octobre

4. Derniers développements en droitcommunautaire de la concurrence 9 décembre

• LES SÉMINAIRES-ÉCOLE

La formation en droit communautaire dispensée dans le cadre de cesséminaires a une durée de deux jours et aborde les grands thèmes dudroit communautaire. Elle vise à permettre aux Avocats d’acquérir le«réflexe communautaire».

1. Pratique du droit communautaire des affaires 8-9 juin

2. Pratique du droit communautaire général 27-28 octobre

• LES SÉMINAIRES à la carte

Il s’agit de manifestations organisées en concertation avec un Barreau,un Centre régional de formation professionnelle des Avocats ou uneassociation d’Avocats. Les sujets, date, durée et lieu sont à déterminerd’un commun accord entre le demandeur et la DBF.

Délégation des Barreaux de FranceAvenue de la Joyeuse Entrée, 1

B-1040 BruxellesTél.: 00.322.230.83.31 - Fax: 00.322.230.62.77 - E-mail: [email protected], Site: http://www.dbfbruxelles.com

Association internationale de droit belge - TVA intracommunautaire: BE457-708-158