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Perception de la performance des organisations
publiques locales : Une analyse du discours des
citoyens-usagers des municipalités au Cameroun
Axel Dieudonné Mbarga, PhD Enseignant au Département de Gestion Financière et Comptabilité, Ecole
Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales,
Université de Douala, Cameroun
Jean Claude Mbassi, PhD Enseignant au Département de Marketing et Organisation, Faculté des
Sciences Economiques et de Gestion Appliquée,
Université de Douala, Cameroun
Doi:10.19044/esj.2019.v15n22p116 URL:http://dx.doi.org/10.19044/esj.2019.v15n22p116
Résumé
La littérature sur l’évaluation et le pilotage de la performance dans les
organisations publiques montre que les auteurs retiennent des visions
partielles du concept de performance, alors que celui-ci connait des
développements importants depuis des décennies. Cette recherche vise à
cerner les logiques des acteurs qui sont au coeur de la gestion des collectivités
locales d’une part, d’autre part décrire des représentations y afférentes que les
usagers s’en font. Il s’agit de mettre en perspective les critères qu’ils prennent
en compte pour apprécier la performance des municipalités. Pour y parvenir,
une étude qualitative a été réalisée auprès de trente (30) citoyens-usagers des
municipalités au Cameroun. A l’aide de l’analyse de contenu thématique, ce
travail révèle que le concept de performance au niveau local est une notion
plurielle, multidimensionnelle et contingente. Selon les citoyens, la
performance est appréciée au moyen du degré de satisfaction que tirent les
usagers de la consommation des biens et services sociaux de base.
Mots-clés : Performance, organisations publiques locales, citoyens/usagers,
étude qualitative, Cameroun
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Perception of Local Public Organizations'
Performance: An Analysis of Citizens-Users
Discourse in Cameroon's Municipalities
Axel Dieudonné Mbarga, PhD Enseignant au Département de Gestion Financière et Comptabilité, Ecole
Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales,
Université de Douala, Cameroun
Jean Claude Mbassi, PhD Enseignant au Département de Marketing et Organisation, Faculté des
Sciences Economiques et de Gestion Appliquée,
Université de Douala, Cameroun
Abstract
Literature about assessment and management of the performance in
public organizations reveals that some authors’ still partially address this
notion, although there have been significant developments some decades ago.
This paper not only aims at understanding the logics of actors who are in the
forefront of the management of local authorities; but also targets the
description of associated thoughts that the citizens-users may have. It is a
question of bringing to light the criteria taken into account to evaluate the
municipalities’ performance. To this end, a qualitative survey of thirty (30)
citizens-users of municipalities’ in Cameroon has been carried out. Based on
the thematic content analysis, this work shows that performance at the local
level is a pluralistic, multidimensional and contingent concept. According to
citizens, the appreciation of the performance results from the degree of
satisfaction they have after using goods and social services.
Keywords: Performance, Local public organizations, Citizens/users,
Qualitative study, Cameroon
Introduction
Le management public fait l’objet de commentaires contrastés. Il a pris
à ce jour les tournures d’une guerre de religion (Hood, 2005). Pendant que
certains auteurs prennent acte des finalités extraverties et des principes de
régulation spécifique aux organisations publiques pour dénoncer l’importance
en leur sein des dispositifs inventés dans le secteur privé (Gibert, 1998).
D’autres auteurs à l’inverse, insistent sur l’échec de la régulation
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bureaucratique et prennent acte de la performance des organisations privées
pour justifier le transfert de ces méthodes dans les organisations publiques
(Chevalier, 2005). Toutefois, selon Merrien (1999) cette guerre de religion
serait terminée au profit du second bloc d’auteurs. L’administration publique
doit être performante, il faut désormais un Etat efficace et qui minimisera les
dépenses que plusieurs qualifient de bureaucratiques (Percebois, 2006).
La performance des organisations publiques apparaît dès lors de nos
jours comme un des sujets clés dans les recherches et les pratiques des
administrations publiques. Pour Walker et Boyne (2009), la problématique de
la performance de ces entités est une des questions qui définissent le champ
du management public. Les questions essentielles concernent alors les effets
de l’environnement externe, les caractéristiques organisationnelles et le
management de la performance. L’importance accordée au concept de
performance des organisations publiques illustre cette transformation. La
performance en tant qu’idéal vers lequel l’administration tend a vu sa zone
d’influence allant des services publics industriels et commerciaux vers les
administrations régaliennes comme les hôpitaux, les universités ou encore les
collectivités locales. Cette notion est donc le reflet de notre époque. L’on
entend dire qu’il faut être ‘‘performant’’ dans son travail, dans ses études, dans
sa vie familiale, tout ceci a donc conduit au culte de la performance. Ce
concept a fait l’objet de nombreuses recherches et modes
d’opérationnalisation visant à clarifier sa nature, ses dimensions, ses mesures
voire ses déterminants (Sogbossi, 2010 ; Véran, 2008 ; Van der Stede et al,
2006 ; Poincelot et Wegmann, 2005).
Traditionnellement, le concept de performance est polarisé sur le
résultat, mais il est apparu fortement polysémique au point qu’il intègre une
certaine subjectivité (Sogbossi, 2010, Ndangwa et al, 2007). Les questions
d’évaluation de la performance ont alors conduit à un glissement passant des
entreprises privées vers les administrations publiques. A ce sujet,
Bourguignon (1997) rappelle que ce terme, avant d’être adapté pour les
entreprises, s’utilisait initialement dans deux domaines particuliers
notamment le sport et la mécanique. Dès lors, la vision traditionnelle de son
évaluation essentiellement focalisée sur les critères d’efficacité a
progressivement été remise en cause, et une vision multidimensionnelle a été
développée. La performance ne se limite plus alors à l’atteinte des objectifs
économiques et financiers, mais s’étend de plus en plus à la satisfaction des
préoccupations sociétales notamment sociales et environnementales
(Reynaud, 2003). A ce sujet, Saulquin et Schier (2005, p.7) indiquent que la
notion de performance intègre par définition une certaine « subjectivité », dès
lors, « la performance a autant de facettes qu'il existe d'observateurs à
l'intérieur et à l'extérieur de l’organisation. Elle est ainsi définie par ceux qui
vont utiliser l'information. Elle n'a d'importance (de valeur) que par rapport
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à ce que l'utilisateur de cette information va en faire ». Les deux auteurs
ajoutent que la performance reste « une affaire de perception » entre les
individus, ce qui risque d’engendrer des conflits dans des périodes de crises
en raison de la divergence de cette perception. Ainsi, ils concluent que : « Le
concept (de performance) possède autant de significations qu'il existe
d'individus ou de groupes qui l'utilisent. Pour un dirigeant, la performance
pourra être la rentabilité ou la compétitivité de son entreprise ; pour un
employé, elle pourra être le climat de travail ; et pour un client, la qualité des
services rendus. La multiplicité des approches possibles en fait un concept
surdéterminé, et curieusement, il demeure indéterminé en raison de la
diversité des groupes qui composent l'organisation ». Au demeurant, la
performance est fortement une affaire de perception entre les individus et cette
perception peut changer selon les zones culturelles (Olomo, 1987).
Le présent travail qui se situe dans cette approche perceptuelle a pour objectif
de décrire et d’analyser la perception qu’ont les acteurs impliqués dans la
gestion des collectivités locales de la notion de performance particulièrement
au Cameroun. Il s’agit ici de faire ressortir les catégories importantes à prendre
en compte dans l’évaluation de la performance des collectivités locales. Pour
y parvenir, cinq points sont présentés. Après les propos introductifs (1), les
contours de la littérature relative aux considérations théoriques du concept de
performance sont abordés (2), ensuite les choix méthodologiques effectués
(3), une exposition des résultats (4) et enfin la discussion des résultats est
effectuée tout en tirant les conclusions et les contributions de la recherche(5).
Revue de la littérature
Pour toute recherche sur la notion multidimensionnelle de
performance, des clarifications et précisions s’avèrent nécessaires tant sur sa
définition et sa mesure en contrôle de gestion que sur son glissement dans la
sphère des organisations publiques.
Définition et mesure du concept polysémique de performance
Le terme de « performance » a suscité de larges débats dans la
littérature en contrôle de gestion. Cela peut être dû à l’ambigüité et à la
diversité des sens qu’on peut lui donner selon le contexte. Dans l’acception
commune, la performance désigne un « exploit », un « succès ». Être
performant c’est être compétitif, c’est atteindre des résultats supérieurs à
d’autres personnes, d’autres individus par rapport à des objectifs préétablis.
Bouquin (2004) rappelle qu’en français, le mot désigne l’idée d’une
réalisation d’exception, alors qu’il est utilisé en contrôle de gestion qu’en
référence à son sens en anglais pour désigner un résultat. Ce résultat sert en
premier lieu à comparer les réalisations aux attentes ou prévisions.
Récemment, cette notion a fait l’objet de nouveaux débats sur sa définition.
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Deux visions différentes sont ainsi développées. La première critique
l’utilisation de ce terme qui était uniquement relatif aux indicateurs de coûts
et de rentabilité à court terme en militant en faveur de l’introduction d’autres
mesures de fonctionnement. La deuxième critique voulait « mettre en avant
une version plus actualisée de ce que l’on nommait l’excellence dans les
années 1980 » (Bouquin, 2004, p.62), et revenir ainsi à la vieille connotation
française de la performance. Le contrôle de gestion considère la performance
comme « l’impact qu’a une activité, un centre de responsabilité, un produit,
etc., sur la performance globale de l’entreprise » (Bouquin, 2004, p.62). Il
propose une représentation détaillée de la performance, comme un processus,
décomposé en trois éléments : l’économie, l’efficience et l'efficacité.
Bouquin définit ensuite les éléments de ce processus comme suit :
l’économie consiste à se procurer les ressources au moindre coût ; l’efficience
consiste en la maximisation de la quantité obtenue de produits ou de services
à partir d’une quantité donnée de ressources. L’efficacité est le fait de réaliser
les objectifs et finalités poursuivis. Mesurer la performance revient donc à
mesurer les trois dimensions qui la composent.
Cependant, d’autres définitions du concept en contrôle de gestion ont vu le
jour. Bourguignon (1997, p.934) propose par exemple une définition du terme
performance en contrôle, et le considère « comme la réalisation des objectifs
organisationnels quelles que soient la nature et la variété de ces objectifs.
Cette réalisation peut se comprendre au sens strict (résultat, aboutissement),
ou au sens large d’un processus qui mène au résultat (action) ».
Le concept est donc polysémique, même en contrôle de gestion.
Burlaud et Simon (2006) montrent que la vision de la performance chez les
contrôleurs de gestion a évolué avec le temps, elle est alors au cœur des
processus dudit contrôle. Elle renvoie implicitement aux hypothèses et aux
préceptes du contrôle de gestion, notamment celles de l’évaluation et de la
réalisation d’une action préétablie. Cette action sera évaluée en fonction des
objectifs qui lui étaient assignés. Cette acception amène à considérer qu’il
n’existe point de performance si l’on ne définit pas, au préalable des objectifs
chiffrés et des ressources employées. Les ressources consommées représentent
le « coût » de l’action et la « valeur » renvoie à la satisfaction des besoins
sociaux. Dans cette perspective, Lorino (2003, p.11) définit la performance
comme « le déploiement du couple valeur-coût dans les activités de
l’organisation ».
Les organisations publiques déploient le plus souvent d’énormes
ressources pour l’atteinte des objectifs en vue de la création de la valeur
publique. Dès lors, l’évaluation de la performance au sein des entités
publiques devient une nécessité.
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Intégration du management de la performance dans les collectivités
locales
Deux types d’arguments sont généralement avancés pour justifier le
recours à la mesure de la performance dans le secteur public (De Bruijn, 2002 ;
Behn, 2003). D’abord les qualités génériques des systèmes de mesure et de
pilotage de la performance (SMPP), ensuite les avantages spécifiques ou
particuliers des SMPP dans le secteur public. Selon Osborne et Gaebler
(1992), les bénéfices importants provoqués par la mesure de la performance
dans le secteur privé peuvent aisément être obtenus dans le secteur public. Par
conséquent, les auteurs prolongent ce que Greiling (2006, p.1) surnomme le
‘mentra’ d’Osborne et Gaebler repris par Guenoun (2009, p.199) présenté en
ces termes :
- Si on ne mesure pas ses résultats, il est impossible de distinguer un succès d’un échec.
- Si vous ne pouvez identifier un succès, vous ne pouvez pas le récompenser.
- Si vous ne pouvez récompenser un succès, vous récompensez très probablement un échec.
- Si vous ne pouvez identifier un échec, vous ne pouvez pas le corriger. - Si vous pouvez présenter vos résultats, vous pouvez conquérir
l’adhésion des usagers.
Cette conception est alors assez proche du modèle développé par
Bouckaert et Halligan (2008) qualifié de modèle rationnel de la décision pour
qui, la transparence interne accrue apportée par les SMPP est à la source de
toutes les améliorations organisationnelles. La justification de l’utilisation des
indicateurs de performance dans le secteur public est donc manifeste par un
constat simple que les organisations privées utilisent des indicateurs de
performance et sont plus efficientes que les organisations publiques (Behn,
2003). Cette mesure de la performance est censée favoriser l’autonomie de
l’organisation (De Bruijn, 2002).
D’autres justifications de l’intérêt de la mesure de la performance des
entités publiques évoquent des avantages spécifiques et particuliers liés au
secteur public lui-même. Pour Rochet (2004) et Mongbe (2007), l’argument
le plus fondamental renvoie à la dimension démocratique de la mesure de la
performance. Il s’agit en effet d’un côté, de rendre le pouvoir aux représentants
des citoyens en renforçant le pouvoir du parlement en matière budgétaire et
d’un autre côté, de mettre sous pression les organisations publiques, et de
donner un droit à l’information aux citoyens (Bouckaert, 2003)7. Aussi, dans
7 En effet, une série de dispositions intégrées dans les réformes budgétaires notamment :
comptabilité par destination, publication de rapports d’activités librement consultables est
censée améliorer la lisibilité des budgets, l’information du citoyen et la transparence des
organisations publiques.
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une perspective plus instrumentale, la mesure de la performance est-elle
censée améliorer les choix des consommateurs de services publics, surtout en
matière de choix des services publics. La mesure de la performance permettra
donc une sorte de comparaison des services entre eux et conduira les usagers
à des choix éclairés (Talbot, 2005, p.498). Selon Emery (2006), un autre
argument en faveur du développement du management de la performance dans
le secteur public découle du paradigme de la qualité8. Dans cette logique, les
organisations publiques confrontées aux usagers de plus en plus exigeants et
constitués en associations de défense de leurs droits (consuméristes), doivent
s’engager sur un niveau de qualité de service délivré.
Sur la base des précédents arguments, l’intérêt de la mise en exergue
de la mesure de la performance au sein des organisations publiques n’est plus
à démontrer. Cependant, une adaptation de la conception de la performance au
sein des municipalités est souhaitable.
Les débats théoriques et controversés du management de la performance
dans les organisations publiques
En effet, la problématique de la performance des organisations
publiques est une des questions qui définissent le champ du management
public en ce début du 21ème siècle (Walker et Boyne, 2009). La performance
est donc l’objectif central des réformes administratives menées partout dans le
monde (Van Dooren, 2006, cité par Guenoun et Saléry, 2009, p.893). Les
questions essentielles concernent alors les effets de l’environnement externe,
des caractéristiques organisationnelles et même du management de la
performance. Ce concept fourre-tout, loin d’être neutre, accompagne la
diffusion à l’échelle planétaire du corpus anglosaxon du New Public
Management (Boyne, 1996 ; Guenoun et Saléry, 2009), où les idées forces
consistent à focaliser l’attention sur les outils et instruments de gestion. En
matière de mesure de la performance, le modèle du NPM en ce qui concerne
le rapport Etat-collectivités locales se caractérise par une politique
d’imposition de référentiels de mesure de la performance au sein des entités
locales par l’Etat (Boyne, 2002 ; Padovani et Scorsone, 2009)9. Talbot (2006)
8 Pour Bouckaert (2006 : 12), la qualité est aussi bien une dimension importante de la
performance publique qu’un moteur du développement des systèmes de mesure de la
performance. 9 Les auteurs ont proposé un cadre d’analyse visant à permettre la prise en compte du contexte
de la mesure de la performance composé de trois dimensions ; le régime de la performance
qui concerne la structure et l’influence des organismes de normalisation qui imprègnent les
systèmes de mesure de la performance développés au niveau des gouvernements locaux. La
nature des relations intergouvernementales qui suppose d’identifier la manière dont les
gouvernements locaux, nationaux et autres interagissent et l’axe mesure de la performance
qui s’organise selon la logique retenue par le gouvernement dans le contrôle de sa performance
et l’atteinte des objectifs stratégiques.
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a plutôt montré à l’inverse une simple relation hiérarchique ‘‘principal/agent’’
entre les gouvernements. Selon lui, il existe une multitude de principaux
(services gouvernementaux, ministères fonctionnels, parlements, organes
d’audit, organes d’inspection et de régulation, organes judiciaires, institutions
professionnelles et usagers, etc.) qui peuvent être associés à la définition du
contexte dans lequel un gouvernement ‘‘agent’’ s’engage dans le
développement et l’adoption d’un système de mesure de la performance.
Chacun de ces acteurs peut être habilité à discuter et à imposer l’utilisation des
mesures de performance pour l’ensemble du gouvernement local ou alors pour
certaines de ses compétences (Talbot, 2003). Cette analyse reste cependant
sommaire dans le contenu et peut être complétée à l’aide du cadre proposé par
Bouckaert et Halligan (2008) pour qui, le management n’est pas qu’une affaire
de mesure. Ils vont donc proposer une approche plus systémique de la
performance et définir le management de la performance comme l’articulation
de trois séries d’activités : la mesure de la performance, l’incorporation des
mesures de la performance et l’utilisation des informations produites.
Guenoun et Saléry (2009, p.895) en joignant de multiples travaux notamment
de Padovani et Scorsone (2009), de Bouckaert et Halligan (2008); obtiennent
un cadre à la fois contextuel, descriptif et dynamique du management de la
performance publique locale.
De nombreux modèles de gestion de la performance publique inspirés
des théories de gestion de la performance des entités privées ont été
développés (Hood, 1995 ; Pollit et Bouckaert, 2004). Cependant, compte tenu
des spécificités du secteur public caractérisé par la double fonction de
production et de l’aspect multidimensionnel des finalités poursuivies, des
ajustements s’imposent quant à la mesure de la performance (Carassus et al.,
2012, p.4 ; Carassus et al., 2014). La performance dans ce cadre se définit
alors par des indicateurs multi-critères et multi-acteurs (Dohou et Berland,
2007, p.10). Elle se fonde à la fois sur les indicateurs financiers et non
financiers (Reynaud, 2003, p.10 ; Capron et Quairel-Lanoizelée, 2006 ; Baret,
2006, p.2 ; Saulquin et Schier, 2005). Les réflexions sur les indicateurs non
financiers seront alors présentées dans le Balanced ScoreCard (BSC) de
Kaplan et Norton (1992, 1996, 2001). Il y a donc une évolution de la
performance des aspects financiers mesurés pour les actionnaires
(shareholders) au moyen de la théorie de l’agence (Jensen et Meckling, 1976)
vers la performance mesurée pour les stakeholders au moyen de la théorie des
parties prenantes (Freeman, 1984 ; Wood et al., 2018).
Le Balanced ScoreCard comme modèle d’évaluation de la performance
dans les collectivités locales
Le BSC est une combinaison de mesures financières et opérationnelles
classées selon quatre axes notamment : les résultats financiers, la satisfaction
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des clients, les processus internes et l’apprentissage organisationnel. Dans la
conception du BSC, l’axe apprentissage organisationnel permet de développer
les compétences humaines qui induisent une amélioration de la productivité et
la qualité des services (axe processus internes), ce qui va contribuer à la plus
grande satisfaction des clients (axes clients) et servir au final les objectifs
financiers de l’organisation (axe financier). La principale limite formulée vis-
à-vis du BSC est qu’il reste orienté sur le résultat économique, financier et ne
permet pas véritablement une évaluation de la performance non financière
plutôt mesurée dans le cadre des organisations publiques. Le BSC va donc
faire l’objet de nombreuses recherches et progressions en vue de conduire à
une meilleure évaluation de la performance (Germain et Gates, 2007).
Kaplan et Norton ont développé en 1992 le BSC classique dont le rôle
ne s’est pas limité à la mesure de la performance, mais au pilotage stratégique.
Tour à tour, ils ont développé le BSC prospectif en 1996 et le BSC évolué de
2001 qui intègrent la capacité de la firme à être citoyenne. En considérant que
la firme doit faire partie intégrante de la mesure de la performance, ceci sera
matérialisé par les indicateurs sociétaux sur l’axe ‘‘Processus internes’’ et par
l’extension de l’axe ‘‘Clients’’ à tous les partenaires de l’entreprise. De
nombreuses recherches vont donc tenter de prolonger les travaux de Kaplan et
Norton et dans cette perspective, Hockerts (2001) proposera le ‘‘Sustainability
BSC’’, Bieker (2002) fera passer cet outil de quatre à cinq axes avec
l’introduction de l’axe ‘‘Société’’. Par la suite, Supizet (2002) suggère le
‘‘Total BSC’’ qui suppose six relations causales entre les parties prenantes
notamment : les actionnaires, les clients, les usagers de l’entreprise en tant que
personne morale, les partenaires, le personnel et la collectivité. Malgré ces
évolutions, la mesure d’une performance globale reste assez préoccupante.
Cette problématique est encore plus préoccupante lorsqu’il s’agit de
l’évaluation des performances des organisations publiques comme les
communes.
Les particularités du BSC dans l’évaluation de la performance
semblent le rendre plus compatible avec les spécificités du secteur public.
Compte tenu de ce que les organisations publiques ne recherchent pas
principalement la rentabilité des capitaux investis, l’articulation entre
indicateurs financiers et non financiers mise en exergue dans le BSC le rend
plus apte à la mesure de la performance dans les structures publiques locales.
A cet effet, quelques auteurs ont tenté des adaptations du BSC au secteur
public (Aidemark, 2001 ; Mc Kendrick et Hastings, 2002 ; Moullin, 2006 ;
Farneti, 2006 ; Chauvey, 2006 ; Chapet, 2007). Dans cette perspective,
Moullin (2002, p.6) va développer le ‘‘Public Sector ScoreCard’’ censé
améliorer la qualité de service. L’auteur va donc proposer d’ajouter une
dimension nouvelle d’évaluation de la performance en vue d’apprécier la
satisfaction des usagers/consommateurs de services publics. Cet axe sera
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qualifié d’axe ‘‘Usagers/Parties Prenantes’’. Le PSS aménagé qui comporte
alors cinq axes sera appliqué dans certaines entités du secteur hospitalier, des
transports et dans une collectivité locale britannique (Moullin, 2006). Chapet
(2007) propose lui aussi cinq axes10 et recommande d’identifier une partie
prenante pour chacun des axes car, cette mise en cohérence axe de
performance/partie prenante est censée favoriser l’alignement de ces axes sur
les attentes et aspirations des parties prenantes. Farneti (2006) va développer
un BSC pour les collectivités locales italiennes et proposera de remplacer l’axe
‘‘Clients’’ de Kaplan et Norton par l’axe ‘‘Citoyens’’. Au final, il est assez
difficile d’apprécier la performance dans les organisations publiques locales
en termes de part de marché, de résultat économique ou financier, car les
résultats dans les municipalités paraissent intangibles et diffus.
L’Etat a donc su se doter depuis toujours d’indicateurs de mesure de la
performance des affaires publiques (Khulmann, 2010, p.3). Kaufmann et al.
(2005) vont tenter de déterminer les facteurs clés de la performance des villes.
La performance des villes a été appréciée par l’accès et la qualité des services
publics délivrés. Les auteurs mettent donc en évidence une relation non
linéaire entre la taille, le type de ville et la performance. Les très grandes villes
(les villes capitales et les villes portuaires) apparaissent potentiellement peu
performantes car elles offrent difficilement un bon accès aux services tels que
la gestion des égouts, l’accès à l’eau potable, à l’électricité, au téléphone et la
qualité des infrastructures de base (Kaufmann et al., 2005, p.37).
En revenant, dans le contexte du Cameroun, il faut relever qu’il existe
très peu d’études sur les municipalités. Avelé et Bikourane (2016), Avelé et
Nyengué Edimo (2015), Avelé (2013a ; 2013b ; 2013c) dans la perspective de
recherche sur les effets des outils de contrôle de gestion sur la performance
des services publics locaux démontrent qu’il existe un lien entre les facteurs
de contingence structurelle et comportementale et la performance des
municipalités camerounaises. Les auteurs attestent qu’il existe un lien positif
entre la participation budgétaire et la performance des services publics
municipaux. De plus, ils observent que : « plus la structure municipale est
décentralisée, mieux l’on réalise les objectifs de performance de l’institution
communale ». Ce résultat rejoint les hypothèses de la théorie des choix publics
qui suggèrent que la performance publique est élevée si les administrations
centrales sont déconcentrées et fragmentées. Selon cette théorie, les grandes
organisations centrales sont par essence insensibles et irresponsables aux
besoins et attentes de leur public, elles sont alors inefficaces et échouent
considérablement à l’atteinte de leurs objectifs formels. Dans le même sens,
Avele (2013c), Avelé et Bikourane (2016), Avelé et Nyengué Edimo (2015)
10 Il distingue les axes suivants : finalités, réalisations, processus, contributions et
compétences.
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obtiennent des résultats proches de ceux de Boyne (1996) et de Gray et Jenkins
(1995). Boyne (1996) à partir des données sur six collectivités locales va tester
l’hypothèse du NPM selon laquelle il existe une relation négative entre
l’échelle du service public et la performance. Les auteurs montrent que les
plus petites unités publiques locales ou décentralisées sont plus performantes.
Quant à Gray et Jenkins (1995, p.86), les nouvelles théories du management
public, dans leur unicité attaquent le modèle bureaucratique traditionnel de la
structure administrative en préconisant l’efficacité à travers les formes de
décentralisation qui permettent une évaluation plus large de la performance.
Sur la base de ces développements, la principale proposition de ce travail est
que : « La performance dans les collectivités locales est une réalité plurielle,
multidimensionnelle et contingente en contexte du Cameroun ».
Méthodologie adoptée pour l’évaluation de la performance des
municipalités
Ce point ambitionne de justifier le choix de l’étude qualitative et de
préciser dès lors les outils et techniques retenus pour le recueil et l’analyse des
informations dans le cadre de cette recherche. A partir des entretiens effectués
auprès des représentants des citoyens/usagers (les chefs de quartier, chefs de
bloc et chefs de village), cette étude vise à enrichir la construction du concept
de performance des institutions communales.
Des entretiens ont été réalisés auprès des acteurs impliqués dans la
gestion des municipalités principalement les représentants des
citoyens/administrés en tant qu’auxiliaires des conseils municipaux et porte-
parole des populations. De plus, ces autorités traditionnelles sont au cœur de
la régulation de la société dans leur territoire géographique de compétence. Il
s’est agi d’aller vers ces personnalités qui connaissent mieux les attentes,
besoins et aspirations des populations à la base afin de recueillir leurs avis sur
la conception qu’ils se font du concept de performance d’une collectivité
locale. Les personnes interrogées sont issues des collectivités locales des
régions du Centre et du Littoral, Yaoundé et Douala. Au final, 30 personnes
ont été interviewées dont quatre femmes et vingt-six hommes. Par ailleurs, le
principe de saturation sémantique a été retenu quant au choix du nombre de
personnes à interviewer (Romelaer, 2005). ces entretiens ont été effectués par
les auteurs et en vue de préserver l’anonymat, les noms et fonctions des
personnes interviewées n’ont pas été mentionnés. Toutes les informations ont
été collectées au moyen d’un guide d’entretien11 déposé à l’avance auprès des
interviewés et des entretiens semi-directifs d’une durée moyenne d’environ 50
minutes, d’un minimum de 35 minutes et d’un maximum de 2 heures environ
ont été administrés.
11 Les entretiens ont été effectués sur la base d’un guide d’entretien qui est consigné en annexe.
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Enfin, le logiciel NVivo a été choisi en ce qu’il permet l’analyse des
données à travers un système de classification et de rangement de
l’information. D’où, une analyse de contenu thématique a été effectuée en ce
sens qu’elle permet d’aller au-delà de la simple prise en compte de
l’occurrence mais bien plus en privilégiant « la valeur du thème » en vue de
souligner son importance (Ben Zekri et Zaiem, 2016). La perception de la
performance par les administrés va conduire à une certaine représentation de
la réalité au moyen des éléments tangibles ou intangibles susceptibles
d’entrainer la formalisation d’une grille d’évaluation des performances des
collectivités locales dans le contexte du Cameroun.
Résultats
L’objectif poursuivi ici est de mettre en exergue la perception qu’ont
les interviewés du concept de performance dans les collectivités locales.
L’analyse de contenu thématique des résultats issus des entretiens semi-
directifs montre que la performance dans l’ensemble, est appréciée en termes
de satisfaction des attentes des populations par la mise à leur disposition des
infrastructures susceptibles d’améliorer la qualité de la vie. Dans cette veine,
les codes de perception de la performance ont été mis en exergue dont la
synthèse est proposée dans le tableau ci-dessous : Tableau 1: synthèse des résultats de l’étude qualitative
Catégories Nombre de
citations
% de
citations
Nombre
d’entretiens
Routes 67 23,59% 30
Electrification 48 16,90% 30
Adduction en eau 43 15,14% 30
Salubrité (bacs à ordures, toilettes, etc.) 22 07,75% 17
Etat-civil 19 06,69% 15
Ponts 16 05,63% 13
Ecoles 15 05,28% 15
Hôpitaux 13 04,58% 09
Hôtels de ville 08 02,82% 08
Espaces de loisir 06 02,11% 05
Signature des documents 05 01,76% 03
Aides sociales (handicapés et nécessiteux) 04 01,41% 02
Partenaires externes au financement 04 01,41% 03
Marchés 04 01,41% 04
Finances propres à la commune 03 01,06% 01
Funérarium cimetière 03 01,06% 02
Emprunts externes 02 00,70% 02
Parcs d’engins 02 00,70% 01
Total de la catégorie 284 100,00% ///
Source : entretiens avec les représentants des populations locales
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Discussions
Les résultats consignés dans le tableau 1 présentent la réalité
contextuelle des préoccupations des acteurs impliqués dans le management
des collectivités locales qui définissent la performance d’une municipalité en
termes de satisfaction des citoyens/usagers désormais clients. L’on peut alors
relever que pour les bénéficiaires des services publics municipaux, la
performance combine les éléments tangibles à ceux non tangibles et l’offre en
infrastructures sociaux de base est essentielle en matière d’évaluation de la
performance. La performance est définie à partir d’un certain nombre
d’indicateurs regroupés en plusieurs dimensions. Ces populations, en tant que
partie prenante influente (Wood et al., 2018) dans la gestion de l’institution
communale font ressortir le caractère pluriel du concept. La performance des
collectivités locales renvoie alors aux infrastructures de base, à la capacité de
la commune à mobiliser les ressources financières et à la qualité du service
public.
Offre et accès aux infrastructures sociales de base comme dimension
tangible de la performance
Le tableau 1 fait ressortir une multitude de critères de mesure de la
performance par les citoyens-usagers des municipalités. L’analyse des
fréquences d’apparition des thèmes révèle que douze des dix-huit critères
d’évaluation de la performance renvoient à la satisfaction des populations en
matière d’offre en infrastructures de base. Les citoyens-clients interviewés
reconnaissent tous la nécessité des infrastructures telles que ; les routes,
l’électrification et l’accessibilité à l’eau potable qui obtiennent une forte
occurrence dans le discours de tous les interviewés. De plus, ils relèvent à côté
de ces services prioritaires l’importance pour les dirigeants communaux à se
pencher résolument sur les questions de salubrité, des ponts, des écoles et des
hôpitaux pour ne citer que ceux-là. Les quatre premiers codes (routes,
électrification, eau et salubrité) obtiennent 180 citations environ 65% des
citations totales relevées dans le discours des interviewés. C’est dire que,
l’accroissement et l’amélioration de l’offre en infrastructures sociales par les
communes est gage de la plus grande satisfaction des populations car ces biens
agissent sur la qualité de la vie en matière d’éducation, de santé, de
communication, etc. Dès lors, une commune qui offre des infrastructures de
qualité à ses populations locales est perçue comme étant performante. Cet état
de choses transparaît également dans le discours de certains interviewés :
« Oui il y a par exemple le maire qui œuvre pour l’éclairage public en
distribuant les lampadaires » (Entretien, 18). « Dès qu’on a l’électricité, nous
avons la sécurité » (Entretien, 7). « Lorsque les routes sont reprofilées, nous
savons que nos enfants quand ils vont à l’école ne seront pas emportées par
les eaux » (Entretien, 22). « A présent notre maire est à New-York pour
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défendre un projet de construction d’un funérarium, ce qui va éviter les
multiples occupations des emprises sur la voie publique pour deuil »
(Entretien, 15). Au demeurant, quoique la dimension infrastructurelle soit très
importante dans l’évaluation de la performance des collectivités locales ici
appréciée en termes non financiers, il ressort du discours des acteurs qu’il
existe d’autres dimensions qui contribuent à enrichir le concept étudié.
La dimension ressources financières dans l’évaluation de la performance
des municipalités au Cameroun
Les résultats révèlent que plusieurs autres facteurs ou critères
intangibles expliquent la performance perçue des municipalités. En
complément à la première dimension, l’observation de la deuxième dimension
permet de faire ressortir les différentes sources de financement auxquelles les
responsables communaux recourent pour la réalisation des investissements
sociaux. Ainsi, même si les citoyens-clients reconnaissent les difficultés
auxquelles font face les managers municipaux, il existe tout de même des
mécanismes auxquels ils peuvent recourir en vue d’accroître l’offre en
infrastructure pour une plus grande satisfaction des populations. Trois
éléments permettent de définir cette dimension notamment ; le recours aux
partenaires et particulièrement à la coopération décentralisée, les financements
propres de la commune au moyen de la fiscalité locale et les emprunts
externes. Toutefois, le caractère marginal de cette dimension est mis en
perspective avec seulement 9 références sur 284 pour 3,16%, ce qui est faible
mais susceptible d’avoir un effet indirect sur la satisfaction des administrés
par ailleurs électeurs. C’est dire que cette facette de la performance est aussi
importante car sans ressources, aucun projet de développement ne pourrait être
initié et conduit à terme dans les communes. « Par la coopération
décentralisée, les maires peuvent aussi arriver à faire les dons dans les centres
de santé, et écoles ici chez nous, il y a aussi les handicapés. Et même alors
comment les autres communes font notre maire doit aussi faire le jumelage
avec les mairies étrangères qui accompagnent beaucoup de projets ailleurs
non ; pourquoi pas nous ? » (Entretien, 15).
L’accès aux ressources financières est une préoccupation pour les
citoyens qui sont de plus en plus exigeant sur la quantité et la qualité des
services qui sont offerts par les municipalités. Mais ils reconnaissent que si les
communes mobilisent davantage de ressources, elles pourraient améliorer
l’offre des services sociaux et la satisfaction des populations.
La qualité de service public : un attribut intangible de la performance des
municipalités au Cameroun.
La dernière dimension évoquée par les interviewées renvoie aux facteurs
non tangibles de la performance liés à la qualité de service public. Elle apparaît
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décomposée en trois sous catégories ; les services liés à l’état-civil avec 19
citations chez 15 interviewées, la signature des documents dans les mairies (5
références) et l’assistance sociale au moyen des services susceptibles
d’améliorer le cadre de vie des citoyens (4 références). La multiplicité des
objectifs poursuivis par les collectivités locales ne les met pas dans les
contraintes fortes d’évaluation de la performance sous l’angle financier
comme c’est très souvent le cas dans les entreprises privées. Les citoyens
reconnaissent la grande importance du service d’état-civil pour une mairie en
tant que critère d’évaluation de la performance non financière de ces entités.
Cet état de choses provient du discours des interviewés « Il y a d’abord les
actes d’état-civil parce que la vocation d’un maire c’est de concilier les
éléments de la vie ; la naissance, le mariage et le décès et notre service le plus
sollicité et le plus fréquenté est l’état-civil » (Entretien, 11). « Il y a beaucoup
de choses à faire par exemple on nous a demandé de répertorier les enfants
vulnérables et les orphelins du SIDA, on leur a dit vous irez chercher les dons
chez le chef et ce n’est jamais arrivé » (Entretien, 3).
Au demeurant, il ressort que la performance des municipalités dans le
contexte d’étude est un concept multi-facettes que l’on pourrait évaluer à partir
de trois dimensions en vue d’accroître la satisfaction des principaux
bénéficiaires des services publics locaux.
Conclusion
La principale réflexion dans la présente recherche a consisté à
s’interroger sur les indicateurs de mesure et d’évaluation de la performance
des organisations publiques locales. La performance dans ce cadre ne dépend
pas uniquement des facteurs matériels et tangibles. Cette recherche a mis en
exergue les dimensions non financières de la performance. Elle est relative à
la réalisation des objectifs au plan des investissements en infrastructures, de
financement par la capacité de la commune à mobiliser les ressources
financières et en termes de qualité du service public local.
Les analyses de l’étude qualitative ont permis de faire émerger la
perception que se font les citoyens/usagers du concept de performance. Il en
résulte que cette notion fortement polysémique préserve dans le cadre de cette
recherche son caractère multidimensionnel et contingent. Dès lors, elle vient
approfondir les connaissances au sujet de la performance et y apporte un
éclairage nouveau. Elle contribue à ce débat en permettant d’aller au-delà de
l’unique indicateur synthétique d’atteinte des objectifs de performance de la
commune comme le proposent les travaux d’Avelé (2013a, 2013b, 2013c). De
plus, elle se situe dans une approche non pas sectorielle mais globale en ce
qu’à la différence de Sotamenou (2010) qui évalue la performance des
collectivités locales en ce qui concerne la gestion des ordures, la présente
recherche s’intéresse à l’ensemble des activités de l’institution communale.
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En ce sens, elle fournit trois indicateurs spécifiques, contextuels d’analyse et
d’évaluation de la performance des communes. La principale contribution
théorique de ce travail réside alors sur le fait qu’il propose une nouvelle grille
de mesure et d’évaluation de la performance des communes camerounaises
sur la base de trois dimensions : la dimension d’atteinte des objectifs
d’investissement en infrastructures de base, celle de financement au moyen de
la mobilisation des ressources ou de leur allocation et la dimension de la
réalisation des objectifs de service public.
Par ailleurs, la principale faiblesse de ce travail réside sur son caractère
exploratoire, ce qui exige une certaine réserve quant à la mobilisation des
informations que dans leur interprétation. De plus, pour apprécier le niveau de
performance des collectivités locales, une étude à partir des données observées
sur une période plus longue et sur un nombre encore plus élevé de communes
pourrait donner plus de crédibilité à la présente recherche.
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