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Rapport du Bâtonnier de l’Ordre National des Avocats sur la Justice (Novembre 2009)

Partout où il existe une organisation sociale, il y’a des individus qui la menacent par leurs actes contraires aux lois en vigueur et des institutions pour les réprimer ou les en dissuader.

Le débat au sujet des crimes et châtiments est classique,Pour certains criminologues et sociologues le châtiment est un mécanisme important par lequel la société conserve son équilibre moral en infligeant des châtiments mérités à ceux qui ne respectent pas les droits et la dignité d’autrui, de tels théoriciens prétendent que les délinquants doivent être sévèrement punis pour que la société soit protégée.

Pour d’autres criminologues en revanche, les délinquants sont victimes de forces sociales, économiques et psychologiques dans la société et que celle-ci doit donc, en vertu de sa responsabilité morale, faire amende honorable en traitant les délinquant avec compassion et compréhension afin de les sauver et de les aider à se réinsérer.

En tout état de cause et quelle que soit la position adoptée, la peine qu’elle soit châtiment, instrument de dissuasion ou moyen de correction du comportement, doit tenir compte des droits fondamentaux et de la dignité de la personne humaine. En effet, depuis l’adoption quasi universelle des peines privatives de liberté comme mode de régulation cette sanction elle-même a connu une évolution extraordinaire qui a bouleversé non seulement ses modalités, mais également ses fondements et ses finalités.

La conception moderne de la peine privative de liberté ne la considère plus comme une fin en soi mais en tant que moyen permettant le traitement intra-muros du délinquant, en vue de le réinsérer dans le processus social en mouvement.

C’est avec cette idée à l’esprit que l’Ordre National des Avocats a mené une mission conduite par le Bâtonnier les 18,19 et 20 octobre 2009 dans les prisons particulièrement la prison de Dar Naim.

Les données statistiques indispensables à l'étude sont inexistantes ou quasi inexistantes. Cette situation résulte de plusieurs facteurs dont une absence de coordination entre les différentes administrations concernées à ce niveau. L'élaboration de statistiques partielles, voire sectorielles, l'utilisation de paramètres différents, le manque de circulation de l'information sont autant de facteurs qui hérissent de difficultés le cheminement de la recherche.

Il se peut que les donnés que nous avons recueillies ne soient pas, toutes, fiables. Néanmoins, nous avons pu faire quelques constats dont nous livrons dans le présent rapport quelques éléments.

Santé

Le droit à la santé est un droit fondamental chaque être humain a droit à la santé, y compris naturellement les personnes détenues.

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Une personne privée de sa liberté dépend de l’administration pour l’ensemble de ses besoins et ne contrôle plus ses conditions de vie.

L’administration pénitentiaire doit dès lors mettre en place un système d’accès aux soins acceptable.

Force malheureusement est de constater que les conditions de santé des détenus de la prison de Dar Naim laissent à désirer.

Pour les soins d’usage le personnel médical est insuffisant. Le personnel médical se réduit à un infirmier peu disponible et un médecin rarement sur place : ajoutez à cela le manque cruel de médicaments et d’équipements.

Un suivi sanitaire plus personnalisé s’impose, cela concerne en particulier :- Des diabètes qui réclament des contrôles qu’ils n’ont pas fait depuis longtemps (RP/78/2009), - Des malades atteints de maladies infectieuses et/ou contagieuses ne sont pas traités, ni mis en quarantaine (il y a lieu d’y procéder d’urgence, c’est l’exemple de Ahmed Ould Lebchir détenu depuis 1999),- La toxicomanie (exemple du détenu Sidi Mohamed Ould Ntahah),- Les troubles mentaux (exemple Mohamed Ould Soueydahmed, dossier RP/37/2002) et les crimes sexuels, - Les détenus asthmatiques vivent avec les fumeurs exemple (Abdellahi Ould Verrah dossier RP/151/2008, Brahim Ould Ahmed dossier RP/802/2009)

Pour les délits qui peuvent nécessiter un traitement médical du délinquant des psychiatres et des psychologues sont associés, dans toutes les prisons du monde au travail des juristes.

La situation sanitaire et le personnel affecté sont loin de répondre aux normes il y’a lieu de prendre des mesures concrètes et urgentes avec le ministère de la santé, cette question ne peut attendre plus que quelques jours.

La population carcérale a le droit aux soins comme tous les citoyens. Le journaliste Hanefi demande à faire un contrôle de cholestérol. Il doit en bénéficier.

Les lieux sont insalubres et sont un élément de plus d’inquiétude sur la santé des détenus alors que les règles internationales soulignent clairement que les conditions de détention ne doivent pas constituer un châtiment additionnel à la privation de liberté ou aggraver la souffrance causée par l’emprisonnement

Contacts avec les Avocats

Le contact avec un avocat est probablement l’une des toutes premières protections contre les atteintes aux droits de l’homme mais c’est également la reconnaissance de l’existence du détenu en tant qu’entité juridique à part entière.

D’après les règles minima un prévenu est autorisé à recevoir la visite d’un avocat pour les besoins de sa défense il doit également avoir la possibilité d’écrire et de faire passer à son avocat les communications confidentielles les entretiens avec l’avocat doivent être hors de portée d’oui des surveillants mais peuvent se dérouler sous leur contrôle visuel.

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C’est ainsi que nous réitérons notre demande pour affecter un lieu convenable pour l’entretien des avocats avec les détenus.

Un procès verbal d’une réunion de l’Ordre National des Avocats avec la direction des affaires pénitentiaires a déjà il y’a presqu’une année souligné l’importance et l’urgence de cette question que la DAPAP s’est engagée à réaliser dans les meilleurs délais

Il est urgent d’y procéder en respectant les normes (un lieu sous le contrôle visuel des gardes, s’ils le souhaitent, mais pas leur contrôle auditif.

La réinsertion

La mission de réinsertion fait défaut dans la prison de Dar Naim.

Les détenus sont privés de formations et ne bénéficient point d’activités culturelles et sportives.

Il revient à l'administration pénitentiaire de prendre en charge les délinquants condamnés et les faire transiter par les différentes étapes d'un processus de réadaptation qui devrait leur permettre de retrouver une vie normale en société, débarrassés enfin de leur caractère déviant ou agressif.

L’Administration pénitentiaire doit mobiliser tous les moyens disponibles et oeuvrer, aux côtés d’autres instances, pour transformer la période d’emprisonnement en une chance de qualification du détenu aux niveaux professionnel, éducatif et psychologique, partant du principe que l’établissement pénitentiaire est, avant tout, une institution de requalification, de formation et de réinsertion, et non pas uniquement un moyen de coercition.

Selon les Règles Internationales les activités doivent viser à aider le détenu à se réinsérer en lui offrant des occasions de développer un savoir faire

La direction de l’administration pénitentiaire doit prendre mieux conscience de ce que les services de prisons sont des services sociaux indispensables et doivent résolument s’engager à financer la réinsertion des délinquants et l’entretien des bâtiments pénitentiaires. La réinsertion des détenus doit être la priorité il faut que chacun comprenne que l’adage criminel un jour, criminel toujours est tout simplement faux dans la majorité des cas

Certains détenus de Dar Naim ont réclamés des activités culturelles tout en manifestant leur volonté de participer activement à rendre la prison un lieu d’apprentissage et de réinsertion (c’est le cas du prisonnier Ahmed Biha Ould Mohamed Ould Hemmam condamné à 7 ans)Une action urgente doit être entreprise dans ce domaine dans l’immédiat.

Sécurité

La sécurité physique, la santé et dignité des prisonniers ne sont pas sauvegardées.

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Les quartiers de la prison de Dar Naim sont gérés par les prisonniers dans la logique de la violence à laquelle tout le monde doit se soumettre si bien que le climat à l’intérieur est plutôt un climat de terreur.

Il arrive souvent que le prisonnier soit obligé de payer une taxe pour vivre en paix.

Les prisons doivent être, selon les règles internationales, des communautés bien organisées, sans risque pour la vie, la santé ou l’intégrité physique des personnes.

Les détenus et les personnes privées de liberté sont reconnus comme étant particulièrement vulnérables, et donc nécessitant une protection spéciale. La privation de liberté est l’une des atteintes les plus graves aux droits d’une personne et doit par là même être strictement réglementée.

Un effort d’humanisation de la prison s’impose.

Détention préventive

Presque 60% des détenus de Dar Naim sont en détention préventive. La détention préventive consiste en la privation de liberté d’une personne sur décision d’un magistrat ou d’un juge dans le cadre d’une procédure pénale, cette mesure n’a pas pour objet de punir ou de sanctionner le prévenu qui, à ce stade de la procédure est seulement soupçonné d’avoir commis un délit mais elle cherche plutôt à prévenir quelque chose, la fuite ou la répétition du délit supposé dans l’attente du jugement.

La détention préventive peut poser de nombreux problèmes elle peut exposer la personne détenue à des risques de mauvais traitements et elle aggrave le problème de la surpopulation. La détention préventive prolongée fréquente dans les pays manquant de moyens peut porter atteinte à certains droits du prévenu notamment la présomption d’innocence puisque la détention prolongée équivaut souvent à une exécution anticipée de la peine.

C’est pourquoi il est d’usage que la détention préventive soit une mesure exceptionnelle, aujourd’hui elle est plutôt la règle en Mauritanie, avec en grande partie des détentions préventives illégales, c'est-à-dire en violation des textes notamment l’article 138 du code de procédure pénale

Le régisseur de la prison de Dar Naim informe régulièrement (par courriers) le parquet de la situation des détenus préventivement mais le plus souvent sans suite.

Ci après quelques exemples Personnes en détention depuis 2002Sidi Mohamed Ould Issaoui dossier RP 722Oumar Gueye dossier RP/108/2002 venu à Nouakchott de la prison de Kaédi pour des raisons de santé en 2005

Certains détenus préventivement séjournent en prison depuis 2006, quelques exemples   :

Brahim Barry dossier RP/683/2006

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Oumar Ould Alioun dossier RP/1418/2006Dof Ould mbeye RP/1299/2006Alioune Ould Beylil RP/0418/2006 (affaire d’un téléphone portable !!!)Cheikh Ould Ahmed dossier RP/1402/2006 (recel de matelas volés !!!)Malick Ndiaye dossier RP/1418/2006

Quelques exemples de détenus depuis 2007

Bahaida Ould Sidi MohamedHadrami Ould Mohamed (né en 1985) dossier RP/608/2007

Quelques exemples de Détenus depuis 2008

Amadou Sow RP/0669/2008 Abdellahi Ould Jemoua dossier RP/0182/2008Abdellahi Ould Boubakar dossier RP/0182/2008Mohamd Elhacen Ould Bah dossier RP/0041/2008Saad Ould mohamd Mbarek dossier RP/1412/2008 téléphone portable !!!)Abdellahi Ould Verrah RP/151/2008Mouchtaba Ould Mohamed Mahmoud dossier RP/791/2008 (location de voiture tombée en panne !!!)

Nécessité d’une structure indépendante à l’intérieur de la prison

Les détenus ont le droit de porter plaintes sans craindre de représailles ou de censure.

Procédure disciplinaire et procédure de plainte .

L’introduction dans les prisons d’un mécanisme approprié pour répondre aux plaintes des détenus est d’une grande importance pour l’amélioration du statut légal de ce dernier.

Il est essentiel en effet, pour la sécurité de ce dernier, qu’il ait la possibilité de communiquer librement, directement et en toute confidentialité avec une structure indépendante à son écoute.

Dans certains pays il existe un corps d’inspecteurs de prison totalement indépendant du gouvernement (à créer).

En plus, en vertu de la politique de l’équilibre des pouvoirs, un citoyen quelque soit son statut, ne doit jamais être soumis au pouvoir discrétionnaire de quelque organe de gouvernement que ce soit ceci est particulièrement vrai pour les personnes qui sont incarcérées qui se trouvent dans une situation de faiblesse.

Je sais que l’implication de personnes extérieures dans les affaires de prison se heurte souvent à une résistance de la part de l’administration pénitentiaire mais ceux-ci doivent apprendre à l’accepter.

Aussi en attendant la création d’une structure indépendante appropriée l’Ordre National des Avocats souhaite être autorisé à créer un bureau provisoire pour recevoir les plaintes et les doléances des prisonniers, il doit obtenir l’autorisation et les facilités dans des délais très brefs

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Immédiat Il y’a lieu de créer une commission d’urgence composées de représentants de l’ordre des avocats, du parquet et des juges afin d’identifier les détenus pour savoir leur nombre exacte car les magistrats contestent les chiffres de la direction des affaires pénitentiaires.

Cette commission permettra également, sur la base des informations disponibles peu fiables parfois dont celles fournies par le présent rapport d’identifier les détenus et leurs dossiers (beaucoup de dossiers sont perdus pénalisants les détenus concernés.

Surpopulation et Aménagement des quartiers

Conçue pour 300 détenus la prison de Dar Naim héberge aujourd’hui 899 détenus.

De toute évidence étant donné la surpopulation de la prison les prisonniers et détenus sont entassés de façon indécente.

La réduction du personnel et le mauvais état de l’équipement ont forcé les responsables à entasser les détenus dans un petit nombre de quartier.

Par ailleurs il a été constaté lors de la mission que l’affectation des détenus suivant les quartiers n’obéit à aucune logique.

Il se trouve que dans la prison de Dar Naim l’on trouve dans le même quartier des criminels récidivistes dangereux et des personnes arrêtées pour des dettes civiles ou autres infractions mineures.

Il faut qu’il y’ait une séparation stricte des détenus en fonction de leur statut, exemple les détenus préventivement, les condamnés pour des raisons non criminelles.

Etrangers

Une attention particulière doit être accordée aux étrangers souvent vulnérables. (Immédiate)

Libération conditionnelle

Il est constaté que les libérations conditionnelles ne sont plus octroyées à ceux qui en ont droit or cette mesure si elle bénéficierait à ceux qui en ont droit permettra, sans doute, dans la légalité, de diminuer la population carcérale.

Un certain nombre de prisonniers peuvent bénéficier de cette mesure qui se trouve pour l’instant bloquée.

Alimentation

De l’avis de tous les détenus à la prison de Dar Naim ainsi que d’autres observateurs la qualité de l’alimentation est en deçà du seuil acceptable il arrive souvent que le déjeuner ne soit servi que vers 18 heures le soir

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Il n’existe aucun régime pour ceux qui pour des raisons de santé ne peuvent ou ne doivent utiliser le sucre ou le sel par exemple.

Tortures et mauvais traitements

Le manque de formation des surveillants en matière de droit de l’homme est notoire.

La torture est une pratique assez courante dans la prison de Dar Naim notamment sous l’équipe de la garde qui vient d’être changée.

Nous avons constaté lors de la visite quelques cas et reçu beaucoup de témoignages.Oumar Ould Yali RP/714/2006 main casséeAhmed Ould Didi RP/1005/2008 brûlures

Il convient de rappeler que la torture doit être prohibée, le personnel pénitencier doit recevoir une formation en ce sens qui rappelle les obligations de la Mauritanie sur le plan international.

Une Justice Pénale est assez répressive, sévèrement répressive. Voir le cas de ces

jeunes qui ont volé une voiture, je ne dis pas que ce n’est pas grave mais si l’enfant est jeune, s’il n’est pas connu de la police, la partie civile a retiré sa plainte, dans d’autres pays cet enfant aurait été condamné à une peine alternative à l’emprisonnement, une peine avec sursis, avec un suivi par le Juge de sa scolarité, de son évolution, se sentant surveillé, il changera sans doute pour peu qu’on lui accorde cette chance et qu’on lui en offre les conditions.

Chez nous, il est condamné à 7 ans ferme à 10 ans ferme à 3 ans ferme dans une prison sans centre éducatif, c’est inadmissible, c’est sévère très sévère (les cas sont nombreux , RP/900/08 RP/1005/08 , RP/1348/2007).

Ce boucher qui prenait les animaux a crédit et s’est trouvé avec les coupures d’électricité de Septembre 2009 en difficulté pour avoir perdu beaucoup de viande, s’est trouvé avec des dettes chez ses créanciers, vendeurs d’animaux pour 570.000 UM qu’il reconnaît et qu’il est prêt à rembourser, il a même proposé de régler à raison de 150.000 UM/mois et offert sa voiture Laguna, on ne trouve pas mieux que de le jeter en prison dans le quartier des criminels soumis aux même conditions. C’est assez disproportionné, il avait droit à un traitement plus personnalisé et plus simple.

Cet enfant qui a volé un ordinateur portable, il faisait la terminal C au collège de garçon, condamné à 5 ans fermes, sans partie civile, c’est sévère très sévère, disproportionné, démesuré.

Une politique pénale sévère, c’est aussi le parquet qui demande, quasi-systématiquement, le dépôt, fait appel quasi-systématiquement en cas de liberté ou d’acquittement ou de condamnation avec sursis comme si la politique pénale observée par le pays consiste à mettre et garder le maximum de personne en prison, les exemples sont multiples.

Sur un échantillon de 25 dossiers de demande d’ouverture d’informations adressées par le Parquet au Juge d’instruction 19 demandes étaient avec demande de mandat de dépôt.

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Sur un échantillon de 25 dossiers en cours d’instruction avec demande de liberté provisoire, dans 22 cas le parquet s’est opposé.

Sur un échantillon de 25 dossiers dans lesquels le Juge a accordé une liberté provisoire, le Parquet a fait appel dans 21 cas.

Cette politique aveugle, toute répressive, est une politique dangereuse et injuste.

La Justice doit être en mesure de déceler les cas graves et appliquer une politique relativement sévère mais aussi déceler les cas mineurs et y appliquer une politique d’indulgence. Il est dangereux de traiter avec la même sévérité tous ceux qui ont eu la mal chance d’être déférés à la Justice.

Dans ce contexte la défense est souvent mal assurée, l’aide judiciaire est de toute évidence absente, puis les avocats commis d’office le sont par l’intermédiaire de la cour, ils n’ont accès ni au dossier ni aux prévenus, cela me semble de la défense formelle sans grande valeur, l’Ordre des Avocats doit être impliqué dans la commission d’office.

Les détentions arbitraires sont, elles aussi, assez fréquentes.

Il y a actuellement ceux qui attendent qu’on retrouve leur dossiers, ceux qui attendent (en prison) que l’on rédige leurs arrêts, qu’on exécute leur peine (expulsion : RP/258/2008, peines complémentaires comme flagellation), ceux qui sont condamnés à mort, vu que cette peine connaît un moratoire cela ne transforme pas pour autant leur peine en une condamnation à perpétuité, ces questions méritent d’être vues …

Détention arbitraire, elles sont fréquentes, quelques exemples :

Ibrahim Boubou Sarr condamné par la chambre pénale de la Cour d’appel de Nouakchott à six mois de prison ferme, il a entièrement purgé sa peine depuis le 12 Octobre, la décision est devenue définitive car le parquet n’a pas fait pourvoi, jusqu’ à ce jour le concerné séjourne en prison voilà un exemple concret de détention arbitraire que le procureur général refuse d’élargir malgré les demandes des avocats.

Un dysfonctionnement a été constaté du fait que le tribunal correctionnel (qui pourtant est parmi les plus organisés) ne transmets pas après l’audience des extraits des jugements (contrairement à la cour criminelle qui y procède systématiquement) si bien que le régisseur n’a aucune information au sujet du sort des personnes jugées sauf peut être les acquittés ceci doit être amélioré.

Généralités

Interventionnisme

Le grand mal de la Justice est sans doute la corruption mais moi je dirai plutôt l’interventionnisme (particulièrement des juges).

Certains magistrats s’en plaignent, cela crée une grande inégalité de traitement, le

traitement d’un dossier n’est pas le même suivant que tel ou tel juge ou personnalité influente a fait son intervention, du coup ceux qui ne bénéficient pas d’intervention sont de toute évidence les laissés pour compte.

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Indépendances des juges

L’influence remarquée très forte du Parquet sur les Juges d’instructions et les Magistrats du siège est inadmissible, elle doit cesser, il est inutile d’en dresser quelques manifestations tant elle relève de l’évidence.

Pourtant les Juges sont soumis à la seule autorité de la loi, ils sont soumis à leur conviction et rien que la loi et leur conviction.

Ceci est un principe intouchable, il doit être scrupuleusement respecté.

Nul ne doit tenter de toucher cette indépendance surtout pas le Parquet et le pouvoir exécutif de façon générale.

Certes, pour cela encore faut-il que les juges méritent cette indépendance et cela est un autre débat. Naturellement elle ne peut et ne doit être accordée aux Juges incompétents ou corrompus, dans ce cas mieux vaut l’arbitraire de l’Etat plutôt que l’arbitraire des Juges.

Pour que les Juges soient au niveau de cette responsabilité, il faut revoir la politique de promotion des juges, il faut que lors du conseil supérieur de la magistrature il y’ai une nette rupture avec l’ancienne pratique qui consiste à nommer les Magistrats suivant les interventions des influents, celui-ci est le protégé de celui-là et celui-là est le parent de celui-ci, c’est la politique de promotion suivies jusque là.

Dans ce cas le mérite n’est pas le critère et n’importe qui peut se retrouver au niveau de n’importe quelle responsabilité.

Au Maroc, aujourd’hui on exige des Juges non seulement qu’ils soient bien formés, intègres, bien éduqués avec un passé irréprochable mais en plus ils sont soumis a un examen psychiatrique pour évaluer, par ailleurs, leurs capacités à juger, le sens de l’équité et de la Justice dont ils sont dotés.

Cette question doit être traitée de façon à mettre en valeur les magistrats sur lesquels on peut compter (ils existent et je salue leur courage et persévérance) et écarter ceux qui sont un obstacle.

1/ Il y a des Magistrats qui sont corrompus, ils existent malheureusement eux aussi, la corruption est présente dans le secteur de la Justice de façon incontestable, il faut les rayer du corps de la magistrature même s’ils sont bien formés.

2/ Il y a des Magistrats intègres mais mal formés, on en distingue deux catégories :

- a/ ceux qui ont besoin de plus de formation, il faudra leur offrir une formation dans un domaine spécialisé et les y laisser, voyez par exemple le cas du juge Monsieur Abdou Ould Bebana, qui a été bien formé en qualité de Président du Tribunal de Commerce avec des formations à l’étranger et à l’intérieur grâce à des équipes tunisiennes et marocaines, il a été nommé Consul, domaine dans lequel il est novice et où d’autres diplomates probablement auraient été mieux indiqués, je n’ai rien contre la promotion de l’homme mais voilà un exemple du gâchis et de la mauvaise gestion des ressources humaines, la Justice avait besoin de son talent et de son sérieux.

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- D’autres magistrats, avec l’appui de l’Unicef et de Terre des Hommes ont été formés à plusieurs reprises dans le domaine des droits de l’enfant (exemple du juge Soufi) puis mutés par la suite dans d’autres domaines. Il n’existe pas de spécialistes a cause de l’instabilité, il n’y a pas de Magistrats de parquet pour de bon et de Magistrats de siège pour de bon, au gré des mouvements on navigue entre l’une et l’autre matière, une telle politique ne conduira jamais au professionnalisme.

- b/ Il y a des magistrats intègres mais mal formés mais de façon irrécupérable, il y a lieu de leur trouver un statut honorable au Ministère ou ailleurs mais loin de la fonction de juger, on peut tirer profit de leurs conseils et leur expérience

- 3/ Il y a des Magistrats intègres et bien formés, il faut avoir le courage de leur donner une promotion même si derrière eux il n’y a pas d’influents qui interviennent.

Mais il faut former des jeunes et les intégrer dans la magistrature en sachant que c’est sur la jeunesse qu’il faut compter pour l’avenir, pour ce faire, il faut créer un institut supérieur de la magistrature.

Il faut par ailleurs que les Magistrats se regroupent dans un ou plusieurs syndicats forts. Pourquoi ne pas envisager que les promotions se fassent par élection au sein même de cette structure ?

Auxiliaires de justice - Les greffiers sont les oubliés de la Justice. Ce corps doit être professionnalisé et bien

formé, il est la cheville arrière de la Justice, aujourd’hui il est rongé par la corruption et le manque de formation et un nettoyage doit être réalisé et leur statut doit être revalorisé.

- Les experts sont le malheur de la justice. Force malheureusement de le constater, les experts n’hésitent pas à faire des expertises dans des domaines divers dans lesquels ils n’ont aucune spécialité. Naguère, c’était le meilleur moyen de faire passer la corruption où chaque Magistrat avait ses experts super bien taxés. Aujourd’hui, ils brillent (la plupart) par la photocopie des pièces du dossier et le service rendu au plus offrant. Il y a pourtant dans cette profession des professionnels, ils doivent être triés et protégés pour bien faire leur travail, les autres commerçants doivent vendre ailleurs que dans le secteur de la Justice.

-Les Avocats ne sont pas exempts, on dit d’ailleurs que certains d’entre eux sont la croix de plusieurs corruptions, ils y en a qui n’exercent pas de façon professionnelle, ceci est vrai et on s’en occupera mais il faut reconnaître par ailleurs qu’ils ne sont pas mis dans les conditions idéales d’exercer leur fonction, dans un marché limité et avec une concurrence des rabatteurs et de certains magistrats.

Une circulaire du premier ministre sénégalais interdisait tout dernièrement à une administration de signer une convention ou s’engager sans avoir recours à l’avocat.

La Justice est malade, il faut une solution d’envergure, un sursaut, il faut d’abord que les Avocats qui y croient et les Magistrats qui y croient se rencontrent, échangent et produisent.

Il est rare de voir un forum de rencontre pour échanger. Posez-vous la question pourquoi à l’heure où notre justice connaît ses problèmes il n’y a pas de débat sur les problèmes de fond ? Qui attendons-nous pour prendre cette initiative ? Qui de mieux placé que nous pourra identifier les problèmes et suggérer les remèdes ?

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Au Maroc il y a régulièrement des rencontres entre Magistrats, Avocats et Professionnels de la Justice pour débattre et pour résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés dans le quotidien afin de leur trouver des solutions y compris les textes et les obstacles à l’application.

C’est l’affaire de tous.

En effet il n’y a pas de solution unique aux crises que nous venons d’évoquer, c’est plutôt par une combinaison de plusieurs mesures que celles-ci pourront être résolues.Le ministère de la justice ne peut à lui seul apporter la solution pas plus que l’Ordre National des Avocats et encore moins le parquet. La question est urgente elle ne peut être ajournée, elle est complexe nul ne peut prétendre avoir à lui seul la solution c’est pourquoi une synergie s’impose..C’est sans doute aussi la meilleure formule pour régler, en famille, les problèmes qui affectent sérieusement notre justice.

Aussi et en guise de contribution l’Ordre National des Avocats organisera les 10,11 Novembre 2009 à l’hôtel Khaïma un atelier ouvert uniquement aux professionnels de la justice pour échanger, débattre et faire les recommandations qui s’imposent sur les thèmes suivants :

- Les prisons en Mauritanie - La politique pénale - La justice problèmes et défis


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