Rencontres Fiscales 2017 5 janvier 2017
Actualité fiscale nationale et internationale
ANNEXES
2
1. Dispositions relatives aux prix de transfert et au CBCR
2. Actualité en matière de BIC – IS
3. Actualité en matière d’intégration fiscale
4. Actualité en matière d’opérations de restructuration
5. Actualité en matière de TVA et de taxe sur les salaires
6. Actualité en matière de droit communautaire et de fiscalité
internationale
3
1. DISPOSITIONS RELATIVES AUX PRIX DE TRANSFERT ET AU
CBCR
Déclaration n° 2257-SD (obligation allégée - prix de transfert)
CBCR : liste des pays concernés OCDE
Tableaux et données CBCR modèle OCDE
4
Imprimé n° 2257-SD
5
6
7
Country-Specific Information on Country-by-Country Reporting Implementation The Inclusive Framework on BEPS has released information on the domestic legal frameworks for
Country-by-Country (CbC) reporting around the world. This provides a high level snapshot for tax
administrations and MNE Groups as to the first reporting periods, availability of surrogate filing
including in the parent jurisdiction, and local filing. The table below contains the information
received from members so far and will be updated as Inclusive Framework members continue to
finalise their CbC reporting frameworks.
Jurisdictions
Updated on 16 December
Jurisdiction Primary law in place
Secondary law in place
First fiscal year covered for filing by Ultimate Parent Entity
Local Filing required?
First fiscal period for which local filing applies
Surrogate Filing available?
Parent Surrogate Filing (i.e voluntary filing in parent jurisdiction)?
Argentina 1 January 2017
1 January 2017 No
Australia 1 January 2016
1 January 2016 N/A
Austria Not
required 1 January 2016
1 January 2017 N/A
Belgium 1 January 2016
1 January 2016 N/A
Bulgaria Not
required 1 January 2016
1 January 2016 N/A
Canada Not
required 1 January 2016
1 January 2016
N/A
Chile Not
required
1 January 2016
1 January 2016 N/A
Czech Republic
1 January 2016
1 January 2017 N/A
Denmark Not
required 1 January 2016
1 January 2017 N/A
France 1 January 2016
1 January 2016 N/A
Gabon 1 January 2017
1 January 2017
No
Germany Not
required 1 January 2016
1 January 2017 N/A
Guernsey 1 January 2016
No N/A N/A
8
Hong Kong, China
1 January 2018
1 January 2018 Yes
India 1 April 2016
1 April 2016 N/A
Indonesia Not
required
1 January 2016
1 January 2016 N/A
Ireland 1 January 2016
1 January 2016 N/A
Isle of Man
Israel 1 January 2016
N/A
Italy 1 January 2016 N/A
Japan 1 April 2016
1 April 2016* Yes
Jersey 1 January 2016
1 January 2016 N/A
Korea 1 January 2016
1 January 2016 N/A
Latvia 1 January 2016
1 January 2017 N/A
Liechtenstein ** 1 January 2017
1 January 2017 Yes
Lithuania 1 January 2016
1 January 2017 N/A
Luxembourg 1 January 2016
N/A
Malaysia 1 January 2017
No N/A No
Malta Not
required
1 January 2016
1 January 2016 N/A
Mexico 1 January 2016
1 January 2016 N/A
Norway
1 January 2016
1 january 2017
Yes
Netherlands 1 January 2016
1 January 2016 N/A
New Zealand Not
required 1 January 2016
No N/A No N/A
Nigeria 1 January 2017 Yes
People's Republic of China
1 January 2016
1 January 2016 N/A
Poland 1 January 2016
1 January 2017 N/A
9
Portugal 1 January 2016
1 January 2016 N/A
Russian Federation
1 January 2017
1 January 2017 Yes
Singapore 1 January 2017 No
Slovak Republic
1 January 2016
N/A
Slovenia 1 January 2016
1 January 2017
N/A
South Africa 1 January 2016
1 January 2016
No N/A
Spain 1 January 2016
1 January 2016 N/A
Sweden 1 January 2016
1 January 2016 N/A
Switzerland ****
Not required
1 January 2018
1 January 2018 Yes
Turkey 1 January 2016*** ***
1 January 2016*** *** N/A
United Kingdom
1 January 2016
1 January 2016 N/A
United States 30 June 2016
No N/A No Yes
Uruguay 1 January 2017
1 January 2017 No
* Japan provides transition relief for the fiscal year commencing between 1 April 2016 and 31 March 2017 except the case of Systemic Failure.
** Liechtenstein: Confirmed by Parliament in November 2016. Currently, within the referendum period.
*** Turkey: In order to start the implementation, secondary regulations have to be in place, drafts are published but they are not officialy issued.
**** Switzerland: Draft legislation sent to Parliament on 23 November 2016
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Documentation prix de transfert – Déclaration pays par pays
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2. ACTUALITES EN MATIERE DE BIC – IS
CE, 15 février 2016, n° 376739, SNC Pharmacie Saint-Gaudinoise
CAA Versailles, 9 février 2016, n° 15VE00394, SNC Rhodia Participations
CA Versailles, 1er mars 2016, n° 15/00869, Sté Prosodie
CE, 5 décembre 2016, n° 398859, Orange SA
CJUE, 2 septembre 2015, aff. C386/14, Groupe Steria
Rép. Min Goujon - n°91894 - JO 17 mai 2016 page 4234
CAA Versailles, 21 juin 2016, n°12 VE 03691, Sté Groupe Stéria
CE, 20 mai 2016, n° 392527, SELARL Lemaire
CE, 20 octobre 2016, n° 397537, Sté Cie du Cambodge
CE, 13 juillet 2016, n° 375801, Sté Monte Paschi Banque
CE, 9 mars 2016, n° 380808, Sté Arjohuntleigh
12
CE 15 février 2016, n° 376739, SNC Pharmacie Saint-Gaudinoise
Vu la procédure suivante :
La SNC Pharmacie Saint-Gaudinoise a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la
décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au
titre de l'année 2007 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 0900593 du 19 juin 2012,
le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 12BX01887 du 30 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté
l'appel formé par la SNC Pharmacie Saint-Gaudinoise contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les
26 mars 2014, 23 juin 2014 et 26 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SNC
Pharmacie Saint-Gaudinoise demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat
de la SNC Pharmacie Saint-Gaudinoise SNC ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que lors d'une assemblée
générale extraordinaire en date du 28 février 2006, les trois associés de la SNC Pharmacie Saint-
Gaudinoise, qui détenaient chacun 3 502 parts de cette société, ont décidé le rachat, par celle-ci, de
tout ou partie de leurs parts et la réduction de son capital par annulation des parts ainsi rachetées ;
que l'un des associés a cédé la totalité de ses 3 502 parts, tandis que les deux autres cédaient,
chacun, 3 260 parts ; que la réalisation définitive de l'opération a été constatée lors de l'assemblée
générale du 1er avril 2006, date à laquelle la SNC, dont l'exercice s'achève au 31 mars, a par ailleurs
13
opté pour l'impôt sur les sociétés ; qu'à l'occasion d'une vérification de la comptabilité de la société,
l'administration fiscale a remis en cause la déduction du bénéfice imposable au titre de l'exercice clos
le 31 mars 2007 d'une somme de 57 981,53 euros correspondant aux intérêts des emprunts
contractés par la société pour financer le rachat de ses titres, au motif qu'en procédant au
remboursement des parts sociales de ses associés, la société n'avait pas agi dans l'intérêt de
l'exploitation mais dans celui de ses associés ; que la société se pourvoit en cassation contre l'arrêt
du 30 janvier 2014 de la cour administrative d'appel de Bordeaux rejetant sa requête d'appel contre
le jugement du 19 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de
décharge du supplément d'impôt en résultant et des pénalités correspondantes ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : "1. (...) le bénéfice
imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute
nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de
l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence
entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent
servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements
effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de
l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les
amortissements et les provisions justifiés. " ; qu'aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le
bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des
dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ;
3. Considérant que les charges pouvant être admises en déduction du bénéfice imposable, en
application des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts, doivent avoir été
exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise ou se rattacher à sa gestion normale, correspondre à
une charge effective et être appuyées de justificatifs ; que l'exécution, par une société, d'opérations
présentant un avantage pour un associé ne peut être regardée comme étrangère à une gestion
commerciale normale que s'il est établi que l'avantage consenti était contraire ou étranger aux
intérêts de cette société ; que si le rachat de ses propres titres par une société suivi de la réduction
de son capital social, qui n'affecte que son bilan, est, par lui-même, sans influence sur la
détermination de son résultat imposable et est ainsi insusceptible de faire apparaître une perte
déductible lorsque le prix auquel sont rachetés les titres est supérieur à leur valeur nominale, cette
circonstance ne saurait, à elle seule, faire obstacle à la déduction des intérêts des emprunts
contractés pour financer ce rachat ; qu'une telle déduction peut, en revanche, être remise en cause
par l'administration si l'opération de rachat financée par ces emprunts n'a pas été réalisée dans
l'intérêt de la société ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que l'administration fiscale était fondée
à réintégrer au bénéfice imposable de la SNC Pharmacie Saint-Gaudinoise, au titre de l'exercice clos
en 2007, les intérêts des emprunts que la société avait contractés aux fins de procéder au rachat de
ses titres au seul motif que cette opération de rachat suivie d'une réduction de son capital social
constituait un prélèvement au profit des associés, sans rechercher si l'opération de rachat de titres
en cause avait été réalisée dans l'intérêt de la société, la cour a commis une erreur de droit ; que la
société requérante est, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi,
fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
14
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une
somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 janvier 2014 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'Etat versera à la SNC Pharmacie Saint-Gaudinoise une somme de 3 000 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SNC Pharmacie Saint Gaudinoise et au ministre des
finances et des comptes publics.
15
CAA Versailles, 9 février 2016, n° 15VE00394, SNC Rhodia Participations
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SNC Rhodia Participations a demandé au tribunal administratif de Montreuil le rétablissement de
ses déficits reportables, réduits à la suite du rehaussement de ses résultats imposables à l'impôt sur
les sociétés au titre des exercices clos en 2005, 2006, 2007 et 2008.
Par un jugement n° 1301651 du 6 octobre 2014, le tribunal administratif de Montreuil a rétabli les
déficits reportables de la SNC Rhodia Participations à hauteur des sommes respectives de 18 961 147
€, 41 317 863 €, 39 614 690 € et 17 100 493 € au titre des exercices clos entre 2005 et 2008 et rejeté
le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire, enregistrés le 3 février 2015 et le 19 janvier 2016, le ministre des
finances et des comptes publics demande à la cour :
1° d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement par lesquels le tribunal administratif de Montreuil,
d'une part, a réduit la base imposable de la SNC Rhodia Participations du montant des renonciations
à percevoir une partie des intérêts sur les avarices consenties à sa société mère Rhodia qui avaient
été réintégrés dans ses résultats pour les sommes respectives de 18 961 147 €, 41 317 863 €, 39 614
690 € et 17 100 493 € au titre des exercices clos entre 2005 et 2008 et a rétabli, à due concurrence,
les déficits reportables de la SNC Rhodia Participations et, d'autre part, a mis à la charge de l'Etat le
versement, à cette société, de la somme de 1 500 € au titre de l'article L 761-1 du Code de justice
administrative ;
2° de décider que les montants des déficits reportables de la SNC Rhodia Participations au titre des
exercices clos au 31 décembre 2005, 2006, 2007 et 2008 seront réduits à hauteur des sommes
respectives de 8 884 385 €, 22 380 532 €, 25 702 944 € et 12 495 308 € au titre des mêmes exercices.
Il soutient que :
- compte tenu de la substitution de motif sollicitée, les intérêts sur avances auxquels la SNC Rhodia
Participations a anormalement renoncé ne se montent plus qu'aux sommes de 8 884 385 € pour
2005, 22 380 532 € pour 2006, 25 702 944 € pour 2007 et 12 495 308 € pour 2008 ;
- à la suite de la conclusion d'un acte de compensation de leurs créances et dettes respectives, signé
le 25 septembre 2008, la SNC Rhodia Participations a demandé à sa société mère intégrante Rhodia,
prêteur exclusif pour les membres du groupe du même nom, le remboursement de ses créances, à
hauteur d'une somme globale de 617 276 879 €, dont 41 896 836 € d'intérêts échus, facturés de
façon rétroactive au taux de 2.39 %, correspondant à celui auquel sa société mère plaçait ses
liquidités bancaires au titre de la période du 1er avril 2005 au 30 septembre 2008 ; réciproquement,
la société Rhodia a réclamé le remboursement à sa filiale, au titre de la même période, d'une somme
de 142 926 059 €, incluant 14 617 331 d'intérêts échus, mais facturés au taux de 8,11 %,
correspondant à celui auquel la SNC Rhodia Participations se serait refinancée sur le marché, compte
tenu de son risque de solvabilité évalué en fonction d'une note moyenne, sur période, de « BB » ; eu
16
égard à l'écart de taux, défavorable, existant entre les rémunérations de ces avances croisées en
comptes courants, l'administration a estimé que la SNC Rhodia Participations avait renoncé de
manière anormale à percevoir une partie des intérêts courus sur les avances en compte courant
qu'elle mettait à la disposition de sa société-mère, dont le montant a initialement été évalué à la
différence entre le taux auquel les avances effectuées par la société Rhodia à son profit étaient
rémunérées et le taux auquel elle-même se faisait rémunérer au titre de ses avances à sa société
mère et, en appel - à raison de la substitution de motif demandée - à proportion de la différence
entre, d'une part, les taux d'intérêt que la société Rhodia aurait supporté, compte tenu de son risque
de solvabilité, estimé à « BB » si elle avait dû se refinancer sur le marché plutôt qu'auprès de sa filiale
et qui correspondaient, compte tenu de la nature et de la maturité des avances en cause, à la
moyenne des taux des émissions obligataires des entreprises à un an et à cinq ans qui, sur période,
ont évolué de 3,8 % en 2005 à, au plus, 7,35 % en 2008 et, d'autre part, le taux de 2,39 % auquel la
SNC Rhodia Participations s'était fait rémunérer ses avances à sa société mère ; il s'ensuit que la
société Rhodia Participations a accordé un avantage financier dépourvu de contrepartie à sa société-
mère, entendue comme émetteur présentant un profil de risque variant entre « B » et « BB », dont la
renonciation à recettes, constitutive d'un acte anormal de gestion, doit être réintégrée pour une
somme globale de 69 463 169 € qui, répartie sur chacun des exercices, occasionne une réduction,
dans les mêmes proportions, des déficits reportables revendiqués par la SNC Rhodia Participations ;
- par l'effet dévolutif de l'appel, les moyens présentés par la demanderesse de première instance
devront être écartés ; sur ce point, il s'en remet à ses observations produites en défense devant le
tribunal administratif.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le CGI et le LPF ;
- le Code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Locatelli,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société en nom collectif Rhodia Participations,
membre du groupe fiscal intégré Rhodia, a consenti à sa société-mère du même nom, des avances en
compte courant d'associé au cours des exercices clos en 2005, 2006, 2007 et 2008 ; qu'à la suite de la
signature, le 25 septembre 2008, d'une convention visant la compensation de leurs dettes et
créances mutuelles, ces avances ont été rémunérées de façon rétroactive au taux de 2,39 %,
correspondant au taux moyen de rendement des placements de trésorerie en 2008, alors que les
avances que lui avait consenties sa société-mère l'étaient au taux de 8,11 %, correspondant au taux
moyen auquel la SNC Rhodia Participations était réputée pouvoir se refinancer sur le marché au titre
17
de la même période, compte tenu de son profil de risque ; que l'administration fiscale, estimant que
le taux de 2,39 % était trop faible et que, l'omission de recettes corrélative à l'insuffisance de
rémunération du service rendu étant étrangère à une gestion commerciale normale, a, en
conséquence, rehaussé les résultats de la société Rhodia Participations au titre des années 2005 à
2008, des sommes correspondant à la différence entre le montant des intérêts effectivement
facturés et le montant des intérêts qu'auraient produits les mêmes sommes s'ils avaient été calculés
au taux des avances de la société Rhodia, ces rectifications conduisant, en l'absence de bénéfices
imposables, uniquement à une réduction des déficits reportables de la SNC Rhodia Participations à
hauteur des sommes de 18 961 147 €, 41 317 863 €, 39 614 690 € et 17 100 493 € au titre de chacun
des exercices concernés ; que, devant la cour, le ministre, qui demande une substitution de motif,
admet qu'il y a lieu de réduire ces rehaussements, en ne retenant plus que la différence entre le
montant des intérêts perçus et le montant de ceux qui auraient dû l'être, selon lui, calculés d'après la
moyenne des taux, à un et cinq ans, auxquels la société Rhodia était réputée pouvoir se refinancer
sur le marché, compte tenu de la maturité des avances et de son profil de risque, noté « BB », et
évalués, sur période, à 3,80 % en 2005, 4,50 % en 2006, 5,58 % en 2007 et 7,35 % en 2008 ;
Sur l'appel principal du ministre des finances et des comptes publics :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les sommes mises par la SNC Rhodia Participations à
la disposition de la société Rhodia en compte courant d'associé ne présentent pas le caractère
d'emprunts contractés auprès d'une filiale que la société-mère s'engage à rembourser dans un délai,
et selon un échéancier, déterminés contractuellement ; qu'en effet, les sommes ainsi mises à
disposition, de manière permanente à partir de 2005, n'ont été l'objet d'aucune convention entre la
société Rhodia et sa filiale, que leur montant a constamment varié et qu'elles étaient remboursables,
en principe, à tout moment ; qu'elles constituaient ainsi des avances permanentes de trésorerie ;
3. Considérant que le caractère normal ou anormal de la rémunération des avances de fonds
consenties par une entreprise à une autre ne peut pas être valablement apprécié, en ce qui concerne
le prêteur, par rapport au taux auquel une entreprise se refinancerait, par l'emprunt, sur le marché,
mais doit l'être par rapport à la rémunération que ce prêteur pourrait obtenir d'un établissement
financier ou d'un organisme assimilé auprès duquel il placerait, dans des conditions analogues, des
sommes d'un montant équivalent ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale fait seulement état de taux
auxquels la société Rhodia aurait pu, compte tenu de la prime de risque qui la caractérisait à
l'époque des faits, emprunter une somme d'argent sur le marché ; que les avances à vue consenties
par la SNC Rhodia Participations à sa société-mère ne sont toutefois pas assimilables à de tels
emprunts, mais aux Sicav monétaires ou aux parts de fonds communs de placements monétaires
auxquelles recourent les entreprises pour placer des fonds susceptibles d'être immédiatement
disponibles, les titres acquis pouvant être vendus à tout moment sans frais ; que, ce faisant, le
ministre n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère insuffisant du taux d'intérêt appliqué
par la SNC Rhodia Participations pour les avances qu'elle a consenties à la société Rhodia dès lors
qu'il ne conteste pas sérieusement que c'est sur le rendement de ce type de placement à vue que la
SNC Rhodia Participations a calculé le taux de rémunération de ses avances, lequel, d'ailleurs, ne
dépendait pas, en l'espèce, du risque emprunteur de sa société-mère ; que, dans la mesure où le
ministre n'établit pas l'existence d'un acte anormal de gestion, il n'est pas fondé à soutenir que c'est
18
tort que, après avoir prononcé la décharge de ce chef de rectification, le tribunal administratif de
Montreuil a rétabli le montant des déficits reportables de la SNC Rhodia Participations ;
Sur l'appel incident de la SNC Rhodia Participations :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L 10 du LPF : « Avant l'engagement d'une des vérifications
prévues aux articles L 12 et L 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des
droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont
opposables à l'administration » ; que le § 5 du chapitre I de la charte relatif au déroulement de la
vérification précise qu'en cas de difficultés, le contribuable peut s'adresser à l'interlocuteur
départemental ou régional et qu'il peut le contacter pendant la vérification ; qu'aux termes du § 5 du
chapitre III de la même charte, consacré à « la conclusion du contrôle », si le vérificateur a maintenu
totalement ou partiellement les redressements envisagés, le contribuable peut saisir l'inspecteur
principal, puis l'interlocuteur départemental ; que, d'autre part, aux termes de l'article L 59 du même
Livre : « Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le
contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (…) de la commission départementale des impôts
directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 (…) » et que, selon l'article R 59-1
de ce Livre : « Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la
réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa
de l'article L 59 » ;
6. Considérant qu'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, ni d'ailleurs d'aucune autre, que, dans le
cas où le contribuable a fait appel au supérieur hiérarchique, comme il en a la faculté, il pourrait
demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre
d'affaires après l'expiration du délai de trente jours prévu à l'article R 59-1 du LPF alors même qu'il
resterait dans l'attente de la réponse du supérieur hiérarchique à cette date ; qu'en l'espèce, il est
constant que la SNC Rhodia Participations a demandé à ce que la commission départementale fut
saisie plus de trente jours après la réception de la réponse de l'administration à ses observations,
ainsi que l'a relevé le tribunal administratif de Montreuil ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit
que le tribunal administratif qui, sur ce point, n'a entaché son jugement d'aucune insuffisance de
motivation, a estimé que l'administration avait pu légalement rejeter cette demande de saisine
comme irrecevable en raison de sa tardiveté ; qu'ainsi, la procédure de contrôle n'a été entachée
d'aucune irrégularité pour ce motif ;
7. Considérant, dès lors, que les conclusions de l'appel incident de la société défenderesse, qui
tendent à l'annulation du jugement en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de
Montreuil a rejeté le surplus des conclusions de sa demande, doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L 761-1 du Code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le
versement à la SNC Rhodia Participations, qui l'emporte principalement à l'instance, la somme de 2
000 € au titre des dispositions de l'article L 761-1 du Code de justice administrative ;
19
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la SNC Rhodia Participations la somme de 2 000 € au titre de l'article L 761-
1 du Code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus de l'appel incident de la SNC Rhodia Participations est rejeté.
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CA Versailles, 1er mars 2016, n° 15/00869, Sté Prosodie
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 décembre 2015 devant la cour composée de :
Madame Catherine Bézio, président,
Madame Sylvie Fétizon, conseiller,
Madame Sylvie Borrel Abensur, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine Maréville
Faits et procédure
Statuant sur l'appel formé par le comité d'entreprise de la société Prosodie - ci-après le comité
d'entreprise - à l'encontre du jugement en date du 5 février 2015 par lequel tribunal de grande
instance de Nanterre a débouté le comité d'entreprise appelant de toutes ses demandes relatives au
calcul de la réserve de participation ;
Vu les dernières conclusions signifiées par le comité d'entreprise le 11 décembre 2015 tendant à ce
que la cour, infirmant la décision déférée, juge que :
- les provisions pour dépréciation des titres de participation ont été intégrées à tort dans les capitaux
propres,
- les distributions de dividendes par prélèvement des réserves, décidées en assemblée générale n'ont
pas à être prises en compte prorata temporis dans la détermination des capitaux propres,
- les mouvements d'affectation du résultat de l'exercice précédent, décidés en assemblée générale,
n'ont pas à être prises en compte prorata temporis dans la détermination des capitaux propres,
et en conséquence,
- fixe le montant de la réserve spéciale de participation à :
275 792 Ç brut, pour 2008,
264 176 Ç brut pour l'année 2009,
539 602 Ç brut pour l'année 2010,
218 706 Ç brut pour l'année 2011,
- et condamne la société Prosodie au versement de la somme de 1298 274 Ç bruts au titre du
complément de la participation due aux salariés et de la somme de 5000 Ç en vertu de l'article 700
du Code de procédure civile, avec affichage de l'arrêt à intervenir sur les panneaux d'information du
personnel de l'entreprise ;
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Vu les écritures développées à la barre par la société Prosodie, tendant à la confirmation du
jugement entrepris et subsidiairement à la compensation des condamnations éventuelles à
intervenir au titre de la participation, avec le montant des sommes dues au titre de l'intéressement,
aboutissant et donc, à la condamnation de la société Prosodie au paiement des sommes :
- de 10 129 Ç au titre de l'année 2009 et 0 au titre de l'année 2011, si la cour retient la contestation
du comité d'entreprise au titre des seules provisions pour dépréciation de titres de participation,
- ou de 10 448 Ç au titre de l'exercice 2009 et 0 au titre de l'exercice 2011, si la cour retient la
contestation formée, à la fois, au titre de ces provisions et des distributions de dividendes,
- la société Prosodie requérant, en tout état de cause, l'allocation de la somme de 5000 Ç en vertu de
l'article 700 du Code de procédure civile ;
Sur ce la cour
Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que la société Prosodie, filiale du
groupe Gemini, a conclu avec son comité d'entreprise un accord de participation le 20 janvier 1999
qui a fait l'objet de six avenants successifs, dont, le dernier en date du 8 juin 2011 ;
Que lors de sa réunion du 22 mai 2012, le comité d'entreprise a désigné la société Arexo, en qualité
d'expert-comptable, afin de vérifier la régularité du calcul de la réserve de participation ;
Que le rapport déposé par Arexo a conclu que la société Prosodie n'avait pas correctement évalué les
capitaux propres, entrant dans la formule de calcul de la réserve ; que plus précisément, la société
avait intégré, à tort, dans ces capitaux, le montant des provisions pour dépréciation de titres et des
dividendes versés aux actionnaires, de sorte que la masse augmentée de ces capitaux, a réduit le
montant des bénéfices, pris en considération pour le calcul de la participation, et diminué d'autant,
le montant de la réserve à partager entre les salariés ;
Que la société Prosodie a commis, alors, l'expert Grant T. qui a conclu à l'inverse de son confrère,
contesté l'analyse de celui-ci et estimé que la réserve de participation, justement calculée,
n'impliquait aucun complément pour la période 2008 à 2011 ;
Que chacun des experts conservant son point de vue, le comité d'entreprise a fait assigner la société
Prosodie, le 21 mai 2013, devant tribunal de grande instance de Nanterre qui, par le jugement
entrepris, a adopté l'argumentation de la société et débouté le comité d'entreprise de ses demandes,
tendant à voir régulariser le montant de la réserve spéciale de participation par le versement d'un
complément pour les années 2008 à 2011 ;
Considérant qu'en cause d'appel le comité d'entreprise reprend ses demandes et ses moyens de
première instance ;
Qu'il soutient, en effet, que le montant des capitaux propres a été augmenté, à tort, du montant des
provisions pour dépréciation de titres de participation, de la distribution des dividendes et des
mouvements d'affectation du résultat de l'exercice précédent ;
Considérant que, s'agissant des provisions pour dépréciation de titres, le comité d'entreprise
reproche à la société Prosodie d'avoir considéré que ces provisions étaient des « provisions ayant
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supporté l'impôt » qui selon l'article D 3324-4 du Code du travail sont comprises dans les capitaux
propres ;
Considérant que pour justifier sa thèse, le comité d'entreprise fait appel à l'analyse d'une certaine
doctrine (Editions Francis Lefebvre) qui affirme : « les provisions pour dépréciation constituées à
raison des titres de participation soumis au régime du long terme n'ont pas à être comprises dans les
capitaux propres pour le calcul de la participation, quel que soit le taux d'imposition dont elles
relèvent, 0, 15, 16,5 ou 19 %. Leur déduction dans un secteur de taxation réduite doit à notre avis
être réservée aux provisions constituées dans les comptes et réintégrées au résultat taxable à taux
plein » ;
Que, sans transition, l'appelant poursuit : « les provisions pour dépréciation de titres sont venues en
déduction des plus-values à long terme imposables à un taux particulier qui peut être égal à 0 % pour
le régime des sociétés mères ; la déduction de ces provisions au taux de 0 % a induit en erreur la
société Prosodie dans le calcul des capitaux propres. En effet, la société Prosodie a confondu le
caractère déductible ou non déductible de cette provision pour l'inclure dans les capitaux propres,
dans la mesure où ces dépréciations étaient soumises au régime du long terme au taux 0 pour les
qualifier de non déductibles et augmenter le montant des capitaux propres » ;
Que le comité d'entreprise en conclut : « le fait que le taux d'imposition soit nul et donc que le
montant imposable soit inchangé ne saurait modifier le statut juridique de cette provision qui
demeure une provision déductible à un taux spécifique » ;
Mais considérant que toutes les parties s'accordent pour admettre que la notion de « provisions
ayant supporté l'impôt », qui est visée à l'article D 3224-4 précité du Code du travail comme entrant
dans la composition des capitaux propres, désigne les provisions qui ne sont pas déductibles de
l'assiette de l'impôt sur les sociétés ;
Que la société Prosodie rappelle, sans être contredite, que depuis la loi de finances rectificative pour
2004 ayant pris effet à compter du 1er janvier 2007, les provisions pour dépréciation de titres ont
cessé d'être déductibles du résultat imposable, tandis que les plus-values sont devenues imposables
au taux de droit commun et non, à un taux spécifique, comme précédemment ;
Qu'il s'ensuit, comme le conclut, dans son rapport, l'expert de la société Prosodie, que depuis le 1er
janvier 2007, le caractère général non déductible des provisions pour dépréciation de titres, conduit
à considérer que celles-ci « ont supporté l'impôt » au sens de l'article D 3224-4 et qu'en outre, la
notion ci-dessus de « secteur de taxation », fondant l'argumentation du comité d'entreprise, n'existe
plus dans le nouveau régime d'imposition des plus et moins-values sur cessions de titres de
participation ;
Considérant que le présent litige ayant trait aux exercices 2008 à 2011, il apparaît que le calcul de la
réserve spéciale de participation fait par l'expert-comptable de la société Prosodie sur le fondement
des énonciations qui précèdent était conforme aux prescriptions réglementaires et que
l'appréciation des premiers juges doit donc être approuvée ;
Considérant que l'expert du comité d'entreprise a relevé également que le comité d'entreprise avait
fait figurer sur ses comptes de 2009, 2010 et 2011, diverses variations de ses capitaux propres qui
ont donc été intégrés à ceux-ci ;
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Considérant que l'article D 3324-4 précise « en cas de variation de capital au cours de l'exercice le
montant du capital et des primes liées au capital social est pris en compte à due proportion du temps
» ;
Que le comité d'entreprise, reprenant les conclusions de son expert, soutient que « les mouvements
d'affectation du résultat de l'exercice N-1, décidés en assemblée générale en année N, n'impactent
pas le capital social de l'année N ; qu'il n'y a pas lieu en conséquence de les prendre en compte au
prorata temporis, de même que les distributions de dividendes par prélèvement des réserve
décidées en assemblée générale ; que le comité d'entreprise prétend de plus que les assemblées
générales de la société Prosodie ont décidé en 2009, 2010 et 2011 d'affecter à la réserve légale le
résultat de l'exercice précédent ; que dans tous les cas ces mouvements n'« impactent pas le capital
social » ;
Considérant cependant que cette observation n'est qu'une affirmation qui ne procède d'aucune
démonstration et n'est en outre fondée sur aucune disposition juridique ; qu'en dépit des remarques
faites sur ce point par le tribunal dans son jugement, le comité d'entreprise ne motive pas plus qu'en
première instance sa contestation ; que la cour, après le tribunal ne peut que constater que
l'appelant n'explique pas comment les décisions de l'assemblée générale concernant les
mouvements d'affectation du résultat de l'exercice précédent ainsi que les distributions de
dividendes « n'impactent pas le capital social », alors que ni les dispositions de l'article D 3324-4 du
Code du travail ni aucune autre disposition, ne prévoient de les exclure pour déterminer les
variations du capital ;
Considérant que les critiques apportées par le comité d'entreprise au calcul, fait par la société
Prosodie, de ses capitaux propres, apparaissent ainsi mal fondées ; que le jugement entrepris par
lequel le tribunal a écarté les demandes du comité d'entreprise, doit donc être confirmé ;
Considérant que le comité d'entreprise supportera les dépens d'appel ; que la société Prosodie
supportera, elle, équitablement les frais qui n'y sont pas compris ;
Par ces motifs :
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit
de la société Prosodie ;
Condamne le comité d'entreprise de la société Prosodie aux dépens d'appel.
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CE 5 décembre 2016, n° 398859, Orange SA
Vu la procédure suivante :
La société Orange, anciennement dénommée France Télecom SA, a demandé au tribunal
administratif de Montreuil la décharge ou, à défaut, la réduction des cotisations supplémentaires
d’impôt sur les sociétés ainsi que des intérêts de retard correspondants auxquels elle a été assujettie
au titre des exercices clos en 2005 et 2006, à hauteur d’un montant de 1 952 322 455 euros. Par un
jugement n° 1110039 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 13VE02491 du 18 février 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté
l'appel formé par la société Orange contre ce jugement.
Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 avril et 21 novembre 2016 au secrétariat
du contentieux du Conseil d'Etat, la société Orange demande au
Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Egerszegi, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, avocat de la
société Orange ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 novembre 2016, présentée par le ministre de l’économie et
des finances ;
1. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous
déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5° Les provisions constituées
en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours
rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les comptes de
l'exercice. (...) ». Aux termes de l’article 38 du même code dans sa rédaction modifiée par l'article 43
de la loi de finances rectificative pour 2004, applicable aux exercices clos à compter du 1er janvier
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200 52 : « Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et
à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des
suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par
l’exploitant ou par les associés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé
au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (…) 4 bis. Pour
l’application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l’actif net à la
clôture et à l’ouverture de l’exercice, l’actif net d’ouverture du premier exercice non prescrit
déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de
l’article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs
entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci./ Les dispositions du premier alinéa ne
s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont
intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit./ Elles ne sont pas
non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements
excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices
prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en
augmentation de l'actif immobilisé (…) ».
2. Lorsqu'une provision a été constituée dans les comptes de l'exercice, le résultat fiscal de ce même
exercice doit, en principe, être diminué du montant de cette provision dont la reprise, lors d'un ou de
plusieurs exercices ultérieurs, entraîne, à l’inverse, une augmentation de l'actif net du ou des bilans
de clôture du ou des exercices correspondants. Il n’en va autrement que si les règles propres au droit
fiscal y font obstacle, notamment les dispositions particulières du 5° du 1 de l’article 39 du code
général des impôts limitant la déductibilité fiscale de certaines provisions.
3. Pour le calcul de la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de
l’exercice, lorsqu'une entreprise a, au cours d'un exercice faisant l'objet d'une vérification,
comptabilisé une perte tout en procédant à la reprise d’une provision devenue sans objet qu'elle
avait comptabilisée au titre d'un exercice antérieur, sans avoir tenu compte de la constitution de
cette provision comptable pour la détermination du résultat fiscal de l'exercice concerné bien
qu’aucune règle propre au droit fiscal n’y fît obstacle, l'administration fiscale est en droit de corriger
la surestimation de l'actif net du bilan d'ouverture de l'exercice au cours duquel la perte a été
constatée et la provision a été reprise dans les comptes, en y inscrivant cette provision afin de
pouvoir ensuite tirer les conséquences de sa reprise pour la détermination du résultat fiscal de cet
exercice.
4. Lorsque la même omission se retrouve dans les écritures de bilan des exercices antérieurs telles
que retenues pour la détermination du résultat fiscal, elle doit y être symétriquement corrigée, pour
autant qu'elle ne revête pas, pour le contribuable, un caractère délibéré. Ces corrections ne peuvent
toutefois, en vertu des dispositions du 4 bis de l’article 38 du code général des impôts citées au point
1, affecter le bilan d’ouverture du premier exercice non prescrit. Ces dispositions font de même
obstacle à ce que, pour tirer les conséquences de la reprise d’une provision dont la comptabilisation
n’avait pas été prise en compte pour la détermination du résultat fiscal d’un exercice antérieur,
l’administration corrige les écritures du premier exercice non prescrit. Les seules exceptions à la règle
à caractère objectif que fixent ainsi ces dispositions sont celles qu’elles prévoient à leurs deuxième et
troisième alinéas.
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5. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, jusqu’au 31 décembre 2004, la société France
Telecom SA, devenue la SA Orange, mère d’un groupe fiscalement intégré au sens des dispositions de
l’article 223 A du code général des impôts, détenait la totalité du capital de la société Cogecom,
incluse dans le périmètre d’intégration fiscale. La société France Telecom a comptabilisé à la clôture
des exercices 2002 et 2003 des provisions pour dépréciation des titres émis par la société Cogecom,
laquelle avait pour activité la détention et la gestion des principales participations du groupe. Ces
provisions n’ont pas été déduites pour la détermination du résultat fiscal. Le 5 décembre 2005, la
société Cogecom a fait l’objet d’une transmission universelle de son patrimoine au profit de la
société France Telecom, avec effet rétroactif au 1er janvier 2005. Les provisions pour dépréciation
des titres Cogecom, devenues sans objet, ont été annulées à la clôture de l'exercice 2005. Cette
annulation n’a toutefois pas été prise en compte pour la détermination du résultat fiscal de cet
exercice au motif que les provisions n'avaient pas été déduites pour la détermination des résultats
fiscaux des exercices antérieurs. En revanche, la société France Télécom a déduit la perte,
correspondant à des moins-values, résultant de la transmission universelle de patrimoine à son
profit.
6. A la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a estimé qu’en application des
dispositions du 5° du 1 de l’article 39 du code général des impôts, les provisions comptabilisées en
2002 et 2003 auraient dû être déduites du résultat de la société Cogecom avant d’être neutralisées
au niveau du résultat d’ensemble puis reprises à la suite de la dissolution de la société Cogecom.
Cette reprise ne pouvant être neutralisée pour la détermination du résultat fiscal en raison de la
sortie de la société Cogecom de l’intégration, l’administration fiscale a rehaussé le résultat de la
société France Telecom au titre de l’exercice clos en 2005 pour un montant net de 11 319 millions
d'euros et a tiré les conséquences de cette rectification sur l’exercice clos en 2006.
7. Après avoir relevé que les provisions en cause satisfaisaient aux conditions de déduction posées
par les dispositions du 5° du 1 de l’article 39 du code général des impôts citées ci-dessus, la cour
administrative d’appel de Versailles a fait application des principes rappelés aux points 2 et 3. Puis,
alors même qu’elle avait regardé l’exercice clos en 2005 comme le premier exercice non prescrit, elle
a jugé que l’administration fiscale était en droit d’en corriger le bilan d’ouverture afin de tirer les
conséquences de l’annulation des provisions litigieuses pour la détermination du résultat fiscal de la
société France Telecom. Elle a jugé ainsi pour la raison de droit que la règle de l’intangibilité du bilan
d’ouverture du premier exercice non prescrit posée par les dispositions du 4 bis de l’article 38 du
code général des impôts ne peut, selon elle, bénéficier au contribuable dont la surestimation de
l’actif de ce bilan d'ouverture procède d’initiatives délibérément irrégulières et pour le motif de fait
que, en l’espèce, l'omission de déduction fiscale de provisions régulièrement comptabilisées
procédait d’une telle initiative.
8. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus au point 4 qu’en prenant ainsi en compte le caractère selon
elle délibérément irrégulier de l’omission de déduction fiscale des provisions litigieuses, la cour a
commis une erreur de droit. Par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du
pourvoi, la société Orange est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000
euros à verser à la société Orange au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative.
27
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 18 février 2016 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Versailles.
Article 3 : L’Etat versera à la société Orange la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du
code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Orange et au ministre de l’économie et des
finances.
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CJUE, 2 septembre 2015, aff. C386/14, Groupe Steria
Dans l’affaire C‑386/14,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE introduite par
la cour administrative d’appel de Versailles (France), par décision du 29 juillet 2014, parvenue à la
Cour le 13 août 2014, dans la procédure
Groupe Steria SCA
contre
Ministère des Finances et des Comptes publics,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, M. K. Lenaerts (rapporteur), vice-
président de la Cour, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev et C. Lycourgos, juges,
avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: M. V. Tourrès, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 mai 2015,
considérant les observations présentées:
– pour Groupe Steria SCA, par Me R. Schneider, avocat,
– pour le gouvernement français, par MM. J.‑S. Pilczer et D. Colas, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze, J. Möller et Mme K. Petersen, en qualité
d’agents,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. de Ree et M. Bulterman, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme J. Kraehling, en qualité d’agent, assistée de Mme
S. Ford, barrister,
– pour la Commission européenne, par MM. J.‑F. Brakeland et W. Roels, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 juin 2015,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 49 TFUE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Groupe Steria SCA au ministère
des Finances et des Comptes publics au sujet du refus de ce dernier de restituer à cette société une
fraction de l’impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt acquittée au titre
29
des exercices fiscaux clos des années 2005 à 2008 et correspondant à l’imposition de la quote-part
de frais et charges réintégrée dans ses résultats à raison des dividendes perçus de ses filiales établies
dans des États membres autres que la France.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 La directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun
applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO L 225, p. 6), telle que
modifiée par la directive 2003/123/CE du Conseil, du 22 décembre 2003 (JO L 7, p. 41), qui était en
vigueur pendant la période sur laquelle porte le litige au principal, disposait, à son article 4:
«1. Lorsqu’une société mère ou son établissement stable perçoit, au titre de l’association entre la
société mère et sa filiale, des bénéfices distribués autrement qu’à l’occasion de la liquidation de cette
dernière, l’État de la société mère et l’État de son établissement stable:
– soit s’abstiennent d’imposer ces bénéfices,
– soit les imposent tout en autorisant la société mère et l’établissement stable à déduire du montant
de leur impôt la fraction de l’impôt sur les sociétés afférente à ces bénéfices et acquittée par la filiale
et toute sous-filiale, [...] dans la limite du montant dû de l’impôt correspondant. [...]
2. Toutefois, tout État membre garde la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la
participation et des moins-values résultant de la distribution des bénéfices de la société filiale ne
sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère. Si, dans ce cas, les frais de gestion se
rapportant à la participation sont fixés forfaitairement, le montant forfaitaire ne peut excéder 5 %
des bénéfices distribués par la société filiale.»
4 L’article 9 de la directive 2011/96/UE du Conseil, du 30 novembre 2011, concernant le régime fiscal
commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO L 345, p. 8), a
abrogé la directive 90/435.
Le droit français
5 En vertu de l’article 145, paragraphe 1, du code général des impôts (ci-après le «CGI»), le régime
fiscal des sociétés mères est applicable, notamment, aux sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés
au taux normal qui détiennent des participations représentant 5 % au moins du capital de la société
émettrice.
6 En ce qui concerne les produits des participations, l’article 216 du CGI dispose:
«I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l’application du régime des sociétés mères et
visées à l’article 145, touchés au cours d’un exercice par une société mère, peuvent être retranchés
du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d’une quote-part de frais et charges.
La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit
total des participations, crédit d’impôt compris. Cette quote-part ne peut toutefois excéder, pour
chaque période d’imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la
société participant au cours de la même période.»
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7 S’agissant du régime de l’intégration fiscale, l’article 223 A du CGI dispose:
«Une société peut se constituer seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû sur l’ensemble des
résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital,
de manière continue au cours de l’exercice, directement ou indirectement par l’intermédiaire de
sociétés du groupe [...]
Seules peuvent être membres du groupe les sociétés qui ont donné leur accord et dont les résultats
sont soumis à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun [...]»
8 L’article 223 B du CGI prévoit:
«Le résultat d’ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des
résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun [...]
En ce qui concerne la détermination des résultats des exercices ouverts avant le 1er janvier 1993, ou
clos à compter du 31 décembre 1998, le résultat d’ensemble est diminué de la quote-part de frais et
charges comprise dans ses résultats par une société du groupe à raison de sa participation dans une
autre société du groupe [...]
Le litige au principal et la question préjudicielle
9 La requérante au principal est la société mère d’un groupe fiscal intégré, au sens de l’article 223 A
du CGI. Steria, qui est une société membre de ce groupe, détient elle-même des participations
supérieures à 95 % dans des filiales établies tant en France que dans d’autres États membres. En
application de l’article 216 du CGI, les dividendes perçus par Steria de ses filiales établies dans
d’autres États membres ont été déduits de son bénéfice net total, à l’exception d’une quote-part de
frais et charges, forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus (ci-après la «quote
‑part de frais et charges») et représentant les frais et charges supportés par la société mère, se
rapportant à sa participation dans la filiale ayant distribué ces dividendes.
10 Après avoir spontanément acquitté, sur cette base, l’impôt sur les sociétés et les contributions
additionnelles à cet impôt, la requérante au principal a demandé, au titre des années 2005 à 2008, la
restitution de la fraction de ces impositions correspondant à la quote‑part de frais et charges. Elle a
fondé sa demande sur l’incompatibilité de la réglementation nationale en cause avec l’article 43 CE
(devenu article 49 TFUE). Elle a soulevé à cet effet l’inégalité de traitement entre les dividendes
perçus par une société mère d’un groupe fiscal intégré, selon que les dividendes proviennent de
sociétés elles‑mêmes membres de ce groupe intégré, ce qui implique que ces dernières soient
établies en France, ou proviennent de filiales établies dans d’autres États membres. En effet, dans la
première situation seulement, les dividendes sont exonérés totalement de l’impôt sur les sociétés en
raison de la neutralisation, en application de l’article 223 B du CGI, de la réintégration, dans le
bénéfice de la société mère, de la quote-part de frais et charges.
11 L’administration fiscale n’ayant pas fait droit à la demande de la requérante au principal, cette
dernière a introduit un recours devant le tribunal administratif de Montreuil. À la suite du rejet de ce
recours par un jugement du 4 octobre 2012, la requérante au principal a interjeté appel de ce dernier
devant la cour administrative d’appel de Versailles.
31
12 La juridiction de renvoi rappelle que la Cour, dans son arrêt X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89), a
jugé que les articles 49 TFUE et 54 TFUE ne s’opposent pas à la législation d’un État membre qui
ouvre la possibilité, pour une société mère, de constituer une entité fiscale unique avec sa filiale
résidente, mais empêche la constitution d’une telle entité fiscale unique avec une filiale non-
résidente, dès lors que les bénéfices de cette dernière ne sont pas soumis à la loi fiscale de cet État
membre. Cependant, selon la juridiction de renvoi, ledit arrêt n’aurait pas examiné la conformité au
droit de l’Union de l’ensemble des avantages réservés aux sociétés membres d’un groupe fiscal
intégré.
13 Dans ces circonstances, la cour administrative d’appel de Versailles a décidé de surseoir à statuer
et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«L’article 43 CE devenu l’article 49 TFUE relatif à la liberté d’établissement doit‑il être interprété en
ce sens qu’il s’oppose à ce que la législation relative au régime français de l’intégration fiscale
accorde à une société mère intégrante la neutralisation de la réintégration de la quote-part de frais
et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des seules
sociétés résidentes parties à l’intégration, alors qu’un tel droit lui est refusé, en vertu de cette
législation, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales implantées dans un autre État
membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option?»
Sur la question préjudicielle
14 L’article 49 TFUE impose la suppression des restrictions à la liberté d’établissement. Dès lors,
même si, selon leur libellé, les dispositions du traité FUE relatives à la liberté d’établissement visent à
assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil, elles s’opposent également
à ce que l’État membre d’origine entrave l’établissement dans un autre État membre de l’un de ses
ressortissants ou d’une société constituée en conformité avec sa législation (arrêt X, C‑686/13,
EU:C:2015:375, point 27 et jurisprudence citée).
15 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que la liberté d’établissement est entravée si, en vertu
d’une législation d’un État membre, une société résidente détenant une filiale ou un établissement
stable dans un autre État membre subit une différence de traitement fiscal désavantageuse par
rapport à une société résidente détenant un établissement stable ou une filiale dans le premier État
membre (voir arrêt Nordea Bank Danmark, C‑48/13, EU:C:2014:2087, point 19 et jurisprudence
citée).
16 En vertu de la réglementation en cause au principal, les dividendes perçus par une société mère
résidente et provenant d’une filiale, qu’elle soit résidente ou non-résidente, sont déduits du bénéfice
net de la société mère, à l’exclusion de la quote‑part de frais et charges. Les frais et charges afférents
aux participations dont sont issus des dividendes exonérés d’impôts sont, en effet, considérés
comme étant non déductibles du bénéfice de la société mère.
17 Cependant, cette réintégration de la quote-part de frais et charges dans le bénéfice de la société
mère est neutralisée en faveur d’une société mère faisant partie d’un groupe fiscal intégré, au sens
de l’article 223 A du CGI, pour les seuls dividendes distribués par ses filiales appartenant à ce groupe.
32
18 Il résulte ainsi d’une réglementation d’un État membre telle que celle en cause au principal que
les dividendes perçus par une société mère résidente faisant partie d’un groupe fiscal intégré, et qui
ont été distribués par ses filiales appartenant au même groupe fiscal, sont entièrement déduits du
bénéfice net de cette société mère et, partant, entièrement exonérés de l’impôt sur les sociétés dans
cet État membre, alors que les dividendes perçus par ladite société mère de filiales n’appartenant
pas audit groupe fiscal ne sont que partiellement exonérés de cet impôt, en raison de la réintégration
de la quote‑part de frais et charges dans le bénéfice de cette même société mère.
19 Or, dès lors que, en vertu d’une telle réglementation, seules des sociétés résidentes peuvent faire
partie d’un groupe fiscal intégré, l’avantage fiscal en cause au principal est réservé aux dividendes
d’origine nationale.
20 Le fait d’exclure du bénéfice d’un tel avantage une société mère qui détient une filiale établie
dans un autre État membre est de nature à rendre moins attrayant l’exercice par cette société mère
de sa liberté d’établissement, en la dissuadant de créer des filiales dans d’autres États membres.
21 Pour que cette différence de traitement soit compatible avec les dispositions du traité relatives à
la liberté d’établissement, il faut qu’elle concerne des situations qui ne sont pas objectivement
comparables ou qu’elle soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (voir arrêt X Holding,
C‑337/08, EU:C:2010:89, point 20).
22 Or, la circonstance que les dividendes perçus par une société mère, qui bénéficient de
l’exonération fiscale totale, proviennent de filiales faisant partie du groupe fiscal intégré auquel
appartient également la société mère concernée ne correspond pas à une différence de situation
objective entre sociétés mères justifiant la différence de traitement constatée (voir, en ce sens,
arrêts Papillon, C‑418/07, EU:C:2008:659, points 23 à 30; X Holding, C‑337/08, EU:C:2010:89, points
21 à 24, et SCA Group Holding e.a., C‑39/13 à C‑41/13, EU:C:2014:1758, points 29 à 31). En effet, à
l’égard d’une réglementation, telle que celle en cause au principal, prévoyant, par l’effet de la
neutralisation de la réintégration de la quote-part de frais et charges dans le bénéfice de la société
mère, l’exonération fiscale totale des dividendes perçus, la situation des sociétés appartenant à un
groupe fiscal intégré est comparable à celle des sociétés n’appartenant pas à un tel groupe, dans la
mesure où, dans les deux cas, d’une part, la société mère supporte des frais et charges liés à sa
participation dans sa filiale et, d’autre part, les bénéfices réalisés par la filiale et dont sont issus les
dividendes distribués sont, en principe, susceptibles de faire l’objet d’une double imposition
économique ou d’une imposition en chaîne (voir, en ce sens, arrêts Haribo Lakritzen Hans Riegel et
Österreichische Salinen, C‑436/08 et C‑437/08, EU:C:2011:61, point 113, ainsi que Santander Asset
Management SGIIC e.a., C‑338/11 à C‑347/11, EU:C:2012:286, point 42).
23 Il convient encore d’examiner le point de savoir si une différence de traitement telle que celle en
cause au principal est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général.
24 Les gouvernements français, néerlandais et du Royaume-Uni font valoir que la neutralisation de la
réintégration de la quote-part de frais et charges constitue un élément indissociable du régime de
l’intégration fiscale, qui serait justifié par la nécessité de préserver la répartition du pouvoir
d’imposition entre les États membres.
33
25 À cet égard, il convient de rappeler que, dans son arrêt X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89, points
18 et 43), la Cour, après avoir rappelé qu’un régime d’intégration fiscale permet, notamment, de
consolider au niveau de la société mère les bénéfices et les pertes des sociétés intégrées dans l’entité
fiscale et de conserver aux transactions effectuées au sein du groupe un caractère fiscalement
neutre, a jugé que les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement ne s’opposent pas à
la législation d’un État membre qui ouvre la possibilité, pour une société mère, de constituer une
entité fiscale unique avec sa filiale résidente, mais empêche la constitution d’une telle entité fiscale
unique avec une filiale non-résidente, dès lors que les bénéfices de cette dernière ne sont pas soumis
à la loi fiscale de cet État membre.
26 En effet, selon la Cour, l’exclusion de sociétés non-résidentes d’un tel régime est justifiée au
regard de la nécessité de préserver la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États
membres. La société mère pouvant décider à son gré de constituer une entité fiscale avec sa filiale et
de dissoudre cette entité tout aussi librement d’une année à l’autre, la possibilité d’inclure dans
l’entité fiscale unique une filiale non-résidente reviendrait à laisser à la société mère la liberté de
choisir le régime fiscal applicable aux pertes de cette filiale et le lieu où celles‑ci seraient prises en
compte (arrêt X Holding, C‑337/08, EU:C:2010:89, points 31 à 33).
27 Il ne saurait toutefois être déduit de l’arrêt X Holding (C‑337/08, EU:C:2010:89) que toute
différence de traitement entre des sociétés appartenant à un groupe fiscal intégré, d’une part, et des
sociétés n’appartenant pas à un tel groupe, d’autre part, est compatible avec l’article 49 TFUE. En
effet, dans ledit arrêt, la Cour a seulement examiné la condition de résidence en tant que condition
d’accès à un régime d’intégration fiscale et a jugé que cette condition était justifiée, en tenant
compte du fait qu’un tel régime permet le transfert des pertes à l’intérieur du groupe fiscal intégré.
28 En ce qui concerne les avantages fiscaux autres que le transfert des pertes à l’intérieur du groupe
fiscal intégré, il convient, par conséquent, d’examiner séparément, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat
général au point 34 de ses conclusions, la question de savoir si un État membre peut réserver ces
avantages aux sociétés faisant partie d’un groupe fiscal intégré et, partant, les exclure dans des
situations transfrontalières.
29 Or, une différence de traitement telle que celle en cause au principal ne peut être justifiée par la
nécessité de sauvegarder la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres.
En effet, cette différence de traitement ne porte que sur des dividendes entrants, perçus par des
sociétés mères résidentes, de telle sorte que la souveraineté fiscale d’un seul et même État membre
est concernée (voir, en ce sens, arrêt Papillon, C‑418/07, EU:C:2008:659, points 39 et 40).
30 Les gouvernements français, allemand et du Royaume-Uni ont également invoqué la nécessité de
sauvegarder la cohérence du système fiscal en cause au principal.
31 Pour qu’un argument fondé sur une telle justification puisse prospérer, il faut que soit établie
l’existence d’un lien direct entre l’avantage fiscal concerné et la compensation de cet avantage par
un prélèvement fiscal déterminé, le caractère direct de ce lien devant être apprécié au regard de
l’objectif de la réglementation en cause (arrêt Bouanich, C‑375/12, EU:C:2014:138, point 69 et
jurisprudence citée).
34
32 À cet égard, le gouvernement français a soutenu que l’avantage fiscal en cause au principal
répond à l’objectif d’assimilation du groupe constitué par la société mère et ses filiales à une seule
entreprise ayant plusieurs établissements.
33 Certes, une telle assimilation implique qu’il soit fait abstraction de la participation détenue par la
société mère tête d’un groupe fiscal intégré dans le capital de ses filiales, ce qui implique que
différentes opérations au sein du groupe soient considérées comme fiscalement inexistantes. Or, la
Cour a admis, dans l’arrêt Papillon (C‑418/07, EU:C:2008:659, point 50), qu’un lien direct puisse
exister, dans le régime de l’intégration fiscale, entre un avantage fiscal consenti aux sociétés faisant
partie d’un groupe fiscal intégré et un désavantage fiscal résultant d’une telle neutralisation des
opérations internes audit groupe. Dans l’affaire ayant conduit à cet arrêt, la prise en compte
immédiate par la société mère des pertes subies par sa filiale était compensée par la circonstance
qu’il était fait abstraction, dans le contexte d’un groupe fiscal intégré, de l’existence d’une
participation de la première société dans la seconde, rendant impossible, pour la société mère, de
constituer une provision pour dépréciation de sa participation dans la filiale subissant des pertes
(voir arrêts Papillon, C‑418/07, EU:C:2008:659, point 48, et SCA Group Holding e.a., C‑39/13 à C‑
41/13, EU:C:2014:1758, points 34 et 35).
34 Cependant, contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt Papillon (C‑
418/07, EU:C:2008:659), aucun lien direct, au sens de la jurisprudence citée au point 31 du présent
arrêt, n’a pu être identifié entre l’avantage fiscal en cause au principal et un désavantage fiscal
résultant de la neutralisation des opérations internes au groupe.
35 En effet, même si comme le soutient le gouvernement français, la neutralisation de la
réintégration de la quote-part de frais et charges résulte de l’assimilation du groupe constitué par la
société mère et ses filiales à une seule entreprise ayant plusieurs établissements, cette neutralisation
ne procure aucun désavantage fiscal à la société mère tête du groupe fiscal intégré, mais lui confère,
au contraire, ainsi qu’il ressort des points 17 à 19 du présent arrêt, l’avantage fiscal en cause au
principal.
36 Partant, l’argumentation tirée de la nécessité de sauvegarder la cohérence du système fiscal en
cause au principal ne peut être accueillie.
37 Enfin, les gouvernements français et allemand font également valoir que l’avantage fiscal en cause
au principal est conforme à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 90/435, en vertu duquel les États
membres gardent la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la participation d’une société
mère dans sa filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la première société. Or,
l’article 216 du CGI mettrait en œuvre cette faculté.
38 Une telle argumentation ne peut pas non plus être accueillie.
39 En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que la possibilité offerte aux États membres à
l’article 4, paragraphe 2, de la directive 90/435 ne saurait être exercée que dans le respect des
dispositions fondamentales du traité, en l’occurrence l’article 49 TFUE (voir arrêts Bosal, C‑168/01,
35
EU:C:2003:479, point 26; Keller Holding, C‑471/04, EU:C:2006:143, point 45, ainsi que Test Claimants
in the FII Group Litigation, C‑446/04, EU:C:2006:774, point 46).
40 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la question
posée que l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État
membre relative à un régime d’intégration fiscale en vertu de laquelle une société mère intégrante
bénéficie de la neutralisation de la réintégration d’une quote-part de frais et charges forfaitairement
fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des sociétés résidentes parties à
l’intégration, alors qu’une telle neutralisation lui est refusée, en vertu de cette législation, pour les
dividendes qui lui sont distribués par ses filiales situées dans un autre État membre qui, si elles
avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option.
Sur les dépens
41 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant
la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour
soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un
remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:
L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation d’un État membre
relative à un régime d’intégration fiscale en vertu de laquelle une société mère intégrante bénéficie
de la neutralisation de la réintégration d’une quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5
% du montant net des dividendes perçus par elle des sociétés résidentes parties à l’intégration, alors
qu’une telle neutralisation lui est refusée, en vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui
sont distribués par ses filiales situées dans un autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, y
auraient été objectivement éligibles, sur option.
36
Rép. Min Goujon - n°91894 - JO 17 mai 2016 page 4234
Texte de la question
M. Philippe Goujon appelle l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur
l'interrogation des sociétés françaises non intégrées fiscalement mais recevant des dividendes de
filiales européennes quant à l'application à leur cas de la jurisprudence de la cour de justice de
l'union européenne (CJUE) (CJUE 2 septembre 2015, aff.C-386/14, Groupe Séria SCA) concernant
leurs droits et délais de réclamation en matière de neutralisation de la quote-part de frais et charges
de 5 %. Actuellement, le régime d'intégration fiscale français crée une distinction entre les
dividendes de source française, bénéficiant d'une neutralisation de la quote-part de 5 %, et les
dividendes d'autres sources, soumis à la réintégration d'une quote-part de 5 %. Dans la décision
précitée, qui n'a été assortie d'aucune limite temporelle, la CJUE a jugé, considérant que le fait
d'exclure les situations transfrontalières de l'avantage fiscal consistant à être entièrement exonéré
d'impôt sur les dividendes est de nature à rendre moins attrayant l'exercice par les sociétés mères de
leur liberté d'établissement en les dissuadant de créer des filiales dans d'autres États membres, que
les situations des sociétés intégrées et des sociétés non intégrées sont comparables puisque dans les
deux cas la société mère supporte des frais et charges liés à sa participation dans la filiale, les
dividendes distribués étant susceptibles de faire l'objet d'une double imposition, et a conclu que la
restriction en cause n'est justifiée ni par la nécessité de préserver la répartition du pouvoir
d'imposition entre États-membres, ni par la nécessité de sauvegarder la cohérence du système fiscal.
Aussi il lui demande de lui confirmer que l'administration fiscale française tient bien compte de la
jurisprudence de la CJUE précitée sur la neutralisation de la quote-part de 5 % des dividendes et
qu'elle l'applique aux groupes de sociétés intégrés fiscalement ainsi qu'aux sociétés françaises non
intégrées fiscalement mais recevant des dividendes de filiales européennes. Il lui demande
également de lui indiquer, étant donné que la CJUE n'a assorti sa décision d'aucune limite
temporelle, quels sont les délais et voies de recours des contribuables n'ayant pas encore réclamé la
décharge des impositions relatives à la quote-part de frais et charges de 5 % sur les dividendes
perçus de sociétés résidentes de l'Union européenne et détenues à 95 % par une société française
peuvent le faire dans les délais prévus par le droit interne.
Texte de la réponse
Dans une décision du 2 septembre 2015 (affaire C-386/14 ; Groupe Steria SCA), la Cour de justice de
l'Union européenne (CJUE) a jugé contraire à la liberté d'établissement le fait de réserver
l'exonération de la quote-part de frais et charges (QPFC) attachée aux dividendes éligibles au régime
mère-filles aux dividendes distribués entre sociétés membres d'un même groupe fiscal. La CJUE
estime que la différence de traitement entre ces dividendes et les dividendes distribués par des
filiales européennes du groupe n'est pas justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général telle
que la nécessité de préserver la répartition du pouvoir d'imposition entre Etats membres. Afin de
mettre le régime fiscal des groupes en conformité avec le droit européen, l'article 40 de la loi de
finances rectificative pour 2015 supprime la neutralisation de la QPFC afférente aux dividendes
versés entre sociétés d'un même groupe. Corrélativement, le taux de la QPFC afférente aux
dividendes éligibles au régime mère-filles est abaissé à 1 %, non seulement lorsqu'ils sont versés
entre membres d'un même groupe, mais aussi lorsqu'ils sont distribués par des sociétés établies dans
un autre Etat de l'Union ou de l'Espace économique européen qui, si elles avaient été établies en
37
France, auraient rempli les conditions pour être membres du groupe fiscal. Ces aménagements
s'appliquent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016. S'agissant des recours contentieux
au titre d'exercices clos avant le 1er janvier 2016, il appartient aux sociétés qui souhaitent se
prévaloir de la décision de la CJUE de déposer auprès de leur service des impôts une réclamation
contentieuse dans le délai fixé à l'article R*.196-1 du Livre des procédures fiscales à savoir au plus
tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle du versement de l'impôt contesté. Les
réclamations au titre de l'impôt sur les sociétés 2013, versé au Trésor en 2014 peuvent ainsi être
déposées jusqu'au 31 décembre 2016.
38
CAA Versailles, 21 juin 2016, n°12 VE 03691, Sté Groupe Stéria
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société GROUPE STERIA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la
restitution d'une fraction de l'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt
auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2005 à 2008.
Par un jugement n° 1103063 en date du 4 octobre 2012, le Tribunal administratif de Montreuil a
rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 novembre 2012 et 5 février 2013, la société
GROUPE STERIA, représentée par Me Schneider, avocat, a demandé à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° à titre principal, de prononcer la restitution sollicitée, assortie des intérêts au taux légal, et
capitalisation de ces intérêts ;
3° de mettre à la charge de l'État, outre les dépens, la somme de 3 000 euros sur le fondement des
dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4° à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.
Par des mémoires, enregistrés les 29 janvier 2013 et 7 février 2014, le ministre des finances et des
comptes publics a conclu au rejet de la requête.
Par un arrêt du 29 juillet 2014, la Cour a sursis à statuer sur la requête de la société GROUPE STERIA
jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question suivante :
l'article 43 du traité CE devenu l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne
relatif à la liberté d'établissement doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce que la
législation relative au régime français de l'intégration fiscale accorde à une société mère intégrante la
neutralisation de la réintégration de la quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du
montant net des dividendes perçus par elle des seules sociétés résidentes partie à l'intégration, alors
qu'un tel droit lui est refusé, en vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui sont distribués
par ses filiales implantées dans un autre Etat membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient
été objectivement éligibles, sur option.
La Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée sur cette question préjudicielle par un
arrêt du 2 septembre 2015 n° C-386-14.
Par un mémoire, enregistré le 7 septembre 2015, la société GROUPE STERIA informe la Cour, d'une
part, de ce qu'elle a fait l'objet d'une fusion-absorption au profit de la société SOPRA STERIA GROUP
et, d'autre part, de ce que la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée sur la question
préjudicielle posée par la Cour.
39
Par un nouveau mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2015, le ministre des finances et des
comptes publics persiste dans ses conclusions.
Il fait valoir que la requérante ne peut revendiquer l'application de la décision susvisée de la Cour de
justice de l'Union européenne afin d'obtenir le dégrèvement de l'impôt sur les sociétés acquitté à
raison de la quote-part de frais et charges de 5 %, faute, d'une part, d'établir, comme elle en a la
charge en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, que ses filiales étrangères
auraient pu faire partie de son périmètre d'intégration dans les conditions prévues par les articles
223 A et suivants du code général des impôts et, d'autre part, de justifier de l'origine et du quantum
des distributions et de l'assujettissement en France de la quote-part de 5 % afférente à ces
distributions.
Par un mémoire, enregistré le 20 novembre 2015, la société SOPRA STERIA GROUP venant aux droits
et obligations de la société GROUPE STERIA conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes
moyens.
Elle soutient que :
- s'agissant de ses filiales Steria Mummert Consulting (Allemagne), Steria Norway (Norvège), Steria
Denmark (Danemark) et Steria Benelux (Belgique) : elle établit que ses filiales remplissent les
conditions pour pouvoir être membres du groupe intégré au titre des exercices clos de 2005 à 2008
dans l'hypothèse où elles auraient été établies en France ; elle justifie également du versement des
dividendes par ces sociétés ;
- s'agissant des autres filiales, elle ne peut plus désormais apporter les justificatifs requis, que
l'administration n'avait pas sollicités avant la clôture d'instruction du 10 mai 2014, dès lors que les
filiales concernées ont été cédées.
Par un nouveau mémoire en défense, enregistré le 5 février 2016, le ministre des finances et des
comptes publics conclut à ce que la Cour juge que la requête est irrecevable à hauteur de 10 480
euros au titre des distributions de l'année 2005, juge qu'au vu des justificatifs apportés que la
requête de la société ne saurait être admise qu'à hauteur des sommes de 195 627 euros pour 2005,
37 748 euros pour 2006, 320 374 euros pour 2007 et 300 374 euros pour 2008 et prononce le rejet
du surplus des conclusions de la requête.
Il fait valoir, en outre, que :
- dans ses dernières écritures, la société mentionne un montant distribué total de 12 678 000 euros
au titre de l'exercice 2005 alors que tant sa réclamation initiale que sa demande devant la Cour
portaient sur un montant de dividendes de 12 078 100 euros, correspondant à une quote-part pour
frais et charges de 603 905 euros ; les conclusions en restitution des impositions établies au titre de
l'exercice 2005 et afférentes à la fraction de quote-part supérieure à cette somme, nouvelles à ce
stade, sont irrecevables ;
- l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2008 a été intégralement payé par imputation de
créances relatives au crédit d'impôt recherche et à la réduction d'impôt au titre du mécénat
d'entreprise ; ainsi, même si les prétentions de l'appelante devaient être accueillies sur le principe,
aucune restitution d'impôt ne pourrait intervenir en l'absence de paiement effectif, la société ne
40
pouvant, le cas échéant, que bénéficier d'un remboursement d'une fraction du crédit d'impôt
recherche ;
- la requérante étant tenue de conserver les éléments permettant d'établir le bien-fondé de ses
prétentions durant toute la procédure, à laquelle la clôture d'instruction n'a pas mis fin, elle ne
saurait, dès lors, utilement se prévaloir de son impossibilité à produire certains de ces éléments ;
- si la requérante a produit les justificatifs nécessaires en ce qui concerne ses filiales Steria Mummert
Consulting et Steria Benelux, en revanche, s'agissant des filiales danoise et norvégienne, il n'est pas
possible, pour les exercices clos en 2007 et 2008, de procéder à un examen des déclarations
annuelles fournies en langue étrangère pour s'assurer de l'assujettissement à un impôt équivalent à
l'impôt sur les sociétés ; en outre, pour ces mêmes exercices, il n'est pas possible de recouper les
montants distribués par la filiale danoise ;
Par un nouveau mémoire, enregistré le 14 mars 2016, la société SOPRA STERIA GROUP conclut aux
mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Elle soutient, en outre, que :
- la réduction de la dette d'impôt sur les sociétés afférente à l'exercice clos en 2008 entraîne
automatiquement l'obligation pour le Trésor de restituer le crédit d'impôt recherche qui a été imputé
sur cette dette ainsi réduite ;
- les nouveaux éléments versés au dossier justifient sa demande relative à la quote-part pour frais et
charges afférente aux dividendes versés par les sociétés Steria Denmark (Danemark) et Steria
Norway (Norvège).
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne n° C-386-14 du 2 septembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Huon,
- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,
- et les observations de MmeA..., pour le ministre des finances et des comptes publics.
41
1. Considérant que la société Steria, membre du périmètre d'intégration fiscale de la société GROUPE
STERIA a perçu en 2005, 2006, 2007 et 2008 des dividendes de plusieurs filiales établies dans des
Etats de l'Union européenne, qui, placés sous le régime fiscal des sociétés mères, ont, en vertu de
l'article 216 du code général des impôts, été retranchés du résultat fiscal du groupe sous déduction
de la quote-part pour frais et charges instituée par cet article ; que, par réclamation du 28 octobre
2010, la société GROUPE STERIA a sollicité la restitution de la fraction des cotisations d'impôt sur les
sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt acquittées au titre de ses exercices clos de
2005 à 2008 et correspondant à l'imposition de cette quote-part, motif pris d'une inégalité de
traitement, constitutive d'une entrave prohibée à la liberté d'établissement, quant aux modalités
d'imposition des dividendes perçus par une société membre d'un groupe fiscal selon que ces
dividendes proviennent de sociétés elles-mêmes membres du groupe ou de filiales non établies en
France ; qu'à la suite du rejet implicite de cette réclamation, elle a réitéré ses prétentions devant le
Tribunal administratif de Montreuil ; que la société SOPRA STERIA GROUP venant aux droits et
obligations de la société GROUPE STERIA relève appel du jugement du
4 octobre 2012 par lequel le tribunal a rejeté cette demande ;
Sur le désistement partiel :
2. Considérant que, par mémoire en date du 6 avril 2016, la société
SOPRA STERIA GROUP a déclaré se désister de ses conclusions tendant à ce que la restitution des
impositions litigieuses soit assortie des intérêts légaux prévus par l'article 1153 du code civil avec
capitalisation de ces intérêts ; que ce désistement est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il
en soit donné acte ;
Sur les conclusions à fin de restitution :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir partielle opposée par le ministre ;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 216 du code général des impôts, dans sa
rédaction applicable à l'espèce : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application
du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société
mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de
frais et charges. / La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à
5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris. Cette quote-part ne peut toutefois
excéder, pour chaque période d'imposition, le montant total des frais et charges de toute nature
exposés par la société participante au cours de la même période. " ; qu'aux termes de l'article 223 A
du même code : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur
l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au
moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par
l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe (...) / Seules peuvent être
membres du groupe les sociétés ou les établissements stables qui ont donné leur accord et dont les
résultats sont soumis à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou selon les
modalités prévues aux articles 214 et 217 bis (...) / Les sociétés du groupe et, sous réserve de la
réglementation étrangère qui leur est applicable, les sociétés intermédiaires doivent ouvrir et clore
leurs exercices aux mêmes dates (...) " ; qu'aux termes de l'article 223 B de ce code : " Le résultat
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d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de
chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun (...) / Le résultat
d'ensemble est diminué de la quote-part de frais et charges afférente aux produits de participation
perçus par une société du groupe d'une société membre du groupe depuis plus d'un exercice et aux
produits de participation perçus par une société du groupe d'une société intermédiaire pour lesquels
la société mère apporte la preuve qu'ils proviennent de produits de participation versés par une
société membre du groupe depuis plus d'un exercice et n'ayant pas déjà justifié des rectifications
effectuées en application du présent alinéa ou du troisième alinéa. (...) " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union
européenne (TFUE) : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté
d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont
interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de
succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État
membre (...) " ; qu'aux termes de l'article 54 du même traité : " Les sociétés constituées en
conformité de la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration
centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union sont assimilées, pour l'application des
dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des États membres. / Par
sociétés, on entend les sociétés de droit civil ou commercial, y compris les sociétés coopératives, et
les autres personnes morales relevant du droit public ou privé, à l'exception des sociétés qui ne
poursuivent pas de but lucratif. " ;
5. Considérant que, par son arrêt C-386/14 du 2 septembre 2015, par lequel elle s'est prononcée sur
la question dont la Cour de céans l'a saisie à titre préjudiciel dans le cadre de la présente instance par
un arrêt avant dire droit du 29 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit
que l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être interprété en ce sens
qu'il s'oppose à une législation d'un État membre relative à un régime d'intégration fiscale en vertu
de laquelle une société mère intégrante bénéficie de la neutralisation de la réintégration d'une
quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par
elle des sociétés résidentes parties à l'intégration, alors qu'une telle neutralisation lui est refusée, en
vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales situées dans un
autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur
option ;
6. Considérant qu'il résulte de l'interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l'Union
européenne que l'administration n'est pas fondée à refuser à une société mère intégrante le
bénéfice de la neutralisation de la quote-part pour frais et charges, instituée par l'article 223 B du
code général des impôts en faveur des groupes fiscalement intégrés, à raison des dividendes qui lui
sont distribuées par ses filiales établies dans un autre Etat membre pour autant que ces filiales, si
elles avaient été résidentes, auraient été objectivement éligibles au régime d'intégration fiscale, sur
option, en vertu de l'article 223 A de ce code ; qu'en outre, pour l'application de ce principe, il
incombe au contribuable, seul à même de pouvoir apporter des éléments pertinents en ce sens, de
justifier non seulement du respect des conditions fixées pour l'exercice de cette option mais aussi de
l'origine et du montant des distributions susceptibles d'ouvrir droit au bénéfice de la neutralisation
de la quote-part pour frais et charges, sous réserve que la production des éléments de preuve ne
s'avère pas pratiquement impossible ou excessivement difficile ; qu'au demeurant, ainsi que le
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souligne le ministre, il résulte des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales
qu'il appartient à un contribuable qui présente une réclamation dirigée contre une imposition établie
d'après les bases indiquées dans la déclaration qu'il a souscrite de démontrer le caractère exagéré
des impositions qu'il conteste pour en obtenir la décharge ou la réduction ;
7. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'il est constant qu'au cours des années 2005, 2006,
2007 et 2008, la société Steria a reçu de ses filiales Steria Mummert Consulting AG (Allemagne),
Steria Benelux (Belgique), Steria Denmark (Danemark) et Steria Norway (Norvège) des dividendes
s'élevant, au total, respectivement à 11 200 000 euros,
2 192 532 euros, 19 524 357 euros et 23 970 412 euros ; que ces dividendes ont été retranchés du
résultat fiscal de la société GROUPE STERIA sous déduction de la quote-part pour frais et charges de
5% visée à l'article 216 du code général des impôts, s'élevant, selon les exercices concernés à 560
000 euros, 109 627 euros, 976 218 euros et 1 198 521 euros ; que, d'autre part, dans le dernier état
de ses écritures, le ministre admet, ainsi qu'il ressort d'ailleurs des justificatifs produits par la
requérante, que, dès lors qu'elles remplissaient les conditions prévues par les articles 223 A et
suivants du code général des impôts, les sociétés Steria Mummert Consulting AG, Steria Benelux,
Steria Denmark et Steria Norway, si elles avaient été résidentes en France, auraient pu, sur option,
rejoindre le périmètre d'intégration de la société
GROUPE STERIA ; que celle-ci peut donc prétendre à la neutralisation de la quote-part pour frais et
charges réintégrée dans le résultat d'ensemble du groupe de ses exercices clos en 2005, 2006, 2007
et 2008 à raison des dividendes perçus dans les conditions sus-rappelées ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que, si le ministre fait valoir que l'impôt sur les sociétés établi au
titre de l'exercice clos en 2008 par la société GROUPE STERIA a été intégralement payé par
imputation de créances, et, en particulier d'un crédit d'impôt recherche s'élevant à 1 131 173 euros,
cette circonstance, qui a trait au paiement de l'impôt, est sans incidence sur son assiette, laquelle,
ainsi qu'il vient d'être dit, doit être réduite à due concurrence de 1 198 521 euros ; qu'en
conséquence, il appartiendra à l'administration fiscale, ainsi, du reste, qu'elle en convient, de
restituer à la requérante la fraction du crédit d'impôt recherche, utilisée en paiement de l'impôt sur
les sociétés, excédant le montant de la cotisation résultant de cette réduction de base ;
9. Considérant, en troisième lieu, que la société SOPRA STERIA GROUP soutient qu'elle ne peut
justifier de l'origine des dividendes qui lui auraient été versés, à hauteur d'un montant total de 5 446
539 euros par ses autres filiales européennes, au motif que lesdites filiales ont été cédées ; que,
toutefois, cette seule circonstance ne dispensait pas la requérante, à qui il appartient de justifier le
bien-fondé de sa demande, de conserver les pièces propres à asseoir ses prétentions ; qu'ainsi, faute
d'apporter la preuve qui lui incombe, la société
SOPRA STERIA GROUP, qui, du reste, dans le dernier état de ses écritures, ne conteste plus
sérieusement l'objection formulée par le ministre quant aux dividendes en cause, n'est pas fondée à
demander la restitution des impositions afférentes à la réintégration dans ses résultats imposables
de la quote-part pour frais et charges qui correspond à ces dividendes ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société
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SOPRA STERIA GROUP est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué,
le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande dans les limites fixées au point 7. ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes
les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à
l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le
juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même
d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette
condamnation " ;
12. Considérant que, par application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce,
de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société
SOPRA STERIA GROUP et non compris dans les dépens ;
Sur les dépens :
13. Considérant que la présente instance n'a donné lieu à aucun dépens ; que, par suite, les
conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de la société
SOPRA STERIA GROUP tendant au versement des intérêts légaux prévus par l'article 1153 du code
civil avec capitalisation de ces intérêts.
Article 2 : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés et aux contributions additionnelles à cet
impôt des exercices clos en 2005, 2006, 2007 et 2008 de la société GROUPE STERIA sont réduites
respectivement de 560 000 euros, 109 627 euros, 976 218 euros et 1 198 521 euros.
Article 3 : Il est accordé à la société SOPRA STERIA GROUP la restitution des cotisations d'impôt sur
les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt auxquelles la société STERIA GROUPE a
été assujettie au titre de ses exercices clos de 2005 à 2008 à hauteur de la réduction de bases
prononcée à l'article 2.
Article 4 : Le jugement n° 1103063 du 4 octobre 2012 du Tribunal administratif de Montreuil est
réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'État versera à la société SOPRA STERIA GROUP une somme de 2 000 euros au titre des
dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par la société SOPRA STERIA GROUP est rejeté.
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CE, 20 mai 2016, n° 392527, SELARL Lemaire
Vu la procédure suivante :
La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) du docteur Lemaire a demandé au
tribunal administratif de Châlons-en-Champagne la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt
sur les sociétés et des pénalités correspondantes qui lui ont été assignées au titre de l'exercice 2007.
Par un jugement n° 1201353 du 24 mars 2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a
fait droit à sa demande.
Par un arrêt n° 14NC00699 25 juin 2015, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel que
le ministre délégué du budget avait formé contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 10 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre
des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Lombard, auditeur,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner,
Texidor, avocat de la Selarl Lemaire ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société d'exercice
libéral à responsabilité limitée (SELARL) du docteur Lemaire, dont ce dernier, chirurgien-urologue,
était l'unique associé, a acquis, le 3 juin 2003, 364 actions de la société Clinique Saint-André,
représentant 0,88 % du capital social de cette société, laquelle détenait la totalité du capital social de
la société Polyclinique des Bleuets, qui exploitait une clinique dans laquelle le docteur Lemaire
exerçait son activité professionnelle ; que ces titres ont été inscrits dans un compte " titres de
participation " de la SELARL Lemaire, le 1er juillet 2003, pour un montant total de 77 896 euros ; que
la SELARL a cédé ces titres, le 10 octobre 2007, à la société Polyclinique de Courlancy, pour un
montant de 410 956 euros ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a
remis en cause l'exonération d'impôt sur les sociétés de la plus-value réalisée au motif que les
actions cédées ne constituaient pas des titres de participation ; que par un jugement du 24 mars
2014, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à la demande de la SELARL
46
tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités
correspondantes qui lui a été assignée au titre de l'exercice 2007 ; que, par un arrêt du 25 juin 2015,
la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel que le ministre du budget avait formé contre
ce jugement ;
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du a quinquies du I de l'article 219 du code général des
impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés, le taux d'imposition du montant net des plus-
values à long terme afférentes à des titres de participation est fixé, sous réserve de la prise en
compte d'une quote-part de frais et charges dans le résultat imposable, à 0 % pour les exercices
ouverts à compter du 1er janvier 2007 ; que les mêmes dispositions énoncent : " Les titres de
participation mentionnés au premier alinéa sont les titres de participation revêtant ce caractère sur
le plan comptable (...) " ; que, sur le plan comptable, les titres de participation sont ceux dont la
possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet
d'exercer une influence sur la société émettrice des titres ou d'en assurer le contrôle ; qu'une telle
utilité peut notamment être caractérisée si les conditions d'achat des titres en cause révèlent
l'intention de l'acquéreur d'exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens
d'exercer une telle influence ;
3. Considérant, en premier lieu, que s'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que l'utilité de
l'acquisition des titres s'apprécie notamment par l'influence ou le contrôle que la détention de ces
titres permet à la société acquéreuse d'exercer sur la société émettrice, elle peut aussi être
caractérisée, en particulier s'agissant d'une société d'exercice libéral, lorsque les conditions
d'acquisition des titres révèlent l'intention de la première de favoriser son activité par ce moyen,
notamment par les prérogatives juridiques qu'une telle détention lui confère ou les avantages qu'elle
lui procure pour l'exercice de cette activité ; qu'ainsi, c'est sans méconnaître le critère d'utilité pour
la société détentrice des titres que la cour administrative d'appel de Nancy, qui a par ailleurs observé
que la SELARL du docteur Lemaire les avait conservés environ quatre ans et demi, a relevé que la
participation de cette société au capital social de la société Clinique Saint André permettait à son
unique associé d'exercer son activité professionnelle au sein de la polyclinique des Bleuets dans des
conditions privilégiées et qu'elle contribuait ainsi à l'exercice et au développement de l'activité de sa
SELARL alors même que sa quotité ne lui permettait pas d'exercer une influence sur la société
émettrice ;
4. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que le règlement
intérieur médical de la clinique, qui fait partie du contrat d'exercice conclu avec le praticien, confère
un droit de priorité réservé aux praticiens actionnaires tant en matière d'hospitalisation que de
plateau technique ; que la participation prise par la SELARL du docteur Lemaire permettait donc à ce
dernier d'exercer son activité professionnelle au sein de la clinique dans des conditions privilégiées ;
que l'achat ou l'engagement d'achat de 100 actions de la société Polyclinique des Bleuets par la
SELARL lui ouvrait, en outre, la perspective de faire entrer un nouvel associé pouvant, à ce titre,
exercer au sein de la polyclinique des Bleuets ; qu'en se fondant sur ces éléments, la cour
administrative d'appel n'a ni commis d'erreur de droit, ni dénaturé les faits soumis à son appréciation
souveraine ni inexactement qualifié les titres en cause en jugeant qu'ils constituaient, pour la SELARL
du docteur Lemaire, des titres de participation ;
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5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander
l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la
charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à la société Lemaire, au titre de l'article L. 761-1
du code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du ministre du budget est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la SELARL Lemaire une somme de 3 000 au titre de l'article L. 761-1 du code
de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à la
SELARL Lemaire.
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CE, 20 octobre 2016, n° 397537, Sté Cie du Cambodge
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 1er mars et 9 mai 2016 au secrétariat du
contentieux du Conseil d'Etat, la société Compagnie du Cambodge demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le second alinéa du paragraphe 190 de l'instruction BOI-BIC-
PVMV-30-10 publiée au bulletin officiel des finances publiques-impôts le 12 septembre 2012 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 15 000 euros au titre des dispositions
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.
Vu les notes en délibéré, enregistrées les 6 et 17 octobre 2016, présentées pour la société
Compagnie du Cambodge.
1. Considérant que le paragraphe 190 de l'instruction fiscale publiée le 12 septembre 2012 sous la
référence BOI-BIC-PVMV-30-10, intitulé " actions d'autocontrôle ", prévoit que : " Lorsque des
actions d'une société sont possédées par une ou plusieurs sociétés dont elle détient directement ou
indirectement le contrôle, les droits de vote attachés à ces actions ne peuvent être exercés à
l'assemblée générale de la société (C. com. art. L. 233-31). / Dès lors que ces titres sont privés de
droit de vote et que la société qui les détient est elle-même détenue par la société émettrice des
titres, lesdits titres ne peuvent être considérés comme des titres de participation éligibles au taux
réduit d'imposition " ; que la société Compagnie du Cambodge doit être regardée comme demandant
l'annulation du second alinéa de ce paragraphe ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du a ter du I de l'article 219 du code général des impôts : "
(...) constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le
plan comptable. Il en va de même des actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou
d'échange par l'entreprise qui en est l'initiatrice ainsi que des titres ouvrant droit au régime des
sociétés mères ou, lorsque leur prix de revient est au moins égal à 22 800 000 euros, qui remplissent
les conditions ouvrant droit à ce régime autres que la détention de 5 % au moins du capital de la
société émettrice, si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte de titres de
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participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur
qualification comptable (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 233-31 du code de commerce : " Lorsque
des actions ou des droits de vote d'une société sont possédés par une ou plusieurs sociétés dont elle
détient directement ou indirectement le contrôle, les droits de vote attachés à ces actions ou ces
droits de vote ne peuvent être exercés à l'assemblée générale de la société. Il n'en est pas tenu
compte pour le calcul du quorum " ;
4. Considérant qu'en excluant du bénéfice du régime des plus-values de long terme prévu au I de
l'article 219 précité les titres d'autocontrôle mentionnés à l'article L. 233-31 du code de commerce,
au seul motif que les droits de vote attachés à ces titres ne peuvent être exercés à l'assemblée
générale de la société, alors que ni les dispositions du I de l'article 219 ni aucune autre disposition du
code ne conditionnent le bénéfice de ce régime à l'exercice des droits de vote, le ministre ne s'est
pas borné à expliciter la loi mais y a ajouté des dispositions nouvelles qu'aucun texte ne l'autorisait à
prendre ; que la société requérante est, par suite, fondée à demander l'annulation du second alinéa
du paragraphe 190 de l'instruction fiscale publiée sous la référence BOI-BIC-PVMV-30-10 ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la
somme de 3 000 euros à verser à la société Compagnie du Cambodge ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le second alinéa du paragraphe 190 de l'instruction fiscale publiée le 12 septembre 2012
sous la référence BOI-BIC-PVMV-30-10 est annulé.
Article 2 : L'Etat versera à la société Compagnie du Cambodge la somme de 3 000 euros au titre des
dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Compagnie du Cambodge et au ministre de
l'économie et des finances.
50
CE, 13 juillet 2016, n° 375801, Sté Monte Paschi Banque
Vu la procédure suivante :
Par deux requêtes distinctes, la SA Monte Paschi Banque a demandé au tribunal administratif de
Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de
contributions additionnelles auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et
2006, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1004876 du 6 octobre 2011, le
tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa première demande. Par un jugement n°1109358 du 6
décembre 2012, ce tribunal a fait partiellement droit à sa deuxième demande.
Par un arrêt n°s 11VE04035, 13VE00390 du 19 décembre 2013, la cour administrative d'appel de
Versailles a rejeté les appels formés par la SA Monte Paschi Banque contre ces deux jugements.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les
26 février et 26 mai 2014 et les 10 février et 23 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil
d'Etat, la SA Monte Paschi Banque demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses appels ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner,
Texidor, avocat de la SA Monte Paschi Banque ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces soumises aux juges du fond que l'agence de Strasbourg de la société anonyme
Monte Paschi Banque a consenti à la société KMX Technologie d'importants concours financiers
entre le 31 décembre 2000 et le 31 décembre 2004. Au titre des exercices clos en 2003 et 2004, elle
a constitué des provisions pour risque de non-recouvrement de ces créances. A l'issue de la
51
vérification de comptabilité dont la société a fait l'objet, l'administration fiscale a réintégré dans le
résultat de l'exercice clos en 2004 une somme de 7 560 500 euros correspondant à une fraction de la
provision constituée à hauteur de 11 237 561 euros, au motif que la SA Monte Paschi Banque n'avait
pas agi dans le cadre d'une gestion commerciale normale. L'administration a remis en cause, à due
concurrence, le report déficitaire auquel la banque avait procédé au titre de l'exercice clos le 31
décembre 2005. A la suite d'un contrôle sur pièces, elle a également rectifié pour ce motif les
résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2006. Par l'arrêt contre lequel la société se pourvoit en
cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé les jugements des 6 octobre 2011 et
6 décembre 2012 par lesquels le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les demandes de la SA
Monte Paschi Banque tendant à la décharge des impositions supplémentaires en résultant au titre
des exercices clos en 2005 et 2006.
2. Il résulte des dispositions combinées des articles 38 et 39 du code général des impôts, applicables
en matière d'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code, que le
bénéfice net est établi sous déduction des charges, comprenant notamment des provisions,
supportées dans l'intérêt de l'entreprise. En revanche, ne peuvent être déduites du bénéfice net
passible de l'impôt sur les sociétés les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou
charges étrangères à une gestion commerciale normale.
3. C'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration doit apprécier si les
opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d'une gestion commerciale normale.
Indépendamment du cas de détournements de fonds rendus possibles par le comportement délibéré
ou la carence manifeste des dirigeants, il n'appartient pas à l'administration, dans ce cadre, de se
prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par l'entreprise et notamment pas sur
l'ampleur des risques pris par elle pour améliorer ses résultats.
4. Pour juger que l'administration devait être regardée comme établissant que la poursuite, par
l'agence de Strasbourg, de l'octroi des crédits litigieux à la société KMX Technologie entre le 31
décembre 2000 et le 31 décembre 2004, bien qu'entrant dans l'objet social de la société Monte
Paschi Banque, constituait un acte étranger à une gestion commerciale normale insusceptible
d'ouvrir droit à la comptabilisation d'une provision déductible du bénéfice imposable, la cour s'est
bornée à relever que l'ensemble des circonstances de l'espèce devait être regardée comme révélant
une " prise de risque inconsidérée de la banque ". En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait
seulement de rechercher si les décisions en cause étaient conformes à l'intérêt de l'entreprise, sans
qu'il y ait lieu de s'interroger sur l'ampleur des risques pris, la cour a commis une erreur de droit. Par
suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500
euros à verser à la SA Monte Paschi Banque, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative.
52
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 19 décembre 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 500 euros à la SA Monte Paschi Banque au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SA Monte Paschi Banque et au ministre des finances
et des comptes publics.
53
CE, 9 mars 2016, n° 380808, Sté Arjohuntleigh
Vu la procédure suivante :
La société HNE Médical a demandé au tribunal administratif de Lyon de la décharger des cotisations
d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales sur les bénéfices qu'elle a acquittées au titre des
exercices 2006 et 2007 à hauteur d'un profit imposé à tort de 3 699 032 euros en 2006 et de 2 690
121 euros en 2007 et de constater l'existence d'un déficit reportable né des pertes enregistrées au
cours de l'exercice 2005 et des exercices antérieurs. Par un jugement n° 1001773 du 10 juillet 2012,
le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 12LY02422 du 20 mars 2014, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel
formé contre ce jugement par la société Arjohuntleigh, venant aux droits de la société HNE Médical.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les
30 mai et 29 juillet 2014 et le 22 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la
société Arjohuntleigh demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Le Griel, avocat de la société
Arjohuntleigh ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que d'importantes
irrégularités comptables ont été découvertes dans les comptes de la société HNE Médical à la suite
du changement de direction et de contrôle du groupe dont elle fait partie ; que le nouveau
commissaire aux comptes a ainsi constaté, en 2009, que de nombreuses factures fictives avaient été
comptabilisées dans les comptes clients depuis 2000, pour un montant estimé à 18,6 millions d'euros
au 31 décembre 2008, conduisant à majorer artificiellement les résultats imposables de la société ;
qu'estimant que ces irrégularités provenaient d'agissements frauduleux de son directeur
54
administratif et comptable, lequel aurait eu intérêt à surestimer les résultats de la société dont
dépendait son propre salaire et ses bonus annuels, la société HNE Médical, après l'avoir suspendu de
ses fonctions et licencié pour faute grave, a déposé une plainte contre X le 27 avril 2009 ; que par
une réclamation du 30 juillet 2009, elle a demandé la déduction des profits imposés, selon elle à tort,
au titre des exercices 2006 et 2007, à hauteur respectivement de 3 699 032 euros et de 2 690 121
euros, ainsi que la constatation de l'existence d'un déficit reportable né des pertes enregistrées au
cours de l'exercice 2005 et des exercices antérieurs ; que l'administration fiscale a rejeté ses
demandes, au motif que ces irrégularités étaient la conséquence d'actes purement délibérés et ne
répondaient pas à la notion d'erreur au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ; que la
société Arjohuntleigh, qui vient aux droits de la société HNE Médical qu'elle a absorbée par fusion le
30 mars 2010, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 mars 2014 par lequel la cour
administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 10 juillet
2012 du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations
d'impôt sur les sociétés et des contributions sociales sur les bénéfices correspondant aux profits
imposés selon elle à tort au titre des exercices 2006 et 2007 et à la constatation de l'existence d'un
déficit reportable né des pertes enregistrées au cours de l'exercice 2005 et des exercices antérieurs ;
2. Considérant qu'après avoir relevé que les manipulations tendant à enregistrer des écritures
comptables majorant artificiellement le chiffre d'affaires avaient été réalisées de manière délibérée
par le directeur administratif et financier de la société requérante et que cette dernière n'établissait
pas avoir pris toutes les mesures appropriées dans la mise en oeuvre des dispositifs de contrôle pour
les éviter, y mettre fin et faire en sorte qu'elles ne se reproduisent pas, la cour administrative d'appel
de Lyon a jugé que ces manipulations, dont la société Arjohuntleigh ne démontrait pas qu'elles
avaient été commises à son insu, constituaient une erreur comptable délibérée commise par le
directeur administratif et financier au nom de la société et que celle-ci ne pouvait par suite en
demander la rectification ; que toutefois, quelles qu'aient été les carences dans l'organisation et dans
la mise en œuvre des dispositifs de contrôle, les irrégularités comptables litigieuses ne sauraient
résulter d'une erreur volontairement commise par la société Arjohuntleigh, dès lors qu'elles ont été
réalisées par un salarié qui, outrepassant l'exercice normal de ses fonctions, a fait apparaître des
produits fictifs majorant le résultat de la société ; que, par suite, en jugeant que ces irrégularités
présentaient la nature d'erreurs comptables délibérées, la cour administrative d'appel a donné aux
faits dont elle était saisie une qualification juridique erronée ;
3. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres
moyens du pourvoi, que la société Arjohuntleigh est fondée à demander l'annulation de l'arrêt
qu'elle attaque ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en
application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que les manipulations comptables
irrégulières commises par le directeur administratif et financier de la société Arjohuntleigh ne
constituent pas une erreur comptable délibérée commise par ce salarié au nom de la société ; que
cette dernière pouvait, par suite, en demander la rectification à due concurrence pour le calcul de
ses résultats imposables des seuls exercices 2006 et 2007 en application de l'article R. 196-1 du livre
des procédures fiscales ; que la société Arjohuntleigh est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort
55
que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dans cette
mesure ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une
somme de 5 000 euros, pour l'ensemble de la procédure, au titre de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 20 mars 2014 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : Le résultat imposable de la société est réduit de 3 699 032 euros et de 2 690 121 euros
respectivement pour les exercices 2006 et 2007.
Article 3 : La société Arjohuntleigh est déchargée de la différence entre les cotisations d'impôt sur les
sociétés et de contributions sociales sur les bénéfices qu'elle a acquittées au titre des exercices 2006
et 2007 et celles qui résultent de l'article 2.
Article 4 : Le jugement du 10 juillet 2012 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a
de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions d'appel de la société Arjohuntleigh est rejeté.
Article 6 : L'Etat versera la somme de 5 000 euros à la société Arjohuntleigh au titre de l'article L. 761-
1 du code de justice administrative.
Article 7 : La présente décision sera notifiée à la société Arjohuntleigh et au ministre des finances et
des comptes publics.
56
3. Actualité en matière d’intégration fiscale
CE, 13 octobre 2016, n° 388410, Sté anonyme Safran
57
CE, 13 octobre 2016, n° 388410, Sté anonyme Safran
Vu la procédure suivante :
La société anonyme Safran a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la
décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles
à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005, ainsi que des pénalités
correspondantes. Par un jugement n° 1107078 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de
Montreuil a partiellement fait droit à cette demande.
Par un arrêt n° 13VE02872 du 30 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur
appel de la société Safran, fait droit à sa requête et réformé le jugement du tribunal administratif de
Montreuil.
Par un pourvoi, enregistré le 2 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre
des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er à 3 de cet
arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Ricard, avocat de la société Safran.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Snecma,
société mère d'un groupe fiscalement intégré auquel appartenait notamment la société Snecma
Moteurs, a été absorbée, avec effet au 1er janvier 2005, par la société Safran, ce qui a entraîné la
cessation du groupe ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité dont la société Safran a fait
l'objet au titre de son exercice clos en 2005, en tant notamment qu'elle venait aux droits et
obligations de la société Snecma, l'administration a estimé, en particulier, que cette dernière avait à
tort omis de répercuter sur la société Snecma Moteurs l'intégralité de la charge d'impôt dont elle
aurait été redevable à défaut d'appartenance au groupe et qu'elle lui avait accordé, de ce fait, des
subventions indirectes, présentant un caractère anormal, qui devaient ainsi être réintégrées, en
application de l'article 223 R du code général des impôts, dans le résultat d'ensemble au titre de
l'exercice de cessation du groupe ; que, par un jugement du 4 juillet 2013, le tribunal administratif de
Montreuil a rejeté la demande de la société Safran tendant à la décharge des cotisations
supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles
elle a été assujettie à la suite de cette rectification de ses bases d'imposition au titre de son exercice
58
2005 ; que le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du
30 décembre 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a, sur l'appel de la société
Safran, fait droit à sa requête en tant qu'elle portait sur ces impositions ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction
applicable à l'année 2005 : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les
sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle
détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou
indirectement par l'intermédiaire de sociétés du groupe. (...) / Les sociétés du groupe restent
soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions
prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. La société mère supporte,
au regard des droits et des pénalités visées à l'article 2 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant
les procédures fiscales et douanières, les conséquences des infractions commises par les sociétés du
groupe. (...) / Chaque société du groupe est tenue solidairement au paiement de l'impôt sur les
sociétés, de l'imposition forfaitaire annuelle et, le cas échéant, des intérêts de retard, majorations et
amendes fiscales correspondantes, dont la société mère est redevable, à hauteur de l'impôt et des
pénalités qui seraient dus par la société si celle-ci n'était pas membre du groupe. " ; qu'aux termes de
l'article 223 B du même code, dans sa rédaction applicable : " Le résultat d'ensemble est déterminé
par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe,
déterminés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 217 bis.
(...) / L'abandon de créance ou la subvention directe ou indirecte consenti entre des sociétés du
groupe n'est pas pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble. La société mère est
tenue de joindre à la déclaration du résultat d'ensemble de chaque exercice un état des abandons de
créance ou subventions consentis à compter du 1er janvier 1992. Un décret fixe le contenu de ces
obligations déclaratives. (...) " ; que selon l'article 223 E de ce code : " Les déficits retenus pour la
détermination du résultat d'ensemble ne sont pas déductibles des résultats de la société qui les a
subis. Il en est de même des moins-values nettes à long terme retenues pour le calcul de la plus-
value ou de la moins-value nette à long terme d'ensemble " ; que l'article 223 N du même code
dispose que : " 1. Chaque société du groupe est tenue de verser les acomptes prévus à l'article 1668
pour la période de douze mois ouverte à compter du début de l'exercice au titre duquel cette société
entre dans le groupe. Si la liquidation de l'impôt dû à raison du résultat imposable de cette période
par la société mère fait apparaître que les acomptes versés sont supérieurs à l'impôt dû, l'excédent
est restitué à la société mère dans le délai prévu au 2 de l'article 1668. / 2. Lorsqu'une société cesse
d'être membre du groupe, les acomptes dus par celle-ci pour la période de douze mois ouverte à
compter du début de l'exercice au titre duquel la société ne fait plus partie du groupe sont versés
pour le compte de cette société par la société mère. " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article
223 R du code : " En cas de sortie du groupe de l'une des sociétés mentionnées au sixième alinéa de
l'article 223 B, les subventions indirectes qui proviennent d'une remise de biens composant l'actif
immobilisé (...) pour un prix différent de leur valeur réelle, déduites pour la détermination du résultat
des exercices ouverts à compter du 1er janvier 1992, sont rapportées par la société mère au résultat
d'ensemble de l'exercice de sortie de l'une de ces sociétés. De même, la société mère rapporte à ce
résultat les autres subventions indirectes, les subventions directes et les abandons de créances,
également mentionnés à cet alinéa, qui ont été déduits du résultat d'ensemble de l'un des cinq
exercices précédant celui de la sortie s'il a été ouvert à compter du 1er janvier 1992. " ; que selon
l'article 46 quater-0 ZG de l'annexe III au même code : " La subvention indirecte mentionnée au
59
sixième alinéa de l'article 223 B et au premier alinéa de l'article 223 R du code général des impôts
s'entend des renonciations à recettes qui proviennent des prêts ou d'avances sans intérêt ou à un
taux d'intérêt inférieur au taux du marché. Elle s'entend également de la livraison de biens ou de la
prestation de services sans contrepartie ou pour un prix inférieur à leur prix de revient ou, s'agissant
de biens composant l'actif immobilisé, pour un prix inférieur à leur valeur réelle. / Constituent
également une subvention indirecte au sens des articles 223 B et 223 R déjà cités les excédents de
charges qui proviennent des emprunts contractés, des avances reçues qui sont assortis d'un taux
d'intérêt plus élevé que celui du marché. Il en est de même des achats de biens ou de services pour
un prix plus élevé que leur valeur réelle. " ;
3. Considérant que ni les dispositions de l'article 223 A du code général des impôts, en vertu
desquelles une société mère peut devenir seule redevable de l'impôt sur les sociétés calculé sur
l'ensemble des résultats du groupe qu'elle constitue avec ses filiales et en vertu desquelles chaque
société est tenue solidairement au paiement de l'impôt du groupe à hauteur des sommes qu'elle
devrait acquitter en l'absence d'intégration, disposition qui ne concerne que le recouvrement des
impositions, ni les dispositions des articles 223 B et 223 E du même code, relatives aux règles de
détermination du résultat d'ensemble imposable, ni celles de l'article 223 N, relatives aux conditions
de paiement de l'impôt, ni celles de l'article 223 R, relatives aux conséquences de la sortie du groupe
d'une société ou de la cessation du régime du groupe, ni aucune autre disposition ne déterminent les
conditions de répartition de la charge de l'impôt entre les sociétés d'un groupe intégré ; qu'aucune
disposition n'implique, dans le silence de la loi sur ce point, que l'économie d'impôt résultant, le cas
échéant, de leur application ne bénéficie qu'à la société mère ; que, par suite, les sociétés membres
d'un groupe intégré sont libres de prévoir par une convention d'intégration les modalités de
répartition entre elles de la charge de l'impôt ou, le cas échéant, de l'économie d'impôt résultant du
régime d'intégration ; que, dès lors que les stipulations de cette convention procèdent à une
répartition tenant compte des résultats propres de chaque société du groupe dans des conditions
telles que cette répartition ne porte atteinte ni à l'intérêt social propre de chaque société ni aux
droits des associés ou des actionnaires minoritaires et ne constitue pas, par suite, un acte anormal de
gestion, elles ne peuvent être regardées comme conduisant au versement d'une somme ayant le
caractère d'une subvention indirecte consentie entre des sociétés du groupe au sens de l'article 223
B du même code ;
4. Considérant que, pour estimer que les sociétés Snecma et Snecma Moteurs s'étaient accordées
pour amender la convention d'intégration qui les liait en ne mettant pas à la charge de la société
Snecma Moteurs la quote-part d'impôt afférente à la réintégration des provisions pour dépréciation
de titres de participation qu'elle avait reprises au 1er janvier 2000 concomitamment à l'apport de ces
titres, qu'elle avait reçus de la société Snecma, la cour a relevé que cet amendement résultait d'une
note datée du 20 mars 2001 qui, bien que signée par le seul responsable du département fiscal du
groupe Snecma, avait été adressée aux responsables exécutifs des deux sociétés, notamment au
directeur général adjoint de Snecma chargé des affaires économiques et financières et au secrétaire
général de Snecma Moteurs, et qu'elle avait été effectivement mise en oeuvre ; qu'en statuant ainsi,
la cour a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de
dénaturation ;
60
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'amendement à la
convention d'intégration fiscale était destiné à neutraliser les effets, pour la société Snecma Moteurs,
de la réintégration des provisions pour dépréciation de titres de participation qu'avait initialement
constituées la société Snecma et qui s'étaient traduites pour cette dernière, à la suite de l'apport de
ces titres de participation à sa filiale Snecma Moteurs, par des moins-values à long-terme, lesquelles
étaient insusceptibles de s'imputer sur les plus-values de long-terme résultant, pour la société
Snecma Moteurs, de la réintégration des provisions ; que la cour administrative d'appel a relevé que
la convention d'intégration conclue par la société Snecma avec sa filiale Snecma Moteurs telle
qu'amendée par la note du 20 mars 2001 préservait les droits des associés ou des actionnaires
minoritaires dès lors que cette filiale n'était pas conduite à supporter une imposition supérieure à
celle qu'elle aurait supportée en l'absence d'intégration fiscale ; qu'elle a également relevé que, si
l'absence de répercussion sur sa filiale Snecma Moteurs de la quote-part d'impôt correspondant à la
réintégration des provisions en cause conduisait à faire supporter à la société Snecma une imposition
supérieure à celle qu'elle aurait supportée en l'absence d'intégration fiscale, cette situation était
rendue possible par son option pour le régime de l'intégration fiscale ; que, dans les circonstances de
l'espèce, elle a pu en déduire, sans erreur de qualification juridique des faits, que la prise en charge
par la société Snecma de cette quote-part d'impôt n'était pas constitutive d'un acte anormal de
gestion ;
6. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêt attaqué que le motif par lequel la cour
relève que l'absence de répercussion sur la société Snecma Moteurs de la quote-part d'impôt
afférente à la réintégration des provisions en cause avait pour effet de valoriser la participation de la
Snecma dans sa filiale à due concurrence du capital détenu présente un caractère surabondant ; que,
dès lors, le moyen du pourvoi dirigé contre ce motif est sans incidence sur le litige ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics
n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la
somme de 3 000 euros, à verser à la société Safran, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du
code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société anonyme Safran une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.
761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la société
anonyme Safran.
61
4. Actualité en matière d’opérations de restructuration
CE, 28 novembre 2016, n° 378793, H et M - Hennes et Mauritz
CE, 6 juillet 2016, n° 377904, Lupa Patrimoine
CE, 20 janvier 2016, n° 376980, SARL EBS
62
CE, 28 novembre 2016, n° 378793, H et M - Hennes et Mauritz
Vu la procédure suivante :
La société HetM Hennes et Mauritz SARL a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour
excès de pouvoir les décisions du 28 décembre 2009 par lesquelles le ministre du budget, des
comptes publics et de la réforme de l'Etat a refusé de lui accorder les agréments prévus au 3 de
article 210 B et au 2 de l'article 115 du code général des impôts. Par un jugement n° 1003702 du 11
septembre 2012, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 12PA04435 du 28 février 2014, la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à
l'appel formé par la société HetM Hennes et Mauritz, a :
- annulé ce jugement du tribunal administratif de Paris du 11 septembre 2012 ainsi que les décisions
du 28 décembre 2009 du ministre du budget, des comptes public et de la fonction publique ;
- enjoint au ministre de statuer à nouveau sur les demandes présentées par la société dans un délai
de trois mois à compter de la notification de son arrêt.
Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés les 28 avril et 17 décembre 2014, le ministre des
finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt n° 12PA04435 du 28
février 2014 de la cour administrative d'appel de Paris.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Iljic, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier,
avocat de la société HetM Hennes et Mauritz SARL ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 novembre 2016, présentée par le ministre de l'économie et
des finances ;
63
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 28 octobre 2009, la société à
responsabilité limitée HetM Hennes et Mauritz a sollicité le bénéfice des agréments prévus au 3 de
l'article 210 B et au 2 de l'article 115 du code général des impôts afin de bénéficier des régimes
prévus à l'article 210 A et au 1 de l'article 115 de ce même code au titre, d'une part, de l'apport
partiel d'actifs de sa branche complète et autonome d'activité de transport et logistique au profit de
la société HetM Hennes et Mauritz Logistics GBC et, d'autre part, de l'attribution à la société HetM
Hennes et Mauritz International BV des titres reçus en contrepartie de cette opération. La société
HetM Hennes et Mauritz SARL a procédé à cet apport partiel d'actifs le 2 novembre 2009. Par
décisions du 28 décembre 2009, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat
a refusé à la société le bénéfice des agréments sollicités. Il se pourvoit en cassation contre l'arrêt du
28 février 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 11
septembre 2012 du tribunal administratif de Paris rejetant la demande de la société HetM Hennes et
Mauritz tendant à l'annulation des décisions de refus d'agrément du 28 décembre 2009 et lui a
enjoint de statuer à nouveau sur les demandes d'agrément présentées par cette société dans un
délai de trois mois à compter de la notification de son arrêt.
2. Aux termes de l'article 210 A du code général des impôts : " 1. Les plus-values nettes et les
produits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion ne sont pas
soumis à l'impôt sur les sociétés. / (...) ". L'article 210 B du même code dispose que : " 1. Les
dispositions de l'article 210 A s'appliquent à l'apport partiel d'actif d'une branche complète d'activité
ou d'éléments assimilés lorsque la société apporteuse prend l'engagement dans l'acte d'apport : / a.
De conserver pendant trois ans les titres remis en contrepartie de l'apport ; / b. De calculer
ultérieurement les plus-values de cession afférentes à ces mêmes titres par référence à la valeur que
les biens apportés avaient, du point de vue fiscal, dans ses propres écritures. / (...) / 3. Lorsque les
conditions mentionnées au 1 ne sont pas remplies, les dispositions de l'article 210 A s'appliquent aux
apports partiels d'actif et aux scissions sur agrément délivré dans les conditions prévues à l'article
1649 nonies. / L'agrément est délivré lorsque, compte tenu des éléments faisant l'objet de l'apport :
a. L'opération est justifiée par un motif économique, se traduisant notamment par l'exercice par la
société bénéficiaire de l'apport d'une activité autonome ou l'amélioration des structures, ainsi que
par une association entre les parties ; / b. L'opération n'a pas comme objectif principal ou comme un
de ses objectifs principaux la fraude ou l'évasion fiscales ; / c. Les modalités de l'opération
permettent d'assurer l'imposition future des plus-values mises en sursis d'imposition ". Il résulte des
dispositions citées ci-dessus que les opérations d'apport partiel d'actifs qui ne remplissent pas les
conditions prévues au 1 de l'article 210 B du code général des impôts bénéficient, sur agrément, du
régime de faveur prévu à l'article 210 A de ce code lorsqu'elles remplissent les conditions prévues au
3 de l'article 210 B.
3. Ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999, la
délivrance de l'agrément prévu par les dispositions du 3 de l'article 210 B du code général des impôts
constitue un droit pour les sociétés qui remplissent les conditions objectives, nécessaires et
suffisantes fixées par ces dispositions. Au nombre de ces conditions, ne figure pas l'obligation de
calculer la parité d'échange retenue pour une opération d'apport partiel d'actifs sur la base de la
valeur réelle des actifs apportés.
64
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour faire droit à la requête d'appel de la société
HetM Hennes et Mauritz, la cour administrative d'appel a estimé qu'en refusant de délivrer à cette
société l'agrément qu'elle avait demandé sur le fondement du 3 de l'article 210 B au motif que la
rémunération de l'apport partiel d'actif objet du litige avait été calculée sur la base des valeurs nettes
comptables, le ministre lui a opposé une condition non prévue par ce texte. Contrairement à ce qui
est soutenu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas
entaché son arrêt d'erreur de droit ni dénaturé les écritures qui lui étaient soumises.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000
euros à verser à la société HetM Hennes et Mauritz sur le fondement des dispositions de l'article L.
761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er: Le pourvoi du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la société HetM Hennes et Mauritz sur le
fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la société
à responsabilité limitée HetM Hennes et Mauritz.
65
CE, 6 juillet 2016, n° 377904, Lupa Patrimoine
Vu les procédures suivantes :
Les sociétés à responsabilité limitée Lupa Immobilière France et Lupa Patrimoine France ont chacune
demandé au tribunal administratif de Paris de leur accorder la décharge des cotisations
supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elles ont été assujetties au titre de l'exercice clos
le 31 décembre 2006 ainsi que des pénalités correspondantes. Par deux jugements n° 1105856 et n°
1105857, le tribunal administratif a fait droit à leurs demandes.
Par deux arrêts n°s 12PA03961, 13PA04246 et n° 12PA03962 du 18 février 2014, la cour
administrative d'appel de Paris a rejeté les appels formés contre ces jugements par le ministre de
l'économie et des finances.
1. Sous le n° 377904, par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 17 avril 2014 et le 6
octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes
publics demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 12PA03961, 13PA04246.
2. Sous le n° 377906, par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 17 avril 2014 et le 6
octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes
publics demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 12PA03962.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, avocat de la
société Lupa Immobilière France ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées le 13 juin 2016, présentées par les sociétés Lupa Immobilière
France et Lupa Patrimoine France.
1. Considérant que les pourvois visés ci-dessus présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a
lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
66
2. Considérant que, dans le cas où une société vient à retirer de l'actif de son bilan, à la suite d'une
cession ou de la dissolution sans liquidation avec confusion de patrimoine prévue à l'article 1844-5
du code civil, les parts qu'elle détenait jusqu'alors dans une société relevant du régime prévu à
l'article 8 du code général des impôts, le résultat de cette opération doit être calculé, en retenant
comme prix de revient de ces parts leur valeur d'acquisition, majorée en premier lieu, d'une part, de
la quote-part des bénéfices de cette société revenant à l'associé qui a été ajoutée aux résultats
imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d'application du régime visé
ci-dessus, d'autre part, des pertes afférentes à des entreprises exploitées par la société et ayant
donné lieu de la part de l'associé à un versement en vue de les combler, puis minorée en second lieu,
d'une part, des déficits que l'associé a déduits pendant cette même période, à l'exclusion de ceux qui
trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux
contribuables un avantage fiscal définitif et, d'autre part, des bénéfices afférents à des entreprises
exploitées en France par la société et ayant donné lieu à répartition au profit de l'associé ;
3. Considérant que la règle énoncée au point 2 a pour objet d'assurer la neutralité de l'application de
la loi fiscale, compte tenu de la nature spécifique du régime mentionné ci-dessus, et trouve
notamment à s'appliquer à la quote-part de bénéfices revenant à l'associé d'une société soumise à ce
régime lorsque ces bénéfices résultent d'une réévaluation des actifs sociaux, qu'elle soit opérée par
l'administration fiscale dans le cadre de ses pouvoirs de contrôle et ait pour effet d'accroître
rétroactivement la base d'imposition de la société au titre de la période d'imposition close par la
dissolution de la société et l'annulation consécutive des parts détenues par l'associé ou que cette
réévaluation intervienne au moment de la dissolution de la société soumise au régime spécifique ;
que cette règle ne peut néanmoins trouver à s'appliquer que pour éviter une double imposition de la
société qui réalise l'opération de dissolution ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 28 mars 2006, les
sociétés Lupa Immobilière France et Lupa Patrimoine France ont acquis de leur société mère,
installée au Luxembourg, les titres de sociétés anonymes de droit luxembourgeois détenant les titres
de sociétés civiles immobilières françaises, lesquelles détenaient chacune un immeuble ; que le 29
mars 2006, les deux sociétés requérantes ont procédé à la dissolution des sociétés anonymes de
droit luxembourgeois avec transmission universelle de patrimoine après que ces dernières ont
réévalué la valeur des titres des sociétés civiles immobilières françaises ; que le produit en résultant
n'a pas été imposé en France ; que le 30 mars 2006, les sociétés civiles immobilières, désormais
détenues par les sociétés requérantes, ont procédé à la réévaluation libre de la valeur de leurs
immeubles, ce qui a généré un produit exceptionnel entraînant des résultats bénéficiaires pour ces
sociétés civiles immobilières ; que l'écart de réévaluation a été fiscalement appréhendé par les
sociétés requérantes conformément à l'article 8 du code général des impôts ; que le 31 mars 2006,
ces sociétés ont procédé à la dissolution avec transmission universelle de patrimoine des sociétés
civiles immobilières, ce qui a conduit à l'annulation des titres de celles-ci et à l'intégration des
immeubles des sociétés dans leur actif ; que lors de la détermination de leur résultat fiscal, elles ont
procédé à des corrections de leurs résultats comptables en réintégrant la somme composée des
résultats fiscaux des sociétés civiles immobilières à la date de la transmission universelle de
patrimoine puis déduit une somme approximativement comparable composée des résultats fiscaux
diminués des boni de confusion constatés lors de la transmission universelle de patrimoine et dégagé
un résultat fiscal négatif, en se prévalant de la règle énoncée au point 2, ce qui a conduit à
67
déterminer une moins-value résultant de l'annulation des titres des sociétés civiles immobilières
inscrits à leur actif ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de ces sociétés, l'administration
fiscale a remis en cause les déductions extracomptables ; que le ministre des finances et des comptes
publics se pourvoit en cassation contre les arrêts du 18 février 2014 par lesquels la cour
administrative d'appel de Paris a rejeté ses appels formés contre les deux jugements du 18 juillet
2012 du tribunal administratif de Paris accordant aux sociétés la décharge des cotisations
supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de ces redressements ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si les sociétés
requérantes invoquaient la double imposition économique des plus-values constatées sur les
immeubles résultant de l'imposition des gains de cession des titres des sociétés civiles immobilières
dans les mains des sociétés anonymes luxembourgeoises qui les détenaient, sans qu'y fasse obstacle
la circonstance que ces gains n'aient pas été effectivement soumis à l'impôt en France en application
de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg du 1er avril 1958, elles ne contestaient pas
ne pas avoir fait l'objet elles-mêmes d'une double imposition fiscale des plus-values constatées sur
les immeubles lors de leur réévaluation le 30 mars 2006 par les sociétés civiles immobilières ; que,
par suite, la cour a commis une erreur de droit en jugeant que les règles rappelées au point 2
devaient, en l'espèce, conduire à majorer le prix d'acquisition des parts des sociétés civiles
immobilières du montant du bénéfice tiré de la réévaluation des immeubles inscrits à leur actif au
motif que l'écart de réévaluation avait été fiscalement appréhendé par les sociétés Lupa Immobilière
France et Lupa Patrimoine France, sans rechercher si la plus-value avait déjà été imposée au nom des
sociétés au titre de l'annulation des titres des sociétés civiles immobilières ; que le ministre est, par
suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de ses pourvois, fondé à demander
l'annulation des arrêts qu'il attaque ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle
à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance,
la partie perdante ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d'appel de Paris du 18 février 2014 sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Les conclusions des sociétés Lupa Immobilière France et Lupa Patrimoine France
présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics, à la
société Lupa Immobilière France et à la société Lupa Patrimoine France.
68
CE, 20 janvier 2016, n° 376980, SARL EBS
Vu la procédure suivante :
La SARL EBS a demandé au tribunal administratif de Versailles la décharge des cotisations
supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles
elle a été assujettie au titre de l'année 2002, ainsi que des intérêts de retard correspondants. Par un
jugement n° 0506865 du 28 avril 2009, le tribunal administratif de Versailles a fait droit à sa
demande.
Par un arrêt n° 09VE02294 du 1er mars 2011, la cour administrative de Versailles a, sur recours du
ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, annulé ce
jugement et rétabli les impositions en litige.
Par une décision n° 349323 du 28 décembre 2012, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé
cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Versailles.
Par un arrêt n° 13VE00293 du 28 janvier 2014, la cour administrative d'appel de Versailles a, à
nouveau, annulé le jugement et rétabli les impositions en litige.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mars et 30 juin 2014 au
secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SARL EBS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter le recours du ministre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 90/434 CEE du 23 juillet 1990 ;
- le code civil ;
- le code général des impôts ;
- la loi n° 91-1323 du 30 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
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La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la
SARL EBS ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à la suite d'une
vérification de comptabilité de la SARL Essonne Bennes Service (EBS), anciennement dénommée
SARL Entreprise générale de maçonnerie et de services (EGMS), l'administration a remis en cause
l'application du régime de faveur prévu par l'article 210 A du code général des impôts dont la société
avait cru pouvoir bénéficier à l'occasion de la dissolution sans liquidation, réalisée sur le fondement
de l'article 1844-5 du code civil, d'une première société EBS dont elle détenait l'intégralité des parts
composant le capital social ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa du 1 de l'article 210 A du code général des impôts : "
Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait
d'une fusion ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés " ; qu'il ressort des travaux préparatoires de
l'article 25 de la loi du 30 décembre 1991 de finances rectificative pour 1991, dont sont issues ces
dispositions, que celles-ci avaient pour objet de transposer la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990
concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges
d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents et que le législateur n'a pas entendu, à
cette occasion, traiter moins favorablement les fusions opérées uniquement entre sociétés
françaises, qui sont hors du champ de cette directive, que celles qui mettent en cause les sociétés
d'un autre Etat membre, qui sont dans le champ de cette directive ; que, dès lors, la notion de fusion
prévue par ces dispositions doit être interprétée à la lumière de la définition qu'en donne la directive
; qu'ainsi, les opérations mentionnées à l'article 1844-5 du code civil, relatives à la transmission
universelle du patrimoine de la société à son associé unique, qui constituent des fusions au sens de
l'article 2 de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990, entraient, dès l'entrée en vigueur de la
nouvelle rédaction de l'article 210 A du code général des impôts, dans le champ d'application de
l'exonération prévue par cet article, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elles pourraient ne
concerner que des sociétés françaises ;
3. Considérant toutefois que l'application du régime de faveur prévu par le 1 de l'article 210 A du
code général des impôts est subordonnée à la condition que la société absorbante respecte les
prescriptions énoncées au 3 du même article, prévoyant notamment que la société absorbante
s'engage, dans l'acte de fusion, à reprendre les provisions dont l'imposition est différée et à
réintégrer dans ses bénéfices imposables les plus-values dégagées lors de l'apport des biens
amortissables ; qu'il suit de là qu'en jugeant que, pour bénéficier de l'exonération d'imposition des
plus-values constatées à l'occasion d'une dissolution sans liquidation réalisée sur le fondement de
l'article 1844-5 du code civil, la société absorbante devait avoir pris cet engagement dans l'acte de
dissolution, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
4. Considérant que si la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 fait obstacle, pour les fusions
impliquant des sociétés établies dans au moins deux Etats membres différents, à ce que ceux-ci
imposent des conditions rendant pratiquement impossible le bénéfice du régime fiscal qu'elle
prévoit, le moyen tiré de ce que l'obligation de mentionner dans l'acte de fusion l'engagement prévu
par le 3 de l'article 210 A du code général des impôts serait incompatible avec les objectifs de la
directive ne peut être utilement invoqué lorsqu'est en cause une opération qui n'implique que des
70
sociétés établies en France ; qu'au demeurant, l'obligation ainsi posée n'a pas pour effet de rendre
pratiquement impossible l'application du régime de faveur ; que ce motif, qui répond au moyen
soulevé devant les juges du fond et ne comporte l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit
être substitué au motif juridiquement erroné retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie légalement le
dispositif ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL EBS n'est pas fondée à demander
l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du
code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la SARL EBS est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SARL EBS et au ministre des finances et des comptes
publics.
71
5. Actualité en matière de TVA et de taxe sur les salaires
CE, 21 janvier 2016, n° 388676, SAS Sovaro et Sté Juliane
CE, 20 mai 2016, n°371940, SA Ginger
CJUE, 15 septembre 2016, Aff. C-516/14, Barlis 06 et C-518/14, Senatex
72
CE, 21 janvier 2016, n° 388676, SAS Sovaro et Sté Juliane
Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) Sovaro a demandé au tribunal administratif de Toulouse de la
décharger des rappels de taxe sur les salaires mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier
2005 au 31 décembre 2006. Par un jugement n° 0904109 du 8 octobre 2013, le tribunal administratif
a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 13BX03248 du 13 janvier 2015, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté
l'appel formé par la SAS Sovaro contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 13 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la SAS
Sovaro demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emmanuelle Petitdemange, auditeur,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner,
Texidor, avocat de la SAS Sovaro ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une
vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006,
étendue au 31 mars 2008 en matière de taxe sur le chiffre d'affaires et de taxe sur la valeur ajoutée,
la SAS Sovaro s'est vu notifier, par envoi du 17 juillet 2008, une proposition de rectification en
matière de taxe sur les salaires au titre des années 2005 et 2006, qui s'est traduite par un rappel de
cette taxe ; qu'après le rejet de sa réclamation par l'administration, la société a saisi le tribunal
administratif de Toulouse qui, par un jugement du 8 octobre 2013, a rejeté sa demande tendant à la
décharge de ce rappel de taxe ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour
73
administrative d'appel de Bordeaux du 13 janvier 2015 qui a confirmé le jugement du tribunal
administratif ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
2. Considérant que, devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le
juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production
postérieure à la clôture de celle-ci ; qu'il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de
cette production avant de rendre sa décision et de la viser ; que, s'il décide d'en tenir compte, il
rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production
qu'il doit, en outre, analyser ; que, dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une
circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de
faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le
jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision ;
3. Considérant que la SAS Sovaro a, dans un mémoire déposé postérieurement à la clôture de
l'instruction devant la cour administrative d'appel de Bordeaux et visé dans l'arrêt attaqué, soulevé le
moyen tiré de ce que les rémunérations de son président et de son directeur général devaient être
exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires dès lors que les dirigeants de sociétés n'ont pas la
qualité de salarié au sens du droit du travail ; que la société soutient que l'arrêt attaqué est irrégulier,
faute pour la cour d'avoir rouvert l'instruction après le dépôt de ce mémoire ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction
applicable au litige : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur
les salaires égale à 4,25 % de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du
titre IV du livre II du code de la sécurité sociale (...), et à la charge des personnes ou organismes (...)
qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne
l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du
paiement desdites rémunérations. (...) " ; qu'il résulte des travaux parlementaires de l'article 10 de la
loi du 30 décembre 2000 de finances pour 2001, dont sont issues ces dispositions, qu'en alignant
l'assiette de la taxe sur les salaires sur celle des cotisations de sécurité sociale, le législateur a
entendu y inclure les rémunérations des dirigeants de sociétés visés à l'article L. 311-3 du code de la
sécurité sociale et notamment celles des présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées ;
que, par suite, le moyen de la société tiré de ce que les rémunérations de son président et de son
directeur général étaient exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires dès lors que les dirigeants de
sociétés n'ont pas la qualité de salarié au sens du droit du travail n'était, en tout état de cause, pas
susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire ; que, dès lors, en s'abstenant de
rouvrir l'instruction après le dépôt, par la société, d'un nouveau mémoire, la cour n'a pas entaché
son arrêt d'irrégularité ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
5. Considérant que le moyen invoqué par la SAS Sovaro et tiré de ce que les rémunérations de son
président et de son directeur général étaient exclues de l'assiette de la taxe sur les salaires dès lors
que les dirigeants de société n'ont pas la qualité de salarié au sens du droit du travail a été soulevé
devant la cour administrative d'appel de Bordeaux postérieurement à la clôture de l'instruction ; qu'il
74
n'est pas d'ordre public ; que, par suite, il ne peut être utilement invoqué devant le juge de cassation
; qu'en tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'il n'est pas fondé ;
6. Considérant qu'aux termes du paragraphe 33 de la documentation administrative de base 5 L-1421
mise à jour le 1er juin 1995, relatif aux situations de variation importante d'une année à l'autre du
rapport d'assujettissement d'une entreprise à la taxe sur les salaires : " L'entreprise peut, au moment
de la régularisation de la taxe, faire état du chiffre d'affaires de l'année du paiement des
rémunérations lorsque à la suite, notamment, d'une modification de ses conditions d'activité ou de la
création de secteurs commerciaux ou industriels, la référence au rapport existant l'année précédente
conduit à une anomalie manifeste. L'entreprise doit adresser une demande au directeur des Services
fiscaux. Cette demande est instruite comme une réclamation " ; que, pour se prévaloir de
l'application de ces énonciations, une entreprise doit établir le caractère manifestement anormal de
la référence au rapport existant l'année précédente ; que, par suite, en écartant l'application de ces
dispositions à la SAS Sovaro au motif que celle-ci ne justifiait pas de la survenance d'un événement
au cours des années en litige, notamment d'une modification de ses conditions d'activité ou de la
création de nouveaux secteurs d'activité, la cour administrative d'appel n'a pas entaché son arrêt
d'erreur de droit ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la SAS Sovaro doit être rejeté, y
compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la SAS Sovaro est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS Sovaro et au ministre des finances et des
comptes publics.
75
CE, 20 mai 2016, n°371940, SA Ginger
Vu la procédure suivante :
La société Ginger a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels
de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31
décembre 2002, ainsi que des intérêts de retard correspondants. Par un jugement n° 0516053 du 7
octobre 2009, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 09PA06657 du 3 mai 2011, la cour administrative d'appel de Paris, sur appel de la
société Ginger, a annulé ce jugement et prononcé la décharge des rappels de taxe.
Par une décision n° 350526 du 27 juin 2012, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi du ministre du
budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour
administrative d'appel de Paris.
Par un arrêt n° 12PA02858 du 4 juillet 2013, celle-ci a rejeté l'appel formé par la société Ginger
contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 octobre 2009.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en
matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre
d'affaires ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Esther de Moustier, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la
société Ginger Groupe Ingenierie Europe ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Ginger, qui
détient en tant que holding des filiales dans la gestion desquelles elle s'immisce, leur fournit des
prestations de services imposables à la taxe sur la valeur ajoutée et en perçoit des dividendes non
soumis à cette taxe ; qu'elle a déduit la totalité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les dépenses
exposées pour ses opérations ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur
l'exercice clos en 2002, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause le montant de la
taxe sur la valeur ajoutée déductible et estimé que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les
dépenses portant sur des biens et services acquis par la société n'aurait dû être déduite que dans la
limite du pourcentage, établi à 67 %, résultant du rapport entre le montant annuel de ses recettes
76
soumises à cette taxe et le montant annuel de l'ensemble de ses recettes ; qu'elle a procédé en
conséquence à des rappels de taxe au titre de la période correspondant à l'année 2002 ; que la
société Ginger se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 juillet 2013 par lequel la cour
administrative d'appel de Paris a, sur renvoi du Conseil d'Etat, rejeté son appel contre le jugement du
7 octobre 2009 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge de ce
rappel de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités correspondantes ;
2. Considérant qu'il résulte de l'article 17 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 que si la
simple acquisition et la simple détention de parts sociales ne doivent pas être regardées comme des
activités économiques au sens de la directive, conférant à leur auteur la qualité d'assujetti, il en va
différemment lorsque la participation est accompagnée d'une immixtion directe ou indirecte dans la
gestion des sociétés dans lesquelles des participations sont détenues ; que, dans ce cas, la taxe sur la
valeur ajoutée est déductible, d'une part, lorsque les opérations effectuées en amont présentent un
lien direct et immédiat avec des opérations en aval ouvrant droit à déduction, d'autre part, même en
l'absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs
opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts en cause font partie des frais
généraux de l'assujetti et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des
services qu'il fournit ; que, par un arrêt Beteiligungsgesellschaft Larentia + Minerva mbH et Co. KG du
16 juillet 2015, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que, dans ces conditions, les
frais liés à la détention de participations dans ses filiales supportés par une société holding qui
participe à leur gestion et qui, à ce titre, exerce une activité économique, doivent être regardés
comme affectés à l'activité économique de cette société et que la taxe sur la valeur ajoutée acquittée
sur ces frais ouvre droit à déduction intégrale ; qu'elle a précisé que ce n'est que dans l'hypothèse où
ces frais ont été affectés pour partie à d'autres filiales à la gestion desquelles cette société holding ne
participait pas, que la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur ceux-ci ne pourrait être déduite que
partiellement, selon une clef de répartition reflétant objectivement la part d'affectation réelle des
dépenses en amont à chacune des deux activités, économique et non économique, de la société
holding ; qu'il s'en déduit que la taxe grevant les frais généraux des holdings qui s'immiscent dans la
gestion de leurs filiales est entièrement déductible ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que la société Ginger ne pouvait pas
déduire intégralement la taxe sur la valeur ajoutée d'amont qu'elle avait supportée au seul motif
qu'elle percevait de ses filiales, dans la gestion desquelles elle s'immisçait, des dividendes placés hors
du champ de la taxe sur la valeur ajoutée, la cour administrative d'appel de Paris a commis une
erreur de droit ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société
requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
4. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative :
" Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue
définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Ginger, société intégrante d'un groupe de
sociétés ayant opté pour le régime de l'intégration fiscale, a conclu avec l'ensemble de ses filiales,
dans lesquelles elle détient des participations, pour l'essentiel à hauteur de 100 %, des conventions
de gestion et d'assistance administrative, technique et comptable à l'origine de prestations de
services soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et fournit à ses clients des prestations d'ingénierie
77
également soumises à cette taxe ; qu'ainsi, elle doit être regardée comme s'immisçant dans la
gestion de ses filiales et exerçant, en sa qualité de société holding, une activité économique entrant
dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, la circonstance que les dividendes qu'elle
perçoit de ses filiales ne constituent pas des recettes soumises à la taxe sur la valeur ajoutée étant à
cet égard indifférente ; que, dans ces conditions, les dépenses exposées par la société Ginger et
grevées de la taxe sur la valeur ajoutée font partie de ses frais généraux et sont des éléments
constitutifs du prix des services qu'elle fournit en qualité d'assujettie ; que la société Ginger était dès
lors fondée à déduire de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a collectée l'intégralité de la somme de
173 901 euros dont l'administration a remis en cause la déduction au titre de la période du 1er
janvier 2002 au 31 décembre 2002 ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Ginger est fondée à soutenir que c'est à
tort que, par le jugement attaqué du 7 octobre 2009, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa
demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au
titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2002, ainsi que des intérêts de retard
correspondants ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement et de prononcer la décharge sollicitée ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la
somme de 3 000 euros à verser à la société Ginger ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 4 juillet 2013 et le jugement du
tribunal administratif de Paris du 7 octobre 2009 sont annulés.
Article 2 : La société Ginger est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au
titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2002 et des intérêts de retard correspondants.
Article 3 : L'Etat versera à la société Ginger la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Ginger et au ministre des finances et des
comptes publics.
78
CJUE, 15 septembre 2016, Aff. C-516/14, Barlis 06 et C-518/14, Senatex
Dans l’affaire C‑516/14, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article
267 TFUE, introduite par le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD)
[tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif), Portugal], par décision du 3
novembre 2014, parvenue à la Cour le 17 novembre 2014, dans la procédure
Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos SA
contre
Autoridade Tributária e Aduaneira,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. C. Lycourgos, E. Juhász, C. Vajda
(rapporteur) et Mme K. Jürimäe, juges,
avocat général : Mme J. Kokott,
greffier : Mme M. Ferreira, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 janvier 2016,
considérant les observations présentées :
– pour Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos SA, par Me P. Braz, advogado,
– pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et R. Campos Laires ainsi que par
Mme A. Cunha, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par Mme L. Lozano Palacios et M. P. Guerra e Andrade, en
qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 février 2016,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 178, sous a), et de
l’article 226, point 6, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au
système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347 p. 1).
79
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Barlis 06 – Investimentos
Imobiliários e Turísticos SA (ci-après « Barlis ») à l’Autoridade Tributária e Aduaneira (administration
des contributions et des douanes, Portugal) au sujet du refus de cette dernière d’admettre la
déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée en amont par Barlis en tant que
destinataire de services juridiques rendus par un cabinet d’avocats, au motif que les factures émises
par ce cabinet ne satisfont pas aux exigences de forme prévues par la législation nationale.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 L’article 64, paragraphe 1, de la directive 2006/112 prévoit :
« Lorsqu’elles donnent lieu à des décomptes ou à des paiements successifs, les livraisons de biens,
autres que celles ayant pour objet la location d’un bien pendant une certaine période ou la vente à
tempérament d’un bien visées à l’article 14, paragraphe 2, point b), et les prestations de services
sont considérées comme effectuées au moment de l’expiration des périodes auxquelles ces
décomptes ou paiements se rapportent. »
4 Selon l’article 168 de cette directive :
« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées,
l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du
montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :
a) la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et
pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ; [...] »
5 L’article 178 de ladite directive est libellé comme suit :
« Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit remplir les conditions suivantes :
a) pour la déduction visée à l’article 168, point a), en ce qui concerne les livraisons de biens et les
prestations de services, détenir une facture établie conformément aux articles 220 à 236 et aux
articles 220 à 236 et aux articles 238, 239 et 240 ; [...] »
6 L’article 219 de la même directive dispose qu’est assimilé à une facture tout document ou message
qui modifie la facture initiale et y fait référence de façon spécifique et non équivoque.
7 Aux termes de l’article 220 de la directive 2006/112 :
« Tout assujetti doit s’assurer qu’une facture est émise, par lui-même, par l’acquéreur ou le preneur
ou, en son nom et pour son compte, par un tiers, dans les cas suivants :
1) pour les livraisons de biens ou les prestations de services qu’il effectue pour un autre assujetti ou
pour une personne morale non assujettie ; [...] »
8 L’article 226 de cette directive prévoit :
80
« Sans préjudice des dispositions particulières prévues par la présente directive, seules les mentions
suivantes doivent figurer obligatoirement, aux fins de la TVA, sur les factures émises en application
des dispositions des articles 220 et 221 : [...]
6) la quantité et la nature des biens livrés ou l’étendue et la nature des services rendus ;
7) la date à laquelle est effectuée, ou achevée, la livraison de biens ou la prestation de services ou la
date à laquelle est versé l’acompte visé à l’article 220, points 4) et 5), dans la mesure où une telle
date est déterminée et différente de la date d’émission de la facture ; [...] »
9 L’article 273 de ladite directive dispose :
« Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer
l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de
traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des
assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États
membres à des formalités liées au passage d’une frontière.
La faculté prévue au premier alinéa ne peut être utilisée pour imposer des obligations de facturation
supplémentaires à celles fixées au chapitre 3. »
Le droit portugais
10 Il ressort de la décision de renvoi que l’article 36, paragraphe 5, sous b), du código do IVA (code
de la TVA) dispose que les factures doivent contenir la « dénomination usuelle des biens livrés ou des
services fournis, avec la spécification des éléments nécessaires à la détermination du taux
applicable ».
11 Ce n’est que lorsqu’une facture remplit notamment les conditions visées à cette disposition du
code de la TVA qu’il existe, conformément à l’article 19, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 6, de ce
même code, un droit à la déduction de la TVA mentionnée sur la facture.
Le litige au principal et la question préjudicielle
12 Barlis, dont le siège est situé à Lisbonne (Portugal), exploite des hôtels avec restaurants.
13 Entre l’année 2008 et l’année 2010, Barlis a eu recours aux services juridiques d’une société
d’avocats (ci-après les « services juridiques en question »), lesquels ont fait l’objet de quatre factures
(ci-après les « factures en cause ») contenant les descriptions suivantes :
– facture n° 02170/2008 du 26 août 2008 : « services juridiques fournis entre le 1er décembre
2007 et aujourd’hui » ;
– facture n° 32100478 du 17 décembre 2008 : « honoraires pour services juridiques fournis entre
juin et aujourd’hui » ;
– facture n° 32101181 du 29 avril 2009 : « honoraires pour services juridiques fournis jusqu’à
aujourd’hui », et
81
– facture n° 32104126 du 2 juin 2010 : « honoraires pour services juridiques fournis entre le 1er
novembre 2009 et aujourd’hui ».
14 Barlis a exercé son droit à déduction de la TVA mentionnée sur ces factures.
15 À la suite d’une demande de remboursement de TVA introduite par Barlis, les autorités
compétentes ont ouvert des procédures de contrôle pour les années 2008 à 2011. Au terme de ces
contrôles, ces autorités ont considéré que Barlis n’avait pas le droit de déduire la TVA afférente aux
services juridiques en question, au motif que les descriptions figurant sur les factures en cause,
émises par les avocats de Barlis, étaient insuffisantes. Partant, ces autorités ont proposé des
corrections de TVA à hauteur de 8 689,49 euros, représentant les montants de TVA déduits au titre
de ces services juridiques.
16 Barlis a été informée de la possibilité d’exercer son droit à une audition préalable et a présenté
des documents annexes comportant une présentation plus détaillée des services juridiques en
question.
17 Les autorités compétentes ont toutefois maintenu les corrections proposées, en raison du
caractère incomplet des factures en cause. Selon ces autorités, il ne peut être remédié à ce défaut de
forme légale par l’ajout d’annexes attestant des éléments manquants, dès lors que celles‑ci ne
constituent pas des « documents équivalents » aux factures. En effet, de tels « documents
équivalents » devraient, par eux‑mêmes, remplir toutes les conditions requises par l’article 36,
paragraphe 5, du code de la TVA, ce qui ne serait pas le cas d’une simple annexe.
18 Le 31 mai 2013, Barlis a introduit un recours gracieux contre cette décision, lequel a été rejeté par
décision du 25 septembre 2013 au motif que la mention « services juridiques » sur les factures en
cause ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 226, point 6, de la directive 2006/112, ni à celles
des dispositions nationales mettant en œuvre cette directive, dès lors que cette mention ne détaillait
ni les services qui ont été fournis ni les quantités unitaires ou totales de ceux‑ci.
19 À la suite du rejet de son recours gracieux, Barlis a demandé, le 30 décembre 2013, la constitution
d’un tribunal arbitral à juge unique.
20 Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi, le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de
Arbitragem Administrativa – CAAD) [Tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage
administratif), Portugal] relève qu’il lui appartient de déterminer si les mentions figurant sur les
factures en cause remplissent les conditions requises par l’article 36, paragraphe 5, sous b), du code
de la TVA, selon lequel les factures doivent contenir la « dénomination usuelle des biens livrés ou des
services fournis, avec la spécification des éléments nécessaires à la détermination du taux
applicable ».
21 Cette juridiction observe néanmoins que l’interprétation de la législation nationale doit être
conforme à l’article 226 de la directive 2006/112, lequel énumère de manière limitative les mentions
devant figurer sur les factures émises aux fins de la TVA, au titre desquelles figurent, au point 6 de
cette disposition, la « quantité et la nature des biens livrés ou l’étendue et la nature des services
rendus ».
82
22 Dans ces conditions, le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD)
[Tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif)] a décidé de surseoir à statuer
et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Dans le cadre d’une interprétation correcte de l’article 226, point 6, de la directive [2006/112],
[l’administration des contributions et des douanes] [...] peut-elle juger insuffisant le contenu d’une
facture qui comporte la mention “services juridiques fournis depuis une certaine date jusqu’à
aujourd’hui” ou même “services juridiques fournis jusqu’à aujourd’hui”, alors que ladite
administration peut, sur le fondement du principe de collaboration, obtenir les éléments
d’information complémentaires qu’elle jugerait nécessaires en vue de la confirmation de l’existence
et des caractéristiques détaillées des opérations ? »
Sur la question préjudicielle
23 À titre liminaire, il y a lieu de relever que la question préjudicielle ne vise expressément que
l’article 226, point 6, de la directive 2006/112. Afin de donner à la juridiction de renvoi une réponse
utile qui lui permette de trancher le litige dont elle est saisie, il convient toutefois d’inclure dans
l’analyse à effectuer également l’article 178, sous a), et l’article 226, point 7, de la directive
2006/112. À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a pour mission d’interpréter toutes les
dispositions du droit de l’Union dont les juridictions nationales ont besoin afin de statuer sur les
litiges qui leur sont soumis, même si ces dispositions ne sont pas indiquées expressément dans les
questions qui lui sont adressées par ces juridictions (arrêt du 16 juillet 2015, Abcur, C‑544/13 et C‑
545/13, EU:C:2015:481, point 33).
24 La question posée par la juridiction de renvoi comporte deux parties, qu’il convient de traiter
séparément. Par la première partie de sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si
l’article 226 de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que des factures comportant
seulement les mentions « services juridiques fournis depuis [une certaine date] jusqu’à aujourd’hui »
ou « services juridiques fournis jusqu’à aujourd’hui », telles que celles en cause au principal, sont
conformes aux exigences visées aux points 6 et 7 de cet article. Par la seconde partie de sa question,
la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 178, sous a), de la directive 2006/112 doit être
interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les autorités fiscales nationales puissent refuser le droit
à déduction de la TVA pour la seule raison que l’assujetti détient une facture qui ne remplit pas les
conditions requises par l’article 226, points 6 et 7, de cette directive, alors que ces autorités
disposent de toutes les informations nécessaires pour vérifier si les conditions de fond relatives à
l’exercice de ce droit sont satisfaites.
Sur la première partie de la question, relative au respect de l’article 226, points 6 et 7, de la directive
2006/112
25 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 226 de la directive 2006/112 précise que, sans
préjudice des dispositions particulières de cette directive, seules les mentions citées à cet article
doivent figurer obligatoirement, aux fins de la TVA, sur les factures émises en application de l’article
220 de ladite directive. Il s’ensuit qu’il n’est pas loisible aux États membres de lier l’exercice du droit
à déduction de la TVA au respect de conditions relatives au contenu des factures, qui ne sont pas
expressément prévues par les dispositions de la directive 2006/112 (voir, en ce sens, arrêt du 15
juillet 2010, Pannon Gép Centrum, C‑368/09, EU:C:2010:441, points 40 et 41).
83
26 En premier lieu, l’article 226, point 6, de la directive 2006/112 exige que la facture comporte la
mention de l’étendue et de la nature des services rendus. Le libellé de cette disposition indique ainsi
qu’il est obligatoire de préciser l’étendue et la nature des services fournis, sans toutefois préciser
qu’il est nécessaire de décrire les services spécifiques fournis de manière exhaustive.
27 Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé aux points 30, 32 et 46 de ses conclusions, l’objectif des
mentions qui doivent obligatoirement figurer sur une facture est de permettre aux administrations
fiscales de contrôler le paiement de la taxe due et, le cas échéant, l’existence du droit à déduction de
la TVA. C’est, partant, à la lumière de cet objectif qu’il convient d’analyser si des factures, telles que
les factures en cause au principal, sont conformes aux exigences de l’article 226, point 6, de la
directive 2006/112.
28 Dans l’affaire au principal, si les factures en cause qualifient les services rendus de « services
juridiques », il n’en reste pas moins que, ainsi que l’a relevé le gouvernement portugais dans ses
observations écrites, cette notion couvre un vaste ensemble de prestations, et notamment des
prestations qui ne relèvent pas nécessairement de l’activité économique. Il s’ensuit que la mention «
services juridiques fournis depuis [une certaine date] jusqu’à aujourd’hui » ou « services juridiques
fournis jusqu’à aujourd’hui » ne semble pas indiquer de manière suffisamment détaillée la nature
des services en cause. En outre, cette mention est si générale qu’elle ne semble pas faire apparaître
l’étendue des services rendus, pour les raisons indiquées par Mme l’avocat général aux points 60 à
63 de ses conclusions. Partant, ladite mention ne remplit pas, a priori, les conditions requises par
l’article 226, point 6, de la directive 2006/112, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi de vérifier.
29 En second lieu, l’article 226, point 7, de la directive 2006/112 exige que la facture comporte la
date à laquelle est effectuée ou achevée la prestation de services.
30 Cette exigence doit également être interprétée à la lumière de l’objectif poursuivi par l’imposition
de mentions obligatoires sur la facture, telle que prévues à l’article 226 de la directive 2006/112, qui
est, comme il a été rappelé au point 27 du présent arrêt, de permettre aux administrations fiscales
de contrôler le paiement de la taxe due et, le cas échéant, du droit à déduction de la TVA. À cet effet,
la date de la prestation des services faisant l’objet de ladite facture permet de contrôler quand le fait
générateur de la taxe intervient et, dès lors, de déterminer les dispositions fiscales qui doivent, d’un
point de vue temporel, s’appliquer à l’opération sur laquelle porte ce document.
31 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les services juridiques ayant fait l’objet des
factures en cause au principal donnent lieu à des décomptes ou à des paiements successifs. L’article
64 de la directive 2006/112 prévoit que de telles prestations de services sont considérées comme
effectuées au moment de l’expiration des périodes auxquelles ces décomptes ou paiements se
rapportent. Partant, afin de satisfaire aux exigences de l’article 226, point 7, de la directive 2006/112,
il est impératif que ces périodes soient mentionnées sur les factures relatives à de telles prestations.
32 À cet égard, il convient de relever que les factures en cause relatives aux « services juridiques
fournis depuis [une certaine date] jusqu’à aujourd’hui » semblent préciser la période de décompte.
En revanche, l’une des factures en cause comporte seulement la mention « services juridiques
fournis jusqu’à aujourd’hui ». Cette facture ne mentionne pas la date de début de la période en
question et ne permet dès lors pas de déterminer la période à laquelle les décomptes en question se
rapportent.
84
33 Partant, il y a lieu de considérer qu’une facture comportant seulement la mention « services
juridiques fournis jusqu’à aujourd’hui », sans préciser aucune date de début de la période de
décompte, ne remplit pas les conditions requises par l’article 226, point 7, de la directive 2006/112.
34 Il appartient toutefois à la juridiction de renvoi, si elle constate que les factures en cause ne
remplissent pas les exigences résultant de l’article 226, points 6 et 7, de cette directive, de vérifier si
les documents annexes produits par Barlis comportent une présentation plus détaillée des services
juridiques en cause au principal et peuvent être assimilés à une facture en vertu de l’article 219 de
ladite directive en tant que documents qui modifient la facture initiale et y font référence de façon
spécifique et non équivoque.
35 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la première partie de la
question posée que l’article 226 de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que des
factures comportant seulement la mention « services juridiques fournis depuis [une certaine date]
jusqu’à aujourd’hui », telles que celles en cause au principal, ne sont pas conformes, a priori, aux
exigences visées au point 6 de cet article et que des factures comportant seulement la mention «
services juridiques fournis jusqu’à aujourd’hui » ne sont, a priori, conformes ni aux exigences visées
audit point 6 ni à celles visées au point 7 dudit article, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de
renvoi de vérifier.
Sur la seconde partie de la question, relative aux conséquences d’une facture ne remplissant pas les
conditions requises par l’article 226, points 6 et 7, de la directive 2006/112 pour l’exercice du droit à
déduction de la TVA
36 Par la seconde partie de sa question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à établir les
conséquences d’une méconnaissance de l’article 226, points 6 et 7, de la directive 2006/112 sur
l’exercice du droit à déduction de la TVA.
37 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit des assujettis de
déduire de la TVA dont ils sont redevables la TVA due ou acquittée pour les biens acquis et les
services reçus par eux en amont constitue un principe fondamental du système commun de la TVA
mis en place par la législation de l’Union (arrêt du 13 février 2014, Maks Pen, C‑18/13, EU:C:2014:69,
point 23 et jurisprudence citée).
38 La Cour a itérativement jugé que le droit à déduction de la TVA prévu aux articles 167 et suivants
de la directive 2006/112 fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être
limité. Il s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en
amont (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2014, Maks Pen, C‑18/13, EU:C:2014:69, point 24 et
jurisprudence citée).
39 Le régime des déductions vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou
acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit,
par conséquent, la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que
soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient, en principe,
elles-mêmes soumises à la TVA (arrêt du 22 octobre 2015, PPUH Stehcemp, C‑277/14,
EU:C:2015:719, point 27 et jurisprudence citée).
85
40 En ce qui concerne les conditions matérielles requises pour la naissance du droit à déduction de
la TVA, il ressort de l’article 168, sous a), de la directive 2006/112 que les biens ou services invoqués
pour fonder ce droit doivent être utilisés en aval par l’assujetti pour les besoins de ses propres
opérations taxées et que, en amont, ces biens ou services doivent être fournis par un autre assujetti
(voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, PPUH Stehcemp, C‑277/14, EU:C:2015:719, point 28 et
jurisprudence citée).
41 En ce qui concerne les conditions formelles relatives à l’exercice dudit droit, il ressort de l’article
178, sous a), de la directive 2006/112 que l’exercice de celui-ci est subordonné à la détention d’une
facture établie conformément à l’article 226 de cette directive (voir, en ce sens, arrêts du 1er mars
2012, Kopalnia Odkrywkowa Polski Trawertyn P. Granatowicz, M. Wąsiewicz, C‑280/10,
EU:C:2012:107, point 41, et du 22 octobre 2015, PPUH Stehcemp, C‑277/14, EU:C:2015:719, point
29).
42 La Cour a jugé que le principe fondamental de neutralité de la TVA exige que la déduction de
celle-ci en amont soit accordée si les conditions matérielles sont satisfaites, même si certaines
conditions formelles ont été omises par les assujettis. En conséquence, dès lors que l’administration
fiscale dispose des données nécessaires pour établir que les conditions matérielles sont satisfaites,
elle ne saurait imposer, en ce qui concerne le droit de l’assujetti de déduire cette taxe, des conditions
supplémentaires pouvant avoir pour effet de réduire à néant l’exercice de ce droit (voir, en ce sens,
arrêts du 21 octobre 2010, Nidera Handelscompagnie, C‑385/09, EU:C:2010:627, point 42 ; du 1er
mars 2012, Kopalnia Odkrywkowa Polski Trawertyn P. Granatowicz, M. Wąsiewicz, C‑280/10,
EU:C:2012:107, point 43, et du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean, C‑183/14, EU:C:2015:454, points 58
et 59 ainsi que jurisprudence citée).
43 Il s’ensuit que l’administration fiscale ne saurait refuser le droit à déduction de la TVA au seul
motif qu’une facture ne remplit pas les conditions requises par l’article 226, points 6 et 7, de la
directive 2006/112 si elle dispose de toutes les données pour vérifier que les conditions de fond
relatives à ce droit sont satisfaites.
44 À cet égard, l’administration fiscale ne saurait se limiter à l’examen de la facture elle-même. Elle
doit également tenir compte des informations complémentaires fournies par l’assujetti. Ce constat
est confirmé par l’article 219 de la directive 2006/112 qui assimile à une facture tout document ou
message qui modifie la facture initiale et y fait référence de façon spécifique et non équivoque.
45 Dans l’affaire au principal, il appartient dès lors à la juridiction de renvoi de tenir compte de
toutes les informations incluses sur les factures en cause et sur les documents annexes apportés par
Barlis pour vérifier si les conditions de fond de son droit à déduction de la TVA sont satisfaites.
46 Dans ce contexte, il y a lieu de souligner, en premier lieu, qu’il incombe à l’assujetti qui demande
la déduction de la TVA d’établir qu’il répond aux conditions prévues pour en bénéficier (voir, en ce
sens, arrêt du 18 juillet 2013, Evita-K, C‑78/12, EU:C:2013:486, point 37). Les autorités fiscales
peuvent donc exiger de l’assujetti lui-même les preuves qu’elles jugent nécessaires pour apprécier
s’il y a lieu ou non d’accorder la déduction demandée (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2007,
Twoh International, C‑184/05, EU:C:2007:550, point 35).
86
47 En second lieu, il convient de préciser que les États membres sont compétents pour prévoir des
sanctions en cas de non-respect des conditions formelles relatives à l’exercice du droit à déduction
de la TVA. En vertu de l’article 273 de la directive 2006/112, les États membres ont la faculté
d’adopter des mesures afin d’assurer l’exacte perception de la taxe et d’éviter la fraude à condition
que ces mesures n’aillent ni au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs ni ne
remettent en cause la neutralité de la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean,
C‑183/14, EU:C:2015:454, point 62).
48 Notamment, le droit de l’Union n’empêche pas les États membres d’infliger, le cas échéant, une
amende ou une sanction pécuniaire proportionnée à la gravité de l’infraction afin de sanctionner la
méconnaissance des exigences formelles (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean,
C‑183/14, EU:C:2015:454, point 63 ainsi que jurisprudence citée).
49 Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de répondre à la seconde partie de la
question posée que l’article 178, sous a), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu’il
s’oppose à ce que les autorités fiscales nationales puissent refuser le droit à déduction de la TVA
pour la seule raison que l’assujetti détient une facture qui ne remplit pas les conditions requises par
l’article 226, points 6 et 7, de cette directive, alors que ces autorités disposent de toutes les
informations nécessaires pour vérifier que les conditions de fond relatives à l’exercice de ce droit
sont satisfaites.
Sur les dépens
50 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant
la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour
soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un
remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :
L’article 226 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système
commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que des factures comportant
seulement la mention « services juridiques fournis depuis [une certaine date] jusqu’à aujourd’hui »,
telles que celles en cause au principal, ne sont pas conformes, a priori, aux exigences visées au point
6 de cet article et que des factures comportant seulement la mention « services juridiques fournis
jusqu’à aujourd’hui » ne sont, a priori, conformes ni aux exigences visées audit point 6 ni à celles
visées au point 7 dudit article, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.
L’article 178, sous a), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que
les autorités fiscales nationales puissent refuser le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée
pour la seule raison que l’assujetti détient une facture qui ne remplit pas les conditions requises par
l’article 226, points 6 et 7, de cette directive, alors que ces autorités disposent de toutes les
informations nécessaires pour vérifier que les conditions de fond relatives à l’exercice de ce droit
sont satisfaites.
87
6. Actualité en matière de droit communautaire et de
fiscalité internationale
Mise à jour des conventions internationales, avenants et accords d’échange de
renseignements au 31 décembre 2016
CAA Versailles, 28 janvier 2016, n° 13VE00986, Sté LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton
CE, 27 juin 2016, n° 388984, SA Faurecia
Commentaires administratifs sur la clause de la nation la plus favorisée (BOI-INT-CVB-
04/11/2016)
88
Mise à jour des conventions internationales, avenants et accords d’échange de renseignement au 31 décembre 2016
Avenants et accords – Textes récemment entrés en vigueur : Singapour :
Décret n° 2016-896 du 30 juin 2016 portant publication de la convention entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République de Singapour en vue d'éviter les
doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu,
signée à Singapour le 15 janvier 2015
Avenant à la convention avec la Suisse :
Décret n° 2016-534 du 29 avril 2016 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la
République française et le Conseil fédéral suisse modifiant le protocole additionnel à la convention
entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d'éliminer les doubles impositions
en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales, signé
à Berne le 25 juin 2014
Avenant à la convention avec le Luxembourg :
Décret n° 2016-321 du 17 mars 2016 portant publication du quatrième avenant à la convention entre
la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des
règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune
signée à Paris le 1er avril 1958 modifiée par un avenant signé à Paris le 8 septembre 1970, par un
avenant signé à Luxembourg le 24 novembre 2006 et par un avenant signé à Paris le 3 juin 2009,
signé à Paris le 5 septembre 2014
Avenant à la convention avec l’Allemagne :
Décret n° 2016-35 du 22 janvier 2016 portant publication de l'avenant à la convention du 21 juillet
1959 entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles
impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière
d'impôts sur le revenu et sur la fortune, ainsi qu'en matière de contribution des patentes et de
contributions foncières, modifiée par les avenants des 9 juin 1969, 28 septembre 1989 et 20
décembre 2001, signé à Berlin le 31 mars 2015
Avenants et accords – signés non en vigueur : Avenant à la convention avec le Portugal du 25/08/2016 - Non entré en vigueur
La France et le Portugal ont signé le 25 août 2016 à Lisbonne un avenant à la convention tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu. Cet avenant doit à présent être soumis à approbation parlementaire et ratification et n'est pas encore en vigueur http://www.impots.gouv.fr/portal/deploiement/p1/fichedescriptive_8001/fichedescriptive_8001.pdf
89
Convention avec la Colombie signée le 25/06/2015 - Non entrée en vigueur
La France et la Colombie ont signé le 26 juin 2016 à Bogotá un avenant à la convention tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproque en matière d’impôts sur le revenu. Cet avenant doit à présent être soumis à approbation parlementaire et ratification et n'est pas encore en vigueur http://www.impots.gouv.fr/portal/deploiement/p1/fichedescriptive_7512/fichedescriptive_7512.pdf
Prorogation Arabie Saoudite Décret no 2014-1036 du 11 septembre 2014 portant publication de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d’Arabie saoudite relatif à la reconduction de la convention du 18 février 1982 en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur les successions (ensemble un protocole), signée le 18 février 1982, signées à Paris le 26 décembre 2013 et à Riyad le 25 mai 2014 BOI-INT-CVB-SAU-20151007 07/10/2015 : INT-Convention en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur les successions a été signée le 18 février 1982 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Arabie Saoudite Série / Division : INT –CVB
Le décret n° 2014-1036 du 11 septembre 2014 (J.O n° 0212 du 13 septembre 2014, p. 15060) a publié l'échange de lettres, signées les 26 décembre 2013 et 25 mai 2014, entre la France et l'Arabie Saoudite, qui ont décidé de proroger pour une nouvelle période de cinq ans, à compter du 1er janvier 2014, la convention du 18 février 1982.
Autres textes Accord avec les USA signé le 14/11/2013 -Loi Fatca - en vigueur le 29/09/2014 LOI n° 2014-1098 du 29 septembre 2014autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'améliorer le respect des obligations fiscales à l'échelle internationale et de mettre en œuvre la loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers (dite « loi FATCA »)
ELI: http://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2014/9/29/2014-1098/jo/texte
Voir aussi Bofip BOI-INT-AEA-10-20150805 07/10/2015 : INT -Accords d'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers -Accord "FATCA" entre la France et les Etats-Unis Série / Division : INT –CVB
90
Texte : Un accord en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle internationale et de mettre en œuvre la loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers (dite «loi FATCA» dont l’acronyme signifie « Foreign Account Tax Compliance Act ») Adoptée par les États-Unis le 18 mars 2010 a été signé à Paris le 14 novembre 2013 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des États-Unis d’Amérique. Sources officielles
Légifrance http://www.legifrance.gouv.fr/ Impots.gouv.fr http://www.impots.gouv.fr/portal/dgi/public/documentation.impot;jsessionid=EYAG3KOTOYLSDQFIEIPSFFI?espId=1&pageId=docu_international&sfid=440
91
CAA Versailles, 28 janvier 2016, n° 13VE00986, Sté LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton a demandé au tribunal administratif de Montreuil de
prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution
additionnelle à cet impôt d'un montant de 16 487 305 € auxquelles elle a été assujettie au titre de
l'exercice clos en 2007.
Par un jugement n° 1200562 du 3 janvier 2013, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé la
réduction de la fraction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution
additionnelle à cet impôt auxquelles la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton a été assujettie
au titre de l'exercice clos en 2007 en conséquence de la réintégration d'un abandon de créance
consenti par la société intégrée Parfums Christian Dior à la société américaine LVMH Perfumes and
Cosmetics Inc. et de la remise en cause de l'éligibilité de certaines dépenses au crédit d'impôt
recherche.
Procédure devant la cour :
Par un recours et deux mémoires, enregistrés les 28 mars 2013, 22 juillet 2014 et 8 juillet 2015, le
ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montreuil du 3 janvier 2013 en tant qu'il a
prononcé la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution
additionnelle à cet impôt auxquelles la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton a été assujettie
au titre de l'exercice clos en 2007 correspondant à la réintégration de l'abandon de créance consenti
par la société intégrée Parfums Christian Dior à la société américaine LVMH Perfumes and Cosmetics
Inc. ;
2° de rétablir les impositions supplémentaires correspondant à la réintégration de cet abandon de
créance.
Il soutient que la société Parfums Christian Dior n'est pas fondée à déduire de son résultat individuel,
retenu pour le calcul du résultat d'ensemble du groupe fiscal intégré dont la société LVMH Moët
Hennessy Louis Vuitton est la société mère, la somme de 69 millions de dollars - soit 47 863 485 € -
au titre de l'abandon de sa créance sur la société américaine LVMH Perfumes and Cosmetics Inc.,
filiale détenue à 100 %, dès lors que la réduction de cette dette résulte d'un apport de la société
Parfums Christian Dior au capital de cette filiale, sans diminution de l'actif net ; qu'en estimant que
les redressements litigieux étaient fondés sur les dispositions du 2 de l'article 38 relatives aux
suppléments d'apport, qui ne s'appliquent pas aux apports effectués par la société contribuable au
capital d'un tiers, le tribunal a commis une erreur de droit ; que la filiale n'a pas déclaré à
l'administration fiscale américaine de revenu résultant d'un abandon de créance au sens du droit
fiscal américain, mais un apport en capital.
92
Par des mémoires, enregistrés les 17 septembre 2013 et 26 septembre 2014, la société LVMH Moët
Hennessy Louis Vuitton, représentée par Me B. et Me A., avocats, conclut au rejet du recours et à ce
que la somme de 10 000 € soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L 761-1 du Code
de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre des finances et des comptes publics ne sont pas
fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le CGI et le LPF ;
- le Code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chayvialle,
- les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public,
- et les observations de Me B., pour la Société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton.
1. Considérant que la société Parfums Christian Dior a fait l'objet d'une vérification de comptabilité
au titre de l'exercice clos en 2007, au terme de laquelle le service vérificateur a remis en cause la
déduction d'un abandon de créance d'un montant de 69 millions de dollars - soit 47 863 485 € - au
profit de la société américaine LVMH Perfumes and Cosmetics Inc., filiale contrôlée à 100 % ; que le
service vérificateur, qui n'a pas remis en cause l'intérêt d'une telle décision pour la société Parfums
Christian Dior, a estimé que cette dernière a bénéficié d'un « supplément d'apport » au sens du 2. de
l'article 38 qui a augmenté la valeur de sa participation dans sa filiale ; que le ministre des finances et
des comptes publics relève appel du jugement du 3 janvier 2013 du tribunal administratif de
Montreuil en tant que par ce jugement le tribunal administratif a prononcé la décharge des
impositions supplémentaires auxquelles la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton a été
assujettie, en qualité de mère du groupe fiscal intégré dont fait partie la société Parfums Christian
Dior ;
Sur le recours du ministre des finances et des comptes publics :
2. Considérant que le tribunal administratif a prononcé la décharge des impositions litigieuses au
motif que l'abandon de créance ne pouvait être regardé comme ayant le caractère juridique d'un
supplément d'apport au sens du 2 de l'article 38 du CGI ;
93
3. Considérant qu'aux termes du 2. de l'article 38 du CGI, rendu applicable en matière d'impôt sur les
sociétés par l'article 209 du même Code : « Le bénéfice net est constitué par la différence entre les
valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de
base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au
cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des
valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les
provisions justifiés. » ; qu'il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement
fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier d'abord, au regard de
l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le
fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est
assimilable ; que, compte tenu de ces constatations, il lui revient ensuite de déterminer le régime
applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française ;
4. Considérant que la société Parfums Christian Dior a prêté à sa filiale américaine LVMH Perfumes
and Cosmetics Inc. la somme totale de 75 millions de dollars, par deux accords du 15 mai et du 15
septembre 2007 ; que par un accord du 18 décembre 2007, la société Parfums Christian Dior a
procédé à un abandon de cette créance à hauteur de 69 millions de dollars ; que la société Parfums
Christian Dior a déduit en charge la somme correspondant à cet abandon de créance ; que le service
vérificateur a remis en cause cette déduction au motif que l'abandon de créance devait être regardé
comme un apport en fond propre au profit de la filiale américaine, entraînant une augmentation de
la valeur de sa participation dans sa filiale ; que, toutefois, il est constant que la réduction de la
créance de la société Parfums Christian Dior sur sa filiale américaine, soumis au droit français par
l'accord du 18 décembre 2007, n'a pas eu pour contrepartie l'attribution de parts nouvelles dans le
capital de la filiale ou l'augmentation de la valeur nominale des parts existantes et ne peut donc être
qualifiée d'apport ; qu'en outre, si la filiale américaine a inscrit le montant correspondant à l'abandon
de créance dans ses capitaux propres (« stockholder's déficit ») au compte « additional paid-in capital
», qui enregistre les versements reçus des actionnaires excédant la valeur nominale des titres (« par
value »), cette comptabilisation n'a pas entraîné d'augmentation de la valeur de la participation
détenue par la société Parfums Christian Dior dans sa filiale, dès lors que la situation nette de cette
société était négative à la clôture de l'exercice au cours duquel l'abandon de créance litigieux a été
consenti ; qu'enfin, la circonstance que, pour l'application de la loi fiscale américaine, la société
LVMH Perfumes and Cosmetics Inc. a déclaré l'opération litigieuse, non comme un abandon de
créance, constituant un revenu imposable ou minorant le déficit d'exploitation, mais comme une
contribution à son capital (« capital contribution »), entraînant le paiement de la dette litigieuse sans
majoration du revenu imposable, est sans incidence ; que l'abandon de créance litigieux n'a donc eu
pour contrepartie ni un apport de la société Parfums Christian Dior au capital de sa filiale américaine,
lequel ne constituerait d'ailleurs pas un « supplément d'apport » au sens du 2 de l'article 38 du CGI
relatif aux seuls apports reçus de ses actionnaires par la société contribuable, ni une augmentation
de la valeur de la participation de la société Parfums Christian Dior dans cette filiale ; que, par suite,
le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à remettre en cause la déduction de
l'abandon de créance litigieux ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics
n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de
Montreuil a prononcé la décharge des impositions litigieuses ;
94
Sur les conclusions de la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton tendant à l'application de
l'article L 761-1 du Code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le
versement d'une somme de 1 500 € à la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton sur le
fondement de l'article L 761-1 du Code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton la somme de 1 500 € sur le
fondement de l'article L 761-1 du Code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à la société
LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton.
95
CE, 27 juin 2016, n° 388984, SA Faurecia
Vu les procédures suivantes :
1. La société anonyme (SA) Faurecia a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer
la restitution de crédits d'impôts d'origine étrangère dont elle disposait, en sa qualité société mère
d'un groupe fiscal intégré, au titre des années 2006, 2007 et 2008. Par un jugement n° 1006165 du 27
avril 2012, le tribunal a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 12VE02293 du 26 janvier 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté
l'appel de la SA Faurecia dirigé contre ce jugement.
Sous le n° 388984, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en
réplique, enregistrés les 26 mars et 26 juin 2015 et le 24 février 2016 au secrétariat du contentieux
du Conseil d'Etat, la SA Faurecia demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative.
2. La société anonyme (SA) Faurecia a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer
la restitution de crédits d'impôts d'origine étrangère dont elle disposait, en sa qualité société mère
d'un groupe fiscal intégré, au titre des années 2009 et 2010. Par un jugement n° 1308038 du 22
septembre 2014, le tribunal a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 14VE03224 du 9 juin 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel
de la SA Faurecia dirigé contre ce jugement.
Sous le n° 392534, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en
réplique, enregistrés les 10 août et 10 novembre 2015 et le 24 février 2016 au secrétariat du
contentieux du Conseil d'Etat, la SA Faurecia demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention du 29 mai 1970 entre la France et le Royaume du Maroc tendant à éliminer les
doubles impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle administrative en matière fiscale,
notamment son article 25 ;
- la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles
impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le
revenu, notamment son article 24 ;
96
- la convention du 10 septembre 1971 entre la France et le Brésil tendant à éviter les doubles
impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, notamment son article
22 ;
- la convention du 28 mai 1973 entre la France et la Tunisie tendant à éliminer les doubles
impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle administrative en matière fiscale,
notamment son article 29 ;
- la convention du 1er juin 1973 entre la France et la Tchécoslovaquie tendant à éviter les doubles
impositions en matière d'impôts sur les revenus et sur la fortune, notamment son article 25, ainsi
que l'accord sous forme d'échange de lettres entre la France et la Slovaquie des 24 juin et 7 août
1996 relatif à la succession en matière de traités ;
- la convention du 27 septembre 1974 entre la France et la Roumanie tendant à éviter les doubles
impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, notamment son article 24 ;
- la convention du 27 décembre 1974 entre la France et le Royaume de Thaïlande tendant à éviter les
doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus, notamment
son article 23 ;
- la convention du 2 mai 1975 entre la France et le Canada tendant à éviter les doubles impositions et
à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, notamment son article
23 ;
- la convention du 20 juin 1975 entre la France et la Pologne tendant à éviter les doubles impositions
en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, notamment son article 23 ;
- la convention du 19 juin 1979 entre la France et la République de Corée tendant à éviter les doubles
impositions et à prévenir l'évasion fiscale internationale en matière d'impôts sur le revenu,
notamment son article 23 ;
- l'accord du 30 mai 1984 entre la France et la République populaire de Chine en vue d'éviter les
doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, notamment
son article 22 ;
- la convention du 18 février 1987 entre la France et la Turquie en vue d'éviter les doubles
impositions en matière d'impôts sur le revenu, notamment son article 23 ;
- la convention du 7 novembre 1991 entre la France et les Etats-Unis du Mexique en vue d'éviter les
doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, notamment
son article 21 ;
- la convention du 29 septembre 1992 entre la France et l'Inde en vue d'éviter les doubles
impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune,
notamment son article 25 ;
97
- la convention du 3 mars 1995 entre la France et le Japon en vue d'éviter les doubles impositions et
de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu, notamment son article
23 ;
- la convention du 10 octobre 1995 entre la France et le Royaume d'Espagne en vue d'éviter les
doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et
sur la fortune, notamment son article 24 ;
- la convention du 28 avril 2003 entre la France et la République tchèque en vue d'éviter les doubles
impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la
fortune, notamment son article 23 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Timothée Paris, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, avocat de la
société Faurecia ;
1. Considérant que les pourvois n° 388984 et 392534 présentent à juger des questions communes ;
qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que plusieurs des filiales
de la SA Faurecia appartenant au groupe fiscal intégré dont elle est la société mère ont perçu, au
titres de chacune des années 2006 à 2010, divers revenus de source étrangère, en particulier des
intérêts et des redevances ; qu'estimant que ces sociétés, résidentes de France, étaient bénéficiaires
de crédits d'impôts correspondant à l'impôt perçu dans les Etats dont provenaient ces revenus, en
application des stipulations des conventions fiscales bilatérales conclues entre la France et ces
mêmes Etats, la SA Faurecia, substituée à ses filiales en application du a de l'article 223 O du code
général des impôts, a demandé à l'administration fiscale la restitution de ces crédits d'impôts, qui
n'avaient pu faire l'objet d'une imputation sur l'impôt dû sur l'ensemble du résultats du groupe, du
fait du caractère déficitaire de ce dernier ; qu'à la suite du rejet de ses demandes, elle a saisi le
tribunal administratif de Montreuil de demandes tendant à la restitution du montant total de ces
crédits d'impôts ; que par des jugements des 27 avril 2012 et 22 septembre 2014, le tribunal a rejeté
ces demandes ; que la SA Faurecia se pourvoit en cassation contre les arrêts du 26 janvier et du 9 juin
2015 par lesquels la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté ses appels dirigés contre ces
jugements ;
98
3. Considérant que les stipulations des articles relatifs à l'élimination des doubles impositions des
conventions fiscales bilatérales conclues entre la France et le Brésil, le Canada, la Chine, la Corée du
sud, l'Espagne, les Etats-Unis d'Amérique, l'Inde, le Japon, la Pologne, la République Tchèque, le
Portugal, la Slovaquie ainsi que la Thaïlande, prévoient que, lorsqu'un résident de France perçoit des
revenus en provenance de ces Etats revêtant la nature, notamment, d'intérêts et de redevances, et
que ces revenus y ont supporté l'impôt, ils sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français ; que
ces stipulations prévoient que le bénéficiaire de ces revenus a droit à un crédit d'impôt imputable sur
l'impôt français, égal au montant de l'impôt payé ou supporté dans l'Etat d'origine, qui ne peut
toutefois excéder le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus ;
4. Considérant qu'il ne résulte pas de ces stipulations, ni d'aucune disposition ou d'aucun principe de
droit national, que le crédit d'impôt n'ayant pu faire l'objet d'une imputation soit restitué par la
France au résident bénéficiaire de ces revenus ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la
SA Faurecia, la cour administrative d'appel de Versailles, en jugeant, pour ce motif, que la SA
Faurecia n'était pas fondée à demander la restitution des crédits d'impôts litigieux, n'a pas entaché
ses arrêts, qui sont suffisamment motivés, d'erreur de droit ;
5. Considérant qu'en jugeant que, dès lors que la SA Faurecia ne disposait d'aucun droit à obtenir la
restitution du montant des crédits d'impôts d'origine étrangère dont ses filiales étaient bénéficiaires,
elle ne disposait d'aucune créance restituable pouvant être regardée comme un bien au sens de
l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales, la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas
entaché son arrêt d'erreur de droit ;
6. Considérant, en revanche, que les stipulations des articles 25 de la convention fiscale du 29 mai
1970 entre la France et le Maroc, 29 de la convention fiscale entre la France et la Tunisie et 23 de la
convention fiscale du 18 février 1987 entre la France et la Turquie, qui prévoient, que, pour les
revenus tels que ceux rappelés au point 2, la France accorde au bénéficiaire, résident de France, une
" réduction " ou une " déduction " de l'impôt dû en France, égale au montant des impôts payés dans
l'autre Etat, ont pour effet d'accorder à ce résident un crédit d'impôt dans les mêmes conditions que
celles rappelées au point 3 ; qu'ainsi, en jugeant que la SA Faurecia ne pouvait utilement se prévaloir
de ces stipulations au motif qu'elles ne prévoyaient aucun mécanisme de crédit d'impôt, la cour
administrative d'appel de Versailles s'est méprise sur leur portée et a entaché, ce faisant, son arrêt
d'erreur de droit ;
7. Considérant, toutefois, qu'il est constant, ainsi qu'il a été dit, que le résultat d'ensemble du groupe
présentait, au titre des années en litige, un caractère déficitaire ; qu'il en résulte, ainsi qu'il a été dit
au point 4, que les crédits d'impôts résultant de l'application des stipulations de ces conventions ne
pouvaient faire l'objet d'une restitution ; qu'il y a lieu de substituer ce motif, qui n'appelle aucune
appréciation de circonstances de fait, à celui retenu par la cour dans son arrêt, dont il justifie
légalement le dispositif sur ce point ;
99
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA Faurecia n'est pas fondée à demander
l'annulation des arrêts qu'elle attaque ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1
du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les pourvois de la SA Faurecia sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SA Faurecia et au ministre des finances et des
comptes publics.
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Commentaires administratifs sur la clause de la nation la plus favorisée (BOI-INT-CVB-04/11/2016)
1 - La convention entre la France et l'Arabie saoudite comprend une clause de la nation la plus
favorisée au paragraphe 3 de l’article 18 A. En conséquence, à la suite de la conclusion par l’Arabie
saoudite de conventions fiscales respectivement avec l’Autriche signée le 19 mars 2006 et la Turquie
signée le 9 novembre 2007, les modalités d’imposition relatives aux revenus tirés de professions
indépendantes ainsi qu’aux bénéfices des entreprises ont été modifiées.
2 - La convention fiscale entre la France et la Bolivie du 15 décembre 1994 comporte une clause de la
nation la plus favorisée au point 5 du protocole. Ainsi, les modalités d'imposition de certains
dividendes, intérêts et redevances ont été modifiées suite à la conclusion par la Bolivie d'une
convention avec l'Espagne signée le 30 juin 1997.
3 - La convention entre la France et le Chili contient une clause de la nation la plus favorisée au point
6 du protocole. À la suite de la conclusion par le Chili d'une convention fiscale avec l'Australie signée
le 10 mars 2010, le taux de retenue à la source applicable aux intérêts visés au b du 2 de l'article 11
de la convention franco-chilienne est remplacé par celui de 10 %.
4 - La convention fiscale bilatérale entre la France et l’Égypte contient une clause de la nation la plus
favorisée à l'article II du protocole. À la suite de la conclusion des conventions entre l’Égypte et
Bahreïn signée le 17 septembre 1997, d'une part, entre la France et l'Ouzbékistan signée le 22 avril
1996, d'autre part, aucune retenue à la source ne peut être prélevée sur les rémunérations
afférentes aux contrats d'études et aux services de consultants payées à un résident de France ou
d'Égypte.
5 - La convention en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales
en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée le 28 octobre 1997 à Paris entre le
gouvernement de la République française et celui de la République d'Estonie contient une clause de
la nation la plus favorisée aux points 9 et 10 de son protocole. Elle permet l'application de taux de
retenue à la source inférieurs tels que prévus dans les conventions signées par l'Estonie avec des
États tiers membres de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
A la suite de la conclusion par l’Estonie d’une convention fiscale avec le Luxembourg signée le 7
juillet 2014, les intérêts payés sur des prêts de toute nature accordés par une banque ainsi que les
redevances sont imposables exclusivement dans l'État de résidence du bénéficiaire effectif. Par
ailleurs, le champ des redevances est restreint.
6 - La convention fiscale franco-indienne du 29 septembre 1992 contient en son protocole une clause
de la nation la plus favorisée. En conséquence, à la suite de la conclusion par l'Inde de conventions
fiscales respectivement avec la Suède signée le 24 juin 1997, le Portugal signée le 11 septembre 1998
et la Slovénie signée le 13 janvier 2003, les taux et champs de la retenue à la source applicable aux
dividendes, intérêts, redevances et rémunérations visés aux articles 11, 12 et 13 de la convention
franco-indienne du 29 septembre 1992 ont évolué.
7 - La convention entre la France et la Libye contient une clause de la nation la plus favorisée prévue
à l'article 28. À la suite de la conclusion par la Libye d’une convention fiscale avec le Royaume-Uni
signée le 17 novembre 2008, les redevances visées à l'article 13 de la convention franco-libyenne ne
sont désormais imposables qu'à la résidence. La retenue à la source mentionnée au paragraphe 3 de
101
l'article 13 n'est dès lors plus applicable.
8 - La convention entre la France et l’Ouzbékistan comporte une clause de la nation la plus favorisée
prévue au point 4 du protocole. À la suite de la conclusion par cet État d’une convention fiscale avec
la Slovénie signée le 11 février 2013, le taux de retenue à la source applicable aux dividendes prévu
au b) du § 2 de l'article 10 de la convention franco-ouzbèke est remplacé par celui de 8 %.
9 - La convention entre la France et le Vietnam comporte une clause de la nation la plus favorisée
prévue aux points 2 a et 2 b du protocole à la convention. À la suite de la conclusion par le Vietnam
de conventions fiscales avec le Royaume-Uni signée le 9 avril 1994, les Pays-Bas signée le 24 janvier
1995, le Danemark signée le 31 mai 1995, l’Allemagne signée le 16 novembre 1995, la Belgique
signée le 28 février 1996 ainsi que l’Irlande signée le 10 mars 2008, les règles afférentes aux
dividendes (taux de retenue à la source), aux redevances (taux de retenue à la source et champ
d'application) et au principe de non-discrimination sont modifiées.
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Véronique Bied-Charreton, Directrice de la législation fiscale