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Retraites : la réforme française de 2013

Henri Sterdyniak, OFCE

[email protected]

Octobre 2013

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Le déséquilibre de 2013… Les spécificités françaises Les projections du COR, l’équilibre en 2020 et 2040. Le report de l’âge de la retraite La pénibilité Le niveau des retraites De nouvelles ressources Les droits dérivés et complémentaires Quel pilotage ?

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Fallait-il engager une nouvelle réforme en 2013 ?

En 2012, le déficit des systèmes de retraite et de chômage représente environ 14 milliards d’euros, soit 0,7% du PIB, mais 20 milliards sont dû à la crise, qui a fait diminuer le niveau d’emploi d’environ 5,5 %, L’objectif de la politique économique en France, comme en Europe, devrait être de récupérer les emplois perdus. La France avait atteint un taux de chômage de 7% en 1980, sans tension inflationniste. Elle ne peut se résigner à un taux de chômage de 10,5%.

Ces 14 milliards de déficit auraient pu être comblés immédiatement soit par une hausse de 2 points des cotisations sociales salariés, soit par une baisse de 4,5 % des prestations retraite et chômage. Dans les deux cas, cette ponction supplémentaire sur le revenu des ménages, en période de faible demande, se traduirait par une nouvelle baisse de la consommation, donc du PIB. Il n’est pas urgent d’équilibrer les retraites.

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Le compte des régimes de retraite et de chômage

  2007 2012 Effet criseSolde

structurel

CNAV -4,6 -4,8 3,5 -1,3

FSV 0,2 -4,1 4,6 0,5

Autres RB -1,8 -2,0 -2,0

Agirc 1,0 -1,7 1,0 -0,7

Arrco 2,0 -2,0 2,1 0,1

FRR 1,8 1,3 1,3

CNSA 0,3 0,0 0,2 0,2

R ad FP 1,6 2,1 2,1

Total 0,5 -11,3 11,4 23,2

Unedic 3,5 -2,6 12,1 9,5

Epargne-retraite 6,4 5,1 5,1

Cades 2,6 11,9 0,6 12,5

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Fallait-il engager une nouvelle réforme en 2013 ?

Ce déficit doit être mis en regard de l’ensemble du déficit public (4,8 % du PIB en 2012, soit 96 milliards), qui lui-même n’est pas extravagant par rapport aux déficits publics des pays développés.

Si on considère qu’en 2012 la France a un écart de production de l’ordre de 6% du PIB, son déficit structurel n’est que de 1,8% (inférieur au 2,1% nécessaire pour stabiliser sa dette à 60% du PIB), le solde structurel primaire est excédentaire de 0,7 points de PIB. Réduire le déficit public n’est pas une priorité.

La solution aux déficits des pays européens doit être recherchée dans une stratégie de croissance en Europe , dans une nouvelle politique industrielle et dans la lutte contre l’avidité et l’instabilité de la Finance plutôt que dans l’implosion des dépenses sociales.

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Fallait-il engager une nouvelle réforme en 2013 ?

Il est difficile de dégager de nouvelles recettes pour les retraites en période de dépression économique comme d’impulser l’emploi des seniors en période de hausse du chômage.

Il est contreproductif d’augmenter les cotisations et de diminuer les prestations. Aucune mesure ne permet de réduire à court terme de façon sensible le déficit des retraites. La réforme doit viser à l’équilibre de long terme.

Mais, dans ce cas, l’Etat et les partenaires sociaux doivent prendre le temps de la définir et de la négocier.

Réduire le niveau des retraites n’est pas aujourd’hui la priorité de la politique économique française : retrouver une croissance satisfaisante, réformer la stratégie macroéconomique de la zone euro, donner une nouvelle impulsion à la politique industrielle française dans le cadre de la transition écologique sont autrement plus urgent.

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Fallait-il engager une nouvelle réforme en 2013 ?

Les mesures annoncées le 27 Août ne consistent certainement pas une grande réforme. Elles montrent cependant que la France contrôle son système de retraite. La France a choisi de maintenir un système spécifique, publique et généreux, dont elle assure le financement jusqu’en 2040.

Il est donc légitime que la France se limite à une petite réforme en 2013, mais celle-ci annonce des réformes futures (en matière de prise en compte de la pénibilité, de retraite des femmes).

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Les spécificités françaises.

1) A court terme, le ratio de dépendance augmente rapidement (effet des baby-boomers), mais il se stabilise en 2040 à un niveau relativement bas, en raison du dynamisme démographique français.

2) Le système de retraite français est très généreux. Il est quasi-totalement public. Mais nous n’avons pas de système d’invalidité développé.

3) Le taux d’activité des seniors est faible, tout particulièrement pour les 60-65ans.

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Évolution du ratio de dépendance démographique (Population de plus de 65 ans / population de 15 à 64 ans)

15

25

35

45

55

65

75

2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2055 2060

Royaume-Uni

France

Suède

Pays-Bas

Finlande

Espagne

Allemagne

Italie

Pologne

Source : Eurostat.

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Le revenu relatif des personnes âgées

Revenu relatif +65 ans/-de 65ans*Pension publique moyenne/salaire

moyen**

Taux de remplacement apparent***

1996 2008 2007 2008

UE15 0,87 0,84 51,7 0,49

France 0,91 0,96 63,3 0,66

Autriche 0,83 0,92 54,9 0,68

Italie 0,925 0,88 68,5 0,51

Allemagne 0,93 0,87 51,4 0,44

Grèce 0,795 0,86 73,1 0,41

Pays-Bas 0,91 0,84 43,8 0,43

Portugal 0,73 0,83 46,3 0,51

Espagne 0,96 0,78 57,8 0,48

Suède n.d. 0,75 49,3 0,59

Belgique 0,77 0,74 44,8 0,45

Irlande 0,72 0,73 27,3 0,43

Royaume-Uni 0,72 0,71 34,6 0,41

Finlande 0,82 0,71 49,1 0,48

Danemark n.d. 0,70 39,4 0,41

États-Unis 0,61 0,65 0,49Note : * Rapport des revenu disponibles médians, source EU-SILC, ** Rapport de la pension moyenne au salaire moyen source Commission européenne, AWG, *** Pension moyenne des 65/74 ans/salaires moyen 50-59 ans, source EU-SILC.

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Les taux de pauvreté

1997 2008

Total + de 65 ans Total + de 65 ans

UE15 16 18 16 20 H/SPays-Bas 10 4 11 10 H/SAutriche 13 22 12 15 B/SSuède 8 16 12 16 =/SDanemark 10 24 12 18 B/SFrance 15 17 13 11 B/IFinlande 8 12 14 23 H/SAllemagne 12 12 15 15 H/=Belgique 14 23 15 21 B/SIrlande 19 27 16 21 B/SPortugal 22 37 18 22 B/SItalie 19 17 19 21 H/SRoyaume-Uni 18 25 19 30 H/SGrèce 21 34 20 22 B/SEspagne 20 16 20 28 H/S

Source : Eurostat. H ou B : Hausse ou baisse du taux de pauvreté des +de 65 ans ; S ou I : taux supérieur ou inférieur à celui de la moyenne de la population. Note : les données utilisées font référence à deux types d’enquêtes européennes ECHP (1997) et EU-SILC (2008) dont la méthode n’est pas strictement comparable, ce qui peut affecter les tendances observées. Les années correspondent aux années des enquêtes et non pas aux années d’observation des revenus, en général l’année précédente.

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Dépenses de retraites en % du PIB

* Eurostat  en %du PIB % ; **(plus de 65 ans +0,5 60-64ans) /population-0.5 0-14 ans) ; ***Retraites /0.7* ratio démographique.

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Âges effectifs et âges légaux

Sources : Eurostat (2009), législations nationales.

Taux d’emploi des 55-65ans

2011

Âge moyen de fin d’activité

2008

Âge légal de la retraite

Âge ouvrant un droit à une pré-

retraite

Allemagne 59,9 61,7 65 (67 p) 63

Autriche 41,5 60,9 F60 (65p)-H65 F57-H62Belgique 38,7 61,6 65 60Danemark 59,5 61,3 65 (67 p) 60 (62 p)Espagne 44,5 62,6 65(67 p) 60Finlande 57,0 61,6 63-68 62France 41,5 59,3 60 (62p) 58 (60p)Grèce 39,4 61,4 65 (68 p) 60 Irlande 50,0 64,1 66 (68 p)Italie 37,9 60,8 F60 (65p)-H65 57Pays-Bas 56,1 63,2 65 (67 p) 63Portugal 47,9 62,6 65 60RU 56,7 62,6 F60-H65 (68p)Suède 72,3 63,8 61-70Japon 65,1 68,0 F61-H63 (65p) 60États-Unis 60,0 64,2 67 (69p) 62

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Taux d’emploi en 2011

Sources : Eurostat (2012),

55-60 ans 60-65 ans65-70 ans

70-75 ans

Suède 72,3 63,2 17,7 7,0Danemark 76,4 42,9 13,5 6,5

RU 69,9 44,1 19,1 7,9

Allemagne 73,8 44,2 10,0 4,6

Finlande 72,7 41,8 11,7 4,9Pays-Bas 72,0 40,0 11,4 5,0Portugal 58,2 36,8 21,9 16,5Irlande 58,8 40,2 16,0 8,4Espagne 55,3 32,7 5,0 1,6Autriche 60,9 20,9 9,5 5,7France 64,0 18,9 5,2 1,5Italie 55,3 20,8 7,5 3,3Grèce 50,7 28,1 8,6 2,8Belgique 55,1 20,8 3,9 2,3

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Le financement est-il assuré ?Le financement est-il assuré ?

En décembre 2012, le COR a présenté une nouvelle projection du système des retraites jusqu’en 2060, qui a été reprise par le gouvernement..

Le scénario B médian (basé sur une durée d’activité stabilisée à 41,75 ans) comporte :

- une croissance de la productivité de 1,5% par an

- un taux de chômage diminuant jusqu’à 7,6% en 2020, puis 4,5 % atteint en 2033.

- une hausse modérée des taux d’activité (+ 2 millions d’actifs, +7,7% d’ici 2040), soit 1 année de recul de l’âge moyen de départ à la retraite en 2020, 2 années d’ici 2040 ;

- la projection est pessimiste pour le taux d’activité des femmes (l’écart H/F passerait de 10,6 points à 8,4 points ; optimiste pour l’emploi de 55-59 ans qui atteindrait 78,6% - le taux suédois ; l’emploi des 60-64 passerait à 43,6% -le taux allemand)

- l’emploi passerait ainsi de 25,5 millions en 2010 à 27,5 en 2040 ;

- le ratio cotisant/actif passerait de 1,85 à 1,4 .

.

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Projections de taux d’activité (INSEE)

2010 2060

Jeunes 39 40

Femmes 25-54 83,6 85,5

Hommes 25-54 94,2 93,9

55-59 65,0 78,6

60-65 18,9 43,6

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Le financement est-il assuré ?Le financement est-il assuré ?

Les dépenses de retraites seraient de 13,8% du PIB en 2011 ; de 14,2% en 2020 ; de 13,9% en 2040.

Les recettes sont de 13,2% en 2011.

Le solde serait de -0,7% en 2010, de -1,0% en 2020 ; de -0,9% en 2040.

Le déficit reste faible et ne se creuse pas. Les réformes précédentes ont eu des effets.

Comme la baisse du chômage permettrait des économies de prestation chômage et exclusion, qui dégageraient des ressources de l’ordre de 1 % du PIB en, qui pourraient être utilisées pour financer les retraites, le système retraite-chômage serait pratiquement équilibré à terme.

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Le financement est-il assuré ?Le financement est-il assuré ?

Mais, ce scénario souffre de trois défauts : Il suppose que la croissance soit de 1,6 % l’an en moyenne de 2011 à 2020 alors

qu’elle a été nulle de 2011 à 2013 ; est-il crédible qu’elle atteigne 2,2 % l’an de 2014 à 2020 ?

Surtout, il suppose qu’ensuite, jusqu’en 2060, l’économie française retrouvera durablement une croissance de 1,6 % l’an, avec une hausse de la productivité du travail de 1,5 % par an ; le PIB de 2040 serait de 1,6 fois celui de 2011 ; celui de 2060, 2,25 fois ( !) : les contraintes écologiques sont totalement oubliées.

Enfin, il comporte une baisse importante du niveau relatif des retraites : le ratio pension moyenne/salaire moyen baisserait de 15,4 % de 2011 à 2040 puisque les salaires réels progresseraient de 1,5 % par an tandis que les salaires pris en compte et les retraites déjà liquidées, le minimum vieillesse et le minimum contributif seraient fixes en pouvoir d’achat. Sans cette baisse, le déficit en 2040 serait de 3,4 % du PIB (2,5 points de plus). C’est le niveau relatif des retraites qui est la variable d’ajustement implicite de la projection. Est-ce justifiable et crédible dans ce scénario rose ?

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Le financement est-il assuré en 2020 ?Le financement est-il assuré en 2020 ?

Le gouvernement prétend équilibrer les retraites en 2020. Les 21 milliards de déficit se

décomposent en 8,3 milliards de déficit des régimes complémentaires (ARRCO-

AGIRC), 8,6 milliards de déficit des régimes équilibrés par l’Etat et 4,8 milliards des

autres régimes de base (y compris la CNRACL).

Le gouvernement fait l’impasse sur le déséquilibre des régimes dont il est responsable.

Ceux-ci devrait être compensé par la baisse des dépenses publiques.

Dans les régimes AGIRC-ARRCO, les mesures de mars 2013 décidés par les

partenaires sociaux réduisaient déjà le déficit de 4 milliards en 2020 : le taux de

cotisation employeur augmente de 0,15 points d’ici 2015, le taux de cotisations salariés

de 0,1 point et surtout la désindexation des pensions fait perdre 2,5 % de pouvoir

d’achat aux retraites de l’ARRCO et 2,8% à celle de l’AGIRC. Reste 4 milliards de

déficit. Sans doute, un nouvel accord d’ici 2020.

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Le financement est-il assuré ?Le financement est-il assuré ?

Le gouvernement a décidé d’augmenter les cotisations sociales. En 2017, la hausse

sera de 0,3 point pour les salariés et les entreprises (gain : 2 fois 2,2 milliards).

Le gouvernement a décidé de reporter de 6 mois la date où les retraites sont

revalorisées, ce qui baisse le niveau moyen annuel des retraites de la moitié de

l’inflation (soit de 0,9 % si l’inflation est de 1,8%).

Les majorations familiales de pension seront désormais soumises à imposition. Ceci

rapporterait 1,3 milliards de recettes. Mais comment et pourquoi l’argent irait aux

retraites ?

Les mesures représentent 12 milliards (7 en hausse de PO, 5 en baisse de

prestations ), mais le gouvernement a promis de rendre les 2,2 milliards aux

entreprises. Le gouvernement conserve un déficit de (8 +2,2)=10 milliards.

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Le rééquilibrage de la branche retraite (2020)

21Les conditions à l'équilibre des comptes sociaux

 Entreprises Salariés Retraités

Retraite à 60 ans (2012) 2,2 2,2

Cotisations RC 1,0 0,7 

Désindexation RC 2,2 

Cotisations RBase 2,2-2,2 2,2

Recul indexation   2,7

Imposition des MFR   1,3

   

Total 3,2  5,1 6,2

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Le financement est-il assuré ? Même dans ce scénario macroéconomique favorable, il reste un déficit de l’ordre de

l’ordre de 8 milliards en 2020. Peut-on le reprocher au gouvernement ? Non. Il aurait été peu pertinent de réduire davantage le revenu des ménages dans la période à venir où l’important reste de soutenir l’activité, donc la consommation ; d’augmenter les cotisations des entreprises (au moment où le CICE vise à les réduire) ; difficile d’accélérer le report de l’âge de la retraite (en période de fort chômage).

Le gouvernement a promis aux entreprises que, grâce à une réforme du financement de la Protection sociale, il n’y aurait pas de hausse du coût du travail en 2014. Les cotisations famille entreprises seront réduites en contrepartie de la hausse de leurs cotisations retraites. Mais il faudra trouver une ressource de substitution pour la branche famille. S’agit-il d’utiliser la contribution climat-énergie ? S’agit-il de faire payer les ménages, en augmentant la CSG, au risque de déprimer encore la consommation ? De réduire les dépenses publiques (mais l’engagement est déjà de 60 +10 milliards) ? ,

Le gouvernement évoquait un déficit ex ante de 27 milliards en 2040, c’est-à-dire qu’il se place dans le scénario où l’équilibre du système de retraite est obtenu par le retour à un taux de chômage de 4,5%, une forte croissance et la baisse du niveau relatif des retraites. En fait, dans ce scénario rose, compte-tenu des mesures décidées en 2013 (effet : 16 milliards en 2040) et des économies possibles en matière de prestations chômage (18 milliards), le système serait équilibré.

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Le report du départ à la retraite

La spécificité française est donc de jouer sur la durée de cotisation requise pour un

départ au taux plein.

La réforme de 2003 prévoyait que la durée de cotisations requise pour obtenir une

pension à taux plein augmentera de 40 à 41 ans entre 2009 et 2012. Elle continuerait

à augmenter ultérieurement en fonction de la hausse de l’espérance de vie, de

manière à maintenir constant le rapport durée de la retraite/durée de la carrière.

La durée de cotisation requise est ainsi de 41,25 ans pour les générations 1953-54 ;

de 41,5 ans pour les générations 1955-56. Elle devrait passer à 41,75 ans pour la

génération 1958 en 2018.

Les actifs qui auront commencé à travailler à 18 ans pourront partir à 60 ans ; ceux

qui auront commencé entre 18 à 23 ans seront fortement incités à attendre 42

années de cotisations ; ceux qui ont commencé plus tard à attendre 65 ans.

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Le report du départ à la retraite

L’allongement de la durée de cotisation requise est préférable au report de l’âge minimum de la retraite : ceux qui ont commencé à travailler jeune et pour lesquels la durée d’activité est très longue et l’espérance de vie plus courte, peuvent partir avant ceux qui ont débuté leur carrière tardivement et qui ont une espérance de vie plus importante.

Les victimes sont les jeunes qui subissent du chômage en début de carrière et les femmes à carrières courtes (mais la décote est passée de 10 à 5% par an, avec un plafond de 5 années).

La logique de ce système est cependant que les années d’étude ne puissent être validées.

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Le report du départ à la retraite

En 2010, le gouvernement a changé de stratégie pour augmenter rapidement l’âge ouvrant le droit à la retraite à taux plein de 60 à 62 ans, en 6 ans, au rythme de 4 mois par an de 2011 à 2018, cette mesure lui semblant de nature à permettre une amélioration plus rapide des comptes des régimes de retraite et être plus lisible.

Cette évolution est donc en cours. La mesure a été légèrement retouchée en 2012 pour les personnes qui ont

commencé à travailler à 18 ou 19 ans.

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La retraite et l'emploi 26

L’âge de départ à la retraite. L’impact des réformes

Age de début de carrière

Avant 2003

Réforme 2003

Réforme 2010

Retouche 2012 Réforme 2013

14 ans 60 (46) 56 (42) 58 (44) ? 58 (44) ? 58 (44) ?

15 ans 60 (45) 57 (42) 59 (44) ? 59 (44) ? 59 (44) ?

16 ans 60 (44) 58 (42) 60 (44) 60 (44) 60 (44)

17 ans 60 (43) 60 (43) 60 (43) 60 (43) 60 (43)

18 ans 60 (42) 60 (42) 62 (44) 60 (42) 61 (43)

19 ans 60 (41) 61 (42) 62 (43) 61 (42) 62 (43)

20 ans 60 (40) 62 (42) 62 (42) 62 (42) 63 (43)

21 ans 61 (40) 63 (42) 63 (42) 63 (42) 64 (43)

22 ans 62 (40) 64 (42) 64 (42) 64 (42) 65 (43)

23 ans 63 (40) 65 (42) 65 (42) 65 (42) 66 (43)

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Le report du départ à la retraite

La réforme de 2013 se contente de maintenir après 2020 le mécanisme automatique indexant la durée d’activité sur l’espérance de vie, mis en place par la réforme Fillon de 2003.

Elle durée d’activité requise passera à 42 années, pour les générations nées en 1961 et après, soit en 2023 ; à 43 années pour les générations nées en 1973 et après. La durée requise serait fixe par la suite.

L’allongement de la durée de cotisation requise rapporterait 10,4 milliards en 2040 (selon le COR qui évalue à 0,6 années son impact sur l’âge moyen de départ à la retraite).

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L’annonce précoce de l’allongement de la durée requise risque de désespérer les jeunes qui peuvent penser qu’ils n’auront jamais droit à une retraite.

La génération 1950 avait en moyenne validé 10,5 années à 30 ans ; la génération 1978 avait validé 7,5 années au même âge.

Les jeunes commencent donc aujourd’hui à valider des trimestres à 23 ans et peuvent faire le calcul : 23+43=66 ans. Le recul est de 6 ans.

Les années manquantes sont fortement pénalisées actuellement : 2 années manquantes de cotisation font perdre 14,3% de niveau de pension.

Les jeunes n’ont pas conscience de ce que seront leur espérance de vie et leur état de santé dans 40 ans.

Aussi, faut-il rappeler que le système de retraite est réformable en permanence et que l’allongement de la durée requise de carrière pourra ne pas avoir lieu, s’il aboutit à une baisse trop importante des retraites. En sens inverse, il pourrait être accéléré si la situation de l’emploi s’améliore.

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Nombre de trimestres validés à 30 ans.

La retraite et l'emploi 29

Génération Hommes Femmes Ensemble

1942 42,2 33,1 37,8

1946 45,1 36,7 41

1950 45,8 39,5 42,6

1954 42,6 38,3 40,5

1958 40,4 37,3 38,8

1962 38 35,6 36,8

1966 35,4 33,4 34,4

1970 34,3 32,1 33,2

1974 30,7 30,4 30,6

1978 31,5 30,6 31

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En 2003, il semblait que la France pouvait contrebalancer le choc « papy boom » par un double « choc emploi » : retour au plein emploi ; hausse de l’emploi des 55/60 ans, puis des 60/62 ans (d’ici 2020) puis des 62/65 ans.

Le taux de chômage a commencé à diminuer, de 8,8 % en décembre 2003 à 7,1 % en janvier 2008, mais la baisse a été stoppée début 2008 et le taux de chômage atteint 10,5 % à la mi 2013.

Depuis début 2003, le taux d’emploi des 55-65 ans a nettement progressé en France : en taux sous-jacent, de 32,7% début 2003 à 35,4 début 2008, puis 45,8% fin 2012.

Le chômage des seniors a progressé, mais reste bas.

L’emploi des 55-65 ans a jusqu’à présent relativement bien résisté à la crise. Ce sont les jeunes qui ont été les victimes de la dégradation du marché du travail.

Contrairement aux épisodes précédents, la crise ne s’est pas traduite par une forte hausse des pré-retraites.

Le départ après 60 ans rendre progressivement dans les mentalités.

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Evolution de l’emploi dans la crise

.Activité Chômage Emploi

2008-T1 2012-T4 2008-T1 2012-T4 2008-T1 2012-T4

Jeunes (15-25) 38,5 38,4 6,6 9,9 31,9 28,5 (-10,7)

Adultes (25-50) 89,2 89,0 5,7 8,1 83,5 80,9 (-3,1)

Seniors (55-65) 39,6 49,5 1,7 3,7 37,9 45,8 (+20,8)

Seniors taux sous-jacent 35,4 45,8(+29,4)

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En 2010, le gouvernement supposait qu’il sera possible de réduire le taux de chômage à 5% en 2020. Le report de 2 ans de l’âge de la retraite supposait une hausse de la population active disponible de l’ordre de 5 %. Il aurait fallu une croissance de l’ordre de 2,8 % l’an en moyenne d’ici 2020 pour gagner ce pari. Mais l’Europe ne s’est guère lancé dans une stratégie de croissance.

Sinon, le gain, pour les régimes de retraite du report de l’âge de la retraite sera obtenu par la baisse du nombre de retraités (qui reçoivent des prestations satisfaisantes) et la hausse du nombre de chômeurs, mal indemnisés, comme par la baisse de la pension de salariés obligés de partir avant d’avoir droit au taux plein.

La question de l’emploi est primordiale en France en 2013. Mais c’est la création d’emploi par les entreprises qui est problématique. Quelle stratégie macroéconomique mettre en place en Europe pour soutenir la croissance ? Quelle politique industrielle pour recréer des emplois productifs ?

Il parait difficile aujourd’hui d’aller plus vite dans le report du départ à la retraite. Sur 100 nouveaux retraités en 2011, 55 n’étaient plus en emploi.

La France doit conditionner les mesures d’allongement des carrières à la situation du marché du travail.

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L’emploi des seniors ne peut être augmenté brutalement. Il faut s’inscrire dans une perspective de long terme. Il faut laisser faire vivre les réformes en cours : le passage à une durée requise de 42 ans oblige progressivement les salariés les plus formés à partir à la retraite à 65 ans ; maintenir une possibilité de départ à 60 ans donne une soupape de sécurité pour les salariés à carrière longue.

Réussir à allonger la durée d’activité suppose trois préalables : le retour à la proximité du plein emploi, un changement de mentalité des entreprises pour qu’elles acceptent d’employer les seniors, la prise en compte de la pénibilité de certaines activités.

L’allongement des carrières nécessite un profond changement des mentalités et des pratiques des entreprises. A l’exemple des pays scandinave, une mobilisation au niveau des entreprises sera nécessaire, le patronat et les syndicats se mettant d’accord sur une stratégie d’aménagement des carrières, des conditions de travail et de formation. Il faut changer le travail pour changer la retraite. Chaque type de carrière doit être repensé pour permettre, soit par l’amélioration des conditions de travail, soit par la formation permanente, soit par la reconversion, une poursuite de l’activité jusqu’à 60, 62 ou 65 ans. Les entreprises doivent accepter d’embaucher des salariés de plus de 55 ans. Les syndicats doivent exiger que les accords d’entreprises comportent des clauses d’emplois et d’embauche des seniors.

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Cependant, cette mobilisation ne doit pas s’effectuer au détriment de l’emploi des jeunes. Elle ne peut s’effectuer qu’en période de nette croissance de l’emploi, quand l’économie s’approche du plein emploi. Si, à moyen terme, l’emploi des jeunes et des vieux est complémentaire, ce n’est pas le cas à court terme. C’est toute la difficulté de la situation actuelle. Faut-il en 2013 se concentrer sur l’emploi des 58/62 ans quand la priorité est l’emploi en général, et celui des jeunes en particulier ?

Jusqu’à présent, ni les entreprises ni les syndicats ne se sont mobilisés pour allonger la durée de carrière dans les entreprises. Ceci s’explique par les réticences des syndicats à s’inscrire dans une stratégie qu’ils ont jusqu’à présent refusée et que les travailleurs n’apprécient guère comme par le refus des entreprises de conserver des travailleurs qu’elles jugent moins productifs et trop bien payés.

Ce sera la tâche des années 2020.

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Des mesures incitatives à la poursuite de l’activité

En 2008, la loi a reporté à 70 ans le droit de l’entreprise de mettre en retraite d’office un salarié. Les préretraites publiques ont été pratiquement supprimées Les préretraites d’entreprises sont maintenant taxées à 50%. Un plan national d’action concerté pour l’emploi des seniors a été lancé. Il prévoyait, suivant l’exemple

de la Finlande, des campagnes d’informations visant à encourager l’emploi après 55 ans. Mais la crise a bloqué la mobilisation.

Faut-il instaurer des réductions de cotisations employeurs pour les salariés au-delà d’un certain âge ? Le risque est d’aggraver encore les difficultés de financement de la Sécurité sociale et d’induire d’importants effets d’aubaine : il serait choquant de faire payer moins de cotisations à tous les salariés de plus de 55 ans qui sont souvent les mieux payés de l’entreprise.

Le gouvernement a demandé aux entreprises de pratiquer des politiques de maintien en activité des seniors. La loi oblige les entreprises à négocier des accords ou à mettre en place des plans d’actions pour l’emploi des seniors. Sinon, des cotisations retraites supplémentaires sont dues (1% de la masse salariale).

Les Dispenses de Recherches d’emplois ont été supprimés.

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La stratégie du libre choix du départ à la retraite

La stratégie de mobilisation sociale est socialement préférable à celle basée sur les incitations individuelles et la neutralité actuarielle.

Le montant de la retraite dépendrait de l’âge de départ de sorte que chacun serait incité à rester le plus longtemps possible.

La formule serait : p=w *50%* (C /42)* 25 /(85-A) où C est la durée de carrière et A l’âge au départ. Une année de travail supplémentaire doit rapporter 6,7% de retraite (2,4% par effet cotisations et 4,2% par effet durée de retraite).

Un ouvrier qui aurait travaillé 42 ans de 18 à 60 ans aurait droit à une retraite de 50% de son salaire ; un cadre qui aurait travaillé 42 ans de 22 à 64 ans aurait droit à 60 %.

Mais la prétendue neutralité actuarielle ne prend pas en compte les différences d’espérance de vie selon la CSP ; ni les différences dans la capacité à se maintenir en emploi après 60 ans.

Elle détruit le caractère social de la retraite (en particulier, la norme de taux de remplacement et celle d’âge normal de la retraite).

Elle créerait des tensions dans les entreprises entre les salariés qui voudraient se maintenir en emploi pour avoir une retraite satisfaisante et les patrons qui voudraient les voir partir.

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Espérance de vie à 35 ans (France-2005)

Hommes Femmes

Cadres 47 52

Profession intermédiaires 45 51

Artisans, commerçants, chef d’entreprise 45 50

Employés 42 51

Ouvriers 41 49

Inactifs 30,5 47

Total 43 49,5

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La stratégie du libre choix du départ à la retraite

Les salariés ont une décote de 5% par année manquante (par rapport à la durée de cotisation requise ou l’âge de 67 ans) et une surcote de 5% par année de plus (par rapport à la durée requise de cotisation et l’âge requis). A terme, la surcote s’appliquera après 42/43 années de cotisations. Peu de cadres en bénéficieront.

Le « libre choix de l’âge du départ à la retraite » suppose que les seniors n’aient aucune difficulté à trouver ou à conserver un emploi. Actuellement, 55% des salariés qui font liquider leur retraite sont déjà préretraités ou chômeurs. Les entreprises ne voudront pas nécessairement conserver leurs travailleurs de 60 à 65 ans.

Depuis 2009, le cumul emploi-retraite est possible sans restriction. Le cumul est à peu près équivalent à la surcote. Un salarié de 62 ans qui continue à travailler a le choix entre prendre sa retraite (gain 70 immédiat) ou bénéficier d’une surcote (gain : 70*5%*23=80,5 étalé sur 23 ans).

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Et la pénibilité ?

La loi de 2003 prévoyait des négociations des partenaires sociaux pour tenir compte de la

situation des travailleurs affectés à des travaux pénibles, ces négociations devant aboutir dans

un délai de 3 ans. La négociation, engagée en 2004, n’a pas abouti malgré 17 réunions entre le

patronat et les organisations syndicales.

Le dispositif décidé en 2010 était individuel et très restrictif : le droit à une retraite à 60 ans

n’était maintenu qu’aux salariés bénéficiant déjà d’une rente pour maladies professionnels ou

accident du travail. Les différences d’espérance de vie selon la profession ou l’exposition à des

facteurs de risques reconnus n’étaient pas pris en compte.

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La grande nouveauté de la réforme 2013 est la mise en place d’un compte individuel de pénibilité : chaque trimestre de travaux pénibles donnera droit à 1 point (ou même deux, si plusieurs facteurs de pénibilité sont présents) ; le total des points sera plafonné à 100 ; 10 point donneront droit à 1 trimestre de formation ou de retraite ; les 20 premiers points devant être réservés à la formation. Un salarié ayant effectué 25 années de travaux pénibles aura ainsi le droit à six mois de formation et 2 années de retraite précoce.

Ce mécanisme a l’avantage d’obliger les entreprises à distinguer et à enregistrer les travaux pénibles ; ceux-ci donneront lieu à une cotisation supplémentaire ; les entreprises seront donc incitées à réduire le nombre de postes de travaux pénibles.

Les syndicats et les entreprises seront incitées à négocier l’organisation des carrières sur le modèle : 25 années de travaux pénibles ; 6 mois de formation ; 15,5 années de travaux moins exposés. Si on considère un ouvrier qui commence à travailler à 20 ans, il pourrait partir à 60 ans, après 40 années de travail (du moins jusqu’en 2025), à 61 ans après 41 années de travail (à partir de 2035).

Cependant, le dispositif instauré reste peu généreux en raison du plafond à 100 points. Un ouvrier qui aurait travaillé 30 ans ou 40 ans à des travaux pénibles, sans possibilité de formation, n’aura droit qu’à 2 années d’avancement de sa retraite alors que 4 seraient nécessaires.

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Dans le secteur public, certaines professions, moins pénibles, vont conserver le droit de partir à 52 ou 57 ans. Une unification sur des bases objectives devra être entreprise.

Si la réforme améliore la prise en compte de la pénibilité pour l’avenir, se pose la question de la prise en compte des périodes de travaux pénibles pour les salariés qui arriveront à l’âge de la retraite dans les années à venir. Un régime transitoire est créé pendant lequel le minimum de formation ne s’applique pas et les points acquis sont doublés. Mais il ne répond pas au problème. Si Pierre a aujourd’hui 57 ans, qu’il est chômeur, ou qu’il s’est reconverti dans un poste moins pénible, les 35 années de travaux pénibles qu’il a effectuées de 20 à 55 ans ne lui ouvrent aucun droit. La réforme ne jouera à plein que dans 25 ans quand la durée requise aura passé à 43 ans.

Les pays qui affichent un âge de départ à la retraite de 65 ans ou 67 ans maintiennent souvent des dispositifs de pré-retraites plus précoces ou ont des dispositifs d’invalidité sur des critères médicaux et économiques qui permettent d’offrir une pension aux salariés vieillissants, sans perspective d’emploi. Mais ces pays cherchent précisément à réduire ces systèmes.

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Les réformes de 2003, 2010,2013 effectuent un certain choix social entre durée de la période de travail et durée de la retraite. Ce choix est-il conforme au souhait des actifs ?

D’un côté, l’exclusion précoce des travailleurs seniors les écarte très vite de la vie active, alors que certains pourraient et préfèreraient travailler. Elle se répercute sur les possibilités de formation et de carrière des actifs à partir de 55 ans. Elle devient absurde compte tenu de l’allongement de la durée de vie et de la durée des études.

De l’autre, jouir d’une longue période sans travail, en bonne santé, permet aux jeunes retraités de s’investir dans de nouvelles activités sociales, culturelles, de loisirs... Dans cette optique, la retraite à 60 ans est une utilisation des gains de productivité, comme la semaine de 35 heures.

Les travailleurs souhaitent-ils revenir sur cette utilisation? Actuellement, les sondages montrent que non. Compte tenu de la pénibilité de leur travail, des risques de se retrouver sans emploi, de nombreux salariés de 58 à 60 ans attendent avec impatience la retraite et refusent de voir prolonger de 3 à 5 ans leur période d’activité. Faut-il faire des efforts importants pour prolonger les carrières après 60/62 ans en situation de sous-emploi, quand il y a pénurie d’emplois non-qualifiés, quand les entreprises refusent d’embaucher les plus de 55 ans ? La solution choisie est celle que les salariés rejettent le plus nettement. Changer le travail, retourner au plein emploi, constituent deux préalables à l’allongement de la durée de la carrière. Celle-ci doit s’inscrire dans une stratégie de long terme.

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A court comme à long terme, la question des retraites est pour l’essentiel, une question d’emploi. D’ici 2020, de nouvelles mesures de report de l’âge de la retraite n’étaient pas concevables, sans une franche inversion de l’évolution de la courbe du chômage, qui suppose une rupture dans la politique macroéconomique européenne. Les questions essentielles pour la France en 2013 sont : comment agir en Europe pour mettre fin à la spirale dépressive ? Quelle politique industrielle, au sens large, pour faire augmenter l’emploi ? Ce n’est pas d’engager des réformes de la politique familiale ou des retraites.

A plus long terme, les pays développés n’échapperont pas à la nécessité de repenser leur modèle de croissance. Faudra-t-il continuer à tout faire pour augmenter la production et l’emploi marchand, quand les contraintes écologiques devraient nous pousser à la décroissance de la production matérielle ? Faut-il obliger les seniors à se reconvertir, à 55 ou 60 ans, dans des activités sous-qualifiées (comme dans les pays anglo-saxons ou asiatiques) ? Maintenir la possibilité d’une période de retraite active, en bonne santé, consacrée à des activités associatives ou culturelles, est une utilisation raisonnable des gains de productivité. Aller au-delà d’un âge de retraite de 62 ans et d’une durée de cotisation de 42 années n’est pas une obligation, c’est un choix social, qui doit être discuté. En tout état de cause, les générations actives qui financeraient ainsi la « retraite heureuse » de leurs parents doivent être convaincues qu’elles en bénéficieront à leur tour.

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Le niveau des retraites.

Actuellement, la retraite nette moyenne représente 70 % du salaire net moyen.

Mesuré par le revenu par unité de consommation, le niveau de vie médian des retraités est de 99 % de celui de l’ensemble de la population, de 97 % des personnes d’âge actifs (car le niveau de vie des enfants est plus bas de 9%), 92 % si on compare les retraités aux seuls actifs ; de 89% si on compare les retraités aux actifs occupés.

Il faut rajouté 3 points à ces chiffres pour tenir compte des loyers fictifs (les retraités sont plus souvent propriétaires de leur logement) et en enlever 2 points pour tenir compte des primes de complémentaires santé.

En 2010, le taux de pauvreté des 60- 74 ans était de 8,1, celle des plus de 75 ans de 11,2 % contre 14,3 % pour l’ensemble de la population. Globalement, la situation relative des retraités est satisfaisante.

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Taux de pauvreté en 2011 (seuil à 60 %)

0-18 ans 19,5 %

18-29 ans 19,4 %

30-49 ans 13,0 %

50-59 ans 11,7 %

60-74 ans 8,1 %

+ de 75 ans 11,2%

Total 14,3 %

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La retraite et l'emploi 46

Ratio de revenu +de 65 ans/-de 65 ans 2008

H F

France 1,02 0,92

Autriche 0,97 0,90

Italie 0,91 0,85

Portugal 0,89 0,77

Grèce 0,89 0,84

Allemagne 0,88 0,86

Pays-Bas 0,85 0,84

Suède 0,80 0,71

Espagne 0,78 0,78

Finlande 0,77 0,68

Belgique 0,75 0,74

Irlande 0,74 0,72

Danemark 0,72 0,70

Royaume-Uni 0,72 0,71

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Les retraites sont gérées avec rigueur. Depuis la réforme de 2003, les retraités ont perdu 0,5 % de pouvoir d’achat (retraites non-imposables du privé), 1,0 % (retraites imposables du privé) ou 1,5 % (retraites de la fonction publique), alors que le pouvoir d’achat du salaire moyen augmentait de 6,4 %. Par contre, le minimum contributif majoré a augmenté de 9%.

Le pouvoir d’achat du minimum vieillesse n’avait pas été revalorisé de 1999 à 2007. En 1984, il représentait 52% du revenu médian des ménages ; en 2007, il n’était plus qu’à 42,5%. Cette stagnation explique la diminution du nombre de titulaires du minimum vieillesse (ils ne sont plus que 609 000). Le Président Sarkozy avait promis de le revaloriser de 25%. Il a ainsi été augmenté de 16% en valeur relative.

Les retraités subissent des pertes de niveau de vie relatif durant leurs années de retraites.

En sens inverse, de nombreuses femmes ont maintenant des droits propres et les jeunes retraités ont une pension supérieur à celui des retraités qui décèdent

Durant ces dernières années, la différence du niveau des pensions entre les nouveaux retraités et les retraités décédés entraîne une hausse de 1,2 % par an du niveau moyen des retraites ; les présents-présents perdent 0,2 % par an de pouvoir d’achat. La retraite moyenne augmente d’environ 1% par an en pouvoir d’achat tandis que le salaire par tête augmente, en moyenne, de1,3 % l’an.

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2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Pouvoir d’achat*

Indice des prix 2,1 2,1 1,8 1,4 1,5 2,8 0,1 1,5 2,1 1,7

Plafond de la SS 3,4 1,8 1,6 2,9 3,6 3,4 3,1 0.9 2,1 2,9 8,8

Salaire de référence RC 1,6 2,3 2,4 2,9 3,7 3,4 1,8 1,3 2,2 2,2 6,4

Minimum vieillesse 1,5 1,7 2,0 1,8 1,8 1,3 8,4 2,8 4,8 4,3 14,7

Minimum contributif majoré

1,5 4,2 2,6 4,6 1,8 4,1 1,4 1,1 1,8 3,2 9,0

Régime général 1,5 1,7 2,0 1,8 1,8 1,4 1,3 0.9 1,8 2,1 –1,0

Pensions RC 1,6 1,7 2,0 1,7 1,7 1,5 1,3 0.9 1,8 2,2 –1,2

Fonction publique 0,8 1,7 2,0 1,8 1,8 1,4 1,3 0.9 1,8 2,1 –1,5

Evolution des retraites depuis 2003

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Le minimum vieillesse (personne seule)

Pouvoir d’achatBase 100 en 1998

% du revenu médian

1984 97,3 52,0

1990 97,1 48,71998 1002000 100,8 47,02001 101,4 45,92002 101,6 45,1

2003 101,1 44,8

2004 100,6 44,82005 100,8 44,02006 101,0 43,3

2007 101,3 42,5

2008 102,6 42,9

2009 111,1 46,1

2010 112,6 46,4

2011 115,6 47,7

2012 119,0 49,5

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Jadis, les retraités ne payaient pas de cotisations maladie. Ils ont souffert de la mise en place puis de la montée en puissance de la CSG (qui est pour eux de 6,6 % contre 7,5 % pour les salaires). Ils ont souffert aussi du désengagement de l’assurance-maladie au profit des mutuelles. S’y ajoute une contribution de 1 % sur les retraites complémentaires. Faire passer leur taux de CSG à 7,5 % ne rapporterait que 1,5 milliards. Mais il semble acquis que cette hausse aura lieu pour financer la dépendance. Ne serait-il pas juste, en contrepartie, que les retraités bénéficient de hausses de pouvoir d’achat dans les périodes fastes ?

Les retraites non-imposables ne paient pas de CSG, mais elles pourraient se la voir progressivement appliquer. Ce serait injuste car les bas-salaires bénéficient eux de la PPE ou du RSA qui compense en quasi-totalité la CSG.

Enfin, supprimer les 10% plafonnées de frais professionnels des retraités pourrait rapporter 3,5 milliards.

En 2013, les retraités ont perdu 0,3 % de pouvoir d’achat du fait de leur soumission à la CSA (contribution solidarité autonomie).

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L’évolution du taux de remplacement, en particulier pour les cadres dépend des négociation entre partenaire sociaux pour les régimes complémentaires. Le taux de rendement sera-t-il stabilisé ou continuera-t-il à diminuer ? .

L’accord de mars 2011 comporte une baisse de 1,7% du pouvoir d’achat de la retraite Agirc (pour égaliser le taux de rendement Agirc/Arrco) puis le stabilité du taux de rendement de 2012 à 2015, salaire de référence et valeur du point évoluent comme le minimum entre (salaire moyen -1,5% et inflation).

L’accord de mars 2013 prévoit une indexation des pensions sur les prix -1% pendant 3 ans. C’est donc une baisse de 2,5% des pensions pour l’Arrco ; de 2,8% de l’Agirc.

Une opération similaire risque de se reproduire dans 4/5 ans.

Dans le débat 2013, certains ont proposé des indexations différentes selon le niveau de pensions. C’est dangereux. La retraite n’est pas une prestation d’assistance, mais un droit acquis par les cotisations. Il ne faut pas décrédibiliser la retraite publique pour les cadres.

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Evolution des taux de remplacement

Non-cadre Cadre 2PGénération 1930 1948 1958 1930 1948 1958Départ 1990 2008 2020 1990 2008 2020Carrière 40a 40a 42a 40 a 40a 42 aSalaire brut 100 100 100 200 200 200Net 78,7 78,5 78,5 163,1 159 159

CNAV 47,7 44,0 41,5 47,7 44,0 41,5ARRCO 25,2 20,0 19,6/16,4 25,2 20 19,6/16,4AGIRC 53,2 39,9 39,6/33,8

Pension brute 72,9 64,0 61,1/57,9 126,1 103,9 100,7/91,7Pension nette 71,6 59,3 56,6/53,6 123,6 95,9 93,0/84,7Taux net de remplacement

91,0 75,5 72,0/68,3 75,8 60,3 58,4/53,3

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Avant 1993, la pension du RG représentait 50 % de la moyenne des 10 meilleurs salaires revalorisés comme l’évolution des salaires.

Du fait de la réforme Balladur, les salaires portés au compte dans le régime général ne sont revalorisés, depuis 1993, que comme les prix et pas comme le salaire moyen.

Le taux de remplacement (le rapport entre la première retraite et le dernier salaire) est d’autant plus faible que le salaire moyen a fortement progressé : le taux de remplacement maximum du régime jadis était de 50%, il baisse à 41,5% si le salaire réel progresse de 1,5% par an, mais seulement à 47% s’il progresse de 0,5% par an.

Le mécanisme introduit permet de faire baisser le niveau moyen des retraites de 31% si le salaire réel progresse de 1,5% par an, de 12% s’il progresse de 0,5% par an, de 0 s’il stagne.

Or, dans la période récente, le salaire ne progresse plus que de 0,5% par an. Le niveau relatif des retraites risque donc de se rétablir.

Il faudrait donc augmenter les salaires pour faire baisser le niveau relatif des retraites. L’équilibre des retraites dépend de la croissance des salaires.

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Selon la projection du COR 2013, le ratio retraite moyenne/salaire moyen baisserait de 19 % d’ici 2050 (si le taux de rendement se stabilise dans les régimes complémentaires) ou de 22,5 % (si la baisse se poursuit). En net, la baisse serait de 17% ou 20%.

Ce résultat dépend de façon cruciale de l’hypothèse de hausse de la productivité du travail (1,5% par an).

La réforme de 2013 n’a pas fourni de garantie aux générations futures sur le montant de leur retraite. Il serait souhaitable d’arrêter la baisse des taux de remplacement et de fixer des niveaux cibles différenciés selon le niveau de salaire (85 % au niveau du SMIC, 75 % pour les salaires moyens).

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Le comité d’experts réunit autour de Madame Moreau avait proposé que les salaires portés au compte soient revalorisés de façon flexible ou ne soient revalorisés que comme :

prix+(salaires réels moins 1,5%) La baisse relative des retraites serait ainsi définitivement confortée. La revalorisation des salaires portés au compte deviendrait un instrument

d’ajustement, alors qu’elle devrait permettre de calculer le salaire moyen de la carrière, de manière objective ; les salaires les plus anciens seraient fortement dévalorisés.

Pourtant, le rapport reconnait (page 107) que le niveau actuel des retraites correspond à la parité des niveaux de vie entre actifs et retraités et que l’évolution proposée aboutirait à terme à un niveau de vie des retraités inférieur de 13%. Pourtant il juge « acceptable cette évolution ».

Il oublie, de plus, que s’ajouteraient à cette perte l’effet des réformes fiscales, et de la désindexation, préconisée par ailleurs.

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Le financement est-il assuré en 2040 (bisLe financement est-il assuré en 2040 (bis)) ?

Le choix fait est d’accepter d’ici 2040 une baisse de 15,4% du niveau relatif des retraites.

En fait, la baisse pourrait être plus forte si de nombreux salariés ne réussissaient pas à obtenir les 43 années de cotisations requises.

Par contre, elle pourrait disparaitre si la croissance du pouvoir d’achat des salaires n’était que de 0,5% par an ou si (dans un contexte de forte croissance des salaires, les retraites recevaient des hausses de pouvoir d’achat).

Dans ce cas, la part des retraites serait alors de 15,4% du PIB en 2040. Soit un déficit de 2,2% du PIB, dont 1 point pourrait être comblé par les cotisations chômage. Il faut augmenter les cotisations retraite d’environ 3 points.

Il faut accepter une certaine hausse des taux de cotisation, si l’on ne résigne pas à une forte baisse du niveau relatif des retraites.

La grande incertitude est plutôt ; la stratégie macroéconomique de retour au plein emploi. Dans ce cadre, la France pourra mettre en œuvre une stratégie spécifique de hausse des taux d’activité des seniors.

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En 2010, le gouvernement avait décidé de mettre en liquidation le Fonds de réserve des retraites.

Celui-ci n’avait accumulé que 33 milliards à la mi-2010 et n’avait eu qu’une rentabilité médiocre : 2,3% par an de juin 2004 à juin 2010, qu’il faut comparer au 3,85% de coût moyen de la dette publique sur la période.

Par ailleurs, les prévisions actuelles ne comportent pas d’excédents du système de retraite, d’ici 2020, qu’il aurait été avisé d’accumuler pour la période suivante.

La liquidation du FRR permet de récupérer 1,4 milliards de ressources pérennes et de financer une partie du déficit du régime général dans les années à venir.

Elle montre cependant la nécessité absolue d’équilibrer structurellement le régime après 2020.

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De nouvelles ressources ?De nouvelles ressources ?

Pourtant, une hausse des ressources affectées à la retraite est nécessaire si on veut éviter la baisse du taux de remplacement.

La retraite, étant un salaire différé dépendant des salaires reçus, doit être financée par les salaires et non sur une autre assiette. Un système qui verse des prestations plus élevées aux retraités ayant eu les plus hauts salaires ne peut pas être financé par l’impôt.

Ce sont les actifs qui doivent financer les retraites et qui doivent arbitrer entre taux de cotisation, niveau des retraites et durée de la retraite. La société doit proposer aux actifs (et en particulier aux jeunes) un choix social : un certaine hausse de taux de cotisation contre la garantie que le système perdurera et que le taux de remplacement restera suffisant.

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Par contre, il est légitime que les composantes non contributives des retraites (comme le minimum vieillesse) soient financés par l’impôt, c’est-à-dire par la solidarité nationale et pas par les seuls actifs.

Mais c’est déjà largement le cas  : le fonds de solidarité vieillesse (FSV), financé par des impôts (la CSG, la taxe sur les salaires, la C3S) prend en charge le minimum vieillesse, le minimum contributif et même les cotisations pour les périodes de chômage ou de maladie (ce qui est déjà contestable car les prestations ainsi financées ne profitent qu’aux actifs et dépendent des salaires de la carrière).

Il n’y a donc pas de raisons a priori d’augmenter la part de l’impôt ou de la CSG dans le financement de la retraite .

Les exonérations de cotisations sociales bas-salaires sont compensées par des transferts d’impôt.

L’amélioration de la situation de l’emploi pourrait dans un avenir lointain permettre un ripage cotisation chômage/cotisation retraite. Un taux de chômage à 6% ferait gagner 2,5 points de cotisations.

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Financement de la CNAV

Cotisations sociales 69,6Cotisations prises en charge par l’Etat

1,0

CAF (AVPF) 4,8FSV 21,6Dont : cotisations chômage-maladie

12,0

Minimum vieillesse 2,3Majorations familiales 3,9Minimum contributif 3,4Impôts 12,3Dont : Forfait social 1,4Prélèvements sociaux 3,6Taxe sur salaires (exo bas-salaires) 7,3Total 109,3

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Financement du FSV

CSG 10,6Majorations familiales (CAF) 3,9Forfait social 2,0C3S 1,7Taxe sur les salaires 2,0Total 20,6

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Les taux de cotisations sociales (janvier 2013)

  … Patronales … Salariales

CSG-CRDS   7,86Sécurité sociale :    

• Maladie-maternité• Vieillesse (sous plafond)• Vieillesse (sur plafond)

12,8010,01,60

0,756,850,10

• Famille 5,40  Accident du Travail (taux moyen) 2,30  

ARRCO/AGFF(sous plafond)AGIRC/AGFF (sur plafond)

5,714,156

3,88,754

Chômage et AGS 4,3 2,4

CSAPAHDivers

0,303,05

 

Total (sous plafond) 43,85 21,66Total (sur plafond) 43,906 19,864Réduction au niveau du SMIC - 26,00 - 4,9

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Les prestations famille sont universelles mais restent financée pour 35 milliards par des cotisations sociales employeurs assisses sur les seuls revenus d’activité alors que la logique voudrait qu’elle ne soit financée que par des impôts. Il serait légitime de faire progressivement financer la famille par la CSG et de réserver les cotisations sociales aux retraites (et aux prestations chômage et maladies de remplacement).

En 2013, un point de cotisation retraite déplafonné sur l’ensemble des régimes de base rapporte 7,5 milliards. Un point de CSG rapporte 12,3 milliards dont 8,5 payé par les actifs, 2,6 par les retraités et les chômeurs, 1,2 par les revenus du capital.

Si l’objectif est de fournir 10 milliards de ressources supplémentaires aux régimes de retraite, on pourrait baisser de 1,3 point le taux de cotisations famille des entreprises et augmenter de 1,3 point leur taux de cotisation retraite déplafonné. La mesure serait alors pour les entreprises.

Il faudrait alors augmenter de 0,8 point la CSG pour financer la branche famille. Les 10 milliards de recettes supplémentaires seraient alors financées pour 7 milliards par les actifs, pour 2 milliards par les retraités, pour 1 milliards par les revenus du capital. La mesure ne pèserait pas sur les entreprises ; elle rapprocherait de la logique institutionnelle ; elle apparaitrait plus équilibrée qu’une hausse des seules cotisations salariés.

Les salariés perdraient 1% de pouvoir d’achat, alors que la hausse équivalente des cotisations salariés leur en ferait perdre 1,4%.

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En contrepartie, la fiscalité sociale des revenus du capital (déjà de 15,5%, ce qui est originale en Europe) serait encore alourdie.

Les retraités imposables perdraient 1% de pouvoir d’achat, qui s’ajouterait au 0,3 point de hausse de leur Contribution de Solidarité pour l’Autonomie en 2013, à la perte de pouvoir d’achat annoncée de 2,5 à 2,8 % des pensions Arrco et Agirc.

Il serait difficile d’y rajouter la hausse de leur taux de CSG au taux normal (actuellement 6,6% contre 7,5% pour les actifs), et la suppression de leur abattement de 10% à l’IR.

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Du coté des entreprises….

Les entreprises étaient dans une situation satisfaisante en 2007, mais elles ont souffert de la dépression et de la chute de la productivité du travail. Elles bénéficient de 27,5 milliards d’exonération de cotisations sociales employeurs (dont 3,3 ne sont pas compensées), soit 2 point de VA. S’y ajoutent les 20 milliards du CICE, soit 1,6 point de VA, les 5 milliards de Crédit Impôt recherche et les 7 milliards de baisse de la taxe professionnelle.

Compte-tenu de la situation macroéconomique, le plus sage est sans doute le ni-ni. Le gouvernement n’augmentera plus les cotisations sociales des entreprises, mais ne se lancera pas dans une politique de nouvelles baisses des CSE (compte-tenu du CICE)

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Part dans la valeur ajoutée des Sociétés (en %)

1972 1982 1992 2002 2006 2012

Masse salariale 71,2 74,9 66,5 66,0 65,6 67,7

Dont CSE 16,7 19,4 18,2 16,4 16,0 16,7

Impôts nets 0,3 1,9 2,7 3,8 3,6 3,9

EBE 28,6 23,1 30,8 30,2 30,8 28,4

             

Intérêts 5,2 8,0 6,6 1,2 1,9 2,1

Dividendes 4,1 3,1 3,8 7,3 6,9 7,9

IS net 1,7 1,4 0,5 2,6 3,8 2,0

Divers 3,8 3,5 2,5 2,5 2,2 2,4

             

Autofinancement 13,8 7,1 17,4 16,8 16,0 14,0

FBCF 23,5 19,9 18,3 18,2 20,3 19,6

Besoin de financement 9,7 12,8 0,9 1,4 4,3 5,6

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Le cas des fonctionnaires

Les fonctionnaires continuent à bénéficier d’un taux de remplacement de 75 % calculé sur le salaire de fin de carrière. Toutefois, ce taux s’applique au salaire hors prime. Un régime complémentaire sur les primes a été créé, mais avec un taux de cotisation très bas (10 %) et il ne monte en puissance que très lentement.

Le taux de remplacement net des fonctionnaires est de 83 % (pour le fonctionnaire qui n’aurait pas de prime), de 72 % pour le fonctionnaire moyen (dont la prime est de 20 % du salaire indiciaire), de 61 % pour le fonctionnaire dont la prime est de 40 % du salaire. C’est proche des taux de remplacement dans le privé (85 % au niveau du SMIC, 76 % pour le non-cadre, 60 % pour le cadre), bien qu’un peu plus favorable pour les fonctionnaires de faible niveau de prime (enseignants). De plus, les fonctionnaires ont plus souvent des carrières complètes.

En sens inverse, les salariés des grandes entreprises du secteur privé ont des régimes sur-complémentaires (Pere, Perco, voire régime chapeau) et une indemnité de départ.

La divergence entre le public et le privé se creusera à l’avenir si, effectivement, la baisse des retraites assurée par les régimes complémentaires continue. Aussi, le niveau des retraites du public est crucial pour les années à venir : soit, il est préservé et, dans ce cas, il n’est pas justifiable de réduire la retraite du privé. Soit il est mis en cause ; ce qui permettra de diminuer le niveau des retraites du privé.

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Les fonctionnaires ne peuvent être alignés sans précaution sur le privé. Il faudra remettre en cause la distinction salaire de base/prime, qui n’existe pas dans le privé. Il faudra aussi remettre en cause la non-indexation du point de la fonction publique. En pouvoir d’achat, le point de la fonction publique a perdu 16 % de 1985 à 2008.

Calculer la retraite des fonctionnaires sur les 25 dernières années diminuerait la retraite moyenne des fonctionnaires d’environ 10 % (si le calcul se fait sur les salaires indiciaires revalorisés sur les prix) ; la calculer sur les 10 dernières années l’augmenterait paradoxalement d’environ 1,5 %.

Mais, si la réforme était accompagnée d’une prise en compte des primes et d’une ré-indexation du point de la fonction publique, elle se traduirait par une hausse des salaires des fonctionnaires et une hausse des retraites des fonctionnaires les mieux payés et risquerait de coûter plus qu’elle ne rapportera.

Le gouvernement a décidé en d’aligner en 10 ans le taux de cotisations retraite des fonctionnaires (7,85%) sur celui du privé (10,55%). Ce prélèvement de 0,25% par an s’ajoute aux baisses de pouvoir d’achat que les fonctionnaires subissent déjà du fait de la non-indexation du point.

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Par contre, certains personnels de la fonction publiques et des grandes entreprises publiques continuent à bénéficier d’âge de départ favorable :

- 52 ans (conducteurs SNCF et RATP, policiers, gardiens de prison, contrôleurs aériens, égoutiers,

-57 ans (personnels d’atelier SNCF et RATP, services actifs EDF, douaniers, pompiers, aides-soignants, agents d’entretien).

Certes, ces âges ont été augmentés, mais il n’y a pas homogénéité entre eux et les normes de pénibilité mis en place dans le privé.

Une convergence serait nécessaire.

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Le taux de remplacement des fonctionnaires

C B A

Traitement 100

Prime 0 20 40

CSG-CRDS 7,67 9,3 11,67

Cont. solidarité 1 1,20 1,4

Cotisation 7,85 7,85 + 0,5 7,85 + 0,5

Salaire 83,48 101,15 118,58

Retraite sur traitement 75

Retraite sur prime 0 3,15 3,15

CSG-CRDS 5,32 5,55 5,55

Retraite 69,68 72,60 72,60

Taux de remplacement net 83,3 71,8 61,2

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Les avantages familiaux : un système hétéroclite.

Majoration de durée d’assurance pour les mères : 2 ans par enfant (RG), 2 trimestres (FP).

Majoration pour les parents de plus de 3 enfants : 10% (RG) ; 10+5% par enfant supplémentaire (FP) ; 5% (ARRCO) ; 8 %+4 % / plafonné à 24% (AGIRC) : alignement sur le RG avec plafond de 1000 euros par régimes (RC).

Réversion : 50% sauf remariage (FP) ; 60% sauf remariage (RC) ; 54% à partir de 55 ans, sous condition de ressources (RG).

Les retraites des femmes restent inférieures à celles des hommes (63,7% en droits directs, 69% avec droits dérivés). Les avantages familiaux doivent subsister.

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Les avantages familiaux : un système hétéroclite.

Les majorations familiales de retraite accordées aux personnes ayant élevé 3 enfants ou plus sont actuellement proportionnelles aux salaires et indépendantes du genre, elles profitent plus aux hommes (62 euros par mois en moyenne) qu’aux femmes (37 euros). Aussi, serait-il souhaitable d’augmenter les allocations des familles nombreuses dans la période où elles élèvent effectivement leurs enfants et de consacrer les majorations familiales de retraite à compenser l’effet négatif de l’élevage des enfants sur la retraite des mères.

Remplacer le dispositif actuel par une allocation forfaitaire de 50 euros par enfant élevé (donnée en priorité à la mère) ferait baisser de 4% la retraite moyenne des hommes, augmenterait de 6% la retraite moyenne des femmes. La retraite moyenne des femmes passerait de 67,4 à 74,3% de celles des hommes.

Certes, ce ciblage risque de justifier le partage sexué des tâches, mais il doit être mis en place jusqu’à ce que la situation des deux sexes s’égalise sur le marché du travail.

Cette réforme a été mise à l’étude.

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Quel pilotage?Quel pilotage? Le gouvernement a heureusement écarté tout développement de la retraite par

capitalisation.

Ce développement aurait nécessité une hausse du taux d’épargne des ménages, mal

venu en période de crise, où il faut, au contraire, soutenir la demande ; une contribution

des entreprises, qui pèseraient sur leurs profits ; de fortes incitations fiscales, ce qui est

impossible, compte-tenu de la situation des finances publiques.

Fin 2010, 3 millions de contrats individuels (PERP ou PREFON) ont été souscrits, 1,4

million de contrat Madelin (pour les professions indépendantes), 0,85 million contrats

PERCO-PERE et 3,7 millions de contrats de type retraite-entreprise.

Mais les sommes investies sont relativement faibles : en 2011, le total des versements a

représenté 10,5 milliards contre 251 milliards pour les cotisations aux régimes

obligatoires (soit 4,0% du total). Ces contrats ont versé 6,4 milliards de prestation contre

274 pour les régimes obligatoires (2,3%).

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Quel pilotage?Quel pilotage? Le gouvernement a heureusement écarté les projets de réforme structurelle.

Dans le projet de passage à un régime par point, le niveau des retraites devait être la

variable d’ajustement, de sorte que les salariés n’avaient aucune assurance sur le niveau

futur de leur retraite.

Le projet de comptes notionnels proposait que l’âge de départ soit choisi librement, que

le niveau de retraite soit telle la valeur actualisée des retraites futures soit égal au

niveau actualisé des cotisations versées. Ainsi, l’âge requis pour avoir une retraite

correcte augmentait automatiquement avec l’allongement de l’espérance de vie. Mais le

système proposé ne tenait pas compte des différences d’espérance de vie et de capacité

à se maintenir en emploi après 60 Ans. L’allongement des carrière aurait été un choix

individuel, plutôt que le résultat de la mobilisation sociale. Il aurait sans doute demandé

une hausse immédiate des cotisations pour compenser l’allongement de la durée de vie.

Il aurait demandé une longue période de mise en place. Les jeunes génération auraient

dû financer le retraite de leurs parants, dans un système plus généreux, que le leur. Il

aurait fallu repenser tous les dispositifs non-contributifs.

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Quel pilotage?Quel pilotage? La réforme met en place un dispositif de pilotage par un Comité de suivi des retraites,

qui, sur la base de travaux techniques pilotés par le Conseil d’Orientation des Retraites, rendra un avis annuel sur l’évolution du système et formulera des recommandations. Le gouvernement, après consultation des partenaires sociaux, prendra des mesures de redressement.

Les recommandations de ce Comité pourront porter que la durée de cotisation requise, les taux de cotisation, le niveau des pensions, des transferts du Fonds de Réserves des Retraites.

C’est un pas vers un pilotage continu. Les partenaires sociaux qui gèrent les régimes complémentaires n’y participeront pas. Le gouvernement se défausse de son rôle. Les principes du pilotage ne sont pas définis (niveau des retraites/cotisations, prise en compte de la situation de l’emploi).

Faire converger les différents régimes, les inscrire dans un pilotage commun est nécessaire. Ceci devrait permettre de faire disparaître le sentiment d’injustice très répandu parmi les salariés du privé, même si ce sentiment n’a pas obligatoirement de fondement. Ceci aurait supposer que le Comité de suivi comporte explicitement des représentants des régimes et des partenaires sociaux, qu’il se donne explicitement cet objectif de convergence.

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Quel pilotage ?

Le système français reste socialement géré. Il est normal qu’il soit ajusté en

permanence pour tenir compte des évolutions démographiques et économiques. Il

nécessite d’arbitrer périodiquement entre niveau des retraites, taux de cotisations,

conditions de départ à la retraite.

Ce ne doit pas prendre la forme d’une « grande réforme » tous les trois ans.

Dès que la France retrouvera une croissance satisfaisante, elle relancera la vaste

mobilisation sociale pour l’emploi des 58-60 ans ; puis des 60-62 ans ; enfin, des 62-

65 ans après.

Si une grande réforme unificatrice parait impossible, la convergence des régimes

devra être organisée.

Les avantages familiaux seront repensées, centrés sur les femmes.

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Quel pilotage ?

La France a choisi une petite réforme, qui garantit la soutenabilité financière du

système (si effectivement l’évolution macroéconomique est satisfaisante), qui

maintient les principes d’un système auquel les français sont attachés : les retraités

doivent avoir un niveau de vie équivalent à celui du reste de la population ; les

salariés ont droit à une retraite satisfaisante quand les entreprises ne veulent plus les

employer.

Des arbitrages pourront être fait dans l’avenir, après 2020 (entre taux de cotisations

salariés, niveau des retraites, condition de départ). Ils n’affecteront pas les

entreprises.

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