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UNIVERSITE PARIS XNANTERRE
Une entreprise lpreuve de laGuerre et de l0ccupation
LA COMPAGNIE DES MACHINES BULL 1939 1945
Tome 2
Anne Universitaire Thse de Doctorat2006-2007 prsente par
Madame Paulette RICHOMMEsous la direction de
Monsieur Alain PLESSIS
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Chapitre 15
LES PROCES IBM-BULL
Pendant toute la dure de lOccupation, et mme au-del, deux importants procs513
opposrent le Groupe IBM et la Cie des Machines Bull. Bien que lorigine et la nature
de chacun deux aient t diffrentes :
- le premier portant sur des droits de commercialisation;- le second mettant en jeu des droits de proprit industrielle.Ces deux procs, dont les actions sentrelacrent au cours du temps, rejaillirent
invitablement lun sur lautre et, les relations entre les adversaires ne cessant de
senvenimer, eurent, sur les clients Bull, des rpercussions diffrentes selon quil sest
agi de lune ou lautre de ces affaires. Il est donc indispensable de les distinguer.
1. Le procs dit Bull A.G.
Implante Zurich (Suisse), la Bull Maschinen Aktien Gesellschaft (en franais :
Socit Commerciale des Machines Bull ), plus couramment appele Bull
A.G. 514 avait t fonde, par Emile Genon, le 3 novembre 1930515, dans le but de
commercialiser en Europe les matriels issus de lexploitation des brevets de feu Fr.R.
Bull dont [Emile Genon] avait acquis la proprit le 26 octobre 1927 la Socit
Norvgienne O.K.A. 516. Celui-ci fit postrieurement apport[ sa socit] de tous ses
droits personnels au monopole de la vente des machines Bull. 517
.
513 Pour ne citer que les deux principaux, ces deux affaires ayant entran dans leur sillage, dautres
actions en justice - cf. Calendrier des diffrents procs - Annexe 18514 Dans les documents Bull, on la trouve galement souvent cite sous lappellation Socit
Commerciale 515 cf. Rpertoire biographique516 CIHB - Gazette du Palais - Jugement du 9 juin 1942 - 46566/11/1942 (n 308-310)517 - ibid. -
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Le 6 novembre 1933, C.M.B. avait conclu avec la Bull A.G. une convention aux termes
de laquelle:
- la Cie des Machines Bull, dune part, avait la proprit des brevets et le droit defabrication
518 des machines
- et la Bull A.G., dautre part, le droit exclusif de vente des dites [machines] pendantune dure fixe 18 ans compter du 9 mars 1931 (date de cration de la St
H.W. Egli-Bull), la Socit Commerciale [autrement dit la Bull A.G. ]
sengageant organiser et conduire la lutte contre la concurrence 519
.
A partir de 1932, suite dimportantes difficults de trsorerie, la Direction Bull ( cette
poque, Marcel Basssot) de lpoque avait pens quun accord avec un partenaire
tranger tait susceptible dapporter une solution ses problmes. Des pourparlers
avaient donc t engags dans ce sens avec des concurrents amricains 520
. Cest
dans cet esprit quEmile Genon, dsign pour discuter la fois au nom de la Cie des
Machines Bull et de la Bull A.G. dans lintrt commun des deux socits, fit plusieurs
voyages aux Etats-Unis au cours desquels il entra en contact avec les dirigeants dIBM.
Lusine de Bull-Paris et la Bull A.G. intressaient toujours autant T.J. Watson521
. Ce
dernier, faisant jouer son habilet naturelle, sut se faire particulirement convaincant, si
bien que, le 13 mai 1935, Emile Genon prenait, de sa propre initiative dit-on , vis--vis
de la filiale suisse dIBM, lInternational Gehatsmachines Gesellschaft, un engagement
aux termes duquel il sengageait vendre cette socit 86 et une fraction de % de la
proprit de la Socit Commerciale [Bull A.G.] et essayer dobtenir pour
518 - ibid. -519 - ibid. - (articles 4 et 9 de la dite convention)520 - ibid. -521 Les Chroniques de la Cie IBM-France nen font dailleurs pas mystre. En effet, p. 21, J. Vernay
crit : Cest en 1934 que se situe un pisode qui aurait pu modifier profondment lhistoire de la
Compagnie IBM-France et le cours du traitement de linformation dans le pays. Depuis deux ans, Bullprouve de srieuses difficults commerciales et financires. T.J. Watson, inform de la situation par
Roger Virgile, pense racheter cette socit. Il soumet une offre a prix rduit. Celui-ci est jug trop faible
et laffaire ne se conclut pas.
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lInternational [Business Machines Corp.] ou les parties dsignes par elle, le contrle
de la Compagnie des Machines Bull. 522
. La cession effective des actions Genon
intervint le 2 dcembre 1935. Plus tard, certains tmoins et acteurs de cette histoire
nhsitrent pas qualifier de trahison la conduite dEmile Genon dans ces
ngociations. Il faut reconnatre que, en cette anne 1935.T.J. Watson qui, au printemps
1931, pour une simple question de jours, avait chou dans sa tentative dachat de la
petite socit do naquit la H.W. Egli-Bull, tait, cette fois, bien prs de gagner la
partie, mme si ctait par une voie indirecte.
Du ct de Bull-Paris , on considrait que le contrat qui, jusqualors, liait CMB la
Bull A.G. devenait inapplicable, tant donn que :
En alinant, en dcembre 1935, son indpendance vis--vis de la concurrence, la
Socit Commerciale [ Bull A.G. , en la personne dEmile Genon] a rendu impossible
lexcution du contrat de 1933 [et] ne saurait donc en demander lexcution. 523
Devenu majoritaire dans la socit qui tenait entre ses mains la commercialisation des
matriels construits par Bull-Paris , le Groupe IBM pouvait en effet son gr
paralyser lactivit de cette dernire et, court terme, la contraindre se laisser absorber
par son puissant concurrent et fusionner avec la St Franaise Hollerith, future Cie
Electro-Comptable de France.
Pourtant, la Compagnie des Machines Bull nintenta pas alors daction en justice mais,
lors de la sance du 18 dcembre 1935, aprs avoir pris lavis de M. Knutsen [...] le
Conseil dcide de rester dans lexpectative, etde ne rien faire qui puisse tre considr
comme la reconnaissance expresse et tacite du maintien en vigueur du contrat pass
entre la Socit Commerciale [Bull A.G.] 524.
522 CIHB - Gazette du Palais - Jugement rendu par le Tribunal de Commerce de la Seine, en date du 9 juin
1942.523 - ibid. -524 De quelle faon, rien nen est dit, ni dans le procs-verbal de cette runion, ni plus tard dailleurs
(passage soulign par lauteur).
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Cest la suite de ces vnements que la famille Callies-Aussedat - actionnaire
minoritaire, mais nanmoins, depuis avril 1932, prsente dans le Conseil
dAdministration dH.W. Egli-Bull - fut amene sengager de faon significative dans
le capital de la Cie des Machines Bull, puis en prendre le contrle.
Stant donn les moyens financiers525
ncessaires sa survie, la Cie des Machines Bull
poursuivit donc de faon indpendante son activit commerciale en France et
ltranger, comportement que la Bull A.G. et IBM jugrent inacceptable. Toutefois,
pour cette affaire, lassignation en justice nintervint que le 28 aot 1939 .....
Au mois de fvrier 1940, la Bull A.G. et la Cie Electro-Comptable, allies dsormais
dans cette affaire, assignrent la Cie des Machines Bull en concurrence dloyale 526
et, en fvrier 1941, dposrent leurs conclusions auprs du Tribunal de Commerce de la
Seine527
. Prvu pour le 17 mars 1942, le premier jugement fut prononc le 9 juin 1942.
La socit demanderesse, savoir la Bull A.G. fut dboute, mais, au niveau du Groupe
IBM, on ne se tint pas pour battu et la Bull A.G. fit appel de la dcision.
2. Le procs dit de la carte 80 colonnes perforations rectangulaires
En 1936, le Colonel Dillemann, prsident[de la filiale franaise de lIBM Corp.] a vu,
Nantes, chez un client Bull, des cartes perforations rectangulaires. Laffaire est
juge grave car seules ces perforations sont utilises par la Cie IBM dans le monde,
donc par la C.E.C. en France , ainsi, dans les Chroniques de la Cie IBM-France ,
M. Jacques Vernay, explique-t-il la gense de cette seconde affaire.
Il ne saurait tre question de refaire ici ce procs qui, en son temps, fit couler beaucoup
dencre chez les deux adversaires, mais simplement den indiquer les grandes lignes et
mettre en lumire le danger quil reprsenta pour la Cie des Machines Bull tout au long
525 Grce, en partie, laide personnelle dEdouard Michelin Jacques Callies et ses gendres Jean et
Joseph Callies. Mais, en raison du caractre tout fait priv de cette aide, Edouard Michelin nintervint
jamais dans les affaires de la Cie Bull.526 CIHB - Dossier 92HIST : Procs IBM-Bull - Calendrier des diffrentes actions en justices
intervenues entre les deux groupes.527 - ibid. -
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de la guerre et de lOccupation, et mme encore aprs la fin du conflit puisquon ne peut
le considrer comme termin quen 1947, date du dernier jugement prononc par le
Tribunal de Commerce.
Outre le fait que, vers 1936, la Cie Bull avait adopt, elle aussi, cette carte 80 colonnes
perforations rectangulaires, bien plus performante que les cartes 45 et 65 colonnes
perforations rondes utilises jusqualors, cette affaire mettait en cause deux brevets
dinvention :
- dune part, un brevet dpos aux Etats-Unis par la T.M.C.528 le 20 juillet 1928,portant sur une nouvelle carte enregistreuse pour machines tabulatrices
invente par un de ses ingnieurs, Clair D. Lake, accord et publi en avril 1930, ce
brevet avait fait lobjet dun dpt lOffice des Brevets de Paris, le 25 juin 1929529
,
suivi dune publication, en France, au mois de juin 1930.
- dautre part, un brevet dpos en France par la St H.W. Egli-Bull le 15 octobre1932 (inventeur : K.A. Knutsen); dlivr le 3 novembre 1933, il fut publi le 15
janvier 1934.
Or, si de longues et frquentes discussions avaient prcd laction intente le 28 aot
1939, par Bull A.G. contre CMB, il ne semble pas en avoir t de mme en ce qui
concerne laffaire de la carte 80 colonnes. En effet, depuis 1936, rien ne stait
apparemment pass et, ce nest quen fvrier 1940, aprs avoir, un mois auparavant, fait
oprer une saisie de matriels lusine Bull de lavenue Gambetta et aux Piles
Wonder (client Bull), que la C.E.C. assigna ces deux socits en contrefaon.
Cette chronologie des faits suscite plusieurs interrogations :
1) Pour quelles raisons la C.E.C. attendit-elle quatre annes pour entreprendre une
action judiciaire contre Bull ?
528 cf. Concurrence IBM529 Soit un peu moins dune anne aprs le dpt amricain afin de conserver, comme date de priorit ,
la date initiale du dpt de la demande de brevet au Patent Office amricain.
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2) Pourquoi ne stre, en plus, attaque quaux Piles Wonder alors que dautres clients
Bull utilisaient des matriels 80 colonnes perforations rectangulaires ?
3) Enfin, pourquoi est-ce la filiale franaise et non la Direction du Groupe IBM qui
porta cette affaire devant les tribunaux ?
Aux deux premires questions, malgr labondance des documents figurant aux archives
Bull, il est impossible dapporter une rponse. Seule une consultation des archives IBM-
France sur cette affaire pourrait ventuellement permettre de savoir quelles furent les
raisons de ces dlais et de comprendre cette ligne de conduite530
.
Le dernier point, par contre, est tout fait explicable. En effet, la convention de licence
passe entre la Direction du Groupe IBM et sa filiale - alors la St Franaise
Hollerith 531
- stipulait entre autres :
Article 7 : En cas de contrefaon, la St IBM ne sera pas tenue de poursuivre [...]La
Socit licencie aura, en tous cas, la facult de poursuivre en son proprenom et son
propre bnfice, tous faits de concurrence dloyale, mme sous forme de contrefaon,
qui porteraient atteinte aux droits et avantages rsultant pour elle de la prsente
licence.
Le litige ne concernant alors que le territoire franais, cest donc la C.E.C. qui agit, mais
la Direction du Groupe IBM ne se dsintressa pas pour autant de cette affaire, pas plus
que de celle de la Bull A.G., dailleurs.
De son ct, la Cie Bull avait bien lintention de se dfendre et, au mois de mai 1940,
elle dposait, ainsi que la St des Piles Wonder, une demande reconventionnelle
lencontre de la C.E.C.
Les tribulations de lexode, puis les difficults des premiers mois de lOccupation - tant
chez Bull qu la C.E.C. et vraisemblablement aussi dans les services de la Justice -
530 Par exemple les procs-verbaux de Conseils dAdministration de la C.E.C.531 Annexe 7 la lettre que, le 29 juin 1943, la C.E.C. adresse au Comit dOrganisation du Commerce -
AN-68/AJ/22.
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eurent pour consquence de laisser cette affaire en sommeil pendant plus de dix-huit
mois. Elle ne fut en effet appele devant le Tribunal de Commerce de la Seine que le 5
dcembre 1941 et, lors de cette audience, les juges tranchrent en faveur de la Cie
Electro-Comptable.
La Cie des Machines Bull avait donc perdu la premire manche. Elle fit immdiatement
appel de la dcision. Cet appel tant suspensif, les poursuites de la C.E.C. ainsi que les
saisies de matriels, tant au sige de la Compagnie que chez ses clients, cessrent donc.
Malgr ce rpit - tout fait provisoire - les dirigeants de Bull ne se sentaient pas
tranquilles et continuaient songer la faon dont, dores et dj, ils pourraient assurer
leur dfense. Ce ntait malheureusement quen Amrique quil serait possible de
trouver trace dune divulgation de linvention de Clair D. Lake antrieure, au moins, au
dpt en France de la demande de brevet, fait qui, selon la lgislation franaise
entranerait la nullit du dit brevet532
, Jacques Callies, un certain moment, envisagea
denvoyer Herv Callies aux Etats-Unis , par un bateau partant de Lisbonne, o,
lAmbassade de France une relation de famille pourrait lui obtenir un visa pour les
U.S.A. Mais, pour entrer au Portugal, et traverser lEspagne, il fallait obtenir des visas
que seules les Autorits dOccupation taient habilites dlivrer. Stant heurt un
refus catgorique et ne voulant pas faire prendre Herv Callies533
les risques dun
passage clandestin des Pyrnes et, peut-tre mme dune incarcration dans les prisons
espagnoles, avec toutes les suites que lon pouvait craindre, il prfra renoncer ce
projet et se rsigna attendre la suite des vnements en sy prparant avec les
documents et les arguments dont il disposait.
532 La lgislation amricaine tant, sur ce point, quelque peu diffrente de la lgislation franaise.533 Pre de famille.
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3. O le Contrleur Carmille se fait conciliateur
Bien que, malgr la menace que faisait peser sur la socit lincertitude o elle se
trouvait quant aux suites de cette affaire et surtout son issue finale en cas de perte
dfinitive du jugement en appel, la Cie Bull ait poursuivi normalement son activit
industrielle et commerciale, certains de ses clients en concevaient une certaine
inquitude. Ce fut principalement le cas du Contrleur Carmille qui redoutait que ces
interminables litiges entre ses deux fournisseurs nentranent une rduction sensible
des machines mises la disposition du S.N.S , ce qui risquait de compromettre le
programme dquipement de certaines de ses directions rgionales si Bull navait plus le
droit de fabriquer et de livrer des matriels 80 colonnes perforations
rectangulaires. et, par voie de consquence, de retarder lexcution de ses travaux,
officiels mais surtout clandestins. Aussi M. de St Salvy - responsable de la Direction
Rgionale S.N.S. de Paris - proposa-t-il aux deux adversaires de se rencontrer, dans son
bureau, afin dexaminer la situation534
. Le 23 janvier, en prsence de Ren Carmille,
Jacques Callies rencontra donc Roger Virgile, Directeur de la C.E.C., mais se montra
trs ferme sur ses positions savoir que la Bull ne voulait pas devenir un dominion de
lIBM et [quil] proposait M. Watson de lui racheter les titres Bull A.G. quil
dtenait. De son ct, Roger Virgile dclara que la question se posait pour lui de
savoir si Bull voulait tre dans les amis de lIBM ou, au contraire, former le groupe de
ses ennemis , ce quoi Jacques Callies rpondit que Bull dsirait vivre indpendante.
Un dialogue de sourds en quelque sorte. La rencontre ne dboucha donc sur rien.
Ne voulant pas renoncer, le Contrleur Carmille se tourna alors vers Emile Genon,
devenu Directeur Gnral (et non plus Prsident) de la Bull A.G., et, depuis le dbut de
lanne 1941 au moment o - dit-il535
- la situation des U.S.A. avec lAllemagne ne
534 Lettre Jacques Callies du 20 janvier 1942. - CIHB -535 CIHB - C.R. de la runion du 11/2/42 entre MM. Genon, Vieillard et Pierre Callies, Annecy.
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devenait plus trs claire , avait t nomm Adjoint du nouveau Directeur du Bureau
IBM de Genve charg des affaires internationales536
. Aprs diffrents coups de
tlphone [...] M. Genon dans la matine du 9 [fvrier] Ren Carmille qui
nassista pas la runion obtint de celui-ci quil accepte de rencontrer Georges
Vieillard et Pierre Callies, Annecy, le 11 fvrier 1942.
Pour ce qui concerne les ngociations prsentes et venir avec Bull, en dpit de
certaines affirmations, la position dEmile Genon apparut quelque peu ambigu. En
effet, dentre de jeu, celui-ci informa Georges Vieillard et Pierre Callies de la rcente
volution de la politique commerciale dIBM pour lEurope : Le Bureau de Genve -
dit-il - a continu fonctionner comme prcdemment jusquau 4 dcembre 1941, date
laquelle un cble de M. Watson537
interdisait au Bureau de Genve toute transaction
avec les socits filiales de lAxe (Allemagne, Italie, Japon) et[celles] des pays allis ou
occups538
. Pour ce qui concerne la France, prcisa-t-il : la question [nest]pas nette
tant donn quil reste une zone libre; la question a t soumise lAmbassadeur
amricain Berne qui a rpondu que, tant quun ambassadeur amricain tait
accrdit Vichy, il considrerait que linterdiction reue de New-York ne sappliquait
pas la France Libre539
. Cependant, prvint Emile Genon, cette situation peut se
modifier du jour au lendemain, auquel cas, il ne [lui] serait plus possible, en tant
quIBM, de prendre contact avec les socits franaises , ajoutant que si
lAmbassadeur partait de Vichy, si lui, Genon, ne pouvait plus continuer ngocier au
nom dIBM, par contre en tant que Directeur Gnral de la Bull A.G., socit suisse
536 Depuis 1935, le Groupe IBM avait transfr de Paris Genve le sige de son Quartier Gnral pourlEurope. Historique abrg du Groupe IBM - IBM-World Trade - 1985537 Confirm le lendemain par un second tlgramme - CIHB - C.R. de la runion du 11/2/42 - p.1.538
- ibid. Pendant tout le conflit, le Bureau de Genve, dirig par P. Taylor, fut la plaque tournante de lapolitique conomique de Watson en Europe ?539 Il sagit bien videmment de la Zone Libre. Quant la Zone Occupe, rien nen est dit, bien que le
sige de la C.E.C. soit Paris.
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[il] se sentait libre de poursuivre les conversations. 540
.Dans une telle ventualit, la
situation deviendrait certes dlicate, mais les ponts ne seraient pas totalement coups.
Les Etats-Unis ayant, jusqu la Libration, conserv des relations diplomatiques avec
le Gouvernement de Vichy, le problme ne sest pas pos et les possibilits de dialogue
entre les adversaires ont subsist.
Au cours de cette runion du 11 fvrier 1942, o lon discuta longuement, chacun
faisant valoir ses arguments, Emile Genon se montra particulirement dsireux de
parvenir des rsultats. Il seffora notamment de convaincre Georges Vieillard que,
quelle que soit la dcision finale du Tribunal qui jugerait en appel, la Compagnie Bull
subirait un prjudice financier considrable du fait du montant lev des sommes quelle
serait astreinte rembourser la Bull A.G. pour toutes les redevances relatives aux
annes coules depuis le dbut de laffaire ce qui reprsenterait quelques beaux
millions [dont] une partie reviendrait lIBM 541
, ce qui ne sembla pas impressionner
ses interlocuteurs ou, du moins, nen laissrent-ils rien paratre.
Aussi, en dpit des changes courtois qui avaient eu lieu depuis le matin, chacune des
parties resta sur ses positions. Georges Vieillard raffirma sa confiance dans le prochain
verdict du Tribunal de Commerce, rpta que, pour sa part, il ne croyait pas que les
solutions proposes par Emile Genon soient acceptables et, enfin, mit lopinion que
rien ne peut tre fait de solide en se basant uniquement sur des sentiments alors que
les vnements et les hommes peuvent changer 542. Quant Emile Genon, tout aussi
persuad que le Tribunal trancherait en faveur de la Bull A.G., il se dclara nanmoins
prt faire accepter par IBM-New-York une modification, voire mme une refonte
complte du contrat initial CMB-Bull A.G.543
. L-dessus, on se spara.
540
CIHB - C.R. de la runion du 11/2/42 - p.1541 - ibid. - p.5.542 - ibid. - p.5.543 - ibid. - p.6;
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Au moment de partir, cependant, Emile Genon sinquita de savoir si Bull avait
toujours les mains libres en Allemagne , ce quoi Georges Vieillard rpondit que
ds avant la guerre la Bull avait estim quelle ne pourrait pas exploiter directement
le march allemand, quil fallait trouver une combinaison et que si, abandonnant le
march allemand, elle pouvait obtenir dautres apaisements, elle avait certainement agi
sagement. , allusions dtournes aux ngociations en cours avec la Wanderer-Werke,
dont Emile Genon et les gens de la C.E.C. ne pouvaient ignorer lexistence544. Du
procs de la carte 80 colonnes perforations rectangulaires , il ne fut ce jour-l point
question.
En guise de conclusion, le rdacteur du compte-rendu de la runion - vraisemblablement
Georges Vieillard lui-mme, destination de Jacques Callies - crivit : M. Genon sest
trs bien rendu compte que les rponses taient faites ct des questions poses, mais
avait a eu la discrtion de ne jamais paratre sen apercevoir et na pas insist.
En dpit des efforts du Contrleur Carmille, les affaires contentieuses en cours
navancrent pas dun pouce. Mais, daprs le ton du compte-rendu, il semble que la
Direction de Bull ne tenait plus vraiment voir bouger les choses. En effet, laffaire
Bull A.G. avait des chances de se conclure en sa faveur. Quant celle de la Carte 80
colonnes , depuis que C.M.B. avait fait appel, la C.E.C. avait d suspendre toute action
judiciaire son endroit. Aussi, en esprant que lvolution du conflit lui permettrait,
dans un avenir plus ou moins proche, dtre mme de runir les moyens
indispensables sa dfense - ce qui, en ce dbut de lanne 1942 ne pouvait encore tre
quun voeu pieux - lintrt de la Compagnie Bull tait donc de gagner du temps et de
voir le statu quo subsister aussi longtemps que possible.
544 Ne serait-ce que par Heinz Westerholt, toujours en liaison avec le Major Passow.
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Chapitre 16
ADAPTATION FINANCIERE DE LA CIE BULL
A LA GUERRE ET A LOCCUPATION
Entre lanne 1931 o H.W. Egli-Bull sinstalla dans les locaux dAtemeta, et 1933 o
la socit prit le nom de Compagnie des Machines Bull jusqu laube du second conflit
mondial, malgr dimportantes difficults financires (quelque peu attnues par laide
personnelle dEdouard Michelin Jacques Callies dont nous avons parl dans un
prcdent chapitre), la Cie Bull avait poursuivi une expansion commerciale rgulire,
mais elle connaissait toujours des problmes de trsorerie.
Ainsi que nous lavons dj expliqu, ces problmes provenaient du fait que la
Compagnie Bull devait se conformer commercialement au principe institu par
Hermann Hollerith et poursuivi par IBM, de faire exclusivement de la location. Or,
pour Bull qui vendait ou louait ses machines selon le dsir du client, la difficult tait
de panacher les deux modes de commercialisation afin dquilibrer les revenus
rcurrents ds aux locations (sans parler des redevances trimestrielles de maintenance
qui taient lies aux contrat de vente) et les rentres immdiates quapportaient les
ventes de matriels qui lui permettaient non seulement dassurer ses frais fixes mais
surtout de faire face aux investissements ncessaires laccroissement de la production
de lusine.
Pour se faire une ide plus nette de ltat financier de la Compagnie en 1939, il y a lieu
de remonter limmdiat avant guerre. En 1938, le capital de Bull tait de 20 millions
de francs, en 1939, il passa 25 millions de francs entirement verss par les
actionnaires.
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Depuis 1937, la Compagnie tait mieux connue sur le territoire national mais aussi
ltranger. La prsence de machines Bull lExposition Internationale de Paris, quavec
sa tnacit coutumire Georges Vieillard avait russi imposer, ny tait probablement
pas trangre.
Quant aux Administrations, malgr les relations des dirigeants de Bull avec le
Contrleur Gnral de lArme Ren Carmille et lappui que lui apportait ce dernier, ce
domaine rsistait encore lintroduction des matriels Bull dans ses ateliers
mcanographiques, surtout la Dfense Nationale.
Sur lEurope, ce moment-l, le climat devenait de plus en plus inquitant, mme si
une partie des Franais pensait encore possible un compromis avec le Chancelier du
Reich545
Puis, quand la guerre parut invitable, lutilisation de matriels mcanographiques se
mit intresser aussi bien les Administrations que la clientle prive et Bull reut un
grand nombre de commandes. De plus, les clients se montraient toujours plus presss
de voir leurs ateliers installs et leurs matriels mis en route. Il tait de plus en plus
difficile pour la Compagnie de satisfaire toutes ces commandes.
Lusine travaillait plein rendement pour assurer le maximum de livraisons. En 1939,
le chiffre daffaires avait doubl par rapport celui de 1938 et le bnfice suivait la
mme tendance, bien que plus faiblement.
Avec le temps les premires machines en location avaient rapport au moins ce quelles
avaient cot en conception et production, quelques-unes avaient mme procur un
bnfice, mais le matriel se primait, il fallait investir plus encore pour construire les
nouveaux modles, les problmes de trsorerie restaient aussi proccupants.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier quun des principes essentiels de Jacques Callies tait
de conserver la socit une totale indpendance, mais il ne pouvait pas sans cesse
545 En 1938, la masse franaise et la majorit de ses lus considraient quHitler navait rien contre la
France, puisquil le disait. - J.L Crmieux-Brilhac : Les Franais de lAn 40 .
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faire appel au portefeuille de ses actionnaires alors que depuis la cration de lentreprise
ceux-ci navaient encore reu aucun dividende et, vu la situation tant commerciale que
politique, il ne pouvait leur laisser esprer un versement proche. Donc, se refusant
toute alliance et tout partenariat, la seule solution qui lui restait tait le recours
lemprunt.
Dj, en 1934, la Compagnie avait d mettre un emprunt obligataire, dun montant de
deux millions de francs de lpoque. Mais, alors, la socit ntait ni solide ni
connue546
. Marcel Bassot, alors administrateur dlgu, sachant que les banques ne leur
feraient pas confiance et refuseraient de se charger du placement de cet emprunt dans
le public, avait instamment demand tous les administrateurs de souscrire cet
emprunt547
. Ils avaient tous accept.
Mais, en 1939, il ne pouvait tre question dagir de cette faon. Les banques avaient
pris confiance dans la Cie Bull et, au cours des annes qui suivirent, cest par leur
intermdiaire que passa Bull pour ses oprations financires, emprunts ou
nantissements.
Cest ainsi que, le 6 avril 1939, la socit avait souscrit auprs de la Banque de Paris et
des Pays-Bas un crdit dacceptation de 6.700.000 francs disposition jusquau 31
dcembre 1939, contre dlgation des marchs passs avec les Administrations
Publiques.
Comme on peut le voir, bien que toujours en expansion commerciale, la Compagnie
continuait tre en proie aux problmes de trsorerie et ne pouvait rembourser ses
actionnaires
Paradoxalement, ce fut le contexte de la priode de lOccupation qui lui permit, sinon
de rsoudre ses problmes de trsorerie elle en eut toujours mais de les allger. En
546 Ctait lpoque o Watson, le patron dIBM , pensait quil pourrait absorber Bull.547 Procs Verbal du Conseil dAdministration du 17 mai 1934 ;
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effet, en 1943, la Direction profita des circonstances pour prendre une importante
dcision.
Pour comprendre le comportement adopt ce moment par la Cie Bull vis--vis de ses
actionnaires et la politique quelle suivit au plan financier, un bref rappel historique
simpose.
Comme nous lavons dj dit, les problmes de trsorerie quelle rencontra
commencrent, pour ainsi dire, ds sa naissance. En effet, ds 1933, lors de
lAssemble Gnrale du 12 avril, le Conseil dAdministration avait dj d procder ,
une rduction de capital, ramenant le taux nominal des actions, de 1.000 500 francs
Trois ans plus tard, au dbut de 1936 aprs avoir, de peu, chapp la tentative de
mainmise du Groupe IBM sur lentreprise, des mesures nergiques durent nouveau
tre prises pour assainir la situation financire de la socit. Lors de sa runion du 5
fvrier 1936, le Conseil dAdministration prit deux dcisions importantes :
1) Rduire de moiti le capital qui passa ainsi de 11 millions 5 millions 500 mille
francs et, conjointement, supprimer les actions de jouissance.
2) Puis, dans un dlai plus ou moins proche, porter le capital 15 millions de francs
demandant ainsi ses actionnaires un effort financier considrable cette augmentation
devant seffectuer en trois tranches :
- 1re tranche: 5 millions de francs- 2me tranche : 2 millions de francs- 3me tranche: 2 millions 500 mille francsCest ce que, dans son interview du 25 juin 1973 par Dominique Pagel, Herv Callies a
appel le coup daccordon .
Ces engagements furent scrupuleusement respects, puisquau bilan de 1936, le capital
figure pour 15 millions de francs. Par ailleurs, au printemps 1934, alors que la situation
financire de la socit devenait de plus en plus proccupante, le Conseil
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dAdministration548 dcida dmettre un emprunt obligataire dun montant de 2
millions de francs, soit 2.000 obligations ou bons549
, de 1.000 francs au taux de 7 1/2%
nets550
, remboursables en quinze ans, partir de 1939, par tirage au sort et annuits
gales551
, garanti sur lactif de la socit et notamment par un nantissement de
premier rang et sans concurrence [] , en ce compris les lments corporels et
incorporels , la socit stant galement rserv la possibilit dun remboursement
anticip.
Toutefois, Marcel Bassot, qui avait des choses une vision raliste, fit part au Conseil de
son opinion au sujet de la couverture de cet emprunt et sadressa aux administrateurs en
ces termes :
Etant donn, dune part leur dit-il les difficults dun placement en banque et,
dautre part, les ncessits de trsorerie [je] demande tous les administrateurs de
souscrire cet emprunt.
Autoris par le Conseil, lors de la sance du 5 juillet 1936, lannonce de cet emprunt
parut au B.A.L.O. du 9 juillet suivant. Au cours de cette sance, Marcel Bassot
demanda nouveau chaque administrateur de vouloir bien souscrire ou faire
souscrire cet emprunt. Ceux-ci auraient-ils manifest quelques rticences
sexcuter ? Lemprunt fut nanmoins souscrit en interne.552
Les choses en restrent l et les remboursements se firent rgulirement jusqu la fin
de lanne 1942 o le Conseil prit un certain nombre de dcisions ce sujet. Toutefois,
bien que, depuis la prise de contrle de la socit par la famille Callies-Aussedat, la
situation financire de la socit se soit assainie et que les rsultats aient t
548 Runion du 27 avril 1934 ;549 En fait, 1.000 obligations et 1.000 bons (Procs Verbal de lAssemble Gnrale du 17avril 1942 ;550 Ces titres tant mis 875 francs, plus le prorata dintrts courus entre le 1er juin 1934 et la date de
souscriptions.551 B.A.L.O. du 9 juillet 1934552 Lquilibre alors prcaire de la socit, et peut-tre aussi le domaine encore peu connu dans lequel elle
oeuvrait, nauraient probablement pas attir les souscripteurs ventuels et ne lui valaient pas la confiance
des banquiers. Rappelons qu lpoque, bien que dj reprsente au Conseil dAdministration, la
famille Callies-Aussedat ne stait pas encore rellement engage financirement dans la socit.
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relativement satisfaisants, afin de consolider la position de lentreprise et de lui fournir
les moyens dassurer sa croissance, de nouvelles augmentations de capital se rvlrent
indispensables, do de nouveaux appels aux actionnaires qui y rpondirent fidlement.
Cest ainsi que, de 15 millions en 1936, le capital passa :
- en 1938, 20 millions de francs,- en 1940, 25 millions de francs.montant qui demeurera inchang pendant toute la priode de lOccupation.
Aussi paradoxal que cela puisse paratre premire vue, quand on se penche sur les
rsultats financiers des exercices de 1937 1942, on ne peut qutre frapp par la
disproportion existant entre la croissance du chiffre daffaires et celle des profits. En
effet, si le chiffre daffaires de lanne 1942 reprsente un peu plus de cinq fois celui de
1937, le bnfice natteint, quant lui, que 1,8 fois celui du mme exercice. Et, pendant
ce temps, le carnet de commandes continuant de crotre, les investissements doivent
suivre, aussi les besoins de trsorerie se firent-ils toujours plus pressants.
A la fin de cette anne 1942, il ne pouvait pourtant tre question de faire nouveau
appel aux actionnaires, dautant plus que leurs continuels efforts sans oublier les
sacrifices consentis lors de la crise de 1935553
- navaient encore reu aucune
contrepartie en dividendes, ce quils semblrent accepter sans protester554.
Cependant, afin de faire face aux besoins de lentreprise sans risquer dpuiser la bonne
volont des actionnaires et peut-tre leurs possibilits financires - le Conseil
dAdministration fut amen prendre les mesures suivantes :
1) Au dbut de lanne 1942, il fut dcid de procder au remboursement anticip du
reliquat de lemprunt de 1934. En fait, presque la totalit des obligations avaient dj
553 Y compris la suppression des 6.000 actions de jouissance dont le prix minimum est estim 150 francs
lune, montant figurant au procs-verbal de lAssemble Gnrale du 12 avril 1935 o est voque lapossibilit, pour le Conseil de faire jouer son droit de premption des dites actions.554 Une seule exception, un actionnaire polytechnicien X19 qui, en fvrier 1941, sest plaint auprs de
Georges Vieillard de navoir encore peru aucun dividende. Celui-ci lui conseille tout simplement la
patience CIHB - Dossier des procs verbaux de Conseils dAdministration et dAssembles Gnrales
Exercice 1940.
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disparu de lendettement de la socit, soit par leur transformation en actions, soit du
fait de leur rachat par la Compagnie. Par ailleurs, un certain nombre dobligations
navaient pas t mises et, restes la souche, elles furent dtruites loccasion de
cette opration. Cest donc sur le reliquat des bons que devait porter le
remboursement anticip. Il est noter que, ne disposant pas des fonds ncessaires, la
Compagnie dut se tourner vers le march financier et acqurir en Bourse, au taux de 4
1/2 % les obligations qui lui permirent de raliser cette opration555
;
2) Lors de la sance du Conseil du 12 novembre 1942, aprs un expos du Prsident
[] sur la ncessit daugmenter les locations par rapport aux ventes, le Conseil [ ..]
dcide dmettre un emprunt obligataire dun montant maximum de 30 millions de
francs.
En fait, le montant de cet emprunt fut ramen 20 millions de francs et se
concrtisa par lmission de 10.000 obligations dun montant de 2.000 francs556
au
taux de 4 % amortissable sur 20 annes au plus, partir du 1er
fvrier 1943.
Cette fois, pour couvrir cet emprunt, il ne fut pas ncessaire de mettre contribution les
actionnaires, lemprunt fut en effet entirement souscrit par les banquiers de la
Compagnie qui se [chargrent] de son placement dans le public. 557
La
Compagnie des Machines Bull avait enfin acquis la confiance des banques.
Cest galement en 1942 et 1943 que la Direction dcida de procder une premire
distribution de dividendes.
A lorigine, les statuts de la socit prvoyaient que les bnfices ventuels seraient
rpartis de la faon suivante558
.
5% la rserve lgale
555 Procs-verbal du Conseil dAdministration du 12 novembre 1943 ;556 Emises 1.960 francs.557 Procs-Verbal de lAssemble Gnrale du 3 juin 1944 Rapport du Conseil dAdministration.558 B.A.L.O. du 9 juillet 1934 Annonce de lmission de lemprunt de 1934
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6% titre de premier dividende du capital dont les actions sont libres et nonamorties
10% au Conseil dAdministration le reste du bnfice disponible [tant] la disposition de lAssemble Gnrale. mais, jusqualors, la situation financire de la Compagnie et les divers problmes
quelle avait d affronter ne lui avaient pas permis de rmunrer ses actionnaires. En
effet, les quatre premiers exercices comptables de son existence 1932 1935
staient solds par des pertes, les premiers rsultats positifs ntant intervenus qu
partir de 1936. Les besoins de trsorerie de lentreprise demeuraient toutefois tels que,
jusqu lexercice 1942 inclus, les bnfices enregistrs avaient t entirement
rinvestis.
Nanmoins, les rsultats encourageants de lanne 1942 permirent au Conseil
dAdministration denvisager pour lanne suivante, une distribution de dividendes et
de compenser enfin les sacrifices consentis par les actionnaires au cours des annes
difficiles. Aussi, afin de restituer aux porteurs dactions anciennes la part des apports
initiaux quils avaient abandonne ou perdue lors des rductions de capital de 1933 et
1936, il fut dcid de leur verser, la fin de lexercice 1943 titre de
remboursement [] une somme nette de 8 francs par action . Quant aux porteurs
dactions nouvelles acquises lors des diffrentes augmentations de capital il leur
sera vers titre de dividende , une somme nette de 8 francs par action entirement
libre et 4 francs par action libre de moiti. Il est noter que la plupart des
actionnaires possdant la fois des actions anciennes et des actions nouvelles, ces
oprations concernrent un cercle de personnes qui navait gure vari depuis la
cration de la socit.
Ces diverses oprations ne furent certes pas dcides la lgre. En effet, pendant la
priode de lOccupation, la raret et le contingentement des produits et des biens que
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pouvaient acqurir les individus, groupes ou socits559 qui, dune faon ou dune autre,
faisaient des profits, eurent, entre autres, pour consquence, en rduisant leurs
possibilits de dpenses, de les amener thsauriser leurs avoirs, ce qui rendit
disponible une masse importante dargent et abaissa les taux descompte et les taux
dintrt560
.
Cette situation, inhrente la singularit de la priode, offrit donc la
Compagnie des Machines Bull lopportunit
- dune part de se librer du reliquat dun emprunt contract 7 % , dont leremboursement devait encore staler sur une douzaine dannes, en se procurant
largent ncessaire un taux nettement infrieur, soit 4 %.
- dautre part, libre de cette premire dette, de pouvoir contracter un nouvelemprunt dun montant considrablement plus lev que le prcdent, galement au
taux de 4 % et, cette fois, sans avoir besoin de recourir ses actionnaires.
La Cie Bull fut ainsi en mesure de financer les investissements indispensables sa
croissance : achats de terrains et de btiments, constructions nouvelles, acquisitions de
machines-outils et outillages spciaux, matires premires et main-duvre ncessaires
ltude, au dveloppement et la fabrication des matriels destins tre placs en
location, systme immobilisant des capitaux importants, sur une dure relativement
longue, cinq ans en gnral, seules les vente procurant, comme revenu rcurrent, les
redevances trimestrielles de maintenance.
Il est noter que, pendant toute la dure de lOccupation, il ny eu aucune
augmentation du capital de la socit561
. Ce fut, nen point douter, de la part de la
Compagnie, une dcision politique volontaire. En effet, si la Direction avait eu
559 Quelle que soit leur catgorie sociale, industriels, commerants petits et gros paysans, spculateursetc560 Ainsi que la fort bien expliqu Michel Margairaz, dans sa communication, lors du colloque
LOccupation, lEtat franais et les entreprises - Universit de Franche-Comt Besanon 24 -26
mars 1999 Actes publis au 2me trimestre 2000 ;561 cf Bilans 1939-1945 en ennexe 19
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limprudence de procder une augmentation de capital, le Dr Klee neut pas manqu
de se prcipiter pour y participer et ceci eut mis en pril lindpendance de lentreprise,
ce dont Jacques Callies ne voulait aucun prix, quitte continuer souffrir de ses
difficults de trsorerie.
Ce nest quen 1946 que, pour faire face aux besoins dune nouvelle tape de sa
croissance et du nouveau virage technologique qui sannonait, la Compagnie dut
nouveau faire appel ses actionnaires, afin de porter le capital de la socit 30, puis
60 millions de francs en 1947, dbarrasse, par le jugement de la Cour dAppel de
Paris des menaces que faisaient peser sur elle les procs sur un brevet de principe et
sur son Organisation commerciale et, se rendant compte quil tait ncessaire
denvisager un largissement de la base de la socit tout en conservant sa structure
prive assurant ses principes de direction et son activit nationale , le Conseil
dAdministration de la Compagnie dcida de mettre la disposition de ses
actionnaires des actions L 562 librement ngociables , ce qui permit de doubler le
capital de la socit563
et quelques mois plus tard, la Cie des Machines Bull fit son
entre sur le march boursier, ouvrant ainsi une nouvelle page de son histoire.
Cependant, lpoque qui clt ce chapitre de notre tude, la Compagnie ntait pas
sre dtre sauve de tout danger. En effet, pesait toujours sur elle lissue du procs qui
lopposait la Cie Electro-Comptable propos de la carte 80 colonnes perforations
rectangulaires. Comme on a pu le voir, en dcembre 1941, le tribunal stait prononc
en faveur de la C.E.C. La Cie Bull avait immdiatement fait appel de ce jugement. Cet
appel tant suspensif, elle avait pu poursuivre son activit. Jacques Callies le fit avec un
acharnement qui peut tonner, surtout au cours des annes qui sparent celle du premier
jugement (1941) de la Libration et mme de lArmistice, o le jugement en appel
562 Soit 80.000 actions au taux nominal de 250 francs (au mois de juillet 1947), ces nouvelles actions
schangeaient un cours variant entre 750 francs et 805 francs (Compte-rendu de Georges Vieillard pour
la semaine du 7 au 11 juillet 1947 C.I.H.B. Dossier Introduction en Bourse)563 Qui, au bilan, apparatra pour un montant de 120 millions de francs.
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ntait toujours pas venu devant la cour. Il est vrai quen cette anne 1945, la
Compagnie avait pu faire effectuer aux Etats-Unis les recherches susceptibles de
fournir la socit les arguments susceptibles, quand arriverait le second jugement, de
faire pencher la balance en faveur de Bull, tant donn les diffrences existant entre les
procdures amricaines et franaises564
Que serait-il advenu de la Cie Bull, si elle avait nouveau perdu en appel ? Jacques
Callies avait-il une solution de sauvetage ? Nous ne saurions le dire car il ne sest
jamais expliqu ce propos.
Bien que notre tude sarrte la fin de lanne 1945, nous navons pas voulu laisser
planer sur ce travail une atmosphre finale de doute et dincertitude. Cette affaire revint
devant le Tribunal en 1947 et, cette fois, le jugement fut prononc en faveur le la
Compagnie des Machines Bull.
Jacques Callies avait gagn la bataille quil menait depuis des annes pour doter la
France dune industrie mcanographique nationale et laffranchir de tout monopole
tranger, ce qui fut le cas jusquaux environs des annes soixante. Hlas, Jacques
Callies ntait plus de ce monde !565
Mais ceci est une autre histoire ..
564 Voir le chapitre Brevets 565 Il tait dcd en novembre 1948
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Chapitre 17
VIE ET ACTIVITE QUOTIDIENNES DE LENTREPRISE
Quand souvrit lanne 1941, lOccupation allemande et linstauration Vichy, dun
nouveau rgime, celui de lEtat Franais, taient des faits accomplis auxquels, aprs le
choc de la dfaite et les bouleversements qui suivirent, il allait maintenant falloir soit
sadapter , soit disparatre. La Compagnie des Machines Bull choisit de
sadapter .
Nanmoins, en dpit des problmes de tous ordres auxquels elle tait alors confronte,
la Cie Bull navait pas lintention de freiner sa marche en avant et poursuivit-elle
avec autant de tnacit, si ce nest plus encore, le travail dinnovation et de
perfectionnement de ses matriels, et ses efforts dexpansion en clientle.
Les demandes des clients reprenaient, retrouvant progressivement leur niveau davant
guerre, puis saccroissant au fil des mois, aussi bien dans le secteur priv que dans
secteur public566
, la Compagnie mit donc tout en oeuvre pour augmenter sa production,
main-doeuvre, locaux, quipements, augmenter sa gamme de matriels et toujours
amliorer leurs performances.
Ceci ne put cependant se faire que trs progressivement, en effet lusine de Paris
navait pas, au 1er janvier 1941, retrouv son activit ancienne.
Si lon excepte les travaux accomplis dans le domaine des grandes affaires dont il a
t question ci-dessus, cest sur ce point que portrent essentiellement les efforts de la
Compagnie pendant cette priode qui, de janvier 1940, nous mne lautomne 1942.
566 Dont les marchs avec les Administrations
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1. Effectifs: Evolution
Tenter de dresser une liste complte et exacte des effectifs Bull avec tous les dtails
concernant les individus, quelle que soit la priode considre, est une tche aujourdhui
impossible tant il y a de lacunes. Ainsi que nous lavons dit plus haut, en plus de
labsence de listes officielles, de nombreux dossiers individuels ont disparu. Nous avons
quand mme trouv quelques listes parses mais qui ne comportent que des
patronymes, sans autres indications qui auraient pu nous clairer, par exemple :
- une liste des personnes vaccines collectivement contre la variole en fvrier 1942 ;
seuls y figurent les employs prsents lusine ce jour-l, mais simplement sous leur
nom de famille ;
- une liste tablie par la Direction lors de la mobilisation de rservistes de 1938 ; cette
liste est un peu plus complte que la prcdente mais elle ne concerne que le personnel
masculin susceptible dtre mobilis, rform ou exempt et ne comporte que des
informations dordre militaire et le mtier de ces hommes.
- quelques listes manuscrites, brouillons pars sans autres informations que les
patronymes, hommes ou femmes.
Pour ce qui concerne les effectifs totaux de lentreprise, nous avons deux documents qui
les indiquent des moments diffrents de la vie de la socit :
1) Un rapport de 1945 sur les Dommages de Guerre destin lexpert charg
dexaminer et de chiffrer le montant des dgts. Les effectifs indiqus sont les suivants :
1938 278 personnes
1939 245 personnes
1940 ?
1941 de 270 570 personnes
1942 de 580 655 personnes
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1943 de 350 640 personnes (priode Relve et STO)
1944 de 350 540 personnes
1945 de 545 780 personnes
2) Un rapport adress, dans les annes qui ont suivi la fin des hostilits, au vrificateur
des profits illicites. Dans cet assez long rapport Jacques Callies crivit au Comit de
Confiscation des Profits Illicites, quen dcembre 1942, son effectif tait de 535
personnes et quen 1944 il avait atteint le chiffre de 657.
Les chiffres totaux figurant sur ce rapport sont les suivants (on remarquera quils ne
portent que sur le nombre des ouvriers) :
1938 133 ouvriers1939 106 -1940 168 -1941 371 -1942 359 -1943 309 -1944 272 -La prsente tude ne concernant que la Seconde Guerre Mondiale, pour donner une
image la plus proche possible de ce que fut la ralit, nous avons choisi de constituer,
partir des documents dont nous disposions, un chantillon des embauches, des dparts et
des personnes qui, entres la Compagnie partir de 1938, y sont restes jusqu la fin
de lanne 1945567
. Lclatement par groupes de professions nous permettra cependant
de nous rendre compte dans quels domaines, pendant les annes de la guerre et de
lOccupation, ont port les efforts les plus importants de lentreprise. Pour chaque
anne, nous avons compt les embauches et les dparts qui eurent lieu dans les groupes
567 Ainsi que nous lavons expliqu dans un chapitre consacr aux sources dont nous avons pu disposer,
nous savons trs bien que nous travaillons sur des chiffres approximatifs.
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de professions que nous avons trouvs. Puis, pour des raisons de clart, nous avons
dress les tableaux et les courbes de professions pour les annes de la guerre et
lOccupation, afin de concrtiser les volutions qui eurent lieu au cours de ces annes-
l.
2. Les embauches et les mtiers
Les fiches dembauche comportent les noms et prnoms du candidat, le mtier pour
lequel il est embauch et le salaire qui lui est attribu. Cependant, pour deux employs
diffrents, embauchs le mme jour de la mme anne pour faire le mme travail, le
salaire accord peut ne pas tre le mme sans quaucun motif justifiant cette diffrence
ne soit indiqu sur la fiche. Il faut nous contenter de faire des hypothses.
Ces diffrences de taux peuvent tre dues, par exemple, lexprience acquise
antrieurement par le candidat, la renomme des entreprises o celui-ci avait
prcdemment travaill. Pour les mtiers exigeant un essai dembauche, le rsultat de
cet essai, la qualit, le temps pass, etc. taient dterminants. Enfin, quand tait prise la
dcision dembauche, notamment pour les ouvriers et les O.S., le salaire dpendait de la
catgorie dans laquelle tait affect le candidat :
- les ouvriers professionnels : P1, P2 ou P3 ;- les O.S. (hommes ou femmes) pouvaient tre OS.1 ou OS.2. (les femmes furent peu
nombreuses tre embauches comme OS.2. Certaines ont pu nanmoins le devenir
selon les travaux qui leur taient confis).
Quant aux dessinateurs, leurs niveaux taient diffrencis par de simples indications
relatives aux travaux quils taient capables daccomplir. On y trouvait :
- des calqueurs et des calqueuses (le niveau le plus bas) ;- des dessinateurs dtudes ;- des dessinateurs petites tudes
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- des dessinateurs et des dessinatrices dexcution.Le niveau le plus lev o lon ne trouvait pas de femmes tait celui de dessinateur
projeteur qui tait aussi le mieux pay.
Bull employait galement quelques dessinatrices spcialises dans les travaux destins
aux services commerciaux. Leur tche tait le dessin des originaux des clichs de
cartes 568
, ainsi que des cartes et imprims destins aux brochures commerciales. Tous
ces travaux devaient tre excuts avec la plus grande minutie et une extrme prcision.
Les agents techniques, pouvaient tre classs AT.1, AT.2 ou AT.3 (chez les
mcaniciens de ville, on trouvait mme des AT.4 et des AT.5569, cette dernire
qualification tant la plus leve), selon leur degr de formation ou leur anciennet dans
la profession. Ceux qui taient embauchs comme AT.1 taient, aprs un stage de trois
mois, affects dans diffrents services. Aprs un certain temps, selon lapprciation de
leur hirarchie, de la difficult et de la qualit de leur travail, ils pouvaient tre nomms
AT.2 et ainsi de suite, selon la dure de leur carrire la Compagnie.
En ce qui concerne le personnel mcanographique, il se composait de perforatrices-
vrificatrices, doprateurs, dopratrices (moins nombreuses) et de metteurs en route.
Les perforatrices vrificatrices pouvaient au dpart, navoir aucune connaissance de la
mcanographie. Elles commenaient alors par suivre, dans lentreprise, un stage qui
durait environ un mois. Ce nest quen cas de succs, quelles taient embauches. Un
certain nombre dentre elles taient affectes latelier mcanographique de la
Compagnie o, toute la journe, partir de bordereaux qui leur taient remis comme
documents de base, elles perforaient des cartes pour divers services de lentreprise. Une
fois perfores, dans une seconde phase, ces cartes taient contrles la machine par les
vrificatrices. Les cartes errones allaient au rebut o le compte en tait fait, et les
568 Voir modle en annexe.569 Entretien avec Jean Foulier Octobre 2006
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perforatrices fautives rigoureusement sanctionnes. Les cadences respecter taient trs
leves. Perforatrices et vrificatrices taient sous les ordres dune monitrice de
perforation, poste qui, pour certaines dentre elles pouvait constituer une volution de
carrire. Certaines jeunes femmes taient affectes la Salle dEssai dont nous
parlerons plus loin. L, elles faisaient connaissance avec ce que lon appelait
couramment les grosses machines et avaient certaines chances de pouvoir suivre le
stage qui leur permettrait de devenir opratrices.
A la Salle dEssai travaillaient surtout des oprateurs et quelques opratrices qui
utilisaient ces fameuses grosses machines : tabulatrices, trieuses, traductrices (que
lon appelait aussi interprteuses ), reproductrices, calculatrices570
On peut voir que la Compagnie embaucha dans toutes les spcialits, mais
particulirement pour la production et la maintenance.
Le personnel de fabrication, environ 55 % du total des embauches, ainsi rpartis,
approximativement :
- professionnels qualifis 35 %- OS-hommes 12 %- OS-femmes 6 %- manoeuvres (hommes) 2 %- des mcaniciens de ville, environ 15 % des embauches;mais galement du personnel mcanographique dont une partie tait dtache en
clientle, titre temporaire ou dfinitif, soit 13 % du personnel recrut, les perforatrices
comptant, elles seules, pour plus de 10 % de cette catgorie.
Dans ces conditions, il ntait plus possible que les mcaniciens de ville apprennent le
mtier sur le tas , comme par le pass, lactivit des responsables et la complexit
570 Voir en annexe les photographies des machines.
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grandissante des matriels et des problmes traiter ne le permettait plus. On cra donc
une cole spciale pour leur formation. Ce fut lcole S.E.V. , ou Service Entretien
Ville , installe dans les locaux du 159 de lavenue Gambetta, en face de lusine. L,
sous la houlette de techniciens chevronns, transforms en professeurs, des promotions
dune vingtaine de candidats571
, suivaient un stage de trois mois, sanctionn par des
tests hebdomadaires rigoureux qui liminaient impitoyablement572
les lves jugs
inaptes pour ce mtier573
, la mme sanction pouvant encore intervenir lors de lexamen
final. Voyant ce que lon attendait deux, il arrivait quun certain nombre de ces
stagiaires abandonnent deux-mmes aprs quelques jours ou quelques semaines de
stage, sans attendre une ventuelle limination.
Une fois le stage termin, on affectait le nouveau dans une quipe, sous lautorit
dun Chef de Secteur qui, tout de suite, lenvoyait en clientle, lpreuve de la ralit.
Chez ces professionnels, trs conscients de leur valeur et de leur place dans lentreprise,
rgnait heureusement un grand esprit dquipe, du moins en gnral, et les collgues
aidaient le dbutant faire ses premiers pas en clientle. Dans cette dmarche, limage
de la Compagnie comptait probablement autant que la solidarit envers la nouvelle
recrue. A la longue, les pannes identifier et rsoudre en faisaient un homme
dexprience.
Si, entendre les Anciens, la vie professionnelle dun mcanicien de ville tait
passionnante, elle ntait pas toujours rose, surtout cette poque, o ils devaient
affronter des difficults de toutes sortes : pnibilit des transports, mauvaise qualit des
pices de rechange, sans oublier les contraintes imposes par les Autorits
571 De tous ges, professionnels qualifis (ajusteurs, outilleurs etc...) ou jeunes gens frachement sortis des
coles professionnelles.572 Aucun des anciens mcaniciens de ville interrogs na oubli ses angoisses dalors ...573 Quelques-uns, qui ntaient pas fait pour ce mtier mais avaient t jugs valables pour latelier, y
restrent comme ajusteur, mais les cas furent rares. Peut-tre peut-on voir l une raison damourpropre , o des offres plus lucratives demployeurs qui avaient, eux aussi, du mal trouver des ouvriers
qualifis.
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dOccupation. Si une panne retenait le mcanicien au-del de lheure du couvre-feu, il
navait gure dautre solution que de passer la nuit chez le client, moins quil ne
saventure rentrer chez lui pied, en pleine nuit. Il lui fallait alors ruser pour chapper
aux rondes des policiers franais et surtout aux patrouilles allemandes, avec le risque de
se retrouver face face avec un Feldgrau, une mitraillette pointe sur le ventre574
. En
effet, ces garons ntaient gnralement pas munis des indispensables Ausweiss que la
Compagnie ntait pas parvenue obtenir des Bureaux Allemands pour cette catgorie
de travailleurs comme ltaient ceux de la C.E.C.575
qui en taient tous pourvus.
Pour les mcaniciens affects ou dtachs en province, les difficults taient plus
grandes encore. La lenteur des communications avec lusine les laissait souvent
dpourvus de pices de rechanges, de documents et dinformations jour. Mais le pire
tait le cas de ceux qui taient envoys en Zone Interdite o se trouvait un des plus gros
clients de la Compagnie rsidant en rgion Nord, les Houillres du Nord & du Pas-de-
Calais, et la plupart des centres miniers quips de matriels Bull (les Mines dAniche,
Lens, Marles, Auberchicourt etc...). L, en effet, les Autorits Allemandes taient
vritablement toutes puissantes et ne se souciaient pas de respecter les apparences de la
lgalit.
La premire preuve tait le passage de la ligne de dmarcation, le plus souvent, l
encore, sans Ausweiss, alors que le client appelait en urgence576
. Aussi, les gars se
transmettaient-ils consignes et tuyaux :
Par exemple, en gare dAmiens :
574Souvenir de Pierre Massy - Interview du 17 aot 1973 par Dominique Pagel.575
Source : Les Chronique de la Cie IBM-France - J. VERNAY576 Le patron des Houillres tait en effet un client particulirement exigeant et impatient. Subissait-il des
pressions allemandes ? Il est impossible de le dire.
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1 - tromper la surveillance des Feldgendarmes qui, heureusement, se
conduisant parfois plus en gendarmes pied quen hros du Grand Reich , ne
contrlaient pas systmatiquement tous les wagons de chaque train;
2 - sauter contre-voie ;
3 - monter dans le premier train venu, et refaire la mme manuvre
jusquau moment o lon trouverait le train en partance pour Douai;
4 - et surtout ne pas lcher la prcieuse et lourde valise doutils.
Une fois arriv destination, il fallait se dbrouiller pour se loger, le client ny
pourvoyant pas, puis, surtout, vivre dans la prudence, par exemple ne pas sortir le soir
afin de ne pas risquer dtre pris dans une rafle et embarqu pour lAllemagne afin dy
travailler dans les usines de guerre du Reich. Ce phnomne saccentua au fur et
mesure que la guerre se fit plus longue et plus dure577
. Si, chez les clients de Zone
Interdite, latelier mcanographique, ces techniciens ne voyaient gnralement pas
dAllemands en uniforme, on sentait bien que ctaient quand mme eux qui dtenaient
le pouvoir. Le mieux tait donc de se faire discret , daccomplir son travail
consciencieusement, dans les conversations dviter les sujets scabreux et, hors de chez
le client, se montrer trs prudent.
3. Mobilit du personnel
Avant dtudier lvolution du personnel Bull pendant la Seconde Guerre Mondiale,
nous avons jug utile den analyser la mobilit et dessayer de rpondre aux deux
questions suivantes :
577
Des rafles nocturnes eurent mme lieu dans les htels ou chez les particuliers o logeaient certainsgarons dtachs en rgion Nord auxquelles ils nchapprent que par miracle - Tmoignage dun ancien
metteur en route et dun ancien mcanicien de ville.
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3.1. Pourquoi dsirait-on entrer chez Bull
Cette question, qui ne figure pas sur les fiches dembauche, si elle fut pose aux
candidats, ne le fut certainement quoralement. Nous avons cependant souhait avoir
des informations sur ce sujet : Nous nous sommes adresse aux personnes figurant sur
la liste que nous avait fournie le Club des Anciens dans les annes 1988/1989.
Les rponses furent gnralement les suivantes :
- les candidats taient chmeurs et cherchaient un emploi ;- les plus jeunes recherchaient eux aussi un emploi mais souhaitaient, en plus,
exercer un mtier intressant o ils avaient des chances davoir de lavenir ;
- certains ne voulaient pas rester chez leur employeur actuel parce que leur entreprisetravaillait pour les Allemands ;
- un nombre non ngligeable de candidats habitait le quartier ou une des communesde la banlieue avoisinante ;
- dautres posaient leur candidature sur le conseil dun ami, dun parent ou dunvoisin ;
- quelques-uns rares avaient rpondu une annonce parue dans la presse;- certains jeunes qui sortaient dune cole professionnelle avaient t conseills par
leurs enseignants qui, parfois, en plus, les recommandaient ;
- partir de lanne 1943, certains jeunes gens dont lge leur faisait craindre undpart pour lAllemagne suite une rquisition pour le STO, sont entrs la
Compagnie quand ils surent quelle tait une usine protge (usine S ou
Rstung )
- quelques rares personnes, des jeunes en gnral, employs chez des clients Bullavaient vu fonctionner ces machines et avaient eu envie, den apprendre davantage
sur ces nouveaux matriels, mais aussi de travailler leur utilisation et, sils en
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taient capables, leur tude; ils dsiraient donc quitter leur employeur du moment
pour entrer chez Bull, sils le pouvaient ;
- parfois Bull recrutait elle-mme du personnel ; dans ce cas-l, le Service duPersonnel faisait apposer une affiche sur la grande porte dentre : On recherche
suivi du ou des mtiers recherchs ;
- enfin, il y avait des candidatures spontanes de personnes qui avaient entendu parlerde la Compagnie dans leur entourage
3.2. Pourquoi quittait-on la Compagnie ?
Malgr sa renomme et les conditions de travail qui taient gnralement apprcies de
ses employs, la Compagnie Bull na pas conserv tous les gens quelle avait
embauchs et pas toujours de sa propre volont. Elle fut parfois amene licencier
certaines personnes, non par manque de travail dans lentreprise578
, mais pour des
raisons de comportement, ou dun travail dont leur hirarchie tait mcontente579
. Il y
eut aussi un nombre non ngligeable demploys qui quittrent volontairement la
Compagnie.
En ce qui concerne les dparts volontaires, souvent les motifs ne sont pas indiqus dans
les dossiers individuels ou simplement remplacs par la mention DV . Les questions
de salaire sont rarement voques mais peut-tre font-elles partie des dparts dont on ne
nous indique que de lui-mme , ou de son plein gr sans autre commentaire.
On trouve quelques dparts, mais trs peu, pour cause de surenchre allemande et
des dparts (galement trs peu) pour aller volontairement travailler en Allemagne. On
trouve galement un certain nombre demploys qui ont dcid de se mettre leur
compte , dautres de partir pour la campagne. Selon lge du dmissionnaire et
578 Quand, en 1944, la Compagnie fit affecter un certain nombre de ses employs dans dautres
entreprises, ce ne fut pas pour cause de baisse des commandes mais par suite du manque dlectricit.579 Faute morale , par exemple, mais la nature de la faute nest pas mentionne, vols (rares), absences
injustifies, incorrection envers un suprieur, etc
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lpoque o se produisit le dpart, on peut se demander sil sagissait de raisons de
ravitaillement que lon trouvait plus facilement en province, o dentre discrte dans
un maquis (une seule fiche porte la mention maquis ), mais il se peut que dans
certains cas o seule est porte la mention dpart volontaire (ou DV ), la raison
relle ait pu tre dite verbalement la hirarchie sans pour autant tre indique au
dossier.
Dans de nombreux autres cas, les motifs figurent sur la fiche dembauche ct de la
date de dpart. Il sagit essentiellement des raisons suivantes :
- motif familial (maternit, retour du mari prisonnier, .)- dcs : on trouve un certain nombre de morts naturelles (pour cause de maladie,
entre autres) ; quant aux autres : victimes de la guerre, morts pour la France, morts
en Allemagne, fusill etc leur cas sera voqu en dtails dans un chapitre
ultrieur.
En ce qui concerne les licenciements, il est deux cas que lon ne peut pas assimiler une
sanction, il sagit :
1) des lves mcaniciens de ville qui ont chou leurs tests de stages
2) dun certain nombre de perforatrices et dlves oprateurs que la Compagnie
plaait chez des clients pour lesquels elle les avait forms.
4. Rmunrations pendant la priode de la Guerre et de loccupation
Lors de la dclaration de guerre, le Gouvernement a mobilis prs de six millions
dhommes. Ne restrent que ceux qui taient trop gs, trop jeunes, handicaps ou
exempts pour des raisons diverses et qui ne pouvaient pas tre mobiliss. Toutes les
entreprises furent touches. Celles pour qui ce fut le plus prjudiciable furent les
entreprises industrielles et essentiellement celles qui travaillaient pour la dfense
nationale. Ce fut le cas de la Cie Bull., heureusement, ainsi que nous lavons expliqu
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en dtails dans un chapitre prcdent, Joseph Callies et Georges Vieillard avaient
effectu les dmarches ncessaires pour conserver lusine, en affectation spciale, un
certain nombre douvriers qualifis. Malgr cela, la mobilisation cra des vides dans un
presque tous les services, surtout la production. La Compagnie essaya de trouver
lextrieur des professionnels de remplacement, mais cela tait quasiment impossible,
toutes les entreprises industrielles se les arrachant, quitte offrir des salaires plus
levs.
La Compagnie fut donc contrainte dembaucher des ouvriers dun niveau infrieur
celui de ses travailleurs qui avaient t appels sous les drapeaux. Pour que les services
tournent quand mme correctement, elle dut, par voie de consquences, faire revoir
lorganisation des travaux et, le cas chant, les professionnels les plus anciens et les
plus qualifis formrent les meilleurs des OS.2 pour quils puissent accomplir des
travaux dont ils navaient pas lhabitude. Une partie non ngligeable dentre eux
sadapta dailleurs trs bien ces changements. Il en fut de mme pour les OS.1 qui
durent effectuer des travaux confis auparavant des OS.2.
La socit embaucha galement des femmes, en priorit les pouses de ses employs
mobiliss580
(comme elle le fera plus tard lors des oprations de Relve et du STO)581
.
Certaines dentre elles taient jusqu ce moment-l toujours restes des femmes au
foyer. Il fallut donc tout leur apprendre. Dautres sadaptrent trs bien et, mme
quelques-unes dentre elles restrent chez Bull jusqu leur retraite. Il faut signaler que,
pour un mme travail, elles taient moins bien payes que les hommes.
La Compagnie ne faisait dailleurs en cela que suivre les instructions du Gouvernement
quant au travail fminin, son recrutement et lacclration de sa formation.
580 Un exemplaire est joint un chapitre prcdent.581 Les couturires taient trs apprcies
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En effet, comme on le voit relat dans une circulaire du GIMM582
, en ce qui concerne
les salaires fminins, il y a lieu de prvoir [} par rapport aux appointements
masculins, lcart consacr par la pratique; le principe tant valable pour tous les
mtiers pouvant tre excuts par des hommes ou par des femmes. . La circulaire du
GIMM date de dbut 1940, mais la pratique tait courante bien des annes avant.
En dployant le maximum defforts dans tous les domaines, la Direction de Bull, et son
personnel, ont russi faire marcher correctement lentreprise et lui permettre de
rpondre aux nombreuses commandes quelle na cess de recevoir pendant toute la
priode.
Pour procder lanalyse que nous avons entreprise, nous avons constitu un tableau o
nous avons not, par profession tous les salaires dembauche que nous avons relevs
dans les dossiers individuels correspondant aux dix annes de la priode tudie.
Avant de commencer cette analyse, il est indispensable de prendre en compte la
dcision du Gouvernement de bloquer les salaires compter du 1er
septembre 1939,
ainsi que lexpose le texte du Dcret du 1er
novembre 1939, dont vous trouverez ci-
dessous des extraits des articles qui concernent le plus cette partie de notre tude.
Titre : Dcret relatif au rgime du travail pendant la dure des hostilits
1) Les conventions collectives, ainsi que lnonait dj un prcdent dcret-loi du
20 octobre 1937 , demeurent en vigueur pendant la dure des hostilits sans terme ni
dnonciation, pour toutes leurs dispositions qui ne sont pas contraires aux lois et
rglements en vigueur.
2) Les modifications des conventions collectives suivent des rgles diffrentes suivant
quil sagit du secteur dit, secteur libre (entreprises ne travaillant pas pour la dfense
nationale) ou quil sagit du secteur des entreprises travaillant pour la dfense nationale.
582 Circulaire n 59.544 du 4 mars 1940)
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3) Pour la premire catgorie, celle des industries et entreprises ne travaillant pas pour
la dfense nationale, la rvision des conventions collectives demeure possible [] . Le
Ministre du travail doit donner son agrment toute modification des conditions de
travail. Le Ministre du Travail a, en outre, le droit de dterminer les salaires applicables
dans une profession et une rgion dtermines ;
4) Pour les entreprises travaillant pour la dfense nationale, le Gouvernement entend
user pleinement des droits que lui confre la loi du 11 juillet 1938. De mme quil est
utile, dans le secteur libre, de supprimer du march du travail les salaires anormalement
bas qui sont une source de trouble social, de mme il faut que le Gouvernement ne livre
pas les salaires apprcis et levs des fabrications de guerre au seul jeu des accords
intervenir entre patrons et ouvriers ; le Gouvernement doit rester matre des salaires qui
influent tellement sur lconomie nationale et le cot de la guerre. Il a t dcid que les
salaires et dune faon gnrale, les conditions de travail seraient stabilises la date du
1er
septembre 1939.583
La notion de salaires maxima, en gnral absente des
conventions collectives, vient sinsrer utilement dans le rgime des salaires. Bien plus,
la pousse des salaires dune mme catgorie de travailleurs vers les maxima sera
corrige en fonction des salaires moyens dans chaque entreprise.
Daprs les souvenirs de Jean-Louis Crmieux-Brilhac584
, si un ouvrier quittait son
employeur pour aller travailler chez un autre qui lui offrait un salaire plus lev, cest ce
nouveau salaire qui tait bloqu. Cest, dune part ce qui explique quau cours des
annes on trouve des salaires dembauche de plus en plus levs, et peut-tre ce qui se
cache sous la mention DV (Dpart Volontaire) lorsquelle nest accompagne
daucun commentaire.
583 Certaines drogations taient nanmoins prvues pour des cas particuliers.584 Lettre lauteur du 22 fvrier 2006.
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5. Evolution du pouvoir dachat
Dans les tableaux en annexe, nous avons choisi cinq catgories pour lesquelles nous
soulignons les taux de dflation afin de comparer le pouvoir dachat des travailleurs en
dbut et en fin de priode.
Ces quelques exemples nous permettent de constater limportance de la diminution de
pouvoir dachat pour toutes les catgories de personnel.
Les tableaux en annexe indiquent :
1) Tableau deffectifs par catgories.
2) Tableaux des salaires lembauche en francs courants
3) Tableau des exemples de diminution du pouvoir dachat en francs constants .
6. Evolution de lorganisation de lusine Gambetta
A Paris, la croissance de lactivit saccompagna dune certaine modernisation de
lorganisation de lusine. Outre la cration de lEcole des Mcaniciens de Ville, lanne
1941 vit galement celle de la Salle dEssais . Il ne sagissait pas, comme son nom
pourrait le laisser croire, dune unit destine aux tests des matriels, mais dun petit
service o, sur des machines prtes tre livres, taient essays les travaux spcifiques
des clients. L, travaillaient quelques techniciens, des opratrices, et des perforatrices,
en tout une quinzaine de personnes. Ce service permettait de sassurer, avant la mise en
route des machines chez le client, du droulement correct des travaux programms. On
y effectuait galement des travaux faon , soit pour des entreprises encore trop peu
importantes pour squiper en machines cartes perfores mais souhaitant bnficier de
leurs avantages, soit en cas de panne prolonge ou dun surcrot momentan de travail
chez un client, pour assurer la sortie en temps voulu des travaux interrompus ou
retards585
.
585 Ce sont ces travaux qui, entre autres, apparatront, dans le Chiffre dAffaires, sous la rubrique
Travaux Divers
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Les machines, quant elles, taient encore, cette poque, testes latelier de
montage, par une quipe de contrleurs particulirement expriments qui connaissaient
fond toutes les machines construites la Compagnie.
Les autres services de la Compagnie eux aussi, connurent une certaine volution. Ce fut
alors que, dans les ateliers, apparurent les premiers chronomtreurs, certains ayant dj
fait leurs preuves dans de grosses usines comme Citron ou Renault et au courant des
nouveaux principes de normalisation des tches, comme le systme Bedeaux 586
.
Latelier de traitement thermique se modernisa son tour. Quant aux bureaux dtudes,
et aux services administratifs, eux aussi stoffaient bien que dans une moindre mesure
que les ateliers et le Service Entretien Ville .
7. Les tudes et la production
7.1.Etudes & Brevets
Pendant cette phase dadaptation-contrainte , pour reprendre lexpression de Franois
Marcot587
, le Service des Prototypes, dont le chef de service, qui, en temps normal
dpendait de M. Maurice, comme le Bureau dEtudes et le Bureau de Dessin avaient,
depuis lautomne 1940, retrouv un rythme de travail peu prs normal. En labsence
de Franklin Maurice qui, demeur en Zone Libre, dirigeait et surveillait le dmarrage du
bureau commercial et de lusine de Lyon - ils se retrouvrent nouveau placs sous la
responsabilit de M. Knutsen, en plus du Service des Brevets, fief personnel de K.A.
Knutsen, o on ne chmait pas non plus
Bien que li au service des Prototypes, au Bureau dEtudes et au Bureau de Dessin, le
Service des Brevets constituait une unit part. En effet, tous les perfectionnements, les
586 Le systme Bedeaux fut-il vritablement institutionnalis dans les ateliers, cela nest pas sr, les
tmoignages des Anciens ne faisant tat que du chronomtrage des temps et des astuces quils dployaient
pour ruser avec les temps allous.587
Colloque LOccupation, lEtat franais et les entreprises - Besanon, 24-26 mars 1999 -Communication de Franois Marcot : Quest-ce quun patron rsistant ? - Actes paratre
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dispositifs et mme les inventions nouvelles ntaient pas brevetables. Pour sen assurer,
des recherches complmentaires taient ncessaires, elles taient excutes par des
ingnieurs spcialiss du Service des Brevets. De plus, il fallait tenir compte de rgles
juridiques dont seuls les ingnieurs de brevets taient spcialistes. Cest pourquoi nous
avons consacr ce Service, un chapitre particulier.
7.2 Extension de la gamme de matriels
Les annes 1941 et 1942 virent la sortie dun certain nombre de matriels nouveaux ou,
pour ceux que Bull avait dj son catalogue, de modles plus performants. Les
modifications apportes taient parfois si nombreuses et si importantes que lon
pourrait, bon droit, parler de machines nouvelles. Bull mit ainsi sur le march, parmi
les matriels qui ont le plus marqu la priode :
- un nouveau modle de Trieuse, la E.12 ;- et surtout la Tabulatrice BS cycles indpendants 588, dont on peut dire, sans
risque dexagration, quelle fut essentiellement loeuvre de Roger Clouet.
Cette machine, une des plus belles russites de la Compagnie, dpassait en souplesse, en
capacit et en rapidit, tous les modles concurrents589
. Traiter 150 cartes et imprimer
en liste 150 lignes la minute, cela ne stait encore jamais vu ! Effectuant les
additions et les soustractions aussi bien verticalement quhorizontalement elle fut la
premire pouvoir calculer les intrts par la mthode des chelles 590
- do son
succs auprs des banques - la BS avait une soeur jumelle, la BT, qui, elle, ne faisait
que des additions (T = Totalisation) et qui fut moins demande. Si la Tabulatrice BS
sortit effectivement en prototype au cours de lanne 1941, ce nest toutefois quen 1942
588 CIHB - Brochure promotionnelle 1942 : Les cycles indpendants [donnent] loprateur la
possibilit de rgler, pour chaque travail la succession et la spcialisation des cycles, gros progrs par
rapport aux machines des Srie T ou S et celles de la concurrence. 589 Supriorit que limprimante Bull conservera pendant dix-huit ans.590 CIHB - Dossier Blanc : Produits Bull - Chronologie
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que fut livr en clientle le premier exemplaire, lheureux bnficiaire en tant le Crdit
Lyonnais.
Pendant cette priode 1941 1942 la gamme Bull des matriels classiques tait donc
peu prs complte. Seules les performances, celles de la BS notamment, taient encore
en voie damliorations supplmentaires.
Curieusement, ce nest pas un document Bull qui nous a permis de savoir quelles taient
alors les performances des machines Bull, mais une confrence faite le 8 fvrier 1950
par un ancien compagnon du Contrleur Carmille, M. Andr Caffot591
, au cours de
laquelle celui-ci relata de faon particulirement dtaille le fonctionnement du Service
de la Dmographie, allant mme jusqu indiquer, outre la liste des machines utilises,
le rendement de chacune delles, savoir :
- Perforatrice (autre appellation de la Poinonneuse) : Une bonne opratrice peut[effectuer] 8.000 perforations lheure [soit, 100 cartes]
- Vrificatrice 10.000 perforations lheure (125 cartes/minute);- Traductrice 4.000 cartes lheures (environ 70 cartes/minute),- Reproductrice 6.000 cartes lheure (100 cartes/minute),- Trieuse 24.000 cartes lheure, en moyenne (400 cartes/minute)- Interclasseuse 15.000 cartes lheure (150 cartes/minute)- Tabulatrice 9.000 cartes lheure (150 cartes/minute);
(il devait donc sagir dune BS)
- Calculatrice 1.000 cartes lheure (soit environ 160 cartes/minute)
591 Archives prives (document remis lauteur par M. Michel-Louis Lvy - INED)
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8. Activit commerciale intrieure
Tenter dtablir une liste, sinon complte du moins proche de la ralit, des clients Bull
pour lanne 1941, est une tche impossible, les documents commerciaux ou technico-
commerciaux faisant par trop dfaut, et cest pire encore pour 1942 ... Toutefois,
quelques pices darchives, dont lessentielle est une liste de clients de la rgion
parisienne manant du Service Entretien Ville , plus quelques documents pars :
dossiers de correspondance, marchs dEtat, etc... permettent une certaine approche de
la clientle Bull telle quelle stait reconstitue - et accrue - aprs les bouleversements
conscutifs la dfaite, lexode, loccupation du pays, son clatement en plusieurs
zones et la mise en place des lignes de dmarcation correspondantes, certaines
fermetures dentreprises, etc...
A partir de ces documents on peut identifier, approximativement :
- 73 clients srs (attests par des documents);- un peu plus de 15 clients probables (figurant sur des listes de rfrences et autres
papiers de 1940 et qui se retrouvent sur dautres des annes suivantes, notamment
sur une liste relativement complte date de lanne 1943592
).
Quant aux clients prsents sur les documents des annes 1939 et/ou 1940, mais dont on
ne retrouve plus trace par la suite - du moins jusqu lanne 1945 incluse (soit environ
une quarantaine de clients), combien dentre eux avaient conserv leur atelier
mcanographique et taient galement demeurs fidles Bull ? Il est impossible de
le dterminer. Un certain nombre sans doute si lon regarde la croissance du chiffre
daffaires par rapport 1940 :
- - Ventes + 40 %;
592 CIHB - Dossier Clients - Dpenses dentretien pour lanne 1943.
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- - Locations + 60 % (soit presque le triple de celle de 1939)593.Il est vrai que les marchs signs avec le Contrleur Carmille pour le Service de la
Dmographie puis le S.N.S., pour un montant global de 36 millions de francs - mme si
cette somme tait payable sur quatre ans sont intervenus pour une bonne part dans
cette hausse des recettes. A cela, il faut ajouter les 5,49 millions de francs provenant des
commandes allemandes594
. En ce qui concerne le nombre des clients, le chiffre identifi
est de 88 (chiffre incontestablement infrieur la ralit, mais dans quelle proportion ?)
contre 84 (chiffre galement approximatif, car le dossier blanc indique pour la
priode prcdant la guerre un nombre total dquipements installs de 89) pour
lexercice 1939, une estimation, en nombre de clients et/ou dquipements installs est
donc impossible. En outre, quand on parle de parc clientle , il est extrmement
difficile, sinon impossible, de savoir sil sagit du nombre des clients (raison sociale),
celui des sites , ou celui des quipements, certains gros clients ayant en effet la fois
plusieurs quipements rpartis sur un seul ou plusieurs sites ou mme plusieurs ateliers
quips par des constructeurs concurrents.
Ceci dit, en dpit des difficults de la priode, on constate, pour lexercice 1941 - le
premier qui, depuis la dclaration de guerre, nait pas t boulevers par des vnements
extrieurs595
, une nette progression de limplantation de Bull sur le ma