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Pétroliers : le trafic des navires de brut pourrait doubler sur le Saint - Laurent Exclusif - L'arrivée du pétrolier Minerva Gloria n'est que le début d'une longue série. Selon des chiffres obtenus auprès de sources gouvernementales et dans l'industrie, le nombre de navires chargés de pétrole brut pourrait doubler, voire tripler, sur le fleuve avant la fin de la décennie. Les ports de Montréal et de Lévis accueilleront à leur tour du pétrole des sables bitumineux.Un reportage de Thomas Gerbet La pétrolière Suncor compte charger entre 20 et 30 navires par années à partir de Sorel- Tracy pour exporter son pétrole brut, principalement vers les États-Unis. C'est la première fois que le fleuve va servir de voie d'exportation pour les hydrocarbures issus des sables bitumineux. Avec l'inversion de la ligne 9B du pipeline d'Enbridge qui amènera du pétrole de l'ouest vers Montréal, à partir de cet automne; et le projet de nouveau pipeline de TransCanada vers Cacouna, les changements ne font que commencer. D'environ 110 pétroliers, le nombre de navires-citernes chargés de pétrole brut pourrait passer à 280 dans quatre ans. Pétrole 100 % nord-américain La pétrolière Valero n'hésite pas à parler de « révolution ». Sa raffinerie de Lévis compte mettre fin à toutes les importations de pétrole d'outre-mer, que ce soit d'Afrique ou d'Europe du Nord. « On va passer à un approvisionnement 100 % nord-américain, c'est à dire des bruts qui arrivent de l'Ouest canadien et des bruts qui arrivent des États-Unis », explique la directrice des Affaires publiques et gouvernementales d'Énergie Valero, Julie Cusson.

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« Le Canada pourrait même concurrencer la Russie sur le marché d'Europe », estime Simon Jacques, spécialiste du négoce des matières premières et professeur de finance à l'Université de Moncton.

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Pétroliers : le trafic des navires de brut pourrait doubler sur le Saint-Laurent

Exclusif - L'arrivée du pétrolier Minerva Gloria n'est que le début d'une longue série. Selon des chiffres obtenus auprès de sources gouvernementales et dans l'industrie, le nombre de navires chargés de pétrole brut pourrait doubler, voire tripler, sur le fleuve avant la fin de la décennie. Les ports de Montréal et de Lévis accueilleront à leur tour du pétrole des sables bitumineux.Un reportage de Thomas Gerbet

La pétrolière Suncor compte charger entre 20 et 30 navires par années à partir de Sorel-

Tracy pour exporter son pétrole brut, principalement vers les États-Unis. C'est la première

fois que le fleuve va servir de voie d'exportation pour les hydrocarbures issus des

sables bitumineux.

Avec l'inversion de la ligne 9B du pipeline d'Enbridge qui amènera du pétrole de l'ouest

vers Montréal, à partir de cet automne; et le projet de nouveau pipeline de TransCanada

vers Cacouna, les changements ne font que commencer. D'environ 110 pétroliers, le

nombre de navires-citernes chargés de pétrole brut pourrait passer à 280 dans

quatre ans.

Pétrole 100 % nord-américain

La pétrolière Valero n'hésite pas à parler de « révolution ». Sa raffinerie de Lévis compte

mettre fin à toutes les importations de pétrole d'outre-mer, que ce soit d'Afrique ou

d'Europe du Nord. « On va passer à un approvisionnement 100 % nord-américain, c'est à

dire des bruts qui arrivent de l'Ouest canadien et des bruts qui arrivent des États-Unis »,

explique la directrice des Affaires publiques et gouvernementales d'Énergie Valero,

Julie Cusson.

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Deux ou trois pétroliers par semaine, chargés de 350 000 barils de pétrole chacun, feront

la navette entre la fin du pipeline d'Enbridge à Montréal et la raffinerie de Valero à Lévis.

Le changement des sources d'approvisionnement a débuté il y a deux ou trois ans, avec

des navires chargés de brut qui sont entrés dans le fleuve vers Montréal et Québec en

provenance des États-Unis (golfe du Mexique).

« Le pétrole qui va être transporté ici, ça va passer tout simplement pour l'exportation. On

doit assumer les risques, mais ça ne nous apporte absolument rien », peste Jean Héon,

un résident de L'Isle-aux-Coudres. « C'est un cadeau empoisonné. Ça nous amène

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seulement le danger de polluer le fleuve », exprime pour sa part Elias Harvey, qui vit à

quelques pas du quai de chargement des pétroliers à Sorel-Tracy.

Les pétrolières, elles, affirment que le jeu en vaut la chandelle. En ouvrant la porte au

passage du pétrole de l'Ouest, le Québec pourra en profiter pour s'approvisionner avec

ce pétrole moins cher. « C'est enfin l'accès à des prix beaucoup plus compétitifs », se

réjouit Julie Cusson, de Valero.

Coût d'un baril pour la raffinerie (en dollars canadiens, en incluant le coût du voyage)

109 $ pour un baril de Brent de la mer du Nord livré à Montréal

94 $ pour le baril de Western Canadian Select (WCS) - le pétrole issu des sables

bitumineux - livré à Montréal

« Le Canada pourrait même concurrencer la Russie sur le marché d'Europe », estime

Simon Jacques, spécialiste du négoce des matières premières et professeur de

finance à l'Université de Moncton. « Puisque le prix du pétrole russe de l'Oural se

négocie autour de 107 $ canadiens le baril. Suncor pourrait livrer le WCS à la raffinerie

de Grupa Lotos à Gdansk en Pologne pour un prix de 98 $ ».

Les compagnies comptent faire d'autres économies en augmentant la taille des navires.

Une tendance dans l'industrie pour faire des économies d'échelle. Le gouvernement

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fédéral a autorisé en décembre 2013 que la largeur maximale des navires dans la voie

maritime entre Québec et Montréal passe de 32 à 44 mètres.

Les navires ne peuvent pas être remplis au complet, car ils risqueraient de toucher le

fond. Les navires de Transports Desgagnés qui circuleront entre Montréal et Québec

pour approvisionner la raffinerie de Valero seront chargés aux deux tiers (350 000 barils

au lieu de 500 000).

Le poids des navires après leur chargement est étudié avec précision pour ne pas que le

tirant d'eau constitue un danger. Des pilotes nous ont mentionné qu'il y a parfois un mètre

ou moins entre le dessous de la coque des navires et le fond. Les rencontres et les

dépassements sont interdits à certains endroits.

« L'étroitesse de la voie navigable à maints endroits, la présence

de conditions de navigation difficiles et le grand nombre de

navires qui y circulent contribuent à multiplier les risques

d'incidents ou d'accidents entraînant des déversements. »— Extrait d'un

mémoire de l'Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent remis à Transports Canada en 2013

En attendant les pipelines

Les compagnies pétrolières cherchent par tous les moyens à exporter le pétrole des

sables bitumineux, mais comme plusieurs projets de pipeline vers les États-Unis tardent

à être réalisés, c'est la solution qui a été trouvée. La voie du Saint-Laurent est l'option qui

s'est imposée vers la côte est américaine et le golfe du Mexique.

En Colombie-Britannique, l'oléoduc Northern Gateway fait face à l'opposition des

communautés autochtones. Keystone XL, vers le Texas, est toujours en attente

d'approbation. Par ailleurs, les élus de South Portland, au Maine, s'opposent à l'inversion

du pipeline Montréal-Portland pour ne pas recevoir de pétrole issu des sables bitumineux.

Croissance du nombre de pétroliers ailleurs au Canada

Le golfe du Saint-Laurent et la côte Atlantique seront touchés par cette augmentation des

volumes de pétrolier puisque les bateaux prendront la route de l'exportation. Le projet

de pipeline de TransCanada doit d'ailleurs être relié à la raffinerie Irving de Saint-Jean au

Nouveau-Brunswick après être passé par Cacouna.

Sur la côte ouest, Enbridge et Kinder Morgan ont formulé des propositions de projets qui

pourraient amener 600 navires-citernes additionnels dans les eaux de la région chaque

année, surtout au port de Kitimat, en Colombie-Britannique.

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Dans l'Arctique, une quinzaine de navires-citernes circulent par année. Le trafic est

amené à s'y développer avec l'utilisation du passage du Nord-Ouest.

http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/national/2014/09/22/001-croissance-transport-petrole-

fleuve-saint-laurent-navires-quebec.shtml