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Bernard Bertrand, "...On peut franchir le pas, faire un essai", LUDIC, Juillet 2005

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"...on peut franchir le pas, faire un essai."

Bernard BERTRAND

"…on peut franchir le pas, faire un essai."

Structures d’accueil avec possibilité de consommer à moindre risque des drogues

Du même auteur Le « tourisme d’assistance » des usagers de drogues. Vers

l’ouverture d’une salle d’injection à moindre risque, Paris, L’Harmattan, 2003.

À la mémoire

du p’tit Azziz

qui a contribué à cette recherche

et de

mon homonyme.

Mes remerciements pour leur précieuse collaboration à :

L’Université Marc Bloch, UFR des Sciences Sociales, Département de Sociologie, Strasbourg ; M. le Dr Weibel, Chef de service, Psychiatrie générale secteur 7, Centre hospitalier de Mulhouse ; M. le Dr Leroy, Coordinateur, Centre spécialisé de soins aux toxicomanes Alter native, Centre hospitalier de Mulhouse ; M. Buttner, Directeur, Association Le cap, Haut-Rhin ; Mme le Dr Berthet, Chef de service, Centre spécialisé de soins aux toxicomanes, Le cap, Mulhouse ; M. Verger, Directeur, Association Argile, Haut-Rhin ; Mme Dillmann, Infirmière, Coordinatrice, Boutique Bémol, Argile, Mulhouse ; M. Lego, Docteur en pharmacie, Pharmacie centrale Lego, Mulhouse ; M. Bichet, Coordinateur, Association AIDES délégation départementale du Haut-Rhin ; M. Mani, Directeur, Association Première ligne, Genève, Suisse ; Mme Baudin, Coordinatrice, Quai 9, Première ligne, Genève, Suisse ; Toute l’équipe de Quai 9, Première ligne, Suisse ;

... et à toutes celles et ceux qui m’ont soutenu et qui m’ont aidé en complétant mes informations.

Merci pour votre disponibilité.

Je remercie l’association LUDIC et plus particulièrement John Milot et Florence Laruelle qui ont participé à la réalisation de ce travail, aux consommateurs de drogues qui ont accepté d’y participer et au laboratoire Becton Dickinson pour son soutien financier.

Pour terminer, je tiens à remercier Fabrice Olivet (ASUD National) pour son introduction à cette étude ; Gisèle Boehm et Christiane Dillmann qui ont accepté de la lire et de corriger mes imperfections de la langue française.

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TABLE DES ABRÉVIATIONS

BHD Buprénorphine Haut Dosage. ECIMUD Équipe de Coordination et d’Intervention auprès

des Malades Usagers de Drogues. InVS Institut de Veille Sanitaire. JO Journal Officiel de la République française. MDMA Méthylène-Dioxy-MétAmphétamine, molécule

synthétique appartenant à la famille des amphétamines.

MILDT Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie.

OEDT Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies.

OFDT Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies.

OMS Organisation Mondiale de la Santé. ONU Organisation des Nations Unies. ONUSIDA Programme commun des Nations Unies sur le

VIH/SIDA. PES Programme d’Échange de Seringues. RDR Réduction Des Risques liés à l’usage de drogues. SCMR Structure d’accueil avec possibilité de Consommer

à Moindre Risque des drogues psychoactives. SIDA Syndrome d’Immuno Déficience Acquise. UD Usagers de Drogues. VHC Virus de l’Hépatite C. VIH Virus de l’Immunodéficience Humaine.

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Préface

D. comme drogue ! Un best-seller des années soixante-dix, compilation de ragots vaguement scandaleux et de pseudo-statistiques, avait capté l’anthropomorphisme bizarre relatif aux stupéfiants. Dans le sillage d’une prohibition sans faille, vieille de presque cent ans, la Drogue existe comme un personnage de roman. On ne dit pas « Sir Arthur Conan Doyle fumait généralement 0,8 gramme de marijuana le matin après son thé, puis il lui arrivait de sniffer entre 25 et 35 mg de cocaïne l’après midi et tous les soirs, il avalait un demi-gramme d’opium Afghan », on dit « l’auteur de Sherlock Holmes prenait de LA Drogue ». Bref on ne dit rien. Quant aux pauvres consommateurs, ce ne sont ni des « droguant » ni des « drogueurs » mais des drogués, des participes passés, présents pour exprimer l’absence de participation. À l’instar du zombie ou du possédé, le drogué n’est plus sujet mais objet. Sherlock Holmes n’est plus ce fascinant personnage ayant su préserver l’exquise excentricité de certains britanniques de l’ère victorienne. Non ! Le mec qui a écrit Sherlock Holmes était un drogué !

Qu’est-ce que la drogue et qu’est-ce qu’un drogué ? Pour la plupart des gens la drogue « existe réellement » en tant que puissance agissante. C’est une force maléfique, matérialisée dans un produit appelé indifféremment selon les époques, marijuana, héroïne crack ou ecstasy, mais surtout lié à un monde obscur,

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insondable, ou le dealer côtoie la prostituée, bref un monde de ténèbres sur lequel on a peu de prise et où l’on craint de voir englouti son enfant. Face à la drogue, l’être humain n’est que peu de chose, si une bande de drogués croise dans les parages, tôt ou tard vous risquez la contamination, ce n’est qu’une question de temps. Pour échapper à ce gouffre : un remède, l’application stricte du commandement : « et drogues point ne prendra ».

Hélas, dissipons une illusion préalable. Tous les remèdes, tous les traitements du monde ne sont que grimaces et contorsions face au désir de drogues. Dans le cas de la Méthadone® par exemple, c’est le désir de drogues qui fonctionne, qui permet d’avoir un patient sagement aligné tous les matins derrière son comptoir. L’hypocrite rituel du soin s’effondre dès lors qu’un docteur naïf ou incompétent s’obstine à baisser ou augmenter le dosage de Méthadone® sans tenir compte du désir de drogues de son patient. Et surtout, ce désir de drogues n’est ni malsain ni pathologique, il exprime une pulsion légitime de l’être humain et nous renvoie même à la question du sacré. Selon une interprétation nominaliste de la question des drogues, l’ivresse peut être comprise comme l’acte premier de la conscience humaine. Une démarche toujours ritualisée dans la plupart des cultures. En Occident, notre rationalisme s’est construit contre la religion, mais nous avons subrepticement laissé la médecine s’emparer du chemin qui mène au sacré. Le clergé moderne est formé dans les facs où de jeunes sorciers en blouses blanches sont initiés aux mystères de notre nouveau credo : l’hygiène du corps et le risque zéro. Ce clergé, comme l’ancien, subit une longue initiation, puis forme une corporation soudée, avec sa hiérarchie, ses revenus, ses tribunaux, une confrérie puissante campée sur les souffrances du commun et les malheurs du temps. Dans la question des drogues, ce clergé, comme l’ancien, pointe l’infinie faiblesse du pécheur, rebaptisé patient, puis propose ses remèdes. En dénonçant la prise de stupéfiants, ce clergé comme l’ancien tente d’éliminer la concurrence déloyale des sorciers et des hérétiques, déjà grands amateurs de potions vendues sous le manteau.

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Face à cette confessionnalisation nouvelle manière (certain appelle cette nouvelle religion du sanitaire : « l’hygiénisme »), des esprits forts se rebellent. La drogue n’existe, disent-ils, que parce qu’un être humain la consomme. C’est l’acte de consommation qui est fondateur d’un phénomène que l’on peut qualifié de « drogue ». Certes ce phénomène peut être destructeur, mais cette destruction est causée non par une force démoniaque supra-humaine appelée drogue, mais par le choix délibéré des individus d’abuser de la consommation d’une substance chimique appelée crack, cannabis ou alcool. Ce qui est déterminant pour justifier toutes les politiques répressives concernant l’usage des drogues, c’est le refus de considérer la volonté humaine comme élément primordial du processus. Une volonté voluptueuse, sans aucun doute ou plutôt un désir d’ivresse. C’est le désir qui fait le drogué et l’ivresse qui fait la drogue. Mais le désir d’ivresse n’est pas forcément une pulsion irrépressible et chaotique.

Le désir de drogues est légitime, il rapproche la créature de son créateur en lui dérobant les clés du bonheur sur terre. En utilisant les propriétés euphorisantes de la vigne ou du pavot, l’homme s’affranchit de la fatalité de la souffrance, il pose un acte de liberté fondamentale.

Hélas cette posture sent furieusement le souffre, les grands prêtres de l’hygiénisme agitent l’épouvantail de la dépendance, tout en proposant leurs incantations et leurs fioles. L’usage de drogues serait-il un acte de résistance aux nouveaux inquisiteurs ?

Qui dit résistance dit transgression ! Dans l’esprit du public, la violence est habituellement associée à la question des drogues. Traditionnellement le thème de la sécurité est inhérent à la fameuse « lutte contre la toxicomanie ». Or cette violence n’est pas structurellement liée à l’acte de consommer une substance illicite. Tout au moins il semble important de pouvoir déterminer exactement ce qui fait violence. Est-ce la drogue ? Est-ce l’interdit ? Est-ce la transgression ?

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Dés lors que l’on sort des représentations stéréotypées, qu’est-ce qui se cache derrière l’amalgame entre drogues et criminalité ? Qu’est-ce qui ressort des contextes législatifs, psychologiques et culturels dans lesquels ces drogues sont consommées ?

Pour s’en tenir aux drogues illicites, on ne peut s’empêcher de rapprocher la violence des lieux de deal et celle qui affleure parfois dans les centres de soins. Or cette violence ne peut être exemptée de toutes références au contexte légal. En fait le soubassement de toute pensée concernant les drogues n’est-il pas d’admettre que la première violence, celle qui en quelque sorte est fondatrice de toutes les autres, est celle que fait peser sur l’ensemble des usagers la menace d’une peine correctionnelle d’un an d’emprisonnement et d’une amende de trois mille sept cent cinquante euros pour le délit de simple usage ?

Ce préalable ne prétend rien justifier, tout au plus il permet de relativiser certains comportements, non pour les excuser, mais pour mieux les appréhender et éventuellement les prévenir. La violence de la loi qui pénalise l’usage de stupéfiants se double de la violence inhérente à l’institution du soin, ce cocktail inédit entre violence institutionnelle et violence répressive ne peut pas ne pas avoir de conséquences sur la psychologie des usagers.

Alors résumons-nous. L’usage des drogues serait donc délibérée, et parfaitement intentionnelle, le tout dans une perspective hédoniste voire épicurienne, rien à voir avec la maladie grave que l’on vend sous l’appellation « toxicomanie ». De plus, l’absence de légalité qui environne toutes les étapes d’acquisition et de consommation des produits serait les véritables facteurs de violence de l’univers de la consommation de drogues. Donc ni malades, ni délinquants. Mais alors quoi ?

En matière de drogues l’Europe se dirige lentement vers la fondation d’un modèle de prise en charge alternatif à la politique américaine de répression et de condamnation morale.

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Initiée dans les années quatre-vingts par les Pays-Bas et poursuivie un peu partout en Europe de l’Ouest et du Sud dans le sillage de l’épidémie de sida, la politique de réduction des risques liés à l’usage des drogues (RDR), est un succès.

Or, la RDR suppose que l’on admette la légitimité morale de l’usage de drogues. Bien sûr les discours officiels sont plus prudents. On nous explique que l’usage doit continuer à être combattu, que la prévention primaire, celle destinée aux jeunes n’ayant jamais consommé, doit être maintenue comme priorité. Mais dans les faits, la seule chose que la RDR condamne clairement c’est l’irresponsabilité des consommateurs. Tous les maux véritables imputés à LA Drogue en découlent. L’abus, l’absence de précautions sanitaires, les cures forcées nécessairement ratées. Le moteur du succès c’est la reconnaissance du caractère délibéré de l’usage, et en plus… ça marche. D’abord on ne s’adresse plus aux « parents », ou aux « jeunes », ni même aux « drogués », mais aux « vrais gens » qui sont en train de consommer des substances illicites, ici et maintenant. Ensuite la RDR c’est la confiance retrouvée, c’est enfin un peu d’espoir après trente ans de morosité. On donne des conseils utiles qui servent ici et maintenant. Comment injecter telle ou telle drogue dans des conditions de sécurité sanitaire minimale ? Quelles méthodes de consommation sont-elles à même de limiter les overdoses d’héroïne ? À quelle fréquence doit-on boire pour ne pas se déshydrater sous MDMA ? À partir de quelle fréquence de consommation doit-on se considérer comme dépendant du cannabis ?

Bref la politique de réduction des risques s’intéresse au « comment » on se drogue, alors que la méthode traditionnelle s’intéresse au « pourquoi ». Le changement de perspective est total. Sur le « comment », la science alliée au bon sens et au respect de la dignité humaine, a mille réponses. Inversement, cent ans de questionnement douloureux sur le « pourquoi » ne semblent pas avoir véritablement fait bouger les choses.

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Hélas, le public reste ignorant de ce bouleversement idéologique.

En général il ne connaît de la réduction des risques que les programmes de substitution utilisant la Méthadone® ou même l’héroïne médicale en lieu et place de l’héroïne de rue.

Mais le pilier central de cette politique n’est pas d’ordre pharmacologique. Pour reprendre la phrase emblématique des partisans de la prohibition, « il ne suffit pas de donner une drogue à la place d’une autre pour résoudre le problème ».

Cette longue introduction, pour souligner à quel point l’étude de Bernard « Bobby » Bertrand sur l’ouverture de structures d’accueil avec possibilité de consommer à moindre risque est un document capital pour comprendre les enjeux véritables de l’actualité de la politique menée en matière de stupéfiants.

En jetant un éclairage scientifique sur les lieux de consommation à moindres risques, Bobby nous ramène au cœur de cette politique de réduction des risques que les professionnels du secteur connaissent bien, mais que le public français ignore faute de débat public. Or plus encore que l’utilisation des traitements de substitution, les « salles de shoot », de « sniff » ou de « chasse au dragon », sont l’illustration la plus emblématique de cette place faite à la responsabilité des consommateurs. Les SCMR, comme dit Bobby, sont des petites zones libérées où l’expérience, la prudence et la sagacité des usagers de drogues peuvent s’exprimer. Paradoxe absolu, matérialisation schizophrène de la RDR, la recette du succès tient en deux phrases :

- Comment éviter que les drogués ne se tuent en se « défonçant » ? - Aménager des petites bulles de légalité, ou tout au moins des

mini-espaces de tolérance, à l’intérieur desquelles ils auront le droit de consommer des drogues librement.

C’est absurde et cependant c’est une définition possible des SCMR. Ajoutons que, à la différence des « scènes ouvertes », les salles de consommation sont libérées du règne des dealers

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(relégués aux confins) et surtout du voisinage oppressant de la police qui n’exercent donc plus cette suzeraineté lointaine tellement prisée par les mafias de tous bords.

La salle de consommation c’est la RDR à l’état pur, sans compromission avec le pouvoir médical. Ce n’est pas un hasard si ASUD fut à l’origine de la première expérience française du genre. La salle de shoot de Montpellier fut un résumé du projet associatif d’ASUD : réduire les risques par la citoyenneté plutôt que par le médical. Les risques sont d’abord et avant tout les risques liés à l’usage de la prohibition (produits coupés ou trop purs, arnaques, vols, arrestations, absence d’hygiène, ignorance sanitaire, dénis, mensonges, culpabilité, etc.) plutôt qu’à l’usage des drogues.

Dernière chose, comme toutes les réalités complexes, l’usage des drogues mérite des approches diversifiées, au moins paradoxales si ce n’est contradictoires. Les salles de consommation ne font pas exception. Nous militons depuis toujours pour le maintien de l’usage des drogues dans la sphère privée, nous jetons l’anathème sur la logique prohibitionniste qui fait fi de la liberté individuelle pour venir dicter à nos sens quelles molécules seront licites pour s’envoyer en l’air. Et puis voilà que dans le même temps nous demandons à l’État des subventions pour organiser des lieux publics pour se droguer collectivement.

Soyons honnêtes. Je me souviens très précisément de ma visite au Fixpunkt de Berne (Suisse), dirigé par Robert Hammig, un authentique humaniste à l’accent suisse. Ma première sensation en entrant fut tout de même la violence. La violence de la coke quand elle est fixée des heures durant, la violence du biseness relégué à vingt mètres du centre mais dont les remous viennent frapper à la porte. Violence de la misère surtout. Cette misère omniprésente dans le lieu avec sa crasse qui affleure sous l’odeur persistante du détergent, misère de la vie massacrée de ces femmes, de ces hommes souvent jeunes, rarement beaux, aux « chicots » noirâtres poursuivis par les arnaques, le tapin et la tôle. Car les salles de consommation sont aussi des hangars à pauvres. Le riche ne s’en

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approche que pour se ravitailler les soirs de dèches. C’est pourquoi elles n’ont pas bonne presse à la différence des programmes de substitution qui s’adressent à la classe moyenne toxico. La salle de consommation est donc une béquille, un correctif nécessaire pour pallier aux terribles inégalités sociales amplifiées par le marché sauvage de la drogue. Les salles de shoot, particulièrement, sont un concentré ostensible de misère. Elles ne sont d’aucune utilité contre la crise économique. Mais en autorisant la frange la plus défavorisée du corps social à mettre à nu l’une de ses plaies le plus ignorées, elle remplit un office pédagogique à l’égard des autres. Certes nous sommes tous inégaux devant les drogues, mais les plus pauvres d’entre nous sont, selon la formule consacrée par Coluche, moins égaux que les autres.

Laissons le mot de la fin à l’un des usagers interrogé (Entretien n°14), des mots qui ressemblent tellement à ceux que l’on reçoit au courrier du journal d’ASUD et qui mériteraient d’être plus souvent popularisés par la presse :

« Déjà euh, pour moi ça, ça paraissait ahurissant quoi, qu’ils ont pu faire un endroit comme ça pour euh, pour les toxicomanes, pour qu’ils puissent shooter en, on va dire en toute sécurité et puis en toute tranquillité […] ».

Pour eux, pour nous, pour vous, merci.

Fabrice Olivet, ASUD-Journal.

Introduction

La stratégie et les politiques sur la drogue en France :

de la prohibition vers la réduction des risques

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« En augmentant les fardeaux sanitaires, sociaux, légaux et économiques liés à l’usage de drogue dans le but de minimiser le nombre de personnes qui s’y adonnent, la base même de la prohibition cause plus de dommages nets aux individus et à la société qu’une acceptation du caractère inévitable d’une certaine consommation […] . De plus en plus de dirigeants, autour du monde, reconnaissent que la plupart des problèmes associés aux drogues illégales résultent de la prohibition, plutôt que d’être des conséquences inévitables de propriétés pharmacologiques des substances ».

Alex Wodak et Ron Owens (1996 : 7).

INTRODUCTION

La France a connu à partir du XIXe siècle, quatre vagues

importantes de consommation de drogues que les médecins hygiénistes de cette époque ont appelé « épidémie ». La première a eu lieu en 1880 avec la morphine, puis l’opium, la cocaïne au début du XX

e siècle et enfin l’héroïne à partir des années 1970. C’est en 1916, au moment de l’épidémie de cocaïne que le législateur français met en place le premier dispositif prohibitionniste et interdit en outre la consommation en public de drogues.1

Le 31 décembre 1970[2], en s’appuyant sur la convention unique de 1961[3], « la France devient le seul grand pays européen

1 Seule la consommation en public est réprimée. Loi du 12 juillet 1916 sur l'importation, la détention et l'usage des substances vénéneuses et notamment l'opium, la morphine et la cocaïne, JO du 4 juillet 1916. 2 Loi n°70-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage illicite des substances vénéneuses, JO du 22 septembre 2000. Tous les textes de lois et les

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[…] à adopter une attitude aussi radicale d’un interdit complet de la consommation de tous les produits classés comme stupéfiants » (C. Trautmann, 1990 : 22). Les sanctions encourues vont d’une mesure de « rappel à la loi » (article 41-1 du code de la procédure pénale) à une peine correctionnelle d’un an d’emprisonnement et d’une amende de trois mille sept cent cinquante euros (article L.3421-1 du code de santé publique, ancien article L.628). Peu de temps après, elle interdit également la vente libre des seringues (décret n°72-200 du 13 mars 1972). À partir de ce moment, la répression devient la réponse principale à la consommation de stupéfiants. Comme le note Aliou Sèye (2000 : 29), « lorsque les drogues sont identifiées à un "mal absolu" et que les usagers ne sont perçus qu’à partir des substances toxiques qu’ils utilisent, on se trouve en face d’une assimilation et d’une confusion grave entre l’homme et le produit […] : le produit est mauvais, par conséquent ceux qui l’utilisent sont aussi mauvais ».

C’est au début du XXe siècle, que le mot « toxicomane » fait

son apparition. Faisant référence à des notions de folie, de passions destructrices et d’idées obsédantes, sa définition change selon les périodes et les auteurs. Aujourd’hui, il est employé « avec assurance comme s’il correspondait à des choses bien connues et définies, alors qu’il ne réveille en nous que des notions confuses, mélanges indistincts d’impressions vagues, de préjugés et de passions » (E. Durkheim, 2004 : 22). L’absence d’homogénéité dans les définitions adoptées même dans les milieux médicaux, amène inévitablement une confusion dans le public y compris chez

décrets français sont sur le Site Legifrance [en ligne]. [réf. du 29 mai 2005]. Format pdf ou htm. Disponible sur <http://legifrance.gouv.fr/>. 3 La France est signataire de quatre traités internationaux : la convention internationale de l’opium de 1912, modifiée par le protocole de 1946, toujours en vigueur avec les pays qui n’ont pas ratifié la convention unique de 1961 ; la convention unique sur les stupéfiants de 1961, modifiée par le protocole de 1972 ; la convention sur les substances psychotropes de 1971 et la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988.

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les personnes directement concernées. L’utilisation très répondue d’un langage populaire est un obstacle supplémentaire à la bonne compréhension de la toxicomanie (R.G. Newmann, 1995). Emile Durkheim (2004 : 37) ajoute que « nous sommes tellement habitués à nous servir de [ce mot], qui revien[t] à tout instant dans le cours des conversations, qu’il semble inutile de préciser le sens dans lequel nous [le] prenons. On s’en réfère simplement à la notion commune. Or celle-ci est très souvent ambiguë. Cette ambiguïté fait qu’on réunit sous un même nom et dans une même explication des choses, en réalité, très différentes. De là proviennent d’inextricables confusions ». Ainsi pour le public, le toxicomane, « le tox », « le drogué », « le junkie » est celui qui fait usage de drogues « dures » et plus particulièrement de l’héroïne par voie intraveineuse. Pour d’autres, et notamment le législateur, le champ de la toxicomanie, dit aujourd’hui « des addictions », englobe les drogues illicites, mais également depuis 1999, « la prise incontrôlée » de produits licites tels que le tabac et l’alcool (MILDT, 1999). Le consommateur de drogues se retrouve alors assimilé à un malade ou à un délinquant et le plus souvent à un délinquant et à un malade. Pourtant, entre l’usage de drogues et la toxicomanie, il existe différentes formes d’usages : occasionnels (festifs ou récréatifs), réguliers et abusifs. Toutes ces nuances sont réduites au seul terme de toxicomane, augmentant la confusion sur la perception que l’on a du phénomène. Pour notre part, nous utiliserons les termes « usager de drogues » psychoactives et « consommateur de drogues » psychoactives non dans le sens de « dépendance »4 mais au sens d’une pratique pouvant entraîner une « conduite à risque » (D. Le Breton, 1995 : 94 ; 2000 : 112).

4 En 1969, l’OMS définie la toxicomanie comme une dépendance (dépendance physique, dépendance psychique et tolérance). Cependant, les êtres humains peuvent être dépendants de bien autre chose que d’un produit psychoactif et la dépendance est, dans une certaine mesure, aussi un élément auquel est assujetti l’être humain. Il est donc des dépendances dites normales, qui peuvent être physiologiques (besoins primaires : manger, respirer), sociales (règles de la société), affectives et éducatives.

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AUX PRISES AVEC DES ÉPIDEMIES

Depuis plus de vingt ans, la consommation de drogues et plus particulièrement l’injection de drogues, constitue une cause importante de maladies graves. La pratique d’injection a provoqué plusieurs flambées épidémiques d’infections transmissibles par le sang, notamment celles dues au VIH (ONUSIDA, 2002) et au VHC (OMS, 1997). Aujourd’hui, l’injection de drogues constitue le mode prédominant de transmission du VIH dans de nombreux pays, notamment en Asie, en Amérique latine et du Nord, en Russie et en Europe de l’Est.

La nature cachée et illégale de la consommation de drogues rend difficile l’estimation du nombre de personnes touchées. Selon l’ONUSIDA (2002), il y aurait jusqu’à dix millions de personnes qui s’injectent des drogues à travers le monde. L’OFDT (2002 : 38) estime quant à lui, le nombre « [d’]usagers d’opiacés ou de cocaïne français à problème »5 dans une fourchette allant de 150 000 à 180 000.

Parmi les 40 millions de personnes infectées par le VIH dans le monde, environ 3,3 millions l’ont été par suite de l’injection de drogues (ONUSIDA, 2001). En France, les taux d’infections par transmission sanguine ont connu une hausse alarmante pendant les

5 L’OFDT (2002 : 16) désigne une consommation à problème comme une « […] consommation qui implique, ou peut impliquer, des dommages de nature sanitaire (somatique ou psychique), sociale (incapacité de remplir des obligations : au travail, à l’école, en famille, etc.) ou judiciaire ».

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années quatre-vingt-dix. En 1993, ils correspondaient à plus d’un quart des nouveaux cas rapportés d’infection à VIH. C’est seulement en 1987, que les seringues seront remises en vente libre6 et, au contraire des pays voisins tels que la Suisse, l’Allemagne et l’Espagne, aucune autre mesure ne sera prise face à cette catastrophe sanitaire (B. Bertrand, 2003 : 15). Aujourd’hui, on observe toujours une prévalence du VIH supérieur à 20 % chez les usagers injecteurs (F.F. Hamer et A.M. Downs, 2004 : 87 ; M. Jauffret-Roustide et al., 2004).

L’hépatite C est également un problème important de santé lié à l’usage de drogues injectées et/ou sniffées. Ces pratiques de consommation sont aujourd’hui reconnues comme les causes principales de contamination par l’hépatite C dans les pays développés (OMS, 1997). D’après l’étude Coquelicot (M. Jauffret-Roustide et al., 2004), le taux de prévalence au VHC serait de 73 % en France et le nombre de nouvelles contaminations par année est estimé entre 2 700 et 4 400 personnes chez les injecteurs (J-C. Desenclos, 2003 : 85). L’InVS (M. Jauffret-Roustide et al., 2004) note que « […] la faible proportion des UD parmi les nouveaux diagnostics VIH et la diminution des cas de sida depuis plus de 5 ans confirment la réduction de la transmission du VIH dans cette population. Mais d’autres indicateurs, comme la baisse des ventes des seringues depuis 1999 (suggérant une possible reprise du partage) et la prévalence de l’hépatite C, conduisent à rester vigilant dans cette population ».

Les consommateurs de drogues s’exposent directement à un risque de décès, en raison de la toxicité des produits consommés, du mode de consommation pouvant entraîner la transmission de certaines pathologies mais également d’un mode d’existence

6 Décret n°87-328 du 13 mai 1987 (décret Barzac), JO du 16 mai 1987 ; décret n°88-894 du 24 août 1988, JO du 27 août 1988 et décret n°89-560 du 11 août 1989, JO du 12 août 1989 modifiant le décret du 13 mars 1972, réglementant le commerce et l’importation des seringues et des aiguilles destinées aux injections parentérales en vue de lutter contre l’extension de la toxicomanie.

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comportant des prises de risques plus élevés et des troubles psychiatriques pouvant entraîner des suicides. Malheureusement, le repérage actuel nous renseigne uniquement et avec peu de précision sur le nombre de décès par surdose d’héroïne7 (120 décès en 2000 contre 564 en 1994) et sur le nombre de décès par sida des consommateurs ayant utilisé la voie injectable. Dominique Lopez, Hélène Martinau et Christophe Palle (2004) montrent que la mortalité sur une cohorte de personnes interpellées pour usage de drogues (héroïne, cocaïne ou crack) est cinq fois plus élevée que celle des hommes de l’ensemble de la population française, et neuf fois plus élevée pour les femmes. Le 14 avril 2005, lors du débat de l’Assemblée nationale sur la lutte contre la toxicomanie, le député Jean-Paul Garraud (2005 : 2 959) déclarait qu’une « étude récente du professeur Pierre Kopp démontre que, sur les 165 000 héroïnomanes que comptait notre pays en 1996, environ 19 800 étaient décédés en 2004 à un âge compris entre trente et trente-cinq ans, soit environ 2 500 personnes par an ».

Les nouvelles consommations (crack, ecstasy), notamment les poly-consommations, la cocaïne (E. Wood et al., 2003), l’injection du Subutex® et l’accroissement de l’utilisation de la voie nasale augmentent les risques (infections, dégradation physique et psychique, prises de risques). Ercan Acar (2004 : 29), travailleur social en Alsace, fait remarquer « que l’introduction des traitements de substitution a fait émerger de nouvelles problématiques avec des comportements à risque, principalement en ce qui concerne le Subutex® à travers ses mésusages et sa prescription sans proposition d’accompagnement social ou psychologique. Les usagers sont souvent engagés dans des

7 Les décès causés par une overdose ne sont pas signifiés de la même manière suivant les pays européens. En France, un décès est signifié comme overdose si celui-ci intervient directement et immédiatement après une consommation de drogues et est certifié comme tel après une autopsie, une analyse toxicologique et une signalisation auprès de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OEDT, 2001 : 17).

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conduites à risques importantes, avec un développement inquiétant de la consommation des médicaments psychoactifs [...]. L’injection régulière de Subutex®, en recrudescence, a entraîné chez les consommateurs des conséquences somatiques et psychologiques importantes [...] ».

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L’APPLICATION D’UNE NOUVELLE APPROCHE

L’année 1993 a constitué, pour de nombreuses associations du champ de la toxicomanie et de la lutte contre le sida, une étape fondamentale dans la formalisation d’une réponse à la problématique VIH et usage de drogues, en clarifiant les revendications formulées et la réponse sociale mise en place. Nous assistons ainsi à l’émergence et à l’application d’une nouvelle approche : la réduction des risques liés à la consommation de drogues. Celle-ci se fonde sur deux principes : le pragmatisme et l’humanisme. Le postulat de base est que l’usage des drogues est une réalité avec laquelle nous devons composer. Il convient donc de limiter, le plus possible, les risques sanitaires et sociaux liés à la consommation de drogues sans nécessairement vouloir influencer celle-ci de manière directe. Anne Coppel ((a), 2002 : 21) fait remarquer « [qu’]il vaut mieux ne pas consommer de drogues mais si vous en consommez, il vaut mieux consommer les drogues les moins dangereuses et de façon la moins dangereuse possible ; il faut mieux ne pas s’injecter des drogues mais si vous persistez à vous en injecter, alors il faut utiliser une seringue stérile ».

Concrètement, l’approche de réduction des risques se traduit aussi par des actions de soutien dans le domaine de la santé, du social, du logement, du travail, etc. Celles-ci incluent notamment la mise à disposition de moyens de prévention du sida et des hépatites comme des seringues, des cuillères, de l’eau, des kits sniff et d’inhalation, des préservatifs, etc. Une telle politique de prévention a pour conséquence de transformer la « question sociale »

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(R. Castel, 1995 : 530) en s’inscrivant aux marges des cadres normatifs des politiques pénales ou sanitaires jusqu’alors seules légitimes pour traiter des questions de toxicomanie. Elle modifie également les modes d’appréhension des populations usant de drogues psychoactives. Dans une démarche basée sur le principe d’abstinence, le rapport des consommateurs de drogues au système de prise en charge s’inscrit dans une logique d’appropriation détournée de celui-ci et est considéré comme inefficace et dangereux. Avec l’avènement des interventions auprès des usagers actifs, cette conception du rapport des UD (Usagers de Drogues) au système de prise en charge change radicalement. L’usage de « l’espace public » leur est désormais autorisé puisque les interventions impliquent qu’ils soient pris en charge quand bien même ils se droguent. Intervenir au cœur du milieu de la toxicomanie est considérée comme une condition de l’efficacité de la dite intervention. Toutefois, toute consommation de drogues reste aujourd’hui clandestine et entraîne une augmentation des risques sanitaires, notamment ceux liés aux conditions d’asepsie qui ne sont pas toujours idéales. La création de nouveaux dispositifs dits à bas seuil d’accès,8-9 à partir des années quatre-vingt-dix, a permis d’accueillir les personnes consommatrices de drogues les moins insérées, qui ne fréquentaient pas ou peu des structures plus « exigeantes » d’accès. Mais toute consommation de produit reste là aussi officiellement interdite dans ces lieux.

8 « Le concept de bas seuil fait référence à une approche d’aide destinée aux usagers de drogues. Cette approche a pour principaux objectifs : l’accueil et l’accompagnement des usagers ainsi que la réduction des dommages liés à l’usage de drogues. Le concept de bas seuil implique que les offres soient faciles d’accès et comportent peu d’exigences. Il peut s’appliquer aux différents aspects de la vie des usagers de drogues » (F. Benninghoff, 1999). Voir également (R. Vogt, 2002). 9 D’après 2 enquêtes, il existait, en 2004 : 154 structures RDR : 159 lieux d’accueil dont 49 boutiques, 51 bus, 52 équipes de rue, 35 PES non identifiés, 7 programmes d’hébergement de type sleep in, 48 équipes d’intervention en milieu festif dont 9 spécifiques (Enquête AFR), 241 distributeurs de seringues et 222 récupérateurs de seringues sur 54 département (Enquête SAFE).

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Toutefois, comme l’a dit Malika Tagounit (2001 : 40) lors de la première journée-débat nationale organisée sur les salles d’injection à moindre risque, « il existe une tolérance sous jacente dans les boutiques. Il s’agit pour les usagers de drogues de le faire le plus discrètement possible, car s’ils se font surprendre, il y aura un manquement aux règles ».

En 1993, le collectif de personnes et d’associations « Limiter la casse »10 publie dans Le Monde et Libération (19 octobre 1993), un appel qui commençait par : « Des toxicomanes meurent chaque jour du sida, d’hépatites, de septicémie, par suicide ou par overdose. Ces morts peuvent être évitées, c’est ce qu’on appelle la réduction des risques […]. L’alternative entre incarcération ou obligation de soin est une impasse. La responsabilité des pouvoirs publics est engagée comme elle le fut dans l’affaire du sang contaminé. Parce qu’une seule injection suffit pour devenir séropositif, parce que les toxicomanes sont nos enfants, nos conjoints, nos voisins, nos amis, parce qu’on ne gagnera pas contre le sida en oubliant les toxicomanes, limitons la casse ! ».

En mars 1995, le gouvernement français répond à l’appel du collectif « Limiter la casse » en mettant en vente dans les pharmacies le Stéribox® (kit adapté à l’usage de drogues injectables) et il autorise les associations menant une action de prévention du sida ou de réduction des risques chez les usagers de drogues à distribuer gratuitement des seringues stériles.11 Comme le font remarquer Annie Mino et Sylvie Arsever (1996 : 75), il a « fallu un mouvement d’opinion dépassant le milieu médical pour faire reconnaître le droit des toxicomanes à la survie ». Les

10 La première réunion du collectif a eu lieu le 25 mars 1993 à Paris. En 1998, le collectif « Limiter la casse » est devenu l’Association française pour la réduction des risques liés à l’usage de drogues (AFR). 11 Décret n°95-255 du 7 mars 1995, JO du 9 mars 1995 modifiant le décret du 13 mars 1972, réglementant le commerce et l’importation des seringues et des aiguilles destinées aux injections parentérales en vue de lutter contre l’extension de la toxicomanie.

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traitements de substitution aux opiacés (Méthadone® et Subutex) acquièrent un cadre légal. L’auto support12 se développe et prend une dimension nationale au travers, notamment de la multiplication des groupes ASUD13 en province. Comme le note Elisabeth Jacob (1996 : 117), « on peut se demander si, en palliant les dysfonctionnements et les insuffisances du système traditionnel, la fonction de ces nouveaux dispositifs n’est pas de venir masquer les ambiguïtés portées par la loi et faire l’économie d’une réflexion et d’un investissement suffisamment conséquent pour donner lieu à une véritable politique en matière de toxicomanie » qui ne dépendrait pas du degré de tolérance des décideurs politiques.

Malgré la réussite extraordinaire de la politique de réduction des risques sur l’amélioration de l’état de santé des usagers de drogues pris en charge14 et sur la diminution du nombre de nouvelles contaminations par le virus du sida, dans les quartiers dits sensibles des grandes villes, comme dans la plupart des régions françaises, rien ne semble avoir changé. Un observateur alsacien (P.Y. Bello et al., 2004 : 52) fait remarquer que « […] chez les jeunes de l’espace urbain, on constate un développement de l’injection : "ça se remet à shooter". Cela dit le phénomène est difficile à appréhender puisque l’intervention des forces de l’ordre a contribué à fermer un squat qui servait de "shooting room" et où 200 personnes venaient s’injecter. Aujourd’hui, le phénomène est

12 Traduction de l’anglais self-help. « Regroupement de volontaires, généralement des toxicomanes, que réunit un but commun d’entraide, de satisfaction de besoins partagés et de résolution d’un problème social, auquel le groupe répond par ses propres ressources. […] Dans ce cadre, la communauté toxicomane prend conscience de son existence comme groupe identitaire. Elle met en œuvre une stratégie éducative visant essentiellement à changer les "normes de risques" en "normes de réduction des risques" » (A. Toufik, 1999 : 55). Voir également (M. Jauffret, 2000). 13 Association d’auto-support et de réduction des risques parmi les usagers de drogues (supra, note n°12). 14 Six patients sur dix déclarent être très satisfaits ou satisfaits de leur traitement de substitution (AIDES, 1998).

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beaucoup plus dispersé et diffus. Dans le milieu urbain, les injecteurs de Subutex® se remettent à consommer de l’héroïne. Ce phénomène concerne aussi bien les anciens usagers substitués à la BHD que les jeunes injecteurs primo-dépendants au Subutex® ».

La consommation de drogues affecte toute la communauté, et pas seulement les usagers de drogues. Elle génère dans des lieux publics une grande quantité de déchets peu attrayants et qui coûtent cher à ramasser.15 Les seringues jetées sur la voie publique posent un risque pour la santé, de piqûres accidentelles, de transmission de pathogènes par le sang, notamment pour les employés municipaux, les gardiens et les concierges qui ramassent ces ordures, puis pour les éboueurs et les trieurs qui s’en occupent. Mais, en plus du problème d’ordures ayant trait à la drogue, les attroupements de consommateurs sont largement considérés par le public comme une nuisance et une menace.

Pour Elisabeth Jacob, la réduction des risques est considérée comme une réponse pragmatique aux risques liés à la consommation de drogues. Elle fait remarquer (1996 : 117) que « les intervenants sont à la fois tenus de respecter et faire respecter la loi, tout en donnant aux usagers de drogues les moyens de déroger à cette dernière sans prendre de risques ». Ils sont pour Pierre Bourdieu et Gabrielle Balazs (1993 : 384) une « sorte d’avant-garde d’une institution à qui il[s] offre[nt] des services irremplaçables mais qui est toujours prête à le[s] désavouer [...] ».

L’année 2003 aurait dû être l’année du changement avec la réforme de la loi du 31 décembre 1970 car comme le note Paul Benkimoun (2005), « il [était] devenu urgent de changer la loi ». Mais à l’été 2004, le gouvernement se dérobe car il est devenu « urgent de ne pas la modifier », replongeant ainsi la politique

15 Il existe peu de données concernant la quantité de seringues ramassées sur la voie publique. Pour exemple, il a été ramassé à Mulhouse, 1 495 seringues en 2000 et 1 438 en 2001 par les équipes de réduction des risques sur des lieux publics et semi-publics.

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française en matière de lutte contre la toxicomanie dans une totale incohérence puisque qu’au même moment, la loi de santé publique 2004 est votée donnant un cadre légal à la réduction des risques.16

Une des solutions partielles proposées à la consommation de drogues illicites, dans le souci d’une politique de réduction des risques pragmatique, consisterai à établir, tout d’abord à titre expérimental, des lieux d’accueil bas seuil avec possibilité de consommer à moindre risque des drogues psychoactives.17 C’est ce que recommandent notamment des instances créées par l’État comme le Conseil national du sida (CNS, 2001 : 131) et le Comité stratégique du programme national hépatites virales (2005), mais aussi l’Organisation mondiale de la santé (N. Hunt, 2003 : 48 ; N. Wright, C. Millson et C. Tompkins, 2005) et l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (M. Jauffret-Roustide, 2005 : 28). Neuf pays ont déjà opté pour cette stratégie de réduction des risques : la Suisse, l’Allemagne, la Hollande, l’Espagne, le Canada, l’Australie, la Norvège, l’Afghanistan et en juillet 2005 le Luxembourg.

Même si la question des salles de consommation à moindre risque n’est pas prévue dans l’agenda de la classe politique, elle constitue cependant une stratégie de réduction des risques et des

16 Article 12 de la Loi n°2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. JO du 11 août 2004 (article L.3121-3 à L.3121-5 du code de santé publique) ; décret n°2005-347 du 14 avril 2005, JO du 15 avril 2005, approuvant le référentiel national des actions de réductions des risques en direction des usagers de drogue et complétant le code de la santé publique ; décret n°2005-1606 du 19 décembre 2005, JO du 22 décembre 2005, relatif aux missions des centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues et modifiant le code de la santé publique et circulaire n°DGS/S6B/DSS/1A/DGAS/5C/2006/01 du 2 janvier 2006 relative à la structuration du dispositif de réduction des risques, à la mise en place des centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues et leur financement par l’assurance maladie. 17 Le décret n°2005-347 du 14 avril 2005 couvre la possibilité d’expérimenter des salles de consommation à moindre risque.

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dommages suscitant un attrait certain pour les associations, les professionnels du secteur sanitaire et social et les riverains.18 Un intervenant de Mulhouse (B. Bertrand, 2003 : 19) fait remarquer que « si nous donnons des seringues stériles, c’est bien parce qu’elles vont être utilisées et nos interventions ont pour but que les personnes qui vont s’injecter prennent le moins de risques possible. Alors pourquoi ne pas aller jusqu’au bout de la logique et éviter qu’ils aillent se cacher dans des lieux dépourvus de toute hygiène pour faire leurs injections. […] ». Toutefois, les consommateurs de drogues sont largement absents des débats entourant leurs instaurations éventuelles. Certes, on les consulte au moyen de questionnaires mais ces pratiques sont interrogatives et étrangères à une démarche compréhensive.

Il s’agit ici d’étudier et d’analyser quelques dispositifs étrangers qui ont axé leurs interventions autour de la prise en compte des pratiques des consommateurs de drogues psychoactives les plus marginalisés. Trois dispositifs, ayant chacun opté pour un mode d’approche et de captation particulière, ont été étudiés : 1. Quai 9 à Genève (Suisse) ; 2. MSIC (Medically Supervised Injecting Centre) à Sydney (Australie) et 3. Insite à Vancouver (Canada). Au travers de ces expériences respectives et en analysant les points de vue des consommateurs de drogues sur l’ouverture éventuelle d’une structure d’accueil avec possibilité de consommer à moindre risque des drogues psychoactives (SCMR)19 en France, il s’agit de saisir, au-delà des spécificités des structures, la manière dont elles contribuent à la construction de nouveaux modes d’intervention pouvant bouleverser et mettre en cause les

18 « Lorsqu’en 1995, des habitants du X

e arrondissement de Paris découvrent qu’une Boutique va s’ouvrir dans leur quartier, que cette Boutique va accueillir de drogués qui se droguent, lorsqu’ils comprennent qu’il s’agit d’une politique publique, financée par le ministère de la santé, la question ne manque pas d’être posée : "Vous distribuez des seringues aux toxicomanes mais où vont-ils injecter leur drogue ?" » (A. Coppel (a), 2002 : 11). 19 Cf. p. 51.

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référentiels professionnels dans le champ de la toxicomanie tout en introduisant un déplacement du centre de gravité des logiques de travail social.

En axant l’analyse autour de ces trois expériences, nous sommes partis de l’hypothèse suivante. L’émergence d’un terrain d’intervention aux interstices des dispositifs classiques de réduction des risques, qui tolère la consommation de drogues illicites à l’intérieur de structures bas seuil, en offrant des conditions d’hygiène favorable, permet une meilleure prise en charge d’une population au parcours chaotique, tout en réduisant la « menace » que représente la consommation de drogues pour l’ordre public, mais également les dommages liés à celle-ci.

La partie 1 (« Apprendre de l’expérience d’autres pays : l’ouverture de salles de consommation à moindre risque »), examine les résultats de la mise en place de SCMR en Suisse, en Australie et au Canada, en décrivant brièvement les modèles adoptés. Les données disponibles montrent que l’intégration de SCMR en tant qu’outil de réduction des risques et des dommages liés à la consommation de drogues, est susceptible d’entraîner d’importants bénéfices pour les utilisateurs et pour la communauté, et que de telles initiatives devraient au moins être expérimentées.

La partie 2 (« Approche sociologique de l’ouverture de structures d’accueil avec possibilité de consommer à moindre risque des drogues ») porte sur les arguments invoqués fréquemment pour et contre la mise en place de SCMR. Cette partie conduit à la conclusion que les arguments cités contre l’ouverture de SCMR sont non fondés ou exagérés.

La partie 3 (« Points de vue des consommateurs sur la mise en place éventuelle de lieux de consommation à moindre risque ») explique le sens que revêt, pour les consommateurs de drogues, l’éventuelle ouverture d’une SCMR à Mulhouse, et comment ils élaboreraient un tel projet si on leur en offrait la possibilité.

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MÉTHODOLOGIE

Nous avons choisi trois méthodes de collecte de données (par triangulation) : la recherche documentaire, l’observation participative et les entretiens semi-directifs.

Recherche documentaire

Nous avons commencé la recherche par une revue et analyse de la littérature comprenant des ouvrages scientifiques (sociologiques, épidémiologiques, etc.) présentant de manière diversifiée le sujet étudié afin de présenter une recherche « honnête ». Puis nous avons poursuivi en étudiant des documents de terrain (livres, articles, revues spécialisées, recherches, rapports d’activités, comptes rendus de réunion, bilans d’évaluation, etc.). Plusieurs voies ont été utilisées pour trouver l’information écrite : l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive de Lausanne et de Bâle, les associations de lutte contre le sida et de réductions des risques, les centres spécialisés de soins aux toxicomanes, etc. Les références de ces documents ont été soigneusement étudiées pour trouver les informations complémentaires. D’autres sources ont été utilisées, telles que internet et les articles de presse.

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Observation participative

L’observation participative suppose, pour Pascale Jamoulle (2000 : 20), « quel que soit le lieu où elle se réalise, une immersion préalable pour créer les conditions de la confiance et engager des échanges de qualité. Ce qu’il faut comprendre, c’est la valeur du temps passé avec le groupe que l’on étudie, le temps de comprendre où sont dans l’univers des enquêtes les problèmes et les enjeux, les codes culturels et sociaux selon lesquels ces personnes agissent, décrivent et justifient leurs actes ». C’est dans le temps que le sociologue « pourra faire la preuve qu’il a, lui aussi, quelque chose à donner en échange du droit d’enquête qu’il sollicite. Il peut donner une attention, une écoute, une capacité de comprendre. Sa "volonté de savoir", même dans ce qu’elle a d’intrusif, enveloppe aussi une forme de reconnaissance de ses enquêtes » (O. Schwartz, 1993 : Postfast).

Pour autant, le chercheur ne doit pas chercher à être consommateur à part entière. Il est primordial en ce sens de se présenter auprès des consommateurs en tant que scientifique, non seulement pour des raisons de déontologie (éviter d’être démasqué et d’en subir les conséquences) mais aussi pour des raisons d’objectivité (vouloir trop ressembler aux consommateurs peut amener à faire une étude engagée, voir militante).

Il s’agira de comprendre et d’analyser l’expérience de trois SCMR (historique, description, fonctionnement, règlement, heures d’ouverture, équipe d’intervenants, etc.). Les SCMR de Genève (Quai 9), Bâle (Kontakt- und Anlaufstelle I, II et III ), Madrid (Dispositivo Asistencial de Venopuncion) et Saarbrücken (Drogenhilfezentrum) ont été visitées à plusieurs reprises. Sur les trois structures présentées dans ce travail, seul Quai 9 en Suisse a fait l’objet d’une observation participative (février 2005). Le travail d’analyse des deux autres structures (MSIC en Australie et Insite au Canada) s’est fait à partir d’une base documentaire

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assez fournie, de participation à des colloques internationaux et de l’observation des différentes structures visitées.

Entretiens semi-directif

Afin de connaître les points de vue des consommateurs de drogues sur la mise en place éventuelle de SCMR, un guide thématique d’entretien a été élaboré après inventaire et analyse des études étrangères du même type. Il a été ensuite testé auprès de cinq consommateurs de produits psychoactifs afin d’en évaluer la pertinence, la lisibilité et la compréhension (cf. Annexe n°2, p. 155).

Par la suite, un échantillon de consommateurs de drogues psychoactives a été interrogé sur une période d’un mois (janvier 2005). Dans sa forme finale, la grille d’entretien était composée de trois parties : 1. Points de vue concernant les salles de consommation à moindre risque (ce que pense la personne de l’ouverture éventuelle d’une SCMR ; types de services offerts dans la SCMR ; fonctionnement et aménagement de la SCMR ; règlement de la SCMR ; utilisation projetée de la SCMR) ; 2. Histoire et produits (ancienneté dans l’usage ; produits consommés ; lieu de consommation ; expérience de surdose, etc.) et 3. Informations générales (sexe ; âge ; enfants ; lieu d’habitation, etc.).

Les entretiens ont été effectués par le chercheur avec la collaboration des membres de l’association d’auto-support LUDIC20 car la connaissance et la proximité du milieu que l’on interroge permet de plus grandes facilités pour entrer en contact avec celui-ci, avec la possibilité d’ouvrir des interactions sur le

20 Libres, Usagers de Drogues Informés et Citoyens : association de santé communautaire pour la réduction des risques et des dommages liés à la consommation de drogues (supra, note n°12). LUDIC a rejoint le réseau ASUD en 2006.

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registre de l’échange social ordinaire. Comme le note Pierre Bourdieu (1993 : 1 395) à propos du travail de recueil de données en sociologie : « […], lorsque l’interrogateur est socialement très proche de celui qu’il interroge, il lui donne, par son interchangeabilité avec lui, des garanties contre la menace de voir ses raisons subjectives réduites à des causes objectives [...] D’autre part, se trouve ainsi assuré en ce cas un accord immédiat et continûment confirmé sur les présupposés concernant les contenus et les formes de communication : cet accord s’affirme dans l’émission ajustée, toujours difficile à produire de manière consciente et intentionnelle, de tous les signes non verbaux, coordonnés aux signes verbaux, qui indiquent soit comment tel ou tel énoncé doit être interprété, soit comment il a été interprété par l’interlocuteur ». Pour cela, les volontaires de l’association LUDIC ont participé à deux séances de formation où dans un premier temps toutes les questions ont été relues afin d’en comprendre le sens. Puis dans un second temps, des mises en situation ont été effectuées (un enquêteur et un consommateur).

Pour notre étude, nous avons rencontré 25 personnes (on trouvera en annexe n°3, p. 163 à 170 une présentation des consommateurs interrogés), soit 22 hommes et 3 femmes. Leurs âges varient entre 21 et 48 ans (moyenne : 32,5). Les personnes interrogées ont été rencontrées dans le cadre de programmes de réduction des risques (Trait d’Union/AIDES DD68 et boutique BEMOL/ARGILE), d’une association d’auto-support (LUDIC), de CSST (ALTER NATIVE et LE CAP) de Mulhouse et directement sur prise de contact par les consommateurs de drogues21 afin de répondre aux critères de diversité et d’exhaustivité d’une procédure d’échantillonnage par contraste. Selon Alvaro Pires (1997 : 159), « la représentativité ou la généralisation s’appuie alors d’abord sur une hypothèse théorique (empiriquement fondée) qui affirme que

21 Des flyers étaient mis à disposition et/ou distribués par différentes structures, par des associations, par des médecins généralistes et par un pharmacien afin que les personnes puissent contacter le chercheur.

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les individus ne sont pas tous interchangeables, puisqu’ils n’occupent pas la même place dans la structure sociale et représentent un ou plusieurs groupes ». Les entretiens ont donc été effectués dans les locaux de la boutique BEMOL/ARGILE, du CSST ALTER NATIVE, du CSST LE CAP, chez les consommateurs de drogues et dans des bars. Les entretiens ont duré entre 25 et 50 minutes.

Dans un second temps, l’échantillon a été invité à participer à un focus groupe (avril 2005) afin de mettre à jour la logique interne des discours, d’en dégager la structure argumentative, plutôt que de chercher à en expliquer quelles sont les conditions sociales qui les structurent et les rendent possibles, car comme le note Ilja Maso (1989), « la recherche qualitative orientée, par opposition à la recherche quantitative, vise à une compréhension en profondeur plutôt que de présenter des tendances de grande échelle [trad.] ».

Pour l’analyse des entretiens, il a été utilisé les logiciels Modalisa (licence d’utilisation accordée à l’association AIDES) et Tropez zoom (licence gratuite) sous Windows XP (PC).

Question méthodologique : la (non) représentativité de l’échantillon interrogé ?

Avant que des critiques de non-représentativité apparaissent sur les conclusions de cette recherche, nous allons y répondre. Giovanni Busino (1993 : 21-45) donne une réponse à cette question de représentativité. Il démontre que la représentativité des études quantitatives en sciences sociales est revendiquée sans que l’hypothèse d’une relation serrée entre les variables de contrôle (âge, sexe, catégories socio-professionnelles, etc.) et les réponses données soit vérifiable. Il note que « […] nous n’avons aucun moyen pour évaluer la variabilité de l’estimation. Nous avons là, grâce à un emprunt à la statistique, un outil important, mais dénué - en sociologie - de toute validité théorique et donc de légitimité pratique » (G. Busino, 1993 : 32).

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Plus clairement, nous pouvons affirmer que la prétention de re-présenter les points de vue des consommateurs tout en structurant pour eux les possibilités discursives est en complète contradiction avec l’objet de recherche. Le désir de prétendre à la représentativité d’un échantillon de personnes suppose, la préfabrication, qui, elle, ne conduit qu’à l’anesthésie du sens. Le désir de construire un échantillon représentatif sur le modèle que l’on présente des sciences naturelles suppose donc l’impossibilité de re-présenter les points de vue diversifiés des consommateurs en tenant compte de leurs nuances (F. Laplantine, 2002 : 67-69).

Le choix d’aborder le sens par l’intermédiaire des mots plutôt que des chiffres a pour objectif de re-présenter le sens que revêt la mise en place éventuelle de SCMR pour les consommateurs de drogues, en considérant la présentation que nous en faisons comme le fruit contingent de notre rencontre avec eux. Notre objectif est de donner la parole aux acteurs en demeurant près de leurs mots. Cette parole est considérée non comme une chose que la démarche scientifique pourrait découvrir sans l’altérer et la représenter objectivement, mais plutôt comme le résultat d’un processus de construction discursive dialogique.

Notons que rencontrer des consommateurs de drogues pour obtenir leurs points de vue sur les SCMR peut donner lieu, à l’interprétation suivant laquelle l’enquêteur croit que « c’est une bonne chose », ou qu’il joue un rôle dans la réclamation de SCMR. Toutefois, les discours que nous allons présenter nous laisse croire que nous avons rendu possible l’énonciation de propos pouvant s’écarter de toute désirabilité sociale, notamment des propos autres que ceux que les personnes interrogées ont pu avoir l’impression que l’enquêteur attendait d’eux (« je suis d’accord avec votre projet »).

Partie 1

Apprendre de l’expérience d’autres pays :

l’ouverture de salles de consommation à moindre risque

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« Il n'y a pas de société sans drogues, il n'y en a jamais eu. Il n'y a pas non plus de solution miracle, ni en France, ni dans aucun pays. En revanche, il existe des réponses efficaces, afin d'éviter les consommations dangereuses et réduire les risques lorsqu'il y a usage ».

Nicole Maestracci, Présidente de la MILDT de 1998 à 2002, Drogues : savoir plus, risquer moins, p. 9.

INTRODUCTION

Dans les écrits, les structures permettant une consommation « sécurisée » de drogues sont désignées par : local d’injection sous surveillance ; pîquerie22 ; zones de tolérance ; shooting room ; gassenzimmer ; salles de santé ; fixerstübli ; drug injecting room ; shooting gallery ; centres de contact ; fixpunkt ; consumption rooms ; salas de consumo higiénico ; supervised injecting centres ; drogenkonsumraum ; medically supervised injecting centre ; safe injection facilities ; gesundheitsräume ; salle d’injection à visée éducative et quelques fois, à tort, centres de consommation « sûrs », puisque la sûreté ne peut-être garantie tant et aussi longtemps que la qualité de la drogue et de la quantité de drogue ne font pas aussi l’objet d’un contrôle. Nous préférons utiliser structure d’accueil avec possibilité de consommer à moindre risque des drogues psychoactives (SCMR) parce que la nature

22 Selon la littérature, une pîquerie est une salle de consommation non autorisée gérée par les consommateurs de drogues.

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« sécuritaire » de ces lieux est également équivoque (est-il fait référence à la violence ? à la répression policière ? aux risques de surdoses ?), parce que nous voulons insister sur le fait que la revendication de la mise en place de tels lieux ne s’accompagne d’aucune mise en cause du régime prohibitif et parce que les SCMR laissent la porte ouverte à des modes de consommation alternatifs (par inhalation par exemple). En juillet 2005, il y avait 78 SCMR dans 45 villes du monde :

- 31 SCMR en Hollande : Amsterdam (9), Apeldoorn (1), Arnhem (1), Den Bosch (1), Breda (1), Eindhoven (1), Groningen (1), Heerlen (1), Maastricht (1), Nijmegen (1), Rotterdam (7), Tilburg (1), Utrecht (3), Venlo (1) et Zwolle (1) ;

- 20 SCMR en Allemagne : Hamburg (8), Frankfurt (4), Hannover (1), Saarbrücken (1), Münster (1), Wuppertal (1), Essen (1), Köln (1), Dortmund (1) et Aachen (1) ;

- 17 SCMR en Suisse : Bâle (3), Heerbrugg (1), Bern (1), Olten (2), Riehen (1), Schaffhausen (1), Solothum (1), Winterthur (1), Chur (1), Zurich (3), Bienne (1) et Genève (1) ;

- 3 SCMR en Espagne : Madrid (1), Bilbao (1) et Barcelone (1 unité mobile) ;

- 3 SCMR en Afghanistan à Kaboul. L’association Nejat permet aux femmes consommatrices de « [...] prendre de la drogue sur place [...] » dans les trois centres de l’association (E. De Lavarene et P. Zidi, 2004) ;

- 1 SCMR en Australie à Sydney ;

- 1 SCMR au Canada à Vancouver ;

- 1 SCMR en Norvège à Oslo ;

- 1 SCMR au Luxembourg à Bonnevoie ;

- D’autres pays comme la Slovénie, le Portugal et la Belgique étudient la mise en place de SCMR.

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Les expériences étrangères ont participé et participent aujourd’hui encore à l’émergence d’alternatives à la prise en charge des usagers de drogues, en constituant une source d’inspiration, un vivier expérimental au sein duquel certains vont aller rechercher des modèles d’intervention susceptibles d’être reproduits en France. L’avènement et l’extension des SCMR dans plusieurs pays vont être à l’origine de transformation dans la manière de concevoir l’action sociale et ouvrir à une recomposition du système de prise en charge traditionnelle, telle est en tout cas l’hypothèse qui a guidé notre investigation.

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DES EXPÉRIENCES FRANÇAISES DE SALLE DE CONSOMMATION

Même si les SCMR ne sont pas officiellement ouvertes en France, des expériences passées et présentes existent.

La « maison d’accueil » d’ASUD Montpellier

En mai 1994, l’association ASUD Montpellier ouvre une salle d’injection de médicaments prescrits par des médecins et met les autorités dans l’embarras (l’ouverture officielle a eu lieu le 7 octobre 1994 en présence du Maire de Montpellier et de nombreux médecins et pharmaciens lors d’une réception offerte par Bernard Kouchner). Située dans une petite maison derrière la gare ferroviaire de Montpellier et en face d’une usine à gaz, rue du Pont-des-Lattes, ASUD Montpellier permettait à une vingtaine de personnes de s’injecter à moindre risque.

À l’entrée, était affiché sur la porte, la liste des pharmaciens de garde. La salle d’injection était une pièce de dix mètres carrés avec une table, des chaises, un lavabo, des plantes vertes et un conteneur pour les seringues usagées. Contre les murs, des affiches de prévention en plusieurs langues, des articles de presse, une affiche de Bob Marley et des étagères où étaient stockés seringues, cuillères, tampons alcoolisés, etc. Un règlement rappelait l’utilisation de la salle : « Casser les aiguilles de seringues après usage et les jeter dans la poubelle prévue à cet effet ; garder le lieu propre et ne pas y pénétrer à plus de deux ». À l’étage se trouvaient

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les bureaux d’ASUD Montpellier avec cinq salariés et des bénévoles. Dans la salle d’injection, pas de consommation d’héroïne, ni de cocaïne mais uniquement des traitements prescrits par des médecins.

Le premier décembre 1994, le Préfet de l’Hérault Charles-Noël Hardy déclarait que la salle d’injection « n’était pas illégale » car « si la substitution par injection est répréhensible aux yeux du code de la santé... elle ne l’est pas à ceux de la loi ». Pour le commissaire de police Parat, « l’association ne troubl[ait] pas l’ordre public » et « nous n’av[i]ons pas constaté d’infraction, il n’y a[vait] donc pas de raison d’intervenir ». Malgré le soutien de médecins, de pharmaciens, d’associations telles que AIDES, Médecins du monde, Ensemble contre le sida et de Georges Frêche, le maire de Montpellier qui estimait que « [...] cette salle [devait] continue[r] de fonctionner comme premier sas d’accueil de toxicomanes candidats à la substitution », la Direction générale de la santé (DGS) mit fin à la salle d’injection au courant de l’été 1995 (Revue de presse ASUD, 1994-1995).

Un bilan d’auto évaluation (C. Montaucieux, 1995 : 22) chiffre à 594 le nombre de visites à la « maison d’accueil » d’ASUD Montpellier durant les trois derniers mois de 1994. Pendant cette période, ont été dénombrés 364 injections de Temgésic®, 32 d’Orténal® et 57 de Monscontin® dans la salle d’injection propre fréquentée par une vingtaine de personnes par jour.

Aménagement d’une SCMR dans un squat23

Cette action a eu lieu pendant plus d’un an entre 1999 et 2000 dans un bâtiment désaffecté d’une ville moyenne. Celle-ci était encadrée par une équipe de réduction des risques intervenante en rue. Le

23 Nous tiendrons secret le nom de la ville où s’est déroulée cette action, l’association qui l’a mené et les références documentaires.

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bâtiment désaffecté, situé en centre ville, comportait plusieurs étages avec une multitude de salle. « Ici, c’est un lieu de fix, pas de deal […]. Y’a trois shootoirs : ici, là et là-haut » expliquait un usager qui fréquentait le lieu. Une des pièces se trouvait au sous-sol du bâtiment, d’une surface d’environ soixante mètres carrés avec un carrelage marron au sol et au mur. La lumière extérieure éclairait la pièce par trois petites fenêtres situées en haut d’un des murs. Le sol était recouvert de morceaux de verre, de détritus, de bouchons de seringues, de Stéricup® usagés, de plaquettes de médicaments vides, de boîtes de bière, de restes de nourriture, de papiers, etc. Les conditions sanitaires de consommation étaient catastrophiques et l’équipe de rue c’est alors interrogée sur ce qu’elle pouvait mettre en place pour les améliorer. Au début, l’équipe de rue passait deux à trois fois par semaine rencontrer la cinquantaine de consommateurs de drogues qui fréquentait ce bâtiment, puis peu à peu tous les jours. Lors de leur réflexion, l’idée d’aménager une SCMR a fait l’unanimité au sein de l’équipe. Cependant un problème se posait : le cadre juridique avec notamment l’article 222-37 alinéas 2 du code pénal qui punit « le fait de faciliter, par quelque moyen que ce soit, l’usage illicite de stupéfiants ». Après une longue réflexion, l’équipe a décidé de mettre à disposition des usagers un bidon de javel diluée dans de l’eau, des balais et des serpillières. Suite à cela, les usagers ont décidé de nettoyer la pièce du sous-sol et de l’aménager avec des matériaux trouvés sur place : une grande planche en bois et des parpaings trouvés sur place allaient servir de table et des cagettes de chaises. La salle de consommation était précaire mais le lieu était propre. Plusieurs fois par jour, les usagers nettoyaient la pièce à l’eau de javel. L’équipe de rue passait tous les jours pour apporter et récupérer le matériel (seringues, récupérateurs de seringues, etc.) et travaillait avec les usagers autour d’une éducation sur les pratiques safer use avant, pendant et après l’injection. La SCMR pris fin avec la fermeture du bâtiment qui allait être réhabilité. La documentation de cette action ne fait pas référence à des données quantitatives.

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D’autres expériences de SCMR ont eu lieu sur différentes structures de réduction des risques (boutiques, bus, fêtes techno, etc.) qui ont eu chacune des résultats positifs en terme de fréquentation, d’éducation et de counselling.24

24 Le counselling est une technique d’accompagnement de type psychologique issue des pays anglo-saxons. Il a pour but de permettre à un individu de trouver en lui-même les ressources pour faire face à une situation donnée. Il est plus généralement utilisé dans toutes les démarches visant à accompagner une annonce mettant en jeu l’équilibre de la personne ou un changement de comportement.

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DESCRIPTION DES DIFFÉRENTES STRUCTURES ÉTUDIÉES

Suisse

La politique suisse en matière de lutte contre les toxicomanies est légiférée par la « LStup » du 3 octobre 1951.25 La manière dont cette loi est appliquée à travers la Suisse diffère considérablement dans toute la fédération car les cantons sont responsables de l’application des lois fédérales.

D’après Marina Kroker (2003), le nombre de consommateurs de drogues dépendants est estimé (valeur moyenne) à 30 000 personnes soit 4,1 pour 1 000 habitants.26 15 000 auraient un traitement de substitution à la Méthadone®, 1 200 à l’héroïne médicalisée ; 4 000 seraient en désintoxication et 700 en traitement résidentiel.

Les SCMR autorisées par le gouvernement fonctionnent sur une base relativement étendue depuis le milieu des années quatre-vingts, avec le soutien financier de celui-ci et d’organismes non gouvernementaux. L’épidémie du sida chez les consommateurs de drogues par intraveineuse a stimulé le dynamisme et la motivation

25 Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup) n°812.121 du 3 octobre 1951 (État le 26 octobre 2004). Site des autorités fédérales de la Confédération suisse [en ligne]. [réf. du 5 janvier 2005]. Format pdf. Disponible sur <http://www.admin.ch/ch/f/rs/8/812.121.fr.pdf>. 26 En 2003, la Suisse comptait 7,3 millions d’habitants (Office fédérale de la statistique Suisse).

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nécessaires à l’ouverture de SCMR dans douze villes suisses. Bien que la Suisse interdise tout usage de drogues depuis 1975, l’article 19a de la LStup qui prévoit que :

« 1. Celui qui, sans droit, aura consommé intentionnellement des stupéfiants ou celui qui aura commis une infraction à l’art. 19 pour assurer sa propre consommation est passible des arrêts ou de l’amende.

2. Dans les cas bénins, l’autorité compétente pourra suspendre la procédure ou renoncer à infliger une peine. Une réprimande peut être prononcée.

3. Il est possible de renoncer à la poursuite pénale lorsque l’auteur de l’infraction est déjà soumis, pour avoir consommé des stupéfiants, à des mesures de protection, contrôlées par un médecin, ou s’il accepte de s’y soumettre. La poursuite pénale sera engagée, s’il se soustrait à ces mesures.

4. Lorsque l’auteur sera victime d’une dépendance aux stupéfiants, le juge pourra ordonner son renvoi dans une maison de santé. L’art. 44 du code pénal suisse est applicable par analogie. »

a permis de rendre possible l’ouverture légale des SCMR. La licéité des SCMR a été examinée dans un avis de droit formulé par le Professeur Hans Schultz (1989) et n’est actuellement pas remis en cause. Depuis 1991, la politique de santé publique menée par la confédération et les cantons, appelée politique des quatre piliers : 1. Prévention ; 2. Thérapie et réintégration ; 3. Réduction des risques et aide à la survie et 4. Répression et contrôle, a profondément transformé la scène de la drogue. C’est cette transformation visible qui a convaincu les citoyens suisses de l’utilité de ces nouvelles approches. En 1997, la politique de la confédération en matière de drogues, a été soutenue par 71 % de la population lors du rejet par le parlement de l’initiative « Jeunesse

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sans drogue », qui réclamait le retour à une politique fondée sur la seule abstinence.27

Le processus qui a conduit à l’ouverture de structures légales fut donc évolutif et étalé sur plusieurs années. Il y eut d’abord un certain degré de tolérance à l’égard de lieux publics de consommation de drogues tel que le Platzpitz puis le Letten à Zurich (1989). Ces scènes ouvertes appelées également par ces détracteurs « toxicoland » et « sidaland », étaient fréquentées par plus de mille consommateurs de drogues âgés entre 16 et 30 ans et il y était distribué plus de 12 000 seringues par jour par la municipalité. Mais des pressions forcèrent le gouvernement à fermer ces lieux. Devant l’échec de ce geste, des lieux autorisés ont été créés.

Chaque SCMR comprend généralement un comptoir de type bar (sans alcool), une salle de counselling, une infirmerie et un ou deux espaces de consommation à moindre risque (un espace d’injection et pour quelques-unes, un espace d’inhalation)28. L’espace d’injection comporte des tables en acier inoxydable sur lesquelles les usagers préparent leur propre drogue et se l’injectent à l’aide du matériel fourni (seringue stérile, eau stérile, cuillère stérile, coton, pansement, bougie, garrot et récupérateur de seringues). L’espace d’inhalation est présenté « comme une réponse à l’apparition de nouvelles populations de consommateurs de drogue et à un changement dans les pratiques de consommation » (F. Zobel et F. Dubois-Arber, 2004 : 9). Anita Marxer (1998), directrice de la Low Threshold Agency à Berne, insiste sur ce qui n’est pas fourni et n’est pas permis : « Pas la drogue, bien sûr, ils doivent apporter la leur. Nous avons aussi des règles très strictes ; les usagers peuvent rester ici pendant une

27 Voir initiative populaire fédérale « Jeunesse sans drogue ». Site des autorités fédérales de la Confédération suisse [en ligne]. [réf. du 26 juillet 2004]. Format html. Disponible sur <http://www.admin.ch/ch/f/pore/vi/vi232.html>. 28 Une dizaine de SCMR en Suisse possède également un espace d’inhalation à moindre risque.

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demi-heure et ils ne peuvent pas vendre ou acheter de drogues, ni même en faire cadeau à quelqu’un, dans la structure. S’ils désobéissent à ces règles, ils reçoivent une sanction et ne peuvent plus revenir durant deux jours [trad.] ». Les intervenants ne peuvent pas aider les usagers à s’injecter ; un intervenant doit être présent dans la salle d’injection à moindre risque en tout temps ; des médecins y travaillent quelques heures par semaine et la structure est ouverte sept heures par jour, de cinq à six jours par semaine.29 Tous les intervenants reçoivent une formation en réanimation et sont en mesure d’orienter les usagers vers des structures de traitement de la toxicomanie ou à des services de counselling. Anita Marxer (1998) explique : « Ici, nous acceptons les gens comme ils sont. Nous ne leur disons pas de devenir sobres, mais quand ils veulent le faire, nous les aidons à franchir la prochaine étape. Mais nous les acceptons d’abord comme ils sont ; aussi, ils doivent avoir plus de 16 ans. Et la première injection n’est pas permise ici. C’est très important [...] c’est tout à fait interdit [trad.] ».

29 Pour comparer les différents fonctionnements de SCMR, nous donnons ici, une synthèse du fonctionnement des SCMR allemandes. Ralf Gerlach et Wolfgang Shneider (2003) expliquent dans un rapport que « les usagers ont plus de 18 ans ; ils n’en sont pas à leur première injection ; ils ne suivent pas un traitement de substitution ; ils ne démontrent pas de tendance à la violence ; ils ne dealent pas ou ne partagent pas de drogues sur le site ; ils ne font pas d’injection à d’autres usagers ; et ils peuvent rester sur le site environ 10 minutes pour les injecteurs et 20 minutes pour les fumeurs. Les usagers n’ont pas à s’inscrire, mais leur identité est vérifiée. Le personnel se compose de travailleurs sociaux, d’infirmières, de médecins et, dans certains cas, d’anciens usagers de drogues. Un intervenant supervise le lieu en tout temps et aucun intervenant ne peut offrir d’assistance pour l’injection ». A Francfort, les résultats d’autopsie ont montré une baisse du taux d’infection à VIH parmi les utilisateurs de drogues : passant de 63 % - 65 % en 1985 à 12 % - 15 % en 1994. Cette baisse est attribuée à la stratégie intégrée de réduction des risques de Francfort, qui comprend des SCMR et une variété d’autres services d’accueil à bas seuil d’accès des usagers de drogues (M. Franck, 2000).

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Carmen Ronco et al. (1994), Kate Dolan et al. (2000) et Frank Zobel et Françoise Dubois-Arber (2004) décrivent le degré de succès des mesures suisses pour réduire les risques associés à l’usage de drogues. Par exemple, chaque jour, les SCMR de Zurich et celles de Bâle reçoivent environ 100 usagers chacun. Dans trois structures de Zurich, il a été compté près de 68 000 injections en une année ; 3 000 abcès ont été traités ; 22 personnes ont été réanimées ; et il y a eu 10 interventions des ambulanciers. Kate Dolan et al. (2000 : 341) soulignent « [qu’]aucun décès n’est survenu dans les salles d’injection suisses, jusqu’ici ; des intervenants croient que cela aurait entraîné une diminution du nombre de décès par surdose, dans la communauté [trad.] ».

Les SCMR suisses ont eu un impact positif, au-delà de l’amélioration immédiate de la santé des consommateurs de drogues : elles ont atténué la nuisance publique en réduisant le nombre de seringues jetées à la rue (C. Ward, 2000).

Quai 9 (Genève)

Historique

Le canton de Genève est frontalier avec la ville française d’Annemasse et compte, au dernier recensement, 434 500 habitants.30 Le nombre de personnes « toxico-dépendantes » aux opiacés est estimé à 2 500, soit 5,7 pour 1 000 habitants. 1 500 auraient un traitement de substitution à la Méthadone®, 50 à l’héroïne médicalisée ; 300 seraient en désintoxication et 66 seraient en traitement résidentiel (M. Kroker, 2003).

La création de l’espace d’accueil avec possibilité d’injection à moindre risque Quai 9 est une mesure qui entre dans le cadre de la politique suisse de réduction des risques liés à la consommation de

30 Source : État de Genève, 2003.

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stupéfiants. C’est dans ce cadre que le canton de Genève a mis en place en 1991 le premier programme d’échange de seringues en Suisse romande : le BIPS (Bus Itinérant Prévention Sida). À cette époque, des SCMR étaient déjà ouvertes en Suisse allemande mais restaient proscrites à Genève.

Malgré une diminution de la contamination par le VIH, le besoin d’améliorer les conditions d’hygiène de l’injection est très vite apparu, au travers le travail du BIPS, avec notamment l’augmentation de la consommation de cocaïne et d’autres produits qui a aggravé la précarité des consommateurs sur le plan social et sanitaire. Face à ce constat, le Groupe sida Genève a déposé en 1994, un projet de SCMR. En mars 2000, le Grand Conseil adopte une motion31 demandant au Conseil d’État l’ouverture d’une SCMR à titre expérimental. Ce dernier confie le mandat en mai 2001, au Groupe sida Genève.32 La structure ouvre ses portes le 26 décembre 2001 avec pour objectifs de :

1- réduire les conséquences négatives liées à la consommation de drogues ;

2- promouvoir la santé des usagers de drogues en renforçant les comportements de prévention ;

3- encourager le maintien du lien social, limiter les situations d’exclusion ;

4- améliorer la situation du voisinage ;

5- favoriser l’accès aux autres institutions.

En septembre 2004, le Groupe sida Genève a transféré toutes ses actions de réduction des risques liés à l’usage de drogues

31 Motion M 1332 du 17 mars 2000 « demandant l’ouverture rapide de lieux d’accueil en faveur des toxicomanes ». 32 Rapport M 1332-A du 21 mai 2001 du Conseil d’État au Grand Conseil sur la motion M 1332 du 17 mars 2000.

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(BIPS, Boulevards, Travail de rue et Quai 9) à une nouvelle association créée à cette occasion, « Première ligne ».

Description de Quai 9

En arrivant à la gare ferroviaire Cornarin de Genève, nous avons demandé, à un quidam, la localisation de la SCMR. Sans en faire un problème, celui-ci nous a donné des informations précises. Sur le chemin en direction de la structure, nous avons demandé notre chemin à un autre passant. Sans hésiter, il nous indique du doigt un bâtiment modulaire de couleur orange.

Quai 9 est implanté sur un terrain mis à disposition par la ville de Genève. Sur la porte d’entrée, il y a plusieurs affiches informant les usagers de drogues que toutes les formes de deal entraîneront une exclusion automatique d’un mois de la structure (cf. Annexe n°5, p. 173). Quai 9 est composée d’un espace d’accueil non fumeur33 qui est le point central de la structure, avec un comptoir de type bar sur une musique d’ambiance où des boissons sans alcool et des en-cas (yoghourts, céréales, fruits, etc.) sont vendus. Cette vente permet de rémunérer un usager intervenant quelques heures par jour derrière le bar (cf. Annexe n°6, p. 175). À l’arrière du bar se trouve également le matériel de réanimation médical en cas d’overdose. On trouve également dans l’espace d’accueil, une fontaine à eau, un lavabo, un espace de parole formelle ou informelle avec deux grandes tables, un petit espace salon avec trois fauteuils et un PES situé au bar près de l’entrée. Celui-ci

33 Afin de passer d’un lieu d’accueil fumeur à non-fumeur, une campagne de prévention nommée « 1 jour de plus, par semaine, jusqu’au lundi 11 avril 2005 » a été menée. On pouvait lire sur des panneaux d’affichage des messages du type : « Stop à la fumée passive au Quai 9 ! Dès le lundi 28 février 2005... si vous faisiez une petite pause « sans clope » et « sans alcool » ?... Pour une injection à moindre risque. Pour lire le journal. Pour un soin ou un conseil. Nous nous réjouissons de continuer à vous accueillir dans un lieu sans fumée ! ».

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fonctionne sous forme de consigne. Il y a également une infirmerie avec du matériel de réanimation médical et contre le mur, les différents protocoles de soins, une salle d’injection à moindre risque qui peut recevoir six personnes à la fois, une douche, un local de stockage, des toilettes et vestiaires pour le personnel et deux toilettes sécurisées pour les personnes accueillies afin d’éviter toutes possibilités d’overdoses mortelles à l’intérieur. Le premier étage de la structure est réservé à l’administratif et au travail d’équipe. En dehors de la salle d’injection à moindre risque, la structure ressemble à une boutique française.

À l’entrée de la salle d’injection à moindre risque, on peut lire son règlement de fonctionnement (cf. Annexe n°4, p. 171). Au-dessus de la porte est accroché un écran digital à numéro comme à la poste (les tickets sont donnés au PES). La salle est une petite pièce rectangulaire, de couleur jaune, éclairée par des néons et par la lumière du jour passant à travers des fenêtres situées en hauteur. À l’entrée, se trouve un lavabo avec du savon, du désinfectant et un comptoir où se trouve l’intervenant et où sont disposés des cuillères stériles, le reste du matériel d’injection stérile et le matériel de réanimation médical. Derrière celui-ci, un autre lavabo. Sur les murs sont affichés des informations sur les différents points

Plan d’organisation de Quai 9

PES

Pièce de stockage

Douche

WC

Femme

WC

Homme WC

du personnel

Salle d’injection à moindre risque

Espace d’accueil

Bar

Infirmerie

Accès étage

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d’injection de l’homme et de la femme et ceux refusés à Quai 9, les protocoles de décontamination des cuillères34 et du nettoyage du sol. Les six places d’injection à moindre risque sont disposées face au mur tout autour de la pièce. Deux paravents sont à disposition pour les consommateurs qui désirent un peu d’intimité. Il y a une alarme lumineuse à coté du comptoir afin de prévenir l’équipe située à l’accueil en cas de situation problématique et une alarme sonore en cas d’overdose.

Fonctionnement de Quai 9

Quai 9 est ouvert tous les jours avec des plages horaires de 7 heures (lundi, mercredi, vendredi, samedi et dimanche de 12h à 19h, mercredi de 19h à 21h l’ouverture est réservée aux femmes et mardi et jeudi de 14h à 21h). Un « moment convivial homme » allait être mis en place quelque temps après notre visite (tous les 15 jours). Pour permettre le bon fonctionnement de la structure, certaines règles doivent être respectées. Ces règles peuvent être déclinées en trois grand principes : 1- les mineurs n’ont pas accès à la salle d’injection à moindre risque ; 2- pas de trafic dans et autour des locaux et de consommation hors de la salle d’injection à moindre risque et 3- respect de la convivialité et des personnes présentes. Il est également rappelé aux usagers que la consommation de drogues est un acte illégal.

L’équipe est composée d’un directeur, d’une coordinatrice, de 4 infirmiers et de huit travailleurs sociaux. Un médecin est également présent trois fois par semaine. Le travail à Quai 9 est divisible en quatre postes que chaque membre de l’équipe occupe durant une journée avec une rotation toutes les heures :

34 Sur recommandations des Hôpitaux universitaires de Genève.

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Poste 1 - accueil : accueillir les usagers de drogues, évaluation des situations, remettre un ticket aux personnes voulant utiliser la salle d’injection, PES, gérer le bar et les toilettes ;

Poste 2 - salle d’injection : gestion des entrées, observation des comportements, donner des conseils d’hygiène, distribution du matériel d’injection, alerter en cas d’overdoses ou surdoses, relever les statistiques ;

Poste 3 - disponibilité - accueil - collectif : gestion de l’espace d’accueil et du périmètre extérieur (deal, attroupement, violence). Disponibilité envers les usagers et faire respecter le règlement ;

Poste 4 - satellite : renforcer et compléter les autres pôles. Le satellite passe très régulièrement dans la salle d’injection.

Dans ce type de structure, le premier contact est extrêmement important. C’est à ce moment que les choses vont se jouer. En situation normale où le degré d’affluence est facilement gérable par les intervenants, l’accueil fait l’objet d’une attention particulière. Chaque moment, chaque occasion sont investis de sens et utilisés comme autant de supports à la construction d’une relation. Julie Dalkiewicz (C. Mani et al., 2003 : 22), travailleuse sociale à Quai 9 explique que « [...] c’est grâce à la place que nous avons tenu de réserver à l’accueil, que des liens peuvent se créer avec les personnes qui souhaitent bénéficier du cadre de Quai 9 pour leur consommation de drogues. Cette dernière semble être la motivation première pour toute personne qui franchit les portes de Quai 9. La suite peut prendre un sens différent pour les utilisateurs et les utilisatrices du lieu, lorsque la confiance vis-à-vis de nous s’est établie, permettant ainsi des échanges, des plaisanteries ou alors des conversations plus intimes [...] ».

Toutefois, en l’absence d’une cohésion interne et de l’implication des usagers, la situation peut devenir rapidement

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critique. Plus l’affluence est importante, plus le temps des intervenants pour essayer de créer une relation individualisée est limité. Ces phénomènes sont éclairants des paradoxes portés par les interventions auprès de ce public, quand elles ne sont pas relayées ou appuyées par d’autres équipes ou l’existence d’autres perspectives. Même si comme l’explique Julie Dalkiewicz (C. Mani et al., 2003 : 22-23) « [...] le lien se construit aussi à travers les conflits. Lorsque les limites du cadre sont dépassées, il nous faut interdire pour une certaine durée l’accès à la salle d’injection, voire à l’intégralité de Quai 9. Malgré la difficulté que cela peut représenter, la sanction permet d’exprimer que l’on se préoccupe de la personne et qu’elle compte, au même titre que les autres [...] », ce type de situation amène les intervenants à focaliser toute leur attention sur les questions relatives au maintien de l’ordre et à l’évitement des transgressions, au détriment d’un travail relationnel auprès des usagers. À cela se rajoute la présence quasi quotidienne d’un policier en civil devant Quai 9, augmentant ainsi le phénomène de « contrôle social » (A. Coppel et O. Doubre, 2004).

Insertion dans le quartier

L’insertion dans le quartier ne s’est pas faite sans problème. À l’ouverture et malgré la présence d’une « scène » de la drogue dans le quartier, la communauté n’a pas accepté d’être mise sur le fait accompli, cela par l’intermédiaire d’articles de journaux. Dans un premier temps, le phénomène NIMBY (Not In My Backyard. Pas dans mon jardin) c’est logiquement développé dans le quartier d’implantation de Quai 9. Ce réflexe NIMBY de la communauté a permis à Quai 9 de mettre en place une politique de concertation avec celui-ci (réunions avec les habitants35, réunions avec les

35 Cinq réunions avec le voisinage ont eu lieu en 2004, regroupant entre 20 et 30 personnes chaque fois.

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autorités policières). Le journal « Quoi de 9 au Quai 9 », publié à 3 000 exemplaires et distribué dans le quartier, montre la volonté de Quai 9 à communiquer sur son travail et, la création d’une équipe de ramassage de seringues usagées36, témoigne également d’une volonté de réduire les dommages et les nuisances dans le quartier. Pour Christophe Mani (2005 : 20) l’intégration de Quai 9 dans le quartier d’implantation a pu être effectuée car certains éléments ont été pris en considération :

- l’adaptation du projet à la réalité locale (ville - pays) ;

- la situation de l’espace de prévention près des lieux de marché de la drogue et de consommation ;

- l’intégration de l’espace dans le tissu social (visible et non isolé) ;

- prise en compte du voisinage en sachant que ce type de structure fait peur ;

- prise en compte des tensions entre les logiques de santé publique et les logiques d’ordre public (D. Kübler et al., 1997).

Groupe de pilotage et évaluation

Le groupe de pilotage, présidé jusqu’en 2004, par Annie Mino, directrice générale de la santé est composé de dix membres provenant de différents services et structures concernés par le problème de la toxicomanie à Genève et de cinq membres invités. Il a pour mission de s’assurer que les moyens mis en place sont en adéquation avec les objectifs fixés, de veiller au respect de l’ordre public, d’assurer le suivi de l’évaluation et de faire des recommandations. Le rapport d’activité 2002 (C. Mani et al., 2003) et le rapport d’évaluation publié en avril 2003 (F. Benninghoff

36 Cette équipe est composée de six usagers de drogues intervenant du lundi au samedi de 8h 30 à 10h 30 : 2 500 seringues usagées ont été ramassées en 2004.

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et al.) révèlent que dans la première année de fonctionnement de Quai 9 :

- plus de 700 personnes ont fréquenté la structure ;

- 25 % étaient des femmes et 75 % des hommes ;

- sur 162 nouvelles personnes pendant le troisième trimestre, 41 (25,3 %) étaient françaises contre 23 sur 298 (7,7 %) pendant le premier trimestre ;

- 30 417 injections ont été effectuées (94 à 106 injections par jour) ; environ un tiers des injections ont été effectuées par des femmes. (40 177 injections en 2003 et 34 542 en 2004) ;

- la cocaïne et l’héroïne étaient les drogues les plus souvent injectées ;

- 110 837 seringues ont été distribuées (80 420 au PES et 30 417 seringues dans la salle d’injection) ;

- 80 % des seringues ont été récupérées (100 % en ce qui concerne la salle d’injection) ;

- 820 soins ont été dispensés : entre 50 et 63 % de soins somatiques, entre 17 et 36 % discussion et échange d’information, entre 11 et 22 % de soins somatiques, discussion et échange d’information, entre 10 et 18 % de relais médicaux ; 2 040 prestations sociales individuelles et 74 collectives ;

- 56 situations problématiques (28 overdoses et 28 surdoses), 29 ont fait l’objet de l’intervention des Urgences médicales.

Points de vue des consommateurs de Quai 9

La deuxième phase de l’évaluation de Quai 9, menée en 2003 par l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive de Lausanne (S. Solai et al., 2004), s’est intéressée aux points de vue d’un échantillon de 15 consommateurs utilisant la structure. Nous

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retiendrons ici, cinq des huit thèmes abordés dans l’évaluation : les étapes d’injection et la répétition des gestes à l’extérieur ; les questions de santé ; l’influence de Quai 9 sur la consommation ; l’influence de Quai 9 sur le projet d’arrêter la consommation et Quai 9 comme générateur de lien social.

1. Le travail d’apprentissage sur l’hygiène d’injection semble avoir un impact positif. Une culture de l’hygiène d’injection commence à se développer parmi les consommateurs de drogues utilisant la SCMR et il y a une tendance à reproduire à l’extérieur les gestes appris dans la SCMR malgré l’absence de conditions d’hygiène de la rue.

2. La SCMR a une influence positive sur différents aspects de la santé des consommateurs de drogues. Toutefois, il semble difficile de développer une responsabilité quant au maintien ou au développement d’une bonne santé et cela demande un travail quotidien de l’équipe sur les questions de santé.

3. La SCMR n’a pas d’impact sur les variations de la consommation d’un groupe d’usagers majoritaire. Une meilleure gestion ou une diminution de la consommation sont en lien avec l’espace créé par l’échange avec l’équipe, l’attente pour entrer en salle d’injection, une plus grande tranquillité.

4. Une partie importante des consommateurs de drogues ne manifeste clairement pas le souhait d’arrêter sa consommation. Il est donc normal pour eux, que la SCMR n’ai pas d’influence sur une démarche potentielle de projet d’arrêter leur consommation.

5. La SCMR est vue comme un générateur de lien social à un moment donné dans le parcours de vie des consommateurs de drogues.

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Australie : Sydney MSIC (Medically Supervised Injecting

Centre)

Historique

Trois gouvernements d’États australiens : Nouvelle-Galles du Sud, Victoria et Territoire de la capitale australienne, ont tenté d’ouvrir des SCMR, avec divers degrés de réussite. Ces initiatives ont fait l’objet de controverses et de débats considérables et elles se sont heurtées à des résistances.

En 1997, en Nouvelle-Galles du Sud, la commission royale Wood a recommandé l’ouverture de SCMR, dans le cadre de son enquête sur le service de police de cet état. En mentionnant que le gouvernement de cet État finance déjà des PES pour réduire la propagation d’infections par le sang, le juge James Wood (NSW Joint Select Committee Safe injection rooms, 1998 : xiii) a déclaré « [qu’]il serait insensé de ne pas aller plus loin et de ne pas offrir des lieux sanitaires où se ferait l’injection de drogues [trad.] ».

En 1998, une salle d’injection non autorisée mais supervisée fut ouverte pendant quelques semaines dans la chapelle Wayside appartenant à la Uniting Church, à Kings Cross (Sydney). La police a fermé le lieu et a abandonné les poursuites qu’elle avait entamé contre le révérend (K. Dolan et al., 2000 : 342).

En 1999, le gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud a parrainé un « sommet sur les drogues » afin d’élaborer une réaction à facettes multiples, devant le problème croissant de l’usage de drogues à travers l’état. À l’issue du sommet, qui a mené à la formulation de plus de 170 recommandations, le gouvernement a annoncé qu’il appuierait l’ouverture d’une SCMR pendant dix-huit mois, à un endroit, qui « servira de porte d’accès aux traitements et qui visera à réduire l’impact de l’usage de drogues sur la communauté [trad.] » (NSW Drug Summit, 1999). Il s’est avéré

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difficile de trouver une structure capable de diriger une SCMR, mais également disposée à le faire. Les sœurs de la charité, qui sont en charge d’un hôpital public près de Kings Cross, étaient prêtes à en diriger une, mais le Vatican s’y est opposé en décrétant qu’aucune organisation catholique à travers le monde ne devait s’impliquer dans des mises en place de SCMR, puisque le fait d’y participer, même avec de bonnes intentions, reviendrait à « collaborer au grand mal de l’abus de drogues [trad.] » (P. Totaro, 2000 : 5). Ce décret préconise aussi une vive opposition aux mesures existantes de réduction des risques comme l’échange de seringues. Cette directive fut formulée un an après l’ordre du Vatican aux sœurs de la charité de Sydney d’abandonner leur engagement d’aide au gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud pour la gestion de la première SCMR (S. Powell (a), 2001 : 14). Tous les obstacles furent vaincus lorsque la Uniting Church reçut une licence d’exploitation de dix-huit mois en vertu de la Drug Summit Legislative Response Bill 1999 (NSW Drug Summit, 1999) modifiant la Drug Misuse and Trafficking Act 1985 de la Nouvelle-Galles du Sud. Ce texte comprend les normes et les protocoles internes de gestion d’une SCMR, les règles de conduite des usagers ainsi que les fonctions et qualifications des intervenants. Il précise en autre ce qu’une SCMR doit satisfaire : 1. prévention primaire de santé, y compris des consultations médicales et des services médicaux spécialisés ; 2. counselling en matière d’alcool et de drogues ; 3. éducation sanitaire ; 4. désintoxication et réadaptation ; 5. traitement de substitution à la Méthadone® ; 6. dépistage IST, VIH et hépatites et 7. PES.

Le manuel d’opération (Hon. Justice Wood, 1997 : 64) accompagnant la demande d’exploitation de la SCMR par la Uniting Church indiquait au sujet de la « population cible » que : « Bien qu’un éventail d’études aient démontré que la majeure partie de l’injection de drogues se fait en privé, on estime qu’à Kings Cross, 44 % des injections de drogues ont lieu dans des

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endroits publics (comme des rues, des parcs et des toilettes publiques) ou dans des “piqueries”[37] » (S. Darke, S. Kaye et L. Topp, 2002). En août 1999, une enquête a été menée auprès des usagers du K2 Needle Syringe Program (situé au cœur de la zone de prostitution et d’usage de drogues, à Kings Cross), à propos de leurs pratiques d’injection. Parmi les 198 répondants, 52 (29 %) s’étaient fait leur plus récente injection en public et 77 (44 %) l’avaient faite seuls. 83 % de ceux qui avaient fait leur injection en public auraient préféré se rendre dans une SCMR. « La principale population cible d’une salle d’injection est les personnes qui s’injectent des drogues en public et celles qui s’injectent seules. Ces personnes sont généralement très marginalisées et sont aux prises avec de nombreux problèmes sociaux-sanitaires, y compris, dans certains cas, des maladies psychiatriques et la situation de sans-abri [trad.] ».

Description et fonctionnement

La SCMR a ouvert le 16 mai 2001 au 66 Darlinghurst Road (en face de la station de Kings Cross), dans une ancienne galerie de jeux complètement réaménagée. La structure peut accueillir seize personnes à la fois pendant les deux créneaux horaires d’ouverture : 6h à 10h et 12h à 16h 30, sept jours par semaine (S. Powell (b), 2001). En janvier 2003, le temps d’ouverture a été modifié pour passer de 9h 30 à 22h du lundi au vendredi et de 11h à 19h le week-end.

Pour maximiser l'espace disponible, réduire au minimum les mouvements des usagers dans la structure, éviter le croisement des usagers qui ont déjà injecté avec ceux qui n’ont pas encore injecté

37 Supra, note n°22. Une étude québécoise (L. Noël et al., 2003) montre que malgré une baisse de l’emprunt et de l’incidence du VIH chez les personnes fréquentant les pîqueries, les pratiques à risques restent très élevées par manque de lien avec les intervenants en RDR.

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et afin d’offrir une plus grande intimité pour ceux qui partent, un système à sens unique de circulation a été mis en place. Les consommateurs entrent par la rue principale Darlinghurst Road et sortent par une rue plus discrète Kellet street.

La SCMR est divisée en trois étapes : la première comprend la réception des consommateurs de drogues et leur évaluation ; la seconde étape, l’espace d’injection à moindre risque et la salle de premiers secours et la troisième étape, l’espace d’accueil.

Étape 1 : les consommateurs de drogues sont accueillis anonymement et participent à une évaluation.38 Les informations démographiques et cliniques personnelles sont recueillies et enregistrées dans un dossier médical ainsi que leur situation sanitaire et sociale afin d’évaluer leur acceptabilité pour l’utilisation de la SCMR. Ce recueil de données est utilisé pour l'évaluation de la structure. Tous les consommateurs de drogues voulant utiliser la SCMR doivent répondre aux critères suivants : être âgé de 18 ans ou plus ; avoir déjà injecté ; ne pas être

38 Les usagers de drogues ayant certaines réticences à participer à l’évaluation ont tout de même accès à la structure. Certains UD sont également invités à participer à l’évaluation de la SCMR. Les usagers doivent donner leur prénom et les trois premières lettres de leur nom de famille. Ils leur sont alors attribués un numéro de matricule (protégé par mot de passe) qui est inscrit dans une base de données afin de permettre le suivi des visites à la SCMR. À chaque passage, il leur est demandé quand et quelle drogue ils ont consommé en dernier et qu'ils ont l'intention d'injecter dans la structure et s'ils ont consommé de la Méthadone®, de l’alcool ou des benzodiazépines, afin d’éviter les overdoses. Toutes ces informations sont écrites dans la base de données qui est à la disposition de l’équipe de la SCMR.

Plan d’organisation de la MSIC

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enceinte ; ne pas être accompagné d’enfants et ne pas être « intoxiqué » (avec de l'alcool ou d'autres drogues).

Étape 2 : la salle d'injection à moindre risque a une atmosphère formelle et clinique semblable à un hôpital. À l’entrée, les usagers sont encouragés à se laver les mains avant d’obtenir le matériel nécessaire à leur injection. Il y a huit cabines d'injection à moindre risque qui peuvent accueillir jusqu'à deux personnes en même temps (seuls les usagers arrivant ensemble ont la possibilité d’utiliser une cabine d'injection ensemble). Les usagers doivent apporter leurs propres drogues et ne peuvent pas injecter plus d’une fois par passage, bien qu’il n’y ai aucun délai par visite ou limite au nombre de visites quotidiennes. Il n’est pas permis aux usagers de s'injecter dans le cou ou d’aider d’autres usagers à injecter. Le personnel présent est disponible pour conseiller les usagers au sujet de l'accès veineux et des techniques d'injection à moindre risque, mais il n’est pas légalement permis d'administrer la drogue aux usagers. En cas de surdosage de drogue ou de toute autre urgence médicale, l’usager est déplacé dans la salle de premiers secours. En cas d’arrêt respiratoire, les infirmières peuvent administrer de l'oxygène et du Naloxone® en intramusculaire selon un protocole clinique. Le surdosage est alors marqué dans la base de données de l’usager afin de permettre entre autre de discuter avec lui à sa prochaine visite, des circonstances de cet événement et de la façon de l’empêcher dans l'avenir tout en éduquant l’usager.

Étape 3 : l’espace d’accueil. Après l’injection, les usagers peuvent se poser, boire un thé ou un café et lire des magazines ou des brochures spécialisées, etc., jusqu'à ce qu'ils soient prêts à partir. Avant de partir les usagers de la SCMR sont conseillés au sujet des dangers liés à la consommation de drogues, des risques de la consommation dans des lieux publics ou semi-publics. Ils peuvent également être accompagnés par rapport à leur situation sociale.

La SCMR est dirigée par un directeur médical qui est responsable des protocoles cliniques, des politiques, et des

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procédures de la SCMR. Quatre infirmières et quatre accueillants qualifiés, formés et avec une expérience professionnelle dans le domaine de la toxicomanie, du counselling, de la surveillance clinique, de la gestion des situations critiques, de la protection de l’enfance, etc. forment l’équipe d’intervenants. Un garde de sécurité est également présent.

Durant les six premiers jours, plus de cent usagers ont eu recours à la SCMR. Aucune arrestation policière n’a été effectuée pendant la période de démarrage (M. Fife, 2001). La SCMR a été qualifiée de réussite, après que les intervenants aient « sauvé la vie d’un homme qui a[vait] fait une surdose d’héroïne lors d’une visite. [...] Si le centre n’avait pas existé, on dit que l’homme aurait pu mourir [trad.] » (H. Herbert, 2001). Le révérend Herbert (2001) de la Uniting Church souligne que le personnel a réagi immédiatement et « adéquatement » à la surdose, en administrant de l’oxygène à la personne, « et c’est bien, parce que ça démontre que nous répondons précisément au problème auquel nous voulions nous attaquer [trad.] ». De plus, même si peu d’usagers avaient eu recours à la SCMR après deux journées d’opération, « l’un d’eux en était à sa deuxième visite : un jeune homme qui souhaitait qu’on l’oriente vers un service de réinsertion [trad.] » (S. Powell (c), 2001 : 5).

Après trois mois, il n’y a eu « aucune violence et aucun incident de vente de drogue, sur le site. Le Dr Ingrid van Beek (S. Powell (c), 2001), directrice médicale de la SCMR, a indiqué que « la police de Kings Cross n’avait signalé aucun changement dans les tendances du commerce de drogues, dans le quartier [trad.] ». Le comandant de police Dick Adams (The Sydney Morning Herald, 2003) ajoute que les affaires liées aux stupéfiants ont « été réduites de moitié depuis l’ouverture de la [SCMR] [trad.] » et que la police soutenait la SCMR.

Un usager de drogues de Kings Cross, souligne que parmi les personnes qui s’injectent de l’héroïne, il y a des riches et des défavorisés, des salariés et des sans-abri ; mais il note aussi que

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ceux qui ont de l’argent et un emploi ont une certaine capacité de prendre soin d’eux-mêmes. Une autre usagère, 31 ans et sans-abri, tient des propos semblables : elle s’est souvent fait des injections dans la rue, durant ses 13 ans d’usage de drogues, parce qu’elle n’a pas les moyens de se payer une salle dans l’une des « pîqueries » illégales du voisinage, pour faire ses injections en privé (S. Powell (a), 2001). Au sujet du grand potentiel de la SCMR au chapitre de l’accès aux soins, le Dr Ingrid van Beek (S. Powell (a), 2001) affirme que « le grand bénéficiaire [de la SCMR] est le consommateur de rue, qui est vraiment dans une situation difficile. Il y a beaucoup de gens par ici qui n’ont nulle part où vivre, nulle part où aller [trad.] ».

Groupe de pilotage et évaluation

L’efficacité à long terme de la SCMR est surveillée par un comité d’évaluation, qui mesure son impact sur la réduction des surdoses dans la communauté de Kings Cross, sa capacité d’agir comme service de référence et porte d’accès à des programmes de traitement et de réinsertion, ainsi que son impact sur l’activité criminelle dans le quartier (J. Della-Bosco, 2001). Un premier rapport, publié en janvier 2002, révèle que dans les six premiers mois de fonctionnement de la SCMR :

- 1 503 usagers inscrits ont eu recours aux services de la structure, pour un total de 11 237 visites d’une durée moyenne de 30 minutes ;

- environ les deux tiers des usagers étaient des hommes ;

- la cocaïne et l’héroïne étaient les drogues les plus souvent injectées ;

- lors d’environ un tiers des visites, les usagers ont reçu un service de soins de santé (des conseils sur l’injection et le soin des veines, dans près de 50 % des cas) ;

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- près d’une visite sur 18 a fait l’objet d’une orientation pour une assistance supplémentaire (42 % pour le traitement de la toxicomanie, 33 % pour des soins de santé primaires et 25 % pour des services d’aide sociale) ;

- 87 incidents cliniques liés à la drogue ont nécessité une intervention médicale, notamment : 50 surdoses d’héroïne (dont 42 ont été prises en charge par l’administration d’oxygène) et 28 cas de toxicité liée à la cocaïne.

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Canada : Insite (Vancouver)

Historique

La politique canadienne en matière de lutte contre les toxicomanies est légiférée par la « LDS » du 20 juin 199639 qui interdit en autre, dans le paragraphe 4(1), la possession de substances telles que l’héroïne et la cocaïne (Annexe I de la LDS).

Santé Canada (2001 : 2-6, 19-22) estime à 100 000, le nombre de consommateurs de drogues injecteurs (soit 3,3 pour 1 000 habitants),40 dont 15 000 en Colombie-Britannique. Les villes de Toronto, Montréal et Vancouver compteraient à elles trois, 27 000 consommateurs. Vancouver compterait 8 000 injecteurs dont 4 000 dans le quartier Eastside (VCH, 2003).

En février 2001, le comité fédéral, provincial et territorial sur l’usage de drogues injectables a créé un groupe de travail multisectoriel sur les SCMR et l’a chargé d’en étudier la faisabilité dans le cadre d’une recherche scientifique médicale. Les conclusions (Consensus Statement on Supervised Injection Sites) du groupe de travail indiquaient qu’il était possible de mener un tel projet si quatre critères étaient respectés : 1- le projet a des objectifs clairs et mesurables et peut être évalué comme projet de recherche scientifique et médicale. 2- le projet jouit d’un appui politique à l’échelon national, provincial et municipal. 3- un cadre

39 Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LDS), 1996, ch. 19 du 20 juin 1996. Site du Ministère de la justice Canadien [en ligne]. [réf. du 15 février 2005]. Format html. Disponible sur <http://lois.justice.gc.ca/fr/C-38.8/35052.html>. 40 En 2001, le Canada comptait 30 millions d’habitants ; la Colombie-Britannique, 3,9 millions ; Vancouver, 545 671 et le quartier Eastside, 16 275 (Statistique Canada).

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légal adéquat est mis en œuvre et 4- les sites choisis jouissent d’un appui local.

L’absence de réglementation des SCMR rend celles-ci illégales. Toutefois, l’article 56 de la LDS permet au ministre de pouvoir soustraire des personnes de l’application de certaines ou de toutes les dispositions de la loi. C’est en vertu de cet article que Santé Canada (2002) a publié un document d’orientation de demande d’exemption pour un projet de recherche scientifique sur un site pilote de SCMR. Le document présente un bref aperçu de la situation du VIH/sida, de l’hépatite C et de l’injection de drogues au Canada. Il examine ensuite brièvement les questions juridiques avant de donner des conseils aux personnes qui feront des demandes au Ministre de la santé pour obtenir une exemption, en vertu de l’article 56, à des fins scientifiques pour un projet de recherche sur une SCMR. Dès la publication du document d’orientation, la Vancouver Coastal Health Authority (VCHA) a proposé une structure de comités41 pour superviser la mise en œuvre du premier projet pilote de SCMR en Amérique du Nord. En février 2003, la Health Quest a annoncé qu’elle avait ouvert une SCMR au 135 Hastings Est Street. Celle-ci comprenait une salle d’accueil, une salle d’attente et une salle d’injection avec six places. Un an après, après avoir repris le bail du 135 Hastings Est Street, la VCHA a fait démolir la SCMR.

En avril 2003, face à l’inaction du gouvernement et surtout, en réponse à une vaste « descente de police » (City-Wide Enforcement Team), un collectif d’associations communautaires for Harm Reduction42 ouvre une SCMR non autorisée au 327 Carral Street dans le quartier Eastside à Vancouver. Robert Weppler (2003), le

41 Celle-ci était composée d’un comité consultatif provincial, d’un comité consultatif d’exploitation, d’un comité consultatif scientifique et d’une équipe de projet. 42 Le collectif était composé de Vancouver Area Network of Drug Users (VANDU), l’Anti-Poverty Committee, le Housing Action Committee (HAC), la PIVOT Legal Society et la Harm Reduction Action Society.

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président de VANDU explique que « nous étions fatigués de voir les délais s’éterniser sans qu’un[e] [SCMR] ne soit créé[e]. Nous avions une entente avec la ville, à l’effet que la surveillance policière serait accrue après l’ouverture d’un[e] [SCMR], mais la police n’a pas attendu. Elle a déployé 44 agents dans le quartier... une coalition d’organismes communautaires a donc pris l’initiative d’ouvrir un[e] [SCMR] [trad.] ».

La SCMR était située dans un ancien magasin et comprenait une salle d’accueil, une salle d’injection avec deux tables et un espace sanitaire. La SCMR était ouverte tous les jours sur un créneau horaire de quatre heures (de 22h à 2h) avec la présence permanente de bénévoles usagers de drogues et d’une infirmière.43 Tous les bénévoles étaient formés à la réanimation cardio-respiratoire, aux premiers soins, à la réduction des risques et à la gestion de conflit. La SCMR a fermé le 7 octobre 2003, après 181 jours d’activité, et environ trois semaines après l’ouverture de Insite. Plus de 3 000 injections ont été supervisées et près de 9 000 visites ont été comptabilisées dans la salle d’accueil. La collecte d’informations auprès de cent personnes consommant dans la SCMR (M. Oleson, 2004), montre que :

- 67 % étaient des hommes ;

- l’âge variait entre 19 et 55 ans (moyenne : 36) ;

- 48 % ont injecté de la cocaïne ; 43 % de l’héroïne ; 11 % de la méthamphétamine et 23 % ont fumé du crack ;

- 87 % ont déclaré injecter dans l’espace public dans les mois précédent l’ouverture de la SCMR ;

43 Megan Oleson, l’infirmière et la PIVOT Legal Society ont été les lauréates canadiennes 2004 des Prix de l’action contre le VIH/sida et pour les droits humains, décernés par le Réseau juridique canadien VIH/sida et Human Rights Watch.

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- il a été également distribué 11 644 seringues et 6 672 ont été récupérées ;

- aucun décès par overdose n’a eu lieu dans la structure.

Description et fonctionnement d’Insite

Insite a ouvert en septembre 2003 au 139 East Hastings Street dans le quartier Eastside et est ouvert sept jours par semaine sur des plages horaires de 18 heures (10 h à 4 h).

Après avoir sonné à la porte, les consommateurs de drogues sont reçus à la réception44 par deux pairs qui leur expliquent deux règles de bases : vous apportez votre propre drogue et vous injecter vous-même votre drogue. Ils obtiennent ensuite un numéro et passent en salle d’attente. Si un usager a besoin de soins de santé ou veut arrêter de consommer, il est orienté dans une pièce voisine où une infirmière, un travailleur social ou un médecin sont de garde. La salle d’injection à moindre risque est composée de 12 emplacements équipés de miroir. À l’entrée de la salle, à droite, les usagers doivent se laver les mains. Une infirmière leur donne ensuite un kit contenant une seringue, un garrot, une cuillère et de l’eau stérile.

Après avoir injecté eux-mêmes leur drogue, les usagers vont dans la salle d’accueil, qui ressemble à un bar avec des divans où ils peuvent prendre un jus de fruits ou un café. « On veut s’assurer qu’ils ne font pas de surdose avant de les renvoyer dans la rue » dit Jeff West (2003), un des responsables de la structure.

44 Un écran de télévision montre les images de neuf caméras placées à l’extérieure et à l’intérieure de la structure.

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Évaluation

L’évaluation d’Insite est effectuée par la British Columbia Centre for Excellence in HIV/AIDS (2004). Le premier rapport montre que sur la période du 10 mars au 31 août 2004 :

- une moyenne de 588 injections par jour. Le nombre moyen de visites par personne est 11 par mois ;

- 107 incidents de surdosage sur la structure, concernant 72 usagers. Neuf de ces derniers se sont produits pendant la première visite de l’usager. Il n'y a eu aucun mort dans la structure ;

- la satisfaction des utilisateurs de la SCMR est haute. Selon le rapport, 63 % des usagers ont évalué la qualité globale de la SCMR comme « excellente » et 32 % comme « bonne » ;

- la SCMR est un lieu permettant de rencontrer des consommateurs de drogues qui ne fréquentent pas les autres structures sanitaires et sociales. Elle facilite les soins de santé et les orientations vers des dispositifs spécialisés (cure par exemple) ;

- sur 117 entreprises implantées dans le quartier de la SCMR, 46 % soutiennent la SCMR ; 20 % sont indifférents et 34 % s’y opposent ;

- drogues injectées : opiacés pour 50 % et cocaïne pour 25 % ;

- âge moyen des consommateurs : 39 ans ;

- 70 % sont des hommes.

Partie 2

Approche sociologique

de l’ouverture de structures d’accueil avec possibilité de consommer à moindre risque des drogues

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« Il est temps que nous cessions de faire la guerre à la drogue et aux personnes qui en utilisent – il est temps de plutôt faire la paix avec les personnes qui prennent de la drogue. Nous devrions essayer, là où nous le pouvons, de limiter les dommages que les drogues font aux gens, et essayer de garder ces personnes en vie […] . Les politiques en matière de drogue se développent par une évolution, et non par une révolution. Nous devons abandonner la quête de solutions parfaites. Il n’en existe pas ».

Alex Wodak et Ron Owens (1996 : 58).

LEÇON À RETENIR DE L’ÉCHANGE DE SERINGUES :

UN PROLONGEMENT DU MESSAGE DES SOINS DE SANTÉ45

L’épidémie du sida chez les usagers de drogues a déclenché une mutation des pensées dans l’approche de la toxicomanie. Devant le constat de l’échec d’une politique basée sur l’éradication de la toxicomanie qui laissait entières les questions de la contamination par le VIH, s’impose une politique de réduction des risques. Comme le note Jean Fournié (1993), « la question de la réduction des risques en se qu’elle fait appel à une reconnaissance de fait de l’existence d’un certain nombre d’usagers de drogues qui ne

45 La « Partie 2 » a comme référence un article écrit par Ian Malkin au sujet de la nécessité de créer des structures d’accueil avec possibilité de consommer à moindre risque des drogues : Malkin I., Establishing supervised injecting facilities: A responsible way to help minimise, Melbourne University Law Review, 2001, Volume 25, n°3, p. 680.

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peuvent ou ne veulent pas s’arrêter – en tout cas semblent incapables de s’inscrire dans les propositions qui leur sont faites par le dispositif spécialisé – interroge le mandat initial et la vocation des institutions de soins ». Cette faille dans le dispositif de prise en charge classique a formé un point de départ au sein duquel les nouveaux dispositifs vont inscrire leur intervention. Appréhender la toxicomanie par le biais des risques inhérents à cette pratique impose comme base de l’intervention, les questions relatives à la vie des personnes et donc à mettre en retrait les conceptions morales et normatives. Les programmes d’échange de seringues sont une des mesures phare de la politique de réduction des risques. Ils sont souvent cités aujourd’hui en exemple comme une réponse pragmatique devant de graves risques de santé publique.

Ces programmes sont particulièrement pertinents à la discussion sur les SCMR, puisqu’ils mettent en évidence la tolérance de la société à l’égard de politiques autres que prohibitionnistes. Ils démontrent concrètement la légèreté des allégations selon lesquelles la politique de réduction des risques prône « la gestion étatique, sociale et médicale de l’intoxication » (F. Nicolas, 2004 : 1) et de ce faite lance le « mauvais message ». Ces allégations ne sont corroborées par aucune donnée et, elles reposent sur l’hypothèse qu’une approche axée sur l’abstinence a effectivement réussi à éliminer ou à limiter l’usage de drogues et qu’un relâchement de la prohibition, d’une façon ou d’une autre, entraînerait des conséquences inacceptables, telles un usage de drogues plus répandu. Les PES sont donc l’exemple type de l’approche de réduction des risques en offrant gratuitement du matériel d’injection stérile (souvent de pair avec des mesures d’éducation) afin de réduire l’incidence du VIH, des hépatites et d’autres risques corporels en limitant le partage de matériel d’injection. Même s’ils soulevèrent d’abord la critique, l’efficacité

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des PES est un fait reconnu dans la lutte contre le sida46 : le nombre des nouveaux cas de sida et des nouveaux diagnostics d’infection VIH est en forte diminution parmi les utilisateurs de drogues par injection : 11 % des nouveaux cas de sida et 2 % des nouveaux diagnostics d’infection VIH en 2003 (F. Cazein et al., 2004).

En plus d’avoir un impact direct de réduction des risques chez les consommateurs de drogues, par la mise à disposition de matériel stérile, les PES facilitent l’accès à du counselling et à des informations pertinentes. L’éducation sur les drogues, plus facilement réalisable depuis la création de PES, augmente la possibilité d’adoption de comportements safer use par les usagers de drogues. Les PES sont l’une des nombreuses réponses mises en œuvre pour réagir aux problèmes complexes liés à l’usage de drogues. Toutefois, comme le note Julien Emmanuelli, France Lert et Marta Valenciano (1999 : 49), ces actions « ne peuvent suffire à prévenir efficacement les situations à risques » et notamment contre l’épidémie de VHC ou elles « semble[nt] encore sans effet » (Jauffret-Roustide et al., 2004).

Une autre stratégie, connexe mais bien complémentaire, serait l’ouverture de SCMR. Ces lieux semble être une suite logique à l’approche déjà mise en œuvre, et acceptée, avec l’échange de seringues : la reconnaissance de la réalité de la consommation de drogues. « Les programmes d’échange de seringues et les [SCMR] ne visent ni l’illicite de l’usage ni le pathologique qu’y inscrit sa symptomatologisation, mais bien les pratiques d’usage construites dans le registre du risque » (N. Carrier et P. Quirion, 2003 : 11). Bien que les PES et les SCMR puissent avoir en communs certains

46 En France, cette politique menée quasiment clandestinement pendant les années quatre-vingt-dix, n’a été revendiqué par aucun parti politique et n’est, aujourd’hui, plus remise en cause, en dehors de l’extrême droite et de quelques partisans de la répression tel que le (ex) collectif anti-crack du quartier Stalingrad (aujourd’hui anti-salle de shoot) à Paris et l’association France sans drogue. La réduction des risques a été intégrée dans la loi de santé publique de 2004 (supra, note n°16).

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objectifs de réduction des risques, ce n’est pas nécessairement le cas. Ces initiatives sont différentes et toutes deux nécessaires, en tant qu’outils complémentaires, pour réagir à différents types de risques parmi des populations spécifiques. Les PES visent principalement à réduire le risque de contracter le VIH, les hépatites et d’autres infections (en plus d’orienter des usagers vers des structures de traitement de substitution, de soins de santé et/ou sociales). En revanche, les SCMR permettent non seulement de réduire les risques des problèmes de santé inhérents à toute pratique de consommation (particulièrement hors d’un cadre médical), mais permettent également une interaction prolongée entre le personnel de santé et les usagers. En ce sens, elles offrent une expérience rehaussée, en comparaison avec l’échange de seringues. Autrement dit, dans le cas de l’échange de seringues, on sait que la personne qui vient au PES va s’injecter de la drogue ; on lui donne un moyen de réduire le risque de contracter et de propager des infections transmissibles par le sang. D’une certaine façon, on lui dit « vas-y, la société sait ce que tu fais, mais va le faire ailleurs ». On peut supposer que cette personne aura des comportements à risques à d’autres égards (par exemple, en partageant du matériel d’injection, de sniff ou d’inhalation ; en consommant des drogues seule dans un endroit insalubre, sans assistance en cas de surdose ; ou en situation de possible violence) et qu’elle représente peut-être un risque ou une nuisance pour d’autres personnes de la communauté. Avec les SCMR, on reconnaît le besoin d’un effort plus complet pour protéger et favoriser la santé. La société est prête à fournir des seringues à la population ciblée, et à assurer que les individus consomment leur drogue de manière safer use et évitent la surdose. L’aspect le plus controversé semble être l’implication officielle dans l’usage de drogues en soi – la surveillance, que d’aucuns apparentent au fait de sanctionner un comportement illégal de façon plus directe, ou plus active, que dans le cas de l’échange de seringues. Pourtant, ce n’est pas si différent que d’offrir une seringue à une personne pour s’injecter une drogue. La principale différence positive entre ces

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deux mesures est que les SCMR offrent un endroit relativement sûr pour la consommation. La sécurité n’est pas garantie, mais elle est rehaussée, du moins pour certains utilisateurs, comparativement à la consommation dans la rue et/ou seul, sans accès à des structures de santé en cas de besoin. Il est incontestable que cette mesure procure une sécurité accrue. Elle réduit le risque, pourtant, certains la considèrent dangereuse. Il semble absurde de se rendre jusqu’au point d’offrir des programmes d’échange de seringues, et de s’arrêter avant d’adopter une stratégie complémentaire de réduction des risques potentiellement efficace. À l’heure actuelle, des programmes financés par le Ministère de la santé français offrent des seringues à des utilisateurs de drogues, en sachant évidemment qu’elles serviront à la consommation. Est-ce vraiment moral que de donner à des usagers des seringues pour s’injecter des drogues, tout en les laissant partir et les utiliser ailleurs ? D’accord, ils ne mourront pas du sida, dans l’avenir, mais ils pourraient mourir d’une surdose, ici et maintenant.

Il y a une dizaine d’année, la mise en place de PES a nécessité un virage sur le plan des pratiques, de l’abstinence vers la réduction des risques. Avec très peu de moyens et un bricolage quant à la formalisation des méthodes d’intervention, ces nouveaux dispositifs ont permis certains changements, au moins jusqu’à un degré permettant de réaliser l’échange de seringues. Comme le note Annie Serfaty (1997), « la transformation du modèle médical "tout sevrage" au modèle de réduction des risques est la traduction d’un changement de paradigme : c’est l’acceptabilité qu’un usager de drogues puisse accéder aux soins même s’il n’est pas encore possible pour lui d’arrêter de consommer des produits ».

Les SCMR pourraient exister paisiblement aux côtés de ce qui fonctionne déjà, comme un autre outil permettant de réagir à un problème spécifique, distinct et ciblé. Il s’agit simplement d’un autre outil important pour lutter contre les effets néfastes de la consommation de drogues. Aucune des différences entre ces deux mesures n’est suffisamment importante ou marquante pour

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empêcher la mise en place de SCMR. Elle pourrait s’accompagner d’effets positifs considérables sur la santé publique. Pour la prévention de maladies graves ou de décès, nous devrions, en tant que communauté, reconnaître le caractère inévitable d’un certain usage de drogues et chercher à réduire ses effets néfastes sur les individus et la communauté, ce qui signifie que nous devrions être disposés à tolérer (non à promouvoir) des comportements par ailleurs illégaux. Voilà le message pertinent que véhicule la mise en place d’une SCMR.

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LES SALLES DE CONSOMMATION À MOINDRE RISQUE EN TANT QU’OUTIL DE RÉDUCTION DES RISQUES :

UNE MESURE EFFICACE POUR LA SANTÉ PUBLIQUE ?

Les SCMR ont pour principal objectif de permettre aux utilisateurs de drogues de consommer dans un endroit propre et en présence de professionnels, plutôt que dans un lieu insalubre, souvent public ou semi-public. Les SCMR peuvent :

- sauver des vies en permettant une intervention immédiate en cas de surdose ;

- contribuer à réduire la transmission d’infections par voie sanguine (VIH, hépatites) et d’autres risques, grâce à l’accès à du matériel stérile (seringues, cuillères, eau, kit sniff, etc.) et à une éducation et information sur les pratiques de consommation safer use directement au moment de l’acte et adaptées aux risques observés ;

- faciliter l’accès aux soins de santé nécessaires ainsi que l’accès à l’information, aux conseils et au counselling ;

- réduire la nuisance publique souvent liée à la consommation de drogues dans des lieux publics.

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De ce fait, la réduction des risques est « une notion qui englobe un grand nombre des droits énoncés dans la déclaration universelle [des droits de l’homme]. Elle représente l'accès de tous à des soins de santé satisfaisants, l'accès à l'éducation et à l'information, […] mais aussi le droit à un logement décent et à un milieu de vie et de travail où les risques connus pour la santé sont maîtrisés » (G.H. Brundtland, 1998).

De nombreux professionnels du secteur sanitaire et social et certaines personnalités politiques soutiennent la mise en place de SCMR. En août 2001, le journal de l’association médicale canadienne (2001) affirmait que « réduire les dommages, ce n’est pas battre en retraite. C’est le seul moyen de rencontrer les toxicomanes maintenant, dans un contexte qui peut inclure, outre une toxicomanie chimique qui dévore tout, la pauvreté, le manque d’éducation, le chômage, des antécédents de violence et une famille dysfonctionnelle. Jusqu’à maintenant [...], ce terrain de rencontre est constitué d’activités de communication et d’éducation, [de traitement de substitution à la Méthadone® et au Subutex®] et [de programmes] d’échange de seringues. Nous devrons faire face à la gravité du problème de toxicomanie que connaissent [certaines populations]. Il n’y a pas de solution rapide [...], à leurs facteurs de risque ou à leurs répercussions. Nous pouvons toutefois améliorer un peu la vie des toxicomanes et rendre les quartiers un peu plus sécurisés. Les [SCMR] constituent une étape logique qui conjugue les avantages du réalisme à ceux de la compassion ».

Les opposants aux SCMR affirment que peu de preuves solides attestent de la réussite de ces initiatives, en prétendant essentiellement, qu’elles sont inefficaces, voire néfastes. L’organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), affilié à l’ONU, qui évalue le respect des conventions sur le contrôle des drogues par les pays signataires et qui s’est opposé de façon constante à plusieurs mesure de réduction des risques considère que la politique sous-jacente à ces structures est incompatible avec les

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accords internationaux de lutte contre le commerce de drogues. L’OICS « [...] tient à dire encore une fois que l’aménagement de locaux où les toxicomanes peuvent, sous le contrôle direct ou indirect des autorités, s’injecter des drogues obtenues par des voies illicites est contraire aux traités internationaux relatifs au contrôle des drogues » (2002 : 83 ; 2005 : 86) et « [qu’]il ne semble guère établi que des salles d’injection permettent réellement d’encourager les toxicomanes à suivre un traitement et que leur existence contribue à réduire le nombre de décès liés à la drogue » (OICS, 2004 : 86). Or, le Réseau juridique canadien VIH/sida (R. Elliott, I. Malkin et J. Gold, 2002 : 27) indique que « [...] les conventions internationales sur la drogue n’empêchent pas la mise à l’essai de [SCMR]. De fait, ces traités sur la drogue permettent expressément les expériences scientifiques et médicales ». L’institut suisse de droit comparé (B. Cottier et M. Synchold, 2000 : 6) note que « les [...] conventions n’apportent aucune lumière sur la question essentielle de savoir si les salles publiques d’injection sont ou ne sont pas des éléments propices à court terme à la réadaptation et à la réintégration sociale des personnes dépendantes de drogues, puis à long terme à la réduction de la souffrance humaine et à l’élimination de conditions financières qui stimulent le trafic illicite [trad] ».

D’autres données émanant d’initiatives européennes (NSW Joint Select Committee Safe injection rooms, 1998 : 79 ; K. Dolan et al., 2000 : 340 ; T. Kerr, 2000 : 33) indiquent que les SCMR réduisent les risques associés à l’usage de drogues, pour la santé et la communauté. En fait, aucun décès par surdose n’a été recensé dans les SCMR et le nombre de décès par surdose a diminué, dans les communautés munies d’une SCMR. L’un des principaux arguments en faveur de la création de ces salles est le simple fait, d’une grande importance, que le personnel qualifié est en mesure de prévenir les surdoses (Hon. Justice Wood, 1997 : 222).47

47 Les informations d'une salle d'injection illégale ayant fonctionné à King Cross (Sydney) indiquaient qu'il y avait 60 personnes par jour qui injectaient environ

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Même s’il y avait une insuffisance de preuves empiriques solides pour démontrer spécifiquement l’efficacité des SCMR à prévenir les surdoses, la logique et l’expérience indiquent que certains utilisateurs de drogues bénéficient de l’existence de tels lieux, et qu’ils ont ainsi la possibilité de recevoir une assistance professionnelle en cas de besoin, contrairement à une personne qui consommerait des drogues dans la rue et/ou seule, sans accès à des services de santé. Il est difficile de déterminer un degré précis de réussite, dans la prévention des risques, car il faudrait alors prouver ce qui aurait pu arriver en d’autres circonstances. Mais il y a peu de doute sur le fait que l’on peut sauver des vies. Les données disponibles portent à croire que les SCMR peuvent aider à prévenir les blessures et les cas d’infection liés à des pratiques de consommation non sûres. Les consommateurs de drogues de la rue sont souvent pressés et consomment rapidement, parce qu’ils ont peur d’être surpris par quelqu’un ou de se faire arrêter par la police, ou parce qu’ils s’inquiètent du comportement d’autres consommateurs. Il y a donc un risque plus élevé pour que les pratiques safer use de consommation soient négligées : par exemple, des seringues, des pailles ou du matériel seront partagés ; la drogue ne sera pas préalablement testée ou de l’eau stérile ne sera pas utilisée. Par conséquent, l’un des principaux avantages des SCMR est de pouvoir s’y rendre d’abord pour utiliser le matériel stérile fourni par les intervenants, dans un endroit calme, sûr et non menaçant. Ces salles permettent aux utilisateurs de consommer dans un climat exempt de menaces de poursuites ; cela favoriserait, à terme, la consommation dans un contexte plus détendu qui réduirait le risque évitable (Hon. Justice Wood, 1997 : 221). Des

deux fois par jour (120 injections/jour), et que l'ambulance était appelée trois fois par semaine (environ 150 fois par an avec en moyenne, un mort par an). Basé sur des évaluations du National Drug and Alcohol Research Centre, chaque surdosage mortel correspond à environ 20 surdosages non fatals, il considère que 7/8 des surdosages ont été mortels du faite de ne pas avoir lieu dans la salle d'injection illégale. Ces données suggèrent qu'une salle avec 120 injections par jour empêcherait un mort toutes les sept semaines (49 jours).

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consommateurs de drogues mulhousiens (B. Bertrand, 2003 : 101) ont fait les commentaires suivants : « "Ce serait cool qu’il y en ai des salles d’injection ! Car en France, on se shoot dehors dans la merde" ; "Il y a moins de stress car on a le temps de faire son shoot. Si cela existait chez nous, ça éviterait de se shooter n’importe où et on aurait moins de stress lors de l’injection, plus peur de se faire surprendre" ». Des données en Europe et en Australie indiquent que les usagers de SCMR ont aussi recours à d’autres structures de santé qui traitent les abcès, les maladies de la peau, etc. (K. Dolan et A. Wodak, 1996 ; J. Kaldor et al., 2002).

Il y a là un enjeu essentiel pour les consommateurs de drogues, qui pourraient au minimum être dirigés vers des structures sanitaires et sociales adaptées aux besoins de chacun.48 Par la création de SCMR, on peut offrir des services de santé, d’aide sociale et de réinsertion à des personnes vulnérables qui n’y auraient pas accès autrement. L’expérience allemande (T. Kerr, 2000 : 4) démontre que des centaines d’usagers peuvent être orientés directement vers des structures de traitement de la toxicomanie, de désintoxication, de Méthadone® ou à des programmes fondés sur l’abstinence. Des études suisses (T. Kerr, 2000 : 4) font état de conclusions semblables, selon lesquelles les usagers de SCMR sont orientés vers des structures et programmes de santé, y compris ceux qui offrent de la Méthadone® et un traitement de la toxicomanie. Les SCMR ne sont pas conçus pour être une mesure isolée, mais plutôt pour s’intégrer à une stratégie plus complète, en interaction avec un vaste éventail de services de soins de santé.

48 Résultats de l’enquête menée sur Mulhouse en 2002, par les associations ARGILE (Boutique Bémol), AIDES DD68 (Trait d’Union), LUDIC, le CSST Alter Native, le CSST Le Cap, ECIMUD Mulhouse et les pharmaciens sur un échantillon de 72 consommateurs de drogues. (Groupe de travail : Ouverture d’un lieu d’accueil et de consommation pour usagers de drogues).

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ATTRACTION DE PROBLÈMES OU RÉDUCTION DE LA NUISANCE PUBLIQUE ?

La plupart des SCMR furent créés après consultation auprès de la police, des riverains, du gouvernement et des entreprises locales (K. Dolan et al., 2000 : 340). À Francfort où il y a quatre SCMR par exemple, la communauté a demandé leurs ouvertures à la suite d’un processus d’information, de discussion et d’éducation ; des banques ont même versé des dons pour appuyer l’initiative. Kate Dolan et al. (2000 : 339) commentent : « Comme en Suisse, l’ouverture de ces lieux [à Francfort] a été un geste concret pour réduire l’impact de vastes endroits ouverts de consommation de drogues, où l’injection en public, la situation de sans-abri et la prévalence élevée des infections virales transmissibles par le sang étaient des phénomènes évidents. Plusieurs considèrent aussi que les [SCMR] sont une suite logique aux services de toxicomanie axés sur l’acceptation, et aux politiques sur la drogue qui favorisent la compassion ».

D’après le fonctionnaire municipal en charge du dossier des drogues, Juergen Weimer (M. Franck, 2000), l’ouverture de SCMR à Francfort a fait chuter presque à zéro le nombre de personnes s’injectant des drogues dans la rue, alors qu’il y a dix ans, 1 000 toxicomanes « traînaient dans un parc, y jetaient leurs seringues et leurs déchets, dealaient de l’héroïne et se prostituaient ». La politique de Francfort en matière de drogues, y compris la création de SCMR, « sauve des vies humaines ». Les

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décès liés à la drogue ont chuté de 147 en 1992 à 26 en 1999, alors qu’à travers l’Allemagne, ce taux augmentait de 8 % en 1999. Les SCMR sont considérées comme un outil novateur pour réduire considérablement les expropriations de lieux publics, en donnant aux usagers un lieu reconnu, qui répond à leurs besoins et à leurs préoccupations sans négliger les intérêts et les craintes de la communauté. L’expérience d’autres pays indique que les communautés trouvent qu’une SCMR bien organisée et gérée, dans leur voisinage, est préférable aux circonstances intenses de la consommation de drogues en des lieux publics ou semi-publics qui existaient antérieurement (R.S. Broadhead et al., 2001 : 329-356).

L’un des arguments le plus souvent évoqué contre l’ouverture de SCMR est que cela aurait un effet « boule de neige », c’est à dire qu’elle attirerait des consommateurs et des trafiquants de drogues de « l’extérieur ». Des commerces, surtout, invoquent cet argument pour justifier leur opposition à la création de SCMR dans leur quartier. Ceux qui souhaitent l’introduction de SCMR soutiennent que cette crainte n’est pas fondée, puisqu’il se produirait plutôt l’effet contraire : le service est conçu pour répondre aux besoins d’une population de consommateurs de drogues de la rue qui côtoie déjà le marché local de drogues de la rue. L’expérience de Francfort en Allemagne, illustre cette hypothèse. En effet, il n’a pas été observé de hausse du nombre de consommateurs de drogues sur le site malgré l’existence de la salle depuis 9 ans. L’initiative récente de Sydney ajoute des arguments au non fondé des craintes souvent exprimées : d’après la directrice médicale du projet (M. Fyfe, 2001), « les autorités policières n’ont rapporté aucune augmentation d’activités liées à la drogue dans la région, jusqu’ici, et le site n’a pas attiré de consommateurs de drogues d’autres régions ».

Pour implanter des SCMR avec succès, les communautés et entreprises locales doivent être convaincues que la présence de la structure risque plutôt d’améliorer la situation du quartier : en déplaçant au moins une partie de l’usage de drogues vers un lieu légitime, on réduirait plusieurs nuisances liées à la consommation

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de drogues dans la rue. Les SCMR devraient atténuer les problèmes liés à la nuisance et à la visibilité : criminalité, violence, trafic de drogues et dommages matériels pourraient être réduits ; et les seringues usagées seraient récupérées, plutôt que jetées dans les rues. Robert Haemming (1996) confirme cette supposition : les autorités policières de Francfort rapportent un déclin des vols dans la rue, des vols dans les automobiles, du trafic de stupéfiants et d’infractions similaires, depuis l’ouverture de SCMR ; et dans des villes suisses qui offrent ces salles, moins de seringues sont jetées à la rue. Éventuellement, il est probable que le public constatera et reconnaîtra les avantages de la mise en place de SCMR, comparativement à la situation actuelle. Les SCMR ont le potentiel pour atténuer ces problèmes. Par ailleurs, la sécurité des agents de police ainsi que celle des ambulanciers, des pompiers et d’autres intervenants d’urgence serait également améliorée par l’adoption d’une approche de réduction des risques assortie de SCMR. Elle réduirait l’intervention policière auprès d’utilisateurs de drogues transportant du matériel de consommation potentiellement contaminé, ce qui diminuerait le nombre d’altercations durant lesquelles un agent pourrait être blessé par une seringue. De façon plus générale, les SCMR freineraient la propagation du VIH et du VHC parmi les consommateurs de drogues ; de ce fait, moins d’individus rencontrés par des agents de police, des pompiers et des ambulanciers pourraient être porteurs d’une infection.

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UNE MESURE RENTABLE

Nous ne nous attarderons pas sur les aspects économiques mais il nous a semblé important de les évoquer. Nous reprenons ici en partie le texte de Docteur Pascal Courty dans Intervenir en toxicomanie (2005 : 157).

Peu d’études ce sont intéressées aux aspects économiques de la toxicomanie. Au contraire des pays anglo-saxons où les évaluations médico-économiques des programmes de santé concernant les substances licites et illicites sont nombreuses, il a fallu attendre en France, les travaux de Pierre Kopp en 1997, et notamment son ouvrage sur l’économie de la drogue. Dans deux articles parus dans Libération (Drogue : soigner, c’est économique du 4 décembre 1997 et Lutte antidrogue : le panier percé du 5 mars 1998), Pierre Kopp met en exergue le gaspillage des crédits et les affectations curieuses des moyens et il conclut par : « Le gaspillage est le fruit de l’absence d’une véritable politique de la drogue, d’une attitude timorée en matière de réduction des risques et du refus de procéder à une distinction entre les drogues. C’est ainsi que 5 milliards [de francs] sont dépensés chaque année sans que personne ne puisse en évaluer les bénéfices. À ceci s’ajoute quelques centaines de milliers de francs utilisés par les ministères à d’autres fins, parfaitement honnêtes, et quelques malversations que le rapport de la Cour [des comptes] dénonce fort à propos ».

En septembre 2000, Pierre Kopp et Philippe Fenoglio dans Le coût social des drogues licites (alcool et tabac) et illicites en France rappelle que le coût global de l’héroïnomanie a été estimé

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en France à 2,38 milliards d’euros (730 millions d’euros imputables au VIH, au VHC et aux traitements de substitution ; 930 millions d’euros imputables à la répression et 720 millions d’euros imputables aux programmes publics de lutte et de répression).

Le rapport coût-efficacité avantageux de l’instauration de SCMR pourrait inciter des décideurs à l’action. Outre la perte tragique et coûteuse de vies humaines, certains méfaits peuvent être évités ou atténués et entraîner des gains sur le plan économique, à l’instar de la mise en place des programmes d’échange de seringues pour limiter la propagation du VIH. On ne peut pas nier qu’il est moins coûteux d’offrir l’échange de seringues (ou de remettre du matériel stérile dans une salle de consommation) que de traiter une personne atteint d’une maladie à long terme qui était évitable. Comme le note Diane Riley (2000 : 185), « on a démontré que les [PES] réduisent la transmission du VIH […] et qu’ils présentent un bon rapport coût-efficacité […] [trad.] ». Des économies considérables seraient réalisées en soins de la santé si moins d’individus avaient besoin de traitement pour des maladies chroniques telles le VIH, les hépatites, etc. Avec la mise en place de SCMR, moins de fonds seraient dépensés en services d’urgence. Les coûts d’application de la loi pourraient également diminuer; ces ressources pourraient être consacrées à la prévention, au traitement et aux soins de santé.

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L’IMPERATIF MORAL DE METTRE EN PLACE DES SALLES DE CONSOMMATION À MOINDRE RISQUE

Il peut s’avérer intéressant d’examiner cette mesure d’un point de vue moral. Il est vrai que cela est difficile, la « Morale »" étant un concept abstrait et philosophique à propos duquel les gens ont diverses conceptions. Lors du débat sur la mise en place d’une SCMR en Australie, le NSW Joint Select Committee Safe injection rooms (1998) faisait remarquer « [qu’]il est important de reconnaître que les valeurs et les systèmes de valeurs entrent inévitablement en ligne de compte, dans le débat, et qu’ils sont liés à nos choix personnels de solutions à privilégier [trad.] ». On ne peut donc en faire abstraction dans aucune discussion sur les mesures de réduction des risques, parce que les valeurs morales ont une influence inéluctable et inévitable sur toute tentative d’analyse « rationnelle ». Les valeurs sociales et les expériences personnelles, qui construisent les attitudes individuelles, sont souvent fondamentales dans les arguments pour et contre l’établissement de SCMR.

Des valeurs morales divergentes et contradictoires se manifestent. Certains soutiennent que tout usage de drogues est nécessairement mauvais et immoral en soi, d’autres disent que l’usage de drogues en soi n’est pas condamnable au point que l’on continue de vouloir criminaliser et punir cet usage, sans tenir compte des coûts engendrés. Comme le notent Francesco Alberoni

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et Salvatore Veca (1989 : 60), « [...] nous devons prendre aux sérieux, dans le raisonnement moral, les intérêts de tous, comme ils nous les présentent ».

Les idéaux liés à la valeur de la préservation de la vie humaine, tout en prêtant attention au besoin immédiat d’améliorer la santé publique, prévenir les surdoses, freiner la propagation de maladies et inciter au traitement sont, ce qu’a appelé Jérémie Bentham (1989 : 55), le « principe d’utilité ». Il note que « chaque individu vise un ensemble cohérent de buts, lesquels constituent ce qui lui est utile ou ce qui peut lui apporter le bonheur ». Pour Francesco Alberoni et Salvatore Veca (1989 : 120), « la morale n’a qu’un unique commandement et une règle : il faut agir envers tous les autres comme on voudrait que les autres agissent envers soi-même. Il faut traiter les autres comme on voudrait être traité soi-même, si l’on était à leur place. En définitive, la morale est un choix, celui de l’altruisme contre l’égoïsme, celui des autres contre soi-même ». Est-il alors moral d’empêcher l’accès à des mesures de réduction des risques telle que les SCMR, en présence d’une somme considérable de résultats d’autres pays qui en démontrent l’efficacité ? David Roy (99 : B59) affirme « [qu’]il est incorrect [...] de conserver des approches fondées sur la criminalisation pour contrôler l’usage de drogues alors que ces stratégies échouent à rencontrer les objectifs pour lesquels elles avaient été conçues ; qu’elles engendrent des maux qui sont d’ampleur équivalente à, ou pire que, celle des maux qu’elles sont supposées prévenir ; qu’elles intensifient la marginalisation de personnes vulnérables et qu’elles favorisent la montée au pouvoir d’empires violents et socialement destructeurs. [Qu’]il est incorrect [...] de continuer de tolérer avec suffisance l’écart tragique entre ce que l’on peut faire et devrait faire, dans l’ensemble des soins aux utilisateurs de drogues, et ce qui est fait dans la réalité, devant les besoins fondamentaux de ces personnes. [Qu’]il est incorrect [...] de conserver des politiques et des programmes qui insistent sur l’abstinence de l’usage de drogues d’une manière si unilatérale et si utopique qu’on laisse de côté

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l’urgence qui appelle une attention plus immédiate : celle de réduire les souffrances des utilisateurs de drogues et d’assurer leur survie, leur santé et leur croissance vers la liberté et la dignité [...]. [Qu’]il est impératif de reconnaître - avec toutes les conséquences éthiques de cette réalité éthique - que les personnes qui font usage de drogues possèdent la même dignité que tous les autres êtres humains ».

Bien que les valeurs personnelles jouent indéniablement un rôle crucial dans la détermination des réactions individuelles au problème de consommation de drogues, il est important que le débat sur la mise au point d’une réaction communautaire ne se fasse pas autour d’une stigmatisation de la « tare morale » de l’usage de drogue. Une action éthique fondée sur un contrat social est nécessaire, une approche qui ne blâme pas les consommateurs et qui ne repose pas sur la notion de faute et donc de culpabilité. Il faut donc reconnaître que les problèmes liés à la drogue et leurs causes sont complexes, et engendrent des réactions produites par nos représentations. Il faut également reconnaître que se pose ici la question morale de la prévalence de la vie des consommateurs de drogues sur tout autre discours idéologique. Il est impératif que les responsables politiques approchent le problème de façon réaliste, en adoptant ce qui pourrait être perçu comme une perspective uniquement pragmatique, si on l’analysait en dehors du champ de l’action sociale globale.

Partie 3

Points de vue des consommateurs

sur la mise en place éventuelle de lieux de consommation à moindre risque

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« Ben moi je dis que faudrait qu’ils urgent pour ouvrir ces salles parce que y’en a vraiment besoin »

(Entretien n°1).

INTRODUCTION

Le recensement des écrits sur les points de vue des consommateurs a révélé deux types d’études :

1. des études dans des villes où de telles structures sont en place. Deux études quantitatives de facture néerlandaise et allemande (de langue anglaise) et une étude qualitative de facteur suisse (cf. p. 67) tentant de rendre compte des points de vue des consommateurs de Zürich, Francfort et Genève, villes où de telles structures sont en place.

2. des études exploratoires avant leurs mises en place éventuelles. Six études exploratoires, cinq quantitatives et une qualitative (trois de langue française), avant leurs mises en place éventuelles, de facture australienne, canadienne et française, renseignant pour les unes sur les motifs qui pousseraient les consommateurs de l’Etat de Victoria et de Montréal, à utiliser les SCMR et pour les autres, donnant une perception de leur utilité par les consommateurs mulhousiens.

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Kate Dolan et Alex Wodak (1996) rapportent que les consommateurs de drogues utilisant les SCMR de Zürich (Suisse), le font avant tout, pour pouvoir injecter en toute tranquillité (à l’abri de la répression policière et de la violence). Les auteurs indiquent que la mise à disposition gratuite du matériel d’injection stérile est aussi un facteur d’utilisation des SCMR à contrario de la possibilité d’avoir des soins médicaux. A Francfort (Allemagne), les motivations qui poussent les consommateurs de drogues à utiliser les SCMR sont, d’après Uwe E. Kemmesies (1999), de pouvoir consommer « en paix », à l’abri de la répression policière. L’échantillon interrogé préfère continuer à consommer dans des lieux publics ou semi- public que dans les SCMR parce que les horaires d’ouverture sont trop limités, qu’il faut attendre pour consommer, que les SCMR sont trop loin de leurs habitudes d’achat et de consommation, qu’il est interdit de partager ses produits avec d’autres usagers dans les SCMR, qu’il y a trop de monde et trop de bruit dans les SCMR et que les personnes en traitement de substitution à la Méthadone® non pas le droit d’y aller.

Les deux études quantitatives exploratoires d’Australie nous apprennent les raisons qui pousseraient les consommateurs de drogues de l’Etat de Victoria à fréquenter une SCMR. Sur les 400 personnes interrogées par Craig Fry (1999), les réponses ont été, en ordre d’importance : pouvoir consommer dans un lieu privé, à l’abri de l’attention publique et de la répression policière ; pouvoir disposer aisément de matériel d’injection ; recevoir des soins en cas de surdose et pouvoir consommer dans un lieu propre.49 Les 215 consommateurs de drogues interrogés par Craig Fry et Rob Testro (2000) évoquent quant à eux (en ordre d’importance) : pouvoir consommer dans un milieu sans violence ; réduire le risque de mourir par overdose ; pouvoir consommer à l’abri de la répression policière ; réduire la fréquence de l’usage dans les lieux

49 77 % des 400 consommateurs de drogues interrogés auraient recours à une SCMR.

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publics ; recevoir gratuitement le matériel d’injection et pouvoir en disposer aisément ; avoir la possibilité de recevoir un soutien psychosocial.50 Ces deux études évoquaient également les motifs qui feraient en sorte que les consommateurs de drogues ne se rendraient pas dans les SCMR (en ordre d’importance) : la surveillance policière ; l’atteinte à la vie privée (être identifié comme consommateur ou s’injecter devant du personnel ou consommateurs inconnus) ; la crainte pour son intégrité physique ; avoir à se déplacer et ne pas avoir le droit d’aider un(e) ami(e) à injecter.

En France, deux études quantitatives ont été menées à Mulhouse. Dans la première étude (B. Bertrand, 2003 : 110), nous avons montré que les consommateurs de drogues interrogés trouvent comme « important » de pouvoir consommer dans une salle d’injection à moindre risque. Ils mettent en avant « l’hygiène du lieu » et disent qu’une telle structure permettrait « une diminution du stress » (tranquillité de l’acte, avoir le temps et ne plus être surpris par autrui), « la sécurité de l’acte d’injection », la mise à disposition du matériel stérile et la protection de la population. Une deuxième étude, coordonnée par l’association ARGILE (B. Bertrand, M. Sartori et M.L. Gérome, 2003), auprès de 72 consommateurs de drogues montre que ces derniers évoquent la possibilité d’avoir de meilleures conditions de consommation, une éducation et une information directement au moment de l’acte et adaptée aux risques observés, et de pouvoir rencontrer des structures sanitaires et sociales, comme principales raisons de leur opinion.51

Une des deux études exploratoires du Canada, menée par Traci Craig Green (2001) à Montréal auprès de 195 consommateurs de

50 96 % des 215 consommateurs de drogues interrogés étaient en faveur de l‘ouverture d’une SCMR près des endroits où ils achètent et consomment leurs drogues ; 89 % y auraient recours plutôt que de consommer dans la rue. 51 Supra, note n°48.

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drogues, nous montre qu’une majorité écrasante de consommateurs (94 %) trouve l’ouverture d’une SCMR comme « une bonne idée » pour des raisons de « sécurité », de « santé » et pour les « services » qui y seraient proposés : PES, intervention en cas de surdose, counselling, supervision médicale de l’injection et test de dépistage VIH et hépatites. Comme dans les études australiennes et allemandes, Traci Craig Green s’est intéressée aux motifs qui feraient en sorte que les consommateurs de drogues ne se rendraient pas dans les SCMR (en ordre d’importance) : attitude négative des intervenants ; présence policière ; environnement hostile, pas avoir le temps de consommer tranquillement et éloignement des SCMR. La seconde étude (N. Carrier, P. Lauzon, 2003), nous a intéressé dans sa méthodologie qualitative proche de la notre. Les dix-huit consommateurs de drogues interrogés sont favorables à l’ouverture d’une SCMR à Montréal. Ils pensent que c’est mieux que de consommer dans des lieux publics ou semi-publics, où la pratique d’injection est source de stress (crainte policière). Ils justifient également leur ouverture par la diminution des seringues usagées sur la voie publique. Au contraire des professionnels du champ socio-sanitaire et de réduction des risques, qui donnent comme argument la réduction des risques de transmission d’infections virales, les consommateurs argumentent plutôt dans « une perspective de la pacification des rapports entre résidents de certains quartiers et des consommateurs ».

On peut donc dégager de ces études quatre principes de légitimation d’un point de vue des consommateurs :

1- réduire les problèmes de santé pouvant découler de la pratique de consommation ;

2- réduire les nuisances associées à la consommation de drogues illicites dans les lieux publics et semi-publics ;

3- améliorer l’accès aux services socio-sanitaires et thérapeutiques ; 4- offrir un contexte de consommation qui libère de toute crainte

d’appréhension policière et de violence.

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Au-delà des points de vue exprimés par les consommateurs de drogues dans les études citées ci-dessus, les associations d’auto-support comme ASUD par exemple, ont pris position sur ce sujet. A Mulhouse, l’association LUDIC revendique depuis sa création en 2001, l’ouverture de SCMR et souhaite jouer un rôle actif dans la conception et la réalisation d’un tel projet.52 Comme le note Eric Birambo (2002 : 22), « le succès de ce type de structure passe inévitablement par l’implication des associations d’usagers ».

Dans cette dernière partie, 25 personnes qui consomment des drogues psychoactives (cf. Annexe n°3, p. 163) nous expliquent le sens que revêt pour elles l’éventuelle ouverture d’une SCMR à Mulhouse, et comment elles élaboreraient un tel projet si on leur en offrait la possibilité.

52 LUDIC a organisé en 2001 une Journée–Débat sur « Salle d’injection et Réduction des risques » (Cf. M. Tagounit, 2001).

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RÉACTIONS TYPES À L’IDÉE DE LA MISE EN PLACE ÉVENTUELLE D’UNE SALLE DE CONSOMATION

Nous avons demandé aux personnes ce qu’elles pensaient de l’ouverture éventuelle d’une SCMR en France (et plus particulièrement à Mulhouse). Toutes étaient au courant des pratiques transfrontalières et la moitié d’entre elles ont déclaré les fréquenter très régulièrement (un tiers entre 2 et 4 fois et deux tiers entre 15 et 100 fois sur la période de juillet à décembre 2004). Deux types de réactions ont émergé à cette question :

1. « l’ouverture de SCMR est une bonne chose… » et 2. « l’ouverture de SCMR est une mauvaise chose, mais… ».

L’ouverture de SCMR est une bonne chose parce que...

Lorsque l’on demande aux consommateurs de drogues ce qu’ils pensent de l’ouverture d’une SCMR, c’est la préoccupation pour les seringues qui traînent et pour la visibilité de la consommation qui ressort comme une dimension centrale des discours. La conscience du fait que leurs pratiques de consommation sont sources de tensions sociales est au cœur de la réponse des personnes.

« Moi je pense que c’est mieux que de shooter dans la rue et laisser les seringues dans le parc pour que les

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gosses y touchent tout ça, ça craint un peu quoi. Tandis que des salles avec des petits box [cabines], ça serait pas mal quoi. Comme nous des fois, on se shoot des fois, on laisse, on est tellement défoncé qu’on, qu’on oublie tout sur place et imagine il y a des petits qui prennent et qui se piquent, tandis que si y a des box, c’est beaucoup mieux, parce que les seringues ont pourra les mettre dans un p’tit truc comme vous avez en jaune là, on peut les mettre directement dedans, y a pas de problème, c’est même pas dans la rue. C’est ça qui serait bien ! Quand je vais à [la boutique] Bémol pour euh ch’ais pas, parce que j’ai envie d’aller à Bémol et que j’ai quelque chose sur moi, au moins avec des salles, je pourrais aller dans un box au lieu d’aller dehors et avec les gosses tout ça ! » (Entretien n°4).

« Je pense que ce serait bien quoi pour éviter déjà que des enfants heu voyent ça, pour éviter que des seringues traînent dehors, dans la rue quoi, j’en ai ramassé deux là l’autre fois j’en ai ramassé deux, je les ai ramené ici [à la boutique Bémol] donc je trouve que c’est pas normal, on pourrait croire que c’est un stylo tu vois, un peu usé. Y’avait encore du sang dedans dans une et dans l’autre y’avait encore l’aiguille où y’avait le sang. Donc ce serait bien ! » (Entretien n°13).

Le désir de pouvoir bénéficier d’un lieu pour consommer à l’abri du stress qu’accompagne la consommation dans les lieux publics et semi-publics est également verbalisé très clairement.

« (Silence). Hum ! Déjà euh, pour moi ça, ça paraissait ahurissant quoi, qu’ils ont pu faire un endroit comme ça pour euh, pour les toxicomanes, pour qu’ils puissent shooter en, on va dire en toute sécurité et puis en toute tranquillité tu vois sans que, ils soient dérangés par quelqu’un s’ils le font dehors et tout. Au début, ça m’a

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surpris quoi et puis après je me suis dit ouhai, tiens c’est pas mal, ce serai tiens des idées à avoir, proposer en France pour voir si ça pourrai se faire quoi et tout, mais bon ce n’est pas évident. Ben déjà à mon époque il y avait très peu, il y a une dizaine d’année, il y avait pas de structure comme [la boutique] Bémol. Bémol n’existait pas, il y avait rien. On allait chercher ce que l’on pouvait dans la rue quoi, tout ce passait dans la rue quoi, tout le monde shootait à droite à gauche hein, c’est clair, il n’y avait pas de structure comme Bémol, de truc comme ça quoi pour changer les seringues et tout. Ce qui est bien, c’est que c’est propre euh, il y a tout ce qu’il faut si tu n’as pas de matériel, tu trouves tout sur place. Il y a une certaine sécurité. Vu déjà le nombre qui y va là-bas, c’est clair que si tous ces gens la euh, comment dire, si tous ces gens la vont là-bas, c’est pas pour rien, c’est que, il y a forcément du bien à quelque part, parce sinon la plus part, on en a rien à foutre hein on fait comme d’habitude, on shoot dehors ou chez nous à la maison » (Entretien n°6).

Un autre thème récurrent est celui de la possibilité de disposer d’un lieu propre pour consommer.

« Ce serait très bien. Pourquoi ? Parce que moi quand je shoot, je shoote le sub et je dois shooter dans les endroits dehors et là ça permettrait de shooter dans des endroits à l’intérieur, dans un endroit propre et pas dans une cave, dans un grenier ou dans un abri sommaire. De pouvoir se laver les mains avant, de pouvoir heu bien désinfecter, de pouvoir poser son matériel dans un endroit propre. Coté hygiène quoi et coté heu être à l’abri des passants et qu’un enfant qui passe, il voit ça quoi » (Entretien n°16).

La réduction de la visibilité de la consommation, du nombre de seringues laissées dans l’environnement, la réduction des tensions

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sociales liées à la consommation, l’accès à un lieu propre à l’abri des regards ; voilà les principales raisons qu’évoquent spontanément les consommateurs qui veulent justifier l’importance de l’ouverture de SCMR en France. Un autre motif a émergé au cours des entretiens mais en restant secondaire : réduire les contaminations du VIH/sida et du VHC.

L’ouverture d’une SCMR est une mauvaise chose, mais...

Ce type de réponse, « c’est une mauvaise chose, mais... », témoigne que si la plupart des consommateurs connaissent les expériences étrangères, des appréhensions apparaissent dans certains discours notamment quant aux modalités de fonctionnement de la SCMR.

« Je pense que c’est (silence) pas bon. C’est la zone autour de ces structures, elles sont pas respectées. Vaut mieux laisser les gens chez eux. Je crois pas…(silence). On sait pas, on peut même pas les étudier car elle existe pas en France ! A mon avis, ça aide, mais c’est par rapport à ce que j’ai vu à Bâle. Parce qu’à Zurich, c’est différent, c’est plus contrôlé. Donc je sais pas… Y’a cinq ans de ça, j’étais pour, mais aujourd’hui, je sais pas, il faut voir, il faut essayer pour voir si ça peut marcher » (Entretien n°5).

Cette réponse relative à l’ordre public autour de la structure illustre le type de doutes que suscite l’ouverture éventuelle de SCMR. Ils craignent que l’extérieur de la structure devienne un « supermarché » de la drogue qui susciterait sans doute des plaintes du voisinage et l’intervention de la police, ce qui, en retour, amènera les consommateurs à consommer à nouveau dans des lieux publics, semi-public ou chez eux plutôt que de fréquenter un endroit où on peut être arrêté.

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SALLE DE CONSOMMATION :

ET SI LES MAÎTRES D’OEUVRE ÉTAIENT LES CONSOMMATEURS DE DROGUES ?

Les personnes interrogées ont montré beaucoup d’intérêt à d’écrire le fonctionnement d’une SCMR. Toutes se sont prêtées à l’exercice, et celles qui trouvaient que l’ouverture d’une SCMR était « une mauvaise chose, mais... » ont décrit le type de service qui leur semblaient le mieux adapté à leur consommation. Les propos recueillis portaient généralement sur l’organisation interne du lieu, le règlement de fonctionnement, les intervenants, les jours et heures d’ouverture, l’implantation idéale et sur leur utilisation projetée de la SCMR. Voyons comment serait une SCMR si les maîtres d’œuvre étaient les consommateurs de drogues.

L’organisation interne

Les consommateurs de drogues ont donné un descriptif assez précis de l’organisation d’une SCMR. Deux types en sont ressortis :

1. la première organisation se base sur le modèle des boutiques où il serait ajouté des espaces de consommation à moindre risque.

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« Un service dans, dans un style de [la boutique] Bémol, dans le style heu vous donnez des pompes. Comme Bémol voilà avec un endroit pour shooter proprement là d’accord ouhai ! C’est comme ça que je verrai le truc quoi ! » (Entretien n°10).

Les modalités d’intervention des boutiques peuvent comporter : l’accueil ; la distribution et la promotion du matériel d’hygiène et de prévention ; l’information sur les risques associés à l’usage de drogues et leur prévention ; les conseils personnalisés sous forme d’entretiens, d’information ; l’orientation et l’accompagnement vers des services de soins généraux ou spécialisés et vers les services sociaux ; la mise à disposition d’espace de repos ; la distribution de boissons et de nourriture ; l’offre de services d’hygiène : toilettes, douches, machines à laver, etc. ; l’organisation de l’entraide et du soutien par les pairs ; l’aide à l’accès aux droits ; la dispensation de soins infirmiers ; l’éducation pour la santé ; la mise à disposition de consignes pour les effets personnels pour les personnes sans domicile et la récupération du matériel usagé.53

Les espaces de consommation à moindre risque devront comporter des espaces individuels préservant l’intimité des personnes.

« Qui ait tout ce qu’y’a à [la boutique] Bémol déjà et qu’en plus il y ait des salles, comme il y avait marqué dans un ASUD-Journal, où il y avait un petit dessin où y’a chaque fois un p’tit compartiment [Dispositivo Asistencial de VEnupuncion à Madrid]. Ça c’est super, j’avais trouvé ça génial » (Entretien n°16).

53 Supra, note n°16.

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2. la seconde organisation se base sur une structure d’accueil permettant la consommation à moindre risque indépendante d’une boutique si celle-ci existe déjà.

« […] Je te dis comme je le pense, comme y’a [la boutique] Bémol qui existe, ici on peut prendre des douches, se raser et ce n’est pas parce qu’une nouvelle structure ouvre qu’on ne peut plus aller chez Bémol. Donc la douche n’est pas nécessaire, tu vois ce que je veux dire, donc c’est un coût en moins pour la structure hein. Il faudrait qu’il y ait des sanitaires, ça c’est obligatoire le reste n’est pas obligatoire. Par contre tout ce qui tourne autour de la consommation, que ce soit nickel » (Entretien n°17).

De manière fort consensuelle, les consommateurs de drogues souhaiteraient que la SCMR soient caractérisée par une ambiance calme comme elle existe sur les boutiques.

Nous nous sommes aventurés à imaginer le plan d’organisation d’une SCMR du point de vue des consommateurs de drogues. Celui-ci comprend :

A- Un espace d’accueil et de repos avec une mise à disposition de café et d’eau ;

B- Deux salles de consommation à moindre risque : la première pour les injecteurs et les sniffeurs (salle de consommation 1) et la seconde pour les fumeurs (salle de consommation 2). Les consommateurs de drogues rencontrés considèrent le geste de l’injection du registre du privé et désireraient que la salle de consommation soit dotée de compartiments semi-privés pour respecter leur intimité.

« Pour préserver une certaine intimité, être seul parce que le fait d’avoir une grande table heu avec 26 chaises puis 26 gars à coté de toi qui te regardent tout ça… Quand tu fais ton truc, t’aime bien être tout seul… Tout

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en sachant que quelqu’un puisse t’aider quoi » (Entretien n°24).

« Au moment de l’injection, parce qu’on se pique pas tous au même endroit, y’en a qui se pique dans la jambe, y’en a qui se pique dans le bras et d’autres dans le sexe et donc il faudrait un petit système de huis clos qui garantisse comment dire… et à ce moment là t’es toujours un peu fébrile et tout ça… Es ce que je vais avoir ma veine, es ce que je vais pas l’avoir ? Si jamais on est isolé des autres, on aura beaucoup plus de calme et c’est presque sur qu’on aura la veine et qu’on puisse l’atteindre quoi » (Entretien n°17).

Quand on leur parle de consommation à moindre risque sous surveillance d’un professionnel, les consommateurs de drogues préfèrent parler « de fonction d’encadrement » (P. Bouffartigue, 2001) à la consommation. Ils considèrent important la présence d’un intervenant si l’attitude et la formation de celui-ci correspondent à leurs attentes (détaillés plus loin).

Plan d’organisation d’une SCMR

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C- Une salle de premiers soins.

D- Des toilettes.

E- Un bureau et une salle de repos pour les intervenants.

Le règlement de fonctionnement

Nous constatons que les consommateurs de drogues désirent tous qu’il y ait un règlement de fonctionnement. Ce souhait montre ainsi la fonction sociale des SCMR.

La question du règlement a été abordée au travers de quatre thèmes : L’âge minimum autorisé pour accéder à la SCMR. Se laver les mains avant de consommer. L’interdiction de dealer et l’interdiction d’aider une autre personne à consommer. Ce dernier point a également été abordé par les personnes au travers de la question concernant les motifs qui feraient qu’elles choisissent de ne pas consommer dans une SCMR.

- L’âge minimum pour accéder à la SCMR : tous les consommateurs interrogés ont considéré cette question comme « difficile », mais pensent que l’accès de la SCMR doit être interdit aux mineurs.

« Moi je dirais niet pour les mineurs, interdit. Ouhai voilà, interdit pour les mineurs (silence). Bon après chacun fait ce qu’il veut quand il est majeur. Mais c’est compliqué, le mec qui à moins de 18 ans et qui shoote, il prend des risques et là franchement j’ai pas de solution à ça. Je trouve qu’il faudrait être majeur malgré tout quoi, voilà, en dessous de 18 ans, je serais pas pour. Femmes enceintes aussi je serais contre parce que, voilà éthiquement parlant il est dur de regarder une femme enceinte en train de faire son shoot quoi voilà. Femmes enceintes et mineurs je dirais » (Entretien n°12).

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- L’obligation de se laver les mains avant de consommer dans la SCMR : tous les consommateurs déclarent que le fait d’ouvrir une SCMR implique obligatoirement des règles d’hygiène à respecter.

« Faire un shoot propre, c’est déjà de se laver les mains » (Entretien n°12).

- Interdiction de dealer à l’intérieur et à proximité immédiate de la SCMR : tous les consommateurs interrogés mettent en évidence que le deal doit être interdit dans une SCMR afin de préserver le lieu des « embrouilles » et de la présence policière.

« C’est mieux, ça évite les problèmes et puis pas besoin de ce type de structure pour trouver ta came ! » (Entretien n°8).

- Interdiction d’aider une autre personne à consommer dans la SCMR :

« Ben parce que la personne, chacun est à même de faire son pète heu y en a qui aime qu’on les aide et d’autres pas. Heu voilà si je ne peux pas aider les autres ben voilà moi c’est mon pète à moi et voilà, c’est pas égoïste mais heu si je viens dans une salle de conso, c’est pour faire mon pète à moi et pas pour spécialement aider les autres » (Entretien n°12).

Les consommateurs de drogues considèrent que l’acte de consommer est un acte individuel qui ne doit en aucun cas passer par l’aide d’une autre personne. Pour ceux qui trouveraient des difficultés, ils suggèrent que les intervenants puissent former les personnes à une consommation à moindre risque.

« À la rigueur, que les intervenants forment les mecs, qui sachent le faire correctement et proprement » (Entretien n°1).

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- La question de la qualité des produits qui seraient possible de consommer sur place a également été une des dimensions abordées par les personnes.

« Encore un truc, il manque (silence), c’est euh, je ne sais pas si ça existe, c’est comme quand t’achète des, des ecstas, une machine qui te dit la qualité du produit que tu t’injectes. Comme ça la personne là en même temps, elle sait la qualité du produit qu’elle s’injecte pour mieux gérer la chose et éviter de prendre n’importe quoi en te faisant arnaquer » (Entretien n°6).

Les intervenants

Les consommateurs de drogues ont donné des commentaires sur les intervenants qu’ils souhaiteraient voir travailler dans une SCMR. Pour eux, les intervenants ne doivent pas être des personnes qui viennent faire de la sollicitation thérapeutique mais plutôt des personnes intervenant dans l’esprit des équipes de rue ou des boutiques. Toutefois, ils n’excluent pas la possibilité de counselling avec un psychologue et ils insistent sur la présence d’association d’auto-support pour qu’il y ait une éducation à la consommation à moindre risque par les pairs.

« Déjà ceux qui ne savent pas trop comment shooter, leur expliquer déjà bien comme il faut, avec le bon matériel qu’il faut quoi. L’intervenant sera là… Ce serait bien que ce soit un mec d’une association, tu sais ? Une association, comme il y a ici euh (silence) LUDIC, c’est ça comme LUDIC. Il sera là pour que tout se passe bien et pour informer les gens aussi que par exemple, t’arrives avec un vieux citron, qu’il te dise non non laisse ça, je vais te donner autre chose. Ouhai, le former, informer sur les pratiques quoi » (Entretien n°1).

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Les consommateurs de drogues suggèrent que tous les intervenants soient formés aux premiers secours.

« Aider à ne pas faire n’importe quoi et puis heu s’il y a un problème, chez pas heu, style une OD, qu’il y ait des gens compétents pour secourir » (Entretien n°6).

Les jours et heures d’ouverture

Les consommateurs de drogues ont insisté sur le fait que la SCMR soit ouverte tous les jours, samedi et dimanche compris. Ils désireraient que celle-ci soit ouverte 24h/24 dans l’idéal mais pensent que cela ne sera pas possible alors ils suggèrent des horaires alternés entre le matin, l’après-midi et le soir.

« Ce serait bien que ce soit ouvert 24h sur 24 et 7 jours sur 7 mais bon ça c’est pas possible 24h sur 24, ça demanderait beaucoup de monde et d’argent ! Pour moi l’idéal, ce serait 7 jours sur 7 et le week-end aussi car toutes les structures sont fermées le week-end et nous on shoote aussi le week-end ! Après les horaires, ça peut être un coup le matin, un coup l’après midi et aussi en soirée, un truc comme ça quoi. Mais au mieux, ce serait 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 je pense » (Entretien n°1).

L’implantation idéale de la SCMR

Cette question a fait l’unanimité chez les consommateurs de drogues. Tous ont cité le quartier Francklin-Briand comme lieu idéal d’implantation de la SCMR à Mulhouse. Les motifs sont la proximité du centre ville sans être le centre ville et le quartier est repéré comme scène de la drogue.

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L’utilisation projetée d’une SCMR

Avant d’aborder l’utilisation projetée d’une SCMR, nous avons demandé aux consommateurs s’ils soutiendraient une SCMR si celle-ci était implantée dans le quartier où ils consomment habituellement ou dans le quartier où ils habitent.

Tous les consommateurs interrogés déclarent soutenir l’implantation d’une SCMR dans le quartier où ils consomment habituellement mais on trouve quelques oppositions concernant une implantation dans leur quartier d’habitation.

« Je dirais non, parce que ça me grillerais par rapport aux riverains d’à coté et j’aimerais pas que ma vie privée soit dévoilée heu à tout le monde donc je dirais non dans le quartier où j’habite » (Entretien n°12).

On pourrait s’attendre à ce que le lieu d’habitation soit une variable importante à l’utilisation projetée d’une SCMR par les

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consommateurs interrogés. Or cela n’est pas le cas. Le fait d’avoir un appartement ou une chambre dans un foyer n’est effectivement pas le gage de non-fréquentation de SCMR.

« (Silence). Euh, ouhai dans un certain coté houai euh, je serais plus rassuré d’aller le faire dans une salle de conso, parce que je me dis comme ça s’il m’arrive quoi que ce soit, tu es encadré, il y a une équipe euh, tac euh, ils peuvent t’aider quoi. Par après, je préférais y aller, quitte à faire 20 km, je préférais aller à la salle que de le faire chez moi, c’est clair » (Entretien n°6).

Les consommateurs pensent qu’une SCMR serait fréquentée si les éléments vus précédemment (violence, deal, etc.) sont absents de la structure. C’est certainement la réputation de celle-ci (ambiance et intervenants) qui semble déterminante quant à l’usage qu’en feront les consommateurs de drogues.

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Conclusion

Les modèles étrangers en matière de toxicomanie témoignent d’une tentative de mettre en place des systèmes décalés par rapport à des modes d’intervention plus traditionnels en matière de réduction des risques comme ceux existant en France (politique sanitaire et normes pénales). Ces modèles ont pour vocation d’intervenir in situ au moment de l’acte pour lequel ils désirent prévenir des pratiques à risques. Ils ont heurté, dans leur conception, leur fondement et leur construction, la culture professionnelle de tous les acteurs de la vie sociale en soulevant des questions de santé et politiques publiques, de philosophie et de bien-être social ainsi que de moralité publique.

Comme nous l’avons exposé dans le chapitre 1, le processus conduisant à l’adoption de pratiques nouvelles est bien celui que décrivent les sociologues de l’innovation : celle-ci repose sur l’engagement d’acteurs dissidents (militants ou professionnels marginaux par rapport aux référentiels de leur formation d’origine). Pour autant, ces modèles restent inscrits dans la rhétorique du soin, elle-même sous-tendue par l’objectif d’abstinence. Cette dernière devrait alors convaincre les défenseurs de la prohibition que ces modèles sont un atout dans la lutte contre la toxicomanie en constituant une troisième voie, à coté de la criminalisation et du soin.

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La mise en place expérimentale de SCMR en France est aujourd’hui légalement possible. Chez les consommateurs de drogues, la légitimation des SCMR s’appuie sur des arguments de « paix sociale » et « d’ordre public » dans lesquels prend place leur pratique de consommation, et non sur l’aspect socio-sanitaire. Ainsi, on observe une divergence importante entre le sens que revêt chez les consommateurs l’implantation éventuelle d’une SCMR et les principes qui légitimeraient la mise en place de telles structures et qui sont mis en avant par les acteurs socio-sanitaires.

En effet, les projets de SCMR sont souvent imaginés sur la base du contrôle médical de la pratique de consommation en raison de la prévalence élevée des infections virales VIH et hépatites chez les consommateurs de drogues.

L’une des dimensions problématiques que fait surgir notre démarche qualitative est que la mise en place éventuelle de telles structures peut difficilement se limiter aux objectifs socio-sanitaires que construisent les porteurs de ces projets. Au travers des expériences étrangères de SCMR et des différentes études existantes sur le sujet, nous avons montré que la perspective théorique ayant guidé nos travaux et reposant sur « les points de vue des consommateurs de drogues » nous a permis de mettre en évidence les principaux contextes faisant sens pour eux (Nous sommes conscients que la présentation des trois expériences étrangères de SCMR que nous avons faites n’est pas complète et qu’il aurait fallu pouvoir passer un temps plus long dans chacune d’elle pour en faire une présentation plus pointue).54

Les résultats de cette recherche montrent que la réussite de ces projets passe obligatoirement par une alliance entre les consommateurs de drogues et les intervenants en RDR afin de permettre la construction de stratégies nouvelles de réduction des

54 Le financement obtenu ainsi que le temps imparti à cette étude ne le permettaient pas.

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risques et des dommages ainsi qu’une adhésion totale des différents protagonistes.

Pour conclure, nous laisserons la parole à un consommateur de drogues.

« Si déjà maintenant, on arrive à mettre des structures en place comme [la boutique] Bémol ou AIDES ou n’importe, moi je dis qu’on peut franchir le pas, faire un essai. Au moins essayer parce que moi je dis que ça apporte peut-être certaines choses négatives mais heu, d’un coté il y a quand même une certaine sécurité sur tous les plans (silence) sanitaires. Je préfère me shooter dans une salle de conso que de le faire là dans le parc ou dans la rue, tac, aux yeux et à la vue de tout le monde et de jeter ma pompe dans la rue, parce que les mecs qui shootent dans la rue, ils la jettent dans la rue, c’est clair ils vont pas la mettre dans la poche et dire je vais la jeter dans la poubelle là-bas. Houai, il devrait faire un essai, de mettre en place des salles de conso, ça se serait bien […] » (Entretien n°6).

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Cactus (Bienne) www.contact-netz.ch

DAVE (Madrid) www.drogomedia.com/

www.madrid.org/web_agencia_antidroga/

Drogenhilfe e.V. (Aachen) Drogenhilfezentrum Verein www.drogenhilfe-aachen.de

Krisenhilfe e.V. (Essen) www.krisenhilfe-essen.de/kontaktangebote/konsumraum.shtml

FASD (Fribourg) www.fasd-brr-urd.ch

FixPunkt (Hanovre) step.trilos.de

www.uni-oldenburg.de/fb3/politik2/ghr

INDRO e.V. (Münster) www.indro-online.de/cir.htm

Insite (Vancouver) www.vch.ca/sis/

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K & A (Bâle) www.suchthilfe.ch/srb.html

Kontakcafe SKM e.V. (Köln) www.stadt-koeln.de/bol/sucht/produkte/02170/index.html

La Strada (Frankfurt) www.frankfurt.aidshilfe.de

MSIC (Sydney) www.sydneymsic.com/

Nidda 49 (Frankfurt) www.idh-frankfurt.de

Quai 9 (Genève) www.premiereligne.ch/

Toxico.info (Québec) www.toxico.info/

VANDU (Vancouver) www.vandu.org/

Annexes

150

Annexe 1

GRILLE D’OBSERVATION QUAI 9 (GENÈVE)

Date : ___ / ___ / 2005 Heure : ________

Localisation

- Accessibilité - Lieu d’implantation -

Jours et heures d’ouverture : Équipe d’intervenants : Plan de Quai 9 :

Atmosphère - Musique - Décoration - Accueil - -

- Salle d’accueil - Salle de consommation

Information - Affiche - Info prévention - Pratique de consommation - Activités internes - Matériel RDR - Règlement intérieur - -

- Salle d’accueil - Salle de consommation

Évènements spéciaux, commentaires : Commentaires des intervenants : Commentaires des consommateurs : Autres observations :

152

Annexe 2

GUIDE THÉMATIQUE D’ENTRETIEN

CONSOMMER EN PRÉSENCE D’INTERVENANTS ! ?

Les points de vue des consommateurs sur la mise en place éventuelle de structures d’acc ueil

avec possibilité de consommer à moindre risque

1- NOM DE L’ENQUÊTEUR : __________________ NUMÉRO de l’entretien : ____

2- Date : __ / 01 / 2005 (Période de passation : Janvier 2005) Enregistrement accepté □

3- LIEU DE L’ENTRETIEN : ___________________________ (Structure, Quartier, etc.) RAPPELER AUX PARTICIPANTS QUE L’ENTRETIEN EST TOTAL EMENT ANONYME.

4- QUESTION PRÉLIMINAIRE : Dans les 6 derniers mois, es-tu allé dans une structure d’accueil ayant une salle de consommation à moindre risque (à Bâle en Suisse ou dans une autre ville/pays) pour consommer des drogues ?

�Si OUI, combien de fois ? ____

POINTS DE VUE CONCERNANT LES SALLES DE CONSOMMATION À MOINDRE RISQUE (SCMR)

5- Que penses-tu de l’ouverture éventuelle d’une structure d’accueil avec possibilité de consommer à moindre risque (SCMR) ? __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ 6- A ton avis, quels types de services fournissent les SCMR aux usagers ? __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________

Ne rien inscrire

153

7- A ton avis, il vaudrait mieux que les espaces de consommation soient commun (1 seule pièce) et/ou séparés (compartiments privés) ? (1 SEULE REPONSE POSSIBLE) 1 Ne sais pas � ALLEZ À LA QUESTION 9 2 Compartiments privés 3 Commun avec tables et chaises séparées

4 Commun avec tables communes

et chaises séparées 5 Tout ce qui précède (Réponses 2 à 4)

6 Autre disposition (Faire croquis)

�8- Pourquoi ? __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________

154

9- A ton avis, les SCMR doivent-elles être interdites à des usagers d'un certain âge ? 1 Oui 2 Non 3 Ne sais pas

�10- Pourquoi OUI / Pourquoi NON ? __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________

�11- si OUI (À LA QUESTION 9), quelle âge minimum devrait être autorisé ? ____ ans 12- A ton avis, quelle devrait être les horaires et les jours d’ouverture d’une SCMR ? __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ 13- Es-ce que tu soutiendrais l’ouverture d’une SCMR dans le secteur où tu consommes habituellement ? 1 Oui 2 Non 3 Ne sais pas

�14- Pourquoi OUI / Pourquoi NON ? __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ 15- Es-ce que tu soutiendrais l’ouverture d’une SCMR dans le quartier où tu habites ? 1 Oui 2 Non 3 Ne sais pas

�16- Pourquoi OUI / Pourquoi NON ? __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ 17- Es-ce que tu utiliserais une SCMR située dans le secteur où tu consommes habituellement ? 1 Oui 2 Non 3 Ne sais pas

�18- Pourquoi OUI / Pourquoi NON ? __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ 19- De quelles formes pourraient être l’aide apportée lors de ta consommation dans une SCMR ? __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________

155

20- À quelle fréquence penses-tu utiliser une SCMR ? (1 SEULE REPONSE POSSIBLE) 1 Ne sais pas 4 Parfois 2 Tout le temps 5 Rarement 3 La majeure partie du temps 6 Jamais 21- Quelles seraient les motifs qui te feraient choisir de ne pas consommer dans une SCMR ? __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ 22- A ton avis, quels seraient le ou les lieux idéals pour l’implantation d’une SCMR ? __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ 23- Es-ce que tu utiliserais une SCMR si tu devais te laver les mains avant de consommer ? 1 Oui 2 Non 3 Ne sais pas

�24- Pourquoi OUI / Pourquoi NON ? __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ 25- Es-ce que tu utiliserais une SCMR si tu étais sous la surveillance d’un intervenant lors de ta consommation ? 1 Oui 2 Non 3 Ne sais pas

�26- Pourquoi OUI / Pourquoi NON ? __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ 27- Es-ce que tu utiliserais une SCMR si tu n’étais pas permis d’aider une autre personne (ami, copain) à injecter ? 1 Oui 2 Non 3 Ne sais pas

�28- Pourquoi OUI / Pourquoi NON ? __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ 29- Es-ce que tu utiliserais une SCMR si le deale est interdit dans la structure et devant la structure ? 1 Oui 2 Non 3 Ne sais pas

�30- Pourquoi OUI / Pourquoi NON ? __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________

156

31- Es-ce que tu utiliserais une SCMR si l’utilisation de celle-ci n’est pas anonyme ? 1 Oui 2 Non 3 Ne sais pas

�32- Pourquoi OUI / Pourquoi NON ? __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________

HISTOIRE ET PRODUITS NE PAS LISTER LES RÉPONSES PROPOSÉES. LAISSER LA PERSONNE RÉPONDRE 33- Depuis combien de temps consommes-tu des drogues ? ____ ans ou ____ mois 34- Approximativement, combien de fois as-tu consommé des drogues durant les 4 derniers mois ? ____ fois DURANT LES 4 DERNIERS MOIS, quelles drogues as-tu consommés ? (PLUSIEURS

REPONSES POSSIBLES)

INJECTE SNIFFE FUME VOIE ORALE

35- Héroïne 1 2 3 ///

36- Cocaïne 1 2 3 ///

37- Crack/Free base 1 2 3 ///

38- Subutex 1 2 3 4 �39- Ce médicament a-t-il été : prescrit par un médecin 1 �Prescription respectée 2 Acheté dans la rue 3

40- Méthadone 1 /// /// 2 �41- Ce médicament a-t-il été : prescrit par un médecin 1 �Prescription respectée 2 Acheté dans la rue 3

42- Moscontin/Skenan 1 2 3 4 �43- Ce médicament a-t-il été : prescrit par un médecin 1 �Prescription respectée 2 Acheté dans la rue 3

44- Benzodiazépines (Rohypnol, Tranxène, Léxomil, Temesta.)

1 2 3 4

�45- Ce médicament a-t-il été : prescrit par un médecin 1 �Prescription respectée 2 Acheté dans la rue 3

46- Autres (Orténal, Antalvic, Diantalvic, ...)

1 2 3 4 �47- Ce médicament a-t-il été : prescrit par un médecin 1 �Prescription respectée 2 Acheté dans la rue 3

48- LSD 1 2 3 4

49- Ecstasy/Amphét. 1 2 3 4

50- Cannabis /// /// 1 2

51- Autre (Préciser) : _____________

1 2 3 4

52- Consommes-tu de l’alcool en association avec l’un de ces produits ? 1 Oui 2 Non 53- As-tu déjà effectué un test de dépistage (VIH et Hépatites) ? 1 Oui 2 Non 3 Ne sais pas � SI NON OU NE SAIS PAS, ALLEZ À LA QUESTION

55

�54- Si OUI, il y a combien de temps ? ____ ans ou ____ mois

157

55- Durant les 4 derniers mois, combien de fois as-tu consommé des drogues dans un lieu public (par exemple : wc public, parc, cage d’escalier, sous-sol, garage, etc.) ? (1 SEULE REPONSE POSSIBLE) 1 0 fois 5 31 – 40 fois 9 71 – 80 fois 2 1 – 10 fois 6 41 – 50 fois 10 Plus de 80 fois 3 11 – 20 fois 7 51 – 60 fois 4 21 – 30 fois 8 61 – 70 fois 56- Durant les 4 derniers mois, où vas-tu le plus souvent consommer des drogues ? (1 SEULE REPONSE POSSIBLE) 1 Chez toi 6 Dans des toilettes publiques 2 Chez des amis, chez tes parents 7 Dans un parc 3 Dans la rue 8 Dans une cage d’escalier 4 Dans un squat 9 Dans un parking 5 Dans une voiture 10 En teuf

11 Autre (préciser) : __________ 57- T’arrive-t-il de partager ou d’utiliser le matériel d’une autre personne (seringue, cuillère, eau, filtre, paille, etc.) ? (1 SEULE REPONSE POSSIBLE) 1 Ne sais pas � ALLEZ À LA QUESTION 59 4 Rarement 2 Tout le temps 5 Jamais � ALLEZ À LA QUESTION

59 3 Parfois

�58- Quelle(s) matériel(s) as-tu utilisé ou partagé ? (PLUSIEURS REPONSES POSSIBLES)

1 La seringue 5 L’eau 2 La cuillère (cannette, etc.) 6 Le produit 3 Le filtre 7 Autre (préciser) : ___________ 4 La paille

59- Quelle note donnes-tu à ton capital veineux ? (Entourez le chiffre qui correspond le mieux à la situation)

(1 = très mauvais état à 5 = très bonne état)

Très mauvais état Très bonne état

1 2 3 4 5 60- Combien de fois, depuis que tu consommes des drogues, as-tu fait une overdose ? ____ fois 61- Durant les 4 derniers mois, combien de fois as-tu fait une overdose ? ____ fois 62- Durant les 4 derniers mois, combien de fois as-tu fait une poussière ? ____ fois 63- Durant les 4 derniers mois, combien de fois as-tu fait un abcès ? ____ fois

158

64- Durant les 4 derniers mois, combien de fois as-tu assisté à une overdose d’une personne ? ____ fois 65- Combien de personnes connais-tu dont le décès est lié à la consommation de drogues (overdose, suicide, accident, VHC, Sida, etc.) ? ____ personnes

INFORMATIONS GÉNÉRALES 66- Sexe : 1 Féminin 2 Masculin 67- Age : ____ ans 68- Tu vis : 1 Seul(e) 2 En couple 69- Nombre d’enfants : ____ � SI 0, ALLEZ À LA QUESTION 71

�70- Est-ce qu’ils vivent avec toi ? 1 OUI 2 NON 71- As-tu un(e) partenaire régulier(e) depuis plus de 6 mois ? 1 OUI 2 NON � SI NON, ALLEZ À LA QUESTION 73 �72- Si OUI, ton partenaire est-il(elle) usager(e) de drogues ? 1 OUI 2 NON NE PAS LISTER LES RÉPONSES PROPOSÉES. LAISSER LA PERSONNE RÉPONDRE 73- Tu habites : (1 SEULE REPONSE POSSIBLE) 1 Chez tes parents, ta famille 2 Chez toi 3 Chez des amis 4 En institution (foyer, post cure, appartement thérapeutique...)

5 En prison (semi-liberté) 6 Dans un squat 7 Dans la rue 8 Tu es actuellement SDF (copain � squat � copain…)

9 Autre (préciser) : ______________ 74- Tu habites Mulhouse ? 1 OUI 2 NON � SI NON, ALLEZ À LA QUESTION 76 �75- Si OUI, de quel quartier de Mulhouse ? (1 SEULE REPONSE POSSIBLE) 1 Drouot 8 Wagner 15 Daguerrer

2 Coteaux 9 Franklin/Briand 16 Fonderie 3 Bourtzwiller 10 Centre ville 17 Waldner 4 Koechlin 11 Rebberg 18 Salvator 5 Drustlein 12 Wolf 19 Doller 6 Cité 13 Vauban 20 Dornach 7 Illberg 14 Neppert 21 Autre (Préciser) : _

�76- Si NON (À LA QUESTION 74), dans quelle ville habites-tu ? __________________

159

77- NOTES / COMMENTAIRES / OBSERVATIONS : __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________ __________________________________________________________________________

MERCI POUR TA COLLABORATION

160

Annexe 3

PROFIL DES USAGERS INTERROGÉS

161

162

163

164

165

166

167

168

Annexe 4

QUAI 9 RÈGLEMENT

ACCÈS AU LIEU D’ACCUEIL L’accès au lieu d’accueil est réservé aux personnes consommatrices de drogues dures. Les mineurs ne sont pas autorisés à entrer dans la salle d’injection.

SONT INTERDITS À L’INTÉRIEUR DES LOCAUX ET DANS LE PÉRIMÈTRE EXTÉRIEUR DIRECT

LE DEAL : TOUTE VENTE DE PRODUIT LÉGAL ILLÉGAL (le produit sera sorti dans la salle d’injection) TOUTE CONSOMMATION DE PRODUIT EN DEHORS DE LA SALLE D’INJECTION (périmètre autour du local, salle d’accueil, wc...etc.) TOUTE OFFRE OU VENTE DE PRODUITS VOLES TOUT TRANSFERT D’ARGENT TOUTE VENTE, DON OU ÉCHANGE DE SON TICKET D’ENTRÉE POUR LA SALLE D’INJECTION

LA VIOLENCE : TOUT ACTE DE VIOLENCE ENTRE LES USAGERS OU ENVERS LES EMPLOYÉS LES DOMMAGES AU MOBILIER LE MANQUE DE RESPECT, LES MENACES VERBALES OU PHYSIQUES ENVERS LES USAGERS OU LES EMPLOYÉS LE PORT D’ARMES (armes blanches ou à feux, couteaux...etc.)

NOUS VOUS RAPPELONS QUE LA CONSOMMATION DE DROGUE EST

UN ACTE ILLÉGAL

Le personnel peut interdire l’accès au lieu d’accueil pour Une durée plus ou moins longue à toute personne ne respectant pas les règles

169

PROCÉDURE D’UTILISATION DE LA SALLE D’INJECTION

• Déposer/Échanger votre matériel usagé au bar => seringue, cuillère et filtre propres vous seront remis dans la salle d’injection.

• Prendre un ticket au bar (si vous êtes 2, le signaler et prendre 2 numéros qui se suivent). Acheter un garrot, si vous n’avez pas le vôtre.

• Attendre votre tour. • Entrer dans la salle d’injection lorsque votre numéro s’affiche. • Éteindre votre natel (portable). • VOUS LAVER LES MAINS AVANT de prendre votre matériel. • Remettre votre ticket à l’entrée et annoncer le produit à consommer. • Chacun apporte, prépare et consomme son propre produit. • Signaler à l’intervenant lorsque votre injection est prête et remettre votre filtre et votre

cuillère à l’intervenant. • Ne faire qu’UNE seule injection par passage. • Déposer votre seringue, et votre matériel annexe usagé dans les bacs et les poubelles

appropriés. • Ranger et nettoyer votre place. • Respecter l’intimité de chacun et chacune.

VEUILLEZ NE PAS : • Entrer dans la salle d’injection avec du matériel usagé. • Manipuler de façon désordonnée des seringues. • Rester au-delà de 30 minutes dans la salle. • Quitter la salle avec votre matériel IV usagé et votre coton. • Manger, boire ou fumer dans cette salle. • Utiliser un point d’injection évalué dangereux par le professionnel présent. • Faire une injection dans le cou ou dans une zone évaluée dangereuse à une autre

personne. • Entrer avec un animal => chaque personne est responsable de SON animal et il doit être

tenu en laisse dans la salle d’accueil.

LE PERSONNEL EST EN MESURE D’INTERDIRE L’ACCÈS À LA SALLE IV ET DE DÉTERMINER LA DURÉE DE L’INTERDICTION, À TOUTES PERSONNE :

- risquant de faire une overdose avec une injection supplémentaire, - ayant un comportement perturbateur, - sans ticket, - nécessitant des soins (nécessité d’avoir recours à un médecin pour poser un

diagnostic, recouvrir les plaies ouvertes...), - n’ayant pas respecté les règles de fonctionnement citées ci-dessus.

Le personnel décline toute responsabilité en cas de pertes, vols oublis, d’objets personnels ou autres dans nos locaux.

[Le règlement est publié en Français, Anglais, Allemand, Albanais, Russe et Georgien].

170

Annexe 5

AFFICHES D’INFORMATION QUAI 9

Après une réunion avec les responsables de la police, suite à différents problèmes

concernant le Quai 9, nous vous informons des éléments suivants :

Le Quai 9 est un lieu de prévention. Il est possible de s’y injecter

de la drogue, en respectant certaines règles.

La police n’intervient pas vis-à-vis des consommateurs.

Par contre, nous vous rappelons que la police peut intervenir

en cas de vente de produits ou d’autres délits. Le Quai 9

n’est pas un lieu protégé !

Dans notre intérêt à tous, merci d’en tenir compte !

AU QUAI 9,

QU’EST-CE QUE LE DEAL ? TOUTE TRANSACTION DE PRODUIT et D’ARGENT

(héroïne, cocaïne, méthadone, dormicom, et autres médicaments) que ce

soit : - DE L’ACHAT

- DE LA VENTE

- DU DÉPANAGE OU D’UN CADEAU

qui a lieu :

À L’INTÉRIEUR DE QUAI 9

� EN SALLE D’ACCUEIL

� EN SALLE D’INJECTION

À L’EXTÉRIEUR DE QUAI 9, DEVANT LE BÂTIMENT OU

MÊME SUR LE TROTTOIRE D’EN FACE

TOUTE PERSONNE SURPRISE À FAIRE CE DEAL SERA AUTOMATIQUEMENT SANCTIONNÉE, ET SANS POSSIBILITÉ

DE NÉGOCIATION :

D’1 PREMIER MOIS D’INTERDICTION D’ACCÈS DE TOUT QUAI 9, y compris l’extérieur du bâtiment

Cette nouvelle mesure fait suite à une table-ronde qui a eu lieu avec des utilisateurs et utilisatrices de Quai 9 qui ont demandé d’être plus ferme avec les personnes qui dealent. Après discussion, l’équipe de travail de Quai 9 choisi de suivre la proposition et décide d’appliquer cette sanction dès le LUNDI 26 JUILLET 2004

172

Annexe 6

PETIT JOB « BAR » QUAI 9 (Règle de fonctionnement pour le petit job « bar » proposé à l’usager)

Horaire De 15h à 18h. Ces trois heures sont coupées en trois tranches d’1 heure. Conditions Être utilisateur du lieu et être inscrit comme tel. Inscription 1 jour à l’avance au minimum. L’usager peut s’inscrire plusieurs jours à l’avance. La personne ne pourra s’inscrire au maximum que trois fois dans la semaine et devra être présent le jour choisi ¼ d’heure avant le début de son heure de travail. Nombre d’inscrits Au maximum 2 usagers par heure. Choix de l’usager 1/4 d’heure avant l’heure de travail, tirage au sort si présence des deux. Si l’un des deux arrive avec du retard, d’office il ne sera pas retenu. Les professionnels pourront donner présence à un usager si celui-ci à perdu plusieurs fois par tirage au sort. Référence et "accompagnement" Le poste n°1, professionnel à la distribution du matériel et distribution des tickets. Conditions et règles à respecter pour l’usager • Être en mesure de mener à bien cette tâche. Si trop consommé, peut être refusé • pas de consommation/injection durant l’heure de travail • être présent à un quart d’heure pour le tirage au sort, et pour pouvoir travailler • aucun retard n’est accepté • rémunération de 10-frs pour 1 heure sera versée à la fin de l’activité si les tâches ont bien été effectuées et si la caisse est en règle • aucun crédit, ni prêt accordé aux autres usagers • aucune distribution de matériel d’injection et distribution de tickets • pas d’accès au local stock pour aller chercher des boissons • pas de gestion des toilettes, celles-ci incombent toujours au poste 1 • il ne peut y avoir d’arrangement entre les usagers pour avoir accès au petit job

bar

173

Tâches à effectuer • distribution des boissons et nourriture • nettoyage régulier des tables impliquant le vidage des cendriers • mise en route du lave-vaisselle et rangement de la vaisselle/nettoyage du bar Rémunération : frs 10.--/heure, avec 1 boisson gratuite + 1 yoghourt ou fruit. Moment de restauration proposé par la référence, soit le poste n°1 Déroulement Par le poste SATELLITE (n°4), à moins de quart, tirage au sort. Utilisation du quart d’heure avant l’heure pour explication des règles à l’usager. À 15h : démarrage pour 1 heure de petit job derrière le bar. À 16h : vérification de la salle et de la caisse et versement de la rémunération avec quittance à l’appui. Pour une 2ème heure avec le même usager, évaluation de l’heure de travail. Caisse Une caisse de frs.- est donnée au départ, indépendante de la caisse bar que les professionnels utilisent, avec une grille de boissons sur laquelle l’usager devra inscrire tous les produits vendus. S’il manque de l’argent, la différence sera prise sur la rémunération. Si la différence est plus importante que la rémunération, nous demanderons à l’usager d’effectuer la compensation financière par une ou plusieurs heures pour le petit job « ramassage de seringues ».

Dernière mise à jour : 01/02/05

174

TABLE DES MATIÈRES

Remerciements ............................................................................. 9 Table des abréviations ............................................................... 11 Préface, par Fabrice Olivet (ASUD-Journal) ............................. 13

Introduction La stratégie et les politiques sur la drogue en France :

de la prohibition vers la réduction des risques

1. INTRODUCTION ...................................................................... 23 2. AUX PRISES AVEC DES EPIDEMIES .......................................... 27 3. L’APPLICATION D’UNE NOUVELLE APPROCHE ....................... 31 4. METHODOLOGIE ..................................................................... 39

Recherche documentaire .............................................................39 Observation participative .............................................................40 Entretiens semi-directif ...............................................................41 Question méthodologique : la (non) représentativité de l’échantillon interrogé ?................................................................43

Partis 1 Apprendre de l'expérience d'autres pays :

l'ouverture de salles de consommation à moindre risque 1. INTRODUCTION ...................................................................... 47 2. DES EXPERIENCES FRANÇAISES DE SCMR .............................. 51

La « maison d’accueil » d’ASUD Montpellier ............................51 Aménagement d’une SCMR dans un squat .................................52

175

3. DESCRIPTION DES DIFFERENTES STRUCTURES ETUDIEES ...... 55 Suisse ...........................................................................................55 Quai 9 (Genève) ..........................................................................59

Historique ................................................................................59 Description de Quai 9 ..............................................................61 Fonctionnement de Quai 9 .......................................................63 Insertion dans le quartier ..........................................................65 Groupe de pilotage et évaluation .............................................66 Points de vue des consommateurs de Quai 9 ...........................67

Australie : Sydney MSIC (Medically Supervised Injecting Centre) 69 Historique ................................................................................69 Description et fonctionnement .................................................71 Groupe de pilotage et évaluation .............................................75

Canada : Insite (Vancouver) ........................................................77 Historique ................................................................................77 Description et fonctionnement d’Insite ....................................80 Evaluation ..................................................................81

Partie 2 Approche sociologique de l'ouverture de structures d'accueil avec possibilité de consommer à moindre risque des drogues

1. LEÇON A RETENIR DE L’ECHANGE DE SERINGUES : UN PROLONGEMENT DU MESSAGE DES SOINS DE SANTE ....... 85 2. LES SALLES DE CONSOMMATION A MOINDRE RISQUE EN

TANT QU’OUTIL DE REDUCTION DES RISQUES : UNE MESURE EFFICACE POUR LA SANTE PUBLIQUE ? ............ 91 3. ATTRACTION DE PROBLEMES OU REDUCTION DE LA

NUISANCE PUBLIQUE ? ........................................................... 97 4. UNE MESURE RENTABLE ...................................................... 101 5. L’IMPERATIF MORAL DE METTRE EN PLACE DES SALLES DE

CONSOMMATION A MOINDRE RISQUE .................................. 103

176

Partie 3 Points de vues des consommateurs sur la mise en place éventuelle de lieux de consommation à moindre risque

1. INTRODUCTION .................................................................... 109 2 REACTIONS TYPES A L’ IDEE DE LA MISE EN PLACE

EVENTUELLE D’UNE SCMR ...................................................115 L’ouverture d’une SCMR est une bonne chose parce que... ......115 L’ouverture d’une SCMR est une mauvaise chose, mais… ......118

3 SCMR : ET SI LES MAITRES D’OEUVRE ETAIENT LES

CONSOMMATEURS DE DROGUES ? ....................................... 121 L’organisation interne ...............................................................121 Le règlement de fonctionnement ...............................................125 Les intervenants .........................................................................127 Les jours et heures d’ouvertures ................................................128 L’implantation idéale de la SCMR ............................................129 L’utilisation projetée d’une SCMR ...........................................129

Conclusion ................................................................................. 131 Bibliographie ............................................................................ 135 Sites Internet ............................................................................. 149

Annexes Annexe 1 Grille d’observation Quai 9 (Genève) ................. 153 Annexe 2 Guide thématique d’entretien .............................. 155 Annexe 3 Profil des Usagers interrogés ............................... 163 Annexe 4 Règlement Quai 9 ................................................ 171 Annexe 5 Affiches d’information Quai 9 ............................ 173 Annexe 6 Petit Job « Bar » Quai 9 ...................................... 175

Cette étude nous aide à « comprendre les enjeux véritables de l’actualité de la politique menée en matière de stupéfiants » et, « en jetant un éclairage scientifique sur les lieux de consommation à moindres risques », l’auteur « nous ramène au cœur de cette politique de réduction des risques que les professionnels du secteur connaissent bien, mais que le public français ignore faute de débat public ».

Fabrice Olivet, ASUD-Journal

Les structures d’accueil avec possibilité de consommer à moindre risque des drogues, peuvent réduire plusieurs des risques liés à l’utilisation de drogues. En France, les associations étudient la possibilité de mener un projet pilote. L’expérience des salles de consommation encadrées a été tentée au Canada, en Australie et dans plusieurs pays européens (Suisse, Allemagne, Hollande, Espagne, Norvège et en juillet 2005, le Luxembourg) et semble indiquer que des résultats favorables à la collectivité dépendent en bout de ligne de la polyvalence des installations et de leur adaptation aux besoins de leur principal groupe cible : les personnes qui consomment des drogues. Il est donc impératif de prendre en considération les facteurs et les conditions connus pour favoriser une bonne réaction des consommateurs de drogues à ces installations. La présente étude vise à évaluer l’acceptabilité des salles de consommation à moindre risque et à déterminer les facteurs associés à la volonté d’y recourir dans une ville qui songe à établir une telle installation. La consultation des utilisateurs est un élément essentiel lorsqu’on veut évaluer la pertinence des salles de consommation à moindre risque et planifier des installations acceptables aux yeux de la société. Bernard Bertrand , chercheur en science sociale et intervenant en réduction des risques depuis dix ans, il travaille depuis plusieurs années dans une ‘boutique’. Il est notamment à l’initiative du Kit sniff et l’auteur de Le « tourisme d’assistance » des usagers de drogues. Vers l’ouverture d’une salle d’injection à moindre risque (L’Harmattan, 2003).