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Données personnelles des élèves

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Données personnelles des élèves : quels dangers, quelles opportunités éducatives ? (échos d’Educatice) Par Cyril Duchamp

© gonin - Fotolia"Il est de la responsabilité de l’Éducation nationale de protéger les données

personnelles des élèves et de leur apprendre à les maîtriser", souligne Gilles Dowek,

professeur à l’ENS Cachan et chercheur àInria, lors du salon Educatec-Educatice, à Paris le 16 novembre 2017. Rappelant un courrier envoyé par la SIF au ministère sur la nécessité de fixer un cadre de régulation adapté, il rappelle que "les données pédagogiques des élèves sont

sensibles, doivent être traitées avec précaution et ne pas être diffusées".Également présents à cet échange, Régis Chatellier de la Cnil, Jean-Yves Hepp, président et fondateur de la société Unowhy et Jean-Baptiste Piacentino, directeur général adjoint du moteur de recherche Qwant,

ont apporté leurs points de vue sur les dangers possibles de la réutilisation des données personnelles à des fins autres qu’éducatives.

Gilles Dowek, professeur à l 'ENS Cachan et chercheur à Inria

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DR"Je ne verrai pas de problème à ce que l’Éducation nationale passe un contrat avec une entreprise

pour qu’elle administre les données des élèves, mais il faut un contrat clair, des chartes et des règles claires auxquelles se conformer", considère Gilles Dowek, chercheur à Inria et professeur à l’ENS Cachan, lors d’un débat organisé à l’occasion du salon Educatec-Educatice le 16 novembre 2017 à

Paris. LA RESPONSABILITÉ DE L'ÉDUCATION NATIONALE Selon lui, le problème avec les données personnelles est "de savoir ce qu’on veut en faire ou pas,

c’est de définir des politiques et des conditions d’accès à ces données". Il note qu’à cet égard la SIF avait réagi à la publication dans la presse d’un mail de la DNE du ministère envoyé aux DAN en alertant sur "la nécessité de fixer un cadre de régulation adapté" (lire sur AEF). Pour Gilles Dowek, "la vraie question" autour de la protection des données personnelles des élèves est qu’il "est la responsabilité de l’Éducation nationale de protéger ces données et d’apprendre aux élèves à les maîtriser". Dans le cas contraire, ces données risquent de se trouver à disposition de

"grandes entreprises" qui n’hésiteront pas à les utiliser à des fins pas toujours éducatives. Pour Régis Chatellier, chargé d’études prospectives à la Cnil, le spectre des données en question "est plus important que celui dont nous avons a priori conscience". En plus des dossiers pédagogiques des

élèves, il y a celles produites dans le cadre des enseignements avec la diffusion des outils numériques. UNE QUESTION DE MODÈLE ÉCONOMIQUE ?

Jean-Yves Hepp, président et fondateur de Unowhy

DRSi l’analyse des données individuelles comme les "learning analytics " est intéressante pour améliorer les techniques éducatives, elle est aussi "dangereuse si utilisée pour mettre les élèves dans

des cases" et ce dès le plus jeune âge, prévient Régis Chatellier. Il rappelle que la Cnil s’implique au niveau de la communauté éducative avec son programme Educnum pour sensibiliser les élèves et accompagner les enseignants (lire sur AEF). Le numérique peut apporter aussi bien du positif que du

négatif, tout dépend de la façon dont on utilise les outils, réagit Jean-Yves Hepp, fondateur de Unowhy (lire sur AEF) : "on peut accentuer le déterminisme social en décidant de l’orientation, altérer le libre-arbitre sur les choix d’études, avoir une intrusion excessive sur le parcours scolaire pour

l’insertion professionnelle, conditionner l’enfant dans les choix de sa future vie de consommateur numérique, etc."

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Le "danger" n’est-il pas, à un niveau européen, de ne pas "organiser une riposte pour laisser quelques

entreprises bien informées manipuler les masses et façonner la société comme elles le veulent ?" Depuis 10 ans notre quotidien a été "bouleversé" avec des applications et outils numériques, en passant à "une informatique totalement connectée où, même si on ne fait rien, des données

remontent vers le cloud et tout est enregistré". Les capacités de stockage des informations sont devenues "incroyables", avec des datacenters qui se multiplient à travers le monde. Les puissances de calcul sont devenues "vertigineuses" et permet des analyses inédites avec le "big data" et "demain

l’intelligence artificielle". "Le problème est le modèle économique : comment faire confiance à une entreprise dont le métier est la vente de données ?", pointe Jean-Baptiste Piacentino, directeur adjoint de Qwant. Il juge cependant

possible de "développer des business intéressants en respectant les utilisateurs, pour lutter efficacement contre des dérives inacceptables". Il ne s’agit pas de "se réfugier dans une posture technophobe", note Gilles Dowek, mais de "se réserver la possibilité d’analyser des grandes quantités

de données pour améliorer les pratiques d’enseignement et d’apprentissage, en les anonymisant". Cela signifie maîtriser l’exploitation de ces données, comme le souligne Jean-Yves Hepp : "accepterait-on que les copies du bac soient corrigées outre-Atlantique ? Pourquoi l’autoriser pour les données des élèves ?"