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L ’augmentation continue, depuis plus de trente ans, des divorces, puis plus récemment des séparations de couples non mariés, a conduit le législateur à faciliter le recouvrement des pensions alimentaires en offrant aux créanciers des moyens d’exécution exorbitants du droit commun. Le devoir d’entretenir et d’éduquer ses enfants est en effet d’ordre public et s’applique aux parents mariés et aux parents divorcés ou non mariés. Cette volonté politique s’est traduite, dès les années 1970, par la possibilité – toujours en vigueur – d’un recouvrement public à l’instiga- tion du créancier, puis d’une avance sur pension alimentaire versée par les CAF, assortie d’un mandat de recouvrement en leur faveur, et, enfin, depuis 1985, de la subrogation des caisses d’Allocations familiales (CAF) au créancier dans le cadre du versement de l’allocation de soutien familial recouvrable (ASFR). Pour l’allocataire de celle-ci, l’obligation de faire valoir ses droits aux aliments est fondée sur le caractère d’avance sur pension alimentaire que revêt l’ASFR (encadré 1). En revanche, dans le cas de l’allocation de parent isolé (API) (1), l’obligation repose sur le caractère subsidiaire et différentiel de cette prestation par rapport à d’autres sources de revenus. Les changements de la réglementation de l’allo- cation de parent isolé (API) en 2007 ont modifié la pratique des CAF en raison de l’extension des types de revenus auxquels l’API est subsidiaire. L’objectif de cet article est de présenter ces changements et leurs enjeux. Ils occasionnent des difficultés de différente nature pour les allocataires, pour les CAF et pour les juges aux affaires familiales (JAF) comme on le verra dans un premier temps. Dans un deuxième temps, on s’intéressera aux solutions mises en œuvre à l’étranger : si elles n’aboutissent généralement pas à un meilleur recouvrement des pensions d’entretien, elles apportent toutefois des éclairages intéressants en terme de gestion du recouvrement. Enfin, seront présentées les propo- sitions émises ces dernières années pour faciliter le travail des CAF et des JAF tout en préservant les intérêts des familles concernées. Le nouveau cadre législatif En 1999, le financement par l’État de l’API, aupa- ravant abondée par le Fonds national des prestations familiales, a posé un problème de principe. En effet, l’API – prestation familiale différentielle – fonctionnait Politiques sociales et familiales n° 95 - mars 2009 67 Synthèses et statistiques L’allocation de parent isolé et les obligations alimentaires : les conséquences de la réforme de 2007 Nadia Kesteman CNAF – Direction des statistiques, des études et de la recherche. (1) Dans le cas du revenu minimum d’insertion (RMI), les conseils généraux sont maîtres de la décision d’exiger la valorisation de ces obligations. Encadré 1 L’allocation de soutien familial L’ASF est une allocation forfaitaire versée sans condition de ressources qui revêt deux fonctions différentes : 1. L’ASFNR est une prestation familiale d’entre- tien lorsqu’elle est versée comme revenu de rem- placement d’une pension alimentaire inexistante (orphelin, filiation non établie, abandon…) ; 2. L’ASFR a remplacé les anciennes prestations (légales et d’action sociale) d’avance sur pension alimentaire. Les montants versés (Métropole et départements d’Outre-mer) au 30 septembre 2008 étaient les suivants : – ASFR : 27 801 428 euros ; – ASFNR de droit (orphelin, filiation non établie) : 823 441 081 euros ; – ASFNR autres (abandon, médiation en cours) : 12 030 880 euros. (source : CNAF – Agence comptable). Le nombre de bénéficiaires de l’allocation de parent isolé a baissé de 5,8 % entre 2007 et 2008 en Métropole, alors que le nombre de bénéfi- ciaires d’ASF est resté stable à 616 683 (source : CNAF-DSER, septembre 2008).

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L’augmentation continue, depuis plus de trenteans, des divorces, puis plus récemment des

séparations de couples non mariés, a conduit lelégislateur à faciliter le recouvrement des pensionsalimentaires en offrant aux créanciers des moyensd’exécution exorbitants du droit commun. Ledevoir d’entretenir et d’éduquer ses enfants est eneffet d’ordre public et s’applique aux parentsmariés et aux parents divorcés ou non mariés.Cette volonté politique s’est traduite, dès lesannées 1970, par la possibilité – toujours envigueur – d’un recouvrement public à l’instiga-tion du créancier, puis d’une avance sur pensionalimentaire versée par les CAF, assortie d’unmandat de recouvrement en leur faveur, et, enfin,depuis 1985, de la subrogation des caissesd’Allocations familiales (CAF) au créancier dans lecadre du versement de l’allocation de soutienfamilial recouvrable (ASFR). Pour l’allocataire decelle-ci, l’obligation de faire valoir ses droits auxaliments est fondée sur le caractère d’avance surpension alimentaire que revêt l’ASFR (encadré 1).En revanche, dans le cas de l’allocation de parentisolé (API) (1), l’obligation repose sur le caractèresubsidiaire et différentiel de cette prestation parrapport à d’autres sources de revenus.

Les changements de la réglementation de l’allo-cation de parent isolé (API) en 2007 ont modifié lapratique des CAF en raison de l’extension des typesde revenus auxquels l’API est subsidiaire. L’objectifde cet article est de présenter ces changements etleurs enjeux. Ils occasionnent des difficultés dedifférente nature pour les allocataires, pour lesCAF et pour les juges aux affaires familiales (JAF)comme on le verra dans un premier temps. Dans undeuxième temps, on s’intéressera aux solutionsmises en œuvre à l’étranger : si elles n’aboutissentgénéralement pas à un meilleur recouvrement despensions d’entretien, elles apportent toutefois des

éclairages intéressants en terme de gestion durecouvrement. Enfin, seront présentées les propo-sitions émises ces dernières années pour faciliter letravail des CAF et des JAF tout en préservant lesintérêts des familles concernées.

Le nouveau cadre législatif

En 1999, le financement par l’État de l’API, aupa-ravant abondée par le Fonds national des prestationsfamiliales, a posé un problème de principe. En effet,l’API – prestation familiale différentielle – fonctionnait

Politiques sociales et familiales n° 95 - mars 2009

67 Synthèses et statistiques

L’allocation de parent isolé et lesobligations alimentaires : les conséquences

de la réforme de 2007

Nadia Kesteman CNAF – Direction des statistiques, des étudeset de la recherche.

(1) Dans le cas du revenu minimum d’insertion (RMI), les conseils généraux sont maîtres de la décision d’exiger la valorisationde ces obligations.

Encadré 1

L’allocation de soutien familial

L’ASF est une allocation forfaitaire versée sanscondition de ressources qui revêt deux fonctionsdifférentes :1. L’ASFNR est une prestation familiale d’entre-tien lorsqu’elle est versée comme revenu de rem-placement d’une pension alimentaire inexistante(orphelin, filiation non établie, abandon…) ;2. L’ASFR a remplacé les anciennes prestations(légales et d’action sociale) d’avance sur pensionalimentaire.Les montants versés (Métropole et départementsd’Outre-mer) au 30 septembre 2008 étaient lessuivants :– ASFR : 27 801 428 euros ;– ASFNR de droit (orphelin, filiation non établie) :

823 441 081 euros ;– ASFNR autres (abandon, médiation en cours) :

12 030 880 euros.(source : CNAF – Agence comptable).Le nombre de bénéficiaires de l’allocation deparent isolé a baissé de 5,8 % entre 2007 et 2008en Métropole, alors que le nombre de bénéfi-ciaires d’ASF est resté stable à 616 683 (source :CNAF-DSER, septembre 2008).

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presque comme un minimum social : compa-rativement aux autres minima sociaux, la listedes ressources imputables était limitée (pensionsd’entretien des enfants et revenus effectivementperçus). En 1999, l’API s’est trouvée en quelquesorte rattachée par le droit public aux minimasociaux. La prise en charge de cette prestation parl’État a pu sembler circonstancielle : « il fallaittrouver une prestation d’un montant équivalent ausurplus de recettes fiscales généré pour le budgetde l’État par la diminution du plafond du quotientfamilial » prévu suite à la suppression de la misesous condition de ressources des allocations fami-liales en 1999 (Sénat, 1998). Depuis la réformede 2007 élargissant les catégories de ressourcesauxquelles elle est subsidiaire, « seule (son) ins-cription dans la liste des prestations familiales (…)du Code de la sécurité sociale, et la compétencedu tribunal des affaires de sécurité sociale (…)semblent encore rattacher l’API à la sphère de lasécurité sociale » (CES, 2008).

La subsidiarité de l’API aux créances d’alimentsDans le cadre de cet article, on ne s’intéresse qu’àla subsidiarité de l’API aux créances alimentaireset aux problèmes que cela pose par rapport àl’ASFR. De ce point de vue, l’API est la premièreprestation servie par les CAF pour laquelle la priseen compte des obligations alimentaires a étéprévue. Cette disposition est toutefois restée lettremorte dans la plupart des CAF, au moins jusqu’en2001, en raison des difficultés de mise enœuvre (2). Cette condition a ensuite été adoptée,et effectivement appliquée, pour l’ASFR (3), puis,avec une pratique variable, pour le RMI. La loi definances pour 2007 (4) a prévu la conditionnalitédu droit à l’API au montant maximum (encadré 2)à la valorisation des autres droits de l’allocataire(créances alimentaires pour lui-même et sesenfants, prestations sociales, y compris l’ASF), àl’exclusion du RMI. Ceci a eu notamment pourconséquence la vérification de l’existence de droitsà pensions alimentaires et à l’ASF dues auxenfants (et/ou à l’allocataire s’agissant des pensions

alimentaires et de la prestation compensatoire).Ainsi, une procédure de recouvrement doit êtreintroduite si l’allocataire ne perçoit pas l’une descréances alimentaires fixées par le JAF (5). Si lapension n’est pas fixée judiciairement, les alloca-taires doivent engager une procédure en ce sens.Si une démarche de médiation familiale incluantles obligations alimentaires a été entamée, elleéquivaut à un engagement de procédure en fixa-tion de pension alimentaire, mais l’accord issu dela médiation doit ensuite être homologué par lejuge.

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(2) À la suite d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur les prestations d’isolement et les obligationsalimentaires qui signalait une différence d’application des règles de recouvrement des créances alimentaires en matière d’APIet d’ASF selon les CAF, la circulaire CNAF n° 32-2001 du 21 août 2001 rappelait aux CAF qu’en cas de refus des allocatairesde faire valoir leurs obligations alimentaires, la prise en compte d’une ASF fictive en matière d’API, ou la non-ouverture du droità l’API n’étaient pas réglementaires : il convenait, dans cette situation, d’imputer le montant de la pension alimentaire fixée etnon versée ; et si celle-ci n’était pas fixée, les CAF devaient enclencher une procédure de recouvrement de l’API auprès dudébiteur (très lourde puisqu’il faut d’abord faire fixer la pension par le JAF puis faire condamner le débiteur au remboursementpar le tribunal des affaires de sécurité sociale. D’après une enquête menée pour la Commission européenne sur le recouvrementdes pensions alimentaires, « l’action (en recouvrement de l’API semblait) difficilement envisageable pour les responsables descaisses car il (paraissait) assez difficile de recouvrer une obligation alimentaire qui n’a pas fait l’objet d’une fixation judiciaire »(Lex Fori, 2003).(3) Loi 84-1171 relative à l’intervention des organismes débiteurs des prestations familiales pour le recouvrement des créancesimpayées.(4) Article 136 de la loi de finances pour 2007 n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 et décret n° 2007-876 du 14 mai 2007relatif aux modes de calcul de l’allocation de parent isolé et du revenu minimum d’insertion : articles L. 524-4 et R. 524-4modifiés du Code de la sécurité sociale.(5) Pension alimentaire pour les enfants, et/ou prestation compensatoire fixée (dans les cas de divorce y ouvrant droit), oupension pour eux-mêmes (dans les cas de séparation de corps), ou contribution aux charges du mariage (en cas de séparationsans procédure de divorce en cours).

Encadré 2

L’allocation de parent isolé

Instituée par la loi du 9 juillet 1976, cette presta-tion a pour objectif d’apporter une aide tempo-raire aux personnes veuves, divorcées, séparéesde droit ou de fait, abandonnées ou célibatairesqui se retrouvent seules pour assumer la charged’au moins un enfant. Le parent isolé doit vivreseul ou dans sa famille et assumer la charge d’aumoins un enfant. Le droit est également ouvertpour une femme seule enceinte sans enfant àcharge. Il s’agit d’une allocation différentielleattribuée pour une période maximale d’un an(API « courte »), mais qui peut être verséejusqu’au mois précédant le troisième anniversairedu plus jeune enfant, si cela est plus favorable(API « longue »).En 2005, 181 000 personnes sont bénéficiaires del’API longue et 80 000 bénéficiaires de l’APIcourte. Les allocataires sont majoritairementjeunes, plus nombreux dans le nord et le sud dela France, et 47 % d’entre eux ont au moins deuxenfants à charge. Le montant moyen de l’API(409 euros mensuels) recouvre des différencessuivant les autres revenus et la taille de la famille.La sortie du dispositif vers l’emploi est peu fré-quente. Plus de la moitié des bénéficiaires quicherchent un emploi déclarent avoir rencontrédes difficultés dans leur démarche. L’insertionprofessionnelle se fait majoritairement sur despostes d’employés et à temps partiel (source :CNAF-DSER, 2008).

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L’allocataire de l’API ou de l’ASF peut être dis-pensé de faire valoir ses droits à créance alimentaire,soit si le débiteur est hors d’état (6) (la dispense estalors automatique), soit en opportunité. Cettedernière décision est prise par la CAF, sous lecontrôle de la commission de recours amiable, entenant compte de la situation de l’allocataire et dudébiteur (7). Des dispenses de démarche judi-ciaire peuvent éventuellement être accordéespar les CAF dans les cas de pensions fixées àl’amiable dont le montant est au moins équi-valent à celui de l’ASF due et, le cas échéant,quand le montant de la pension est inférieur àcelle-ci, s’il existe des risques significatifs dedéstabilisation de l’ensemble des membres de lafamille (8). Au 30 juin 2008, en France métro-politaine, 2 800 bénéficiaires d’API sur un total de175 829 (y compris les allocataires de l’API ouvrantdroit à l’ASFNR) étaient dispensés de demandede pension alimentaire : l’API leur est versée aumontant maximum, sans imputation du montantpotentiel de l’ASF (9).

La subrogation des CAF en matièrede recouvrement de l’API et de l’ASFPour les allocataires de l’API, l’article L. 524-4 duCode de la sécurité sociale prévoit la subrogationautomatique des CAF pour le recouvrement descréances alimentaires de l’allocataire, à hauteurde l’API versée ou de la créance d’aliments sicelle-ci est inférieure à l’API. L’article L. 581-2prévoit la même chose pour l’ASF. La réforme de2007 met un terme aux difficultés des CAF pourl’application de la procédure de subrogation enmatière d’API, rarement usitée en raison de sacomplexité : elle exigeait une décision du JAFfixant l’obligation alimentaire si nécessaire, puisune décision du tribunal des affaires de sécuritésociale condamnant le débiteur au rembourse-ment de l’API. Pour recouvrer le montant de lacréance alimentaire dépassant le montant des pres-tations versées, la CAF doit disposer d’un mandatexprès de l’allocataire (article L. 581-3 du Code dela sécurité sociale). En application des textes modi-fiés en 2007, les allocataires ne percevant pas la

pension fixée doivent avoir mandaté la CAF ouengagé personnellement une procédure de recou-vrement pour ouvrir droit à l’API non diminuée dumontant de l’ASF potentielle.

En 1995, d’après les dernières données d’enquêtedisponibles, 34 % des créances alimentaires étaitrecouvrées par les CAF de façon amiable, 34 %par paiement direct, 9 % par saisie et 12,5 % parrecouvrement public (10) (Eglin, 1997). En ce quiconcerne plus spécifiquement l’ASF, en 2007, prèsde 450 000 enfants (Métropole) ne relevant pas del’ASF non recouvrable (ASFNR) automatiquementaccordée en tant qu’orphelins, de filiation inconnueou abandonnés au sens judiciaire, peuvent théo-riquement être concernés par un recouvrement :mais seuls 62 550 le sont de fait, correspondant à34 500 familles allocataires de l’ASFR. Pour lesautres enfants (plus de 380 000), les débiteurs ontété soit déclarés hors d’état de payer leur pension,soit exemptés de pension par le JAF. Il reste doncdifficile d’améliorer le taux de recouvrement despensions alimentaires : en effet, d’après les seulesdonnées disponibles, datant de 1985, 60 % despensions sont versées régulièrement et complète-ment, 10 % partiellement et 30 % pas du tout, letaux de perception de la pension étant d’autantplus bas que le montant de celle-ci est faible(Festy et Valetas, 1987). Des études montrent que23 % des débiteurs qui ont un emploi stable et desrevenus réguliers ne versent pas la pension tandisqu’ils sont 75 % à ne rien payer lorsqu’ils sont auchômage ou inactifs (CES, 2008). La cartographiedes familles monoparentales allocataires perce-vant l’ASF fait d’ailleurs apparaître la surrepré-sentation des départements les plus pauvres (11)(CNAF-DSER, 2008). Les familles qui en ont leplus besoin financièrement sont donc celles quiperçoivent le moins régulièrement ou pas du toutdes pensions déjà modestes. Ceci est d’autant plusvrai que les charges liées à la naissance d’enfantsavec un autre conjoint devraient désormais êtreprises plus systématiquement en considération parle JAF dans l’appréciation des ressources du débi-teur d’aliments (12).

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(6) Notion de « hors d’état » fixée par circulaire ministérielle du 15 juillet 1985 relative à l’allocation de soutien familialet à l’intervention des organismes débiteurs de prestations familiales pour le recouvrement des créances alimentairesimpayées et dans la circulaire CNAF n° 2001-033 du 21 août 2001.(7) Situations fixées par circulaire CNAF n° 2007-93 du 4 juillet 2007, outre les situations à apprécier au cas par cas.(8) Télecopie CNAF n° 2007-30 du 26 décembre 2007.(9) Il en est de même, en cas de résidence alternée, si le jugement ne prévoit pas de pension en raison des capacitéscontributives équivalentes des parents.(10) Dans le cadre de la subrogation et du mandat, le paiement direct permet aux CAF d’exiger le versement régulier dela pension et de recouvrer six mois au plus d’arriérés directement auprès de la banque ou de l’employeur du débiteur. Lasaisie passe par le juge de l’exécution ou le tribunal d’instance pour obtenir une saisie des rémunérations ou du comptebancaire du débiteur. La saisie permet de recouvrer cinq ans au plus d’arriérés. Engagé lorsque les trois précédentesprocédures (y compris amiable) ont échoué, le recouvrement public permet de transmettre la créance au trésorier payeurgénéral qui procédera comme en matière de recouvrement des impôts.(11) Même si certaines familles monoparentales (celles qui ont un enfant et qui ne perçoivent pas de prestations CAF) nesont pas connues des CAF.(12) Cour de cassation.1re civ., 16 avril 2008, cassation partielle (CA Orléans, 8 août 2006) : Jean Hauser, chron., n° 25,RReevvuuee ttrriimmeessttrriieellllee ddee ddrrooiitt cciivviill, n° 3-2008.

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Des risques de tension avec le débiteurpour les allocatairesLa moitié des bénéficiaires de l’API perçoit aussil’ASF. Auparavant, l’API était augmentée méca-niquement au bout de quatre mois du montantde l’ASF, le versement de cette dernière presta-tion étant suspendu à ce terme si aucune démar-che n’est entreprise pour faire valoir les droitsalimentaires. Cette compensation de l’ASF parl’API n’est donc plus possible depuis la réformede 2007 puisque, en cas de refus de faire valoirses droits alimentaires, le montant de l’API estdiminué du montant de l’ASF partielle perçuepour un seul enfant (soit 85 euros). En Francemétropolitaine, au 30 juin 2008, 53 400 bénéfi-ciaires de l’API sur 175 829 sont ainsi sanctionnés.Certes, lorsque l’allocataire dispose d’un juge-ment fixant une pension alimentaire et que cettedernière n’est pas versée par le parent débiteur, lemontant de la créance alimentaire ne peut plusdésormais être imputé sur le montant de l’APIpotentielle : cette procédure très préjudiciableétait, quoi qu’il en soit, appliquée de façon variableselon les CAF (13).

Le rapport de Françoise Dekeuwer-Défossez(1999) proposait déjà d’encourager la fixationamiable des pensions d’entretien. Depuis lors, lamédiation familiale a fait une entrée – certesmodeste – dans ce domaine : d’après les donnéesd’une enquête du ministère de la Justice portantsur 2 300 divorces, seuls 0,4 % des divorcesdonnent lieu à médiation familiale (Toussaint,2008) ; mais ce taux est évidemment plus élevépuisqu’il ne tient pas compte des parents nonmariés. En outre, les parents ne font pas systéma-tiquement homologuer leur accord par le JAF. Parailleurs, les allocataires dont l’ex-conjoint ouconcubin s’acquitte de son devoir en versant unepension en espèces ou en nature non fixée enjustice sont obligés d’engager une démarche judi-ciaire pour faire fixer une pension d’entretien,faute de quoi l’API est diminuée du montant del’ASF (14). Comme le remarquait le Conseil éco-nomique et social au sujet de la réforme de 2007,« l’application du principe de subsidiarité accroîtla conflictualité des séparations alors que cettedernière est préjudiciable à l’intérêt de l’enfant et

contraire à la volonté constante du législateur defavoriser une véritable coparentalité malgré la sépa-ration du couple » (CES, 2008:I-8).

Une charge plus importante pour les CAFLa réforme apparaît en premier lieu comme untransfert de charges de l’État vers la CNAF, l’APIétant financée par l’État et l’ASF par le Fondsnational des prestations familiales (15). Selon lerapport législatif du Sénat sur le projet de loi definancement de la Sécurité sociale pour 2009, lacharge supplémentaire pour la branche Familleest de 99 millions d’euros en 2008. L’article 75du projet de loi de finances pour 2009 instaure enoutre l’ouverture automatique, et non plus surdemande de l’allocataire, du droit à l’ASF enmême temps que celui à l’API.

Cette mesure aura pour effet d’augmenter encorele transfert financier de l’API vers l’ASF. En effet,selon les textes actuellement en vigueur, le béné-ficiaire de l’API dispose d’un délai de deuxmois pour faire valoir ses droits à l’ASF, périodependant laquelle il perçoit l’API sans imputationd’ASF : selon l’exposé des motifs de la loi definance 2009, l’économie prévue sur le budget del’État est de 28,5 millions d’euros en annéepleine (16). Lors de l’entrée en vigueur de la loisur l’ASF, en 1987, le conseil d’administration dela CNAF voyait trois obstacles à lever pour effecti-vement pratiquer la subsidiarité aux aliments enmatière d’API, et notamment « (…) la définitiondu régime juridique à appliquer lorsque l’alloca-taire ne veut pas entamer les procédures tendantau recouvrement : faut-il diminuer l’API de l’ASFet se retourner contre le débiteur pour recouvrer lacréance résiduelle, faut-il supprimer le droit àl’API ? » (17) (Choquet, 2000:100). Par ailleurs,pour les CAF, c’est une charge de gestion, notam-ment contentieuse, supplémentaire, en raison del’augmentation du nombre de demandes d’ASFattendues, dont certaines recouvrables, et du faitque les dispositions visant le recouvrement descréances d’aliments des bénéficiaires de l’API parles CAF vont être systématiquement appliquées.Les dispositions favorisant la médiation familiale,mises en œuvre par les CAF depuis la création dela prestation de service (dotation financière) aux

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70 Synthèses et statistiques

(13) Le décret n° 2007-876 a supprimé les dispositions [voir note (2) supra] qui permettaient l’imputation sur l’API du montantde la créance alimentaire fixée par le juge.(14) Le demandeur d’API qui remplirait les conditions pour bénéficier de plusieurs droits et prestations (par exemple, droit àcréance alimentaire et droit à allocation chômage) et n’entamerait aucune démarche pour les faire valoir ne peut se voirappliquer plusieurs sanctions. Une seule décision de réduction de l’allocation doit être prise, de la valeur d’une ASF mensuelleà taux réduit quel que soit le nombre d’enfants concernés, soit 85 euros.(15) Sénat : « Projet de loi de finances pour 2008 : Solidarité, insertion et égalité des chances », Rapport général n° 91 (2007-2008) de M. Cazalet, fait au nom de la commission des finances, 22 novembre 2007.(16) Cette mesure ne modifie pas l’obligation faite à l’allocataire de l’ASF et de l’API de faire valoir ses droits à créancesalimentaires. De fait, ce dispositif allège et simplifie la gestion de l’ouverture des droits à l’ASF dans le cadre de l’API pour lesCAF.(17) Le rapport IGAS précité [note (2)] préconisait, dès 2001, que l’ouverture d’un droit à l’ASF soit systématiquement étudiéeen cas de demande d’API.

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services de médiation familiale, sont égalementconcernées : une prise en compte de ces démar-ches, limitée aux accords homologués, a étéprévue par circulaire afin d’aménager la réformede 2007.

Une enquête menée pour la Commission euro-péenne sur le recouvrement des pensions alimen-taires (Lex Fori, 2003) mentionne que la mise enpaiement de l’ASF mobilise plus d’un dixième du« personnel technique » (18) de la CAF du Val-de-Marne « alors qu’elle ne représente qu’un pour centdes prestations versées dans ce département ». Enmatière de recouvrement, les CAF, représentantesdu créancier, souhaitent contourner la limitation àsix mois d’arriérés propre au paiement direct enintroduisant une procédure de saisie sur rémuné-ration. « Cependant, ces tentatives sont vouées àl’échec car elles visent soit des débiteurs concernéspar un avis à tiers détenteurs (privilège de l’admi-nistration fiscale sur l’organisme social), soit lesCAF sont confrontées à une saisine du juge del’exécution parce le débiteur s’oppose à l’intro-duction d’une procédure concurrente à celle dupaiement direct » (ibid., p. 376). Si le recouvrementde l’API est désormais rendue plus facile par laréforme de 2007, les CAF souhaitent depuis long-temps que le législateur procède à une extensiondes arrérages recouvrables par paiement direct afinde pouvoir récupérer plus facilement les sommesdues par certains débiteurs (19).

Des difficultés procédurales pour les jugesaux affaires familialesSelon les juridictions, le contentieux de la fixationde la pension alimentaire des enfants dans lecadre de l’API ou de l’ASF peut déjà atteindrejusqu’à 30 % de l’activité – hors divorce – des JAF(Guinchard, 2008). Selon l’édition 2007 de l’an-nuaire statistique de la justice, en 2005, les JAFont été saisis de 370 732 affaires. Au sein de cecontentieux, 25 745 demandes de fixation ou demodification de la contribution à l’entretien desenfants et 16 450 demandes de contribution àl’entretien de l’enfant naturel on été introduites.Les JAF vont mécaniquement voir augmenter lesrecours pour fixation de pension et les demandesd’homologation d’accords amiables en raison dela modification législative entrée en vigueur en2007. Pour répondre aux difficultés procéduralesdues à la réforme de 2007, la question de l’organe,judiciaire et/ou administratif, autorisé à fixer lespensions pourrait à nouveau être évoquée,comme elle l’avait été lors de la mise en place del’ASF. Certains enseignements peuvent à cet égardêtre tirés des pratiques étrangères.

Les solutions mises en œuvre à l’étrangerLa fixation de la pensionLes situations sont variées. Dans les pays où exis-tent une avance sur pension d’entretien desenfants ou une allocation aux parents isolés etéconomiquement défavorisés, la justice estchargée de fixer les pensions en Allemagne, auxPays-Bas, en Belgique, et en Autriche, les accordsparentaux étant pris en compte dans le processus.En Norvège et en Suède, les caisses locales desécurité sociale évaluent la solvabilité des débi-teurs afin de recouvrer les avances sur pensionalimentaire ; en Finlande, les centres communauxd’aide sociale en sont chargés. Au Danemark, lebureau du gouverneur du comté assure la fixationet le recouvrement des pensions alimentaires. Untribunal intervient en cas de désaccord des parties(Corden, 1999 ; Lex Fori, 2003). L’Angleterre estun cas particulier car la Child Support Agency,mise en place en 1993, fixe et recouvre toutes lespensions d’entretien, que les créanciers soient ounon bénéficiaires de l’aide sociale : dans cedernier cas, la demande de pension alimentaireest obligatoire (Martin et al., 2004 ; Lex Fori,2003). La pension alimentaire pour enfant peutêtre directement versée au demandeur ou à laChild Support Agency, si celle-ci le juge opportun.En Australie, aux États-Unis, et au Canada, lapension est fixée de manière amiable ou judiciaireet, à défaut, à la demande du créancier, unilatéra-lement par une autorité administrative spécifique,et ce, que le créancier bénéficie de prestationssociales ou non. De nombreux pays appliquent unbarème, notamment ceux où existe une fixationadministrative.

Recouvrement de la pensionEn général, les organismes sociaux ayant versé uneprestation sont subrogés dans les droits du créancieret peuvent par conséquent se retourner contre ledébiteur pour lui demander le remboursement dessommes versées en ses lieu et place (Commissioneuropéenne, 2004). De fait, les différences se situentdans les voies d’exécution à la disposition desorganismes. En Australie, aux États-Unis, au Canadaet au Royaume-Uni, l’autorité administrative spéci-fique a le pouvoir de saisir directement les revenussaisissables des parents et de procéder à d’éven-tuelles poursuites. Il en est quasiment de même enNorvège et en Suède (Corden, 1999).

L’effectivité des dispositifsTous les pays connaissent des difficultés dans lerecouvrement des créances alimentaires (pensionet prestation) (Corden, 1999 ; Lex Fori, 2003).Les pays scandinaves semblent connaître le taux le

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(18) Le rapport ne précise pas de quel personnel il s’agit.(19) Comptes rendus de la commission des prestations légales du conseil d’administration de la CNAF, février et avril 1998.

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Les avances sur pension alimentaire dans quelques pays européens

Danemark Prestation courante correspondant à la pension alimentaire « normale » qui est de 6 564 DKK(880 €) par semestre.

Suisse Tous les cantons connaissent un système d’avance des contributions d’entretien.Allemagne La loi sur l’avance sur le terme de pension alimentaire (Unterhaltsvorschussgesetz) garantit aux

enfants âgés de moins de 12 ans révolus vivant avec un parent isolé et ayant leur domicile ouleur résidence habituelle en Allemagne une allocation d'une durée de six ans maximum, s’ils nereçoivent pas l’allocation d’entretien de la part de l’autre parent.Cette allocation peut atteindre au maximum 168 € par mois.

Islande Le parent qui obtient officiellement la garde d’un enfant peut s’adresser à l’administration del’assurance sociale et obtenir le montant maximum de la même valeur que le taux d’une pensionpour enfant. L’administration de l’assurance sociale envoie la notification de paiement au centremunicipal de perception des pensions alimentaires qui rembourse à l’administration del’assurance sociale les paiements sur base mensuelle, pour autant que les fonds le permettent.

Luxembourg Toute pension alimentaire due à un conjoint, un ascendant ou un descendant est payée surdemande et sous certaines conditions par le Fonds national de solidarité et recouvré par lui.

Norvège Avance sur le terme de pension alimentaire s’élevant à 1 270 NOK (159 €), si l’autre parent neverse pas d'allocation d'entretien.

Hongrie Avance sur le terme de la pension alimentaire versée lorsque :• l’allocation d’entretien est temporairement irrécouvrable ;• la personne prenant soin de l’enfant ne peut entretenir l’enfant et• le revenu par personne dans le ménage du demandeur ne dépasse pas deux fois le montantminimal actuel de la pension de vieillesse, à savoir 57 000 HUF (225 €). Le montant de laprestation correspond au montant de l’allocation d’entretien fixée par le tribunal.

Autriche Une avance sur le terme de la pension alimentaire est accordée aux enfants autrichiens ouapatrides mineurs résidant habituellement en Autriche s’il existe un titre exécutoire pour le droità la pension alimentaire et si une exécution forcée pour recouvrer un montant échu lors des sixderniers mois n’a pas donné entière satisfaction.

Pologne L’avance sur la pension alimentaire est payée si le versement de la pension alimentaire décidé parla justice n’est pas respecté et si les revenus pro capita de la famille n’excèdent pas PLN 583(162 €). Le montant de l’avance varie entre PLN 120 (33 €) et PLN 250 (69 €), selon le nombred’enfants et leur handicap. Si les revenus pro capita de la famille ne dépassent pas la moitié dece qui est admis, le montant maximal de l’avance est augmenté entre PLN 250 (69 €) et PLN 380(106 €) par enfant, en fonction du nombre d’enfants et de leur handicap.

Finlande Allocation alimentaire : si les parents ne sont pas reconnus en tant que tels ou si la mère ou lepère n’exécute pas l’obligation alimentaire, l’autre parent reçoit une allocation de prise en chargede 129,91 € par mois.

Slovénie Avance sur le terme de la pension alimentaire versée à un enfant qui est résident permanent, quia moins de 18 ans et qui vit dans une famille dont le revenu est inférieur à 55 % du salaire moyennational, dès lors que la pension alimentaire lui a été attribuée sur décision légale du Centre detravail social et qu’elle n’est pas versée par la personne devant le faire. Le montant de la pensionalimentaire est le suivant :• pour un enfant âgé de moins de 6 ans : 62,80 € ;• pour un enfant âgé de 6 à 14 ans : 69,08 € ;• pour un enfant de plus de 14 ans : 81,63 €.Lorsque le montant de la pension alimentaire est inférieur à ces montants, le Fonds de garantie etd’entretien peut décider de l’éligibilité à un montant supérieur.

Slovaquie La pension alimentaire est versée par l’État aux personnes dont le revenu est inférieur à 2,2 foisle revenu minimum, jusqu'à un montant équivalent à 1,2 fois le minimum vital, à savoir2 808 SKK (84 €) par mois. Les citoyens mandataires doivent rembourser la prestation à 125 %.

Suède Les parents isolés ayant la garde complète de l’enfant reçoivent un montant garanti de 1 273 SEK(135 €) par mois, octroyé soit par l’allocation d’entretien de l’autre parent soit par l’aide d’entretienpayée par l’État.

Royaume-Uni La Loi de soutien aux enfants (Child Support Act) réglemente depuis 1991 l’octroi des pensionsalimentaires. Pour les nouveaux cas, un nouveau régime simplifié est entré en vigueur le 3 mars 2003.Le demandeur de l’aide au revenu (Income Support) ou de l’assistance chômage (income-basedJobseekers' Allowance) est traité comme postulant d’une pension alimentaire pour enfant (ChildSupport Maintenance) si le parent en charge de subvenir aux besoins de l’enfant n’est pas résident.Avec le nouveau régime, tout paiement reçu jusqu’à 10 GBP (13 €) par semaine est ignoré auxfins des prestations sous condition de ressources. Pendant leur attente d’une pension alimentaire,les demandeurs reçoivent les prestations, mais si le montant dépasse les 10 GBP (13 €), elles sontdéduites. La pension alimentaire pour enfant peut être directement versée au demandeur ou bienvia l’Agence de soutien à l’enfant (Child Support Agency), si celle-ci le juge opportun. L’Agencede soutien à l’enfant utilise une formule pour le calcul de la pension alimentaire pour enfant mais,dans des cas particuliers, des dérogations sont acceptées. Il y a plus de flexibilité en ce quiconcerne le montant que l’ex-épouse doit verser à son partenaire.

Malte Les cours de justice déterminent si une pension alimentaire doit être versée, ainsi que sonmontant. Si le demandeur ne reçoit pas de pension alimentaire, le département de la sécuritésociale octroie le taux plein au demandeur.

Source : Commission européenne, MISSOC (Mutual Information System on Social Protection), 2008.

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plus élevé de recouvrement des pensions d’entre-tien. Toutefois, même si le dispositif danois ne semblepas avoir de conséquences négatives sur les alloca-taires et les débiteurs, il reste que le nombre debénéficiaires y est relativement bas. Des problèmesconsidérables existent en Finlande, en France, enAllemagne et au Royaume-Uni (Corden, 1999).Dans les systèmes à fixation judiciaire, le Fondsnational de solidarité luxembourgeois peut directe-ment exercer une action récursoire auprès des tiersdétenteurs de créances du débiteur. Le montant dessommes recouvrées est majoré de 10 % pourcouvrir les frais de fonctionnement du Fonds. Bienque proche de celle utilisée en France par les CAF,cette procédure offre des voies d’exécution pluslarges qui permettent un meilleur recouvrement(Lex Fori, 2003). Le système administratif de la ChildSupport Agency (CSA) britannique a été critiquépour son manque d’effectivité : elle ne serait pasplus efficace que les systèmes de recouvrement judi-ciaires français, allemand, et grec (Xanthaki, 2000).Plus d’un parent non gardien sur trois ne paie pastout ou partie de la pension due et 60 % du stockdes pensions non payées est désormais irrécou-vrable. La CSA doit d’ailleurs être réformée en 2009.Pourtant, sur un modèle similaire, l’Australian ChildSupport Agency connaît des coûts de gestion plusbas et un recouvrement des pensions plus impor-tant que la CSA, et ce, grâce à un accès plus aiséaux informations fiscales et du fait que les impôtssont également utilisés pour recouvrer les arriérésde pension (House of Commons, 2007). Il resteque le facteur principal influençant le taux derecouvrement est le niveau de revenu des débi-teurs : les États connaissant le meilleur taux derecouvrement sont aussi ceux où le taux de pauvretédes débiteurs est le moindre ; il n’est pas excluégalement que le niveau de conflictualité des sépa-rations joue également un rôle négatif (Corden,1999). Or, les politiques publiques (législation surle divorce et sur l’autorité parentale, soutien publicaux parents) influencent ce niveau de conflictualité.Enfin, pour les débiteurs, la question du caractèredésincitatif au travail des systèmes mis en place aété posée par certains auteurs (ibid.).

Des pistes de simplifications

Des propositions de simplifications ont été émisespar diverses sources depuis la mise en place del’ASF et de l’API. Elles portent sur la saisine du JAFau moment de la fixation de la pension, sur le

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montant de la pension et ses conséquences sur ledroit à l’ASFR, sur le mode de recouvrement del’API par les CAF, sur l’amélioration des procéduresd’exécution.

Limiter la saisine du JAF par le contrôlepréalable systématique de la solvabilitédu débiteurD’après le rapport de la commission présidée parSerge Guinchard sur la répartition des contentieux(2008), le mode de fixation actuel de la pensionprévu dans la législation de l’API et de l’ASF favo-rise des contentieux « artificiels » : ces saisinessont parfois inutiles car les JAF ne peuvent fixerune pension alimentaire quand le débiteur esthors d’état de faire face à ses obligations ou sansadresse connue. Les articles R. 523-3 et R. 524-24du Code de la sécurité sociale entraînent ainsi uncontentieux inutile car ils n’imposent pas aux CAFde vérifier la situation financière du débiteur préa-lablement à la saisine du JAF. Ces dispositions neprévoient pas, en outre, la situation du débiteurdont le domicile est inconnu, ce qui oblige la CAFà exiger la saisine du JAF préalablement au verse-ment des allocations de soutien familial ou deparent isolé. Le rapport Guinchard propose doncde prévoir un contrôle, par les CAF, de la situationdu débiteur, afin de limiter la saisine du juge auxseuls cas où le débiteur défaillant est localisé etsolvable.

L’homologation des accords sur les modalitésd’exercice de l’autorité parentaleL’absence de toute disposition dans le Code civilreconnaissant la valeur juridique de tels accords etl’existence de dispositions affirmant que lesparents peuvent soumettre leurs accords à l’homo-logation du juge, laissent entendre que les accordsdes parents ne produisent des effets juridiques ques’ils sont homologués par le juge. Le rapportGuinchard préconise l’organisation de la procé-dure suivant les règles de la procédure gracieusequi permet de conférer force exécutoire auxaccords parentaux sans audience ni audition, àmoins que le juge ne l’estime nécessaire ou quel’enfant ne sollicite son audition, conformémentau droit commun. Lors de son audition par lacommission Guinchard, la CNAF a été favorable àla limitation des saisines judiciaires : pour elle, lafixation de barèmes (20) et la médiation familialeseraient de nature à éviter les saisines du JAF ; ellea évidemment proposé la prise en compte desaccords amiables entre parents.

(20) Un important travail méthodologique sur les différents modes de calcul des barèmes en matière de pension alimentairea été mené pour la Chancellerie il y a quelques années (Bourreau-Dubois C., Deffains B., Jankeliowitch-Laval E.,Jeandidier B., Ray J.-C., Les obligations alimentaires vis-à-vis des enfants de parents divorcés : une analyse économique auservice du droit, décembre 2003, Mission de recherche Droit et Justice). Les pratiques et opinions des juges concernant lesbarèmes, ainsi que l’état du droit en matière de ressources à prendre en compte dans l’évaluation des pensions ont été traitésin Sayn I. (dir.), Un barème pour les pensions alimentaires ?, Mission de recherche Droit et Justice, Paris, La DocumentationFrançaise, 2002.

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Montant de la pension alimentaire et droità l’ASFRLes JAF préfèrent parfois ne pas fixer de pensionalimentaire plutôt que de les fixer à un niveaufaible, de façon à ne pas pénaliser le créancierqui serait privé de l’ASF. Ceci exclut toute procé-dure de recouvrement de l’ASF. Il a donc été pro-posé de verser une ASFR différentielle pour lespensions qui seraient fixées à un montant infé-rieur à celui de l’ASF : ceci permettrait aux CAFde recouvrer ASF et pension alimentaire (Buchet,2000).

Le mode de recouvrement des pensionsalimentaires par les CAFLes CAF ne peuvent agir à la place du créancieren la matière. La subsidiarité de l’API auxcréances alimentaires se matérialise donc dansl’obligation d’un recours personnel du deman-deur contre ses débiteurs d’aliments, faute dequoi l’API est diminuée du montant de l’ASF. Unefois la pension alimentaire fixée, la CAF peut sesubstituer au créancier. Le Conseil économique etsocial (CES, 2008) considère que cette obligationest un facteur d’aggravation des conflits entre lesparents et augmente le recours au juge dans descontextes où il est possible qu’il ne soit pas jus-tifié, dans l’intérêt de l’enfant notamment. Le CESpréconise d’instaurer pour les CAF un systèmeanalogue à celui de l’article L.132-6 du Code del’action sociale et des familles concernant lescollectivités publiques. Les CAF verseraient alorsl’API aux personnes isolées ayant la charged’enfants et se retourneraient ensuite contre leparent n’ayant pas la garde, devant le JAF, dansla limite des dépenses exposées au titre del’API (21). Au moment de la demande d’APIauprès de la CAF, le demandeur serait invité à

faire valoir ses droits à l’obligation d’entretien. Encas de refus, la CAF verserait dans son intégralitéle montant de l’API et engagerait ensuite une pro-cédure devant le JAF pour faire jouer l’obligationd’entretien auprès du parent débiteur. L’entrée envigueur de ce système nécessite une modificationde l’article R. 524-24 du Code de la sécuritésociale, décret d’application de l’article L. 524-4mettant en œuvre la subsidiarité au titre de l’API.Cette préconisation du CES ne devrait cependantpas conduire à un retour à la procédure en vigueuravant la loi de 2007, abandonnée en raison de salourdeur pour les CAF, qui devaient ensuite seretourner vers le tribunal des affaires de sécuritésociale pour faire condamner le débiteur auremboursement de l’API. Un contentieux uniquedevrait dans ce cas être envisagé, assorti del’amélioration des procédures d’exécution.

Amélioration des procédures d’exécutionEn matière de recherche des débiteurs, il a étéproposé, comme cela se passe en Allemagne,d’obtenir les nouvelles adresses des débiteursayant déménagé grâce aux employeurs et auxservices fiscaux (House of Commons, 2007). Lamise en place dans les CAF d’un numéro nationalunique d’allocataire et l’utilisation systématiquepar celles-ci du NIR (numéro d’identification aurépertoire) devraient faciliter les recherches desdébiteurs. En matière d’exécution des décisionsde justice, le Fonds national de solidarité luxem-bourgeois pourrait inspirer le législateur. En effet,il offre des voies d’exécution plus larges que celuien vigueur pour les CAF : une fois la pensionfixée par le juge, le Fonds peut directementexercer une action récursoire auprès des tiersdétenteurs de créances du débiteur (Lex Fori,2003).

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(21) Si la personne choisit d’engager un recours (ou bien si elle a déjà engagé ce recours au moment de la demande d’API)et obtient du juge une pension qui n’est pas versée, la CAF continue de se substituer à la personne pour en obtenir leversement.

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