2

Click here to load reader

Témoignages af livre

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Témoignages af livre

« Terres d’accueil »* Quand les assistants familiaux témoignent

Elles s’appellent Laurence, Hélène, Véronique, Tata, Tatie, Mamie, Nanou. Certains

s’appellent aussi Gérard ou Tonton, mais c’est plus rare. Ils sont assistant(e)s familiales et

familiaux (on a toujours du mal à parler au masculin d’une profession où il y a si peu

d’hommes). Ils accueillent Oscar, Lydie, Alice, Carlos, comme le font quelques dizaines de

milliers d’autres assistants familiaux qui exercent à travers tout le pays cette profession bien

singulière et mal connue. Et comme beaucoup de leurs collègues ils écrivent leur quotidien,

régulièrement, dans de petits cahiers que certain(e)s appellent « cahier de vie » et c’est bien de

cela dont il s’agit.

Celles-ci, ceux-ci, avec le soutien d’une formatrice de l’IRTS Aquitaine, ont pris

l’initiative d’en faire un livre, pour raconter et pour comprendre – autant que possible - ce

qu’ils vivent tous les jours dans leur propre milieu familial, qui leur tient lieu aussi de milieu

professionnel. « Je ressens régulièrement le besoin d’écrire en réaction aux évènements – dit

l’une d’elles – pour ne pas oublier des détails, pour vider mon trop plein d’émotions ou juste

pour le plaisir. »

Et les évènements, cela ne manque pas. Françoise est sollicitée pour accueillir en urgence

une adolescente de 13 ans et sa petite sœur, un nourrisson de 25 jours. Elle dispose de 4

heures avant leur arrivée pour acheter ce qui manque, lait, eau, biberons, couches, produits de

toilette, vêtements, puis préparer les lits, les chambres et bien sûr prévoir le dîner. A 17

heures, les petites sont là. L’urgence se transforme en continuité.

Jacques n’a pas toujours eu la vie facile. En grande difficulté, il a dû accepter le placement

de ses propres enfants. Alors il s’est battu, a changé de vie et récupéré ses garçons. Le voici

remarié, sa nouvelle épouse devient assistante familiale et c’est auprès de la « Mamie » et du

« Papi » qui ont si bien su s’occuper de ses enfants et le respecter, lui, qu’ils vont à présent

demander conseil.

Catherine apprend le langage des signes à la petite qu’elle accueille afin qu’elle puisse

communiquer avec sa mère qui est sourde. Le service utilise aussi les compétences de

l’assistante familiale pour communiquer avec la mère.

Lors des rencontres médiatisées, Laurence présente régulièrement son « cahier de vie » à la

mère qui souffre de graves troubles psychiatriques. La mère apprécie, elle y ajoute même

quelque chose à l’occasion. Puis c’est la petite elle-même, pourtant très craintive au début, qui

finit par le montrer à sa mère avec laquelle s’établit pour une fois une relation sereine.

Hélène raconte la « belle histoire triste de Charly » qui la réveille quand même cinq à dix

fois par nuit !

Des histoires bouleversantes, plus souvent difficiles que paisibles. Et les désaccords,

parfois, avec le service ou le référent de l’enfant, qui épuisent et désespèrent davantage que

les difficultés de l’enfant lui-même. Des histoires presque banales, pourtant, pour toutes celles

et tous ceux qui exercent cet étrange métier, en Gironde ou ailleurs. Ni sacerdoce, ni sacrifice

pour autant, ce n’est pas sur les bons sentiments que s’appuie l’exercice de la profession mais

sur l’analyse, l’observation, l’adaptation et une remise en cause quasi-quotidienne. « …ceux

qui revendiquent le sacrifice comme bonne œuvre, ne parlent pas de la profession d’assistant

Page 2: Témoignages af livre

familial » écrit l’une d’elle. La même, très expérimentée, qui s’interroge « …je suis

consciente des difficultés et je ne risque pas de m’enrichir avec mon salaire. Alors… Qu’est-

ce qui fait que je continue à aimer mon quotidien professionnel ? Où est le plaisir ? Quels

bonheurs peut-on trouver dans ce drôle de métier ? ».

Des bonheurs, des satisfactions, des résultats parfois magnifiques, voire inespérés, il y en a

pourtant et heureusement, pas toujours mais si forts qu’ils sont d’autant plus précieux. Et de

cela aussi parlent ces gens dans ce livre sincère, étonnant, émouvant. Avec elles, avec eux,

dans ces quelques 160 pages, c’est toute la difficulté, la complexité mais aussi l’intelligence et

l’humanité de cette profession que nous partageons.

Bernard Ruhaud

* Terres d’Accueil, Récits d’Assistants Familiaux – Sous la direction de Florence Dieterich,

Christine Dos Santos et Maryline Amblard - Editions Le Bord de l’Eau – 154 pages – 15 €.