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3 CAHIERS IP INNOVATION & PROSPECTIVE N°03 Industries créatives, contenus numériques et données Les contenus culturels vus au travers du prisme des données Le graal de la recommandation et de la personnalisation Demain, quelles créations et quels usages data-driven  ? LES DONNÉES, MUSES ET FRONTIÈRES DE LA CRÉATION LIRE, ÉCOUTER, REGARDER ET JOUER À L’HEURE DE LA PERSONNALISATION

LES DONNEES, MUSES ET FRONTIERES DE LA CREATION

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    CAHIERS IPINNOVATION & PROSPECTIVE

    N03

    Industries cratives, contenus numriques et donnes

    Les contenus culturels vus au travers du prisme des donnes

    Le graal de la recommandation et de la personnalisation

    Demain, quelles crations et quels usages data-driven?

    LES DONNES, MUSES ET FRONTIRES DE LA CRATION

    LIRE, COUTER, REGARDER ET JOUER LHEURE DE LA PERSONNALISATION

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    Au sein de la Direction des technologies et de linnovation de la CNIL, lquipe Innovation & Prospective pilote des projets dtudes et dexplorations de sujets mergents touchant aux enjeux lis aux donnes personnelles et la vie prive, se situant dans ses travaux linterface entre innovation, technologies, usages, socit, rgulation et thique. La collection des cahiers IP, pour Innovation & Prospective, a vocation prsenter et partager les travaux et tudes prospectives conduits par la CNIL. Il s'agit ainsi de contribuer une rflexion pluridisciplinaire et ouverte dans le champ Informatique & Liberts et de nourrir les dbats sur les sujets thique dans le numrique.

    L'quipe Innovation, tudes et Prospective: Geoffrey Delcroix, Olivier Desbiey et Lucie Le Moine.

    Commission Nationale de lInformatique et des Liberts8 rue Vivienne CS 30223 75083 Paris Cedex 02Tl.: 01 53 73 22 22 [email protected] www.cnil.fr

    dition annuelle / Directeur de la publication: douard Geffray / Rdacteurs de ce cahier: Geoffrey Delcroix, Olivier Desbiey, Lucie Le Moine avec l'aide de Marie Leroux, Stphanie Chapelle, Mylne Podvin et ArthurBouyx / Rdacteur en chef: Gwendal Le Grand / Conception graphique: EFIL0247 47 0320/ www.efil.fr / Impression: Imprimerie Champagnac - 04 71 48 51 05 / Crdit Photos: IStock Photos, sauf p.13 Crdit Romuald Meigneux et p.55 Crdit Andr Gunthert / ISSN: 2263-8881 / Dpt lgal: publication / Cette uvre except les illustrations et sauf mention contraire est mise disposition sous licence Attribution 3.0 France. Pour voir une copie de cette licence, visitez http://creativecommons.org/licenses/by/3.0/fr/

    Les points de vue exprims dans cette publication ne refltent pas ncessairement la position de la CNIL.La CNIL remercie vivement l'ensemble des experts interviews ou ayant particip aux ateliers pour leur contribution.

    Retrouvez-nous sur notre site [www.cnil.fr/ip] en flashant le code ou sur :

    http://www.cnil.fr/la-cnil/ip/

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    DITOL

    es sondages nous rappellent rgulirement la place importante quoccupent les pratiques culturelles dans la vie quotidienne des Franais. Ces enqutes ratent pourtant quelque chose dessentiel. Elles sont impuissantes nous rvler le rle capital que joue la cration culturelle dans notre existence aussi bien individuelle que collective. La lecture, la musique, les films et les sries mais aussi sans doute les jeux vido, bien au-del du

    divertissement quils nous procurent, ne sont-ils pas les lieux par excellence o ne cesse de slaborer et de se rinventer notre identit? Lespace imaginaire quils nous ouvrent nest-il pas dabord un laboratoire, un atelier o il nous est permis de confronter ce que nous pensons tre dautres vies que les ntres ; de nous projeter dans dautres faons de penser, de sentir, daimer, en un mot, de conduire nos existences? Pour le dire encore autrement, cest au contact des uvres que nous ne cessons dinventer et de comprendre les parents, les amis, les citoyens, les hros, les amants que nous sommes ou aspirons tre. Reproduites et diffuses par ailleurs massivement selon des logiques industrielles et conomiques, supports de llaboration dimaginaires sensibles et politiques partags, les uvres se situent donc au carrefour du plus collectif et du plus intime, au cur de nos destins publics autant que personnels.Place aux avant-postes de la rvolution numrique qui bouleverse un un tous les pans de nos socits, la Cnil ne pouvait manquer dinterroger les impacts de cette mise en donnes du monde sur ce point focal de la construction de nos identits que constitue lunivers de la cration et de la distribution de contenus culturels.Les volutions sur ce front sont en effet spectaculaires et nos nouvelles pratiques et consommations deviennent, ici comme ailleurs, productrices de donnes personnelles. Les donnes alimentent des algorithmes de personnalisation et de recommandations. Compagnons de plus en plus indispensables pour naviguer dans limmensit des catalogues de contenus, ces algorithmes peuvent tout autant favoriser la dcouverte et la diversit quenfermer les individus dans des gots strotyps ou des horizons trs limits. Nentrevoit-on pas ici le risque dune cration et dune consommation affadies qui ne seraient plus loccasion de la rencontre dune altrit et dun imaginaire singuliers mais la scne dun ple monologue indfiniment rejoue?La discussion ne doit pas restreindre la question de la valeur apporte lapersonne par lutilisation des donnes personnelles la seule gratuit propose lutilisateur. Elle doit au contraire envisager ce qui fait la valeur irremplaable de la consommation culturelle: llargissement du champ des possibles et des pensables.Face ces tendances, les citoyens semblent mutiques. Pas ou peu de dbat : la collecte de donnes personnelles serait devenue le mal ncessaire de laccs certains services numriques innovants. Mais peut-on se rsoudre cette perspective? Ne faut-il pas alors dvelopper une culture de la donne

  • 04 CNIL CAHIERS IP - LES DONNES, MUSES ET FRONTIRES DE LA CRATION

    DITO

    qui nous remette les uns et les autres au centre du paysage numrique, qui recre une identit de la donne elle-mme au-del de sa valorisation conomique?Cependant, dans ce secteur et travers la personnalisation, les donnes rendent aussi les services plus utiles voire plus empathiques. Ayant connu une dmatrialisation prcoce, les industries culturelles font figure de laboratoire car elles se construisent autour de modles conomiques hybrides. Ceci cre une opportunit de sortir de limpasse rductrice opposant protection des droits et innovation. Plutt que de noyer la protection des donnes personnelles dans des conditions gnrales dutilisation trop souvent imprcises et difficiles comprendre, il faut la placer au fondement de la relation de confiance avec les utilisateurs. Des fonctions avances requirent laccs la localisation de la personne? ses mouvements? sa vitesse de dplacement? Aux capteurs de son tlphone ou de ses objets connects? Demain, ses motions, son humeur? Pourquoi pas mais pour quoi faire? Comment? Dans quel cadre et avec quelles limites? Et surtout, comment garantir que lutilisateur ne soit pas soumis passivement des analyses prsentes comme tant effectues pour son bien et quil consente bel et bien lutilisation de ses donnes pour ces services optionnels? Comment dmontrer que ces fonctions optionnelles ne sont pas des prtextes une collecte qui, en ralit, ne trouve sa justification finale que dans des rutilisations commerciales ou publicitaires?Ce cahier IP3 doit contribuer alimenter un dbat sur lintensit en donnes personnelles des outils de recommandation et de personnalisation qui se trouvent aujourdhui au cur du march de la consommation de contenus culturels numriques. Il entend aussi constituer un appel linnovation des acteurs conomiques, de ce secteur et de tous les autres, pour montrer que les entreprises, qui disent tout miser sur lexprience utilisateur, sont aussi prtes relever le dfi de lthique et de la confiance. Il veut surtout que les avant-gardes culturelles, marchandes et non marchandes, se saisissent du sujet et inventent le monde numrique de demain.

    Isabelle FALQUE-PIERROTIN,Prsidente de la CNIL

  • Partie 03LE GRAAL DE LA RECOMMANDATION ET DE LA PERSONNALISATION

    POURQUOI RECOMMANDER EST-IL SI IMPORTANT? 50

    COMMENT RECOMMANDE-T-ON? 51

    MYTHES & RALITS DE LA RECOMMANDATION 52

    DE LA RECOMMANDATION LA PERSONNALISATION: QUELLE EXPRIENCE POUR LUTILISATEUR? 56

    Partie 01INDUSTRIES CRATIVES, CONTENUS NUMRIQUES ETDONNES

    DMATRIALISATION DES CONTENUS ET NOUVELLES PRATIQUES CULTURELLES 08

    FACE LA NUMRISATION DES CONTENUS, DENOUVEAUX MODLES CONOMIQUES POURLESINDUSTRIES CULTURELLES 12

    LES DONNES PERSONNELLES, AU CUR DES INDUSTRIES CRATIVES ET CULTURELLES 16

    Partie 04DEMAIN, QUELLES CRATIONS ET QUELS USAGES DATA-DRIVEN ?

    QUELS SCNARIOS DUSAGE ET QUELS MODLES CONOMIQUES 5 ANS? 64

    HYPERMOVIE GENERATOR 66

    LIFE TRACKS 68

    TRAUMDATA 70

    THE COLLECTIVE MOOD MASTER 72

    DE QUOI CES SERVICES SONT-ILS LE NOM? 74

    Annexes 76

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    Partie 02LES CONTENUS CULTURELS VUS AU TRAVERS DU PRISME DES DONNES

    SPCIFICITS DES DONNES PERSONNELLES CULTURELLES: UN ESSAI DE TYPOLOGIE 22

    DU LIVRE NUMRIS AUX CRITURES NUMRIQUES ET NOUVELLES EXPRIENCES DELECTURE 28

    DE LA PLAYLIST LA CONTEXTUALISATION ET LA MUSICALISATION DU QUOTIDIEN 32

    DE LA VOD AUX CONTENUS ADAPTS ET ADDICTIFS 36

    DES JEUX EN LIGNE AUX INTERACTIONS HOMME-MACHINE AUGMENTES DANS DESENVIRONNEMENTS IMMERSIFS 42

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    Partie 01

    INDUSTRIES CRATIVES, CONTENUS NUMRIQUES ETDONNES

    DMATRIALISATION DES CONTENUS ET NOUVELLES PRATIQUES CULTURELLES 08

    FACE LA NUMRISATION DES CONTENUS, DE NOUVEAUX MODLES CONOMIQUES POUR LES INDUSTRIES CULTURELLES 12

    LES DONNES PERSONNELLES, AU CUR DES INDUSTRIES CRATIVES ET CULTURELLES 16

  • 08 CNIL CAHIERS IP - LES DONNES, MUSES ET FRONTIRES DE LA CRATION

    Ces industries culturelles et cratives ont connu latransformation numrique trs tt, et les usages comme les modles conomiques ont une certaine maturit, cequi en fait un laboratoire de la mise en donnes delconomie et des usages.

    Les critures littraires (romans, bande-dessines...), les vidos, la musique enregistre et les jeux vido sont des secteurs aux caractristiques proches etsubissent des transformations numriques similaires dans la place que prennent les donnes dans la cration, ladistribution et laconsommation des uvres.

    Ces secteurs, sont tous marqus par des pratiques intenses et une dmatrialisation croissante des contenus (qui reprsente dj environ 40 % des revenus).

    PARTIE 0 1 INDUSTRIES CRATIVES, CONTENUS NUMRIQUES ET DONNES

    LES INDUSTRIES CRATIVES ETCULTURELLES

    Comment dfinir un primtre auxindustries cratives et culturelles ?LePanorama des Industries Cratives et Culturelles en France,publiparEY (Ernst & Young)ennovembre2013,distingue9mar-chsculturelsetcratifs(Artsgraphiquesetplastiques,Musique,Spectaclevivant,Cinma/Tlvision,Radio,Jeuxvido,Livres,Presse/jour-nauxetmagazines)etillustreleurimportanceentermesdechiffresdaffairesetdemploispourlconomiefranaise.Cescontenuspeuventtredistribussurunebaseunitaire(unfilm,unalbum,unlivre,unjeuvido)etexploitsdansladure:unfilmseraparexempleexploitensalle,maisaussiparladiffusiontlvisuelle,parlaventeoulalocationdeDVDs,parlamisedispositionsuruncataloguedevidoslademande1Lachanedevaleurestdoncdurableetmultiforme.

    Cecahierseconcentresur4secteursparti-culirementconsommateursetproducteursdedonnescaractrepersonnel: le livre ainsi que les critures littrairesetde fiction ( lexclusiondoncdesmdiasdinformation); lesuvres vido et dimages animes,particulirementlesmarchsdelavidolademandeetdelavidodlinarise2; lamusique,comprenantlacration,laproduc-tion,ladistribution,lcoutedemusiqueenre-gistreet,notammentlmergencedumarchdelcouteenstreaming3; lejeuvidoquirecouvreaussibienlaproduc-tionpourordinateursouconsolesdesalonquelejeusursmartphonesettablettesouencorelejeusurlesrseauxsociaux.

    LaFranceconserveunepositionrelative-mentprivilgiedanscessecteursavecquelquesgants internationauxdans ledomainedescataloguesdecontenus(Universal Music Group, Hachette, Ubisoft)etquelquesppitessurlesnouveauxmarchsnumriques(parexempleDeezerouDailyMotion).

    DMATRIALISATION DES CONTENUS ET NOUVELLES PRATIQUES CULTURELLES

    1 Cette dfinition du primtre est galement utilise par lIDATE (IDATE. Content Economics, septembre 2014).

    2 Cest--dire la consommation au moment souhait par le consommateur et non aumoment choisi par le diffuseur.

    3 Le streaming, ou diffusion en continu, dsigne des techniques daccs des contenus (images, vidos, sons) la demande permettant leur lecture en direct .

    http://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives/$FILE/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives.pdfhttp://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives/$FILE/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives.pdfhttp://www.idate.org/en/Research-store/http://www.idate.org/en/Research-store/

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    revenus de ces secteurs - contre seulement 17% en 2010 ; ils devraient atteindre 63% en 20187.

    LE NUMRIQUE DVORE-T-IL LACHANE DE VALEUR DES INDUSTRIES CULTURELLES?

    Les modles conomiques du march des contenus culturels ou ludiques ont dj connu plusieurs bouleversements majeurs lis aux volutions du financement de la cration, la prservation de la diversit culturelle, au partage de la valeur ajoute entre les acteurs, la proprit intellectuelle et au piratage. Est-ce dire que les barbares num-riques8 ont dj mis terre les modles anciens des entreprises culturelles ? (voir chapitre I-3). Cest la position de Nicolas Colin dans la conf-rence les barbares attaquent , concernant lindustrie du livre9 : historiquement, depuis le dbut de la rvolution numrique au milieu des annes 90, les industries culturelles sont parmi les premires voir leur modle daffaires, leurs faons de travailler, lorganisation de leur filire profondment transforms par le numrique .

    Quil sagisse de la musique en streaming, de la vido la demande, des jeux vido sur des pla-teformes en ligne ou encore du livre numrique, des nouveaux entrants ont en effet boulevers les quilibres de march dans chaque domaine, faisant tomber les barrires lentre qui pro-tgeaient les acteurs traditionnels.

    UNE PART IMPORTANTE DU TEMPS DE CERVEAU DISPONIBLE DES FRANAIS CONSACRE AUX CONTENUS CRATIFS ET CULTURO-LUDIQUES.

    Lespratiques culturellessontunchampdinvestigationancien4dufaitdeleurimportance dans le quotidien desFranais:enmoyenne,ilspassent9heuresparjoursurlesdiffrentssupportsetcontenus5.Certes,latlvisionesttoujourslcrandevantlequellesFranaispassentleplusdetemps,avecenviron3heuresparjourenmoyenne,maislintensitdesautrespratiquesestloindtrengligeablepuisquenmoyenne1h45parjoursontconsacresjouerdesjeuxvido,presque1heurecouterdelamusique,47minutesliredeslivreset35minutesregarderdesvidos.

    Bien videmment, les composantes num-riques dmatrialises sont chaque anne en augmentation. Mais elles sont dores et dj importantes : cette part va en France de 4% pour la vente de livres 40% pour le jeu vido, en passant par environ 25% du chiffre daffaires de la musique enregistre et environ 20% de la consommation de vidos6. La dmatrialisa-tion est en croissance dans tous les secteurs et elle constitue la part la plus dynamique de ces marchs. Selon lIDATE, les contenus dmatria-liss reprsentent aujourdhui environ 40% des

    Regarder la tlvision 22h21/sem3h11/jour

    12h17/sem1h45/jour (+1h45 par rapport 2011)

    10h59/sem1h34/jour (-25mn par rapport 2011)

    6h10/sem53 mn/jour

    4h12/sem36 mn/jour

    5h27/sem47 mn/jour (-21mn par rapport 2011)

    Jouer des jeux vido

    couter la radio

    couter de la musique hors radio

    Lire des livres

    Visionner des vidos

    TEMPS HEBDOMADAIRE ALLOU LA CONSOMMATION D'ACTIVITS CULTURELLES ET CRATIVES PAR LES FRANAIS DE 10 ANS ET PLUS(2012 par rapport 2011)

    Source: GfK - enqute 2012 auprs de 2 305 rpondants/EY, Panorama des Industries Cratives etCulturelles en France, novembre 2013.

    4 MINISTERE DE LA CULTURE. Les pratiques culturelles des Franais, 2008. Ce dispositif denqute existe depuis les annes 70 et sa dernire itration a t publie en 2008.

    5 EY. Panorama des Industries Cratives et Culturelles en France, novembre 2013. Ceschiffres sont videmment bass sur des usages mesurs non "exclusifs" (d'autres activits ont lieu en mme temps...).

    6 Essentiellement: EY (dj cit), GfK, le Syndicat National de lEdition, le Syndicat National de lEdition Phonographique et le Syndicat National du Jeu Vido.

    7 IDATE. Content Economics, septembre 2014.

    9 DUPONT-CALBO, Julien. Survivre aux " barbares " numriques , Les Echos, 20mai 2015.

    9 Voir : http://barbares. thefamily.co/le-livre (NicolasColin, co-fondateur de The Family, Inspecteur des finances, etgalement Commissaire laCNIL).

    http://barbares.thefamily.co/le-livrehttp://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/08resultat.phphttp://www.idate.org/en/Research-store/http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/08resultat.phphttp://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/08resultat.phphttp://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives/$FILE/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives.pdfhttp://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives/$FILE/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives.pdfhttp://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives/$FILE/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives.pdfhttp://www.idate.org/en/Research-store/http://www.lesechos.fr/thema/transformation-digital/02173985801-survivre-aux-barbares-numeriques-1120961.phphttp://www.lesechos.fr/thema/transformation-digital/02173985801-survivre-aux-barbares-numeriques-1120961.phphttp://barbares.thefamily.co/le-livrehttp://barbares.thefamily.co/le-livre

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    connects, des offres de tlvision de rattrapage et de limportance des seconds crans (smart-phones et tablettes).

    Deux tendances complmentaires sont observes. La premire est la stratgie dite de l event TV 12, qui se matrialise notamment dans la tlvision sociale ayant recours aux services de rseaux sociaux pour impliquer le public et renforcer laudience du programme en appelant aux ractions du public en direct (concours, votes dans les missions de tlra-lit). La seconde est la tendance croissante la dlinarisation tlvisuelle, cest--dire la consommation du mdia au moment souhait par le consommateur et non au moment choisi par le diffuseur, laquelle viennent sajouter les transformations des pratiques de consommation duvres cinmatographiques domicile .

    Selon un sondage ralis par Mdiamtrie fin 2014, environ un tiers des internautes fran-ais avait dj regard une vido la demande13. Cest ainsi que venant largement succder la location de DVD, la consommation de vido la demande sinstalle rapidement, soit par linter-mdiaire dacteurs de la tlvision payante tels que le groupe Canal + ou la chaine HBO, soit par lintermdiaire de kiosques mis disposition des tlspectateurs par des oprateurs de tl-communications sur leurs boxes ou par des nou-veaux acteurs comme Netflix14, dont le service est devenu pour beaucoup synonyme de catalogue de vidos la demande.

    LE JEU VIDO, UN MARCH BORN DIGITAL15 EN BONNE SANT, MAIS EN PLEINE MUTATION

    Affichant un taux de croissance annuelle de 6 10% depuis 40 ans, lindustrie du jeu vido se porte bien et semble contre-courant du contexte conomique actuel des autres secteurs pour lesquels la dmatriali-sation intervient dans une situation gnrale de contraction des ventes. Cette industrie nen est pas moins en pleine mutation ! Il y a 15 ans, les usages pouvaient se rsumer une utilisation domestique, par un public relativement jeune, de contenus sur support physique (CD-ROMs, DVD). Aujourdhui, le jeu vido est davantage intgr au sein du foyer avec plus de 28 millions de joueurs en France en 2011 (contre 11 millions

    MUSIQUE NUMRIQUE: LESTREAMING, MODE DE CONSOMMATION MAJORITAIRE

    Alors quen 2011 le streaming rappor-tait quasiment deux fois moins de revenus que le tlchargement de musique selon le Syndicat National de ldition Phonographique (SNEP)10, ces deux modes de consommation reprsentent, aujourdhui en France, un revenu quivalent. Selon GfK11, le temps dcoute de musique numrique dpasse celui de supports physiques et 60 70% des Franais ont dj utilis plus ou moins rguli-rement un service dcoute de musique en strea-ming. Dailleurs, les Franais en sont parmi les plus avides utilisateurs : selon le SNEP, la part du chiffre daffaires du streaming au sein des ventes numriques est deux fois plus importante en France quaux tats-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne (19% en moyenne). Lexistence dun leader franais de ce march (Deezer), et son offre prfrentielle destination des abon-ns de loprateur Orange, expliquent certai-nement cette spcificit. De mme, le fait que Spotify soit une cration sudoise contribue au fait que le streaming compte pour 94% des revenus du secteur dans ce pays. Mais quoiquil en soit, la croissance du streaming sobserve au niveau global : en 2013, il a progress de 39% pour reprsenter dsormais plus du quart des revenus numriques mondiaux.

    VIDO LA DEMANDE ET TLVISION DE RATTRAPAGE, INCARNATIONS DE LA DLINARISATION DE LA CONSOMMATION DES FILMS ET SRIES

    Si la consommation tlvisuelle reste encore la reine des pratiques de consom-mation de contenus culturels et cratifs, la transformation numrique sopre galement dans ce secteur via lapparition des tlviseurs

    PARTIE 0 1 INDUSTRIES CRATIVES, CONTENUS NUMRIQUES ET DONNES

    10 SYNDICAT NATIONAL DE LEDITION PHONOGRAPHIQUE. Lconomie de la production musicale, dition 2014.

    11 GFK. tude REC+, juillet 2013 (communiqu de presse).

    12 Voir: http://en.wikipedia.org/wiki/Event_television.

    13 MEDIAMETRIE. VOD 360, vague de dcembre 2014. (Communiqu de presse).

    14 Loffre de Netflix a t lance enFrance en septembre 2014.

    15 Document ou information cr dans une forme lectronique et non numris a posteriori.

    16 EY. Panorama des Industries Cratives et Culturelles en France, novembre 2013, page 57.

    Au cours des 7 derniers jours Au cours des 30derniers jours

    Ne pratiquent pas

    Depuis plus d'un mois

    Source: Syndicat National deldition Phonographique, dition 2015, p. 43 et Hyperworld.

    POURCENTAGE DES FRANAIS CONSOMMATEURS DE MUSIQUE NUMRIQUE AYANT UTILIS UNSERVICE DE MUSIQUE EN STREAMING

    51 % 17 % 18 % 13 %

    http://www.snepmusique.com/actualites-du-snep/economie-de-la-production-musicale-edition-2014/http://www.snepmusique.com/actualites-du-snep/economie-de-la-production-musicale-edition-2014/http://www.gfk.com/fr/news-and-events/press-room/press-releases/pages/les-biens-culturels-sont-toujours-plus-recherchs-par-les-franais-selon-ltude-rec+-de-gfk.aspxhttp://www.snepmusique.com/actualites-du-snep/economie-de-la-production-musicale-edition-2014/http://www.snepmusique.com/actualites-du-snep/economie-de-la-production-musicale-edition-2014/http://www.gfk.com/fr/news-and-events/press-room/press-releases/pages/les-biens-culturels-sont-toujours-plus-recherch%C3%A9s-par-les-fran%C3%A7ais-selon-l%E2%80%99%C3%A9tude-rec+-de-gfk.aspxhttp://en.wikipedia.org/wiki/Event_televisionhttp://en.wikipedia.org/wiki/Event_televisionhttp://www.mediametrie.fr/comportements/communiques/vod-svod-deux-marches-au-service-d-une-pratique-a-la-demande.php?id=1198http://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives/$FILE/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives.pdfhttp://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives/$FILE/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives.pdfhttp://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives/$FILE/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives.pdfhttp://www.snepmusique.com/actualites-du-snep/economie-de-la-production-musicale-edition-2015/http://www.snepmusique.com/actualites-du-snep/economie-de-la-production-musicale-edition-2015/

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    de 45% entre 2013 et 2014 en France, pour atteindre 64 millions deuros. Selon la Hadopi23, 11% des Franais de plus de 15 ans lisent des livres numriques.

    Si la liseuse a souvent t perue comme le symbole du dveloppement de la lecture num-rique, elle nest pourtant utilise que par 24% des lecteurs, et principalement par les consom-mateurs de romans. Les smartphones et ordina-teurs portables sont utiliss respectivement par 26% et 33% des lecteurs numriques. La tablette, privilgie pour la lecture de bandes dessines et mangas, arrive en tte, avec 37% dutilisation totale.

    Les acteurs de ce march doivent donc penser des usages trs concurrentiels de lec-ture sur terminaux24 car contrairement la liseuse, qui ne fait finalement que proposer la transposition simple du livre papier sur cran, les environnements mobiles, tactiles et foison-nants, proposent dimaginer du contenu et des services innovants capables de maintenir le lec-teur lintrieur de lhistoire.

    en 2000) selon le CNC cit par EY16. Surtout, il concerne dornavant toutes les tranches dges puisquen 10 ans, le nombre de joueurs de plus de 50 ans a doubl. Cette monte en popularit a manifestement t aide par lavnement du jeu mobile, car ce qui tait autrefois dvolu un usage spcialiste et sdentaire sest popularis au travers dun jeu plus grand public et nomade. Le jeu correspond ainsi 49% du temps pass par les utilisateurs sur des quipements mobiles17.

    Dsormais, deux modles daffaires coexistent : dun ct, les grands studios dve-loppent des projets coteux, ncessitant un investissement considrable en termes de mar-keting et les jeux sont de ce fait proposs un prix lev ; dun autre ct, une multitude de studios (Gameloft, Zynga, King) proposent des jeux freemium18 ou entirement gratuits, avec des prtentions plus modestes, un potentiel viral19 plus lev et une logique de montisation trs diffrente. Les enjeux mergents semblent quant eux concerner principalement le cloud gaming20, tandis que des possibilits encore mal dfinies de la ralit augmente et des termi-naux immersifs (comme le casque de ralit virtuelle Oculus Rift, acquis par Facebook pour prs de 2 milliards de dollars en 201421) font leur apparition.

    DU LIVRE NUMRIQUE AUX CONTENUS CRITS INNOVANTS

    Alors que le monde de ldition franaise a connu un recul de 1,3% de son activit en 201422, le march du livre numrique poursuit son dve-loppement avec un chiffre daffaires en hausse

    17 SYNDICAT NATIONAL DU JEU VIDEO et IDATE. Baromtre annuel du jeu vido en France, dition 2014.

    18 Offre associant un accs gratuit en libre accs et unaccs payant (Premium), plus haut de gamme. Ilsagit doffrir gratuitement les fonctionnalits de base et de faire payer pour lesfonctionnalits avances du service.

    19 Capacit dun produit se faire connatre plus ou moins rapidement sans publicit ausens traditionnel mais par lebouche oreilles, parlebiais des rseaux sociaux parexemple.

    20 Cest--dire le jeu distance sans tlchargement.

    21 Voir le texte post par Mark Zuckerberg sur Facebook le25mars 2014.

    22 GFK. 2014, une anne en demi-teinte pour le march du livre, 18mars 2015.

    23 HADOPI, (note danalyse duDpartement Recherche, tudes et Veille). Livre numrique et terminaux de lecture, quels usages?, 19mars 2015.

    24 Tablettes, ordinateurs etsmartphones.

    Source: HADOPI, (note danalyse du Dpartement Recherche, tudes et Veille). Livre numrique etterminaux de lecture, quels usages?, 19mars 2015.

    APPAREILS UTILISS POUR LA LECTURE DELIVRES NUMRIQUES

    Tablette

    Ordinateur portable ou mini PCLiseuse

    Smartphone

    Ordinateur fixe

    37 %28 %

    Appareil utilis le plus souvent

    Total "utilise cet appareil"

    33 %23 %

    24 %21 %

    26 %17 %

    17 %11 %

    http://hadopi.fr/actualites/actualites/l-hadopi-publie-la-note-d-analyse-livre-numerique-et-terminaux-de-lecture-quelhttp://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives/$FILE/EY-Panorama-Industries-culturelles-et-creatives.pdfhttp://www.snjv.org/wp-content/uploads/2014/10/SNJV_barometre2014_05_BD_email.pdfhttp://www.snjv.org/wp-content/uploads/2014/10/SNJV_barometre2014_05_BD_email.pdfhttps://www.facebook.com/zuck/posts/10101319050523971http://www.gfk.com/fr/news-and-events/press-room/press-releases/pages/une-annee-2014-en-demi-teinte-pour-le-marche-du-livre.aspxhttp://www.gfk.com/fr/news-and-events/press-room/press-releases/pages/une-annee-2014-en-demi-teinte-pour-le-marche-du-livre.aspxhttp://hadopi.fr/actualites/actualites/l-hadopi-publie-la-note-d-analyse-livre-numerique-et-terminaux-de-lecture-quelhttp://hadopi.fr/actualites/actualites/l-hadopi-publie-la-note-d-analyse-livre-numerique-et-terminaux-de-lecture-quelhttp://hadopi.fr/actualites/actualites/l-hadopi-publie-la-note-d-analyse-livre-numerique-et-terminaux-de-lecture-quelhttp://hadopi.fr/sites/default/files/Note%20d%27analyse%20%C3%A9tude%20livre%20Hadopi.pdfhttp://hadopi.fr/sites/default/files/Note%20d%27analyse%20%C3%A9tude%20livre%20Hadopi.pdf

  • 12 CNIL CAHIERS IP - LES DONNES, MUSES ET FRONTIRES DE LA CRATION

    PARTIE 0 1 INDUSTRIES CRATIVES, CONTENUS NUMRIQUES ET DONNES

    La remise en cause de ce modle, bas sur la vente dun produit physique ou unique, distribu par des intermdiaires et financ directement par le public, impacte naturellement le maillon le plus en amont de la chane, cest dire la cra-tion. Depuis la fin des annes 90, on assiste ainsi lmergence de nouveaux modles conomiques hybridant le modle traditionnel et la logique majoritaire du web, crant ainsi un march publi-citaire biface o les donnes constituent une mon-naie dchange permettant de crer des services toujours plus personnaliss.

    Les difficults rencontres par les industries culturelles sont en partie le reflet de ces dilemmes et les modles conomiques des nouveaux acteurs font figure de parades. Deux tendances majeures se dgagent avec dune part, la volont de proposer une exprience et des services qui vont au-del du simple contenu (qui peut souvent tre accessible gratuitement), et dautre part la personnalisation de cette exprience.

    Pour lutilisateur, la numrisation apporte aussi des effets ambigus combinant la fois un accroissement de loffre qui complique davantage le choix et une volution des services numriques qui permet de consommer plus rapidement un grand nombre de contenus. Mais avoir accs un catalogue de plusieurs millions de titres ne signi-fie pas pour autant quil est ais davoir accs du contenu pertinent. Les plateformes se diffrencient donc travers le dveloppement doutils dassis-tance lutilisateur, afin de laider clairer ses choix. Le recours des donnes sur les caractris-tiques de consommation de lutilisateur (temps dcoute, de lecture, gots, intensit de consom-mation, etc. dcouvrir dans la partie II) devient alors souvent ncessaire pour affiner et personna-liser le processus de dcouverte. La prescription en tant que terme gnrique pour dsigner la recommandation (personnalise ou non), quelle transite par des tiers (pairs, critiques, etc) ou par des algorithmes, dcoule de la nature mme des biens culturels (voir partie III).

    QUEL PRIX POUR LES PRODUITS CULTURELS

    Le numrique a rvl ou modifi les pro-prits conomiques des biens culturels1. Ds lors que les contenus se retrouvent disponibles et consommables dans un format numrique, ils deviennent indfiniment reproductibles un cot proche de zro et sans perte de qualit. Ces proprits font cho la dfinition de bien public dans lanalyse conomique. On parle de

    Les individus ne sont plus prts payer pour possder des contenus, dsormais seul laccs compte. Cest probablement ladage que lon retrouve le plus souvent lorsque lon sintresse aux mutations induites par la numrisation des contenus dans les industries culturo-ludiques. Il renvoie implicitement lide quavec le numrique, loffre de contenus sest considrablement accrue aussi bien en nombre quen varit, tout comme les moyens dy accder, lgaux ou non, rendant obsolte le modle tradi-tionnel de distribution.

    Dsormais en grande partie dmatrialise, loffre decontenus aexplos, tout comme les moyens dy accder. Finialors le modle de la vente dun produit physique et unique? Denouveaux modles conomiques mergent, mobilisant les donnes personnelles des utilisateurs comme monnaie dchange et moyen depersonnaliser leurexprience du service.

    terme, irons-nous jusqu la dtermination dynamique des prix pour chaque utilisateur?

    FACE LANUMRISATION DES CONTENUS, DE NOUVEAUX MODLES CONOMIQUES POUR LES INDUSTRIES CULTURELLES

    1 On parle ici des biens culturels dans leur dimension divisible comme les livres, les disques ce qui ninclue pas le spectacle vivant qui est impact diffremment par le numrique etconstitue souvent une forme de valeur refuge (ex. la musique).

  • 13

    Lors du MIP TV 2014, le prsident du CSA, Olivier Schrameck, voquait la transformation du secteur audiovi-suel en parlant notamment du pas-sage dune logique doffre (topdown) centre sur les choix de programma-tion de lditeur une logique de demande (bottom up) fonde sur les prfrences du tlspectateur . Comment le CSA analyse-t-il ces chan-gements dans les pratiques actuelles et futures des consommateurs?

    Audiovisuel et internet sont dsor-mais intimement lis et leur entrelace-ment se traduit par de nouveaux usages. Ainsi, la croissance de la consommation des services non linaires, notamment distribus directement sur internet, sobserve en particulier chez les plus jeunes ; cette tendance devrait vraisem-blablement saccentuer dans les annes venir, avec lessor soutenu des termi-naux connects : tlviseurs, tablettes et smartphones. Toutefois, la place de la tlvision linaire demeure encore prpondrante dans les habitudes et les usages des franais, constituant ce stade un support majeur dexposition des contenus.

    En tout tat de cause, la transition numrique saccompagne dun bascu-lement dune logique doffre vers une logique de demande. Ce mouvement porte en lui des promesses, notamment une meilleure adquation aux attentes du public, mais aussi des risques,

    notamment en termes de maintien de la diversit culturelle. ce titre, la pro-motion de la diversit et la protection de la proprit intellectuelle doivent figurer parmi les politiques prioritaires des pouvoirs publics. Ces politiques devront toutefois tre menes d'une manire qui soit adapte l'environ-nement numrique, c'est dire qui ne bride pas la dynamique des technolo-gies de l'information et de la commu-nication, en elle-mme porteuse d'un accroissement du bien-tre social.

    De quelle manire les offres et les services des acteurs du secteur voluent-ils?

    La consommation de contenus vido compte dsormais parmi les tout premiers usages sur internet. Les dif-fuseurs de contenus audiovisuels pro-longent en consquence leur pratique professionnelle et adaptent leur modle conomique, leur activit en ligne permettant daccumuler un potentiel de captation daudience. Le Big Data audiovisuel cest--dire lanalyse et lexploitation des donnes personnelles issues de la consommation de contenus audiovisuels constitue aujourdhui lun des principaux leviers de linnova-tion en matire de diffusion des conte-nus culturels. Cette tendance de fond stendra court terme lensemble des acteurs, historiques et nouveaux, qui sont actifs sur la chane de valeur de laudiovisuel lre numrique.

    Dans un tel contexte, il est indis-pensable que linnovation sinscrive dans une logique de promotion de la diversit culturelle, afin doprer plei-nement au bnfice des consomma-teurs. On doit cet gard souligner que les nouveaux algorithmes de recherche, de recommandation, de prescription et de personnalisation ne sont pas nces-sairement synonymes dun appauvris-sement du champ des propositions faites au consommateur. Au contraire, ces outils peuvent devenir de prcieux

    vecteurs dorientation de la demande, facilitant certes la recherche de ce qui plat dj, mais suscitant aussi la dcou-verte de ce qui est susceptible de plaire. cet effet, les algorithmes ne devront pas uniquement procder lanalyse des choix passs du consommateur, mais galement permettre ce dernier daccder des contenus inattendus, selon la logique dite de la srendipit . Un tel mcanisme hybride correspond dailleurs aux us du tlspectateur-internaute, devenu consommacteur de contenus et dj coutumier dune navigation bimodale, faisant appel, tantt des liens forts pour lexploita-tion du connu, tantt des liens faibles pour lexploration de linconnu.

    Selon vous, quelles seront les tendances mergentes les plus int-ressantes observer au cours des prochaines annes?

    Tout dabord, le lancement de nou-veaux services non linaires, et plus particulirement doffres de vido la demande par abonnement, accessibles directement sur internet via des plate-formes de distribution OTT, devrait sti-muler le dveloppement de nouvelles offres sur le march.

    On peut galement tabler sur len-clenchement dun cercle vertueux en matire dinnovation de programmes, sagissant des contenus et des formats, avec, par exemple, lcriture partici-pative ou encore la combinaison de diffrents mdias : tlvision, radio, internet (cross-mdia). Ce mouvement de modernisation de la production et de la diffusion audiovisuelles ne sera videmment pas cantonn au seul primtre des nouveaux acteurs et il transformera aussi les chanes clas-siques de tlvision. Le consomma-teur bnficiera ainsi de cette varit accrue de loffre, quels que soient ses modes de consommation de contenus audiovisuels.

    3 QUESTIONS NICOLAS CURIEN, CONSEILLER AU CONSEIL SUPRIEUR DE LAUDIOVISUEL

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    eux

  • 14 CNIL CAHIERS IP - LES DONNES, MUSES ET FRONTIRES DE LA CRATION

    marginalement, lacceptation de publicits permet parfois daccder une liseuse un prix prfrentiel comme dans le cas du Kindle dAma-zon, qui peut sacheter un prix moins lev lorsque l'acheteur choisit la version sur laquelle des publicits personnalises s'affichent sur lcran de veille.

    Les plateformes de distribution de contenus basent leur modle soit sur des ventes lunit (modle surtout prsent dans la VOD) soit sur un accs payant et illimit un catalogue de contenus (modle dominant dans le streaming musical) assorti dun ensemble de services ayant vocation personnaliser lexprience de lutili-sateur et sur lesquels la concurrence fait rage. Il peut sagir de vente de tickets de concerts asso-cie aux artistes couts ou plus gnralement de rductions sur des produits pertinents dans un mme univers de consommation. La valeur dun contenu culturel ntant connu quaprs sa consommation, offrir aux utilisateurs la possibilit davoir un aperu (bande annonce, extraits) auquel ils pourraient accder dun ct, et conserver leur historique de consommation de lautre, sont des mcanismes trs rpandus pour optimiser la rencontre dun contenu avec une audience.

    ILLUSTRATION SECTORIELLE: LE JEU VIDO

    Selon le Baromtre annuel du jeu vido en France 20145, le march de la consommation de jeux vido a cr de presque 300 % en 10 ans.

    Ce march est organis verticalement avec des dveloppeurs, des studios de jeu, des diteurs, des distributeurs, et enfin des fabri-cants de consoles qui contrlent la chane de valeur. Mais rcemment, lapparition des jeux sur smartphones (et donc larrive dApple et de Google) a rduit cette chane, et la dmatrialisa-tion quasi complte du march a boulevers les quilibres, permettant lessor des jeux en ligne (par exemple les jeux sociaux6).

    De par la multiplicit des supports et des utilisateurs (comparativement aux autres indus-tries des biens culturels), le secteur des jeux vido est dsormais celui qui offre le plus de varit en matire de modles conomiques. une extrmit du spectre se trouve le jeu gratuit principalement prsent sur mobile et tablette, et de lautre ct se trouve le jeu payant lunit qui est plutt la norme sur console7. Entre les deux, il existe un ensemble de dclinai-sons dont le freemium constitue la mdiane8 :

    bien public lorsquil nest pas possible dexclure des individus de sa consommation et quil nexiste pas de rivalit dans laccs2. Le fichier numrique devient ainsi support et vhicule des contenus.

    En conomie, rattacher un bien ces pro-prits permet de mettre en vidence les pro-blmatiques dincitations et de financement : pourquoi les individus paieraient-ils pour un bien quils pourraient obtenir gratuitement ? Comment dfinir un prix de march ? Qui va financer la production de biens que personne ne souhaite acheter ?

    Les proprits des contenus culturels ont conduit lorigine des fixations de prix exp-rimentales 3 : les prix des versions dmatriali-ses taient dduits du prix des biens physiques similaires (un album achet en MP3 cotant entre la moiti et les deux-tiers du prix dun CD, un film la demande cotant peu prs le mme prix quun DVD lou et peine moins cher quun DVD achet, etc). Progressivement, des modles alternatifs sont apparus. La fixa-tion du prix unitaire tant dlicate et les utili-sateurs achetant lusage plus que la proprit, les modles les plus explors sont dsormais les abonnements ou la consultation gratuite finan-ce par la publicit4.

    DES MODLES VARIS ET HYBRIDES: CONTENU GRATUIT FINANC PAR LA PUBLICIT, ABONNEMENT ILLIMIT, PAIEMENT L'UNIT...

    Le schma le plus courant pour accompa-gner lvolution des pratiques de consommation consiste proposer des plateformes qui reposent sur des modles dits freemium. Ce schma est particulirement courant dans la musique en ligne o des services comme Deezer ou Spotify per-mettent lcoute gratuite de titres mais avec des restrictions auxquelles les abonns payants ne sont pas soumis. Par exemple, sur Spotify, lutili-sateur gratuit ne peut pas stocker de morceaux pour bnficier dune coute hors connexion et il est par ailleurs expos des publicits qui sintercalent dans sa liste dcoute. En quelque sorte, il sagit de fournir un service dgrad aux utilisateurs gratuits pour les inciter opter pour une formule payante.

    Le modle payant par abonnement ou de paiement lunit est quant lui particuli-rement rpandu pour les services de livres numriques et de vido la demande. Plus

    PARTIE 0 1 INDUSTRIES CRATIVES, CONTENUS NUMRIQUES ET DONNES

    2 Par exemple, le fait quunindividu soit protg nempche pas les autres de ltre avec la mme qualit.

    3 IDATE. Content Economics, septembre 2014.

    4 Aprs une phase dexploration des techniques de bundling o le support numrique tait vendu avec le support physique.

    5 Syndicat national du jeu vido et IDATE. Baromtre annuel du jeu vido en France, dition 2014.

    6 Communications & stratgies n94 Video game business models and monetization, juin 2014.

    7 Les jeux pour console semblent tre lun des derniers bastions o les standards propritaires permettent la persistance dunmarch de vente physique lunit.

    8 HADOPI/IFOP. Le jeu vido dmatrialis, dcembre 2014.

    http://snjv.org/wp-content/uploads/2014/10/SNJV_barometre2014_05_BD_email.pdfhttp://hadopi.fr/actualites/actualites/etude-sur-le-jeu-video-dematerialisehttp://hadopi.fr/actualites/actualites/etude-sur-le-jeu-video-dematerialisehttp://www.idate.org/en/Research-store/http://snjv.org/wp-content/uploads/2014/10/SNJV_barometre2014_05_BD_email.pdfhttp://snjv.org/wp-content/uploads/2014/10/SNJV_barometre2014_05_BD_email.pdfhttp://snjv.org/wp-content/uploads/2014/10/SNJV_barometre2014_05_BD_email.pdfhttp://www.idate.org/en/Digiworld-store/No-94-Video-game-business-models-and-monetization_865.htmlhttp://www.idate.org/en/Digiworld-store/No-94-Video-game-business-models-and-monetization_865.htmlhttp://hadopi.fr/actualites/actualites/etude-sur-le-jeu-video-dematerialisehttp://hadopi.fr/actualites/actualites/etude-sur-le-jeu-video-dematerialise

  • 15

    Aujourdhui, les champions de la gestion dynamique des prix12 sont les professionnels des transports (compagnies ariennes ou mme Uber, qui a fait de la variation en temps rel des prix une des cls de vote de sa proposition de service). Amazon est galement trs largement en mesure de faire varier rapidement les prix des produits vendus.

    Pour autant le prix dun livre, dun album musical ou dun jeu vido change de manire assez rigide, avec au maximum deux ou trois prix diffrents lors de son cycle de vie de vente. Mais la dmatrialisation permet beaucoup plus de flexibilit. Il est aujourdhui imaginable de faire varier en temps rel le prix dun produit en fonction de la demande et donc de la popularit dun contenu. Le jeu vido est dj relativement avanc dans cette voie, par exemple en propo-sant des accs exclusifs en avance, des ditions de luxe qui sont en fait autant de moyens de segmenter la demande selon le consentement payer 13, que les vendeurs seront capables de deviner par leur connaissance de lacheteur qui se prsente sur leur plateforme. Le ciblage en ligne ne sera alors plus seulement publicitaire mais permettra bien de dfinir algorithmique-ment un prix pour chaque consommateur. Si cette hypothse parait trs prospective, la Maison Blanche la jug suffisamment crdible pour rendre public un rapport sintressant la capacit du big data influer sur les rap-ports de force entre acheteurs et vendeurs en ligne14. Dans ce rapport, la Maison Blanche cite incidemment une tude de Benjamin Shiller qui estimait que si Netflix utilisait des donnes comportementales pour personnaliser les prix de son abonnement, les profits supplmentaires pourraient atteindre jusqu +12%15. Lquipe de prospective de France Tlvision pose dailleurs la question dans son cahier de tendances Mta-mdia numro 9 : et si demain, les prix de la culture devenaient variables ? Comme ceux des billets davion ou des chambres dhtels. Le yield management et la gestion des prix en temps rel pourraient ainsi faire varier les prix en fonc-tion de lutilisateur, de ses gots, du moment de dcouverte et de consommation, de lcran utilis. Et pourquoi pas de la qualit ? 16

    Abonnement Payant : mensuel pour jouer en ligne ; AYCE : All You Can Eat abonnement illi-mit sur un catalogue de jeux en ligne ; Freemium (cf. supra) ; F2P : Free 2 Play jeu gratuit avec micro-paiement pendant le jeu ; P&PM : Pay and Play More achat unitaire en ligne avec micropaiement.

    La varit de modles est rendue possible par lengagement9 des joueurs qui offre aux diteurs laccs de nombreuses donnes com-portementales et la possibilit de s'adapter la typologie des jeux et des joueurs (voir enca-dr dans chapitre II-5). En dautres termes, il sagit dexploiter au mieux leurs dispositions payer. Par ailleurs, la gratuit nest souvent quapparente car la manire du modle des applications mobiles (voir les rsultats du projet CNIL-Inria "Mobilitics"), les donnes des utilisa-teurs, notamment leur golocalisation, sont souvent utilises pour affiner le ciblage publi-citaire qui nest rien dautre que la vritable contrepartie du jeu.

    DEMAIN, UN PRIX DIFFRENT POUR CHAQUE CONSOMMATEUR GRCE AU BIG DATA?

    Le point commun tous ces marchs est sans doute lconomie des hits (winner takes all) : que ce soit les best sellers littraires, les blockbusters hollywoodiens, les hits musicaux ou les jeux vido AAA10 (nom donn aux plus grosses productions de lindustrie du jeu vido), il y a beaucoup dappels et peu dlus, mais ces lus sont extraordinairement rentables. Les cls de ces succs tiennent essentiellement au professionnalisme, linstinct ou au talent des participants ces productions. Il tient aussi de plus en plus la capacit utiliser les donnes pour dtecter ce qui marche, voire imaginer une sorte dalgorithme du succs. cet gard, Netflix na jamais rat une occasion de souli-gner que le choix de produire la srie succs House of cards tait un succs du big data (voir chapitre II-4).

    Dautres modles conomiques peuvent ils apparaitre demain ? Cela est trs probable du fait que le march dispose, grce aux donnes, de toutes les cls pour explorer dautres voies de dtermination des prix des contenus culturels et cratifs dmatrialiss. IDATE11 imagine ainsi une hypothse de dtermination dynamique du prix.

    9 Cette expression est utilise ici, et dans le reste du prsent cahier, en se rfrant son utilisation dans lesdomaines dumarketing, du commerce et de lapublicit dans lesquelles cette notion est devenue cardinale. Lengagement se dfinira comme uneinteraction significative entre un consommateur et un contenu, unservice, un produit, un mdia. Ceconcept est la consquence directe de lappropriation par lemonde du marketing et ducommerce de la prdiction du Manifeste des vidences , texte fondateur datant de 1999: les marchs sont desconversations .

    10 En rfrence aux notes scolaires dans le systme nord-amricain.

    11 IDATE. Content Economics, septembre 2014.

    12 galement appele yield management , cest--dire la tarification diffrencie des fins doptimisation des ventes.

    13 Ce que les conomistes appellent de la discrimination par les prix de troisime type (https://fr.wikipedia.org/wiki/Discrimination_par_les_prix).

    14 WHITE HOUSE. Big Data and differential pricing, fvrier 2015.

    15 Netflix a aujourdhui unestratgie de prix unique, et rien nindique que lentreprise ne compte pas changer cette stratgie brve chance, ne serait-ceque parce que sadernire modification de grille tarifaire lui avait valu uneleve de boucliers desabonns aux tats-Unis. Ces stratgies sont donc trs dangereuses en termes dimage lorsquelles sont visibles!

    16 SCHERER, Eric. La TV demain: 10enjeux de transformation , mta-media #9, juin 2015.

    http://meta-media.fr/2015/06/16/cahier-de-tendances-printemps-ete-10-enjeux-pour-la-tv-10-fiches.htmlhttp://meta-media.fr/2015/06/16/cahier-de-tendances-printemps-ete-10-enjeux-pour-la-tv-10-fiches.htmlhttp://www.cnil.fr/linstitution/actualite/article/article/mobilitics-saison-2-nouvelle-plongee-dans-lunivers-des-smartphones-et-de-leurs-applications/http://www.cluetrain.com/manifeste.htmlhttp://www.cluetrain.com/manifeste.htmlhttp://www.idate.org/en/Research-store/https://fr.wikipedia.org/wiki/Yield_managementhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Yield_managementhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Discrimination_par_les_prixhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Discrimination_par_les_prixhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Discrimination_par_les_prixhttps://www.whitehouse.gov/sites/default/files/whitehouse_files/docs/Big_Data_Report_Nonembargo_v2.pdfhttps://www.whitehouse.gov/sites/default/files/whitehouse_files/docs/Big_Data_Report_Nonembargo_v2.pdfhttp://meta-media.fr/2015/06/16/cahier-de-tendances-printemps-ete-10-enjeux-pour-la-tv-10-fiches.htmlhttp://meta-media.fr/2015/06/16/cahier-de-tendances-printemps-ete-10-enjeux-pour-la-tv-10-fiches.htmlhttp://meta-media.fr/2015/06/16/cahier-de-tendances-printemps-ete-10-enjeux-pour-la-tv-10-fiches.html

  • 16 CNIL CAHIERS IP - LES DONNES, MUSES ET FRONTIRES DE LA CRATION

    PARTIE 0 1 INDUSTRIES CRATIVES, CONTENUS NUMRIQUES ET DONNES

    Les services se trouvent dans une position privilgie pour cibler les individus et leur proposer des recommandations pertinentes en cumulant plusieurs types dinformations. travers ces possibilits, la collecte de donnes devient un enjeu majeur de diffrenciation concurrentielle et la recommandation person-nalise sera peut-tre le juge de paix qui distin-guera les acteurs qui prennent le contrle de la chane de valeur et ceux dont le rle sera moins important. Comme dans beaucoup de secteurs, des acteurs disruptifs sont devenus, juste titre ou grand renfort de storytelling, les sym-boles de cette transformation de lquilibre des pouvoirs de march. Pour une fois, il ne faut pas ncessairement parler des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft). Certes, tous sont dj des gants dans le domaine : Google avec YouTube et Google Music, Facebook avec les jeux en ligne, Apple bien videmment pour la musique avec iTunes et le rachat de Beats, Amazon sur lensemble des marchs et Microsoft sur les jeux vido mais aussi la musique et les films avec Xbox et Xbox store. Mais lexception (trs notable) dAmazon, ils nont pas lanc cette transformation-l.

    LES SYMBOLES DE LA TRANSFORMATION DATA-CENTERED DES CONTENUS CULTURELS: AU-DEL DES GAFAM, LES ASNS (AMAZON, SPOTIFY, NETFLIX, STEAM).

    Amazon a lanc cette transformation en en faisant la pierre angulaire de son offre de livres numriques dans sa gamme de liseuses Kindle. Amazon collecte en effet un grand nombre dinformations lors de lutilisation de lappareil et de la lecture des ouvrages lectro-niques. Lensemble des fabricants de liseuses a dailleurs adopt des pratiques similaires des degrs diffrents1. Par exemple, certains di-teurs peuvent mettre en avant les passages les plus souvent surligns ou sauvegards sur des encarts publicitaires. Le Wall Street Journal avait dcrit ce paysage ds 20122 : un lecteur moyen met juste 7 heures pour lire le livre final de la trilogie Hunger Games de Suzanne Collins sur la liseuse Kobo, soit peu prs 57 pages par heure.

    Historiquement, les questions de pro-tection des donnes personnelles et de la vie prive ne pesaient pas lourd dans cette industrie. Mais les choses changent ! Le prsent Cahier IP se propose donc dexplorer dans quelle mesure la numrisation des conte-nus culturels produits, distribus, consomms impacte la capacit enrichir en donnes per-sonnelles les modles daffaires.

    La vritable plus-value des services mer-gents de distribution de contenus numriques culturels et ludiques se concentre aujourdhui dans leur capacit traiter les donnes de consommation et dhabitude des utilisateurs, afin de les accompagner.

    Les modles daffaires du secteur des contenus culturels et cratifs sont de plus en plus enrichis en donnes personnelles.

    De nouveaux acteurs conomiques internationaux sont devenus les symboles de ces volutions: Amazon pour les livres, Spotify (etDeezer) pour la musique, Netflix pour la vido lademande et Steam pour les jeux vido.

    Le recours croissant aux donnes est donc une tendance transversale des industries culturelles et cratives mais pour rendre quel service, et surtout, avec quel alignement dintrt entre lesutilisateurs et les firmes?

    En quoi cet enrichissement en donnes modifie-t-il la nature de la relation contractuelle et de la relation de confiance entre lesutilisateurs et les diffuseurs?

    LES DONNES PERSONNELLES, AUCUR DESINDUSTRIES CRATIVES ET CULTURELLES

    1 ELECTRONIC FRONTIER FOUNDATION. E-Reader Privacy Chart, 2012Edition.

    2 ALTER, Alexandra. Your E-Book Is Reading You, WallStreet Journal, 19juillet 2012.

    http://www.wsj.com/news/articles/SB10001424052702304870304577490950051438304https://www.eff.org/pages/reader-privacy-chart-2012https://www.eff.org/pages/reader-privacy-chart-2012http://www.wsj.com/news/articles/SB10001424052702304870304577490950051438304http://www.wsj.com/news/articles/SB10001424052702304870304577490950051438304

  • 17

    Environ 18 000 lecteurs sur Kindle ont surlign la mme ligne du deuxime livre de la srie () et sur le Nook de Barnes & Noble, la premire chose que font la plupart des lecteurs ds quils ont achev le premier tome de Hunger Games est de tlcharger le suivant.

    Ct vido la demande, lexemple Netflix est tout aussi parlant dans la mesure o lentre-prise affirme elle-mme que 75% des contenus visionns par ses clients vient dune recom-mandation personnalise de son moteur3. Que cette affirmation soit ou non surestime, Netflix a tout intrt la mettre en avant puisque le pre-mier objectif est de permettre au spectateur de trouver facilement un programme qui lui convient dans limmense catalogue. La donne permet donc au diffuseur de tenir la main du consommateur dans ses prgrinations au cur dune offre foisonnante, afin dassurer un taux dutilisation important du service et donc de rduire lattrition des abonnements (le Churn4 ). Mais ces informations peuvent galement tre valorises pour faire des choix ditoriaux, ou informer sur les programmes que lentreprise produit.

    Concernant la musique, des services comme Deezer ou Spotify sont en mesure de faire des recommandations de plus en plus pertinentes partir dun ensemble de donnes sur les mor-ceaux, croises avec les donnes de consom-mation et les donnes de rseaux sociaux. Ces acteurs souhaitent maintenant tirer parti de toutes ces informations pour les partager avec des tiers de manire agrge et aider les produc-teurs faire de la musique qui plat 5. Demain, ces services utiliseront probablement aussi des

    donnes de golocalisation ou dautres capteurs du smartphone pour deviner si lutilisateur est au travail, en voiture, une soire et lui four-nir des recommandations amliores en fonc-tion du contexte (voir partie IV).

    Enfin, le domaine du jeu vido nchappe pas cette tendance. Sans mme parler du jeu sur smartphone, par nature connect et trs gourmand en donnes6, le fait que les joueurs (aussi bien sur console que sur ordinateur) soient dornavant connects sur des plateformes comme Steam, Xbox live ou PlayStation network, permet la collecte dinformations pendant que le client joue. L aussi, lusage de ces donnes semble pour le moment limit de lanalyse dusage (par exemple pour mesurer si la diffi-cult est bien quilibre ou non sur certains pas-sages du jeu) et de la recommandation ou de la personnalisation de certaines offres commer-ciales (par exemple, achats de contenus addition-nels personnaliss). Mais demain, de vritables tests de comportement lintrieur mme de jeux pourraient voir le jour, afin danalyser et mesurer les ractions de la personne.

    DATA-BASED SERVICES VS. BUNDLELe recours aux donnes est donc une ten-

    dance transversale des industries culturelles (voir partie II).

    Si les donnes permettent sans aucun doute de rendre un service valeur ajoute, elles peuvent avoir vocation remplir des objec-tifs bien distincts :

    sassurer quil sagit du bon utilisateur, quil dispose des droit daccs au contenu,

    3 SMITH, Chris. How Spotify, Netflix and Amazon control your online habits, Techradar, 18janvier 2014.

    4 Le churn est un anglicisme qui renvoie tout simplement au taux dabandon du service, au taux de dsabonnement.

    5 SHUBBER, Khadim. Music analytics is helping the music industry see into the future, The Guardian, 9avril 2014.

    6 Comme le montrent les rsultats du projet CNIL-Inria Mobilitics

    http://www.techradar.com/news/internet/how-spotify-netflix-and-amazon-s-powerful-discovery-tools-control-our-habits-1216211http://www.techradar.com/news/internet/how-spotify-netflix-and-amazon-s-powerful-discovery-tools-control-our-habits-1216211http://www.techradar.com/news/internet/how-spotify-netflix-and-amazon-s-powerful-discovery-tools-control-our-habits-1216211https://fr.wikipedia.org/wiki/Attrition_%28taux%29http://www.theguardian.com/technology/2014/apr/09/music-analytics-is-helping-the-music-industry-see-into-the-futurehttp://www.theguardian.com/technology/2014/apr/09/music-analytics-is-helping-the-music-industry-see-into-the-futurehttp://www.theguardian.com/technology/2014/apr/09/music-analytics-is-helping-the-music-industry-see-into-the-futurehttp://www.cnil.fr/linstitution/actualite/infographie-mobilitics-saison-2-android/http://www.cnil.fr/linstitution/actualite/infographie-mobilitics-saison-2-android/

  • 18 CNIL CAHIERS IP - LES DONNES, MUSES ET FRONTIRES DE LA CRATION

    de donnes des tiers des fins marketing ou commerciales). ladage souvent rpt si cest gratuit, cest vous le produit , il faut peut-tre comme le propose Antonio Casilli ajouter si vous ne payez pas, c'est que vous tes le travail-leur, l'ouvrier du service mais aussi peut-tre et mme si cest payant, vous serez quand mme le produit et/ou le travailleur .

    En outre, linformation fournie aux utilisa-teurs est-elle plus transparente, plus complte et plus explicite dans la mesure o celui-ci paye directement pour le service ? Puisque le service propose des recommandations, on pourrait penser que lutilisateur a peut-tre davantage conscience du fait que ses donnes en sont lorigine. Pour autant, les mcanismes permet-tant la recommandation sont rarement dtaills par les fournisseurs du service.

    Enfin, une autre problmatique mi-che-min entre des considrations informatique et liberts et de droit de la concurrence consiste sinterroger pour dterminer si les grandes plateformes telles quAmazon, Netf lix, Deezer ou Spotify fournissent un service daccs du contenu personnalis qui induirait lexploi-tation de donnes pour la personnalisation ou un ensemble de services packags dans une offre groupe (bundle9) potentiellement sparables les uns des autres10. En droit de la concurrence, il sagirait de sintresser au(x) primtre(s) du ou des march(s) pertinent(s) considr(s). Dans une optique protection des donnes , il pourrait savrer ncessaire que les services proposent notamment des mcanismes permettant de paramtrer la personnalisation (avec possibilit de sopposer lanalyse ou la combinaison des donnes de consommation par exemple, voire denvisager un recueil pralable du consentement).

    que le contenu propos est de bonne qua-lit mais aussi en allant plus loin, dam-liorer le service rendu par exemple par la personnalisation de celui-ci en fonction des gots, de lhistorique de consomma-tion, etc. construire des connaissances valeur ajoute, par exemple pour dterminer des modles dhabitudes de consommation qui peuvent permettre de mieux catgo-riser les utilisateurs (en particulier pour des annonceurs potentiels). Ces informa-tions peuvent concerner un utilisateur identifi ou identifiable ou au contraire concerner des ensembles de donnes ano-nymes (par exemple sur les statistiques de comportement).

    Autrement dit, certaines donnes utilises sont ncessaires pour rendre le service quand dautres vont permettre de construire une connaissance qui pourra bnficier au fournis-seur de services, des tiers ou lutilisateur final7. Ces formes de participation des utili-sateurs la cration de richesse des acteurs conomiques sapparentent ce que certains chercheurs appellent le digital labor8. Cette situa-tion est dj troublante lorsque lutilisateur gratuit dun service paye ainsi la plus-value dutilit offerte par le service, mais elle lest encore plus du fait que les vritables clients du service sont souvent des annonceurs et publicitaires.

    Pour autant, la collecte de donnes est-elle plus limite lorsque l'on paye ? Probablement pas vraiment, comme le laisse penser certaines annonces sur des services et produits nou-veaux (par exemple les annonces de Spotify en aot 2015 concernant sa nouvelle politique de confidentialit et les ventuelles transmissions

    PARTIE 0 1 INDUSTRIES CRATIVES, CONTENUS NUMRIQUES ET DONNES

    7 Les exemples dAmazon utilisant les analyses des lectures sur son Kindle pour dfinir les stratgies de promotion des livres dmontrent dj quelles ne sont pas utilises que dans le cadre de lamlioration du service lutilisateur.

    8 Expression utilise par exemple par Antonio Casilli cite dans: GUILLAUD, Hubert. Digital Labor: comment rpondre lexploitation croissante du moindre de nos comportements , Internet Actu, 20dcembre 2014 (voir encadr PartieIII).

    9 Une offre groupe (bundle en anglais) est un ensemble de produits vendus ensemble dans une seule offre complte (par exemple, les abonnements internet + tlvision + tlphone).

    10 On pourrait tout fait imaginer un service de SVOD fonctionnel sans moteur de recommandation et donc sans analyse des contenus consomms par exemple.

    http://internetactu.blog.lemonde.fr/2014/12/20/digital-labor-comment-repondre-a-lexploitation-croissante-du-moindre-de-nos-comportements/http://internetactu.blog.lemonde.fr/2014/12/20/digital-labor-comment-repondre-a-lexploitation-croissante-du-moindre-de-nos-comportements/http://internetactu.blog.lemonde.fr/2014/12/20/digital-labor-comment-repondre-a-lexploitation-croissante-du-moindre-de-nos-comportements/http://internetactu.blog.lemonde.fr/2014/12/20/digital-labor-comment-repondre-a-lexploitation-croissante-du-moindre-de-nos-comportements/http://internetactu.blog.lemonde.fr/2014/12/20/digital-labor-comment-repondre-a-lexploitation-croissante-du-moindre-de-nos-comportements/http://www.culture.fr/franceterme/result?francetermeSearchTerme=bundle&francetermeSearchDomaine=0&francetermeSearchSubmit=rechercher&action=searchhttps://en.wikipedia.org/wiki/Video_on_demand#Subscription_models

  • 19

    Ralisation: Mylne Podvin/CNIL

    Industries culturelles & cratives

    Contrats& Propritsintellectuelles

    Catalogues de contenus

    Contenus gnrs par les utilisateurs

    vnements& lieux

    Recom-mandations

    Terminauxconnects

    Capteurs

    Personnali-sations

    Producteurs

    Crateurs

    Consommateurs

    Diuseurs

    Industries de la data

    Fabricants

    Les acteurs

    Quelle place pour les acteurs mergents dans lcosystme des industries culturelles & cratives ?

    Leurs outils

    Annonceurs

    CARTOGRAPHIE DES INDUSTRIESCULTURELLES & CRATIVES

  • 02

  • Partie 02

    LES CONTENUS CULTURELS VUS AU TRAVERS DU PRISME DESDONNES

    21

    SPCIFICITS DES DONNES PERSONNELLES CULTURELLES: UN ESSAI DE TYPOLOGIE 22

    DU LIVRE NUMRIS AUX CRITURES NUMRIQUES ETAUXNOUVELLES EXPERIENCES DE LECTURE 28

    DE LA PLAYLIST LA CONTEXTUALISATION ET LA MUSICALISATION DU QUOTIDIEN 32

    DE LA VOD AUX CONTENUS ADAPTS ET ADDICTIFS 36

    DES JEUX EN LIGNE AUX INTERACTIONS HOMME-MACHINE AUGMENTES DANS DES ENVIRONNEMENTS IMMERSIFS 42

  • 22 CNIL CAHIERS IP - LES DONNES, MUSES ET FRONTIRES DE LA CRATION

    SPCIFICITS DES DONNES PERSONNELLES CULTURELLES: UN ESSAI DE TYPOLOGIE

    PARTIE 0 2 LES CONTENUS CULTURELS VUS AU TRAVERS DU PRISME DES DONNES

    Quelles sont les donnes personnelles dans les consommations et pratiques culturelles ? Fondamentalement, pourquoi ce domaine mrite-t-il une attention particulire, alors que des donnes sont collec-tes en permanence, par exemple lors de notre navigation sur les sites de e-commerce ? Les internautes, sils ne comprennent pas tou-jours les mcanismes intimes de la traabilit en ligne sont conscients quelle existe. La pdagogie sur les cookies ny est pas trangre, ni limpres-sion confuse de ciblage publicitaire que ressent tout internaute expos des bannires plus ou moins bien personnalises. Personne ne semble donc tonn que le mme type de tracking existe dans le domaine des donnes personnelles en lien avec les consommations de contenus cra-tifs et culturels. EY a mme cherch promouvoir la notion de donnes personnelles culturelles , dans son tude Comportements culturels et donnes personnelles au cur du Big data , publie en 2013 pour le Forum dAvignon, pour mettre en avant la spcificit des donnes du domaine. EY y dfinit les donnes personnelles cultu-relles comme lensemble des donnes permet-tant de connatre les prfrences culturelles des consommateurs, par exemple : discussions dans des forums, rseaux sociaux, avis et commen-taires sur des uvres/artistes... et les distingue des donnes publiques culturelles1 ainsi que des donnes personnelles plus traditionnelles (tran-sactionnelles et marketing).

    BENCHMARK DE DONNES: LA DONNE PERSONNELLE CULTURELLE SE DISTINGUE

    Donnes publiques culturelles

    Donnes transactionnelles

    Donnes marketing

    Donnes personnelles culturelles

    Degr de digitalisation Faible Moyen Fort Moyen

    Multiplicit des sources Fort Moyen Moyen Fort

    Varit de format Fort Faible Moyen Fort

    Volume de donnes Faible Fort Moyen Fort

    Intimit Faible Moyen Moyen Fort

    Source: EY

    Les donnes personnelles collectes et traites dans le contexte des contenus culturels et cratifs ont des particularits lies au caractre trs intime de la relation entre une personne et les uvres: les pratiques culturelles contribuent la construction de la personnalit et de l'identit.

    Dans ce domaine, les data-scientists sont en mesure dutiliser des donnes dapparence trs anodine, mais trs particulires: profils, descriptions des contenus, popularit, enrichissement, gots et contexte.

    Ces donnes sont au cur de toutes les attentions des acteurs du big data (EY, 2013).

    Les gisements de valeur pour les data sciences diffrent dun secteur lautre: les informations que lon peut infrer de lcoute musicale, des lectures, du visionnage de films ou sries ou de lutilisation de jeux vido sont trs diffrentes.

    1 Le document dEY reprend la dfinition donne par le guide Data culture duMinistre de la Culture: donne produite ou dtenue par un tablissement, organisme ou service culturel ayant une activit culturelle relle et effective. Ces donnes sont celles qui ont a priori vocation tre incluses dans une dmarche douverture des donnes publiques (opendata).

    2 Dfinition de l'article 2 de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifie, dite Informatique et Liberts : toute information relative unepersonne physique identifie ouqui peut tre identifie, directement ouindirectement .

    3 Hugo Bon, Co-fondateur et CEO de Soundytics, a propos danalyser les diffrents types de donnes etmtadonnes prsentes dans lesfichiers musicaux. Nous nous inspirons de cette typologie. BON, Hugo. Encadrement des pratiques et des mtadonnes: les nouveaux enjeux de la musique en ligne. Mmoire Master 2 - Droit du Numrique, Administration & Entreprises Universit Paris 1 Panthon Sorbonne, mai 2012 (travail lui-mme inspir, entre autres de BOUTON, Rmi. Lenjeu des mtadonnes musicales. La musique nest pas quun fichier son, 4avril2011 pour lIRMA).

    http://www.ey.com/FR/fr/Industries/Media---Entertainment/Comportements-culturels-et-donnees-personnelles-au-coeur-du-Big-datahttp://www.ey.com/FR/fr/Industries/Media---Entertainment/Comportements-culturels-et-donnees-personnelles-au-coeur-du-Big-datahttps://semaphore.culture.gouv.fr/documents/10746/1502772/GUIDE+DATA+CULTURE/http://soundytics.com/page/api/homehttp://www.patrimoine-immateriel.fr/wp-content/uploads/2012/06/Encadrement_pratiques_metadonnees_nouveaux_enjeux_juridiques_musique_en_ligne_Hugo_Bon.pdfhttp://www.patrimoine-immateriel.fr/wp-content/uploads/2012/06/Encadrement_pratiques_metadonnees_nouveaux_enjeux_juridiques_musique_en_ligne_Hugo_Bon.pdfhttp://www.patrimoine-immateriel.fr/wp-content/uploads/2012/06/Encadrement_pratiques_metadonnees_nouveaux_enjeux_juridiques_musique_en_ligne_Hugo_Bon.pdfhttp://www.irma.asso.fr/L-ENJEU-DES-METADONNEES-MUSICALEShttp://www.irma.asso.fr/L-ENJEU-DES-METADONNEES-MUSICALES

  • Sans vouloir crer une typologie dfinitive, quelles sont finalement les grands types de donnes lies nos pratiques de consommation (ou cration) de

    TYPOLOGIE DES DONNES

    contenus cratifs et culturels ?

    Des donnes DESCRIPTIVES DES CONTENUS : donnes de catalogage (artiste, auteur, interprte), de caractrisation (dure, genre, sous-genre) mais aussi donnes techniques (format, compression, chantillonnage) et donnes juridiques (concernant

    exemple).

    Des donnes dENRICHISSEMENT : photos ou biographie des artistes, critiques, notes et valuations, liens de tlchargement, prix, paroles de chansons. Ces donnes peuvent tre fournies par des professionnels (par exemple les critiques) ou gnres par les utilisateurs.

    Des donnes concernant lusage, les comportements et les GOTS de chaque utilisateur : ces donnes peuvent tre trs gnrales (type, quantit, dure, rythme dachat/de consultation, playlists cres...) mais aussi trs fines (les passages surligns dun livre, la vitesse de lecture).

    Des donnes de CONTEXTE, comme lhorodatage, la localisation ou toutes les donnes issues de capteurs (les mouvements, les motions, ltat physiologique, lhumeur, etc).

    Des informations gnrales de consommation, cest--dire renseignant sur les gots collectifs comme la POPULARIT dune chanson, le nombre total dcoutes, les commentaires et citations sur les services de rseaux sociaux, etc.

    Des donnes personnelles au sens le plus classique : donnes didentit, de contact et de PROFIL sociodmographique, qui sont finalement les donnes dun fichier client et de gestion de la relation client traditionnel.

    Pour autant, distinguer ainsi une catgorie gnrale donnes personnelles culturelles apporte-t-il une rponse suffisante ? En ra-lit, donnes transactionnelles (lies aux actes dachat) et donnes marketing (de contact de qualification du client) sont toutes des don-nes personnelles2. Mais dans un monde Big data , les traces et mtadonnes prennent une importance croissante. Cet agrgat de donnes personnelles est comparable la partie immer-ge dun iceberg : peu visible et beaucoup plus importante parce que ces donnes sont abon-dantes mais aussi parce quelles sont souvent plus faciles analyser et plus riches en inter-prtations possibles. La distinction cre par EY est donc utile, bien quelle cre une sparation relativement artificielle.

    Sans vouloir crer une typologie dfinitive, quelles sont finalement les grands types de don-nes lies nos pratiques de consommation (ou cration) de contenus cratifs et culturels3 ? Des donnes de profil, des donnes dcrivant les contenus du catalogue, des donnes enrichis-sant ces contenus, des informations concernant la popularit, dautres concernant les gots de chaque utilisateur, des donnes de contexte (voir ci-contre).

    Ces donnes peuvent provenir de sources diverses puisque certaines seront cres trs en amont, par les crateurs, diteurs, producteurs ou les socits de gestion (telles que la SACEM), dautres sont enrichies par les diffuseurs. Elles peuvent en outre tre produites algorithmique-ment par des entreprises tierces ou cres par les utilisateurs eux-mmes volontairement (tags, playlists, notes, commentaires).

    Les pratiques culturelles contribuent construire la personnalit de lindivu. Elles sont donc communment vues comme trs intimes. En 1988, suite la divulgation dans la presse de la liste des locations de vidos dun candidat la Cour Suprme, le Congrs des tats-Unis avait ainsi dict une des lois les plus protectrices de la vie prive (avec celles concernant les mineurs et concernant la sant de larsenal juridique amricain). Dans le texte accompagnant ce Video Privacy Protection Act, Al McCandless, signataire de la premire proposition, soulignait quil y a un sentiment profond que les gens devraient tre en mesure de lire des livres et regarder des films sans que le monde entier soit au courant.

    23

  • 24 CNIL CAHIERS IP - LES DONNES, MUSES ET FRONTIRES DE LA CRATION

    spcifiques, car les chansons sont relativement courtes (2 4 minutes), et ont une trs forte varia-bilit. Les livres sont par exemple beaucoup plus longs, prennent beaucoup plus de temps .

    cet gard, ce sujet se rapproche de celui trait dans le cahier IP numro 2 de la CNIL Le corps, nouvel objet connect ? 7, dans lequel nous explorions lusage croissant de capteurs connects capables de mesurer des constantes dactivit, de bien-tre ou de sant, pouvant par-fois sembler anodines de prime abord (nombre de pas, poids, cycles du sommeil). Certes, pris isolment, le nombre de pas dune personne parat insignifiant ; mais le fait de croiser de nombreuses donnes avec cette information sur une priode de temps de plusieurs mois ou annes devient autrement intrusif. Cela permet entre autres dapprcier ltat de sant prsent, voire futur de lutilisateur.

    Nous avons voulu tendre cette analyse pour explorer les spcificits des donnes des 4 grands secteurs de la cration culturelle.

    Dans le domaine musical les contenus sont donc trs nombreux et varis, non seulement dans loffre mais aussi dans la consomma-tion. Spotify indique ainsi quen moyenne ses utilisateurs coutent 1 200 chansons par an8. La variabilit des contenus est, elle aussi, rela-tivement grande dune unit de consommation (la chanson par exemple) lautre (styles, etc). En revanche, lengagement pourra parfois tre faible dans la mesure o il est facile de tester une nouvelle musique : un utilisateur de ser-vice en streaming acceptera relativement facile-ment dcouter une chanson qui ne correspond par a priori ses gots et prfrences princi-paux Autre particularit, la valeur sociale de la musique est trs leve, car ladhsion des types de musiques est souvent un marqueur dappartenance des communauts ou tribus, et de projection vers les autres de ses valeurs. La musique est un media dadhsion et dapparte-nance. cet gard, dans le cadre de sa consom-mation musicale, lindividu peut adopter des stratgies de partage public sophistiques et actives travers les rseaux sociaux, linstar de ce qui existe concernant les photos (voir ce sujet ltude CNIL La place des photos dans la vie numrique )9. Ainsi, le fan de musique exigeante partagera facilement sa dernire dcouverte avant-gardiste, qui vient renforcer sa stature de dcouvreur de talent, en revanche,

    Livres et films sont les vitamines intellectuelles qui alimentent la croissance de la pense indi-viduelle. L'ensemble de ce processus de matu-rit intellectuelle est foncirement priv un processus de calme et de rflexion. Ce processus intime devrait tre protg contre l'intrusion perturbante dun regard inquisiteur 4.

    EY soulignait aussi en 2013 dans ltude dj cite que la consommation culturelle est un acte trs intime et trs engageant : bien plus que la consommation de biens et services matriels, qui satisfont les besoins fondamentaux et pri-maires, celle de biens et services culturels en dit beaucoup sur nos prfrences, nos centres dint-rt et nos aspirations. Elle touche ainsi notre identit, non seulement dans ce quelle a de plus intime, mais aussi dans ce quelle a de plus social et communautaire : les biens et services culturels que nous consommons, ou nos compor-tements culturels, participent en effet largement de limage que nous souhaitons renvoyer dans notre environnement social. Cest pourquoi nous partageons volontiers notre exprience et notre avis sur un livre, un film, un jeu, un concert ou une exposition avec nos amis ou communauts en ligne, tout comme avec les diteurs de conte-nus en ligne. La donne personnelle culturelle renferme des informations contextuelles fortes et permet de qualifier de faon assez prcise le pouvoir dachat de ltre numrique mais aussi de prvoir son comportement. Cest pourquoi, en raison de sa valeur intrinsquement leve, elle figure aujourdhui au centre de toutes les attentions des acteurs du big data.

    Les mtadonnes, en apparence trs ano-dines, elles sont en ralit trs riches en infor-mations sur le profil de lindividu. En outre, elles permettent dinterprter ou de prdire le comportement, ltat desprit voire la psycholo-gie relle ou suppose des utilisateurs. Ceci est dautant plus vrai quen ralit, il n'existe pas une grande catgorie de donnes personnelles culturelles mais tout un archipel de donnes trs varies : chaque type de contenu cratif a des proprits trs fortes et distinctives, qui permettent des usages et analyses eux aussi trs varis. Le UX designer5 Brett Goldstein, a ainsi ima-gin quoi pourrait ressembler des usages riches des donnes disponibles pour des services musi-caux en streaming comme Spotify6. Dans un entre-tien avec les auteurs de ce cahier, Brett Goldstein expliquait que les donnes musicales sont assez

    4 The Video Privacy Protection Act of 1988, sur le site de la Library of Congress (traduction de lquipe de rdaction).

    5 User Experience Designer, cest--dire concepteur dexprience utilisateur.

    6 GOLDSTEIN, Brett. Spotify, weneed to talk about your data, aot 2014.

    7 CNIL. Le Corps, nouvel objet connect?, Cahier IP n2, mai2014.

    8 LAMERE, Paul. How we listen to music , festival SXSW, 2015

    9 CNIL. La Place des photos dans la vie numrique, 2012.

    PARTIE 0 2 LES CONTENUS CULTURELS VUS AU TRAVERS DU PRISME DES DONNES

    http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/La_CNIL/publications/DEIP/CNIL_CAHIERS_IP2_WEB.pdfhttp://www.cnil.fr/fileadmin/documents/La_CNIL/publications/DEIP/CNIL_CAHIERS_IP2_WEB.pdfhttp://static.echonest.com/talks/sxsw2015/http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/Etudes/Etude_2012_place_des_photos_dans_la_vie_numerique.pdfhttp://www.cnil.fr/fileadmin/documents/Etudes/Etude_2012_place_des_photos_dans_la_vie_numerique.pdfhttps://medium.com/@bg/spotify-we-need-to-talk-about-your-data-f6cbe2473992https://medium.com/@bg/spotify-we-need-to-talk-about-your-data-f6cbe2473992http://www.loc.gov/law/find/hearings/pdf/00183854811.pdfhttp://www.loc.gov/law/find/hearings/pdf/00183854811.pdfhttps://en.wikipedia.org/wiki/User_experience_designhttps://medium.com/@bg/spotify-we-need-to-talk-about-your-data-f6cbe2473992https://medium.com/@bg/spotify-we-need-to-talk-about-your-data-f6cbe2473992https://medium.com/@bg/spotify-we-need-to-talk-about-your-data-f6cbe2473992http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/La_CNIL/publications/DEIP/CNIL_CAHIERS_IP2_WEB.pdfhttp://www.cnil.fr/fileadmin/documents/La_CNIL/publications/DEIP/CNIL_CAHIERS_IP2_WEB.pdfhttp://static.echonest.com/talks/sxsw2015/http://static.echonest.com/talks/sxsw2015/http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/Etudes/Etude_2012_place_des_photos_dans_la_vie_numerique.pdfhttp://www.cnil.fr/fileadmin/documents/Etudes/Etude_2012_place_des_photos_dans_la_vie_numerique.pdf

  • 25

    16 livres par an. Il ny a que 16% des lecteurs qui affirment lire plus de 20 livres par an.

    En revanche la lecture de livres numriques permet la collecte dnormment de donnes pendant la consultation du contenu : on peut mesurer le rythme de passage dune page lautre, le temps pass sur une page, les dures de chaque squence de lecture, le nombre dar-rts et de reprises (permettant par exemple de mesurer en combien de fois le livre est lu), les signets et phrases surlignes et/ou sauvegardes, etc. (voir chapitre II-2).

    Enfin, le taux dengagement est fort, car la lecture est un effort, un investissement, sou-vent consquent en temps. Si lon peut tester un nouveau style, flner dun contenu musical

    il se gardera de partager son coute de musique plus commerciale. Enfin, lcoute de musique peut-tre extrmement contextuelle. Ainsi, les styles de musique varient en fonction de son contexte social (seul, famille, travail, amis), du type dactivit du moment10 (sport, dtente, concentration), et bien videmment le style nest pas le mme lors dune activit festive.

    Dans le domaine du livre et des critures numriques, la diversit des points de donnes est plus rduite. Si l'on se concentre sur le livre numrique, un lecteur donn lira un nombre relativement rduit de livres par an. La dernire enqute sur les pratiques culturelles des Franais (2008) rvle que les Franais ayant lu au moins un livre dans lanne disent lire en moyenne

    10 Les playlists de motivation lactivit sportive sont ainsi extrmement rpandues, de mme que celles de musique au travail.

    Combien d'units de contenus diffrentes sont en moyenne consommes par un individu sur une priode donne

    QUELLE EST LA RICHESSE EN DONNES DES UNITS DE CONTENUS*?

    #densit

    #volume

    *df.: Une unit de contenu est unmdia cohrent formant lunit de base indivisible de ce type decontenus:

    #agrgation

    #valeur marginale

    #engagement

    #rputation

    #contexte

    Quelle quantit de donnes est analysable lors de la consommation dune unit?

    Quelle est la valeur de prdiction de lensemble des units consommes?

    Quelle connaissance nouvelle apporte chaque unit supplmentaire consomme?

    Quel est le degr dinvestissement personnel pour lutilisateur sur chaque unit?

    Lutilisateur est-il sensible limage vhicule en ligne par ses consultations et les partage-t-il?

    quel point la consommation dune unit varie-t-elle en fonction du contexte?

    une chanson un livre un pisode de srie / un film

    un jeu vido

    jeu traditionnel

    jeu occasionnel (casual)

  • 26 CNIL CAHIERS IP - LES DONNES, MUSES ET FRONTIRES DE LA CRATION

    cotera gnralement plusieurs dizaines deu-ros lunit et sa dure de vie est couramment de plusieurs dizaines dheures. Mme si lon prend en compte des formes plus lgres de pratiques vido-ludiques, comme par exemple les jeux sur smartphones ou sur les services de rseaux sociaux, cest bien videmment cette caractristique qui qualifie le mieux la particula-rit des donnes du secteur : les joueurs passent un temps important au cur du contenu et ils y sont actifs en permanence. Une quantit impor-tante de donnes est donc issue de lusage lui-mme. En ralit, les jeux permettent danalyser les actions des utilisateurs et donc dvaluer, presque en temps rel, leurs prfrences, leurs choix ou leur comportement.

    un autre, il est plus rare pour un lecteur de lire au hasard . Les donnes sont plus souvent coh-rentes avec les gots, et il sera donc difficile dob-fusquer volontairement ou involontairement ses gots, ses choix, ses prfrences.

    Dans le secteur de la vido et de limage anime, chaque unit de contenus a une taille intermdiaire : regarder un film ou un pisode de srie est en moyenne moins long que lire un livre, mais videmment plus long qucouter une chanson.

    Selon Netflix, ses abonns (en Amrique du Nord) regardent 1 milliard dheures de vidos par mois. Netflix indique par ailleurs avoir autour de 40 millions dabonns dans cette rgion du monde, cela veut dire que chaque abonn regarde en moyenne 25 heures de vidos par mois, soit entre 10 et 20 contenus diffrents par mois. Sur un an, un abonn moyen regar-derait donc de quelques dizaines une ou deux centaines de contenus diffrents11. Ces contenus sont trs divers et trs bien documents (styles, acteurs, ralisateur, notes, critiques, recomman-dations dautres utilisateurs, etc). En revanche, ils sont souvent consomms par un mme foyer, ce qui implique de connatre celui-ci et de le dcomposer autant que possible, mme si cela ne savre pas toujours trs difficile : un foyer dadultes avec des enfants en bas ge aura un type de consommation relativement iden-tifiable par rapport aux styles et aux horaires. Par ailleurs, ces contenus sont trs sociaux : ils alimentent nombre dchanges entre individus - la fameuse discussion de la machine caf sur le lieu de travail, qui est rapprocher des pratiques croissantes de binge watching , cest--dire la pratique qui consiste regarder la suite en une seule fois de nombreux pisodes dune mme srie.

    Evidemment, ces chiffres ne sont pas tout fait aussi justifiables si lon largit la rflexion lensemble des contenus de tlvision connecte (tlvision de rattrapage ou contenus spciaux) ou des services plus larges de vido en strea-ming (YouTube ou DailyMotion) ; mais sur la partie de vido la demande, ils donnent une image assez complte des pratiques de consommation.

    Enfin, le jeu vido est lui aussi trs particu-lier. En ce qui concerne le nombre dunits de contenus consommes, le secteur du jeu tradi-tionnel se rapproche finalement du livre num-rique : un jeu vido pour console ou ordinateur

    11 Source des donnes: http://blog.netflix.com/2014/01/new-isp-performance-data-for-december.html

    PARTIE 0 2 LES CONTENUS CULTURELS VUS AU TRAVERS DU PRISME DES DONNES

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