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Conférences requiert une définition spécifique impliquant une prise en charge plus précoce. Cette définition opérationnelle fait référence à des crises continues ou subintrantes pendant au moins cinq minutes. L’EME larvé correspond à l’évo- lution défavorable d’un EME tonicoclonique généralisé non traité ou traité de façon inadéquate. Il se caractérise par l’atténuation, voire la disparition des manifestations motrices chez un patient comateux contrastant avec la persistance d’un EME électrique. C’est l’urgence thérapeutique par excellence. Le pronostic dépend avant tout de l’étiologie, mais encore de l’âge, de la durée d’évolution, de la précocité et de la qualité de la prise en charge. Cette dernière est en théorie bien codifiée dans les premières heures, mais cela est loin d’être le cas en pratique. Ces EME peuvent être à l’origine de nombreuses complications : traumatiques, cardio-respiratoires et neurologi- ques. La survenue d’une rhabdomyolyse est responsable de l’installation d’une insuffisance rénale aigue qui peut évoluer vers l’anurie par nécrose tubulaire aigue. a. EME inaugural Dans cette situation, fréquente, l’EME est souvent révélateur d’une affection aigue cérébrale ou systémi- que Ailleurs, il peut être consécutif à des causes plus ou moins anciennes (séquelles d’AVC, de traumatisme crânien…). Le choix des examens complémentaires dépend des données de l’anamnèse, de l’examen clinique, et de l’EEG. Les deux tiers des EME ont un début partiel (clinique ou EEG). Parmi les affections cérébrales aigues focales il faut particulièrement rechercher : 1) une méningo-encéphalite ; 2) un accident vasculaire cérébral hémorragique ou is- chémique d’origine artérielle ou veineuse ; 3) des lésions post-traumatiques ; 4) une tumeur cérébrale. On comprend de ce fait les indications très larges de l’imagerie (tomodensitométrie et/ou IRM cérébrale). Après arrêt même tem- poraire des convulsions, tout particulièrement après un traumatisme crânien, un acte opératoire neurochirurgical, devant des signes d’HIC, devant tout signe focal clinique ou EEG, en cas de persistance des manifestations épilep- tiques ou d’une prolongation de la phase post-critique et chaque fois que la cause de l’EME est obscure. L’EMECG peut être aussi symptomatique d’une perturbation cérébrale aiguë diffuse. Celle-ci peut être liée à : 1) un trouble métabolique (hypoglycémie, hyponatrémie, hypocalcémie…) ; 2) rarement à une encéphalopathie (anoxique, hépa- tique, …) ; 3) une intoxication de mécanismes variés (médicamenteux – antidépresseurs tricycliques, théophylline, isoniazide, lithium,… –, toxiques industriels ou domestiques, drogues illicites – cocaïne,… –) ; 4) un sevrage (alcool, benzodiazépines, héroïne,…). Dans 5 à 10% des cas, l’enquête étiologique est négative. b. EME survenant chez un épileptique connu Le facteur déclenchant le plus habituel est représenté par un sevrage absolu ou relatif en antiépileptiques, mais il peut aussi s’agir d’une intoxication éthylique récente ou d’un sevrage, d’une privation de sommeil, de l’intro- duction d’un médicament abaissant le seuil épileptogène, d’une affection intercurrente. Ces facteurs sont souvent intriqués. Si aucun d’entre eux n’est trouvé et si l’EME perdure, l’enquête à mener est la même que celle d’un EME inaugural. 4. Prise en charge de l’EME La priorité est d’arrêter la crise. Des mesures simples et qui peuvent éviter la survenue de certaines complications : - Garder son calme - Protéger la tête du patient contre les blessures - Hospitaliser le patient en salle de déchoquage - Libérer les voies aériennes - Administrer de l’oxygène à fort débit - Mettre en place une voie veineuse périphérique - Administrer un médicament anti-convulsivant - Monitorage : scope saturomètre et pression artérielle non invasive a. Traitement anti-convulsivant Le traitement anti-convulsivant idéal doit - Arrêter rapidement la crise - Ne donne pas de dépression respiratoire Crise convulsive aux urgences Dr Mehdi METHAMEM

Crise convulsive aux urgences

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Conférences

requiert une définition spécifique impliquant une prise en charge plus précoce. Cette définition opérationnelle fait référence à des crises continues ou subintrantes pendant au moins cinq minutes. L’EME larvé correspond à l’évo-lution défavorable d’un EME tonicoclonique généralisé non traité ou traité de façon inadéquate. Il se caractérise par l’atténuation, voire la disparition des manifestations motrices chez un patient comateux contrastant avec la persistance d’un EME électrique. C’est l’urgence thérapeutique par excellence. Le pronostic dépend avant tout de l’étiologie, mais encore de l’âge, de la durée d’évolution, de la précocité et de la qualité de la prise en charge. Cette dernière est en théorie bien codifiée dans les premières heures, mais cela est loin d’être le cas en pratique.Ces EME peuvent être à l’origine de nombreuses complications : traumatiques, cardio-respiratoires et neurologi-ques. La survenue d’une rhabdomyolyse est responsable de l’installation d’une insuffisance rénale aigue qui peut évoluer vers l’anurie par nécrose tubulaire aigue.

a. EME inaugural Dans cette situation, fréquente, l’EME est souvent révélateur d’une affection aigue cérébrale ou systémi-queAilleurs, il peut être consécutif à des causes plus ou moins anciennes (séquelles d’AVC, de traumatisme crânien…). Le choix des examens complémentaires dépend des données de l’anamnèse, de l’examen clinique, et de l’EEG.Les deux tiers des EME ont un début partiel (clinique ou EEG). Parmi les affections cérébrales aigues focales il faut particulièrement rechercher : 1) une méningo-encéphalite ; 2) un accident vasculaire cérébral hémorragique ou is-chémique d’origine artérielle ou veineuse ; 3) des lésions post-traumatiques ; 4) une tumeur cérébrale. On comprend de ce fait les indications très larges de l’imagerie (tomodensitométrie et/ou IRM cérébrale). Après arrêt même tem-poraire des convulsions, tout particulièrement après un traumatisme crânien, un acte opératoire neurochirurgical, devant des signes d’HIC, devant tout signe focal clinique ou EEG, en cas de persistance des manifestations épilep-tiques ou d’une prolongation de la phase post-critique et chaque fois que la cause de l’EME est obscure. L’EMECG peut être aussi symptomatique d’une perturbation cérébrale aiguë diffuse. Celle-ci peut être liée à : 1) un trouble métabolique (hypoglycémie, hyponatrémie, hypocalcémie…) ; 2) rarement à une encéphalopathie (anoxique, hépa-tique, …) ; 3) une intoxication de mécanismes variés (médicamenteux – antidépresseurs tricycliques, théophylline, isoniazide, lithium,… –, toxiques industriels ou domestiques, drogues illicites – cocaïne,… –) ; 4) un sevrage (alcool, benzodiazépines, héroïne,…). Dans 5 à 10% des cas, l’enquête étiologique est négative.

b. EME survenant chez un épileptique connu Le facteur déclenchant le plus habituel est représenté par un sevrage absolu ou relatif en antiépileptiques, mais il peut aussi s’agir d’une intoxication éthylique récente ou d’un sevrage, d’une privation de sommeil, de l’intro-duction d’un médicament abaissant le seuil épileptogène, d’une affection intercurrente. Ces facteurs sont souvent intriqués. Si aucun d’entre eux n’est trouvé et si l’EME perdure, l’enquête à mener est la même que celle d’un EME inaugural.

4. Prise en charge de l’EME La priorité est d’arrêter la crise. Des mesures simples et qui peuvent éviter la survenue de certaines complications :- Garder son calme- Protéger la tête du patient contre les blessures- Hospitaliser le patient en salle de déchoquage- Libérer les voies aériennes- Administrer de l’oxygène à fort débit- Mettre en place une voie veineuse périphérique- Administrer un médicament anti-convulsivant- Monitorage : scope saturomètre et pression artérielle non invasive

a. Traitement anti-convulsivant Le traitement anti-convulsivant idéal doit - Arrêter rapidement la crise- Ne donne pas de dépression respiratoire

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ConférencesCrise convulsive aux urgences

Dr Mehdi METHAMEM- Etre sans retentissement hémodynamique- Durée d’action prolongéePlusieurs études avaient comparé différents anti-convulsivants dans le traitement de l’état de mal convulsif [12]. Treiman et al (Tableau I) [13] avaient comparé le Lorazepam, Phénobarbital, Diazepam et la Phenytoin dans le trai-tement initial de l’EME chez 516 patients aux urgences. Le succès du traitement a été jugé par des critères clini-ques (arrêt de la crise et électro-encéphalographique. Le Lorazepam est le traitement le plus efficace, il permet la sédation de la crise dans plus de 64% des cas suivi par le Phénobarbital et l’association Diazepam Phenytoin. Des complications cardiovasculaires et respiratoires ont été observées chez 10% des patients traités par du Lorazepam contre 23% des patients traités par un placébo. Ceci suggère que l’utilisation des benzodiazépines réduit le nombre de complications cardio-respiratoires.

La société française de médecine d’urgence avait établit en 2008 des recommandations facilitant ainsi la prise en charge de l’EME (Figure I).

Figure I : La prise en charge de l’état de mal épileptique [6, 7]

Tableau I -convulsivant de choix [13]

DZP LZP PHT FosPHT PB VAP

+++ +++ ++ ++ + +

+++ +++ ++ ++

courte inter longue longue longue longue

Morbidité ++ ++ ++

DZP : Diazepam L ZP : Lorazepam PHT : Phenytoin FosPHT : Fosphenytoin PB : Phenobarbital VAP :

Valproate

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ConférencesCrise convulsive aux urgences

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IV. Les examens complémentaires devant une crise convulsive inaugurale

A. Les examens biologiques Il est actuellement recommandé de pratiquer une glycémie, un ionogramme sanguin et une calcémie de-vant une crise convulsive inaugurale.1. La glycémie La fréquence de l’hypoglycémie est variable et modérée. Elle varie de 2,4 à 8% dans la littérature. Elle est facilement diagnostiquée en réalisant une glycémie au doigt. Dans une étude prospective de 136 patients Turnbull et al [4] avaient détecté quatre cas d’hypoglycémie. Elle doit être évoquée en premier lieu du fait des lésions neuro-logiques souvent irréversibles qu’elle peut causer.2. Hyponatrémie Bienquerare,elledoitêtrerecherchéesystématiquement.Sempereetal[5]avaienttrouvéchez91patientsadmis pour crise convulsive un seul cas d’hyponatrémie.3. Hypocalcémie, hypomagnesémie, hypophosphorémie Il n’existe pas actuellement de données récentes dans la littérature sur l’intérêt de réaliser en urgence un bilan phosphocalcique. Chez 136 patients admis pour crise convulsive inaugurale aux urgences, Turnbull et al [4] avaient décelé deux cas d’hypocalcémie. Un de ces deux patients avait une pathologie néoplasique et l’autre une insuffisance rénale.Ces examens doivent être réalisés devant des patients présentant des antécédents de néoplasie, de malnutrition, d’insuffisance rénale et de traitement diurétique. 4. Grossesse Il est nécessaire de réaliser un test de grossesse chez toute femme en âge de procréation. Dans une étude de 59 patientes en âge de procréation qui avaient consulté pour une crise convulsive 14 étaient enceintes [8].5. Bilan toxicologique Il n’existe pas d’étude prospective démontrant l’utilité de la réalisation d’un examen toxicologique systéma-tique. Ce bilan est réalisé devant une d’intoxication suspectée à l’interrogatoire et à l’examen clinique. 6. La ponction lombaire Il n’existe pas dans la littérature de données imposant la réalisation systématique d’une ponction lombaire. Chez l’enfant et dans une série de 503 méningites, seuls deux patients avaient comme unique signe clinique une crise convulsive inaugurale. La présence d’un syndrome infectieux et des signes cliniques en faveur d’une ménin-gite rendent la ponction lombaire nécessaire [3, 6, 7].B. La tomodensitométrie cérébrale L’American College of Emergency Physicians, l’American Academy of Neurology, l’American Association of Neurological Surgeons et l’American Society of Neuroradiology avaient publié en 1996 des recommandations sur les indications de tomodensitométrie cérébrale devant une crise convulsive inaugurale [3, 9, 11]. Il est urgent de réaliser un scanner cérébral devant :- Présence de signes neurologiques de localisation- Présence d’un traumatisme crânien- Fièvre persistante- Des céphalées persistantes- Malade immunodéprimé - Malade sous traitement anticoagulant- Malade porteur d’une néoplasie- Crise focalisée devenue secondairement généralisée- Age supérieur à 40 ansEn dehors de ces indications il est souhaitable de réaliser un scanner cérébral à distance après un avis d’un neuro-logue.

C. L’électroencéphalogramme (EEG) L’EEG doit s’intégrer dans une stratégie diagnostique dans laquelle l’anamnèse et l’examen clinique doivent en être les pivots. Cet examen est indiqué devant [10, 11, 14, 16]:- État de mal épileptique non convulsivant -

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ConférencesCrise convulsive aux urgences

Dr Mehdi METHAMEM- Méningo-encéphalite de forme fruste- Déficit post critique- Etiologie toxique non précisée.

V. Critères d’hospitalisation d’un patient se présentant aux urgences pour une crise convulsive Tout patient présentant une crise convulsive accompagnée doit être hospitalisé. Les EME doivent être hospitalisés en réanimation. La sortie du patient ne doit être autorisée qu’en cas d’examen neurologique normal et d’explorations paracliniques normales. Un avis d’un neurologue est souhaitable. Dans ce cas le patient doit être branché sur la consultation externe de neurologie [3, 6, 7, 11, 15, 16]. Il est souhaitable d’hospitaliser les patients âgés de plus de 60 ans, les patients immunodéprimés et en cas de doute diagnostic.Lorsque la crise a les caractéristiques habituelles chez un patient épileptique et qu’elle peut être rapportée à une mauvaise observance du traitement, reconnue par le sujet qui est par ailleurs correctement suivi, la sortie est pro-noncée avec reprise du traitement habituel, si possible après contact avec le neurologue traitant et/ou le médecin traitant.

VI. Conclusion La crise convulsive est une urgence thérapeutique. Actuellement sa prise en charge aux urgences et bien codifiée. Quelques points restent encore sujets de plusieurs controverses. Les examens complémentaires doivent être demandés d’une façon raisonnée après un bon examen clinique et un avis d’un neurologue. La nécessité d’une prise en charge multidisciplinaire est indispensable afin d’éviter les complications qui peuvent mettre en jeu le pro-nostic vital.

Bibliographie

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Conférences

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14. J. Praline, B. de Toffol, K. Mondon, C. Hommet, C. Prunier, P. Corcia,B. Lucas, A. Autret. EEG d’urgence : indications réelles et résultats. Neurophysiologie clinique 34 (2004) 175–18115. Eduardo R. Locatelli, MD; Jacob P. Varghese, MD; Ashfaq Shuaib, MD; and Samuel J. Potolicchio, MD. Cardiac Asystole and Bradycardia as a Manifestation of Left Temporal Lobe Complex Partial Seizure. Ann Intern Med. 1999;130:581-583.16. Standards of care for adults with convulsive status epilepticus : Belgian consensus recommendations. Acta neurol. belg. 2005, 105, 111-118

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