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PROPOSITION DE CONTRIBUTION GROUPE NUMERIQUE DE LA COMMISSION DES FINANCES DU SENAT Par Michel Aujean, Associé, Michel Guichard, Avocat Associé, et Marie Manuelli, Avocat Directeur Le commerce numérique est une des priorités fixées par la commission des finances du Sénat (notamment dans son dernier calendrier fiscal du mercredi 2 septembre). En effet, les ventes en ligne de biens matériels et de services sont un secteur en pleine expansion et représentent, comme on le sait très certainement, un manque à gagner pour l’Etat en raison d’une fraude importante et des abus qui accompagnent cet essor. La fraude n’affecte pas seulement les revenus des Etats mais a également un effet sur le commerce (dans la mesure où cela peut créer des distorsions de concurrence) et a aussi très certainement un lien avec la délinquance. La fraude dans ce domaine est difficile à chiffrer tant au niveau de la France que de l’Union Européenne. Cependant le coût pourrait avoisiner le milliard d’euros chaque année pour l’Etat français. Il convient de noter que cette problématique secteur concerne essentiellement les ventes aux particuliers. De ce fait, les moyens de contrôle/régulation de ce marché sont difficiles à mettre en place face : à une multitude de vendeurs (établis en Europe ou hors Europe), à de très nombreux envois de valeur modeste (l’enjeu pour chacun étant faible) , à un grand nombre d’acheteurs établis en France. La surveillance et la taxation du marché numérique est un sujet d’actualité qui préoccupe aussi la Commission européenne mais également l’OCDE. Dans ce contexte, la commission des finances du Sénat souhaite explorer toutes les pistes pour tenter de faire face à cette nouvelle situation économique afin d’assurer un marché de pleine concurrence pour les entreprises françaises mais également de garantir la collecte des impôts correspondants pour l’Etat français.

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PROPOSITION DE CONTRIBUTION

GROUPE NUMERIQUE DE LA

COMMISSION DES FINANCES DU

SENAT Par Michel Aujean, Associé, Michel Guichard, Avocat Associé, et Marie Manuelli, Avocat Directeur Le commerce numérique est une des priorités fixées par la commission des finances du Sénat (notamment dans son dernier calendrier fiscal du mercredi 2 septembre). En effet, les ventes en ligne de biens matériels et de services sont un secteur en pleine expansion et représentent, comme on le sait très certainement, un manque à gagner pour l’Etat en raison d’une fraude importante et des abus qui accompagnent cet essor. La fraude n’affecte pas seulement les revenus des Etats mais a également un effet sur le commerce (dans la mesure où cela peut créer des distorsions de concurrence) et a aussi très certainement un lien avec la délinquance. La fraude dans ce domaine est difficile à chiffrer tant au niveau de la France que de l’Union Européenne. Cependant le coût pourrait avoisiner le milliard d’euros chaque année pour l’Etat français. Il convient de noter que cette problématique secteur concerne essentiellement les ventes aux particuliers. De ce fait, les moyens de contrôle/régulation de ce marché sont difficiles à mettre en place face :

• à une multitude de vendeurs (établis en Europe ou hors Europe), • à de très nombreux envois de valeur modeste (l’enjeu pour chacun étant faible), • à un grand nombre d’acheteurs établis en France.

La surveillance et la taxation du marché numérique est un sujet d’actualité qui préoccupe aussi la Commission européenne mais également l’OCDE. Dans ce contexte, la commission des finances du Sénat souhaite explorer toutes les pistes pour tenter de faire face à cette nouvelle situation économique afin d’assurer un marché de pleine concurrence pour les entreprises françaises mais également de garantir la collecte des impôts correspondants pour l’Etat français.

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SOMMAIRE

1. QU’ENTEND-T-ON PAR COMMERCE ELECTRONIQUE ? .......................................................... 3

2. QUE REPRESENTE CE SECTEUR ? ............................................................................................. 3

3. QUEL EST LE REGIME TVA APPLICABLE AU COMMERCE ELECTRONIQUE ? .................... 3

4. LES CHEMINS DE LA FRAUDE ..................................................................................................... 4

5. LES INITIATIVES EN COURS AU NIVEAU INTERNATIONAL ..................................................... 5

5.1. PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPEENNE ......................................................................... 5 5.2. PROPOSITIONS DE L’OCDE ......................................................................................................... 6

6. LES MARGES DE MANŒUVRE AU NIVEAU NATIONAL ............................................................ 6

6.1. RENFORCER LE CADRE JURIDIQUE ................................................................................................ 6 6.2. EXIGENCE D’UNE FACTURE ........................................................................................................... 6 6.3. SUPPRESSION DE LA FRANCHISE DE 22 EUROS ............................................................................. 7 6.4. EXTENSION DU MOSS AUX VENTES DE BIENS ............................................................................... 7 6.5. UTILISATION DES INFORMATIONS OBTENUES PAR LA DOUANE LORS DES IMPORTATIONS ET

INTENSIFICATION DU CONTROLE ................................................................................................... 7 6.6. NEGOCIATION D’ACCORDS AVEC LES SITES ET LES TRANSPORTEURS .............................................. 7 6.7. ACCORD BILATERAL AVEC LES PAYS FOURNISSEURS ..................................................................... 7 6.8. APPLIQUER LE PRINCIPE DE SOLIDARITE DU REDEVABLE ................................................................ 7 6.9. PAIEMENT SCINDE ....................................................................................................................... 8

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1. QU’ENTEND-T-ON PAR COMMERCE ELECTRONIQUE ?

Le commerce électronique est un terme générique utilisé pour parler des ventes en ligne de biens matériels (vêtements, médicaments, téléphones, ordinateurs et autres biens électroniques, équipements sportifs …) mais aussi de biens immatériels (voyages et tourisme, films, musique, logiciels, prestations en ligne) qualifiés de prestations de services au sens de la TVA. 2. QUE REPRESENTE CE SECTEUR ?

D’après une étude en cours (confiée par la Commission européenne à Deloitte-Belgique), la valeur du commerce électronique au niveau des 28 Etats membres est de 540 milliards d’euros dont en moyenne 18% provient d’achats effectués dans d’autres pays (dont 70% dans des autres Etats membres, 6% dans des pays européens non membres et 22% du reste du monde). Dans ce total le commerce électronique en France correspond à une dépense de 77 milliards d’euros dont plus de 14 milliards proviennent de commerce transfrontalier. Par conséquent, une grande partie du commerce électronique à destination de la France paraît être réalisée entre Etats membres sous le régime dit « des ventes à distance » (mais voir ci-après "les abus du régime des ventes à distance". 3. QUEL EST LE REGIME TVA APPLICABLE AU COMMERCE ELECTRONIQUE ?

Il convient de noter que le régime TVA est différent selon que le commerce électronique concerne les biens matériels ou les prestations de services. Concernant les services fournis par voie électronique, depuis le 1er janvier 2015, ces services sont imposables en France lorsque l’acheteur y est établi ou dans certains cas lorsque le service est utilisé en France et que le prestataire est établi en dehors de l’union européenne. Les prestataires qui ne sont pas établis en France doivent s’immatriculer à la TVA dans notre pays pour collecter la TVA due sur les ventes réalisées avec des consommateurs français. Cependant en pratique ces entreprises peuvent collecter la TVA en utilisant le mini-guichet unique (Moss). Ce système permet à une entreprise établie en Europe de déclarer le chiffre d’affaires réalisé en France ou dans les autres pays européens depuis son pays d’établissement sans avoir à s’immatriculer effectivement à la TVA dans le pays où sont établis ses clients. L’utilisation du Moss permet également à une entreprise établie hors de la l’Union Européenne de choisir le pays dans lequel elle souhaite s’immatriculer à la TVA et y déclarer les ventes réalises en Europe à partir de cette immatriculation. Ce système facilite les démarches incombant aux vendeurs/prestataires et par conséquent limite en pratique la fraude. En effet, plus le système est facile d’utilisation moins les risques de fraude et d’erreurs sont importants. Il convient de noter que ce système semble néanmoins encore imparfait à ce jour. En effet au niveau des entreprises, ces dernières ne peuvent pas déduire la TVA supportée dans le pays où la vente est réalisée et doivent en outre, sous leur responsabilité, déterminer le taux correct de TVA applicable localement et se tenir à jour des évolutions. Au niveau des Etats membres, les modalités de contrôle ne sont pas encore fixées avec précision et la TVA omise sera sans doute difficile à recouvrer en pratique. Selon les informations obtenues à ce jour, il nous semble que la France devrait encaisser des recettes plus importantes que prévues pour ce domaine et que par conséquent ce régime devrait être bénéfique tant pour nos recettes que pour la régulation du commerce intérieur.

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Concernant les ventes de biens matériels, le régime TVA varie suivant que les biens sont importés en France ou sont en provenance de l’Union Européenne. Concernant les envois en provenance de pays extérieurs à l’Union Européenne, la TVA est normalement due à l’importation ainsi que les droits de douane applicables (qui dépendent de la nature des produits concernés). Toutefois, il convient de noter que la TVA n’est pas collectée en France si les envois sont dits de faible valeur (selon la franchise accordée de droit par la législation européenne : envoi inférieur à 22 €) sauf en cas de vente par correspondance et les droits de douane ne sont pas dus si la valeur est inférieure à 150 €. Concernant les envois en provenance de l’UE, les ventes aux particuliers sont qualifiées de ventes à distance. Les ventes à distance, c’est-à-dire celles dont le transport est pris en charge par le vendeur, sont imposables dans le pays d’arrivée de la marchandise à partir du moment où le vendeur a réalisé un certain montant de vente. Les seuils retenus sont différents en fonction des pays d’arrivée notamment le seuil de 35 000 ou de 100 000 €. La France envisage d’ores et déjà de baisser son seuil à 35 000 €. 4. LES CHEMINS DE LA FRAUDE

Avec le développement du commerce électronique, certains opérateurs ont eu recours à différents mécanismes afin d’échapper à tout ou partie de la TVA normalement applicable à ces opérations. En cas d’importation de biens, il arrive que les vendeurs :

Dénaturent la qualification de l’opération : o en déclarant qu’il s’agit d’un échantillon et non d’une vente, dans la mesure où la TVA

n’est pas due lors de l’importation d’un échantillon de valeur négligeable, o en déclarant qu'il s'agit d'un cadeau ou d'un envoi entre particuliers.

Ne déclarent pas la bonne valeur : la TVA n’est donc pas perçue entièrement,

Déclarent que l’importation est réalisée par le particulier afin de pouvoir bénéficier de l’exonération des importations de biens de faible valeur (22€) alors que celle-ci n’est pas applicable en France en cas de vente par correspondance,

Importent d’abord les marchandises dans certains Etats européens qui leur accordent des mesures favorables ou appliquent des taux plus faibles.

En cas de vente à distance à partir d’un Etat européen, il arrive que :

Les seuils de TVA mentionnés ci-dessus ne soient pas respectés : la TVA est alors systématiquement collectée dans le pays de départ,

Les vendeurs n’appliquent pas correctement les taux de TVA,

Certains opérateurs dissocient le transport de la vente à distance ou prétendent que le transport est organisé par l'acheteur ce qui les fait échapper au régime des ventes à distance et conduit à appliquer la TVA du pays de départ souvent plus favorable en terme de taux.

Certains enfin organisent une combinaison des deux régimes en important les biens par un Etat membre à partir duquel ils effectuent une vente à distance tout en considérant qu’il s’agit d’une seule opération exonérée (ou sous taxée) à l’importation.

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5. LES INITIATIVES EN COURS AU NIVEAU INTERNATIONAL

5.1. Propositions de la Commission européenne

La Commission européenne, dans le cadre du débat sur la stratégie de lutte contre la fraude à la TVA, avait lancé une étude de faisabilité dès 2009 sur les manières d’améliorer et de simplifier la perception de la TVA en recourant aux technologies modernes et/ou à des intermédiaires financiers. La Commission a ainsi examiné dans son « livre vert » de 2010 un modèle de paiement scindé : le client ordonne à sa banque de payer les biens ou les services, cette dernière scinde le paiement entre, d’une part, le montant imposable qu’elle verse au fournisseur ou au prestataire et, d’autre part, le montant de la taxe qu’elle transfert directement à l’administration fiscale. Ce modèle de paiement scindé a fait l’objet de réactions négatives de la part des entreprises et surtout des institutions financières qui ne sont ni informées ni équipées pour saisir ces transactions... Les critiques ont visé : les coûts de conformités, les questions commerciales, la nécessité de négocier cette approche avec les institutions financières et la rémunération de celles-ci ainsi que de façon générale la difficulté de réconcilier chaque facture, chaque paiement et chaque colis aux fins du contrôle. La Commission a souligné les difficultés d’application pratique de la retenue à la source : l’insuffisance des informations dont disposeraient les établissements bancaires pour procéder à la taxation, les difficultés pratiques pour distinguer les opérations soumises et non soumises à la TVA…Toutefois, elle a considéré dans son « livre blanc » que ce modèle ne devait pas être écarté pour autant et qu’il convenait d’approfondir les modalités de fonctionnement avant de pouvoir en décider définitivement. L'application du régime des ventes à distance et l’exonération accordée aux petits envois ont fait l’objet de discutions entre les Etats membres et des orientations du Comité de la TVA (pour la plupart unanimes) ont été publiées suite à la réunion du comité TVA des 24 et 25 février 2014. Ces orientations montrent la volonté de tous les Etats membres de mettre fin aux abus de ce régime tels qu'exposés ci-avant. Suite à notre discussion avec les services de la Commission, ceux-ci pourraient également revoir le mode de traitement douanier des échantillons et cadeaux afin de renforcer l'efficacité du contrôle. La Commission a déjà annoncé dans ses communications relatives au commerce électronique que le régime applicable à ce secteur particulier devait être modifié et la franchise de 22 euros supprimée pour permettre une meilleure taxation des ventes réalisées. Dans ce cadre elle envisage de proposer l'an prochain :

un mécanisme simplifié de déclaration et de paiement de la TVA à l'importation associé à un système "fast track" de dédouanement rapide (dont les opérateurs indélicats pourraient être exclus);

d’étendre le régime du MOSS aux ventes de biens;

de revoir le système de seuil pour les ventes à distance;

d'examiner le niveau de franchise pour les petits opérateurs. Ce sujet vient d'être évoqué de façon générale lors du séminaire Fiscalis organisé tout début septembre 2015 à Dublin par la Commission. Par ailleurs, la Commission a déjà commencé à sensibiliser les pays non européens à ce problème. Des négociations avec les pays tiers intéressés par le MOSS ont déjà débuté notamment avec la Norvège. Les Etats-Unis (qui ont commencé à mettre en place entre un certain nombre d’Etats un système semblable dans le cadre du Streamlined_Sales_Tax_Project) seraient intéressés ainsi que potentiellement le Japon et l’Australie.

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5.2. Propositions de l’OCDE

Une proposition identique sur le paiement scindé a également été discutée à l’OCDE à deux reprises en ce qui concerne le commerce électronique :

En 2001, la proposition a été rejetée comme non conforme au principe de neutralité de la TVA en ce qu’elle conduit à traiter différemment le commerce en ligne et le commerce classique (OCDE/Taxation and Electronic Commerce) ;

En 2014, une nouvelle proposition a été faite dans le cadre du BEPS (OCDE-BEPS Action 1). Cette proposition n’est pas soutenue par les opérateurs économiques ayant déposé des contributions et notamment le BIAC (OCDE-BPES Action 1- Commentaires BIAC). Il est notamment souligné qu’en plus de méconnaitre le principe de neutralité de la TVA, cette mesure serait complexe à mettre en place dans le cadre des relations B2C.

6. LES MARGES DE MANŒUVRE AU NIVEAU NATIONAL

Il y a, certes, une nécessité de lutter contre la fraude, en France et en Europe, mais il ne faudrait pas que de telles mesures se traduisent par davantage d’obstacles au développement du commerce électronique car celui-ci représente un potentiel économique important, notamment pour la France. Il faut donc mettre en place des solutions qui tiennent compte de ces deux aspects et surtout ne pas adopter des mesures nationales unilatérales qui nuiraient au développement du commerce et des recettes nationales. Les solutions qui pourraient être envisagées en France pour améliorer le recouvrement de la TVA et respecter les principes de saine concurrence : La nature des fraudes et abus est telle que peu de solutions existent au plan purement national et toute mesure individuelle devrait s'inscrire dans le cadre en cours de discussion/négociation au niveau européen et international. Toutefois quelques suggestions méritent d'être mentionnées, notamment dans l'attente d'une solution globale. 6.1. Renforcer le cadre juridique

Le cadre juridique doit être clair et contraignant afin que les opérateurs (tout comme les acheteurs) respectent mieux les règles applicables en cas de ventes via le commerce électronique réalisées en France et qu'ils soient conscients des risques encourus, notamment pour leur réputation. 6.2. Exigence d’une facture

Il convient de s’assurer pour les ventes à distance et pour les importations réalisées via le commerce électronique que les biens et les services soient accompagnés d’une facture correcte permettant la perception de la TVA à l’importation ou l’indication claire de la TVA appliquée dans le cadre du régime dit des ventes à distance.

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6.3. Suppression de la franchise de 22 euros

La France pourrait ne plus appliquer cette franchise de 22 euros pour les importations de faible valeur (dont déjà les ventes par correspondance sont exclues). Cependant l’efficacité de cette mesure serait bien plus grande si la suppression était faite au niveau communautaire afin d’éviter des détournements de trafic (importation par un autre Etat membre suivie d’un transport vers la France). Dans le même temps il conviendrait de mieux contrôler les achats transfrontaliers dans lesquels le transport est prétendu être organisé par l'acheteur (contrat de transport, assurance etc permettent de dénicher les ventes à distance dissimulées). 6.4. Extension du MOSS aux ventes de biens

La France pourrait prendre une part active lors des discussions au niveau européen sur l’extension du Moss aux ventes de biens. En effet le Moss simplifierait les formalités incombant aux entreprises en cas de ventes à distance (pas besoin d’une immatriculation locale, simplification au niveau des déclarations, réduction des coûts). Comme rappelé ci-dessus, lorsque le régime facilite les obligations incombant aux entreprises, le régime est mieux compris et ainsi mieux appliqué. 6.5. Utilisation des informations obtenues par la douane lors des importations et

intensification du contrôle

La douane en qualité d’acteur incontournable détient des informations importantes qui sont utiles pour un ciblage des contrôles. Un échange d’informations automatique entre les administrations serait pertinent. Il ne convient pas de bloquer tous les envois mais d’effectuer des contrôles par sondage beaucoup plus efficaces. L’intensification des contrôles ciblés permettrait un meilleur respect des règles et une meilleure collecte de la TVA. Toutes les sources confirment que le fret postal (faute d'informations sur l'origine des colis et de traitement informatisé) est le maillon faible dans le système actuel de contrôle des importations alors que les entreprises de fret express disposent des informations et des moyens de les traiter. On a vu certains internautes recommander de passer par le fret postal lors de commandes sur internet. Les organismes postaux ne semblent pas pouvoir modifier leurs dispositifs avant 2020, toutefois des démarches devraient être entreprises pour accélérer cette évolution au plan national. 6.6. Négociation d’accords avec les sites et les transporteurs

Les administrations devraient essayer d’obtenir des informations concernant les entrepreneurs indélicats en passant des accords avec les sites de vente par correspondance et les transporteurs qui ont connaissance des flux et des informations permettant un contrôle. 6.7. Accord bilatéral avec les pays fournisseurs

Les administrations concernées (douane, DLF) devraient négocier des accords avec les pays fournisseurs. 6.8. Appliquer le principe de solidarité du redevable

Dans l’attente de mesures européennes, il pourrait être utile d'inviter les acheteurs à s'assurer que leurs achats ont été correctement taxés, au risque de devoir être désignés solidairement redevables de la taxe pour les biens importés (à l’image des « use tax » appliquées dans certains cas entre les Etats des Etats-Unis).

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En effet, l’article 289 A du CGI stipule qu’en l’absence de désignation d’un représentant fiscal en France, par une entreprise étrangère établie en dehors de l’UE, le destinataire de la transaction peut être le redevable de la taxe due. Si ce principe a largement été appliqué par le passé lorsque le destinataire était une entreprise, il convient désormais de s’interroger sur le point de savoir si cette mesure ne pourrait être appliquée en pratique lorsque le destinataire est une personne physique (quitte à devoir déroger au droit communautaire aux fins de lutter contre la fraude). Les entreprises considèrent aujourd’hui que leur réputation est très importante. Avoir une action au niveau du consommateur peut induire un cercle vertueux au niveau de la collecte de l’impôt. 6.9. Paiement scindé

Dans ce système, les intermédiaires de paiement ou certains intermédiaires (les transporteurs dans le cas des courriers express n'y paraissent pas opposés) pourraient être chargés de la liquidation et de la collecte de la TVA. Nous comprenons que la piste explorée est d’instaurer un prélèvement à la source de la TVA : concrètement, lors de chaque paiement en ligne, l’intermédiaire prélèverait 20% de la somme qui serait reversée au trésor public. Les 80% restant allant au vendeur. Ce prélèvement aurait lieu par défaut, c’est-à-dire, qu’il serait possible de signaler les transactions qui ne doivent pas faire l’objet du prélèvement automatique : lorsqu’un vendeur est non assujetti ou qu’il applique la TVA de son pays d’établissement, qu’une transaction bénéficie d’un taux réduit, le vendeur peut informer l’intermédiaire qu’il ne souhaite pas bénéficier de ce prélèvement automatique... Ce système appelle les commentaires suivants : Dans la mesure où ce système serait appliqué uniquement aux importations et aux ventes effectuées

à partir d’un autre Etat membre, les arguments évoqués au sein de l’OCDE (principe de neutralité entre les ventes dites classiques et les ventes à distance) demeureraient pertinents,

La mise en place de ce système impliquerait de mettre en place une collecte d’informations efficaces par les intermédiaires concernés, une responsabilité nouvelle pour ceux-ci et par conséquent des coûts importants et donc une rémunération,

Ce système ne peut être appliqué pour les ventes réalisées à partir d’Etats membres lorsque le seuil d’imposition en France n’est pas atteint et que le prestataire ne souhaite pas opter pour l’application de la TVA française ou pour certaines transactions. Dans la mesure où le système ne peut être généralisé il devient source d’erreurs, voire de fraude.

Ce système soulève donc un certain nombre de difficultés et comme nous l'avons déjà indiqué les opérateurs financiers y sont résolument opposés mais ce n'est pas le cas des transporteurs ou des grandes entreprises de commerce électronique. Dans l'immédiat, une piste de réflexion pourrait également être proposée : appliquer ce système uniquement aux importations en considérant qu’il s’agit d’un report de la TVA à l’importation et d’une modalité différente de paiement. Comme indiqué ci-dessus le chiffre d’affaires du commerce électronique étant plus important en provenance d’Etats membres de l’Union Européenne qu’en provenance de pays tiers, les effets de cette éventuelle mesure seraient limités, sauf à considérer que cette mesure permettrait de lutter contre les abus du régime des ventes à distance évoqué ci-devant… Ce système de collecte de la TVA par une personne autre que le redevable est néanmoins d’actualité. En effet, en Italie il vient d’être décidé à titre expérimental (sur base d’une dérogation au système commun de TVA) d’appliquer depuis le 1er janvier 2015 un paiement scindé pour les transactions réalisées avec des personnes publiques. L’Italie impose désormais que la TVA, collectée par les fournisseurs des personnes publiques relative aux achats de biens ou de service de ces dernières soit versée directement par les personnes publiques aux autorités. Il convient à ce stade de noter que

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l’Italie a choisi de ne pas impacter les intermédiaires financiers mais les personnes publiques en leur qualité de client. Afin d’améliorer la rentabilité de la collecte de la TVA sur les opérations du commerce électronique, les administrations pourraient, dans un premier temps, adapter les modalités de contrôle à ce secteur d’activité qui est bien spécifique, en utilisant toutes les ressources à la disposition des administrations, mais également de créer des cellules compétentes spécialisées.