1
Les Echos Mercredi 16 septembre 2015 Code du travail : pour que la réforme fonctionne partenaires sociaux définir les circonstan- ces (comme le terme d’un projet) pouvant justifier la fin d’un CDI. Il existe de nombreu- ses preuves empiriques de l’influence des restrictions de licenciement sur les embau- ches et sur l’emploi. Or la France est dans une situation extrême en matière de com- plexité et d’incertitude juridique du licencie- ment économique du fait d’une définition incompréhensible interprétée de manière très restrictive. L’Italie et l’Espagne ont con- duit leur aggiornamento sur ce sujet. Il est plus que temps de faire bouger les lignes Le dernier écueil concerne la représenta- tivité syndicale. Aujourd’hui, seuls les syndi- cats ont le droit de signer des accords. Or, contrairement aux délégués du personnel ou aux membres du comité d’entreprise, les délégués syndicaux ne sont pas élus par les salariés de l’entreprise mais désignés par les syndicats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés aux élections profes- sionnelles. Cette disposition est sans doute le nœud gordien limitant la négociation dans l’entreprise. En effet, il est de facto impossi- ble de signer localement un accord sans l’approbation des syndicats, et cela indépen- damment des préférences des salariés de l’entreprise. Pour preuve, il est déjà possible depuis 2008 de négocier sur le temps de tra- vail par des accords d’entreprise. Pourtant, de tels accords sont rares et les dispositions du Code du travail sur ce sujet continuent de pleinement s’appliquer pour l’immense majorité des entreprises. Pour débloquer la négociation, les délégués syndicaux devraient être élus. De surcroît, il faudra éga- lement remettre sur la table le chantier du financement des syndicats. Leurs ressour- ces devraient directement et essentielle- ment êtres tirées des voix qu’ils recueillent aux élections professionnelles, afin d’aligner leurs objectifs avec les intérêts des salariés de l’entreprise. Pierre Cahuc est professeur au CREST-Ensae et à l’ Ecole polytechnique. Stéphane Carcillo est professeur à Sciences po. Les accords d’entreprise doivent déroger à la loi dans le plus grand nombre de domaines possibles. Il faut élire et non plus désigner les délégués syndicaux, seuls habilités à signer des accords. Le gouvernement envisage que des accords collectifs puissent déroger à certaines dispositions du Code du travail. Photo Hamilton/RÉA E nfin un consensus semble émerger sur la nécessité de réformer le Code du travail pour créer des emplois ! Suivant les recommandations du rapport de Jean-Denis Combrexelle, le gouvernement envisage que des accords collectifs puissent déroger à certaines dispositions du Code du travail. C’est une opportunité pour créer des règles plus adaptées à la diversité des situa- tions des salariés et des entreprises. Deux récents rapports des think tanks aux appro- ches aussi divergentes que l’Institut Montai- gne ou Terra Nova partagent ce constat. Cependant, un véritable changement est loin d’être assuré, car la France est cham- pionne en matière de réformes incrémenta- les. En témoignent les fameux accords de maintien dans l’emploi, introduits par la loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013, et dont seulement une dizaine ont été signés à ce jour. Pour que la réforme ne soit pas un naufrage, trois écueils doivent être évités. Le premier concerne le renversement de la hiérarchie des normes. Aujourd’hui, la loi prévaut sur l’accord de branche, qui prévaut à son tour sur l’accord d’entreprise, sauf dans le cas d’accords plus favorables aux salariés, à part quelques exceptions (comme la durée du travail). De surcroît, un accord d’entreprise ne peut s’imposer aux disposi- tions prévues dans le contrat de travail, notamment en matière de salaire, ce qui en limite la portée. Pour que la réforme n’échoue pas, l’accord collectif d’entreprise doit primer sur la loi et sur le contrat de tra- vail dans les domaines autorisés. Sur ce point, tous les rapports récents sont en accord. Mais si la réforme s’arrête là, elle ris- que fort d’être un coup d’épée dans l’eau. Le deuxième écueil consisterait à ne lais- ser déroger les accords d’entreprise que sur des thèmes mineurs en évitant soigneuse- ment ceux qui fâchent. Le rapport de Jean- Denis Combrexelle envisage de déroger sur les conditions de travail, le temps de travail (ce qui en réalité est déjà largement le cas), l’emploi et les salaires qui sont aujourd’hui négociés par les branches. Il y a cependant besoin de plus de marges de manœuvre. Il est important de négocier également les conditions d’utilisation des emplois à durée déterminée, et les motifs du licenciement économique, par exemple en laissant les LA CHRONIQUE DU CERCLE DES ÉCONOMISTES Par Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo Annoté Eric LEGER

Trois suggestions de réformes du Code du travail

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Trois suggestions de réformes du Code du travail

Les Echos Mercredi 16 septembre 2015

Codedutravail :pourquelaréformefonctionne

partenaires sociaux définir les circonstan-ces (comme le terme d’un projet) pouvantjustifierlafind’unCDI.Ilexistedenombreu-ses preuves empiriques de l’influence desrestrictions de licenciement sur les embau-ches et sur l’emploi. Or la France est dansune situation extrême en matière de com-plexitéetd’incertitudejuridiquedulicencie-ment économique du fait d’une définitionincompréhensible interprétée de manièretrès restrictive. L’Italie et l’Espagne ont con-duit leur aggiornamento sur ce sujet. Il estplus que temps de faire bouger les lignes

Le dernier écueil concerne la représenta-tivitésyndicale.Aujourd’hui,seulslessyndi-cats ont le droit de signer des accords. Or,contrairement aux délégués du personnelou aux membres du comité d’entreprise, lesdélégués syndicaux ne sont pas élus par lessalariés de l’entreprise mais désignés par les

syndicats ayant obtenu au moins 10 % dessuffrages exprimés aux élections profes-sionnelles.Cettedispositionestsansdoutelenœud gordien limitant la négociation dansl’entreprise. En effet, il est de facto impossi-ble de signer localement un accord sansl’approbationdessyndicats,etcelaindépen-damment des préférences des salariés del’entreprise. Pour preuve, il est déjà possibledepuis 2008 de négocier sur le temps de tra-vail par des accords d’entreprise. Pourtant,de tels accords sont rares et les dispositionsduCodedutravailsurcesujetcontinuentdepleinement s’appliquer pour l’immensemajorité des entreprises. Pour débloquer lanégociation, les délégués syndicauxdevraientêtreélus.Desurcroît,ilfaudraéga-lement remettre sur la table le chantier dufinancement des syndicats. Leurs ressour-ces devraient directement et essentielle-ment êtres tirées des voix qu’ils recueillentauxélectionsprofessionnelles,afind’alignerleurs objectifs avec les intérêts des salariésde l’entreprise.

Pierre Cahuc est professeurau CREST-Ensaeet à l’ Ecole polytechnique.Stéphane Carcillo est professeurà Sciences po.

Les accords d’entreprisedoivent déroger à la loidans le plus grand nombrede domaines possibles.

Il faut élire et non plusdésigner les déléguéssyndicaux, seuls habilitésà signer des accords.

Le gouvernement envisage que des accords collectifs puissent dérogerà certaines dispositions du Code du travail. Photo Hamilton/RÉA

E nfin un consensus semble émergersur la nécessité de réformer le Codedu travail pour créer des emplois !

SuivantlesrecommandationsdurapportdeJean-Denis Combrexelle, le gouvernementenvisage que des accords collectifs puissentdéroger à certaines dispositions du Code dutravail. C’est une opportunité pour créer desrègles plus adaptées à la diversité des situa-tions des salariés et des entreprises. Deuxrécents rapports des think tanks aux appro-ches aussi divergentes que l’Institut Montai-gne ou Terra Nova partagent ce constat.Cependant, un véritable changement estloin d’être assuré, car la France est cham-pionne en matière de réformes incrémenta-les. En témoignent les fameux accords demaintien dans l’emploi, introduits par la loide sécurisation de l’emploi de juin 2013, etdont seulement une dizaine ont été signés àce jour. Pour que la réforme ne soit pas unnaufrage, trois écueils doivent être évités.

Le premier concerne le renversement dela hiérarchie des normes. Aujourd’hui, la loiprévautsurl’accorddebranche,quiprévautà son tour sur l’accord d’entreprise, saufdans le cas d’accords plus favorables auxsalariés,àpartquelquesexceptions(commela durée du travail). De surcroît, un accordd’entreprise ne peut s’imposer aux disposi-tions prévues dans le contrat de travail,notamment en matière de salaire, ce qui enlimite la portée. Pour que la réformen’échoue pas, l’accord collectif d’entreprisedoit primer sur la loi et sur le contrat de tra-vail dans les domaines autorisés. Sur cepoint, tous les rapports récents sont enaccord. Mais si la réforme s’arrête là, elle ris-que fort d’être un coup d’épée dans l’eau.

Le deuxième écueil consisterait à ne lais-ser déroger les accords d’entreprise que surdes thèmes mineurs en évitant soigneuse-ment ceux qui fâchent. Le rapport de Jean-Denis Combrexelle envisage de déroger surles conditions de travail, le temps de travail(ce qui en réalité est déjà largement le cas),l’emploi et les salaires qui sont aujourd’huinégociés par les branches. Il y a cependantbesoin de plus de marges de manœuvre. Ilest important de négocier également lesconditions d’utilisation des emplois à duréedéterminée, et les motifs du licenciementéconomique, par exemple en laissant les

LA CHRONIQUE DU CERCLEDES ÉCONOMISTES

Par PierreCahucet StéphaneCarcillo

Annoté Eric LEGER

Eric LEGER
Texte surligné
Eric LEGER
Texte surligné
Eric LEGER
Texte surligné
Eric LEGER
Texte surligné
Eric LEGER
Texte surligné
Eric LEGER
Texte surligné
Eric LEGER
Texte surligné
Eric LEGER
Texte surligné
Eric LEGER
Texte surligné
Eric LEGER
Texte surligné
Eric LEGER
Texte surligné
Eric LEGER
Texte surligné
Eric LEGER
Texte surligné
Eric LEGER
Texte surligné
Eric LEGER
Texte surligné
Eric LEGER
Texte surligné
Eric LEGER
Texte surligné