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INSTITUT SUPÉRIEUR DE MARKETING DU LUXE MBA SPÉCIALISÉ “LUXU RY BRAND MARKETING AND INTERNATIONAL MAN AGEMENT” K IM PRZYBYLA 25 EME PROMOTION S ESSION 2014 2015 EDC PARIS BUSINESS SCHOOL N° organisme de formation : 11 92 0894492 70, Galerie des Damiers La Défense 1 92415 COURBEVOIE Cedex Tel : 01 46 93 00 60 Fax : 01 46 93 00 61 E-mail : [email protected] Site Web : www.supdeluxe.com LUXE & ADN DE MARQUE A L’ÈRE DIGITALE Premier éclairage sur les tendances de demain `

Luxe et ADN de marque à l'ère digitale

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INSTITUT SUPÉRIEUR DE MARKETING DU LUXE MB A S P É C I A L I S É “ L U XU R Y B R A N D MA R K E T I N G A N D I N T E R N A T I O N A L MA N A G E ME N T ”

K IM PRZYBYLA – 25EME PROMOTION – SESSION 2014 – 2015

EDC PARIS BUSINESS SCHOOL

N° organisme de formation : 11 92 0894492 70, Galerie des Damiers – La Défense 1 – 92415 COURBEVOIE Cedex – Tel : 01 46 93 00 60 – Fax : 01 46 93 00 61

E-mail : [email protected] – Site Web : www.supdeluxe.com

LUXE & ADN DE MARQUE A L’ÈRE DIGITALE Premier éclairage sur les tendances de demain

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Kim PRZYBYLA - Luxe & ADN de Marque à l’ère digitale

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Charte sur le respect des règles de Propriété Intellectuelle

Je soussigné(e) reconnais avoir pris connaissance

du document d’informations sur les règles de Propriété Intellectuelle et m’engage à

les avoir respectées dans le document remis ci-joint.

Le

Signature

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Kim PRZYBYLA - Luxe & ADN de Marque à l’ère digitale

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Kim PRZYBYLA 15 rue Gustave Courbet 75II6 Paris

25 ans Franco-Suisse

06 28 53 37 63 [email protected]

FORMATION

2014 - 2015 Institut Supérieur de Marketing du Luxe – Sup de Luxe Paris Préparation du MBA spécialisé Luxury Brand Marketing and International Management

Mémoire : Luxe & ADN de Marque à l’ère digitale 2009 – 2014 Sciences Po Toulouse – Parcours « Communication »

Diplômée Mention Assez Bien Mémoire : Les Stratégies Marketing du Luxe : Le Kelly d’Hermès : du sac à main à l’icône de luxe (17/20)

2011 – 2012 Rheinische-Friedrich-Wilhelms Universität – Bonn

Erasmus « Politik Wissenschaft und Soziologie »

2008 – 2009 Institut National des Sciences Appliquées – INSA Toulouse 1ère année : ingénierie générale

EXPERIENCE PROFESSIONNELLE 2014 – 2015 VICTOR ! Paris

Agence de communication spécialisée dans le luxe Assistante planning stratégique – Stage (6 mois)

2014 Hotshop Design Agency – Paris

Agence de design packaging Assistante du directeur du développement – Stage (6 mois)

AUTRES COMPETENCES Langues : Français (Maternelle), Anglais (Bilingue), Allemand (Bilingue – Certificat C1 de l’International Office de l’Université de Bonn) Informatique : Microsoft Office, HTML/SPIP (notions), Prezi, Maildesigner, Mailchimp/GetResponse/Mailjet, Social Media

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Remerciements

Je souhaite tout d’abord remercier toute l’équipe de Sup de Luxe et en particulier Monsieur Michel Guten, Monsieur Thibaut de la Rivière et Madame Ghislaine Le Gouguec pour leurs précieux conseils tout au long de l’année. Je remercie également toutes les personnes qui ont contribué à l’écriture de ce mémoire : Madame Nathalie Colin, Monsieur Dominique Cuvillier, Madame Corinne Delattre, Monsieur David Guez, Monsieur Stefan Ilkovics, Monsieur Nicolas Izarn, Monsieur Romain Lartigue, Monsieur Raphaël Malka, Madame Anouk Marty et Madame Constance Smith. Je remercie Charlotte et Camille pour leur soutien. Je remercie également Madame Martine Przybyla pour sa relecture et ses corrections.

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Personnes contactées dans le cadre de ce mémoire

· COLIN Nathalie

Directrice Artistique Swarovski RDV téléphonique le 13/03/15 01 42 56 12 54 Objet : Blog Wink

· CUVILLIER Dominique Intervenant en Communication à Sup de Luxe Réponses par email [email protected] Objet : Prisme d’identité Hermès, différence Brand Content/Brand Culture

· DELATTRE Corinne Directrice Communication Internationale Cartier RDV téléphonique le 04/05/15 [email protected] Objet : L’Odyssée de Cartier

· GUEZ David PDG et fondateur de l’agence Victor ! Entretien le 10/04/15 [email protected] Objet : Chiari Ferragni pour YSL Beauté

· ILKOVICS Stefan Président Agence Blondie

Réponses par e-mail [email protected] Objet : Application Silk Knots (Hermès)

· IZARN Nicolas Directeur de création et co-fondateur de l’agence Victor ! Entretien le 24/04/15 [email protected] Objet : Facebook et les marques de luxe

· LARTIGUE Romain Président Agence AKQA

RDV téléphonique le 09/01/15 [email protected] 07 88 48 83 49 Objet : Site “La Maison des Carrés” (Hermès)

· MALKA Raphaël Freelance digital focus Luxe, fondateur du blog “My Digital Luxury Galaxy”

Réponses par e-mail [email protected]

· MARTY Anouk Directrice Artistique Content Manager Sonia Rykiel Réponses par e-mail [email protected] Objet : Vidéos “Exercices de séduction en milieu urbain” (Sonia by Sonia Rykiel)

· SMITH Constance Directrice Communication Digitale Lacoste

RDV téléphonique le 06/02/15 Objet : Campagne “Spot The Croc” sur Snapchat (Lacoste)

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Bibliographie

Ouvrages:

ALLERES, D., Luxe… Stratégies-Marketing, Paris, Economica, 2e édition 1997, ISBN 2-7178-3215-7

BASTIEN, V., KAPFERER, J.-N., Luxe Oblige, 2e édition, 3e tirage, Paris, Groupe Eyrolles, 2014, ISBN 978-2-212-55465-6

BÔ, D., GUEVEL, M., Brand content, Comment les marques se transforment en média, Collection « Tendances Marketing », Paris, Dunod, 2009, ISBN 978-2-10-053379-4

BÔ, D., GUEVEL, M., Brandculture, Développer le potentiel culturel des marques, Collection « Tendances Marketing », Paris, Dunod, 2013, ISBN 978-2-10-058921-0

CASPER, G., DARKPLANNEUR, La Génération Y et le Luxe, Paris, Dunod, 2014, ISBN : 978-2-10-070244-2

CASTAREDE, J., Le luxe, 7e éd., Paris, P.U.F. « Que sais-je ? », 2012, ISBN : 978-2-13-059477-2

CUVILLIER, D., Capter les tendances, Observer le présent, anticiper l’avenir, Collection « Stratégies et Management », Paris, Dunod, 2012, ISBN 978-2-10-057010-2

CUVILLIER, D., Pour un autre marketing, Les leçons d’une alliance Apple-Hermès, Paris, Editions Maxima, 2014, ISBN 9782840017806

DURAND, S., Storytelling, Réenchantez votre communication, Collection « Tendances Marketing », Paris, Dunod, 2011, ISBN 978-2-10-055631-1

LE BAIL, S., Le luxe entre « business » et culture, Evolutions, actualités et perspectives d’un modèle français, Ed. France-Empire Monde, 2011, ISBN 978-2-7048-1112-0

LE BAIL, S., LEBAUDY, F., Luxionnaire, 101 mots clés pour découvrir le luxe, Ed. France-Empire Monde, 2010, ISBN 978-2-7048-1069-7

SICARD, M.-C., Luxe, mensonges et marketing, Paris, Pearson Education France, Collection « Village Mondial », 3e édition 2010, ISBN 978-2-7440-6456-2

Magazines :

CB NEWS, Spécial Luxe, Décembre 2014

French Chamber of Commerce in Great Britain, INFO, The magazine for Anglo-French Business, Luxury & Craftsmanship, January/February 2015

INFLUENCIA, La revue des tendances et de la communication, Le Futur, n°11, Octobre/Décembre 2014

INFLUENCIA, La revue des tendances et de la communication, Le Luxe, n°2, Juillet/Septembre 2012

Articles et études : Article ESCP « Luxe et « digital » : la réconciliation des paradoxes au service du parcours client »

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IPSOS Marketing en partenariat avec l’Association des Professionnels du Luxe, « Luxe et Brand Stretching : comment devenir ou demeurer une marque de luxe ? » KERVELLA, C., « La schizophrénie du luxe » in INFLUENCIA, La revue des tendances et de la communication, Le Luxe, n°2, Juillet/Septembre 2012 Rapport Influencia & Dagobert « Les Marques qui comptent », numéro 1, Décembre 2014 Quali Quanti & Same Same, Livre Blanc « Luxe et Brand Content » Influencia & Dagobert, Rapport n°1 : « Les marques qui comptent » Quali Quanti, « Le management de la brand culture, Analyse de cas et nouvelles méthodes », 12 mars 2014 Internet : http://fr.wikipedia.org/wiki/Blog consulté le 04/02/15 https://www.1min30.com/content-marketing-inbound-marketing/le-top-8-du-marketing-digital-du-luxe-3736 consulté le 04/02/15 http://www.glamourparis.com/beaute/cv-beaute/diaporama/les-success-story-des-blogueuses-beaute/21902#lisa-eldrige-la-plus-pro consulté le 04/02/15 http://www.ladn.eu/actualites/good-book,luxifer-pourquoi-luxe-nous-possede,77,25909.html consulté le 16/04/15 http://www.rogerdubuis.com/fr/news-events/2513-roger_dubuis_astral_skeleton_shines_at_sihh_2015.html consulté le 16/04/15 http://www.ladn.eu/actualites/marque,oeuf-faberge-magnifie-par-realite-virtuelle,30,25966.html consulté le 16/04/15 http://www.ladn.eu/actualites/portrait-agence,coandco-portrait-agence,71,25871.html consulté le 10/04/15 http://www.mercator-publicitor.fr/lexique-marketing-definition-marque-adn-la consulté le 16/04/15 http://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_d%C3%A9soxyribonucl%C3%A9ique consulté le 16/04/15

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Kim PRZYBYLA - Luxe & ADN de Marque à l’ère digitale

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Kim PRZYBYLA - Luxe & ADN de Marque à l’ère digitale

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http://www.beautydecoder.com/hermes-art-flanerie-eloge-temps-suspendu-inspire-communication/ consulté le 06/05/15 http://www.influencia.net/fr/actualites/tendance,luxe,digital-detox,4586.html consulté le 06/05/15

Autres : RIBEIL, T., dir. HOWARD A., Mémoire de fin d’études, Le luxe et les réseaux sociaux. L’exemple d’Instagram, Sciences Po Toulouse, 2013 Hermès, Rapport annuel 2013, Présentation du groupe, Rapport d’activité Conférences à Sup de Luxe : - Thierry de Baschmakoff - Natacha Dzikowski - Paul-Emmanuel Reiffers - Aurore Domont - David Klingbeil CUVILLIER, D., Cours « Communication » CHAMPEYROL, C., Cours « Analyse des tendances et créativité » Dr. MERK. M., Cours « Luxe & Digital » VIOT, A. Cours « Développement international des marques de luxe »

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Sommaire

Page de couverture

Charte sur le respect de la propriété intellectuelle

CV

Remerciements

Feuille de méthodologie

Contacts

Bibliographie

Sommaire

Résumé du mémoire

Mots-clefs

Introduction générale

Section 1 : Luxe et ADN de marque vs. Communication et digital ?

A) Luxe et ADN de marque : l’alliance inévitable

1) ADN de marque : définition

2) Un exemple d’ADN de marque élaboré : la maison Hermès

B) Luxe, brand content et brand culture

1) Définitions

· Brand content

· Brand culture

· Brand sourcing

2) Brand content et luxe

3) Typologie de contenus

4) Les règles d’or du brand content

5) Les « Do’s and Don’t’s » du brand content à travers 2 exemples : Snapshot in LA

de Dior vs Reincarnation de Chanel

C) Story telling : comment mettre en scène l’ADN de marque ?

1) Storytelling : définition

2) De l’histoire à l’imagination

3) La quintessence du storytelling : l’Odyssée de Cartier

D) La notion de SoLoMo : le luxe partout, tout le temps

1) Définition

2) Un exemple de SoLoMo réussi : l’application Amble de Louis Vuitton

Section 2 : Luxe, ADN de marque et digital : le nouveau mariage de raison

A) Panorama de l’écosystème digital des années 1980 à nos jours

B) Luxe, ADN de marque et digital : best practices, exemples et contre-exemples

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1) Le blog de marque a-t-il un avenir ? L’exemple de Wink by Nathalie Colin pour

Swarovski

2) Les bloggeurs, nouveaux ambassadeurs de marque ? L’exemple de The Blonde

Salad pour Yves Saint Laurent

3) ADN de marque, mini-site et e-commerce : la Maison des Carrés d’Hermès

4) Les réseaux sociaux « incontournables »

· Facebook, toujours au cœur des enjeux de visibilité et de notoriété

· Twitter, de l’instantanéité et des influenceurs

· Instagram, le pouvoir de l’image

· Pinterest l’inspirant

5) La vidéo : format de prédilection des Maisons de luxe

· Vidéos hors-format : décryptage du bad buzz de La Légende de Shalimar

· Web-série : la Saint Valentin 2015 avec Cartier et Sonia by Sonia Rykiel

· L’exemple de best practice avec Inside Chanel

6) Luxe ludique et pédagogique avec l’application Silk Knots d’Hermès

C) Nouvelles practices : un écosystème en perpétuelle évolution

1) Snapchat : l’exemple de Spot The Croc de Lacoste

2) A la conquête de l’Asie avec Line et WeChat

· Etude de cas : BURBERRYxLINE

3) Le luxe en musique avec Deezer et Yves Saint Laurent

4) Le nouveau marketing de films avec LinkedIn et Tinder

5) De nouvelles sources d’inspiration dans les projets collaboratifs

D) Nouvelles technologies : quand virtuel et réel se complètent

1) L’arrivée des drones : le défilé Fendi

2) Hologrammes : le défilé Ralph Lauren

3) Luxe et réalité augmentée : l’exemple de l’application Make Up Genius de

L’Oréal et de l’expérience Astral Skeleton de Roger Dubuis

4) Luxe et objets connectés

· Les objets connectés : opportunité ou menace pour les marques de luxe ?

· Montres connectées : les maisons horlogères vont-elles réinventer leur ADN ?

5) Digitalisation du point de vente

6) Luxe et big data

7) Luxe et impression 3D

8) La fin du papier ?

Conclusion générale

Annexes

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p.38

p.42

p.43

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p.44

p.46

p.47

p.48

p.50

p.51

p.52

p.54

p.56

p.56

p.58

p.59

p.60

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Résumé du mémoire

A une époque pourtant de plus en plus immatérielle, les marques reviennent à leur ADN originel dans leur communication. Illustrant un besoin d’humanisation et de valeurs tangibles dans un contexte économique morose, cette forme de communication très « corporate », basée sur l’histoire de la marque, ses valeurs, ses symboles et ses savoir-faire, pourrait vite devenir ennuyeuse voire rébarbative. Pourtant il n’en est rien, et de nombreuses marques parviennent aujourd’hui à innover tant sur le fond que sur la forme. Brand content, storytelling, SOLOMO… les marques de luxe rivalisent d’originalité dans leurs stratégies de communication afin de rendre leurs contenus toujours plus attrayants et « liquides », dans le but de bénéficier des avantages des nouveaux médias et d’être relayés sur de nombreux canaux. Grâce au développement du digital, les marques possèdent aujourd’hui une multitude de possibilités pour distiller leurs contenus auprès de leur clientèle existante et potentielle, principalement la génération Y et bientôt Z, dont ces nouveaux médias sont les supports de prédilection. Réseaux sociaux, mobiles, tablettes, ou encore hologrammes et objets connectés… tous ces supports sont encore relativement méconnus du milieu du luxe, et pourtant en perpétuelle évolution, passant rapidement de totalement inconnus à passés de mode. C’est au travers d’expériences que l’on peut se rendre compte des « best practices » à adopter sur chacun de ces supports. Se basant sur de nombreux exemples, ce mémoire proposera, à la manière d’une étude de planning stratégique, un panorama des tendances actuelles en matière de communication d’ADN de marque sur les supports digitaux, et un premier éclairage sur les nouveaux outils de communication. Il arrive aussi que les marques se trompent : contenu trop dilué, message incompréhensible, format ou canal inadapté… Toute tentative ratée peut provoquer un « bad buzz » qui peut impacter la réputation de la marque de manière durable. C’est pourquoi ce mémoire proposera également une typologie des « Do’s and Don’t’s » en présentant des exemples de campagnes qui n’ont pas fonctionné et tentera d’expliquer pourquoi. La méthodologie de ce mémoire s’appuiera principalement sur des recherches documentaires (ouvrages, revues spécialisées, internet), mais aussi sur des entretiens de professionnels de l’univers du luxe et de la communication.

Mots-clefs Luxe, ADN, Brand Content, Brand Culture, SOLOMO, Story Telling, Digital, Communication, Réseaux sociaux, Tendances, Nouvelles technologies

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Introduction « La schizophrénie se caractérise, entre autres, par une « grave division de la personnalité ». A l’observer, le luxe semble aujourd’hui atteint de multiples scissions de l’esprit ! Il oscille entre luxure et vertu, artisanat et technologie, universalité et localité, matérialisation et dématérialisation, intemporalité et instantanéité, magnificence et austérité… ses contradictions sont illimitées. »1 En effet, en apparence, tout semble opposer le luxe et le digital : si le premier a pour valeurs centrales l’histoire, les racines, le passé, la tradition, la rareté, la confidentialité, l’intemporalité, et enfin l’artisanat, le service, en un mot : l’humain, le second, lui, est tourné vers l’avenir, la modernité, il offre une nouvelle perspective, une forme de démocratisation et d’accès, une instantanéité, une immédiateté, mais aussi une virtualité, une impersonnalité. Ce sont ces deux mondes, pourtant en apparence antagonistes, et leurs interactions qui feront l’objet de ce mémoire. De la même manière, Dominique Cuvillier dans son livre « Pour un autre marketing » fait un parallèle entre deux marques que tout semble pourtant opposer : Hermès, marque de luxe traditionnelle, spécialisée dans la « production douce » et les savoir-faire artisanaux, produisant des objets statutaires et Apple, marque high-tech de la Silicon Valley, dans la « technologie dure » et qui produit des objets contemporains à l’usage social. Tout au long du livre, Dominique Cuvillier montre que ces deux marques, semblant provenir de deux siècles distincts, ne sont en réalité pas si éloignées, et propose même de les associer dans un projet de « Brand Wedding ». Selon le Dr. Michaela Merk, luxe et digital, deux secteurs apparemment antagonistes, ont néanmoins un point commun : la volonté de créer des émotions chez le client ou chez l’internaute. Ces émotions peuvent être multiformes : la surprise, le rêve, le désir, la convoitise, la beauté, l’évasion, le partage, le dépassement… C’est en cela que luxe et digital ne sont pas ennemis mais en réalité alliés, car l’un et l’autre peuvent s’unir afin de faire vivre au client, devenu au 21e siècle internaute, une expérience exceptionnelle. Selon Dominique Cuvillier « dans le domaine du luxe, la part d’immatériel se concrétise par des expériences d’exception qui doivent sortir du strict cadre de l’objet pastillé d’un logo ». 2 A une époque de plus en plus perturbée et anxiogène : crise économique mondiale, catastrophes humanitaires, attaques terroristes, surinformation par les médias… on pourrait penser que le client ferait preuve de défiance vis-à-vis du progrès et se rapprocherait des valeurs tangibles et immuables du luxe… Mais en réalité, le digital est aujourd’hui l’un des seuls capable de lui apporter ce supplément de rêve et d’immatériel qui permet au client de s’évader des angoisses du quotidien. Ce mémoire part de l’hypothèse que la schizophrénie entre luxe et digital n’est plus une maladie mais bel et bien une alliance de raison et qu’aujourd’hui le digital est la manière la plus innovante et attractive de mettre en scène l’ADN de marque. Ce dernier peut être défini comme le patrimoine génétique de la marque, toutes les composantes matérielles et immatérielles immuables qui permettent de la distinguer de ses concurrentes telles que son logo, son slogan, son style, une couleur, un jingle… etc. Olivier Conan, fondateur de l’agence de communication spécialisée dans le luxe « Co and Co » semble corroborer cette hypothèse, en écartant toute contradiction entre le luxe et le digital : « Ca

1 KERVELLA, C., « La schizophrénie du luxe » in INFLUENCIA, La revue des tendances et de la communication, Le Luxe, n°2, Juillet/Septembre 2012 2 CUVILLIER, D., Pour un autre marketing, Les leçons d’une alliance Apple-Hermès, Paris, Editions Maxima, 2014, p. 76

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n’empêche pas le côté sensoriel ». Il ajoute même : « Cela permet une immersion sur-mesure, une nouvelle relation. Le luxe a toujours été à la frontière des sciences et des arts ».3 Si le luxe peut être décliné de bien des manières : brand content, brand culture, story telling ADN… Tous ces termes recouvrent en revanche une même réalité : l’identité de la marque, Graal immuable de toute maison de luxe et organe vital. Avec l’avènement du digital, l’identité se conjugue aujourd’hui sur une multitude de supports, tantôt avec brillo et cohérence tantôt avec inexpérience et incompréhension. Les moyens sont aujourd’hui de plus en plus nombreux : avant sites internet, blogs, e-commerce, aujourd’hui réseaux sociaux, mobiles, aux usages de plus en plus innovants, demain 3D, réalité augmentée, objets connectés d’un nouveau genre avec le lancement, par exemple, de la Apple Watch… Les marques de luxe restent souvent dans l’expectative par rapport à ces avancées, et adoptent plutôt une attitude de suiveurs vis-à-vis des marques de grande distribution qu’elles laissent prendre les risques. Car internet n’est pas comme un lancement de produit : plus d’études a priori, c’est désormais de ses erreurs, ou tout du moins de celles des autres, que l’on apprend, et on voit se développer de nouvelles formes de communication : le marketing viral ou encore la gestion de crise, dans un monde de plus en plus rapide, où le buzz peut façonner une marque comme il peut la détruire, et où la technologie évolue tellement rapidement qu’il faut vite savoir s’adapter sous peine de devenir soi-même obsolète. Intégrer de nouveaux supports dans leur communication est un passage obligé, une innovation inhérente aux marques de luxe, mais cela peut également s’avérer un véritable risque pour leur image et cet ADN à la formulation secrète et précieuse. Problématique : comment les marques de luxe peuvent-elles, à l’ère digitale, innover dans leur communication tout en préservant leur ADN originel ? Il s’agit dans ce mémoire à la fois du point de vue des marques, de savoir mettre en œuvre leur ADN originel tout en mettant à profit des opportunités d’innovation, et du point de vue des agences, de savoir quelles solutions de communication innovantes proposer aux marques sans prendre le risque de trahir leur identité. Les marques de luxe reviennent de plus en plus à des valeurs tangibles et historiques dans leur communication en conjuguant leur ADN de marque à tous les temps, et sur tous les supports, ce qui nécessite des stratégies et lignes éditoriales aussi exigeantes que la fabrication des produits qui ont fait leur grandeur (I). Cela n’empêche pas les marques de luxe d’être attentives aux nouvelles tendances et nouvelles technologies afin d’en suivre les meilleurs exemples, que ce soit dans la communication des marques de luxe et de prestige que dans les autres secteurs (II).

3 http://www.ladn.eu/actualites/portrait-agence,coandco-portrait-agence,71,25871.html

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Section 1 : Luxe et ADN de marque vs. Communication et digital ? A une époque perturbée, le luxe semble vouloir se raccrocher à ses valeurs originelles : histoire, artisanat, mythes fondateurs … autant d’éléments constitutifs de l’ADN d’une marque, figure de proue immuable et guide indispensable pour un développement cohérent. Au départ un peu frileuses, les marques sont aujourd’hui nombreuses à avoir intégré une autre tendance forte qu’elles ne pouvaient plus ignorer : le développement exacerbé du digital. Ces deux tendances combinées ont donné naissance à de nouvelles notions : brand content, brand culture, storytelling, SoLoMo… autant de termes qui désignent de nouvelles manières de conjuguer l’ADN de marque sur de nouveaux supports qui peuvent apporter aux clients du luxe devenus internautes de nouvelles expériences de marques, et peut-être ce supplément de rêve si cher au luxe… A) Luxe et ADN de marque : l’alliance inévitable

L’ADN est la pierre angulaire d’une marque, en particulier dans le luxe : c’est lui qui doit définir toutes ses initiatives de développement mais aussi de communication. Mais comment définir cette notion empruntée à la biologie et quels sont les éléments constitutifs ?

1) ADN de marque : définition

Selon Jean-Noël Kapferer, une marque est « la signature reconnue du beau et de l’exceptionnel dans le produit et le service » : il n’y a pas de produit de luxe sans marque. Mais comment différencie t-on une marque de ses semblables ? C’est là que la notion d’ « ADN de marque » intervient. Selon le Mercator, l’ADN de marque peut être défini comme « les composantes fondamentales et indissociables de l’identité de la marque ».4 Cette notion, en réalité empruntée à la « science dure » de la génétique, signifie « acide désoxyribonucléique » et désigne en réalité une molécule présente dans les cellules de tous les êtres vivants, qui contribue à leur développement et au fonctionnement de leur organisme.5 Pour Dominique Cuvillier, intervenant à Sup de Luxe, l’ADN de la marque permet de reconnaître une marque et de la différencier, grâce à son nom, son logo, sa baseline, son jingle, une couleur, un slogan, un symbole visuel, mais aussi un ancrage dans un territoire, une toponymie.

Figure 1 : La "Brand Machine" de Thierry de Baschmakoff

4 http://www.mercator-publicitor.fr/lexique-marketing-definition-marque-adn-la

5 http://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_d%C3%A9soxyribonucl%C3%A9ique

ADN

Substance : le produit

Aura

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Thierry de Baschmakoff, fondateur de l’agence Aesthete, a mis au point une modélisation de l’identité de la marque : la « Brand Machine » qui semble corroborer cette définition. L’identité de la marque est, selon lui, constituée de 3 entités complémentaires : l’ADN de la marque, qui est composé du nom de la marque, son logo, son identité visuelle, sa définition et son territoire, puis la substance de la marque, représentée par le produit, qui est composée de l’univers produit, le design produit, le collectioning, le développement et la production, et l’architecture et le merchandising, et enfin l’aura de la marque, qui repose sur sa communication (web ou traditionnelle). Thierry de Baschmakoff place donc l’ADN de la marque au cœur de son identité. Alain Viot, intervenant à Sup de Luxe, va plus loin en désignant comme « ADN de marque » les éléments immuables de l’identité de la marque. Selon Raphaël Malka, community manager et fondateur du blog « My Digital Luxury Galaxy », l’ADN de marque représente le « patrimoine génétique de la marque, c’est-à-dire l’ensemble de ses composantes internes et immatérielles qui ont participé à sa définition et son évolution ».

Dans « Luxe Oblige », Vincent Bastien et Jean-Noël Kapferer définissent l’identité de la marque comme « les spécificités tangibles et intangibles de la marque ». Parmi les spécificités tangibles, on trouve par exemple les boutiques, les produits, le savoir-faire… et parmi les spécificités intangibles, les racines, un héritage, une autorité, une légitimité, des valeurs, des bénéfices utilisateurs…6 Ils citent également d’autres éléments dans l’identité de la marque :

- Une personne : il peut s’agir du fondateur, mais aussi d’un ancêtre, d’un personnage charismatique ayant marqué l’histoire de la marque, ou simplement d’une consonance humaine dans le nom de la marque (Tiffany par exemple).

- Une culture : un pays, une origine géographique, un art de vivre… - Une tendance : une marque de luxe a un côté visionnaire qui préfigure demain - Le prestige - Un univers : le rêve, et la séduction qui attirent la clientèle du luxe…

Stanislas de Quercize, Président et CEO de Cartier International, parle également d’un bâtiment : ce qui fait que les marques de luxe sont plutôt désignées par le terme honorifique « Maisons » : ce terme fait également références aux valeurs inhérentes aux marques de luxe comme le savoir-faire, les métiers, l’artisanat etc.

Figure 2 : Matrice "Identité de marque" d'après le cours "Communication" de Dominique

Cuvillier

Pour schématiser l’identité de la marque et ses composantes, Jean-Noël Kapferer a mis au point une plateforme qui peut être adaptée à toutes les marques (un exemple avec Hermès dans la partie suivante) : le prisme d’identité de Kapferer.

6 BASTIEN, V., KAPFERER, J.-N., Luxe Oblige, 2e édition, 3e tirage, Paris, Groupe Eyrolles, 2014, p. 192-193

Histoire et géographie : mythe fondateur, vécu, rôle dans l'histoire etc.

Activités business: produits, boutiques

Rencontres, partenariats,

collaborations, échange avec les

publics

Pratiques sociales et culturelles : RSE,

sponsoring, apport culturel et sociétal

eseses, Pratiq

Identité de marque

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Dans ce schéma de forme hexagonale, on trouve 6 caractéristiques principales7 :

- Le physique de la marque : le style de la marque, ses couleurs, symboles, produits iconiques…

- La personnalité de la marque : ce point fait appel à une « vision anthropomorphique » de la marque, son caractère comme si elle était une personne

- Le reflet de la marque : la marque est ici traitée comme un miroir extérieur, ce point renvoie à la clientèle de la marque

- La mentalisation de la marque : la marque est ici traitée comme un miroir intérieur, ce point renvoie la manière dont le client se perçoit à

travers la marque - La culture de la marque : les racines profondes, les valeurs, les inspirations… - La relation de la marque : la relation entre la marque et sa clientèle.

Nicolas Chemla, auteur de « Luxifer, Pourquoi le luxe nous possède », identife un autre élément plus singulier au sein de l’ADN de marque : selon lui, un des éléments fondateurs d’une marque de luxe est « l’hubris profond de la marque », c’est-à-dire sa part d’ombre, sa part de folie, l’idée novatrice, le geste fou "irrévérencieux » et « anticonformiste » qui est à l’origine de la marque8. Pour illustrer son propos Nicolas Chemla cite le personnage de la Veuve Clicquot : femme, héritière, qui ne « rentre pas dans le moule » (surtout pour l’époque) mais n’a pourtant pas hésité à concrétiser sa vision.

Pour lui, l’exemple ultime de l’expression de ce grain de folie est la campagne de Louis Vuitton « Celebrating Monogram » : la Maison a « offert en sacrifice sa propre icône » en demandant à des artistes et designers étrangers à la Maison de venir la réinventer. Pour Nicolas Chemla, c’est surtout cet élément qui fait le lien entre luxe et digital : selon lui « Le digital a libéré les marques de luxe », c’est cette plateforme qui permet justement aux marques de jouer avec les conventions et d’exprimer ce grain de folie.

2) Un exemple d’ADN de marque élaboré : Hermès

La maison Hermès a été créée en 1837 par Thierry Hermès (1801-1878) : le maître artisan harnacheur sellier fonde sa première manufacture dans le quartier de la Madeleine à Paris. Reprise par son fils, Charles-Emile Hermès au milieu du 19e siècle, la maison diversifie sa production en restant fidèle à l’univers hippique : accessoires d’équitation, couvertures de cheval, casaques de courses en soie … et s’installe dans son flagship store historique de la rue du Faubourg-Saint-Honoré dès 1880. Les écuries de l’aristocratie internationale viennent se fournir dans ce repère légendaire. Au début du XXe siècle, la marque commence à produire des sacs en cuir afin de transporter les affaires du cavalier, notamment l’ancêtre du Kelly, le fameux sac « Haut à Courroies », et les petits fils de Thierry Hermès, Adolphe et Emile-Maurice, anticipent le développement des transports et l’évolution des modes de vie en se lançant dans la bagagerie, tout en conservant un travail du cuir proche de l’artisan harnacheur-sellier avec le fameux « point sellier ». Les sacs se font de plus en plus petits pour s’adapter aux

7 BASTIEN, V., KAPFERER, J.-N., Luxe Oblige, 2e édition, 3e tirage, Paris, Groupe Eyrolles, 2014, p.193-197

8 http://www.ladn.eu/actualites/good-book,luxifer-pourquoi-luxe-nous-possede,77,25909.html

Figure 3 : Prisme d'identité de Kapferer, source: Luxe Oblige

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formats des nouveaux véhicules, notamment la voiture. Le style Hermès, épuré, authentique, pratique, et digne héritier de la tradition hippique est né.9 Dans les années 1920, la maison continue à diversifier son activité en se lançant dans le prêt-à-porter masculin et féminin, l’horlogerie, la joaillerie, les accessoires de sport, les objets de décoration. Dans les années 1930, la maison Hermès sort ses premiers carrés de soie. Robert Dumas crée le « Sac à Dépêches » qui sera rebaptisé en 1956 « Kelly ». La maison se lance également dans le parfum en 1951 avec l’Eau d’Hermès. Jean-Louis Dumas-Hermès, petit-fils de Thierry Hermès, est la figure la plus emblématique du développement de la maison : il est resté à la tête d’Hermès entre 1978 et 2006 et a fait du sellier une des plus prestigieuses marques de luxe au monde. C’est lui qui a introduit Hermès en bourse en 199310, la marque dépasse aujourd’hui les 2 milliards d’euros. Il a internationalisé la marque, qui possède aujourd’hui 315 boutiques à travers le monde11. Jean-Louis Dumas disait : « Notre premier client, c’est le cheval ; le deuxième, c’est le cavalier ». Ainsi ce personnage légendaire a développé la maison en restant fidèle à l’univers du cheval, et au travail du cuir, tout en la modernisant, la diversifiant, et l’internationalisant. Le sac Kelly est l’exemple le plus représentatif de cette évolution, mais on pourrait également citer le sac Birkin créé en 1984, pour lequel il a fait appel directement à Jane Birkin. Afin de diversifier la marque, Jean-Louis Dumas fait l’acquisition du bottier John Lobb, de l’orfèvrerie Puiforcat, de la soierie Bucol, du chapelier Motsch, et prend des participations minoritaires dans la maison Jean-Paul Gaultier, Leica, et les horlogers suisses Vaucher Manufacture Fleurier, et Joseph Erard Holding. Jean-Paul Gaultier lui-même, qui a été pendant un temps directeur artistique de la maison, ne tarissait pas d’éloges à son sujet : « Il fut le prototype de l'homme des Lumières, un gentilhomme éclairé, curieux et ouvert, français et international, plein de courtoisie et d'humour. Un grand homme. 12» Aujourd’hui encore, Hermès est une maison familiale, dirigée par ses 3 familles héritières : Guerrand, Dumas et Puech. Son activité se compose de :

- maroquinerie/sellerie - vêtements et accessoires - soie et textiles - parfums - horlogerie - art de la table - autres13

Elle représente l’élégance et le bon goût à la française, et met en avant des valeurs d’excellence et de qualité irréprochable et son travail artisanal, comme le démontre encore sa campagne de 2011 : « Hermès, artisan contemporain ».14

9 BLAY, J.-P., “La maison Hermès du dernier siècle du cheval à l’ère de l’automobile : une histoire sociale de la consommation urbaine à l’époque contemporaine » in Société française d’histoire urbaine, 2005/1, n°12, pages 69 à 88

10 http://www.lefigaro.fr/societes/2010/05/02/04015-20100502ARTFIG00122-l-ancien-president-d-hermes-jean-louis-dumas-est-mort-.php 11 Hermès, Rapport annuel 2013, Présentation du groupe, Rapport d’activité, p.65 12 http://www.lefigaro.fr/societes/2010/05/02/04015-20100502ARTFIG00122-l-ancien-president-d-hermes-jean-louis-dumas-est-mort-.php 13 Hermès, Rapport annuel 2013, Présentation du groupe, Rapport d’activité, p.20 14 http://sparklingmarketing.wordpress.com/2012/04/06/hermes175-ans-et-toujours-dans-la-course/

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Figure 4: Campagne "Hermès, artisan contemporain depuis 1837", été 201115

La maison bénéficie du label « Entreprise du patrimoine vivant »16, et appartient au fameux Comité Colbert, qui a pour mission de faire rayonner l’art de vivre « à la française »17. Bernard Malek, du cabinet de conseil en stratégie Roland Berger résume ainsi la stratégie de la maison « Contrairement à LVMH ou PPR (NDLR : aujourd’hui Kering), qui misent beaucoup sur le marketing, Hermès ne vise que l’excellence des produits. Leur coût de production n’a aucune importance. »18

Figure 5: Prisme de personnalité : Hermès

15 http://www.buzz2luxe.com/2011/02/hermes-artisan-contemporain-depuis-1837/ 16 « Le label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) est une marque de reconnaissance de l’Etat mise en place pour distinguer des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence. » (Source : http://www.patrimoine-vivant.com/) 17 « Créé en 1954, le Comité Colbert rassemble 78 maisons françaises de luxe et 14 institutions culturelles. Elles œuvrent ensemble au rayonnement international de l'art de vivre français. » (Source: http://www.comitecolbert.com/comite_colbert.html) 18 http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/hermes-la-strategie-du-pre-carre_1423550.html

Personnalité :

Elégance

Casual chic

Traditionnel avec une

pointe d’originalité

Culture :

Métiers d’art/Artisan

at

Sport équestre

Elite

Histoire

Mentalisation :

Intemporel

Transmission

Exclusivité/rareté

Reflet :

Classique

Qualité

Authenticité

Luxe à la française

Relation :

Intime

Fidèle

Confiance

Physique :

Point sellier

Cuir

Lignes épurées

Carré de soie

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B) Luxe, brand content et brand culture

« Les belles marques ont compris le pouvoir du contenu des histoires et des documentaires pour faire vivre la fascination, la poésie et la magie du luxe : même à l’âge de raison, il n’est pas interdit de rêver. »19

1) Définitions

· Brand content

Le « brand content » désigne le contenu éditorial de marque20. Selon Dominique Cuvillier, il s’agit d’ « une technique d’éditorialisation de la communication, une méthode narrative pour raconter un message publicitaire, le délivrer différemment, plutôt que de l’asséner à longueur de médias pour qu’il soit vu-lu-entendu. L’objectif étant de divertir et de construire une relation émotionnelle avec les clients potentiels en les soumettant moins à la pression commerciale qu’impose la publicité traditionnelle. » 21 Le but de la marque n’est donc plus seulement de vendre mais surtout de divertir, afin de créer un lien affectif plus fort avec ses clients : Jean-Noël Kapferer parle de marque « médiactive », car les marques deviennent de véritables médias grâce au Brand Content. En effet, selon Pascal Somarriba, spécialiste des stratégies de médias et de marques : « une belle marque est un média qui s’ignore ». Selon Daniel Bô, l’essor du brand content est largement lié au développement d’internet et à la démocratisation du statut d’éditeur. Dans le rapport « Les marques qui comptent », Influencia et Dagobert désignent même le digital comme un « outil légitime et catalyseur de l’humanisation des marques ». 22 Daniel Bô et Matthieu Guével distinguent deux formes de contenus de marque : Branded content Brand content

Logique de rapprochement et d’association

Logique de création et d’édition

Opération de communication qui implique un rapprochement ou un partenariat entre une marque et un contenu, préexistant ou non. Le contenu est « brandé », c’est-à-dire que la marque a été rajoutée, mais le contenu peut exister sans elle, et peut être associé à une autre marque : branded est utilisé comme adjectif du contenu.

Certaines marques font plus que rapprocher des éditeurs et des créateurs de contenus : elles créent elles-mêmes leur propre contenu. La marque assume un statut d’éditeur, finance et fabrique un contenu à partir de son propre fonds. Elle est l’initiateur du contenu, qui n’aurait pas vu le jour sans elle : brand est utilisé comme un substantif.

Placement de produit, parrainage, sponsoring

Mini-films BMW, la chaîne de TV Hasbro, les guides de voyage Louis Vuitton

Figure 6 : Branded et brand content, source : Brand Content, Comment les marques se transforment en médias

Le brand content se distingue de la publicité par 3 caractéristiques, même si on pourrait considérer qu’il s’agit d’une forme de publicité plus subtile et « insidieuse » :

1. Le brand content ne se concentre pas directement sur la marque ou sur un produit, mais plutôt sur tout l’écosystème qui entoure la marque.

19

Influencia & Dagobert, Rapport n°1 : « Les marques qui comptent » 20

BÔ, D., GUEVEL, M., Brand content, Comment les marques se transforment en média, Collection « Tendances Marketing », Paris, Dunod, 2009, p.1 21

CUVILLIER, D., Pour un autre marketing, Les leçons d’une alliance Apple-Hermès, Paris, Editions Maxima, 2014, p. 14 22

Influencia & Dagobert, Rapport n°1 : « Les marques qui comptent »

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2. Le but du brand content est de faire partager une expérience de la marque au client, mais aussi de lui apporter un bénéfice : on parle de « brand utility » : le brand content a en règle générale une finalité pédagogique, utilitaire, ou divertissante (ce point sera expliqué plus en détails dans la partie « Typologie de contenus »).

3. Le brand content va au-delà de la simple relation commerciale : le client n’est plus uniquement un acheteur potentiel mais aussi un spectateur. C’est pourquoi le brand content permet également d’interagir avec une clientèle extérieure à la cible habituelle de la marque. 23

· Brand culture

Selon Dominique Cuvillier, le « Brand content, rassemble tous les contenus qui touchent de près ou de loin la marque, la Brand Culture touche à la philosophie de la marque, à sa capacité à « vendre » autre chose que des produits, de communiquer du sens. » La brand culture est donc bien plus complexe que le brand content, qui n’est qu’un de ses modes d’expression. Raphaël Lellouche va même plus loin en affirmant que la « brand culture [est le] seul moyen de prendre en compte toute la richesse des formes d’expression de la marque ».24 Brand content Brand culture Message traduisible par un discours Milieu dans lequel on peut vivre

inconsciemment Assujetti au média qui le véhicule Réalité qui déborde des médias qui

l’expriment Un des modes d’expression de la marque Réseau des éléments qui constituent la

marque Figure 7 : Tableau : "Du brand content à la brand culture", source : Brandculture, Développer le potentiel culturel des marques

Lors de son intervention en Communication à Sup de Luxe, Dominique Cuvillier a également listé les composantes de ces deux notions relativement proches dans le schéma reproduit ci-dessous :

Figure 8: "Culture de marque vs. Contenu" d'après le cours "Communication" de Dominique Cuvillier

23

Quali Quanti & Same Same, Livre Blanc « Luxe et Brand Content » 24 Quali Quanti, « Le management de la brand culture, Analyse de cas et nouvelles méthodes », 12 mars 2014

· Consumer magazines

· Livres · Documentaires · Programmes courts · Courts-métrages · Films · Animations

boutiques, vitrines, expos

· Appli mobile, jeux · Communauté · Web Tv · Evènements

· Lieu d’origine · Figure charismatique · Mythe fondateur · Icônes et célébrités

associées · Savoir-faire, produits · Evènements,

boutiques · Campagnes pub,

promesses, claims, valeurs

· Réputation, perception de la marque

· Usages et rites autour du produit

Contenu (opérations, exécutions)

Culture de marque (vision, thème)

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Selon l’agence Quali Quanti, la culture de la marque dépend de son héritage historique et culturel.25 La marque est alors en interaction avec son environnement : elle est influencée par lui, mais peut également l’influencer en créant par exemple de nouvelles tendances.

Figure 9 : Perméabilité Marque/Milieu culturel, source : Slideshare

Le but pour la marque est de créer un ensemble culturel cohérent et facile à déchiffrer de manière intuitive pour sa cible.

· Brand sourcing

Le brand sourcing désigne les supports sur lesquels les contenus de la marque s’expriment. Le choix de ces supports et la réflexion sur la ligne éditoriale sont primordiaux pour la stratégie de contenus de la marque. Selon Daniel Bô et Matthieu Guével, la seule limite du brand sourcing est l’adéquation entre l’imagination et l’identité de la marque.26 Pour les marques de luxe, les supports artistiques sont les plus favorisés. Supports potentiels de brand sourcing Crowdsourcing, film online, exposition, blog, web, social media, mobile et tablette, théâtre, cinéma, TV, magazine, livre, musique, réalité augmentée, géolocalisation, vitrines interactives… Entre supports classiques et innovation, le brandsourcing se renouvelle sans cesse.

2) Brand content et luxe

Selon Daniel Bô « Le brand content est un « vecteur de communication » inégalé, qui permet aux marques de luxe de dévoiler et de mettre en valeur la richesse de leur savoir-faire et de leur histoire ». 27 Le brand content est devenu un outil stratégique de choix pour les marques de luxe, et cela pour plusieurs raisons :

- Il est le meilleur moyen pour elles d’exprimer toute la complexité de leur ADN, avec de nombreux éléments exploitables (dans leur patrimoine – savoir-faire, histoire, héritage – mais aussi dans l’imaginaire de la marque).

- Les marques de luxe entretiennent une véritable relation affective avec leurs adeptes, en jouant notamment sur la séduction et le rêve

- Les marques de luxe s’inscrivent déjà dans une logique de création pour leurs produits, avec un côté avant-gardiste et un lien fort avec les milieux de la culture et des arts.

Pour le luxe, le brand content est un bon moyen de rendre la marque vivante et humaine, mais aussi d’exprimer son audace et son originalité, son petit « grain de folie » en faisant appel par exemple à des réalisateurs d’exception comme David Lynch, Olivier Daban, à des artistes, à de nouveaux talents ou à la co-création pour « sortir des sentiers battus »28.

25

http://fr.slideshare.net/qualiquanti/brand-culture-6899412 26

Quali Quanti & Same Same, Livre Blanc « Luxe et Brand Content » 27

Quali Quanti & Same Same, Livre Blanc « Luxe et Brand Content » 28 Quali Quanti & Same Same, Livre Blanc « Luxe et Brand Content »

Marque Milieu

culturel ambiant

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C’est aussi pour la marque un bon moyen d’alimenter une autre forme de schizophrénie en s’adressant à une clientèle extérieure à sa cible : en effet, grâce au brand content, l’histoire des marques est désormais connue est comprise par tous, alors que ses produits ne restent accessibles qu’à un petit nombre (il existe cependant toujours des références réservées uniquement aux aficionados de la marque). Pour les marques de luxe, le brand content constitue un « double saut mental » : le but de la marque n’est plus uniquement de vendre ses produits, mais de mettre en avant ses valeurs et de raconter son histoire.

Figure 10 : Le double "saut mental", source : Livre blanc « Luxe et brand content »

3) Typologie de contenus

Selon Daniel Bô et Matthieu Guével, il existerait 3 types de contenus de marque : 29 · Les contenus divertissants et ludiques : ce type renvoie aux notions de « branded

entertainment » , « advertainment » ou encore « advergaming ». Ces contenus sous forme de jeux s’éloignent plus du métier original de la marque, mais ils ont pour bénéfice de lui apporter aura et visibilité. C’est ce type de contenus, qui, quand il est réussi, provoque les réactions les plus positives chez les internautes.

· Les contenus utiles et pratiques : ce type de contenus renvoie à la notion de brand utility. Ce sont par exemple les modes d’emploi, les tutoriels, et autres outils pratiques en lien plus ou moins directs avec l’identité et le cœur de métier de la marque.

· Les contenus informatifs et découverte : il s’agit d’informations liées au métier de la marque ou à ses produits, afin de les placer dans un contexte encyclopédique.

4) Les règles d’or du brand content30

1. Définir une ligne éditoriale, afin de choisir un contenu en accord avec l’univers de la marque. Le contenu doit refléter la demande du client ou l’identité de la marque.

2. Un mot d’ordre : la qualité. L’exigence doit être la même qu’avec la fabrication des produits.

3. Le contenu de marque doit avoir une utilité (notion de brand utility) : apprendre au client quelque chose sur l’histoire de la marque, le divertir, ou lui donner des conseils.

4. Créer des contenus originaux, afin de faire rêver et voyager le client. 5. Toujours garder une part de mystère. 6. S’associer à des artistes et ambassadeurs en accord avec l’identité de la marque.

29

Quali Quanti & Same Same, Livre Blanc « Luxe et Brand Content » 30

Quali Quanti & Same Same, Livre Blanc « Luxe et Brand Content »

Ligne éditoriale

Mission de marque

Catalogue de produits

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7. Faire appel à des experts capables de décrypter les attentes des clients. 8. Prendre la température de l’audience avec des indicateurs tels que le nombres de

visionnages mais aussi le temps de visionnage afin de mesure son adhésion et son engagement.

9. Ne pas hésiter à « tricher » pour mettre en avant ses contenus (avec de l’achat d’espace par exemple)

10. Profiter de la complémentarité et l’interconnexion entre les différents médias.

5) Les « Do’s and Don’t’s » du brand content à travers 2 exemples : Snapshot in LA de Dior vs Reincarnation de Chanel

A la fin de l’année 2014, deux concurrents historiques s’affrontent sur le terrain du Brand Content à coup de vidéos «hors-format » : les maisons Dior et Chanel. C’est Dior qui ouvre la marche en Septembre avec son très attendu clip « Snapshot in LA » avec son égérie Marion Cotillard. Puis en Décembre, Karl Lagerfeld met en scène ses deux nouvelles muses dans un clip afin d’annoncer son défilé « Métiers d’Art » à Salzbourg avec la vidéo « Reincarnation » avec Cara Delevingne et Pharrell Williams. Alors quels points communs ont ces deux vidéos ? Tout d’abord leur format, relativement long, presque 5 minutes pour Dior et presque 8 pour Chanel. Des vidéos « hors-format » donc, à la longueur inhabituelle pour un format digital. De plus, ces deux vidéos, si elles mettent avant tout une maison à l’honneur, sont également deux « clips musicaux » qui présentent deux nouvelles chansons d’artistes reconnus : CC The World de Pharrell Williams pour Chanel, et Snapshot in LA de Joseph Mount, membre du groupe Metronomy, avec Marion Cotillard en tant que chanteuse pour Dior, et mettent à l’honneur des stars : l’actrice oscarisée Marion Cotillard pour Dior, le mannequin et it-girl Cara Delevingne et le chanteur Pharrell Williams pour Chanel. Ces deux films ont surtout un point commun majeur : entre symboles emblématiques et nouveautés, elles tentent de révolutionner le Brand Content de leur maison. Chez Dior, ce Brand Content se diffuse de manière subtile : un sac Lady Dior par ci, quelques pièces de la collection Croisière par là, et une égérie reconnaissable entre mille … Pour Chanel, c’est Gabrielle Chanel et sa rencontre avec ce qui inspirera la fameuse petite veste Chanel que l’on raconte. C’est avant tout le lieu qui connaît une véritable révolution : les deux maisons parisiennes se trouvent téléportées à Salzbourg pour l’une, et à Los Angeles pour l’autre. Les deux vont plus loin : les deux maisons se créent un nouvel univers musical, et Chanel en profite pour mettre en avant ses nouvelles égéries : Cara Delevingne, et surtout Pharrell Williams, nouvel arrivé pour les besoins du film. Adulés par la génération Y, les deux égéries sont-elles toutefois en accord avec l’ADN relativement classique de la Maison ? Entre tatouages, et sautoirs de perles, le contraste n’est pas forcément au goût de tout le monde. Mais si Dior mise sur une réalisation et un univers résolument contemporains, Chanel s’inscrit de plain pied dans l’histoire en mêlant l’Autriche des années 1950 et la rencontre de Gabrielle Chanel avec un jeune liftier (et surtout sa veste) et la romance de Sissi et le prince François-Joseph. En résulte un univers riche et complexe, une « triple réincarnation » selon les mots de Karl Lagerfeld : l’esprit de l’Autriche des années 1950, Sissi et François-Joseph dans ses muses Cara et Pharrell, et la veste Chanel réincarnée dans la veste du liftier. Entre touches contemporaines et références historiques, le message devient difficile à comprendre, en particulier pour les non-connaisseurs de la marque, qui constituent la majorité de son audience sur les réseaux sociaux. Même la chanson de Pharrell Williams, « CC The World », et la chorégraphie des deux égéries, fait référence aux deux C du logo Chanel…compliqué donc. De plus, le moment clé – de la rencontre entre Gabrielle

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Chanel et le liftier – n’arrive qu’au bout de 7 minutes et ne dure que quelques secondes. Dès sa sortie, la vidéo souffre de commentaires négatifs sur les réseaux sociaux … Un bad buzz toutefois rapidement éclipsé par le succès du défilé « Métiers d’Art » de la Maison à Salzbourg. « Snapshot in LA » en revanche surprend dès sa sortie par sa modernité et sa poésie, et même les paroles « Just a snapshot in LA » font bien comprendre que le film de 5 minutes n’est qu’une escapade de la Maison parisienne dans l’univers glamour américain. Le film permet également de faire reconnaître les talents de chanteuse de Marion Cotillard. Snapshot in LA : les raisons d’un succès Reincarnation : les raisons d’un bad buzz

· Maintien d’un visage familier : une égérie parfaitement en accord avec l’ADN de la marque : une actrice oscarisée, populaire, et qui représente parfaitement le mythe de la femme parisienne

· Cette même égérie instille l’ADN de la marque dans une chanson ultra contemporaine avec Joseph Mount du groupe Metronomy

· Une réalisation moderne et étonnante avec des effets spéciaux

· Du brand content distillé par petites touches

· Deux nouvelles égéries peut-être trop contemporaines et controversées

· Un choix musical par conséquent remis en question

· Un format trop long · Un message multi-facettes trop

compliqué pour les non-connaisseurs · Un moment clé qui n’arrive qu’à la

fin et ne dure que quelques secondes

· L’ADN de marque se perd dans un univers trop riche et complexe

C) Story telling : comment mettre en scène l’ADN de marque ?

Les marques ont toujours aimé raconter des histoires, justement dosées entre réalité et fiction. A l’ère digitale, façonner sa légende n’a jamais été aussi facile : entre originalité et conservatisme, les clients du luxe comme les simples internautes peuvent aujourd’hui rêver aux mythes fondateurs des grandes Maisons, et parfois même contribuer à en écrire la suite…

1) Storytelling : définition

Le story telling est parfois appelé « communication narrative » en français. Il désigne « une technique qui consiste à propager l’histoire ou les histoires, vraies ou vraisemblables, des personnes morales ou physiques. »31 Le storytelling est donc une manière de diffuser l’ADN de la marque en capitalisant sur son histoire, ses mythes et légendes. Selon Sébastien Durand, le storytelling, contrairement à la publicité classique, privilégierait un lien affectif avec les clients de la marque. En effet, selon le philosophe Michel Mayer, la rhétorique « connaît aujourd’hui un regain considérable [car] nous vivons dans une société de communication où les individus s’expriment, débattent, doivent plaire, séduire et convaincre ». 32 Le story telling dépasse donc le côté scientifique du marketing afin de faire appel à l’émotion et à l’intuition. Cette émotion est un formidable outil pour les marques car elle est très prisée par les médias et constitue un allié de choix dans les relations presse. Dans une époque gouvernée non seulement par une crise économique, mais surtout par une crise de sens, connaître sa place dans l’histoire a aussi pour but de rassurer. Le luxe est le premier secteur à avoir pratiqué le storytelling en mettant, entre autres, la date de fondation de ses maisons dans sa signature. Par exemple Gucci, après une

31 DURAND, S., Storytelling, Réenchantez votre communication, Collection « Tendances Marketing », Paris, Dunod, 2011, p. X 32 DURAND, S., Storytelling, Réenchantez votre communication, Collection « Tendances Marketing », Paris, Dunod, 2011, p.4

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longue période porno-chic, a décidé en 2011 de consacrer une campagne à l’histoire de son fondateur tout en introduisant une nouvelle signature « Forever Now ». Cette signature est très représentative d’une forme de schizophrénie qui habite les marques de luxe dans le cadre du storytelling : en effet il s’agit d’allier des éléments intemporels avec la mode qui change perpétuellement.33

Figure 11 : Campagne 2011 de Gucci, source: Gucci

Louis Vuitton s’amuse également avec le storytelling : le célèbre malletier a choisi l’angle de l’invitation au voyage, qu’il exploite dans ses campagnes, mais aussi avec une exposition au Musée Carnavalet, ou encore ses fameux guides de voyage, désormais disponibles en podcasts pour être écoutés partout sur un iPod ou un iPhone. 34

Il y a également d’autres marques, qui n’appartiennent pas au secteur du luxe mais que nous connaissons depuis l’enfance, qui jouent énormément sur le storytelling : Nutella, Haribo… ce sont principalement des marques alimentaires qui mettent en avant la notion de plaisir. Les marques automobiles se mettent également au storytelling afin de rassurer : dans un monde globalisé, elles ont, pour la plupart, pris le parti de se resituer dans un espace avec une nouvelle signature : c’est le cas de Seat avec la signature espagnole « Autoemocion » ou Volkswagen avec « Das Auto » (les 2 marques appartiennent pourtant au même groupe allemand mais ont décidé de revenir à leurs racines dans leur communication). 35 Ces histoires sont-elles pour autant toujours crédibles ? Coleridge parlait d’une « suspension de l’incrédulité » qui peut facilement être appliquée au storytelling : Photoshop, publicité mensongère, mannequins XXS… La défiance est de plus en plus du côté des consommateurs. Certaines marques ont décidé de jouer sur ce nouveau besoin de sincérité : c’est le cas de Dove par exemple, qui essaye de montrer « toutes les beautés » et réalise régulièrement des vidéos chocs dénonçant l’usage abusif de Photoshop ou la vision faussée de la beauté féminine dans les médias. Quels supports pour le storytelling ? Il y a les médias classiques : la TV et la radio, ou encore le print. Il y a également les points de vente, qui peuvent être un formidable outil de storytelling. Mais selon Sébastien Durand, c’est le web 2.0 et les réseaux sociaux le « support surdoué en storytelling » , car internet permet une souplesse dans le

33DURAND, S., Storytelling, Réenchantez votre communication, Collection « Tendances Marketing », Paris, Dunod, 2011, p.16-17 34

DURAND, S., Storytelling, Réenchantez votre communication, Collection « Tendances Marketing », Paris, Dunod, 2011, p.59 35

DURAND, S., Storytelling, Réenchantez votre communication, Collection « Tendances Marketing », Paris, Dunod, 2011, p.18

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développement du brand content, et les réseaux sociaux permettent une interaction directe entre la marque et son client, qui peut ainsi participer à l’histoire de la marque. 36 Selon Sébastien Durand, il existerait 7 typologies narratives qui auraient fait leurs preuves à travers les siècles : il propose de les associer aux jours de la semaine par souci mnémotechnique : Jour de la semaine Planète ou dieu romain

associé Typologie

Dimanche Soleil, Phoebus Eclairer et partager la connaissance Lundi Lune, Diane Vaincre les préjugés et être reconnu à sa

juste valeur Mardi Mars Conquérir et s’adapter avec agilité Mercredi Mercure Inspirer la confiance et être proche de ses

clients Jeudi Jupiter Etre puissant et le rester Vendredi Vénus Devenir plus beau et susciter le désir Samedi Saturne Libérer les sens et ne plus se fixer de limites Figure 12 : Récapitulatif des 7 typologies narratives, source : "Storytelling, Réenchantez votre communication" p.111

2) De l’histoire à l’imagination

Selon Dominique Cuvillier, « l’encodage d’un lieu dans la mémoire collective participe au culte du passé qui nous rassure, au story telling dont usent et parfois abusent les entreprises ». Il cite les exemples de Apple et Hermès : l’histoire de ces entreprises, leur inscription dans un territoire particulier, et leur identité marquée, constituent une base idéale au story telling de ces marques.37 En effet, selon Jean-Noël Kapferer et Vincent Bastien dans « Luxe Oblige », il existe deux modèles pour construire l’identité de la marque : l’histoire et le story telling. Le 1er modèle est plutôt un modèle européen, construit sur le culte du produit et de l’héritage et sur la figure emblématique du fondateur. Pour des marques plus récentes, comme les marques américaines par exemple, il s’agit de s’imaginer un mythe fondateur afin de se construire une histoire, et ainsi, une identité : c’est ainsi que Ralph Lifshitz est devenu Ralph Lauren, figure WASP du gentleman chic de Nouvelle Angleterre à la Gatsby. 38

36

DURAND, S., Storytelling, Réenchantez votre communication, Collection « Tendances Marketing », Paris, Dunod, 2011, p.63-64 37 CUVILLIER, D., Pour un autre marketing, Les leçons d’une alliance Apple-Hermès, Paris, Editions Maxima, 2014, p. 21 38 BASTIEN, V., KAPFERER, J.-N., Luxe Oblige, 2e édition, 3e tirage, Paris, Groupe Eyrolles, 2014, p. 199-200

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Figure 13: Les deux modes de construction du rêve des marques de luxe, source : « Luxe Oblige »

Selon les 2 auteurs, ces deux modèles ne sont pas contradictoires et peuvent même se rejoindre dans le temps : c’est le cas de Ralph Lauren, avec une véritable démarche de premiumisation dans les années 1990 et la création de deux marques filles : le Purple Label et Black Label, marques haut-de-gamme destinées à une clientèle européenne, ou encore l’élévation du sac « Ricky » au rang de it-bag avec la légende de Ricky Lifshitz, pour laquelle Ralph a créé ce sac39, un peu comme un Kelly d’Hermès à l’américaine.

Figure 14 : Campagne presse pour le sac Ricky de Ralph Lauren, source: The Essentialist

Sébastien Durand identifie, lui aussi, 2 typologies de storytelling pour les marques qui n’ont pas encore d’histoire :

· Le storytelling de projection : c’est le storytelling idéal pour une jeune entreprise, comme une start up par exemple. Il s’agit de propager non pas un passé glorieux, mais une philosophie, une vision, une ambition.

· Le storytelling d’appropriation consiste à s’approprier l’histoire des produits que l’entreprise achète ou de ses clients. C’est la stratégie de la banque HSBC par exemple.40

39 http://ursofrench.fr/le-geant-ricky-de-ralph-lauren/ 40 DURAND, S., Storytelling, Réenchantez votre communication, Collection « Tendances Marketing », Paris, Dunod, 2011, p.60-61

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Selon Sébastien Durand, l’avènement du web 2.0 a permis de remettre le narrateur et le narrataire sur un pied d’égalité, comme au temps de l’oralité : autrefois les histoires étaient racontées à l’oral, il était alors facile de les faire évoluer en fonction des réactions du public. Aujourd’hui, grâce au web et notamment aux réseaux sociaux, on retrouve une forme d’interactivité. Sébastien Durand résume ces similarités entre passé et présent par la formule « D’Homère l’Ancien à Homer Simpson, il n’y a donc pas autant de différences qu’on pourrait penser ! ».

3) La quintessence du storytelling : l’Odyssée de Cartier

Quelle marque mieux que la Maison Cartier a la légitimité nécessaire pour raconter son histoire ? Fondée en 1847 par les frères Cartier, la Maison a traversé les époques et les continents. A l’occasion des 165 ans, cette marque internationale et universelle par essence a décidé de réaliser un mini-métrage retraçant l’intégralité de son histoire. Avant ce film, la Maison s’exprimait principalement sous l’angle produit avec des lancements, et sur son passé avec des expositions, mais selon Corinne Delattre, directrice de la communication de la Maison, il restait un angle important et inexploité : le storytelling complet de la Maison, le récit de son côté multiculturel et magique. Comme égérie de cette épopée, la Maison a évidemment choisi la panthère : symbole reconnaissable de la Maison, il représente la féminité, la force, la puissance et la générosité, mais fait également référence à Jeanne Toussaint, fameuse directrice artistique de la Maison dans les années 1930.

Figure 15 : Capture du film "L'Odyssée de Cartier" sur YouTube

Pour réaliser ce film, la Maison a fait appel à 3 véritables panthères, mais aussi à deux des plus grandes agences de publicité (Marcel et Publicis 133), et à un réalisateur et un compositeur de films, ce qui lui donne un caractère encore plus réaliste et grandiose. Selon Corinne Delattre, près de 70% du court-métrage aurait été réellement tourné, puis complété avec de la 3D : ce processus ambitieux aurait pris quasiment 1 an, et 4 millions d’euros de budget. La panthère traverse au cours de ce film tous les pays d’inspiration de la marque : il commence à Paris « là où tout a commencé », puis la panthère parcourt la Russie des Tsars avec St-Pétersbourg enneigé, la Chine avec ses dragons et sa Grande Muraille, et

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l’Inde des Maharadjas, avant de finir à nouveau à Paris, place Vendôme, à la rencontre de la femme Cartier moderne incarnée par Shalom Harlow. La panthère croise également les pionniers de l’époque, comme l’aviateur Santos Dumont, qui a inspiré la création de la première montre bracelet, et les produits emblématiques de la marque, comme la bague Trinity, les montres Tank et Santos, les bracelets Love, la collection Tutti Frutti, le bestiaire exotique …41 Pour ce film, la Maison a choisi le format inédit de 3 minutes : tout d’abord, parce qu’il est impossible de raconter l’histoire de Cartier en 30 secondes, et de plus, même si ce format est relativement long pour internet (parfois même appelé « hors-format »), Corinne Delattre est persuadée que « quand c’est un bel objet, les gens prennent le temps de regarder ». Depuis ce film, ce format a été souvent repris, en particulier par les Maisons de luxe ; Corinne Delattre dit même « on a ouvert une brèche ». 3 mois plus tard, les retombées sont sans précédent pour la Maison, avec 160 millions de spectateurs uniques, +50% de fans sur Facebook, et des critiques dans la presse unanimement élogieuses, qui parlent entre autres de « petit bijou publicitaire ». 42

Ce qu’il faut retenir : quelles sont les clés d’un storytelling réussi ?

· Une histoire est faite pour être racontée : il faut toujours penser à sa réception, c’est-à-dire, l’adapter à ses cibles, sans oublier que le but est avant tout de séduire et de vendre.

· Avec internet, rien ne disparaît vraiment : il faut être prêt à assumer ce que l’on rend public, et penser à sa relation à long terme avec ses clients

· Ne pas hésiter à mélanger ses archives, c’est-à-dire sa vraie histoire, et l’imagination

· Un outil : le livre des histoires : c’est un carnet dans lequel on compile toutes les anecdotes et toutes les pistes narratives exploitées ou envisagées, il peut constituer une formidable source d’inspiration

· Il faut écrire une vraie histoire romancée avec un ou plusieurs héros, une quête, des antagonistes, mais surtout pas de fin : l’histoire continue d’évoluer avec le développement de l’entreprise, le client peut y contribuer, et il faut régulièrement faire le bilan pour en écrire la suite

· Le format peut être court ou long mais il doit être adapté au support choisi · Le « cross-média » (l’utilisation de plusieurs médias simultanément) est le meilleur

moyen de propager l’histoire de l’entreprise le plus largement possible

D) La notion de SoLoMo : le luxe partout, tout le temps

Le mobile est en passe de devenir le premier écran … Le luxe a également dû s’adapter à ces nouveaux usages afin d’accompagner les clients devenus internautes puis mobinautes dans leur quotidien.

1) Définition

SoLoMo est l’acronyme de « Social, Local, Mobile » : c’est une technique marketing qui accompagne l’essor de l’internet mobile avec le smartphone. En effet, il y aurait actuellement en France plus de 28 millions de smartphones, soit 1 français sur 2.43

41 http://www.strategies.fr/grands-prix/246/grand-prix-strategies-amaury-medias-du-luxe-0/le-laureat/194954W/cartier-l-odyssee-fantastique.html 42 http://www.strategies.fr/grands-prix/246/grand-prix-strategies-amaury-medias-du-luxe-0/le-laureat/194954W/cartier-l-odyssee-fantastique.html 43 http://neocity.fr/nombre-smartphone-france-2014/

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Le SoLoMo désigne l’utilisation simultanée de 3 évolutions :

- Le social, désigne l’utilisation des réseaux sociaux par les marques pour développer leur communauté

- Le local, désigne l’utilisation de la géolocalisation afin de cibler les clients - Le mobile, désigne l’utilisation du smartphone afin de pouvoir accompagner le

client partout et tout le temps (via les applications par exemple).

Cette notion est à rapprocher des notions de cross media/crosscanal, ou multicanal : ce terme désigne l’utilisation de plusieurs supports de communication de manière simultanée pour améliorer les ventes et/ou l’expérience client.44

2) Un exemple de SoLoMo réussi : l’application Amble de Louis Vuitton

Louis Vuitton est l’une des premières Maisons de luxe a avoir réalisé un exemple de SoLoMo réussi avec son application Amble. Bien que cet exemple date de 2011, il reste néanmoins un des exemples les plus réussis et les plus médiatisés. De plus, cette plateforme est en parfaite cohérence avec l’ADN de la marque. « Amble » signifie « se promener » en Anglais : c’est cette activité que la Maison Louis Vuitton a voulu enrichir pour ses amateurs en créant une application mobile inspirée de ses fameux City Guides et de son éternelle « invitation au voyage ». L’application peut être résumée comme un « réseau social géolocalisé »45 : un pari ambitieux pour la première application mobile de la Maison. Grâce à la géolocalisation, et aux recommandations d’une communauté d’ « Amblers », l’application permet de découvrir des lieux d’exception tout autour de soi. Les lieux cités dans les City Guides sont également disponibles et peuvent être achetés directement via l’application (qui reste autrement gratuite). Les lieux sont placés sur une carte autour de l’utilisateur, ou sur l’écran via la réalité augmentée. L’application permet également de garder des souvenirs de son voyage sous forme de vidéos, photos ou sons, et de les partager.46

Figure 16 : Simulation de l'application "Amble with Louis Vuitton", source : Drimscreative

44 http://www.definitions-marketing.com/Definition-Multicanal 45 http://www.webandluxe.com/02/2011/louis-vuitton-vous-invite-au-voyage-avec-lapplication-iphone-amble/ 46 http://www.webandluxe.com/02/2011/louis-vuitton-vous-invite-au-voyage-avec-lapplication-iphone-amble/

SoLoMo

Social

Local

Mobile

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C’est une véritable démonstration de brand content de la part de la Maison, qui invite l’utilisateur à voyager à travers les yeux de la marque. Elle dépasse ici le simple but commercial pour offrir un véritable service à ses clients et développer sa communauté. Longtemps craints, voire carrément ignorés, les médias digitaux ont aujourd’hui une importance grandissante auprès des marques de luxe, qui ont, pour s’adapter à ces nouvelles plateformes, inventé ou réinventé leurs stratégies : brand content, brand sourcing, storytelling, SoLoMo… sont autant de preuves tangibles que l’ère de la défiance a pris fin au profit d’une véritable ère digitale. La schizophrénie entre luxe et digital est aujourd’hui maîtrisée, assumée, passant du rang de maladie à celui de réelle stratégie. Certains médias digitaux sont aujourd’hui devenus « incontournables » pour les marques de luxe, et cette liste ne cesse de s’agrandir : il y a d’abord eu le site internet, véritable vitrine de la marque sur le web accessible partout et tout le temps, puis le blog, sorte de magazine en ligne, les réseaux sociaux avec Facebook puis Twitter mais aussi Instagram ou encore Snapchat, les vidéos, les applications mobiles, mais aussi de nouvelles technologies au potentiel parfois encore sous-estimé… Le véritable enjeu n’est plus de savoir si les marques de luxe doivent s’exprimer sur les médias digitaux, mais plutôt comment ou avec lesquels, tant cet écosystème connaît une évolution de plus en plus rapide.

Section 2 : Luxe, ADN de marque et digital : le nouveau mariage de raison

L’écosystème digital offre aujourd’hui de nombreuses possibilités aux marques de luxe, et celles-ci ne cessent de se multiplier : du web 1.0 au web 2.0 en passant par le mobile ou les nouvelles technologies, le secteur de la communication se renouvelle sans arrêt. Si certaines plateformes sont aujourd’hui devenues indispensables pour les marques de luxe, elles peuvent également s’inspirer de certaines initiatives qui présagent déjà des nouveaux incontournables de demain. Toutefois ces nouvelles plateformes restent parfois incertaines, et les marques de luxe doivent réussir à trouver le bon équilibre entre avant-gardisme et conservatisme afin de préserver leur prestige et leur ADN de marque.

A) Panorama de l’écosystème digital des années 1980 à nos jours

La communication digitale (ou numérique, terme français reconnu par l’Académie Française) désigne la numérisation des supports d’informations.47 Depuis l’invention de l’ordinateur, et la mise à disposition du public de l’ordinateur personnel puis d’internet, le paysage numérique a connu une évolution de plus en plus rapide : on est passé du « web 1.0 » qui consacrait une relation verticale entre un producteur de contenu est un lecteur (via le site web notamment), à un « web 2.0 » fonctionnant par communautés et par interactions en offrant aux internautes la possibilité d’être tour à tour éditeurs et lecteurs et de réagir à tous les contenus grâce aux blogs, puis aux réseaux sociaux. Les supports du web ont également évolué, devenant de plus en plus compacts et mobiles. Aujourd’hui, les nouvelles technologies ont également investi le quotidien, offrant de plus en plus de possibilités aux marques, et de nouvelles expériences au public. L’évolution perpétuelle du paysage numérique est représentée par la Timeline ci-dessous : en guise de fin, la phrase « Et après ? » a pour vocation de souligner qu’il est impossible de savoir quelles inventions vont demain venir révolutionner cet écosystème en constante mutation. 47 http://www.communication-web.net/2014/02/03/quest-ce-que-la-communication-digitale/

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B) Luxe, ADN de marque et digital : best practices, exemples et contre-exemple

Aujourd’hui, toutes les marques de luxe utilisent internet dans leur communication. Quels sont les supports qui sont, pour elles, devenus incontournables ? Comment les utiliser au mieux afin de mettre en valeur le précieux ADN de ces marques ? Cette partie regroupe des exemples plus au moins récents des best practices des marques haut-de-

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gamme et de luxe sur des plateformes jugées incontournables. Les marques de luxe pourront s’inspirer de ces pratiques et des enseignements qu’il faut en retenir.

1) Le blog de marque a-t-il un avenir ? L’exemple de Wink by Nathalie Colin pour

Swarovski

80% des marketeurs proposent l’utilisation de blogs dans le cadre d’une stratégie de contenus. Profitant du succès de ce format, certaines marques ont créé leur propre blog afin de diffuser leur contenu de marque de manière plus créative et personnelle. « Derrière tout blog, il y a un blogueur ou une blogueuse. De la même façon que derrière toute grande maison, il y a un directeur ou une directrice de la création. » 48 Pourtant aujourd’hui, de nombreuses plateformes ne sont pas optimisées, voire carrément laissées à l’abandon. Alors quel est réellement l’intérêt d’un blog pour une marque ? Selon Anita Campbell, directrice de Small Business Trends, un blog peut être utile pour encourager les ventes de la marque, à condition de trouver un juste milieu entre la mise en avant des produits et le discours de vente. Elle énonce 12 règles à respecter afin d’obtenir un meilleur résultat grâce au blog de marque, parmi lesquelles : « créer une connexion émotionnelle, éduquer, relier le blog avec le site web, écrire des posts dans d’autres blogs, publier au moins une fois par semaine, faire attention aux commentaires, partager au maximum sur les réseaux sociaux et surtout,[…] écrire pour sa cible ».49

Figure 17 : Infographie "The Benefits of Business Blogging!", source : Influencia

48 http://www.mydigitalluxurygalaxy.com/wink-by-nathalie-colin-le-nouveau-blogzine-immersif-de-swarovski/ 49http://www.influencia.net/fr/actualites/com-media,media,blog-marque-est-il-encore-utile,5225.html?utm_campaign=newsletter-s13-26_03_2015&utm_source=influencia-newsletter&utm_medium=email&utm_content=blog-marque-est-il-encore-utile

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Swarovski a décidé d’allier l’ADN de sa marque et la personnalité de sa directrice artistique et s’est lancé dans l’aventure avec son blog « Wink by Nathalie Colin » en 2013. Intégrer le nom de la directrice artistique de la marque au nom du blog était une volonté de la marque : on passe d’une relation de marque à client à une relation de personne à personne. Le blog est un espace d’échanges entre la marque et ses amateurs, aujourd’hui traduit en 8 langues et disponible dans 140 pays.

Figure 18: Photo de Nathalie Colin de l'article "Do you want to wink with me?"50, source : Wink by

Nathalie Colin

Le nom « Wink », qui signifie « clin d’œil » en Français, n’est pas un hasard : court et audacieux, ce nom a un côté instantané (comme le digital), international, malicieux, presque séducteur, comme la relation interpersonnelle que l’on essaye d’instaurer dans le blog, mais il a aussi un côté pétillant, comme le brillant du cristal, et des créations Swarovski. Nathalie Colin le dit elle-même : « Chaque post est un WINK, un clin d'œil révélant des personnalités séduisantes, une créativité excitante, un coup de foudre au premier regard, une facette ludique de la mode, une quête constante de modernité plus une pincée d'audace et de "joie de vivre"! » 51Le « W » et le « K » de ce nom font également référence au nom de la marque lui-même. « Le rôle d’un directeur artistique est clef pour partager une histoire plus personnelle d’une marque et engager une conversation avec le public. » explique François Louis, CEO d’Apprism, l’agence de développement web et mobile en charge de l’intégralité de ce beau projet digital.52 Quand on lui demande pourquoi elle a choisi le blog comme format, Nathalie Colin souligne la culture visuelle dans laquelle nous vivons, et l’instantanéité de notre société, tout ce qui fait qu’elle a voulu privilégier une approche rapide, facile, et esthétique. Point fort de ce blog : il ne parle pas que des bijoux Swarovski, bien au contraire ! Le blog recense les inspirations et coups de cœur de Nathalie Colin, ainsi que ses voyages ou encore ses conseils style : art contemporain, personnalités, mode, haute-couture, graphisme, design, musique… Tous les sujets sont traités avec naturel et audace. Grâce à son autonomie par rapport au site web de la marque, le blog donne à Nathalie Colin, véritable fondation de l’édifice qui approuve tous les articles avant qu’ils ne soient postés, moins de contraintes. Elle le dit elle-même : une de ses conditions en créant ce blog était d’avoir « carte blanche ». Nathalie Colin choisit un thème général par semaine, qui

50 http://www.swarovski.com/Web_FR/fr/winkblog/About 51 http://www.swarovski.com/Web_FR/fr/winkblog/About 52 http://www.mydigitalluxurygalaxy.com/wink-by-nathalie-colin-le-nouveau-blogzine-immersif-de-swarovski/

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génère ensuite 4 articles sur l’actualité, les tendances, voire même les activités de la directrice artistique, comme par exemple, ses déplacements à l’étranger. Le bijou reste néanmoins le fil conducteur de ce blog, comme le précise son auteure : « La joaillerie et l’accessoire offrent aux femmes un formidable révélateur de personnalité pour se mettre en valeur au quotidien. Le bijou renforce une attitude, une élégance, un caractère. Cette conviction nourrit depuis toujours ma vision créative, celle que j’ambitionne de partager avec vous dans ce blog en ouvrant les coulisses de notre studio de création. J’aime l’idée qu’une touche de cristal sublime un look, une tenue et apporte un éclat de brillance à une allure. Un luxe accessible pour se métamorphoser selon les tendances et ses propres envies. »53 Le blog fait habilement le lien entre des thématiques qui peuvent intéresser tous les passionnés du luxe et de la mode et la marque, avec par exemple ses fiches métiers « Discover a job » qui mettent en avant des collaborateurs de la marque. Le blog est également un formidable outil de communication interne : les équipes de la marque à travers le monde, notamment les équipes de vente, lisent le blog, ce qui leur permet d’être en contact permanent avec sa directrice artistique, et ainsi, d’être au cœur du processus de création. Nathalie Colin reçoit régulièrement des messages et commentaires sur le blog de la part des équipes de vente, et aussi parfois des photos avec de nouvelles idées. Le blog permet également d’instaurer une autre discussion avec les journalistes. C’est également un moyen simple de communiquer avec les clients de la marque, et d’apprécier leurs retours.

Figure 19: Exemple d'article : "Discover a job : senior designer, studio catwalk", source : Wink by

Nathalie Colin

C’est ce procédé créatif, l’envers du décor des collections, qui est le point d’origine de ce blog. Nathalie Colin le dit elle-même : « On sent qu’il y a quelque chose d’un peu fouillis, comme se fait le processus de création au départ, c'est-à-dire qu’il y a plein de choses qui nous inspirent et au fur et à mesure on arrive à une collection ». Le blog se prolonge sur différents réseaux sociaux : Facebook, Twitter, Tumblr, Pinterest, et Instagram, ce qui en fait un véritable « must-read ». Chaque réseau social est complémentaire du blog avec des usages distincts : sur Twitter, les liens des posts sont relayés, mais on retrouve également des tweets sur le lifestyle, ou encore les femmes, sur Pinterest, on trouve de véritables moodboards, et tableaux thématiques par couleur, qui accompagnent Nathalie Colin dans le processus de création, alors que sur Instagram, les photos traduisent le quotidien de la directrice artistique, comme un carnet de bord. Grâce à ce blog, Nathalie Colin est passée du rôle de directrice de création à celui de véritable directrice de la communication.

53 http://www.swarovski.com/Web_FR/fr/winkblog/About

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2) Les bloggeurs, nouveaux ambassadeurs de marque ? L’exemple de The Blonde Salad pour Yves Saint Laurent

Les bloggeurs occupent une place de plus en plus importante auprès des marques de luxe. Certains d’entres eux ont aujourd’hui la force de « faire » ou de « défaire » une marque par leur simple avis. Ils sont désormais assis aux premiers rangs des défilés, à côté d’Anna Wintour, rédactrice en chef de Vogue US, sont invités par les marques à découvrir les collections en avant-première ou à participer à des expériences exceptionnelles, et reçoivent cadeaux et échantillons dont les marques ont l’espoir qu’ils feront la promotion sur leurs blogs. Quand une marque fait appel à une bloggeuse c’est pour « humaniser son produit, pour le rendre plus accessible, avec une fille « de la rue », un peu comme tout le monde, qui va avoir un discours un peu honnête et sincère » selon David Guez, Président de l’agence de communication spécialisée dans les marques de luxe Victor. La marque profite ainsi de la notoriété spontanée de la bloggeuse, généralement suivie par toute une « communauté ». Une étude réalisée par TechnoratiMedia en 2013 révèle que les blogs génèrent bien plus d’engagement auprès des internautes que les réseaux sociaux, ayant même une incidence sur leur acte d’achat. En effet, pour une marque comme Yves Saint Laurent Beauté, le but est d’enrichir au maximum les fiches produits : plus il y a de contenus sur une fiche produit, plus celle-ci est efficace en termes de ventes, par exemple une vidéo génèrerait environ 3 à 5% de ventes en plus selon David Guez. La tendance est plutôt au « rating » : ce qui fonctionne le mieux ce sont les vidéos « Avis d’utilisatrices » comme les vidéos réalisées pour le lancement du fond de teint Le Teint Touche Eclat d’Yves Saint Laurent, ou des tutoriels comme les « How-to » avec Touche Eclat d’Yves Saint Laurent. Ces vidéos permettent aux internautes de rester plus longtemps sur la fiche, mais aussi d’avoir un complément d’information et de valoriser le produit, et peuvent ainsi déclencher un acte d’achat. Pour Yves Saint Laurent la problématique est ainsi de créer des vidéos en lien avec chaque temps fort de l’année commerciale : chaque lancement de produit, chaque campagne de communication… De simples amateurs, certains bloggeurs ont su petit à petit se faire une place sur la toile et acquérir une influence croissante auprès de nombreux internautes. C’est le cas par exemple de la bloggeuse beauté anglaise Lisa Eldridge. Maquilleuse professionnelle à l’origine, elle se fait surtout connaître par ses vidéos tutoriels de maquillage. Les marques de luxe ont décidé d’utiliser cette notoriété à leur avantage. En 1998, Shiseido lui propose déjà de créer sa propre ligne de maquillage, puis elle devient directrice artistique de la marque Boot n°7 de 2003 à 2013. C’est ensuite les médias qui s’intéressent à elle : Channel 4 lui confie le show « Ten Years Younger » et Elle lui propose d’écrire une colonne mensuelle « The Beauty Guru ». 54 Parmi ses plus belles collaborations avec les maisons de luxe, on compte la campagne « Make Up Revelations » de Chanel. La Maison réalise avec la bloggeuse une quarantaine de tutoriels beauté, comme ceux qui l’ont fait connaître, avec les produits Chanel. 55

54 http://www.glamourparis.com/beaute/cv-beaute/diaporama/les-success-story-des-blogueuses-beaute/21902#lisa-eldrige-la-plus-pro 55 http://juliemirande.com/les-best-practices-des-marques-de-luxe-sur-les-reseaux-sociaux/

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Figure 20 : Extrait d'un tutoriel de Lisa Eldridge pour "Make Up Revelations" de Chanel, source :

YouTube

La bloggeuse est aujourd’hui suivie par 280 000 personnes sur Facebook et 120 000 personnes sur Twitter et a plus d’1 million d’abonnés sur sa chaîne YouTube. La maison Lancôme vient également d’en faire sa nouvelle Directrice Artistique Maquillage. Les bloggeurs mode mettent en avant les nouvelles tendances, de la même manière que les grands magazines de mode, mais de manière beaucoup plus personnelle et créative. En 2010, Karl Lagerfeld avait invité la jeune bloggeuse Tavi Gevinson, auteur de « Style Rookie » à son défilé. 56 Marc Jacobs a donné le nom du bloggeur Bryan Boy à un de ses sacs. 57 Burberry a également fait appel au bloggeur Scott Schuman du blog « The Sartorialist » pour réaliser une séries de photographies Street Style sur son produit iconique : le Trench. Cette série appelée « The Art of Trench » a été notamment postée sur Instagram :

Figure 21 : Capture d'une photo de la campagne "The Art of Trench" de Burberry sur Instagram

Plus récemment, à l’occasion du SIRHA en Janvier 2015, Nespresso a invité quelques grands chefs à cuisiner de grands plats à base de café Nespresso, et a également invité 56 http://www.newyorker.com/magazine/2010/09/20/tavi-says 57 https://www.1min30.com/content-marketing-inbound-marketing/le-top-8-du-marketing-digital-du-luxe-3736

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quelques bloggeurs culinaires influents à venir à Lyon lors d’un séjour exceptionnel afin de goûter ces créations. Car selon David Guez, pour séduire un bloggeur et le convaincre de parler de sa marque, il faut avant tout lui faire vivre une expérience unique : lui faire vivre un week end de star avec des billets d’avion en Classe Affaire, des nuits dans de grands hôtels, des dîners avec des personnalités influentes, un tournage avec les plus grands make-up artists etc.

Figure 22 : Photo de promotion de L'Atelier Nespresso (janvier 2015)

En mettant des « étoiles dans les yeux » de ces bloggeurs lus et suivis par des milliers de passionnés de cuisine, gastronomie, et épicerie fine, Nespresso maximise ses chance que son #AtelierNespresso soit relayé sur ces blogs et les réseaux sociaux. Alors comment les marques choisissent-elles les bloggeurs pour les représenter ? Selon David Guez, bien sûr, l’ADN de la marque a une influence dans le choix, mais ce sont plus des considérations d’ordre commercial qui pèsent dans la balance. En théorie, le choix de la marque dépend de 4 critères : le domaine du blog (mode, beauté, cuisine, automobile...), la connaissance du blog/du bloggeur (thèmes, préférences, ligne éditoriale…), son influence, et sa popularité. L’agence Victor ! a réalisé une série de vidéos pour Yves Saint-Laurent Beauté, notamment des vidéos-avis avec des bloggeuses pour le lancement du fond de teint Le Teint Touche-Eclat. Pour les choisir, ils ont fait appel à l’agence Ykone, qui possède un portefeuille de bloggeurs. Car les bloggeurs sont désormais comme des mannequins, et font appel à des agents. Pour choisir les bloggeurs, les agences se basent essentiellement sur les chiffres : en fonction des cibles de la marque et du produit, l’audience potentielle des bloggeurs… Pour ses vidéos, l’agence Victor ! a choisi une dizaine de bloggeuses, choisies en fonction des chiffres, afin de faire un maximum d’audience, mais aussi en fonction des zones géographiques des cibles, et de leurs habitudes de consommation. En pratique, tout est une question de statistiques.

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Figure 23 : Chiara Ferragni lors du tournage des vidéos "How-to" pour Le Teint Touche-Eclat, source:

The Blonde Salad

L’agence créée ainsi des contenus, qui servent à la fois à la marque, qui les partage sur son site et ses réseaux sociaux, mais aussi à la bloggueuse, qui les partage également auprès de sa communauté, sur son blog et ses réseaux sociaux : les contenus se viralisent ainsi plus facilement. L’agence industrialise la production de vidéos : en une journée, elle mutualise les coûts afin de pouvoir enregistrer avec toutes les bloggeuses. Chiara Ferragni, du blog The Blonde Salad, fait partie des bloggeuses choisies pour présenter Le Teint Touche-Eclat. Elle a partagé la vidéo et les photos de l’expérience sur son blog et ajoute « I couldn’t live without it since then » (« depuis, je ne peux plus vivre sans »), consécration ultime pour le produit. A seulement 27 ans, l’italienne Chiara Ferragni est aujourd’hui considérée comme un « poids lourd » de la blogosphère : une marque faisant appel à elle est certaine de bénéficier de sa visibilité. Suivie par plus d’1 million de fans sur Facebook, elle a été consacrée « Bloggeuse de mode la plus influente » par Fashionista Magazine, et a été citée parmi les femmes les plus influentes du monde par le magazine Vanity Fair. 58 Elle vient même de créer sa propre marque de chaussures. Les bloggeurs et leur « sincérité » sont toutefois aujourd’hui au cœur d’un véritable débat : peut-on considérer que les bloggeurs recommandent toujours les produits de manière honnête alors qu’ils sont désormais payés (sachant que Chiara Ferragni peut demander à une marque jusqu’à 5000 dollars pour un article par exemple) et traités comme de véritables stars ? Certains sont aujourd’hui très critiqués pour cet « appât du gain » par leur communauté qui se sent ainsi trahie et manipulée. Ce qu’il faut retenir :

· Faire appel à des bloggeurs pour un tutoriel ou une vidéo-avis peut valoriser un produit et en booster les ventes

· Faire appel à des bloggeurs permet de diffuser des contenus de manière virale auprès d’une communauté

· Pour les choisir : une ligne éditoriale en accord avec l’ADN de la marque, mais surtout une audience en accord avec les ambitions de la marque, ses cibles et ses habitudes de consommation (en bref : surtout des statistiques !). Certaines agences possèdent un portefeuille de blogueurs et peuvent accompagner les marques dans ce choix.

· Pour attirer un bloggeur et s’assurer d’un avis positif, il faut lui proposer une expérience

exceptionnelle, un traitement de star (et une belle rémunération).

58 http://www.parismatch.com/Vivre/Mode/Chiara-Ferragni-reine-incontestee-de-la-blogosphere-mode-728764

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3) ADN de marque, mini-site et e-commerce : la Maison des Carrés d’Hermès

La Maison Hermès est une pionnière en termes de e-commerce : pour sa clientèle américaine, elle a lancé un site e-commerce aux Etats-Unis dès 2002, avant de lancer son site institutionnel « Les ailes d’Hermès » en 2008.59 Jean-Louis Dumas était en effet convaincu de l’opportunité que constitue le e-commerce : en dehors de permettre d’atteindre des clients partout et tout le temps, il permet également de leur offrir un service supplémentaire.60 De plus, Michaela Merk a démontré lors de son intervention à Sup de Luxe sur le luxe et le digital que le e-commerce et le commerce physique ne sont pas contradictoires, mais peuvent au contraire être complémentaires : en effet, si le e-commerce ne représente que 6% du chiffre d’affaires de l’industrie du luxe, nombreux sont les clients qui vont d’abord se renseigner sur les sites marchands avant d’aller acheter en boutique (78%). Cependant, 40% des marques de luxe n’ont pas encore de site marchand. La Maison Hermès, si elle est présente depuis longtemps sur internet, n’y vend pas tous ses produits et continue de cultiver la rareté de ses célèbres sacs à main : c’est principalement les parfums et la soie, qu’elle vend en ligne. C’est à ce dernier produit que la Maison a décidé de consacrer un site entier : La Maison des Carrés. Pour cette plateforme à la fois e-commerce, sociale et institutionnelle, la Maison a fait appel à l’agence de communication digitale AKQA. Il s’agissait, selon le site de l’agence de « réinventer l’expérience e-commerce » tout en prenant en compte deux problématiques : les notions d’art et d’artisanat inhérentes à la Maison, et l’ergonomie et l’efficacité du e-commerce. Résultat : une plateforme à mi-chemin entre un musée et un magasin, qui raconte l’histoire d’un des produits iconiques d’Hermès 61: le carré de soie, mais présente aussi 600 produits, dans un environnement ludique, disponible sur tous les supports (car conçu en responsive design et avec des animations qui fonctionnent sur mobile) et dans 27 pays.62

Figure 24: Capture de la page d'accueil de La Maison des Carrés

Selon Romain Lartigue, Président de l’agence AKQA, la Maison des Carrés fait référence à la notion de « Maison » de manière figurée (Hermès comme « Maison » de luxe) mais aussi de manière littérale. Il insiste surtout sur la nécessité de trouver un équilibre entre la

59

http://tpeecommercecoubertin.e-monsite.com/pages/le-e-commerce-de-luxe.html 60

http://tpeecommercecoubertin.e-monsite.com/pages/le-e-commerce-de-luxe.html 61

http://www.mydigitalluxurygalaxy.com/la-maison-des-carres-bienvenue-dans-le-musee-hermes-2-0/ 62

http://www.akqa.com/work/hermes/house-of-silk/

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dimension créative de la Maison et une certaine « fantaisie » et l’efficacité du e-commerce. Pour cela, l’agence a réalisé une forme de fusion entre les symboles des carrés et les symboles de la Maison : chaque produit est tellement spécifique qu’il possède son propre univers sous forme de « pièce » de la Maison. On retrouve ici tous les symboles que l’on trouve habituellement dans les carrés : le cheval, le groom etc. Les pièces représentent ainsi les différentes tailles de carrés (grands/petits), mais certaines contiennent également du brand content, ou du contenu exclusif. Pour cela, l’agence s’est inspirée de la demande initiale d’Hermès, qui avait parlé d’une « maison de poupées », mais aussi du film Malkovitch Malkovitch avec le concept de « demi-étage », et d’un illustrateur newyorkais qui a représenté des fenêtres à plat. Selon Romain Lartigue, ce site aurait deux avantages majeurs pour la Maison :

- C’est « le seul endroit au monde où on peut voir l’intégralité des carrés » de la Maison

- Il apporte également à la Maison un véritable « élan de modernité » en présentant la marque et ses produits de manière différente.

Ce site montre qu’il est possible de mêler brand content et e-commerce : en effet, selon Romain Lartigue, il s’agirait là même d’un « faux-débat ». Pourquoi ça fonctionne ?

· Un site qui fait parfaitement le lien entre brand content et e-commerce · Un site représentatif de l’identité de la marque, et de l’identité des produits · Un design en responsive adapté aux supports modernes · Une ergonomie pensée pour le e-commerce avec deux mots d’ordre : efficacité et

simplicité · Un catalogue exhaustif de toutes les variantes d’un produit iconique · Des contenus exclusifs et des surprises pour la fidélisation

4) Les réseaux sociaux « incontournables »

· Facebook, toujours au cœur des enjeux de visibilité et de notoriété

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Aujourd’hui, être présent sur Facebook est quasiment un passage obligé pour une marque : réseau social rassemblant le plus d’utilisateurs, il est indispensable pour la visibilité et la notoriété de la marque. En somme, une marque qui n’existe pas sur Facebook n’existe pas. De nombreux annonceurs sont présents sur Facebook, y compris des marques de luxe :

Figure 25: Quelques unes des marques de luxe françaises les plus influentes sur Facebook, source :

Ur so French

Mais comment utiliser Facebook de manière innovante aujourd’hui ? En effet, depuis 2004, on a l’impression que « tout a été fait ». Selon Nicolas Izarn, co-fondateur de l’agence de communication spécialisée dans les marques de luxe Victor !, la clé pour réussir la communication d’une marque sur Facebook est de privilégier l’interaction avec les clients. En effet, selon lui, ce qui fonctionne le mieux aujourd’hui, c’est les jeux, les concours, et les quizz, afin de solliciter l’implication du client. Mais comment lui donner envie de participer ? Selon lui, il faut mettre en avant un concept simple mais original, et en accord avec l’ADN de la marque. C’est ce qu’a fait Victor ! en créant pour la marque de caviar Kaviari une application Facebook « Le Calendrier de l’Avent-Goût » : avec ses photos de sapins en caviar, et une question par jour pendant tout le mois de décembre afin de gagner des boîtes de caviar, le concept efficace et gourmand a généré une belle participation. C’est grâce à des opérations comme celle-ci que la page Facebook de la marque compte aujourd’hui près de 20 000 abonnés. Les « applications » Facebook permettent ici d’intégrer dans un onglet de la page un jeu ou un quizz, mais aussi de plus en plus souvent de faire le lien entre la page Facebook et les autres réseaux sociaux de la marque et ainsi de capitaliser sur le nombre d’utilisateurs, et en général de fans, plus important sur Facebook. Daniel Bô et Matthieu Guével corroborent les propos de Nicolas Izarn en listant les usages potentiels que peut faire une marque de Facebook :

1) « Entrer en relation directe avec ses clients 2) Mettre ses clients en relation entre eux 3) Promouvoir sa marque et ses produits 4) Fidéliser et recruter 5) Vendre 6) Générer du trafic sur son site marchand »63

En revanche, certaines marques se voulant plus confidentielles et pointues ont aujourd’hui pris le parti d’éviter ce réseau social : c’est le cas du Labo, marque de parfums de niche, avec sa politique « No Facebook ».

· Twitter, de l’instantanéité et des influenceurs

63

Quali Quanti & Same Same, Livre Blanc « Luxe et Brand Content »

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Twitter est aujourd’hui parmi les réseaux sociaux les plus prisés par les internautes, et par conséquent par les marques. Burberry a profité de l’instantanéité de Twitter dès 2011 en réalisant son 1er défilé en « Tweetwalk ».64 Twitter a pris en compte ce besoin d’instantanéité en lançant cette année sa propre application de Live-Streaming (diffusion de vidéo en direct) Periscope, afin de contrer le succès grandissant de Meerkat.65 Oscar de la Renta s’exprime également sur Twitter au travers du compte @OscarPRGirl : grâce à ce compte ostensiblement axé « relations publiques », la marque prend un visage humain : celui d’Erika Bearman, qui est ainsi devenue une célébrité.66 Burberry67 et Louis Vuitton ont mis à profit l’instantanéité et l’interactivité de Twitter afin de mettre en place une nouvelle forme de service client : Louis Vuitton a ainsi créé un compte @LVServices afin de répondre directement aux questions de ses clients américains.68

Quels sont les opportunités de Twitter pour les marques ?69 · Twitter fait aujourd’hui partie des réseaux sociaux les plus populaires (avec notamment

2 millions d’abonnés en France). · C’est le réseau social préféré des « influenceurs » : journalistes, bloggeurs, consultants,

experts spécialisés … Il rassemble de véritables communautés de passionnés. · L’instantanéité : ses messages courts (limités à 140 caractères) sont adaptés aux

usages actuels du web. · Le hashtag (ou mot-dièse) permet de lancer des sujets en définissant et classant des

thématiques spécifiques. · La viralité : grâce au « retweet » (reprise des tweets de quelqu’un d’autre) une

thématique peut rapidement se transformer en véritable tendance. · Les hashtags les plus utilisés permettent d’identifier les grandes tendances et

constituent un excellent outil de veille stratégique pour les marques. · Twitter offre aujourd’hui la possibilité de sponsoriser des tweets ou des comptes grâce

aux Twitterads. · Réponses et messagerie : Twitter est aussi un formidable outil de dialogue.

64 http://www.rfi.fr/france/20121002-fashion-week-twitter-facebook-tumblr-fancy-burberry-oscar-renta-smalto/ 65 http://www.europe1.fr/high-tech/streaming-video-comment-twitter-a-tue-meerkat-2416445 66 http://www.rfi.fr/france/20121002-fashion-week-twitter-facebook-tumblr-fancy-burberry-oscar-renta-smalto/ 67 http://www.webandluxe.com/06/2012/burberry-service-ou-lart-de-la-relation-client-sur-twitter/ 68 http://www.mydigitalluxurygalaxy.com/louis-vuitton-us-lance-un-fil-twitter-dedie-a-son-service-client/ 69 http://www.madalana.fr/twitter/

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· Légitimité : les tweets sont de plus en plus cités dans les médias traditionnels. · Le live-tweet est idéal pour recueillir des réactions pendant des émissions de TV ou des

évènements · Twitter est utilisé principalement sur mobile : un bon moyen de toucher les mobinautes.

· Instagram : le pouvoir de l’image

Instagram est le réseau social le plus performant dans le domaine de l’image et de la photographie 2.0. La force d’Instagram ? Le pouvoir de l’image, qui a une portée directe, contrairement au texte qui doit être lu et interprété. Instagram est le nouveau réseau social « chouchou » des marques de luxe. En effet, selon le rapport de L2 (Think-tank américain spécialisé dans l’innovation digitale : « Instagram is fast establishing itself as the social network of choice for luxury lifestyle brands because they have inherently visual stories to tell ».70 Au quatrième trimestre 2014, 85 des 100 marques de l’Interbrand possédaient un compte Instagram. 71

Figure 26 : Les 10 marques de luxe les plus influentes sur Instagram le 26 avril 2015, source: List

Totems 70

RIBEIL, T., dir. HOWARD A., Mémoire de fin d’études, Le luxe et les réseaux sociaux. L’exemple d’Instagram, Sciences Po Toulouse, 2013 71 http://www.leparisien.fr/high-tech/les-plus-grandes-marques-communiquent-presque-toutes-sur-instagram-26-01-2015-4482745.php

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L’image de marque est le produit principal et un levier marketing majeur pour les marques de luxe. Elles ont cependant des approches différentes sur Instagram :

· Burberry met en avant son côté « so british » avec des photos de it-girls anglaises et des images de Londres

· Hermès a fait de ses produits la star de son compte Instagram

Comme avec Facebook, certaines marques mettent en place des concours, mais évidemment sur Instagram il s’agit de concours photos. L’une des premières marques à avoir fait ce choix est le groupe d’hôtels de luxe W Hotels avec le hashtag #wdesign : les plus beaux clichés de la communauté ont alors été exposés avec des clichés de photographes. Instagram peut également être utilisé pour dévoiler des contenus exclusifs comme un making-of, les coulisses de la création… Un usage de plus en plus prisé est celui de « carnet de bord » : une personnalité ou un directeur de création publie des photos de son quotidien : ses déplacements, les évènements auxquels il participe, ses inspirations etc. C’est ainsi que Nathalie Colin, directrice artistique de la marque Swarovski utilise son compte Instagram afin de faire le lien avec son blog Wink et proposer un contenu exclusif et intime à ses lecteurs. Les règles d’or d’Instagram72

· Proposer un contenu exclusif et valorisant pour l’internaute · Développer un univers riche et immersif · Faire le lien entre Instagram et les autres plateformes de la marque · Mettre en avant le savoir-faire de la marque ou la brand culture · Trouver un équilibre entre contenus corporate et photos prises sur le vif · Fédérer autour d’un thème fort avec un hashtag dédié · Générer l’engagement de sa communauté grâce à un jeu-concours ou par le

biais de la co-création · Attention aux enjeux légaux liés à l’utilisation des photos

· Pinterest l’inspirant

72 http://fr.slideshare.net/agencedagobert/slideshare-instagram-dagobertdef

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Pinterest possède environ 160 000 utilisateurs actifs en France. Le principe pour les utilisateurs est de « collecter et classer ce qu’[ils aiment] » grâce à des tableaux thématiques sur lesquels ils peuvent épingler leurs propres contenus ou réépingler ceux d’autres utilisateurs. Ce fonctionnement simple a vite intéressé les marques qui sont désormais nombreuses à être présentes sur le réseau. Piqora, un cabinet d’études américain, a conclu que Pinterest a permis de doubler les ventes de certaines marques lors du Black Friday, et même de les tripler lors du Black Monday73. Voici 10 usages qu’elles peuvent faire de Pinterest selon Culture Cross Média :

1. Valoriser les attributs de la marque : c’est ce qu’a fait la marque de télécommunications française Orange avec son tableau « La marque Orange » qui présente de manière design l’identité visuelle de la marque.

2. Développer l’univers de la marque : la marque de sportswear américaine Nike a depuis plusieurs années jeté son dévolu sur la tendance running : elle a ainsi créé un tableau « Motivation » dans Pinterest.

3. Mise en avant des produits : chaque marque peut mettre en ligne ses produits à la manière d’un catalogue. Des liens peuvent renvoyer vers les fiches des produits. Cet usage compte sur l’utilisation « Wishlist » des internautes.

4. Faire le lien entre les différents contenus de la marque, grâce à des épingles cliquables

5. Proposer des expériences originales : la compagnie aérienne low cost EasyJet a décidé d’utiliser ses tableaux miniatures pour souhaiter la bienvenue sur sa page aux internautes.

6. Comme pour Facebook, organiser des concours pour générer de l’interaction et de l’engagement auprès des internautes.

7. Repérer de nouveaux influenceurs et ambassadeurs pour sa marque. 8. Proposer des contenus en apparence désintéressés mais utiles aux internautes :

comme les tutoriels make-up de Sephora par exemple. 9. Une nouvelle tendance : le live-pinning, inspiré du live-tweet, permet de

promouvoir un évènement en direct. Cet usage est particulièrement adapté au monde de la mode.

10. Faire de la veille afin de trouver de nouvelles idées R&D. 5) La vidéo : format de prédilection des Maisons de luxe

Selon Michaela Merk, intervenante à Sup de Luxe, la vidéo serait aujourd’hui le support de prédilection des marques de luxe : riches en brand content, formidables outils de storytelling, elles sont vivantes et facilement reprises et partagées sur les réseaux sociaux. Les marques de luxe génèreraient chacune en moyenne 100 vidéos par an. Il existe aujourd’hui différents supports et différents formats avec des cibles et utilisations spécifiques.

73

1er

jour des ventes de Noël.

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Selon CB News, les vidéos sont le format idéal pour les marques de luxe car elles peuvent aisément passer de la publicité à la créativité : mise en valeur du savoir-faire et de l’héritage de la marque, défilés, tutoriels, éducation du consommateur, sublimation des produits, divertissement, informations, pédagogie … Les possibilités sont nombreuses pour les marques.74 Avec le développement du « multiscreen », c’est aujourd’hui ce format qui a le plus de sens pour donner vie à l’histoire d’une marque et ses produits. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les 100 premières chaînes de marques de luxe cumulent à elles seules 500 millions de vues sur YouTube.75 Selon Arnaud Monnier (directeur du branding de Google France), on serait passé du « broadcasting » au « brandcasting » : c’est-à-dire qu’on est passé d’un système relativement fermé avec un contenu rare à la diffusion large, à un contenu abondant avec une audience qualifiée contrôlée par les marques.76 Voici quelques exemples d’utilisations du format vidéo par les marques de luxe :

74 http://www.cbnews.fr/Info%20CB%20News/luxe-et-creativite-video-du-broadcasting-au-brandcasting-par-arnaud-monnier-directeur-branding-de-google-france--a1016636 75 http://www.cbnews.fr/Info%20CB%20News/luxe-et-creativite-video-du-broadcasting-au-brandcasting-par-arnaud-monnier-directeur-branding-de-google-france--a1016636 76 http://www.cbnews.fr/Info%20CB%20News/luxe-et-creativite-video-du-broadcasting-au-brandcasting-par-arnaud-monnier-directeur-branding-de-google-france--a1016636

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· Vidéos hors-format : décryptage du bad buzz de La Légende de Shalimar

La Légende de Shalimar est une publicité pour le parfum éponyme de la Maison Guerlain. Réalisé par Bruno Aveillan, le film ressemble plus à un véritable court-métrage qu’à une publicité : d’une durée de 5minutes 46, il a été dévoilé au cinéma le 28 août 2013 à la suite d’une véritable campagne de teasing comportant notamment des affiches rappelant les affiches de film, et aurait coûté 4 millions d’euros (une information que la marque n’a jamais confirmée ni infirmée). Si dans un premier temps la publicité passe relativement inaperçue, elle sera la cible d’une série de réactions négatives environ un mois après sa sortie, en septembre 2013, et la marque sera forcée de retirer sa publicité des écrans plus tôt que la date initialement prévue. Si la vidéo semble aujourd’hui toujours l’un des formats de prédilection des maisons de luxe, certaines ne reçoivent pas toujours l’accueil escompté. Décryptage d’un bad buzz. Guerlain est une grande maison française produisant du parfum, des cosmétiques, et des soins de luxe. Elle a été créée en 1828 par Pierre-François Pascal Guerlain, puis rachetée en 1996 par le groupe LVMH. Elaboré en 1921 par Jacques Guerlain, Shalimar et son flacon mythique (dessiné par Raymond Guerlain) sont un des plus grands succès de la maison. Le nom « Shalimar » provient du nom donné par les souverains monghols aux jardins, notamment en Inde ou au Pakistan. Le parfum aux effluves orientales a été créé en hommage à la princesse indienne Mutmaz Mahal, qui a inspiré la construction d’une des 7 nouvelles merveilles du monde : le Taj Mahal. 77 C’est cette histoire que Guerlain a ainsi voulu raconter dans ce court-métrage : l’histoire d’amour entre le sultan Shâh Jâhan et son épouse, Mutmaz Mahal. Son décès tragique en couche aurait inspiré la création en sa mémoire d’un des plus somptueux palais de tous les temps : le Taj Mahal. Le film met ainsi en scène la quête du sultan pour offrir à son amour perdu un somptueux présent, avec l’aide de forces magiques. Durant tout le film, le prince a des flashbacks de sa femme décédée, qui l’accompagne ainsi dans son épopée. A la fin, le palais, véritable comble du luxe, jaillit des eaux, alors que la princesse part à la dérive. Si cette histoire est sans conteste une des plus belles histoires d’amour, elle est en revanche relativement méconnue du grand public. Guerlain a ainsi produit une version « courte », comme une bande-annonce, de 3 minutes, diffusée notamment à la télévision et la version « longue » de 5 minutes 46, diffusée au cinéma et sur internet. Ce film relève plus du luxe que de la publicité, grâce à son esthétique très poussée, sa longueur, sa lenteur, et sa diffusion au cinéma : un média prestigieux, qui possède également un meilleur taux de mémorisation. S’agissant d’un film muet, c’est l’image, mais aussi la musique qui sont les véritables vecteurs du scénario : composée par Hans Zimmer, un des plus grands compositeurs de bandes originales de l’histoire du cinéma, elle aide le spectateur à comprendre les émotions et les sensations, le guide tout au long du film, et pallie à l’absence de dialogues. La première incohérence dans ce film provient malheureusement de son héroïne : Natalia Vodianova, mannequin blonde aux yeux bleus, qui même si elle est l’égérie du parfum depuis des années, n’est pas crédible en princesse indienne. De plus, le film illustre de manière presque manichéenne l’opposition entre le prince et la princesse, l’homme et la femme, en passant du blanc (qui est également la teinte funéraire en Inde) au noir, de l’ombre à la lumière, de la virginité à la combativité. Si les notions centrales du parfum sont bien mises en avant : le désir, l’amour, l’orient, la magie, le luxe, la sensualité, en revanche, son histoire est souvent méconnue, et en étant ici illustrée par des clichés, elle reste incomprise.

77 http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerlain

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Fin Août, lors de son lancement, le film a d’abord reçu un avis favorable, dans la presse féminine notamment. C’est à partir du 24 septembre 2013 qu’un article incendiaire dans le magazine Libération a répandu la polémique comme une traînée de poudre. Seul le Figaro évoque également un sujet épineux : le budget du film, prétendument 4 millions d’euros, une somme jugée indécente en temps de crise. Cette somme n’a jamais été confirmée ni infirmée par la marque. C’est pourtant le même budget que pour l’Odyssée de Cartier, et moins que pour la publicité de Chanel n°5 en 2010 avec Nicole Kidman, qui ont pourtant tout deux rencontré un succès retentissant. Selon Corinne Delattre, directrice de la communication de Cartier, la force de l’Odyssée de Cartier par rapport à La Légende de Shalimar est que le film raconte la réelle histoire de la marque. Pour elle, les marques de luxe sont comme des phares, des repères, et elles doivent toujours rester fidèles à leur style, à leur histoire. Points positifs Points négatifs

· Esthétique et thématiques cohérents avec l’image du produit et de la marque

· Film grandiose et support prestigieux

· Musique exceptionnelle et parfaite traduction des sensations et émotions

· Une égérie connue et reconnaissable

· Histoire relativement méconnue du grand public

· Message incompris, une absence de dialogues qui n’aide pas à la compréhension

· Une égérie en contradiction avec l’histoire (blonde pour incarner une princesse indienne)

· Budget jugé « indécent » pour une publicité · Format long · Scénario ennuyeux · Clichés

· Web-série : la Saint Valentin 2015 avec Cartier et Sonia by Sonia Rykiel

Durant la Saint-Valentin 2015, deux marques s’affrontent sur le terrain de la web-série, avec deux réalisations ambitieuses : The Proposal de Cartier, et Exercices de séduction en milieu urbain de Sonia by Sonia Rykiel. Les deux marques n’ont en réalité pas grand chose en commun : Cartier est une grande maison de luxe spécialisée dans la joaillerie et l’horlogerie, alors que Sonia by Sonia Rykiel est la marque fille de Sonia Rykiel, marque de mode premium. Pourtant en cette Saint-Valentin, les deux marques ont choisi d’étudier la même thématique : l’amour, l’une à travers l’engagement, et l’autre à travers la séduction, et pour cela elles ont choisi des formats semblables : des web-séries composées de 3 épisodes. Pour Sonia Rykiel, il s’agit de 3 épisodes numérotés durant moins d’une minute réalisés par Ludovic Ziuli et présentant des scénarios de rencontres à Paris, dans la rue, ou dans le métro. Des scénarios auxquels toute jeune femme à Paris a déjà été confrontée… mais avec un « twist » audacieux et humoristique. La même actrice (Juliette Lamet) est présente dans les 3 vidéos dont elle est le personnage principal : jeune, belle mais pas parfaite, elle représente bien le mythe de la jeune femme parisienne, et il est facile de s’y identifier. En outre, même si les films restent parisiens par essence, ils pourraient facilement être transposés dans un autre décor et une autre ville. Ces films sont parfaitement adaptés à l’ADN de la marque et à sa cible : la marque fille plus accessible est destinée à des femmes plus jeunes, le contenu audacieux des films présentant une jeune femme libre et leur format, la web série, sont parfaitement adaptés à la génération Y. Cartier est une marque plus statutaire, et cela se ressent dans ces vidéos, au format plus corporate. Corinne Delattre, directrice de la communication, a voulu montrer le côté plus psychosociologique des produits Cartier dans ces films : ces bagues symbolisent des moments uniques dans la vie d’un individu : un mariage, des fiançailles, un remariage… Elle est partie pour cela d’une notion très poétique : le destin. Ces films reprennent ainsi le

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format du film « Babel » avec 3 histoires de 3 couples qui se croisent, car selon Corinne Delattre, la vie d’un individu est marquée par ces rencontres faites au hasard, ces destins qui se mêlent. Après un « trailer » de 6 minutes, la web-série se divise également en 3 vidéos de 2 à 3 minutes présentant 3 scénarios de déclaration d’amour ou de demande en mariage : si on s’éloigne un peu de l’attendu « dîner aux chandelles » avec des lieux plus audacieux (un aéroport, un musée, et un ascenseur), les dialogues sont en revanche très attendus. Si la musique sur-mesure tente de créer un effet de suspense, la longueur des vidéos, en particulier le trailer de 6 minutes, rend l’ensemble assez prévisible et monotone. Entre clichés de Paris, et clichés de l’amour, Cartier présente ici l’amour sous l’angle de la bague de fiançailles, à travers 3 couples et 3 âges, 3 lieux, et surtout 3 modèles de bagues, qui volent presque la vedette aux acteurs. On peut toutefois se demander si le format de la web-série est adapté à la cible : la bague Trinity Ruban, de la scène de l’aéroport, commence à partir de 9500€… pas un engagement adapté à toutes les bourses donc, et en particulier aux 15-25 ans, cible de prédilection de ce type de format. Si les scénarios n’émouvront que les plus romantiques, les bagues en revanche achèveront de convaincre les plus sceptiques. Malgré un succès en demi-teinte, la Maison impose sa suprématie sur le segment des bagues de fiançailles en faisant rêver les femmes du monde entier devant l’éclat de ses diamants. The Proposal : un succès en demi-teinte Exercices de séduction en milieu urbain : les

raisons d’un succès · Clichés de la ville de Paris et de

l’amour · Des scénarios attendus · Un format trop long et monotone

· Des scénarios à la fois originaux et réalistes auxquels on peut s’identifier

· De l’humour et de l’audace · Un format dynamique et efficace

parfaitement adapté à la cible de la marque

· L’exemple de best practice avec Inside Chanel

Chanel a lancé en 2012 une websérie intitulée « Inside Chanel » et présentant l’histoire de la marque. 78Les 12 épisodes appelés « Chapitres » dévoilés à ce jour sont répertoriés sur un mini site-web dédié, mais également sur YouTube et Viméo. Le mini-site immersif est entièrement habillé de noir et blanc, et composé de grandes images et vidéos afin de plonger l’internaute dans l’univers de la Maison.

Figure 27 : Capture du mini-site Inside Chanel, Chapitre 12 : Le Paris de Chanel

78 http://www.lexpress.fr/styles/mode/inside-chanel-l-histoire-de-coco-en-videos_1284704.html

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C’est la 1ère fois que la maison prend le parti de raconter son histoire sur le support digital. 79Au départ, composé de 5 chapitres, Inside Chanel continue d’évoluer avec l’histoire de la marque. Le choix du terme « Chapitre » ainsi que la répétition de l’expression « Il était une fois » tout au long des vidéos rappellent le vocabulaire littéraire, et la volonté de Chanel de raconter une histoire au sens du récit, avec une composante Storytelling extrêmement présente, grâce à une voix off, la dramatisation du ton, des mots clés mis en valeur, et des images d’archives mélangées à des animations modernes et graphiques. Les « Chapitres » : 80 · Chapitre 1 : N°5

Ce premier chapitre ne raconte pas les débuts de la maison mais les débuts de son succès avec la création du fameux parfum Chanel N°5 en 1921. · Chapitre 2 : N°5 et Marilyn Monroe

Ce deuxième chapitre est complémentaire du 1er en retraçant la relation mythique entre la star légendaire Marilyn Monroe et le parfum emblématique de la Maison. · Chapitre 3 : Mademoiselle Chanel et le diamant

Ce chapitre raconte l’incursion révolutionnaire de Gabrielle Chanel dans le domaine de la joaillerie : elle s’est inspirée de ses dons de création pour habiller les femmes de diamants. · Chapitre 4 : La veste

C’est le vêtement emblématique de la marque, créé dans les années 1950, qui a permis le retour de Gabrielle Chanel sur le devant de la scène. L’histoire de sa création a également été racontée dans le film « Reincarnation ». · Chapitre 5 : Coco

Ce chapitre très personnel raconte l’enfance de Gabrielle Chanel, qui a marqué a jamais ses créations. · Chapitre 6 : Mademoiselle

Ce chapitre retrace les rencontres qui ont inspiré Gabrielle Chanel et cite quelques unes de ses muses emblématiques : Misia Sert, et grâce à elle, Cocteau, Stravinsky, Diaghilev, Ravel, Picasso, Dimitri son amant russe, mais aussi Ernest Beaux, futur nez de la Maison, et le duc de Westiminster. · Chapitre 7 : Gabrielle Chanel

Ce chapitre raconte le retour de Gabrielle Chanel à Paris après la fin de la 2e guerre mondiale, son triomphe, ses dernières années solitaires, et sa mort à Paris. · Chapitre 8 : Coco selon Karl

La 2e figure emblématique de Chanel, c’est son styliste star Karl Lagerfeld. Il rend hommage à Gabrielle Chanel en la racontant dans ce chapitre. · Chapitre 9 : Chanel selon Karl

Dans ce chapitre, Karl Lagerfeld définit la Maison Chanel, et notamment son style. · Chapitre 10 : Le Lion

Ce chapitre raconte pourquoi Coco Chanel a choisi le lion comme symbole pour sa maison, mais aussi pour sa dernière demeure. · Chapitre 11 : Les couleurs

79 https://plus.google.com/+CHANEL/posts/TvWrwHRkY4Q 80 http://inside.chanel.com/fr/no5

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Ce chapitre parle des couleurs emblématiques du style de la Maison : le blanc et le noir évidemment, très présents dans l’esthétique d’Inside Chanel, mais aussi le beige, le rouge, et le doré. · Chapitre 12 : Le Paris de Chanel

Ce chapitre retrace les lieux emblématiques parisiens qui ont contribué à l’histoire de la Maison, à commencer par le 5 rue Cambon. Pourquoi ça fonctionne ?

· Déclinaison de tout l’ADN de la marque : couleurs, produits emblématiques, figures iconiques, dates clés, symboles, lieux

· Rencontre entre passé et présent : mélange entre des éléments d’archives, des animations graphiques et un support moderne

· Format : assez court pour ne pas ennuyer l’internaute : entre 2 et 4 minutes par « Chapitre »

· Soin apporté au storytelling et au champ lexical · La marque se transforme en véritable média en créant ses propres contenus et en

prenant la parole sur son histoire

6) Luxe ludique et pédagogique avec l’application Silk Knots d’Hermès

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Selon Brian Solis et Jaimy Szymanski d’Altimeter Group le second écran est aujourd’hui devenu le 1er écran : en effet, en Mai 2014, 60% du temps passé sur les médias digitaux l’aurait été depuis un terminal mobile, et en Novembre 2014, environ 1 achat en ligne sur 4 aurait été réalisé via un mobile. Cependant, le terme « mobile » ne recouvre aujourd’hui pas que le téléphone : parmi les adultes Nord-Américains, 58% possèdent un smartphone, 42% une tablette et 32% une liseuse. Ces nouveaux terminaux s’accompagnent de nouvelles habitudes de consommation : pour accéder à un internet, 30% se serviraient en priorité de la tablette, 29% d’un ordinateur, et 22% d’un smartphone. 81 Depuis la création de l’App Store en 2008, le nombre d’applications mobiles a explosé. Hermès a décidé de surfer sur cette tendance en proposant à ses aficionados plusieurs applications mobiles avec un objectif clair : l’éducation du client par l’amusement. 82 Cette tendance est appelée la « gamification » : elle consiste pour les marques à proposer des contenus sous forme de jeux aux internautes. Selon Eric Briones, directeur du planning stratégique de l’agence Publicis EtNous, cette tendance n’est pas incompatible avec le luxe, bien au contraire : « Luxe et jeux vidéo sont compatibles. Ils sont dans une logique d’esthétique, de superflu. Le jeu est immédiat, c’est un support narratif puissant. Il propose une expérience, on est dans le contenu. ». Un exemple phare de cette tendance est l’application Silk Knots : Hermès a créé cette application avec l’agence Call Me Blondie ! afin de mettre en avant un produit phare de la marque : le carré de soie. L’application, disponible d’abord sur iPhone et iPad, puis sur Android, comprend des tutoriels vidéos présentant différentes manières de nouer les carrés de soie, un catalogue présentant les dernières collections, et une fonction partage afin de diffuser ses carrés préférés sur les réseaux sociaux (ici Facebook, Twitter, et Pinterest). 83

Figure 28 : Capture de l'application Silk Knots, source: My Digital Luxury Galaxy

L’application comprend ainsi un petit jeu : des « lucky cards » se cachent un peu partout dans l’application et l’utilisateur est mis au défi de les découvrir. Ce sont ces « lucky cards », qui existent réellement en dehors de l’application, qui ont inspiré ce concept à l’agence Call Me Blondie.

81http://www.influencia.net/fr/actualites/com-media,media,smartphone-est-il-devenu-premier-ecran,5123.html?utm_campaign=newsletter-s09-24_02_2015&utm_source=influencia-newsletter&utm_medium=email&utm_content=smartphone-est-il-devenu-premier-ecran 82 http://www.mydigitalluxurygalaxy.com/lappli-mobile-tie-break-dhermes-ou-lorsque-le-luxe-rencontre-la-gamification/ 83 http://www.mydigitalluxurygalaxy.com/silk-knots-le-carre-de-soie-hermes-fait-son-numero-sur-mobile/

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Selon Stefan Ilkovics, président de l’agence Call Me Blondie !, l’objectif de l’application était de proposer aux jeunes de nouveaux nœuds originaux pour leurs carrés de soie, sur leur support de prédilection : le smartphone. L’intérêt était aussi de mettre en valeur l’esthétique de la marque, et son côté ludique de manière innovante grâce à une technologie de 3D mapping qui permet aux carrés de bouger avec le microphone. Dans le même esprit, la Maison a sorti peu après l’application Tie Break, qui présente des tutoriels pour réussir un parfait nœud de cravate. Un problème récurrent chez les hommes, ce que la marque a très bien compris. L’application permet également de tester différents modèles de cravates, présentés sous la forme d’images, mais aussi de GIF et mini jeux, et propose même un Store Locator afin de trouver le magasin le plus proche pour acquérir la cravate, qui se trouve être un autre produit phare de la Maison. 84 Les règles d’or de l’application mobile · Proposer un contenu original et exclusif · Un point clé : l’ergonomie : l’application doit être facile d’utilisation, et son

fonctionnement doit être fluide · L’application ne doit pas être une copie du site web : pour cela il y a le responsive

design ! · Un contenu ludique et qui se renouvelle pour fidéliser l’internaute · Un contenu de qualité et tendance pour être en accord avec les valeurs du luxe

C) Nouvelles practices : un écosystème en perpétuelle évolution

Le paysage numérique évolue sans cesse, régulièrement enrichi de nouveaux réseaux sociaux, nouvelles communautés, et nouvelles plateformes qui sont autant de nouveaux vecteurs potentiels de communication pour les marques. Si les marques de luxe adoptent souvent plutôt une attitude méfiante par rapport à ces nouveautés, certaines marques ont eu le courage de se lancer : leurs expériences peuvent aisément constituer de nouvelles sources d’inspiration pour redonner au luxe un petit grain de folie et un supplément d’audace.

1) Snapchat : l’exemple de Spot The Croc de Lacoste

84 http://www.mydigitalluxurygalaxy.com/lappli-mobile-tie-break-dhermes-ou-lorsque-le-luxe-rencontre-la-gamification/

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Comme le montre l’infographie ci-dessus, Snapchat est le nouveau réseau social préféré des jeunes. Très prisé par les générations Y et particulièrement Z, il avait jusqu’à présent été relativement délaissé par les marques de luxe. En Novembre 2014, Lacoste a lancé sa première campagne sur Snapchat : appelée #SpotTheCroc, la campagne consiste en une série de mini-vidéos publiées toutes les 2 semaines pendant 2 mois. Quelques jours avant, la marque avait annoncé sa campagne sur Facebook et Twitter, en expliquant le principe par une vidéo courte, et demandant à ses followers d’ajouter « Lacoste » sur Snapchat. Le principe du concours est simple : les 5 sports phares de la marque (le tennis, le golf, le skate, le slackline, le roller) sont mis à l’honneur dans 5 vidéos courtes à l’esprit très urbain et contemporain, suivant la signature de la marque « Life is a beautiful sport » : dans chaque vidéo se cache l’emblème de la marque : un crocodile. Le but est de trouver ce crocodile avant que la vidéo ne s’efface à tout jamais, de prendre une capture d’écran, et de la renvoyer à la marque par un « snapback ». L’opération a été implémentée dans 4 pays : les Etats-Unis, la France, l’Allemagne, et le Royaume-Uni.

Figure 29 : Animation Lacoste et Snapchat, source : Journal des Femmes

Les 1ers à trouver le fameux crocodile subtilement dissimulé gagnent un bon de réduction de 20% sur leur prochain achat Lacoste.

Chez Lacoste, les réseaux sociaux font partie intégrante de la stratégie de communication digitale. Selon Constance Smith, responsable de la stratégie digitale de la marque, le point de départ était cette nouvelle signature de la marque : « Life is a beautiful sport ». La marque avait avec cette campagne 4 objectifs :

- Interagir avec sa communauté - Inspirer la communauté avec de beaux contenus adaptés à une cible ultra-jeune

sur Snapchat - Innover et maintenir leur position de pionniers en termes de communication - Incarner cette nouvelle signature.

Pourquoi la marque a-t-elle choisi Snapchat ? Il est vrai que la plateforme n’est pas totalement adaptée à la cible de la marque, étant donné que ses utilisateurs ont majoritairement entre 13 et 17 ans, mais Constance Smith souligne qu’il pourrait là s’agir de futurs clients potentiels. De plus, la marque voulait vraiment tester le potentiel de cette plateforme, qui a véritablement explosé aux Etats Unis, tout en mettant en avant la marque de manière qualitative. Pour cela, la marque a fait appel à son agence historique BETC afin de réaliser des vidéos avec des animations. Le bilan de la campagne est plutôt positif : avec 40 000 nouveaux contacts, 5 vidéos, et

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des réactions dans les 2 premières minutes suivant la publication des vidéos, la campagne a également provoqué un véritable buzz dans les médias. La campagne avait également pour but d’accompagner le lancement du nouveau site web de la marque afin de générer du trafic.

Pourquoi ça a fonctionné ? · Principe d’utilisation simple et ludique qui génère facilement de l’engagement · Des contenus en adéquation avec la cible du support : les ultra-jeunes · Une campagne riche en brand content : elle présente les 5 sports de la marque, son

univers contemporain et urbain, et met en avant son symbole : le crocodile · En termes de communication, l’innovation et la nouveauté de cette campagne ont

créé le buzz

Depuis le succès de cette campagne, de nombreuses marques de luxe ont décidé de se lancer sur Snapchat comme Michael Kors, Burberry, Stella McCartney, ou plus récemment Valentino. 85

2) A la conquête de l’Asie avec Line et WeChat

85 http://www.meltyfashion.fr/mode-et-beaute-connectees-quelles-marques-de-luxe-retrouve-t-on-sur-snapchat-a401221.html

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Les clients asiatiques possèdent également leurs propres réseaux sociaux : en Chine par exemple, Facebook est interdit au profit de WeChat. Pour les marques de luxe, le meilleur moyen de séduire ces clients au fort potentiel est de s’exprimer sur ces nouveaux réseaux sociaux aux usages encore méconnus. Montblanc est l’une des premières marques de luxe européennes à s’être lancée sur ces réseaux sociaux d’un nouveau genre avec sa campagne « Big Boss » : lors d’une exposition célébrant les 90 ans de son stylo phare, le Meisterstück, à Shanghai, la marque a créé un jeu sur WeChat, réseau social mobile préféré des chinois, afin d’inviter ses clients à tenter d’accéder au statut ultime de « Big Boss ». Grâce à un dispositif « Online-to-offline » (ou O2O), les followers de la marque ont reçu une invitation personnalisée pour l’exposition. Les QR codes présents dans l’exposition permettent à l’application de compléter l’expérience avec des informations sur les produits exposés. Ensuite les followers votent sur la plateforme pour juger si les autres ont la capacité ou non d’être des « big boss ». 86 · Etude de cas : BURBERRYxLINE

Mais une utilisation réellement innovante de ces nouveaux réseaux sociaux est le partenariat annoncé entre Burberry et le réseau social mobile japonais Line à l’occasion de la Fashion Week de Londres. 87 La marque a utilisé 2 personnages emblématiques du réseau social afin de créer une animation ludique et très « kawaii » (« mignon » en japonais) : l’ours Brown et le lapin Cony.

Figure 30 : Brown et Cony à Londres pour BurberryxLine, source : Line

Les deux marques ont ainsi créé une vidéo montrant les deux amoureux en excursion à Londres : pluie, shopping spree dans le magasin Burberry, les 2 animaux rencontrent également des stars de la mode lors d’un défilé de la Fashion Week : Cara Delevingne, Anna Wintour, Mario Testino, et Christopher Bailey.

86 http://www.marketing-chine.com/chine/strategie-wechat-big-boss-montblanc-decryptee 87 http://www.mydigitalluxurygalaxy.com/burberry-line-decryptage-du-partenariat-luxe-et-digital-de-lannee/

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Figure 31 : Brown et Cony avec Anna Wintour, Christopher Bailey, Mario Testino et Cara Delevingne, source : Line

En plus de cette vidéo d’animation, les stickers des personnages (sortes d’ « émoticones » que les utilisateurs peuvent acheter via l’application et s’envoyer, un peu comme des « smileys ») seront disponibles uniquement au Japon à partir de la mi-Février. Ce dispositif annonce la volonté de la marque de conquérir la clientèle japonaise : pour cela elle a décidé de remplacer les licences par une offre globalisée, mais aussi de faire appel à une marque japonaise pour créer 2 nouvelles licences à destination de la jeune génération : Blue Label et Black Label.88 La vidéo du défilé Automne/Hiver 2015 sera également retransmise en directe à tous les utilisateurs du réseau social. La marque avait été la première à diffuser son défilé en direct sur les réseaux sociaux dès 2010. Pour Line, réseau social japonais récemment globalisé, être choisi par Burberry, une des marques de luxe les plus innovantes dans la sphère digitale est une véritable consécration.

3) Le luxe en musique avec YSL Beauté et Deezer

Depuis son incursion de l’identité de la marque du côté obscur avec le côté très rock d’Hedi Slimane, le secteur de la beauté a également suivi, en prenant entre autre, une nouvelle égérie : Cara Delevigne.

Figure 32 : Cara Delevingne, égérie du mascara "Effet Faux Cils", source : Brand Celebrities

88 http://www.vogue.com/11072199/burberry-line-animation-for-fall-2015-collection/

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La déclinaison de ce nouveau volet identitaire sur une plateforme musicale paraissait donc totalement justifiée. C’est le pari réussi d’Yves Saint Laurent Beauté, avec l’agence Optimedia, en partenariat avec Les Inrocks sur la plateforme de streaming musical Deezer. En février 2015, à l’occasion du lancement du nouveau mascara « Effet Faux Cils » d’Yves Saint Laurent Beauté dans une campagne déjà très rock avec Cara Delevingne89, l’agence Optimedia a décidé de concrétiser le slogan de la campagne « Augmentez le volume, entrez dans la légende », et de s’associer à la sortie du 1000e numéro de l’hebdomadaire culturel Les Inrocks afin de mettre en ligne une playlist « Top 100 » des titres sélectionnés par le magazine. La campagne s’intitule « Montez le volume avec Deezer ». La playlist s’accompagne d’une inapp créée par Deezer permettant d’accèder à des contenus exclusifs Yves Saint Laurent Beauté, et notamment un blindtest permettant de remporter des produits de la marque. 90 L’opération est relayée en retail avec l’intégration d’une webradio « Les 100 titres indispensables des Inrocks » sur le site Nocibé et la distributions de cartes afin d’accéder à la webradio en boutique. Elle est également soutenue par le magazine Grazia qui publie lui aussi une playlist « Indispensables ». 91 Yves Saint Laurent Beauté soigne donc sa brand culture en s’associant aux titres légendaires du rock’n roll. Cette opération peut également faire penser à l’opération de sponsoring Burberry Acoustic qui permet de soutenir de jeunes artistes britanniques en leur permettant de produire des chansons et vidéos afin d’accompagner leurs collections de vêtements, faisant le lien entre le cœur de métier de la marque et sa brand culture. Cette opération a notamment permis de faire découvrir le groupe « The Feeling ». 92

Figure 33 : The Feeling a produit une version unplugged de leur titre "Rosé" pour le lancement du

parfum Burberry Body, source: Pleaz

4) Le nouveau marketing de films avec LinkedIn et Tinder

En 1 an, deux films ont décidé de bousculer les codes du marketing afin de promouvoir leur sortie de manière inédite : Taken 3 et Ex Machina.

89 http://www.strategies.fr/support/autre/1004780/optimedia-pour-yves-saint-laurent-mascara-rock-avec-cara-delevingne-fevrier-0.html 90 http://www.cbnews.fr/marques/yves-saint-laurent-beaute-monte-le-son-avec-les-inrocks-et-deezer-a1017685 91 http://www.ladn.eu/actualites/marque,yves-saint-laurent-monte-volume,30,24850.html 92 https://frontrowpr.wordpress.com/2013/03/27/how-burberry-reclaimed-its-brand/

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Pour cette communication innovante, les deux films ont choisi des plateformes pas habituellement utilisée dans ce cadre afin de les détourner : le réseau professionnel LinkedIn et l’application de rencontre Tinder. Pour la campagne « Particular set of skills » de Taken 3 sur LinkedIn, le film a décidé de mettre en avant la star de ses films : Liam Neeson, qui incarne Bryan Mills, une espèce de super agent secret à la retraite qui ne recule devant rien pour sauver sa famille, y compris utiliser ses talents un peu particuliers (et souvent mortels). Alors pourquoi choisir la plateforme LinkedIn ? Le réseau professionnel est aujourd’hui une référence dans le monde de l’entreprise : il permet de mettre en ligne son CV et de développer son réseau. Il compte aujourd’hui près de 300 millions de membres dans le monde, dont 8 millions en France. Le film a joué sur cet aspect afin de promouvoir sa sortie le 9 janvier 2015 : dans une vidéo de présentation ressemblant à un CV vidéo93, Liam Neeson explique les compétences de son personnage, et énumère ses compétences. Il propose au gagnant d’un tirage au sort de consulter son profil, et de lui réaliser une vidéo de recommandations qui pourra être postée sur son profil LinkedIn : un bon moyen d’attirer l’attention de son réseau mais aussi des potentiels recruteurs.94

Figure 34 : Capture de la vidéo "Particular Set of Skills" avec Liam Neeson, source : YouTube

Le film Ex Machina a choisi le festival South by Southwest95 à Austin au Texas pour faire une promotion d’un nouveau genre : les hommes présents ont pu voir défiler dans leur liste de « matchs » sur Tinder une jolie jeune femme de 25 ans : Ava96. Beaucoup d’entre eux se sont laissés séduire, mais en réalité, Ava n’existe pas : ils ont discuté avec un ordinateur. A la fin de la conversation, si l’utilisateur « a réussi le test » , Ava l’invite à se rendre sur le compte Instagram @meetava, où la supercherie est révélée en détails. Le but était ainsi de prouver l’efficacité des « bots » (robots intelligents) afin de susciter la curiosité des internautes et les inciter à aller voir le film. Cette campagne fait appel à un test scientifique : le test de Turing. Si la machine réussit à se faire passer pour un être humain auprès d’autres êtres humains, elle serait alors considérée comme pensante97. Un pas important pour l’intelligence artificielle.

93 http://youtu.be/535J4gYXsxs 94 http://iletaitunepub.fr/2014/12/17/liam-neeson-investit-votre-linkedin-pour-promouvoir-taken-3/ 95 Festival de musique, cinéma et médias interactifs (source : http://fr.wikipedia.org/wiki/South_by_Southwest) 96 http://www.konbini.com/fr/tendances-2/ava-tinder-south-by-southwest/ 97http://www.konbini.com/fr/tendances-2/pour-la-premiere-fois-intelligence-artificielle-passe-le-test-de-turing/http://www.konbini.com/fr/tendances-2/pour-la-premiere-fois-intelligence-artificielle-passe-le-test-de-turing/

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Figure 35 : Le profil Tinder d' "Ava", source : Konbini

Comment ces nouvelles méthodes de marketing peuvent-elles être adaptées au luxe ? LinkedIn a aujourd’hui repris un attribut de Twitter, autre réseau social apprécié des professionnels : la notion d’ « influenceurs ». Il est désormais possible de « suivre » une personne sans pour autant qu’elle appartienne à son réseau, et ainsi de voir ses publications apparaître dans son fil d’actualités. De plus, de nombreuses marques de luxe possèdent une « page » sur LinkedIn, un groupe leur permettant de rassembler leurs collaborateurs présents sur le réseau, mais aussi des candidats potentiels intéressés par la marque, et de poster des offres d’emplois. Dans le domaine du luxe, c’est L’Oréal qui s’est récemment servi du réseau social professionnel. Après l’obtention du titre de « RH digitales » de l’année 2014, la marque a créé un site externe « Are you in ? ». La marque qui possède 300 000 abonnés sur LinkedIn propose alors à des candidats intéressés par l’entreprise de se rendre sur ce site et de choisir l’adjectif qui leur correspond le mieux parmi une liste d’adjectifs commençant par « in » (inspiring, intuitive…) puis de se décrire en une phrase qu’ils pourront partager sur le réseau. Selon Frédérique Scavannec, directrice internationale du recrutement, le site aurait déjà enregistré plus de 6000 « selfies professionnels » : une preuve indéniable de l’attractivité de la marque.98

Figure 36 : Capture du site "Are You In?" de L'Oréal, source : L'autre Média

98 http://www.lautremedia.com/blog/medias-sociaux/luxe-social-media/

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Quant à Tinder, si l’application de rencontres a bien un point commun avec le luxe, c’est la séduction : égéries glamour, rêve, esthétique… Toutefois, garde à respecter la vie privée des clients. S’immiscer dans la vie amoureuse des clients peut paraître intrusif. Cependant la nouveauté permet de créer le buzz.

5) De nouvelles sources d’inspiration dans les projets collaboratifs

L’adage dit « Le client est roi ». Si l’avis du client est cher aux entreprises qui n’hésitent pas à réaliser sondages et études pour s’assurer que leurs produits seront bien accueillis, certaines ont décidé d’aller plus loin et de répondre directement aux attentes du client en le plaçant au cœur du processus de création. C’est ce que l’on appelle la co-création ou encore le crowdsourcing. Selon Wikipedia, il s’agit de « l'utilisation de la créativité, de l'intelligence et du savoir-faire d'un grand nombre de personnes, en sous-traitance, pour réaliser certaines tâches traditionnellement effectuées par un employé ou un entrepreneur. »99 C’est ce qu’a fait Auchan avec Quirky : cette plateforme collaborative américaine permet aux internautes de proposer des idées de nouveaux produits. Les meilleures idées sont ensuite produites et vendues. L’inventeur peut alors toucher jusqu’à 40% des bénéfices sur l’idée qu’il a déposée ou à laquelle il a contribué.100

Figure 37 : Le produit le plus vendu de Quirky: le Pivot Power, source: L'Express

eYeka est également une start-up française spécialisée dans la co-création. La marque Coca-Cola a fait appel à la communauté pour sa communication à plusieurs reprises , proposant notamment aux internautes d’interpréter la marque en tant que « Energizing Refreshment ». 101 La co-création peut-elle constituer une nouvelle source d’inspiration pour les marques de luxe ? C’est le modèle sur lequel est basée la start-up française Dymant créée par David Klingbeil. C’est une communauté de 300 artisans qui travaillent pour les maisons de luxe les plus prestigieuses. Ils travaillent ici en étroite collaboration pour produire des objets originaux en série ou réaliser des commandes uniques pour des clients exigeants. La start-up a ainsi produit des coques pour iPhone en marbre avec le concours d’un artisan marbrier, ou d’autres objets personnalisables et poétiques comme un jeton de décision ou encore un sablier qui peut arrêter le temps.

99

http://fr.wikipedia.org/wiki/Crowdsourcing 100

http://lentreprise.lexpress.fr/marketing-vente/quirky-la-future-boite-a-idees-d-auchan_1516388.html 101

https://fr.eyeka.com/contests/6101-coca-cola-energizing-refreshment/results

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Figure 38 : Jeton de décision, source : Présentation Dymant

Sur l’idée d’une cliente, la start-up a également produit un écrin précieux et unique pour… un pot de Nutella. La start-up a ainsi pour objectif d’offrir le véritable luxe à ceux qui ont déjà tout grâce à l’excellence de ses artisans et aux idées originales de ses clients.

D) Nouvelles technologies : quand virtuel et réel se complètent

Cette partie regroupe des innovations dans le domaine de la communication mettant en valeur l’ADN de marque (que ce soit de luxe ou de grande consommation) mais aussi des nouvelles technologies utilisées dans d’autres domaines (notamment le retail) que l’on pourrait adapter à la communication. Cette partie comporte une part de spéculation sur l’avenir de ces technologies : il ne s’agit là que de tendances récentes, il est difficile de savoir à l’heure actuelle si elles perdureront sur le moyen/long terme ou si elles s’évanouiront commme elles sont venues. Buzz ou véritable révolution ? Elles peuvent en tout cas venir enrichir la relation complexe entre luxe et innovation dans le futur et l’expérience client, et méritent d’être approfondies.

1) L’arrivée des drones : le défilé Fendi

Le drone est un aéronef commandé à distance ou autonome principalement utilisé dans le cadre militaire. Aujourd’hui, cette technologie a été adaptée à l’usage civil, et il existe des drones utilisé dans d’autres industries, notamment équipés de caméras et appareils photos permettant de prendre des photos et vidéos avec de nouvelles perspectives sans l’usage d’un hélicoptère par exemple. Il existe même désormais des drones en vente dans le commerce. C’est un de ces drones qu’a utilisé l’agence de communication spécialisée dans les marques de luxe Victor ! afin de réaliser certains plans du film « De la genèse à la dégustation » pour la marque de caviar Kaviari. L’agence s’est rendue en Chine et a fait appel à un des meilleurs pilotes de drones du pays pour filmer les fermes d’esturgeons d’en haut, offrant aux amateurs de caviar une nouvelle perspective sur la marque. 102 En 2014, la marque italienne Fendi s’est associée à Google et Parrot (une marque produisant des drones) afin d’utiliser les drones dans un cadre nouveau : la Fashion Week.103

102 http://www.victor-paris.com/portfolios/kaviari-video-de-la-genese-a-la-degustation/ 103 http://www.webandluxe.com/02/2014/fashion-week-fendi-propose-le-1er-defile-filme-par-des-drones/

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Des AR-Drones ont été utilisé afin de filmer le défilé Automne/Hiver 2014 de la marque lors de la Fashion Week de Milan sous une nouvelle perspective spectaculaire, et le retransmettre en direct aux fans de la marque.

Figure 39 : Drone Fendi du défilé Automne/Hiver 2014/2015, source: Web and Luxe

Une vidéo making-of montrant la mise en place de ce projet a également été mise en ligne sur le site « Fendi Life », plateforme interactive et évolutive qui propose des contenus exclusifs de la marque. 104 Cette initiative innovante a fait sensation sur internet et les réseaux sociaux, et a permis à la marque de commencer à se façonner une identité digitale, aujourd’hui indispensable pour rester une marque de luxe à la pointe de la tendance et de l’innovation.

2) Hologrammes : le défilé Ralph Lauren

L’hologramme est une projection d’une image en 3 dimensions dans l’espace.105 Si l’utilisation de cette technologie n’est pas si nouvelle que ça, elle reste en revanche très rare, en particulier dans l’industrie du luxe. C’est le créateur Alexander McQueen qui a adapté cette technique à l’industrie de la mode en premier, dès 2006, en créant une robe holographique pour le top model Kate Moss lors d’un défilé de la marque.106 En 2011, c’est ensuite Burberry qui a utilisé les hologrammes lors d’un défilé très médiatisé à Pékin : des mannequins en hologrammes défilaient sur le podium avec de réels mannequins.107 En 2014, la marque américaine Ralph Lauren a fait sensation en utilisant les hologrammes en décor de son défilé Printemps/Eté 2015 à Central Park. Des invités triés sur le volet étaient acheminés à Cherry Hill en voiturette de golf pour assister à l’évènement. De vrais mannequins mélangés à des mannequins holographiques défilaient devant un impressionnant écran de 18m de haut sur 45m de large. Au fur et à mesure de la collection, tantôt casual, tantôt pop, tantôt bohème, le décor en 4 dimensions changeait, montrant différents endroits de la ville de New York (du pont de Brooklyn, à Manhattan en passant par le bord de mer) présentant différentes ambiances et démontrant tout le potentiel de la collection. 108

104 http://www.mydigitalluxurygalaxy.com/le-defile-de-fendi-filme-par-des-drones/ 105 http://fr.wikipedia.org/wiki/Hologramme 106 http://www.influencia.net/fr/actualites/in,innovations,hologrammes-envahissent-defiles-mode,2069.html 107 http://www.influencia.net/fr/actualites/in,innovations,hologrammes-envahissent-defiles-mode,2069.html 108 http://www.mydigitalluxurygalaxy.com/le-defile-holographique-en-4d-signe-ralph-lauren/

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Figure 40 : Extrait du défilé Printemps/Eté 2015 de Ralph Lauren, source : My Digital Luxury Galaxy

Cet impressionnant décor, qui aurait pu voler la vedette aux modèles de la collection, permettait en réalité d’ancrer les tenues dans un contexte, et d’apporter un véritable supplément d’imaginaire à la collection. Un spectacle à la hauteur des prévisions du créateur qui avait annoncé une « surprise mêlant mode et technologie ». Ce défilé soulève plusieurs questions : est-ce là une avancée majeure de la dématérialisation ? Les hologrammes vont-ils, d’ici quelques années, venir remplacer les mannequins physiques ? D’autre part, après le défilé Burberry en « Click-to-buy » retransmis en direct et qui permettait d’acheter les modèles qui défilaient directement sur internet en simultané, le défilé Fendi filmé par des drones, et désormais le défilé Ralph Lauren en hologrammes, un défilé peut-il encore être innovant sans comporter une dimension digitale ?

3) Luxe et réalité augmentée : l’exemple de l’application Make Up Genius de L’Oréal et de l’expérience Astral Skeleton de Roger Dubuis

Et si … nous n’avions plus besoin de nous déplacer en boutique pour tester les produits ? C’est désormais possible avec l’application Make Up Genius de L’Oréal, un des exemples les plus aboutis de réalité augmentée accessible au grand public. L’application, en téléchargement gratuite sur l’App Store, permet d’essayer n’importe quel produit de la marque directement sur son visage grâce à la caméra avant de son smartphone. Il faut tout d’abord calibrer son visage dans un cercle à chaque ouverture de l’application, qui détecte ensuite automatiquement les yeux, lèvres et joues, même sur un visage en mouvement. On peut aussi essayer le produit en boutique en scannant son code barre. 109

109 http://www.loreal-paris.fr/makeup-genius.aspx

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Figure 41 : Etape 1 : on calibre le visage, source : L'Oréal Paris

Figure 42 : Etape 2 : on choisit les produits, source : L'Oréal Paris

Figure 43 : Etape 3 : on peut observer le résultat sur son écran, comme un miroir, source : L'Oréal

Paris

Cette application reproduit le principe de la technologie de miroir virtuel EZ Face110 :

110 http://www.ezface.com

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Figure 44 : Technologie EZ Face, source : EZFace

La marque de prêt-à-porter Memomi est allée encore plus loin en adaptant cette technologie au retail, mais aussi à l’ensemble du corps, afin de proposer une expérience client unique lors des essayages : plus besoin d’essayer toutes les couleurs et tous les modèles, grâce à la réalité augmentée, le miroir breveté Memomi reflète l’image d’une robe de couleur différente selon les envies de la cliente, même en mouvement. 111

Figure 45 : Capture de la vidéo de présentation du miroir virtuel Memomi, source: Memory Mirror

Si la réalité augmentée est une véritable opportunité pour la digitalisation des points de vente et l’amélioration de l’expérience client à domicile comme en boutique, comment cette technologie peut elle être utilisée pour mettre en valeur l’ADN de la marque ? Lors du SIHH 2015 à Genève, Roger Dubuis, jeune Maison horlogère suisse ultra-innovante récemment rachetée par le groupe Richemont, a décidé de plonger les visiteurs dans une expérience unique. Si le stand de la marque, le plus étonnant du salon avec une sorte de « squelette » noir le traversant de part en part, et des lumières dignes des plus grands films de science fiction, était déjà un véritable moment d’évasion en soi, la marque a en plus décidé de proposer aux visiteurs d’être véritablement immergés dans l’ADN de la marque grâce à un casque et des lunettes Oculus Rift. L’utilisateur, assis par un membre de l’équipe sur un canapé, était même mis en garde : la traversée peut être mouvementée. Pendant quelques instants, le visiteur se trouve au milieu d’une galaxie, et a véritablement l’impression de flotter dans l’espace. Partout autour de lui se trouve une véritable constellation des mouvements emblématiques de la Maison, seule manufacture horlogère certifiée 100% poinçon de Genève. La bande son renforce cette impression de

111 http://memorymirror.com

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« désorientation sensorielle »112. Un moyen idéal pour la jeune Maison de marquer les esprits tout en respectant l’esprit innovant et pionnier de la marque. En prime, en souvenir de cette expérience, un membre de l’équipe prenait une photo des visiteurs avec casques et lunettes et leur envoyait par mail.

Figure 46 : Visiteurs en train de vivre "The Astral Skeleton Experience", source: GettyImages

Fabergé a également utilisé la réalité virtuelle pour réaliser avec Harrod’s une vitrine exceptionnelle pour les fêtes de Pâques et magnifier son produit emblématique : l’œuf. Jusqu’au 21 avril, la Maison exposait dans les vitrines de l’illustre magasin londonien un œuf virtuel d’1m50 de haut. L’œuf évolue et explose régulièrement sous les yeux ébahis des passants, projetant des débris virtuels sur les vitrines.113 Pour que les projections soient même visibles à la lumière du jour, JustSo et Projection Artworks ont utilisé des projecteurs 200 fois plus puissants que la normale.

Figure 47 : L'oeuf virtuel géant de Fabergé, source: L'ADN

4) Luxe et objets connectés

· Les objets connectés : opportunité ou menace pour les marques de luxe ?

112 http://www.rogerdubuis.com/fr/news-events/2513-roger_dubuis_astral_skeleton_shines_at_sihh_2015.html 113 http://www.ladn.eu/actualites/marque,oeuf-faberge-magnifie-par-realite-virtuelle,30,25966.html

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Un objet connecté est, par définition, connecté à internet de manière directe (wifi, bluetooth…) ou indirecte (via un smartphone, une tablette, un ordinateur). Les informations qu’il recueille sont enregistrées dans le cloud, puis traitées, transmises, comparées.114 Il existe 3 secteurs sur le marché des objets connectés115 :

1. Le « quantified self » : études de données personnelles du corps humain pour les domaines de la santé et du sport, cela recouvre notamment les « wearable technologies » c’est-à-dire les technologies « qui se portent » par exemple les bracelets et montres connectés.

2. Le quotidien connecté : La domotique (électroménager connecté…) ou les voitures connectées.

3. Le monde extérieur connecté : des capteurs sur le lieu de travail, dans les magasins ou même dans la rue.

Selon CB Insights, le marché des wearable technologies seul a augmenté de 1,4 milliards de dollars au cours de ces 5 dernières années116 : c’est une tendance que les marques de luxe ne peuvent donc plus ignorer. Pourtant ce nouveau marché et le marché du luxe possèdent deux contradictions majeures :

- Les acteurs de ce nouveau marché ne sont pas les maisons de luxe, mais plutôt les acteurs du marché des nouvelles technologies comme Intel, Apple ou Withings. Mais comme ces deux marchés en apparence contradictoire ont la même cible : les CSP + qui sont par ailleurs ultra-connectées, ces acteurs n’hésitent pas à intégrer une dimension luxueuse dans leurs objets connectés, en utilisant par exemple des métaux précieux (comme de l’or pour la Apple Watch, ou des pierres semi-précieuses) ou en faisant appel à des artisans du luxe (designers, tanneurs et même horlogers suisses pour Withings). 117

- Ces deux marchés se conjuguent avec 2 temporalités diamétralement opposées : si le luxe aime la lenteur, l’attente, l’artisanat, des objets durables qui se transmettent, les objets connectés donnent des informations en temps réel, et souffrent du syndrome de l’obsolescence programmée.

Certaines marques de luxe ont cependant déjà osé se lancer : - Ralph Lauren a sorti à l’occasion de l’US Open 2014 son premier polo connecté en

collaboration avec OM Signal118. La marque a également lancé un sac Ricky connecté permettant d’y brancher son smartphone pour le recharger.

- Burberry, marque pionnière dans le digital, a lancé un think tank sur les wearables appelé « What if group ».119

Figure 48 : Polo connecté Ralph Lauren, source : Piwee

114 http://lareclame.fr/112718-dossier-innovation-objets-connectes 115 http://lareclame.fr/112718-dossier-innovation-objets-connectes 116

CB NEWS, Spécial Luxe, Décembre 2014 117

CB NEWS, Spécial Luxe, Décembre 2014

118 http://lareclame.fr/112718-dossier-innovation-objets-connectes 119 http://lareclame.fr/112718-dossier-innovation-objets-connectes

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Alors quelles sont concrètement les opportunités qu’offrent les objets connectés pour les marques ? Elles s’étendent à plusieurs domaines :

- L’innovation produit et service - Le retail - La data - La relation client - Le e-commerce - Les relations publiques

Par exemple, certaines marques ont déjà créé des applications pour les objets connectés : l’application 10 permet de piloter une GoPro via Bluetooth. Les objets connectés et les données qu’ils collectent pourraient également être utilisés pour réaliser de nouvelles formes de ciblage publicitaire. Il s’agit dans tous les cas d’éviter le « Shiny Object Syndrome » : créer un objet connecté uniquement pour suivre la tendance est inutile, il doit présenter une réelle valeur ajoutée pour la marque ou le client. 120 · Montres connectées : les maisons horlogères vont-elles réinventer leur ADN ?

Luxe et objets connectés sont-ils donc forcément incompatibles ? Selon Natacha Dzikowski, Présidente de TBWA Luxury Arts, seul le temps sera en mesure de répondre à cette question : « Les marques de luxe sont arrivées tard sur le digital. Les objets connectés les intéressent énormément, car création et innovation sont au cœur de leur métier. Mais elles regardent la sphère technologique avec du recul et ne veulent pas faire les frais d’une adoption prématurée de ces techniques. Elles ont par exemple attendu l’arrivée du haut débit et de Flash avant de proposer des sites web marchands capables de reproduire la théâtralisation des produits des produits en boutique. Elles vont attendre de voir si l’Apple Watch est un succès avant de faire de l’horlogerie connectée. » 121 Dès l’annonce de la sortie de la montre d’Apple, de nombreux débats sont venus remettre en cause l’avenir de l’Horlogerie traditionnelle. Si la Apple Watch, dont l’utilité génère encore un certain scepticisme, n’a pas grand-chose d’une montre si ce n’est qu’elle donne l’heure et se porte au poignet, elle a en revanche été traitée dès son lancement comme un véritable produit de luxe : révélation en grande pompe dans le concept store parisien Colette, au design ultra poussé, et disponible dans des matériaux précieux, son prix peut s’élever jusqu’à 17 000€. De plus Apple montre sa volonté de se rapprocher du segment de l’horlogerie en poursuivant le label « Swiss Made » et en présentant par exemple un bracelet ultra-innovant dont les maillons peuvent se clipper entre eux sans vis, très facile à régler, et que même la Fondation de la Haute Horlogerie lui envie. L’horlogerie suisse est-elle une nouvelle fois passée à coté d’une innovation, comme à l’époque du développement du quartz ? C’est pourtant le groupe Swatch qui avait lancé la première montre connectée il y a des années. Comment la marque à la pomme a-t-elle eu la légitimité de lancer la première véritable montre connectée ? Selon Dominique Cuvillier, qui a écrit un livre où il réalise une audacieuse comparaison entre Apple et Hermès, ce qui fait la puissance d’Apple, c’est son côté californien « cool et libertaire », sa « rationalité, simplicité, lisibilité, efficacité et [son] pouvoir imaginaire » mais aussi un biorythme spécifique qui fait qu’elle sait quand lancer des produits révolutionnaires. A Sup de Luxe, durant les conférences « Grands Témoins », les questions fusent : la Apple Watch, menace ou opportunité pour les maisons de Haute Horlogerie ? Selon Monsieur Bensoussan, directeur de la section Horlogerie et Joaillerie du groupe Kering, il s’agirait plutôt d’une opportunité : la Apple Watch pourrait redonner à la jeune génération l’habitude de porter un objet au poignet. Richard Mille semble corroborer

120 http://lareclame.fr/112718-dossier-innovation-objets-connectes 121 CB NEWS, Spécial Luxe, Décembre 2014

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cette hypothèse en arborant lors de son intervention une montre Richard Mille à un poignet et un bracelet connecté à l’autre : deux poignets pour deux usages ! Ce lancement a en tout cas provoqué une réaction de la part des maisons de Haute Horlogerie : si certaines ont décidé de se replier sur leur ADN originel et de miser sur des complications toujours plus sophistiquées et l’excellence de leurs savoir-faire, d’autres ont pris le part de réinventer leur ADN et de se lancer elles-aussi dans l’aventure connectée. C’est le cas de Tag Heuer, qui a annoncé dès le mois de septembre vouloir lancer prochainement son propre chronographe connecté. C’est la maison Montblanc qui a trouvé une solution entre-deux intéressante : la marque a présenté lors du Salon International de la Haute Horlogerie son très attendu modèle e-Strap. Ce n’est pas juste une montre connectée : il s’agit en réalité d’une montre au mouvement mécanique traditionnel, avec toute l’excellence du mouvement Montblanc, mais avec une innovation majeure : à la place du fermoir, on trouve un boîtier connecté, le système « e-Strap ». Si l’Apple Watch ne marche évidemment qu’avec un système d’exploitation iOS, le e-Strap peut, lui, également se connecter à Android. Il possèdera un moniteur d’activité suivant la tendance de la santé connectée, mais aussi un déclencheur de caméra à distance etc.

Figure 49 : la nouvelle montre Montblanc avec bracelet e-Strap, photo prise lors du SIHH 2015

Mais au SIHH, on a aussi assisté à un véritablement surpassement de l’horlogerie traditionnelle : de l’horlogerie joaillière avec, par exemple, le lancement du nouveau « Serti vibrant » de Cartier, mais aussi du segment ultra-luxe avec le modèle féminin à très hautes complications de Richard Mille RM 19-02. Créée en quelques exemplaires seulement, cette montre était déjà en rupture de stock dès sa révélation au SIHH. En or blanc, rose, ou sertie de diamant, ses prix s’échelonnent entre 700 000 et 1,1 millions de dollars. La particularité de cette montre, appelée « Tourbillon Fleur », est son tourbillon, caché à l’intérieur d’une fleur de camélia, qui est révélé une fois par heure, ou peut être actionné manuellement. La fleur, entièrement peinte à la main, fait de chaque modèle un modèle unique.

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Figure 50 : Richard Mille, modèle RM 19-02 "Tourbillon Fleur"

A BaselWorld, l’horlogerie connectée est omniprésente, révélateur de l’influence du lancement de la montre connectée d’Apple, qui est évidemment de la partie.122 La marque Breitling en a profité pour lancer son chronographe connecté : la B55 Connected. Avec un système basé sur la communication bidirectionnelle, la marque mise sur un chronographe connecté et une application smartphone en complémentarité123 avec un chronographe d’une grande précision dont les fonctionnalités peuvent être activées en wifi. Souvent utilisée dans le domaine aéronautique, la marque bénéficie d’une grande crédibilité pour lancer ce modèle à la professionnel et utilitaire. Si le thème fait débat, pour Jean-Daniel Pasche, président de la Fédération de l’industrie horlogère, il ne s’agirait que d’une tendance relativement minime, qui représente 5 millions de modèles par an contre environ 1,2 milliards de montres horlogères. De plus, il rappelle que la montre Apple souffre également de certaines critiques, concernant notamment son étanchéité, ou encore son autonomie.

5) Digitalisation du point de vente

Selon une étude de Forrester et Demandware, 43% des clients accordent plus de confiance à un vendeur assisté d’un dispositif connecté à internet.124 C’est ce que l’on appelle la digitalisation du point de vente : l’équipement des magasins et des vendeurs d’objets connectés afin d’améliorer l’expérience client. Cela peut avoir plusieurs finalités125 :

- La découverte des produits et l’immersion dans l’univers de la marque - L’aide au choix du produit - L’aide à l’achat – avec ou sans le concours d’un vendeur - La fidélisation - Le service après vente

Un des exemples les plus répandus est l’utilisation d’iPads en boutique : cette tablette tactile design est très facile d’utilisation et invite à la curiosité. Elle permet de mettre l’utilisateur au centre de l’expérience de vente. La marque japonaise Issey Miyake utilise des iPads dans son flagship store japonais afin de

122 http://journal.hautehorlogerie.org/fr/article/lhorlogerie-connectee-sinvite-a-baselworld/ 123 http://www.mydigitalluxurygalaxy.com/la-maison-horlogere-suisse-breitling-lance-son-chronographe-connecte/ 124 http://www.ecommercemag.fr/Thematique/cross-canal-1009/Breves/Tribune-Maitriser-evolution-luxury-retail-ere-digitale-252516.htm 125 http://fr.slideshare.net/agencedagobert/tablettes-les-usages-outstore-et-instore-pour-les-marques

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présenter les différentes créations en 3D et de raconter au client le processus de création.126 Net-à-porter a mis en place une vitrine interactive : grâce au logiciel « Aurasma », le smartphone ou la tablette peut scanner et trouver le produit sur le site sans QR Code.127 Burberry a été l’une des premières marques à équiper ses vendeurs d’iPads : ceux-ci viennent remplacer les catalogues et inventaires en temps réel, afin de commander les tailles et modèles manquants avec le client.128 Selon Michaela Merk, il y a deux enjeux principaux à la digitalisation du point de vente avec la multiplication des canaux de vente (e-commerce et magasins)129 :

- La gestion des stocks - La gestion des données client

Rebecca Minkoff et eBay vont plus loin que le simple iPad en employant les nouvelles technologies au service de l’expérience client dans le flagship newyorkais de la marque : il s’agit d’un miroir interactif, qui possède de multiples fonctionnalités afin de personnaliser au maximum l’expérience d’achat. Grâce à ce miroir on peut : demander de nouveaux modèles et de nouvelles tailles, trouver des pièces pour compléter un look, mais aussi commander une boisson, ou encore baisser la luminosité dans la cabine d’essayage. Le miroir permet également de demander l’aide d’un vendeur : cela prouve que malgré ces nouvelles technologies, l’humain n’est pas forcément évincé.130 L’expérience la plus aboutie est celle de l’Inspiration Corridor de Klépierre et Digitas LBi : mis en place dans un centre commercial, ce couloir interactif invite le client par une alerte sur mobile. Lorsque le client entre dans le couloir, grâce à une technologie de body scanning, son sexe, son âge, sa taille, et même ses couleurs préférées sont évaluées. On lui propose des articles pour accompagner ses derniers achats, le client peut faire sa sélection et vérifier la disponibilité des articles en temps réel. Ensuite, son panier est synchronisé sur son mobile et il est guidé à travers le centre commercial afin d’aller réaliser ses achats. Cette expérience ludique et expérientielle fonctionne comme un véritable « personal shopper » virtuel. 131

Figure 51 : Inspiration Corridor, source : Klépierre

126 http://fr.slideshare.net/agencedagobert/tablettes-les-usages-outstore-et-instore-pour-les-marques 127 http://fr.slideshare.net/agencedagobert/tablettes-les-usages-outstore-et-instore-pour-les-marques 128 http://fr.slideshare.net/agencedagobert/tablettes-les-usages-outstore-et-instore-pour-les-marques 129 http://www.ecommercemag.fr/Thematique/cross-canal-1009/Breves/Tribune-Maitriser-evolution-luxury-retail-ere-digitale-252516.htm 130 http://www.we-love-entrepreneurs.com/new-york-rebecca-minkoff-et-ebay-sassocient-pour-digitaliser-lexperience-client-en-magasin/ 131 http://www.digitaslbi.com/fr/etudes-de-cas/francecase-studies/inspiration-corridor-/

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6) Luxe et big data

Selon IBM, « Chaque jour, nous générons 2,5 trillions d’octets de données. A tel point que 90% des données dans le monde ont été créées au cours des deux dernières années seulement. Ces données proviennent de partout : de capteurs utilisés pour collecter les informations climatiques, de messages sur les sites de médias sociaux, d'images numériques et de vidéos publiées en ligne, d'enregistrements transactionnels d'achats en ligne et de signaux GPS de téléphones mobiles, pour ne citer que quelques sources. Ces données sont appelées Big Data ou volumes massifs de données. »132 Avec les nouveaux outils numériques, ces données, souvent jugées indispensables pour améliorer l’expérience client dans le domaine du retail, peuvent être traitées beaucoup plus facilement et rapidement. Mais comment cette intelligence numérique peut elle être adaptée à l’industrie du luxe ? 133 Google a déjà démontré les avantages de cette méthode en termes de personnalisant en permettant notamment à ses utilisateurs de faire des recherches en fonction de mots-clefs mais surtout en fonction de leurs habitudes de consommation. British Airways propose un service similaire à ses usagers « Premium » : grâce à leur historique de voyages, la marque leur propose une frise chronologique et des infographies des pays visités.134 Le groupe de luxe LVMH utilise le big data afin de fidéliser ses clients en leur proposant des expériences uniques en fonction de leurs préférences.135 En quelques années, le big data s’est vraiment développé : en 2015, il est au cœur du débat, comme le prouvent les chiffres : en 2014, 43% des entreprises ont un projet big

data contre seulement 7% 2 ans plus tôt selon une étude du cabinet IDC.136 Si le luxe n’a pas particulièrement de retard dans ce domaine, l’usage des données

collectées varie sensiblement d’une entreprise à l’autre : - L’Oréal collecte principalement des données nominatives lors des achats sur ses

sites e-commerce - Vestiaire Collective utilise ses données pour renforcer sa communauté etc.

Pour l’agence Publicis 133, le big data a fait exploser le ciblage par groupes socio-économiques, CSP etc. au profit d’une segmentation de plus en plus complexe et de plus en plus personnalisée.137 Le problème actuel est aussi le manque de compétences en interne, qui rend la collecte et l’analyse de ces données encore hasardeuses. Christophe Biget conclue ainsi son compte-rendu du 3e MeetUp Decoded Fashion : « on retiendra qu’en matière de Big Data, la réussite passe avant tout par l’humain, la stratégie, mais aussi et surtout une qualité d’exécution exceptionnelle … mais n’est ce pas cela le luxe ? »138 Les enjeux du big data :139

· Ne pas abandonner le côté émotionnel du luxe au profit d’une analyse froide et

chiffrée

· Comment recueillir les données de clients exigeants et très sollicités

· Faire le lien entre les différents supports de collecte de données

· Une nouvelle forme de CRM qui peut permettre un traitement quasiment sur-

mesure

132 http://www.ibm.com/software/fr/data/bigdata/ 133 http://www.maddyness.com/prospective/2015/02/17/luxe-data/ 134 https://www.linkedin.com/pulse/20141119140530-208726-big-data-et-luxe-une-alliance-contre-nature 135 https://www.linkedin.com/pulse/20141119140530-208726-big-data-et-luxe-une-alliance-contre-nature 136 Baromètre IDC Big Data Index, septembre 2014 137 https://www.linkedin.com/pulse/20141119140530-208726-big-data-et-luxe-une-alliance-contre-nature 138 https://www.linkedin.com/pulse/20141119140530-208726-big-data-et-luxe-une-alliance-contre-nature 139 http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/la-data-nouvelle-icone-du-luxe-462756.html

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7) Luxe et impression 3D

Imaginez… un monde où il suffira d’appuyer sur un bouton pour avoir le produit de ses rêves… comble du luxe et de l’instantanéité. Ce monde, c’est peut-être demain. Avec la dernière campagne de communication du whisky Suntory, réalisée par l’agence TBWA Hakuhodo+Hakuhodo, cela semble déjà possible : elle met en scène des glaçons aux formes artistiques, sculptés grâce à une imprimante 3D, allant du temple traditionnel japonais à la guitare électrique. Cette campagne fut baptisée avec humour « 3D on the rocks ».

Figure 52 : Extrait de la campagne de Suntory Whisky "3D on the rocks", source : TBWA Worldwide

De la même manière, on pourrait bientôt choisir n’importe quelle couleur trouvée sur internet et imprimer chez soi sa propre ombre à paupière ou son propre rouge à lèvres… C’est le pari fou de Mink : suivant la tendance du « do it yourself » et faisant face tantôt au manque de choix, tantôt au prix élevé des produits de beauté, Grace Choi, jeune entrepreneuse américaine d’origine coréenne et diplômée d’Harvard, espère lancer d’ici fin 2015 une imprimante 3D qui permettra, pour moins de 200$ et en y intégrant les formules et composants présents dans tous les cosmétiques de luxe comme d’entrée de gamme, et des encres spéciales reprenant les 4 couleurs des imprimantes classiques, d’imprimer son propre maquillage chez soi. Un outil comme Photoshop permettra d’importer n’importe quelle couleur depuis internet dans un logiciel capable de la transformer en formule de maquillage et de l’imprimer depuis son ordinateur personnel.140 Grace Choi, convaincue par son produit, est persuadée qu’il représente l’avenir de l’industrie cosmétique et peut même inciter les jeunes femmes à s’intéresser davantage au progrès technologique.141

Figure 53 : Ce à quoi devrait ressembler la version commercialisable de Mink, source: TechCrunch

Nike, marque leader dans le sportswear, a déjà imprimé sa première semelle en 3D dès 2013, ce qui lui a permis de créer une nouvelle génération de crampons pour le football, grâce à une technologie spécifique : le frittage sélectif par laser. 142 Nike montre une fois de plus son statut de chef de file, et espère bientôt être en mesure de commercialiser de tels modèles, imprimés en 3D.

140 http://techcrunch.com/2014/05/05/mink-is-a-3d-printer-for-makeup/ 141 http://www.businessinsider.com/grace-choi-mink-2014-9?IR=T 142 http://www.tomsguide.fr/actualite/nike-impression-3D,20330.html

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Figure 54 : Première semelle imprimée en 3D par Nike, source: Tom's Guide

Dans le secteur du luxe, et plus particulièrement de la Haute-Couture, c’est le créateur Julien Fournié qui fait figure d’avant-gardiste en s’associant aux projets de recherche du Fashion Lab de Dassault Systèmes afin de créer une collection entière de chaussures appelée « Première Pulsion ». On a pu apercevoir ces chaussures, conçues entièrement en numérique, sur les podiums à Paris le 8 juillet 2014 lors du défilé Couture Automne-Hiver 2014/2015 à l’occasion de la semaine de la Haute-Couture. La collection est composée de 4 modèles classiques : des baskets, ballerines, derbies, et sandales à talon, toutes conçues grâce à un logiciel d’imagerie 3D143.

Figure 55 : Une sandale à talon de la collection "Première Pulsion" de Julien Fournié, source :

FashionLab

Cette innovation met-elle en danger le processus de création ou encore l’artisanat et les métiers d’art en faisant appel à de nouveaux savoir-faire ? Il s’agit en revanche d’une expérience exceptionnelle proposée au client dans les boutiques de la marque, en l’invitant au cœur même du processus de création, grâce à la 3D digitale et la réalité augmentée. Selon Jérôme Bergeret, directeur du Fashion Lab de Dassault Systèmes, ce projet symbolise plutôt l’avenir de l’industrie de la mode, et va forcer les marques à remettre en question le modèle actuel : « Nous souhaitons intervenir à chaque étape du processus de création : du talent du créateur à l’expérience des consommateurs. L’exemple d’une collection de chaussures montre notre vision de l’avenir de la mode en général, tout en sachant qu’il sera possible, à terme, de l’adapter à n’importe quel segment, de la joaillerie à l’horlogerie jusqu’à la maroquinerie et au vêtement ». On pourrait même imaginer, d’ici quelques années, être capables d’imprimer des bijoux à partir de métaux précieux, ou encore des odeurs, comme s’amusait à l’envisager le

143 http://fashionlab.3ds.com/experience-3d-fashion-avec-julien-fournie-2/?lang=fr

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parfumeur visionnaire Francis Kurkdjian. Il serait même question d’achever la construction de la mythique Sagrada Familia grâce à l’impression 3D144… Affaire à suivre.

8) La fin du papier ?

Avec l’avènement du web 2.0 et des nouvelles technologies, le papier traditionnel, les livres et les magazines, est-il toujours d’actualité ? Aujourd’hui, les iPad ont parfois remplacé les magazines, et les tablettes Kindle les livres. De plus en plus d’entreprises, dans une démarche soucieuse de l’environnement, sont passées au « no paper ». Les étudiants ne notent plus comme autrefois leurs cours sur des cahiers ou des feuilles volantes mais sur des ordinateurs portables ou des tablettes tactiles. Pourtant selon Aurore Domont, directrice du Figaro Médias, le papier est toujours un enjeu majeur en termes de prestige et de statut, en particulier pour les marques de luxe. En effet, les marques de luxe représenteraient la moitié du chiffre d’affaires de la régie du Figaro Médias, soit un équivalent de 2000 pages de publicité par an. La marque la plus prolifique serait Louis Vuitton avec pas moins de 97 pages l’année dernière. De plus, les monotones publicités papier traditionnelles ont également été touchées par le progrès : QR codes, puces intégrées, réactions au toucher, ou encre luminescente, certaines marques ont déjà commencé à utiliser le papier du futur. Il peut en effet présenter de nombreux avantages par rapport au papier traditionnel :

- Il peut l’enrichir, en proposant plus d’informations, comme des vidéos et des sons - Il peut l’actualiser, en permettant la mise à jour des informations en temps réel - Il peut permettre une interaction entre la marque et le client - Il peut raconter l’histoire de la marque différemment.145

Voici plusieurs exemples d’utilisations récentes de cette nouvelle génération de papier qui pourraient être adaptées à l’univers du luxe :

· Volkswagen

Volkswagen a voulu montrer que ses voitures ne sont pas seulement au top de la qualité et de la sécurité, mais aussi de l’innovation avec une annonce presse faisant appel au papier connecté. Dans la publicité se trouvait une puce 3G de 500 Mo qui permettait au lecteur de se connecter en wifi : quand le lecteur ouvrait le magazine à la bonne page, la puce s’allumait avec un petit voyant bleu.146

Figure 56 : Campagne presse Volkswagen wifi, source: Siècle Digital

· Motorola

144 http://www.konbini.com/fr/inspiration-2/imprimantes-3d-achever-sagrada-familia/ 145 http://siecledigital.fr/2014/12/le-papier-connecte-le-livre-et-le-magazine-du-futur/ 146 http://siecledigital.fr/2014/12/le-papier-connecte-le-livre-et-le-magazine-du-futur/

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Pour son nouveau téléphone moto x, la marque a réalisé une annonce presse qui permettait de changer la couleur du téléphone en touchant simplement des pastilles de couleur présentes sur la page.147

Figure 57 : Campagne moto x de Motorola, source : Siècle Digital

· C&A

La marque de prêt-à-porter C&A et le magazine de mode brésilien Contigo ont créé le 1er « like » sur magazine. En plaçant un pictogramme « J’aime » comme celui de Facebook sous chaque modèle, la marque permettait au lecteur de voter directement sur le magazine. L’information est stockée dans une puce, et retransmise au magasin de Sao Paulo où le total s’affiche sur un panneau digital. 148

Figure 208 : C&A et Contigo "Fashion Like", source: Siècle Digital

147 http://siecledigital.fr/2014/12/le-papier-connecte-le-livre-et-le-magazine-du-futur/ 148 http://siecledigital.fr/2014/12/le-papier-connecte-le-livre-et-le-magazine-du-futur/

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Conclusion

Le digital est une formidable opportunité pour les marques de luxe : il offre autant de possibilités que de gènes dans leurs ADN souvent complexes et différents. Accessible, ludique, rapide, multiforme, il permet au luxe de s’adresser directement à ses clients, d’entretenir ses communautés, de les divertir, les instruire, et les faire rêver. Mais c’est aussi un écosystème en perpétuelle évolution : s’il permet aux marques de renouveler sans cesse leur communication, il les oblige également à rester sur le qui-vive, tant elles sont en permanence menacées par cette obsolescence programmée, et ont besoin de rester à la pointe de la tendance sous peine de tomber dans l’oubli. Il est indispensable pour une marque de luxe de toujours réfléchir à son ADN de marque avant de se lancer sur une plateforme nouvelle par simple opportunisme. Un faux pas peut défaire une marque, mais le risque s’avère parfois payant, comme le prouve l’exemple de Burberry, marque pionnière sur le terrain du digital, qui a réussi grâce à ses opérations audacieuses à s’ériger en quelques années au rang de marque de luxe. La principale difficulté de ce mémoire a été de sélectionner les informations et les exemples : depuis son écriture, il existe peut être même déjà des exemples plus récents, plus spectaculaires, plus révolutionnaires ! Chaque jour, il y avait de nouvelles campagnes qui auraient pu y être ajoutées, mais il a également fallu décider d’arrêter de taper. Ce mémoire, à la manière d’une étude de tendances, n’est donc pas exhaustif, il s’inscrit dans une époque, et pourrait être régulièrement repris et complété. Sélectionner les exemples signifie également identifier quelles sont les tendances passagères et quelles sont celles qui sont appelées à durer : nous n’avons à l’heure actuelle pas encore assez de recul pour savoir si la montre connectée, par exemple, va s’ériger au rang de nouvel accessoire indispensable, ou rester un gadget. Peut être qu’Apple va réussir la même prouesse qu’avec l’iPad en inventant à son Apple Watch de nouveaux usages qui pourront être adoptés par tous. Le digital s’infiltre de plus en plus dans tous les moments de la vie quotidienne : est-ce que cette intrusion croissante va finir par provoquer la lassitude des internautes ? Comment savoir quand le digital va trop loin ? En conséquence, il existe une autre tendance forte, concomitante au développement accéléré du digital : le « digital detox ». En effet, pour certaines personnes hyperconnectées, frappées du syndrome FOMO (Fear of Missing Out : peur de rater quelque chose), internet est devenue une nécessité professionnelle, voire une véritable addiction, à tel point que certaines d’entre elles frisent parfois l’overdose, le « burn out ».149 Certains hôtels et thalassos ont ainsi prévu dans leur menu un programme « digital detox » : avant le repos et les soins relaxants, la première étape est d’abandonner son smartphone, sa tablette ou son ordinateur à l’entrée, enfermés pour plusieurs jours dans un coffre fort.150 Aux Etats-Unis, il existe même depuis quelques années une « journée de la déconnexion » : le National Day of Unplugging. Comment cette tendance se manifeste t-elle dans les Maisons de luxe ? Si certaines sont aujourd’hui maitresses sur le terrain de l’innovation, d’autres privilégient plutôt un retour aux sources. Pour certaines, cela se traduit par un retour à leurs valeurs originelles, telles que l’artisanat, ou la tradition. Dans un monde où les imprimantes 3D réinventent la manière dont les objets sont conçus, le «comment » de leur fabrication a-t-il encore une importance ? La notion d’artisanat est-elle devenue rétrograde, obsolète, au profit d’une machine aujourd’hui plus fiable que l’humain ?151 Les Maisons qui protègent les savoir-faire se font aujourd’hui rares, mais sont extrêmement valorisées : c’est le cas de Chanel, ou

149 http://www.influencia.net/fr/actualites/com-media,audace,dessine-moi-drogue-numerique,5342.html 150 http://www.lemonde.fr/m-boulot-reseau/article/2015/03/10/digital-detox-le-jeune-des-hyperconnectes_4590846_4498015.html 151 French Chamber of Commerce in Great Britain, INFO, The magazine for Anglo-French Business, Luxury & Craftsmanship, January/February 2015

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encore Hermès, qui sont aujourd’hui considérées comme 2 des plus grandes Maisons de luxe françaises. Chanel, véritable garant de l’artisanat français a ainsi acheté 11 Maisons leaders dans des métiers d’exception depuis 1985 : Lesage, spécialiste dans la broderie, Lemarié, spécialiste dans les plumes, fleurs ou couture, ou encore la Maison Michel, chapelerie d’exception etc152. Hermès aussi protège et promeut les métiers rares : faisant appel aux gantiers de Saint-Junien depuis des décennies, la Maison a finalement décidé de racheter la ganterie en 1998. Le 24 Faubourg croit en la technologie, mais uniquement afin de faciliter le processus de fabrication.153 Hermès fait également un véritable pied-de-nez à l’accélération digitale en 2015 avec son nouveau thème de communication institutionnelle : la flânerie, un véritable éloge du temps suspendu et de la lenteur de la fabrication artisanale. 154 Les Maisons célèbrent également l’artisanat, mais aussi les expériences vécues et non virtuelles à travers des expositions, comme le Festival des métiers à la Saatchi Gallery réalisé par Hermès en 2013, Jean-Paul Gautier au Grand Palais ou Jeanne Lanvin au Palais Galliera en 2015, ou encore les Journées Particulières LVMH, qui chaque année célèbrent les savoir-faire du groupe en ouvrant ses ateliers au public lors d’une journée exceptionnelle. Certaines marques ont également pris le parti de mélanger les 2 et d’exploiter une forme de complémentarité entre expérience réelle et virtuelle : The Westin Paris organise ainsi un concours photo sur Instagram afin de dénicher la plus belle photo d’espace vert de la capitale, un bon moyen d’inciter ses clients à quitter leur ordinateur au profit du grand air.155 Finalement, et si c’était prendre le temps le nouveau luxe ?

152 http://www.businessoffashion.com/community/voices/discussions/how-can-traditional-craftsmanship-survive-in-the-modern-world/chanel-saviour-savoir-faire 153 French Chamber of Commerce in Great Britain, INFO, The magazine for Anglo-French Business, Luxury & Craftsmanship, January/February 2015, p. 36-37 154 http://www.beautydecoder.com/hermes-art-flanerie-eloge-temps-suspendu-inspire-communication/ 155 http://www.influencia.net/fr/actualites/tendance,luxe,digital-detox,4586.html

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Annexes

1) Réponses d�Anouk Marty (Sonia Rykiel)

2) Réponses de Stefan Ilkovics (agence Blondie)

3) Réponses de Raphaël Malka (My Digital Luxury Galaxy)

4) Extrait du Livre Blanc « Luxe & Brand content » (pages 20 à 43)

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Réponses mail Anouk Marty Directrice artistique et responsable content Sonia Rykiel

- Quels éléments de l�identité de la marque (histoire, symboles, savoir-faire, valeurs, produits emblématiques) avez vous voulu mettre en avant ? La femme rykiel est une parisienne de saint-germain-des-prés, c�est à dire intelligente, cultivée, joueuse, désirable et impertinente. Elle sait ce qu�elle veut. Pour son homme et son entourage, elle est un remède anti-morosité. Madame rykiel à ecrit beaucoup de livres dont un dictionnaire où l�on y trouve beaucoup d�adjectifs qui décrivent la femme rykiel et qui incarnent également la femme sonia by, je me suis inspirée de trois adjectifs pour écrire les histoires : insolente-voleuse-allumeuse. - Comment avez vous réalisé les vidéos ? Nous avions tourné en 1er la scène de la danse à saint germain des près avec juliette et ludovic de manière spontanée pour un autre projet. Elle a reçu un très bon retour en interne donc nous avons libérer du budget pour pouvoir la refaire avec un vrai budget et imaginer d�autres histoires de séduction. J�ai alors proposé avec juliette et ludovic de continuer ce projet avec nous, de filmer d�autres exercices de séduction dans paris. Ludovic est représenté chez frenzy une boite de production qui nous a donc aidé pour la prod. Avec une équipe légère pour que cela reste authentique et pas trop contrôle. Et pour bouger facilement dans paris et le métro. - Comment avez vous sélectionné les acteurs ? Nous avions eu un coup de c�ur il y a un an pour juliette qui adore la marque depuis qu�elle est jeune. Nous lui avions donc proposé des shootings photos pour notre fanzine rive droite rive gauche et dès que l�occasion s�est présenté pour la vidéo, nous l'avons rappelé. C�était important pour nous de rester cohérent avec notre image de marque, juliette est alors devenu une sorte d�égérie pour cette saison. Pour les hommes, j'ai fouillé dans mon entourage, des amis. Pour l�homme au téléphone, ludovic s�est prété au jeu. C�est lui l�acteur. - Comment l'idée vous est-elle venue? Quelles ont été vos sources d'inspiration? Nous avions besoin de redéfinir la fille sonia by, moins estudiantine plus femme, plus sexy, et de l�inscrire dans paris. D�où les lieux (très parisien). J�avais envie depuis longtemps de parler de la séduction, de manière décalé et impertinente, les termes qui définisse le mieux la marque. Je me suis donc inspirée de certain films français de la nouvelle vague, de woody hallen, et de matthew frost : Ca va vite, c�est catchy, c�est contemporain, ça parle des femmes, ça les sublime, et il y a beaucoup d�amour et d'humour. - Quelles sont les technologies que vous avez utilisées ? Caméras ? Réalisateur ludovic zuili Actrice juliette lamet Prod frenzy - Pourquoi avoir choisi ce format ? Que pensez-vous que ce format puisse apporter aux maisons de luxe ? Nous sommes dans une société zapping, les gens ne prennent plus le temps de regarder des clips de 3 min en entier sur internet. Le format court (1min max) est devenu indispensable. Comme si nous avions des contraintes de pub tv, être le plus compréhensible et impertinent en peu de temps. Une logique de pub. Mais le plus important et d�avoir une bonne chute pour laisser une bonne ou mauvaise impression aux consommateurs, qu�ils réagissent, qu�on les touche, qu�ils partagent et en parlent. - Comment avez-vous sélectionné les musiques ?

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La musique, ce sont les choix du réal ! Nous avons les mêmes goûts musicaux ça tombait bien. - Et pourquoi ne pas faire plus de promotion? Faire plus de promotion exige de l'argent, un vrai budget de campagne, que nous n'avons pas pour sonia by qui est la seconde ligne de sonia rykiel. Nous avons juste débourser de l'argent pour nowness (player vimeo) car c'est une belle platforme pour les video d'art. Et un peu d'achat sur facebook (player facebook particulier). Notre player youtube est le moins vu, je te l'accorde. Elles ont été également mises par stratégie sur dailymotion.

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Réponses Stefan Ilkovics Président de l�agence Blondie

- Which elements of the identity of the brand (history, symbols, know-how, values, main products - here of course the silk scarves) did you wish to underline with this project? Aside from the obvious, (the aesthetics,�) One of them is the playfulness of the brand. The lucky cards, for example, appear at random times offering unexpected content. A strong brand, is when users use the same adjectives to describe their experience, no matter what the touchpoint was. - What was the original demand of the client? They had noticed that many of the younger generations of customers had only a very limiter repertoire of knots for their scarf. A repertoire we wanted to expand using the tools they are most accustomed to > The mobile phone. - Why did you choose this format (mobile app)? What do you think this particular format can bring to the luxury brands? I don't think using, or not, mobile apps is a question specific to luxury brands. Each digital touchpoint (social medias, desktop sites, mobile sites, mobile apps,..) has advantages and disadavantages. For each project one should start by clarifying the objectives of the endeavour, than choose which digital touchpoints are the most suited. In this case, even if it is an app, it does have a social, and "web" presence. We all use several digital touchpoints, even to reach the same brand; so no matter how "mobile centric" or "desktop centric" the project is, it still needs to address the others. All projects live in digital ecosystems, and thus have to take them into account. - How did you have the idea ? What were your sources of inspiration ? There where real cards that existed. That was our starting point. we then imagined how digital could improve the experience. I don't beleive in divin inspiration. Just work hard, AND SMART (always question your methods). - Which technologies did you use? iOS, and Android (for the second version of the app) of course. Then some very ingenious 3D mapping to make the scarves move with the microphone

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Réponses Raphaël Malka Freelance digital focus Luxe, fondateur du blog « My Digital Luxury Galaxy »

Quelle est selon vous la définition de « l�ADN de marque » ? Comment se manifeste t-il ? > Selon moi, l'ADN d'une marque représente littéralement le patrimoine génétique de cette dernière, c'est à dire l'ensemble de ses composantes internes et immatérielles qui ont participé à sa définition et à son évolution. l'ADN ne comporte donc pas uniquement ce que la marque était à un instant T lors de sa création, elle doit également prendre en compte toutes les périodes clés de son histoire, tout ce qui a permis à la marque d'être ce qu'elle est aujourd'hui. L'ADN d'une marque se manifeste donc à travers les valeurs, les codes et l'univers qu'elle désire transmettre aux consommateurs. Le noir et blanc fait partie de l'ADN de Chanel. L'ultime sophistication fait partie de l'ADN de Dior. Le voyage fait partie de l'ADN de Louis Vuitton. Etc. Pour vous, le fait que les maisons de luxe reviennent de plus en plus à leur ADN original dans leur communication est-il contradictoire avec leur développement dans la sphère digitale ? > Pour moi, aucune contradiction même si je ne suis pas sur d'avoir bien compris la question. Qu'entendez-vous par "reviennent de plus en plus à leur ADN original". De mon point de vue, les maisons de luxe s'appliquent depuis toujours à rester fidèles à leurs valeurs. Il y a bien sûr eu des écarts pour certaines d'entres elles mais en règle générale, les grandes maisons gardent une cohérence dans leur communication. Sur le digital, je ne vois pas pourquoi il en serait autrement. Cette dualité passé/présent que les marques de luxe ont toujours cultivé fait donc sens au sein de la sphère digitale. Exemple intéressant : la web série Inside Chanel. Quelles sont selon-vous les meilleurs exemples d'alliance luxe digital ? Pourquoi ? > Il y a des marques de luxe qui se distinguent sur le digital. Parmi elles, Louis Vuitton, Burberry, Piaget, Roger Dubuis. Le digital revêt de nombreux domaines, la communication, le e-commerce, le mobile, le digital in store... Louis Vuitton semble mener une stratégie efficace sur les réseaux sociaux, avec l'emploi d'un ton particulier, une diffusion de contenus cohérents, une présence réfléchie sur plusieurs réseaux sociaux. Quant à Burberry, la marque se montre extrêmement innovante et est parvenue à tisser de solides ponts entre digital et physique, allez voir leur flagship à Regent Street, c'est assez saisissant. Roger Dubuis mène une stratégie sur Youtube très intéressante grâce à des web séries très percutantes pour annoncer leurs nouveautés. Les campagnes #HELLOEXTRAORDINARY" et "The Astral Gateway" sont des beaux exemples. Quelles sont selon vous les clefs d�une alliance luxe/digital réussie (vous avez récemment écrit un article sur les 4 « E » du marketing digital, pouvez-vous développer) ? > A mon sens, une stratégie digitale n'est jamais réellement réussie étant donné la nature mouvante et variable du digital. Une marque "successful" sur le digital est une marque qui parvient à se remettre continuellement en question pour s'adapter aux nouveaux usages sans se dénaturer pour autant. Burberry est un bel exemple. Il n'y a pas de modèle type de stratégie digitale réussie. Chaque marque mérite une stratégie digitale qui lui est propre. Pour réussir, deux mots d'ordre : Sens et cohérence sur l'ensemble des points de contacts.

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Brand content

Le contenu s’appuie sur l’épaisseur symbolique, historique ou artistique de la marque : l’exploration de la marque donne des occasions de création de contenu pour en exprimer les valeurs, l’ambition, la richesse,etc.

Branded content

Une marque s’associe avec un contenu (le plus souvent préexistant) avec lequel on estime qu’elle a des affinités ou des proximités.

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POURQUOI LE LUXE AIME LES CONTENUS ?

1. Qu’est-ce que le brand content ?Cet article est une version enrichie d’une interview croisée donnée à Darkplanneur par Daniel Bô et Matthieu Guével.

La création de contenu éditorial par les marques est devenue en quelques années un levier de communication extrêmement important, en complément des messages publicitaires, des RP ou de l’organisation d’événements. Les marques s’efforcent de présenter leur univers à travers une création éditoriale toujours plus diversifiée, qu’il s’agisse de courts-métrages, de livres, de clips vidéos ou de modules interactifs conçus sur le modèle des contenus culturels.

Les marques de luxe possèdent un capital émotionnel fort, idéal pour créer des contenus attractifs, propres à faire rêver, à susciter le désir. Elles recèlent donc un potentiel éditorial rare qu’elles commencent tout juste à exploiter : histoire de la marque, identité profonde et singulière, savoir-faire, art de vivre…

Daniel Bô : Le brand content désigne un contenu éditorial créé, ou largement influencé par une marque. Lorsqu’une marque a une épaisseur symbolique, historique ou artistique suffisante, elle peut devenir le socle de création d’un contenu original, sous forme de courts-métrages, de documentaire, de livres, de programmes variés. A partir de ce moment, la marque se pense elle-même comme éditrice de contenu, avec une ligne éditoriale et une offre de programmes.

Le brand content se distingue du branded content, qui correspond à une logique de parrainage ou d’association avec un contenu préexistant et qui existe depuis très longtemps. En brand content, la marque assume un véritable rôle d’éditeur, elle finance et fabrique un contenu souvent à partir de son propre fonds, parfois jusqu’à devenir une marque média (le magazine Colors pour Benetton est un exemple). Les moyens d’expression offerts par l’Internet ont eu pour effet de démocratiser le statut d’éditeur, et ont joué en faveur de l’essor du brand content. Bien sûr il peut y avoir des situations hybrides, mais cette distinction permet de mieux comprendre les choses. Louis Vuitton vend désormais en librairie et dans ses boutiques des « City guides de voyage ».

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Le brand content se distingue du message publicitaire. L’objectif du contenu consiste moins à transmettre un message ou une information – même si c’est important aussi – qu’à proposer une expérience éditoriale forte, qui va impliquer le consommateur et être suffisant attractive pour que celui-ci vienne s’y exposer de lui-même. L’état d’esprit est très différent. Il ne s’agit plus non plus de se concentrer sur les exigences de clarté, de répétition ou de couverture, visant à encourager l’acte d’achat : l’enjeu consiste à proposer une expérience enthousiasmante à un public. Evoquons entre autres les courts métrages réalisés par Olivier Dahan pour Cartier ou par l’artiste chinois Yan Fudong pour la campagne printemps-été 2010 de Prada.

Le brand content désigne un champ très vaste, à l’intérieur duquel plusieurs techniques et plusieurs langages peuvent coexister. Le storytelling par exemple peut être une façon de faire du brand content. Il s’agit de mettre en scène les valeurs de marques par le biais d’un récit. En laissant libre cours à ses émotions, le consommateur comprend mieux la marque et se rapproche d’elle. Mais la création de contenu peut se faire par d’autres biais et utiliser d’autres langages : il ne s’agit pas seulement de raconter une belle histoire, mais de renseigner sur l’origine d’un produit ou les savoir-faire de la maison.

Matthieu Guével : Pour bien comprendre ce qu’est le brand content, par-delà la diversité des contenus effective-ment créés par les marques, les supports utilisés, et les objectifs poursuivis, on peut souligner trois caractéristiques essentielles communes à toutes les opérations de brand content :

Le contenu de marque apporte quelque chose, il a une valeur en soi

Le contenu de marque est un objet de communication qui a une valeur intrinsèque : soit il divertit le public, soit il lui apprend quelque chose, soit il l’aide dans ses activités. Et ceci indépendamment de l’acte d’achat. Le brand content est une forme de brand utility.

Lorsque le contenu est diffusé gratuitement auprès du public pour répondre à des objectifs de communication, il prend la forme d’un don. Sa valeur intrinsèque pourrait justifier qu’il soit vendu, comme le magazine Colors ou les City guides Louis Vuitton. Mais, dans la grande majorité des cas, la relation marchande cède le pas à une relation construite sur un autre type d’échange. En 1923-1924, dans son Essai sur le don, l’anthropologue Marcel Mauss7 a montré comment le don institue une dynamique de l’échange « gratuit » et appelle un « contre-don ». Le don fait à quelqu’un crée une espèce d’obligation morale chez cette personne qui, se sentant redevable, sera conduite à effectuer un don à son tour. Tout se passe comme si une marque donnait un contenu afin de mettre le public en situation de se sentir reconnaissant, voire redevable, jusqu’à acheter ensuite les produits de la marque.

Le contenu de marque est une communication « rayonnante »

La publicité traditionnelle est souvent obligée de se focaliser sur un aspect du produit essentiellement, car il faut transmettre un message dans des conditions de temps et d’espace limité : on ne peut pas s’étendre sur les qualités ou l’intérêt d’un produit ; il faut aller à l’essentiel et convaincre rapidement.

7 Marcel Mauss, Essai sur le Don, Puf, collection Quadrige 2007.

La logique de création de contenu est différente : la marque a plus de temps pour se présenter, et surtout, si elle souhaite, proposer un contenu réellement intéressant, elle ne peut pas parler uniquement d’elle-même et de son nombril, aussi beau soit-il.

Il lui faut se resituer dans un ensemble plus vaste qui la dépasse et lui donne sens. La communication s’efforce de placer le produit ou la marque dans un système complet, un sous-ensemble culturel. On prend un objet, un bijou par exemple, et on le fait rayonner en racontant une histoire autour de ce bijou, en créant un monde autour de lui, un univers créé pour la marque (c’est ce qu’a fait Van Cleef & Arpels avec sa collection narrative Une Journée à Paris).

Le contenu de marque s’adresse à l’individu comme une personne, pas uni-quement comme un consommateur

Enfin, avec le contenu, la marque cherche à toucher l’individu comme personne et pas seulement comme consom-mateur : comme père de famille, comme citoyen, amateur d’art… Bref, en proposant des films, des documentaires ou des rédactionnels, la marque s’adresse d’abord à une personne inscrite au carrefour de divers univers affectifs et intellectuels. Plus exactement, c’est en la touchant comme personne qu’on va la toucher comme consommateur. Bien évidemment les consommateurs savent parfaitement décrypter ces contenus offerts gratuitement comme des « dons », et ne sont pas dupes de l’intention mercantile des contenus éditoriaux fabriqués ou financés par les marques. Mais ils aiment aussi se sentir valorisés, ils aiment établir avec la marque des relations de connivence, de fidélité et d’affinité culturelle qui vont au-delà de la seule relation marchande.

2. Pourquoi le luxe est-il à la pointe du Brand Content ?

DB : Les marques de luxe sont naturellement dans une logique de création de contenus : leurs propres produits sont issus d’un travail créatif, elles travaillent avec des artistes, aménagent leurs vitrines comme des installations et conçoivent le shopping comme une activité culturelle. Les marques fortes sont des réservoirs de contenus. Et les marques de luxe ont souvent un potentiel éditorial qui ne demande qu’à être exploité : raconter l’histoire de la marque, réaliser un documentaire sur les tours de main de la maison, l’origine d’un parfum, etc. Les belles marques font partie de notre imaginaire collectif et peuvent aussi faire valoir leur regard sur l’histoire récente, sur l’évolution des arts et techniques, la sensibilité du goût. Une marque comme Christian Dior est parfaitement légitime pour raconter le Paris de l’immédiat après-guerre à partir de ses archives, comme certaines marques automobiles sont les mieux placées pour sensibiliser aux progrès de la technologie.

MG : Le monde du luxe entretient des rapports étroits avec le monde de l’art et de la culture, et cette proximité constitue un levier unique pour éditer et proposer des contenus culturels. Consommer du luxe ne consiste pas seulement à acheter des produits : c’est participer à un état d’esprit, à une expérience culturelle. Acheter une valise Vuitton, c’est adhérer à une « certaine idée du voyage ». Cette idée, cette expérience, il faut que les marques puissent la faire vivre avec des contenus autour de leurs produits : des guides, des minis films, des fichiers audio, des livres d’art, etc.

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Christian Poulot ali

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odalogue »

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Une montre de luxe recèle des raffinements mécaniques extrêmes, elle renferme des années de savoir-faire et requiert un art consommé dans l’assemblage des pièces, mais aussi toute une réflexion sur le rapport de l’homme au temps. La publicité ne donne pas toujours les moyens de s’y attarder, le brand content si. C’est une autre façon de faire rêver.

La création de contenu suppose un double effort, un double « saut mental » de la part des marques. Les experts du marketing soulignent abondamment qu’une marque ne se réduit pas aux produits qu’elle vend. Il faut opérer un premier saut mental et passer de la gamme de produits à la « mission » de la marque, à son ambition dont les produits ne sont qu’une des manifestations possibles. De même faut-il opérer un deuxième saut mental et passer de la « mission » de la marque à sa « ligne éditoriale »,ou plus exactement transcrire la mission de la marque en programmation culturelle. Les marques de luxe sont souvent les mieux préparées à ce type d’exercice car le luxe ne s’est jamais limité à la vente d’objets, il renvoie naturellement à une ambition supérieure, qui se traduit plus spontanément en offre de contenus attractifs.

3. Quelles sont les vertus stratégiques du brand content pour une marque de luxe ?

DB : La création de contenu éclaire et renforce la stratégie d’une marque de luxe en tant que stratégie de l’offre. Les marques de luxe ne cherchent pas à répondre à un besoin mais à construire et proposer un univers et une identité qui soit suffisamment forte et attractive pour intéresser le consommateur. Tout part de la marque. La création de contenus est un moyen unique pour les marques de luxe de donner corps à cet univers pour captiver et impliquer le consommateur.

Le brand content est un « vecteur de communication » inégalé, qui permet aux marques de luxe de dévoiler et de mettre en valeur la richesse de leur savoir-faire et de leur histoire. Antoine Lacroix de chez Van Cleef and Arpels le souligne clairement : « Une maison comme Van Cleef a plus de 100 ans de savoir-faire et d’excellence avec beaucoup de qualité des métiers d’art. Et tout cela reste caché. La presse n’en parle pas. Peu de gens ont accès à nos secrets. Internet nous donne la capacité de faire émerger le contenu. Toute la densité de la marque trouve un vecteur de communication qui n’existait pas avant. »

MG : Il y a aussi la dimension d’initiation et d’éducation des nouveaux clients qui est stratégique pour le luxe. Ce n’est pas toujours évident de comprendre pourquoi un sac vaut 5000 euros plutôt que 50 euros, un bon vin 300 euros ou 3000 euros plutôt que 7,50. Il faut avoir l’œil, être initié, en un mot, il faut le mode d’emploi ou la grille de lecture du luxe. Si le luxe ne parvient pas à faire sentir cela, sa légitimité peut s’éroder et son potentiel de croissance risque de s’affaiblir, surtout sur des nouveaux marchés comme la Chine où le public n’achètera pas uniquement parce qu’on le lui demande ou qu’on lui dit que les Américains font pareil. Je crois aussi que le brand content correspond profondément à la logique du désir humain comme elle a été formulée par Deleuze dans L’Anti-Œdipe8 : nous ne désirons jamais uniquement un objet qui serait « l’obscur objet du désir », nous désirons toujours par grappe, nous créons des mondes, nous créons des agencements. Je veux telle robe parce qu’elle condense une diversité de savoir-faire, je la désire avec le sac, l’homme, le style de vie et la soirée romantique ou l’image qu’elle renvoie de moi et qui vont avec. Si les marques veulent coller au fonctionnement de ce désir et se mettre pour ainsi dire « à sa hauteur », il ne leur suffit pas de focaliser l’attention sur un objet starisé, il leur faut créer des mondes et proposer des expériences intégrées. Cela peut sembler un peu théorique mais il y a de ça.

8    Gilles Deleuze et Félix Gattari, L’Anti-Œdipe, Éditions de Minuit 1972

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4. Quels sont les contenus les plus utilisés par les marques de luxe ?

DB : Les marques de luxe, pour toutes les raisons dont on a parlé, vont volontiers vers :

Des contenus artistiques, des mini films comme ceux réalisés par Olivier Dahan pour Lady Dior avec Marion Cotillard ou la fantaisie animée « superflat monogram » par Takeshi Murakami pour Vuitton

Des contenus qui comportent une dimension de découverte qui permettent de comprendre l’histoire, les méthodes, la philosophie de la marque. Il y a une tradition de magazines et de livres très haut de gamme édités par les maisons de luxe et vendus en kiosque (Crystallized), diffusés par abonnement (Cartier Art Magazine) ou distribués en magasins (consumers magazines tel Manifesto de YSL). Les reportages sur l’historie d’une maison, les interviews de ses créateurs ou de ses artisans sont également des champs d’expression naturels pour une belle marque.

Des contenus qui animent et font vivre le magasin : installations artistiques ou expositions, vitrines, flagship, comme la vitrine trompe-l’oeil conçue par le designer japonais Tokujin Yoshioka à Tokyo pour Hermès (2009), dans laquelle une actrice japonaise souffle sur un carré de soie.

Cette dernière famille de contenus est peut-être la plus stratégique. En effet, il ne suffit pas pour une belle marque de créer un contenu qui serait totalement déconnecté de la vente et de l’expérience en magasin. Le mécénat existe déjà pour cela. La création de contenu peut être un moyen de faire vivre une gamme de produit, d’animer un parcours de consommateur et d’attirer les individus en boutique comme un prélude à l’achat.

Les marques de luxe ont particulièrement investi certains genres tels que les expositions dans les lieux de vente (Espace culturel Vuitton sur les Champs) ou les lieux culturels (Bréguet au Louvre). Il y a une tradition de magazi-nes et de livres très haut de gamme édités par les maisons de luxe vendus en kiosque (cf. Crystallized), diffusés par abonnement (Cartier Art Magazine) ou distribués en magasins. Les défilés avec le Web deviennent de véritables contenus artistiques événementiels (Fendi sur la muraille de Chine). Le court-métrage diffusé avant les défilés ou sur le web a été utilisé récemment par Yves Saint Laurent, Prada, Vuitton, Vanessa Bruno, Chanel, Dior. Les nouveaux moyens technologiques (applis Iphone, site Facebook avec Louis Vuitton, fil Twitter avec Lady Dior, etc) sont mis à profit par les marques de luxe pour animer leurs communautés.

MG : Il est capital que chaque marque ait une réflexion sur sa ligne éditoriale, et choisisse sa stratégie de contenus.

Faut-il réaliser un court-métrage avec une histoire qui mettrait en scène le produit, montrer le savoir-faire de la maison, faire une œuvre collaborative avec ses clients ? Certaines se lancent dans la création ponctuelle d’objets culturels comme Dior avec un mini film, bientôt un clip, etc. Vuitton a lancé une série sur l’art du voyage avec des interviews de personnalités, d’autres comme Chanel investissent l’art de l’événement et du spectacle vivant (le défilé spectacle, le happening, l’exposition itinérante le Mobile Art…). Il y a des dizaines de genres éditoriaux à investir, l’important est d’en choisir un qui corresponde.

Il est également important que le contenu créé puisse rejaillir en positif sur la marque, qu’il ne soit pas simplement une dépense somptuaire ou de prestige (bien que ces dernières puissent avoir une vertu symbolique, souder les équipes, etc). Cette faculté du contenu né de la marque à nourrir celle-ci en retour, dépend des liens construits entre l’univers de la marque d’une part et le contenu effectivement créé d’autre part :

+ématique tout d’abord, lorsque le contenu traite des thèmes récurrents de la marque

Stylistique ensuite, lorsque la marque insuffle et distille dans le contenu ses codes identitaires et des facettes de son identité visuelle. De fait, le spectateur est capable de dire que le contenu a un « air de famille » avec l’univers de la marque qu’il connaît par ailleurs.

Symbolique enfin, lorsque les consommateurs sont capables d’identifier et de reconnaître dans le contenu les

valeurs de la marque.

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5. Le Brand Content, un outil naturel au service du luxePar Matthieu Guével

Les marques de luxe ont donné quelques-uns des plus beaux exemples de brand content. Deux séries de raisons expliquent l’engouement de grandes maisons et des belles marques pour le contenu éditorial et la communication par le contenu.

La première est d’ordre conjoncturel, liée aux mutations de la communication contemporaine et aux nouveaux moyens d’expression nés du Web notamment. Les belles marques ont à leur disposition de nouveaux moyens de créer du mythe, de raconter de belles histoires autour de leurs produits, de donner accès à leur savoir-faire. La deuxième série de raisons est d’ordre plus structurel. Certaines spécificités des marques de luxe les prédisposent en effet presque naturellement à la mise en œuvre d’opérations de brand content. Voyons lesquelles.

Pour bien comprendre les spécificités des marques de luxe, et notamment en quoi leurs stratégies diffèrent de celles des autres marques, l’excellent ouvrage Luxe Oblige écrit par Vincent Bastien et Jean-Noël Kapferer9 pourra servir de guide. Les deux auteurs choisissent fort opportunément de laisser de côté la sempiternelle et stérile question de l’essence – qu’est-ce que le luxe ? – pour s’intéresser aux manières d’être et aux compor-tements des marques de ce secteur. L’important n’est pas tellement de comprendre ce que le luxe est « dans l’absolu », mais comment il fonctionne concrètement10. Ils dégagent une dizaine « d’anti-lois du marketing », caractéristiques des stratégies du luxe. L’analyse de quelques-unes de ces lois permet de mettre en lumière les convergences entre la communication du luxe et le contenu éditorial de marque.

9    Vincent Bastien, professeur à HEC, a dirigé durant plus de vingt-cinq ans de grands noms du luxe (Louis Vuitton Malletier, Yves Saint-Laurent Parfums, Sanofi Beauté (Roger & Gallet, Parfums Van Cleef & Arpels, Oscar de la Renta et Fendi). Jean-Noël Kapferer est un expert international des problèmes de marques. Auteur de treize livres, dont l’ouvrage de référence Les Marques capital de l’entreprise (Strategic Brand Management), Professeur à HEC, il anime des séminaires sur la stratégie du luxe partout dans le monde.

10    Nous avons proposé une orientation similaire dans un article consacré aux proximités entre théorie du luxe et théorie de l’art. http://testconso.typepad.com/brandcontent/2009/12/art-luxe-et-brand-content.html

Oubliez le positionnement, vive l’identité de la marque !

La première anti-loi du marketing du luxe consiste à opérer une sorte de renversement copernicien des réflexes traditionnels du marketing. Le marketing classique, le marketing « procterien » ou « loréalien » s’est construit autour de plusieurs principes au nombre desquels le principe du « consumer first » (il faut se plier aux attentes du consommateur), et l’idée que chaque marque détermine son positionnement (une différence préférentielle) en fonction du positionnement de ses concurrents. Chaque marque doit avoir une Unique Selling Proposition (USP) ou un Unique Competitive and Compelling Advantage (UCCA) qui la distingue des autres. Les outils de benchmark et de veille concurrentielle aident la marque à adopter une position laissée vacante par les autres, et la chargent ensuite de communiquer clairement la différence qui caractérise la marque à l’aide de messages publicitaires chocs et convaincants.

Il est peu probable que Christian Lacroix se soit livré à ce type d’exercice pour créer son « style » et se démarquer de ses compères Yves Saint Laurent, Chanel ou autres. L’histoire de ces maisons suffit à s’en convaincre. Et si tel était le cas (après tout, certains artistes créent leur style par rejet d’un courant qui les a précédés), ce n’est pas cette approche comparative que les marques mettent en avant. Dans le luxe, ce n’est pas ce que veut le consommateur ou ce que font les autres marques qui importe, mais ce qu’est la marque11.

Pour reprendre l’expression de Jean-Noël Kapferer, une maison de luxe est « auto-générée » : la marque ne cherche pas d’abord à se comparer à ses concurrents ou à se plier aux désirs du consommateur – ce qu’elle fait aussi – elle cherche à proposer quelque chose d’unique qui soit suffisamment attractif et original pour que les consommateurs s’y intéressent d’eux-mêmes. Dans ce secteur comme dans d’autres structurés par l’offre (les médias par exemple), les consommateurs sont rarement capables de formuler ce qu’ils désirent, bien qu’ils sachent le reconnaître quand ils le voient. De même les créateurs qui ont une connaissance intuitive de leur marque et se disent à propos de tel bijou ou pièce de couture : « c’est Chanel » ou « ce n’est pas Chanel ».

Si l’enjeu pour une marque consiste à défendre et illustrer son identité12, il paraît tout à fait naturel que les marques de luxe se mettent à créer du contenu éditorial pour raconter leur histoire, leur univers, leur atmosphère, si possi-ble de façon originale et poétique et bien au-delà du format limité du message publicitaire. Au-delà du produit, les consommateurs achètent une histoire et veulent accéder à travers le produit qu’ils achètent à une part du mythe de la marque, qui ne s’achète pas. Tout cet arrière-plan culturel du produit est essentiel, car c’est lui qui donne sens à l’achat et peut en décupler la valeur. Après avoir cédé aux sirènes des logos et à l’achat compulsif de marques de luxe, les populations des marchés émergents (Chine en tête) sont devenues beaucoup plus matures et sont friandes d’informations sur l’histoire et la culture d’une marque.

La création de contenus offre des possibilités inégalées d’ouvrir les portes de l’histoire d’une marque, de mieux faire connaître des savoir-faire, des anecdotes ou des objets qui ont jalonné son parcours. Un message publicitaire sur la robustesse d’une malle de voyage sera forcément réducteur par rapport à une « certaine idée du voyage » que cherche à véhiculer une marque comme Louis Vuitton. Pour faire connaître son « art du voyage », Louis Vuitton conçoit des contenus beaucoup plus diversifiés et riches, avec des films, des interviews, des guides touristiques qui font éclater le format publicitaire traditionnel.

11    Sur ce point, il faut préciser : oui, les marques de luxe écoutent leurs clients, et même très attentivement. Oui les marques de luxe s’observent entre elles, oui elles font des benchmark, des reporting, des monitoring, les yeux rivés sur « ce qui marche » et « ce qui ne marche pas ». Mais le point de départ reste la marque, l’unicité de l’identité de marque, si bien que ces maisons peuvent aussi bousculer, choquer, malmener le client (qui attend cela).

12    Comme Joachim Du Bellay parle de « Défense et illustration de la langue française »

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Soyez des promoteurs du goût nouveau, cultivez la proximité avec les arts.

Autre principe de la communication du luxe : en tant que promoteur d’une idée du bon goût, les marques de luxe ne peuvent pas se permettre d’être suiveuses ou de s’associer à des artistes déjà installés : elles doivent apporter quelque chose en plus, participer à l’éclosion des nouveaux artistes, des talents de demain. C’est la raison pour laquelle les maisons de luxe s’investissent dans des manifestations culturelles pointues ou émergentes. Sont intéressants à ce titre les efforts de Cartier en faveur de l’art contemporain, des graffitis ou de la bande dessinée.

Le brand content offre aux marques la possibilité d’aller au-delà du simple sponsoring ou du parrainage des arts en contribuant à la création artistique contemporaine, de devenir des acteurs culturels ou des éditeurs à part entière. La création de court-métrages ou de contenus éditoriaux originaux sont autant d’exercices de style à travers lesquels les marques montrent leur inventivité. Les courts-métrages de Takeshi Murakami pour Louis Vuitton sont des exemples de fantaisies créatives susceptibles de conforter la marque dans son rôle d’acteur culturel de pointe. La création de formats culturels et la collaboration étroite avec des artistes pour la réalisation d’un objet commun est un outil majeur de la promotion de l’identité de la marque. Pour renforcer le mythe de la marque Dior au-delà des campagnes éphémères axées sur les collections, Dior Couture a conçu la saga Lady Noire avec Olivier Dahan, puis Rouge avec Franz Ferdinand et bientôt Bleue avec David Lynch. Ce type de co-créations assure aussi bien la permanence d’une marque de luxe par-delà la saisonnalité de ses produits, que sa proximité avec les artistes au-delà du simple sponsoring.

Communiquez hors de votre cible

Troisième grand principe du luxe dégagé dans Luxe Oblige : le luxe a vocation à être connu par plus de gens (parfois beaucoup plus) que ceux qui ont véritablement la possibilité d’en jouir. Cette dialectique d’ouverture / fermeture est la raison d’être du luxe. Un luxe qui serait totalement inconnu cesserait de jouer comme luxe13, tout comme un luxe accessible à tout le monde cesserait de jouer son rôle de stratification sociale.

La création et la diffusion de contenu éditorial de marque est un moyen d’alimenter cette stratégie de commu-nication. Il est extrêmement important que les non-consommateurs de luxe aient conscience que tel article de luxe incarne le nec plus ultra dans tel domaine de la joaillerie, de la mécanique ou de l’hôtellerie. Il faut que la population soit initiée à la culture du luxe et reconnaisse les hautes prétentions de ses maisons comme socialement légitimes et justifiées, même si la majorité ne peut se permettre d’y accéder. Cette fabrique de l’acquiescement social n’a rien d’évident, sur les marchés émergents notamment. Elle ne se résume en aucun cas à des messages publicitaires qui se contenteraient de proclamer la supériorité de telle ou telle marque. Elle suppose au contraire la mise au point de documents, d’interviews, de reportages, d’histoires à diffuser dans le tissu culturel ambiant. La supériorité du luxe « à la française » ne va pas de soi pour un consommateur américain, ni pour un consom-mateur chinois.

La création de contenus peut être un atout précieux pour diffuser cette culture du luxe, qui est comme le commentaire ou l’infra-texte de l’objet de luxe. La mise à disposition de vidéos sur les tours de mains, les interviews de créateurs, les livres d’histoire, permettent d’initier ou de guider le consommateur dans ses usages et dans ses goûts, de faire comprendre les choix d’un style ou d’un motif et finalement d’expliquer en partie les prix pratiqués.

L’exemple des programmes courts Mains et Merveilles illustre la façon dont les marques peuvent ouvrir leurs tiroirs, montrer les tours de main, le métier d’un artisan du luxe. Il s’agit moins de « trahir les secrets de

13    Jean-Noël Kapferer prend l’exemple d’une production de textile ou de vaisselle qui serait totalement isolée sur les hauteurs du Bhoutan, inconnue du reste du monde : on pourrait appeler ça de l’artisanat local, mais pas du luxe.

fabrication » ou de profaner les mystères d’une maison que d’alimenter le mythe de la marque en créant de nouveaux relais de fascination autour des objets et de leurs créateurs. Les artisans sont filmés de très près en très haute qualité pour ne rien perdre de la dextérité du geste et des manipulations nécessaires à la fabrication d’un sac, d’une montre, d’une assiette de grand restaurant. Les marques de luxe regorgent en effet d’un potentiel de contenus éditoriaux souvent très important : Internet permet d’exploiter ce potentiel et de révéler au grand jour des contenus, des informations et de donner accès à l’imaginaire de la marque. La création de contenu va bien au-delà du storytelling : il ne s’agit pas seulement de raconter une belle histoire. Les marques innovantes créent véritablement des œuvres, des reportages, des expériences culturelles qui font découvrir des choses et sortent du cadre narratif strict.

Si le grand nombre peut avoir accès, commenter14 ou partager des contenus de marque, ces contenus eux-mêmes peuvent être conçus pour magnifier l’exclusion du plus grand nombre en dehors des territoires protégés de la marque. Les vidéos des soirées privées ou des défilés Chanel en libre diffusion sur Youtube offrent un spectacle accessible à tous, mais ne font que réactiver auprès du large public le caractère fermé de ces manifestations, car chacun assiste en regardant la vidéo à sa propre exclusion d’un événement auquel il n’a pas assisté.

Le contenu éditorial permet enfin de diversifier les degrés d’exclusion, en aménageant plusieurs strates de références culturelles qui sont autant de niveaux de lecture en fonction des publics à qui l’on s’adresse (références explicites, sens littéral pour le plus grand nombre, métaphores ou références cachées pour les initiés). Un même film pourra satisfaire le plus grand nombre qui trouvera une occasion de vibrer au rythme de l’actualité de la marque, tout en flattant l’ego de quelques passionnés qui sauront reconnaître une référence cachée, une allusion stylistique qu’ils se croiront les seuls à détecter.

Conclusion

Sur la dizaine des anti-lois du marketing du luxe exposées dans l’ouvrage Luxe Oblige, certaines touchent à la politique de prix, de localisation des usines ou de gestion de la marque. On n’a retenu ici que celles qui concernent directement la communication. Elles suffisent néanmoins à prouver qu’il y a bien plus entre le luxe et le brand content qu’une affinité passagère, une collusion de circonstance.

La conjoncture accélère ce mouvement. De nombreuses marques étrangères ou hors-luxe imitent les codes du luxe et obligent les marques de luxe à se différencier, à trouver de nouvelles voies pour marquer leur unicité. Une marque américaine comme Ralph Lauren, bien qu’inventée de toutes pièces, à réussi à se forger une légitimité historique par le storytelling et la proximité avec le mythe littéraire de Gatsby le magnifique. Il est donc vital de trouver des moyens de recréer l’écart avec elles. La création de contenus en est un. Déjà le storytelling narcissique, où la marque se raconte elle-même à la façon d’un cours magistral d’histoire, paraît dépassé. La marque est toujours le point de départ de la création de contenu, mais ce contenu lui-même est conçu pour un public, et ne peut pas uniquement être une entreprise d’auto-célébration. Ce qui importe davantage, c’est la capacité de la marque à montrer que ses créations et son existence même apportent quelque chose à la société dans son ensemble, en s’imposant comme un acteur culturel comme un autre. La mise à disposition d’œuvres, l’accès au travail des premières d’ateliers, des artisans, des créateurs, la collaboration avec les artistes, tout cela repousse encore les frontières de la création de contenus. En attendant de suivre ses prochaines évolutions, le brand content, ou la force qui pousse les marques de luxe à concevoir et diffuser des contenus éditoriaux, est bien inscrite dans le cœur même des stratégies de luxe.

14    La possibilité de commentaire est essentielle : content is comment. La qualité d’un contenu se juge aussi à sa ca-pacité à être commercialisé en tant que tel, et par les commentaires et les discussions qu’il peut alimenter, notamment sur les réseaux sociaux, au-delà du simple « buzz » (critique informée, analyse, mise en parallèle avec d’autres œuvres, etc).

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6. La densité, maître-mot des marques de luxePar Matthieu Guével

La création de contenus par les marques remet en cause certaines des frontières les mieux établies entre « les marchands de biens » d’une part et « les industries créatives » de l’autre. La possibilité offerte aux marques de raconter leur histoire auprès du plus grand nombre et de s’improviser en producteurs ou réalisateurs de contenus, instaure des changements majeurs dans la manière de concevoir et de gérer les marques.

L’un de ces changements consiste dans l’apprentissage d’un nouveau vocabulaire, de nouvelles pratiques bien connues du milieu des artistes et des créateurs, mais parfois moins familières des marketers et stratèges de la marque. Pour se repérer dans l’univers de la création de contenus, il n’est parfois pas inutile de s’inspirer du lexique et des catégories forgées par les historiens d’art ou les philosophes de la culture. Cela pourrait permettre, outre de faciliter la création de contenu grâce à la mise au point d’un langage et d’un bagage mental plus adapté, de revisiter les marques avec un œil neuf.

Puisque les marques s’invitent dans le milieu des créateurs, ce n’est que justice pour le vocabulaire des artistes qui peut aider à mieux comprendre la vie des marques. La preuve avec ce texte sur la notion de densité, mise au point pour décrire certaines œuvres d’art, et qui pourrait bien servir à discriminer les marques entre elles.

Les réflexions des historiens et des philosophes sur le travail artistique et le sentiment esthétique sont souvent d’une grande utilité pour comprendre les enjeux du luxe et de la création. Ces domaines entretiennent en effet entre eux des rapports étroits, ils font appel à des ressorts psychologiques et culturels proches. Les apports théoriques ou les concepts forgés par les premiers sont parfois utiles et les professionnels du luxe sont bien inspirés d’en faire usage dans leurs problématiques de communication et de marketing.

Prenons par exemple cette question maintes fois débattue de savoir « qu’est-ce que l’art ? » - question qui rejoint d’ailleurs celle si souvent posée de savoir « qu’est-ce que le luxe ? » autre preuve de la proximité des deux domaines. Le célèbre critique Nelson Goodman avait d’ailleurs coutume de dire que la véritable question n’est pas « qu’est-ce que l’art ? » mais plutôt « quand est-ce qu’une œuvre fonctionne comme œuvre d’art ?». Grosso modo, pour Nelson Goodman, une œuvre est susceptible de procurer un sentiment de nature esthétique lorsqu’elle obéit à certains critères, et en particulier des critères de densité, de saturation relative, de symbolisation15.

15    Nelson Goodman, Manière de faire des Mondes, Folio 2006

Pour le dire vite, une œuvre d’art est saturée de sens, d’intentions, elle est dotée d’une densité que n’ont pas les autres objets. Nelson Goodman prend l’exemple d’un dessin de Hokusai représentant la montagne Fuji Yama à l’aide d’un simple trait. Dans ce dessin d’artiste, la moindre variation de forme a son importance, la moindre variation de couleur ou d’épaisseur est chargée de sens, chaque zone du dessin interagit avec l’ensemble et la plus petite modulation fonctionne comme un symbole (de douceur, de robustesse, de calme, de sagesse, etc). On peut regarder le dessin plusieurs fois et y redécouvrir à chaque fois de nouvelles modulations, y projeter un sens nouveau. Cette même ligne représentant cette fois-ci un cours de bourse fonctionne de façon très différente : elle ne symbolise rien, elle n’exemplifie rien, elle indique un résultat. On en a très vite fait le tour et elle n’est le symbole de rien du tout.

C’est la même chose dans le domaine du luxe. L’objet et la communication de luxe sont régis par ces mêmes principes de densité et de saturation : (i) « plus je regarde, plus je vois » (the closer you look, the more you see) et (ii) « plus je m’intéresse plus je découvre ». Un objet de luxe est un objet à tiroirs, que l’on n’a jamais fini de regarder, qui réserve toujours des surprises, dans ses finitions mêmes les plus secrètes. Une (vraie) publicité de luxe fonctionne comme une œuvre que l’on peut regarder plusieurs fois sans en épuiser le sens. Il y a toujours un effet de lumière, une référence culturelle, un jeu chromatique à découvrir à mesure qu’on la regarde.

Ce qui fonctionne dans le domaine matériel des produits et de l’image publicitaire est également vrai dans le domaine immatériel de la culture et de l’imagination. Plus je m’intéresse au produit de luxe, par exemple un sac Lady Dior (voir ici), plus j’en apprends sur l’art de la maroquinerie, l’artisanat du cuir, l’histoire de la marque, les raisons du choix des formes ou d’une matière, les personnes qui ont adopté ce sac, Lady Diana, la tradition des cadeaux présidentiels, etc.

Tout ce patrimoine immatériel constitue un arrière-plan symbolique qui permet à l’objet de luxe de fonctionner comme objet de luxe. Sans cette densité, sans cette saturation visuelle ou culturelle, c’est juste un sac hors de prix. Le problème, c’est qu’il n’est pas toujours facile de restituer la densité de ce patrimoine à ceux qui ne la connaissent pas déjà. Les marques de luxe s’en remettaient jusqu’ici au talent d’un vendeur en boutique, capable de faire partager ce patrimoine au néophyte, ou à la curiosité du consommateur lui-même, qui a déjà le bagage culturel nécessaire pour profiter pleinement de l’article de luxe. C’est souvent le même problème en art : c’est souvent ceux qui savent en profiter qui en profitent.

La production de contenu permet aux marques de luxe d’exprimer pleinement leur niveau de densité immatérielle, de lui donner un niveau d’expression aussi riche et varié que celui de la densité visuelle dans la communication. Elles peuvent désormais plus facilement faire comprendre aux consommateurs intéressés par une marque que « plus ils vont s’y pencher, plus ils vont découvrir ». C’est aussi cela, être aspirationnel.

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7. Susciter le désir, la grande affaire de la communication des marques du luxePar Matthieu Guével

Quintessence de la consommation plaisir, le luxe promet aux individus de vivre une expérience émotionnelle inoubliable, un moment inouï et volé, hors du quotidien et du temps. Pour Gilles Lipovetsky, le luxe a cessé de se cantonner à l’expression d’un désir de reconnaissance sociale, pour devenir le moyen d’accéder à une sensation de bien-être, à un processus de « consommation émotionnelle ».

Les maisons de luxe sont parmi les mieux placées pour créer ce genre d’expériences irremplaçables mi-commerciales, mi-culturelles par le biais du brand content. Aussi n’est-ce pas un hasard si les boutiques de luxe sont maintenant conçues comme des lieux d’expériences inédites, dévolus au plaisir du visiteur.

Comment la création de contenu peut-elle participer à susciter et entretenir le désir du consommateur ? Et surtout en quoi la création de contenu peut-elle éclairer le fonctionnement du désir, comme condition pour l’attiser de façon durable ?

Il y a plusieurs façons d’aborder l’essor du brand content. On peut d’abord relever et décrire des opérations, ce qui est nécessaire compte tenu de la diversité et de la créativité des contenus proposés par les marques.

On peut également se pencher sur le brand content d’un point de vue plus théorique, et réexaminer à partir de lui un certain nombre de concepts-clés, utilisés depuis longtemps dans les métiers de la communication, pour voir comment ils fonctionnent et s’intègrent dans ce nouvel univers : désir, mémoire, impact, fidélisation, etc

L’objectif de la communication, de la publicité, n’est-il pas justement de susciter, d’entretenir le désir du consom-mateur ? Dans ce cas, il faut bien comprendre ce qu’est le désir, comment ça fonctionne et comment proposer une communication susceptible d’être en phase avec lui. On se limitera ici à trois approches.

Une première façon de voir le désir est de le concevoir comme la réponse à un manque. Je désire cet objet parce que je ne l’ai pas et qu’il me plaît. Si telle est la mécanique du désir, alors les publicités doivent s’efforcer de souligner le manque dont les consommateurs souffrent, et attirer l’attention sur le caractère indispensable de tel ou tel objet, présenté comme « l’objet du désir », éventuellement en s’appuyant sur des métaphores sexuelles, ce qui est souvent très commode.

Une autre façon de voir le désir déplace un peu les données du problème : c’est la théorie du désir mimétique de René Girard, adapté au marketing par Marie-Claude Sicard16. En réalité, nous ne savons pas ce que nous désirons. Nous désirons ce que désirent les autres pour faire comme eux, être reconnus. Dans la communication, il n’y pas seulement un face-à-face entre l’objet et le consommateur, mais une relation triangulaire objet / consommateur / médiateur. Autre théorie du désir, autre modèle de communication, et la nécessité de prendre en compte cet aspect mimétique.

Il y a encore une autre façon de voir le désir, c’est celle développée par Gilles Deleuze dans son livre L’Anti-Œdipe 17. Contrairement aux idées reçues, le désir de quelqu’un ne porte pas sur un objet unique ou isolé, qui serait « l’objet du désir », mais toujours sur des ensembles, des univers. Je ne désire pas seulement cette robe dans la vitrine, mais les chaussures qui vont avec, l’image de la femme qui lui correspond et finalement un style de vie tout entier.

Par exemple, une canette de Coca-Cola n’est pas seulement une certaine quantité de boisson dans un pack en aluminium peint en rouge et blanc. Ce produit est inséparable d’une certaine culture occidentale, américaine, avec une gestuelle, toute une philosophie de la « cool attitude », etc. Désirer Coca-Cola, ce n’est pas seulement avoir envie de boire, c’est aspirer à tout cela.

De même, lorsque Pampers crée des DVD sur la façon dont les bébés perçoivent le monde dans le ventre de la mère, la marque souligne clairement que la couche-culotte n’a pas de sens en dehors d’une expérience globale de la relation à l’enfant. Désirer Pampers, c’est désirer une marque qui a une expertise sur le monde de l’enfance qui dépasse largement les fesses du nourrisson.

Dans leurs communications, les marques Louis Vuitton ou Chanel mettent clairement en scène que telle malle griffée ou tel accessoire de mode ne sont que la pointe émergée d’une univers beaucoup plus vaste, qu’ils ne prennent sens que dans un ensemble dont il font partie, et que le consommateur emporte symboliquement avec lui en achetant le produit.

La création de contenu éclaire à quel point susciter le désir relève de bien autre chose que de la starisation d’un produit merveilleux. Susciter le désir relève de la construction d’un ensemble, de la mise à disposition du mythe de la marque et de l’environnement général qui donne sa force au produit.

Reste à déterminer les ensembles et les assemblages les plus pertinents. Il existe en effet plusieurs types d’ensembles sur lesquels s’appuyer et à l’intérieur desquels les marques s’efforcent de réinsérer le produit

Le contexte d’usage, le produit en situation (une vidéo sur les différentes recettes de chocolat)-

Le mode d’emploi (comment appliquer un mascara) ou le chaînage et les produits périphériques, y compris - ceux qui sont fabriqués par d’autres marques (un café Nespresso dans une tasse Villeroy & Boch)

Le processus de fabrication du produit (l’histoire de sa conception, l’interview d’un grand nez sur l’origine - d’un parfum, le suivi d’une chaîne de montage, les étapes de la création d’une montre ou d’un bijou, de l’achat de la pierre au dessin préparatoire et à la fabrication)

Une fiction, une histoire scénarisée -

16    Marie-Claude Sicard, Les Ressorts cachés du désir, Village Mondial 2005

17    Gilles Deleuze et Félix Gattari, L’Anti-Œdipe, Les éditions de Minuit 1972

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Les hommes de l’entreprise qui sont associés au produit lorsqu’ils sont médiatisés : Steve Jobs pour - Apple, Bernard Arnaud pour LVMH ou Luciano Benetton

Le contexte social-

L’univers culturel dont le produit est un emblème (la jeunesse dorée américaine pour Coca-Cola, la modernité - française pour Chanel, l’art nouveau pour Perrier-Jouët)

Tous ces ensembles qui entourent le produit commercialisé enracinent le produit dans une expérience, dans une totalité intégrée. Le produit cesse d’être une entité abstraite isolée mais acquiert une nouvelle consistance.

Malheureusement :

Il y a des produits pour lesquels nous n’avons aucun ensemble associé. De fait, nous ne les désirons pas - vraiment, ou de façon molle, faible.

De plus, pendant longtemps, c’était au consommateur de « faire le travail » de construction des ensembles - et de tisser par lui-même les mille liens qui rattachent un produit à une expérience réelle ou mentale. Par exemple, chez Renault, c’était au conducteur « d’inventer la vie qui va avec » le produit. Finalement, c’était au consommateur d’entretenir son propre désir, et pas à la marque.

Aujourd’hui, les opérations de brand content montrent qu’il est possible de constituer des ensembles autour des produits dès le stade de la communication. Soit par « zoom avant », en insistant sur tel détail du produit, ses ingrédients, son origine, soit par « zoom arrière », en réintégrant le produit dans un univers culturel d’appartenance plus vaste.

Dans tous les cas, la dynamique du brand content correspond à cette logique du désir comme un désir d’ensembles. Dans le brand content, les marques cessent de présenter leurs produits comme des objets fétiches isolés dans des vitrines. Elles les intègrent dans des histoires, des usages, des contextes, des expériences intégrées (réelles ou fictives) et se mettent « à la hauteur » du désir du consommateur.

Quelle que soit la nature réelle du désir (sans doute est-ce un peu des trois), le brand content et la communication par contenu viennent compléter utilement la palette des modalités par lesquelles une marque cherche à séduire ses consommateurs, et son public.

8. Les trois grands types de contenus de marquePar Matthieu Guével et Daniel Bô

Il est parfois difficile pour une marque de déterminer le type de contenu le plus adapté à ses objectifs et à son identité. Faut-il faire appel à un grand réalisateur et concevoir un court-métrage avant-gardiste ? Faut-il produire une série documentaire sur les tours de mains et les savoir-faire manuels ? Ou plutôt une application Iphone sachant marier les meilleurs crus de bordeaux avec les plats gastronomiques ?

Entre tous les contenus possibles, les contenus d’entertainment, semblent les plus naturels et les plus valorisés. Ce sont, de tous les contenus, ceux qui suscitent les réactions les plus positives lorsqu’ils sont réussis. Le secteur du luxe a en outre, comme l’a déjà montré Jean-Marie Floch, toute légitimité pour concevoir des projets divertissants : son consommateur est plutôt sensible à la valorisation utopique et mythique du produit, qu’à sa valorisation technique, voire pratique18.

L’entertainment ne saurait être cependant l’arbre qui cache la forêt des contenus possibles. Tous les contenus doivent être attractifs, agréables, c’est entendu. Mais doivent-ils tous pour autant appartenir à la catégorie du divertissement au sens strict ? Dans les faits, il est parfois difficile pour les marques de rivaliser avec les créateurs de contenus, notamment dans le domaine du divertissement, et de parvenir à proposer des expériences vraiment singulières et séduisantes. En revanche, les contenus d’information et de découverte, d’infotainment, ou d’edutainment, ainsi que les contenus pratiques paraissent un champ d’expression naturel pour les marques de luxe, qui peuvent y faire valoir leur expertise.

Chaque marque doit réfléchir longuement à sa ligne éditoriale pour faire le bon choix : un contenu en adéquation parfaite avec son imaginaire, son univers de références.

Les contenus divertissants et ludiques

Les opérations dites de branded entertainment, d’advertainment ou d’advergaming associent un objectif publi-citaire à un contenu ludique ou divertissant, et représentent une part non négligeable des opérations de commu-nication de contenu en général. Cette médiatisation et cet engouement s’expliquent par le fait que ce sont les opérations les plus coûteuses et spectaculaires, telle la série des courts-métrages lancée par BMW avec Clive Owen ou Madonna. Ce sont également des contenus à très forte valeur émotionnelle, qui s’écartent le plus du métier des marques et possèdent donc un attrait indiscutable.

En s’associant avec des artistes de renom, la marque renforce son aura et sa visibilité. Ce n’est sans doute pas un hasard si Audrey Tautou, interprète du film de marque Chanel, est justement au même moment l’héroïne du film d’Anne Fontaine, Coco avant Chanel. Même si ces contenus paraissent aisément attractifs et impactants, il faut s’en méfier : investir dans des opérations onéreuses et complexes est vain sans certitude de concurrencer effica-cement et de façon légitime les experts de cette industrie. Le public est souvent impitoyable dans ses jugements et la sanction peut s’avérer cruelle pour la marque. Il ne faut jamais perdre de vue que, dans les mentalités des spectateurs, la qualité du contenu est un reflet fidèle de la valeur que l’on prête à la marque.

18    Jean-Marie Floch, Sémiotique, marketing et communication, PUF 1990

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Les contenus utiles et pratiques

Toute une gamme de contenus éditoriaux alimente la brand utility, c’est à dire la capacité de la marque à aider, assister son destinataire. Ces contenus rassemblent une grande diversité de formats et de supports. Les contenus « mode d’emploi » doivent apprendre quelque chose au consommateur qu’ils installent dans une relation pragmatique avec le produit ou la marque. En 2010, Lancôme recrute Michelle Phan, la reine des tutos maquillage sur Youtube. La blogueuse, star et maquilleuse hors pair devient donc « video makeup artist » pour la marque de cosmétiques.

D’autres contenus, que l’on pourrait qualifier d’« outils pratiques », du type logiciel ou applications, rendent directement service. En été 2008, Visa fait la promotion du service de concierge réservé aux clients de la carte Premium Signature. Pour guider cette clientèle très sollicitée par les cavistes et submergés de propositions d’achats de grands vins, Visa propose un service sur mobile où le client peut envoyer par SMS le nom d’un plat et recevoir aussitôt une suggestion de vin adapté.

Les contenus informatifs et de découverte

Certains contenus diffusent de l’information autour d’univers très proches de leurs produits, afin de les resituer dans un contexte encyclopédique. Ils peuvent également guider leur public dans l’exploration d’univers plus larges, voire alimenter le débat public sur des questions de société (éthique, développement durable, citoyenneté…). Les marques de luxe sont des réservoirs de savoir-faire, d’expertise, de métiers ; elles ont une légitimité à intervenir sur le marché des contenus d’information au sens large, sur plusieurs domaines qui peuvent intéresser le grand public : culture générale des produits, histoire des marques…

La genèse et l’histoire d’un objet sont souvent de bons vecteurs pour redonner sens à celui-ci, voire le resacraliser. Sur son site, Hermès interviewe Jean-Claude Elena, le « nez » de la maison, sur les secrets de fabrication du parfum Calèche, ses hypothèses de travail, l’odeur des ateliers de cuir.

Certaines marques n’hésitent pas à déplacer leur thème de communication vers un univers de références plus vaste. C’est le cas de Louis Vuitton qui propose une offre complète de contenus éditoriaux autour du thème du voyage. Guides touristiques, fichiers audio de visite d’une ville, modules vidéos interactifs où l’internaute est guidé dans une ville par une personnalité (Edimbourg avec Sean Connery, mais aussi Catherine Deneuve à Paris ou Francis Ford Coppola à San Francisco…). Le dispositif, conçu par l’agence Ogilvy et Mathers, permet de matérialiser l’idée du voyage pour Vuitton et de renforcer l’attachement à la valeur centrale de la marque. La diversité des contenus diffusés par Vuitton sur tous les types de supports témoigne d’une grande rigueur dans l’expression d’une ligne éditoriale. Sans toujours chercher à construire une offre éditoriale aussi cohérente autour d’une idée maîtresse, des campagnes ponctuelles enrichies en contenu resituent les produits et les services dans un sous-en-semble culturel tel que le sport ou la musique.

La prudence s’impose ici : le public s’attend à ce que le journaliste ou l’enquêteur se mette en retrait de son sujet et le traite de façon objective. La crédibilité du contenu se fait à ce prix.

Il est parfois difficile pour une marque de déterminer le type de contenu le plus adapté à ses objectifs et à son identité. Faut-il faire appel à un grand réalisateur et concevoir un court-métrage avant-gardiste ? Faut-il produire une série documentaire sur les tours de mains et les savoir-faire manuels ? Ou plutôt une application Iphone sachant marier les meilleurs crus de bordeaux avec les plats gastronomiques ?

Entre tous les contenus possibles, les contenus d’entertainment semblent les plus naturels et les plus valorisés. Ce sont, de tous les contenus, ceux qui suscitent les réactions les plus positives lorsqu’ils sont réussis. Le secteur du luxe a en outre, comme l’a déjà montré Jean-Marie Floch, toute légitimité pour concevoir des projets divertissants : son consommateur est plus sensible à la valorisation utopique et mythique du produit, qu’à sa valorisation technique, voire pratique19.

L’entertainment ne saurait être cependant l’arbre qui cache la forêt des contenus possibles. Tous les contenus doivent être attractifs, agréables, c’est entendu. Mais doivent-ils tous pour autant appartenir à la catégorie du divertissement au sens strict ? Dans les faits, il est parfois difficile pour les marques de rivaliser avec les créateurs de contenus, notamment dans le domaine du divertissement, et de parvenir à proposer des expériences vraiment singulières et séduisantes. En revanche, les contenus d’information et de découverte, d’infotainment, ou d’edutainment, ainsi que les contenus pratiques paraissent un champ d’expression naturel pour les marques de luxe qui peuvent y faire valoir leur expertise.

9. Savoir exploiter les gisements de contenusPar Matthieu Guével

La démocratisation de la création de contenus, grâce notamment aux nouveaux outils de la révolution digitale, permet aux marques qui le désirent de proposer à leurs publics des contenus variés qui dépassent le cadre strict du format et de l’énonciation publicitaire.

Mais suivant le principe bien connu en vertu duquel « ce n’est pas parce qu’on peut, qu’on doit », ni « parce qu’on peut, qu’on sait », il reste encore à faire le tri entre tous les contenus potentiels pour choisir ceux qui seront les plus adaptés.

L’un des enjeux consiste à identifier des gisements de contenus, c’est-à-dire des moyens pour fabriquer du contenu sans se poser à chaque fois la question de savoir dans quelle direction chercher pour créer le contenu, ni de savoir si le contenu créé est pertinent ou non. Une fois ces gisements identifiés, il faudra encore les exploiter et diffuser les contenus créés. C’est donc peu dire que l’identification des gisements ne résout pas tous les problèmes. Il permet à tout le moins de les aborder avec méthode.

La création de contenu éditorial est souvent considérée par les consommateurs comme un signe de modernité, qui montre que la marque sait tirer parti des moyens de communication émergents. Dans le paysage numérique actuel, la visibilité sur le Web est même un impératif de la communication des marques. Même si ce type de bénéfice reste générique, et nécessairement éphémère, il participe du rayonnement de la marque. Les moyens techniques permettent de fabriquer de plus en plus de contenus et de plus en plus facilement : la mise à disposition de brand content s’impose désormais comme un passage obligé de la communication des marques.

19    Jean-Marie Floch, Sémiotique, marketing et communication, PUF 1990

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Une question subsiste : par où commencer et sur quelles bases commencer la création de contenus ? Les marques, et les marques de luxe en particulier, ont à leur disposition deux grands gisements de contenus, qu’il leur faut bien identifier et savoir exploiter : ce qu’elles sont ou leur identité d’une part, ce qu’elles font ou leurs activités d’autre part (y compris l’organisation des événements qui sont des occasions privilégiées de captation et de création de contenus).

L’identité de marque

Il y a d’abord un plaisir cognitif ou intellectuel à comprendre et mieux appréhender l’identité d’une marque. Quel est son rôle dans l’histoire si elle en a un, quelle est sa signification et qu’est-ce que ses réalisations ont apporté à l’histoire de sa discipline ou de son métier ? Les interviews de créateurs, les documentaires ou reportages sur le passé d’une maison sont autant d’exemples de contenus qui font découvrir la profondeur symbolique d’une marque et peuvent du même coup conforter sa position dans un patrimoine culturel ambiant.

L’activité d’une marque

Il est assez clair que le gisement de l’identité de marque est celui qui est aujourd’hui le plus exploité par les créateurs de contenus, dont les créations s’efforcent de mettre en lumière les différentes facettes d’une marque présentée sous son meilleur jour. Mais une marque existe aussi et peut-être surtout par ce qu’elle fait : les projets qu’elle soutient, les nouveaux objets qu’elle fabrique, les événements qu’elle organise… et même les contenus qu’elle crée.

L’activité de la marque - et en particulier l’organisation d’événements - est une source importante de création de contenus et doit être pensée dès le départ comme une opportunité d’enregistrement et de retransmission. Ainsi les défilés de mode qui sont directement conçus comme des shows à visionner en ligne, mis à disposition du grand public. La mise en ligne des défilés renouvelle la question traditionnelle chère au luxe : « Comment me faire connaître du plus grand nombre tout en gardant mon aspect exclusif et sélectif ? » Désormais tout un chacun peut consulter les défilés spectaculaires de la marque, tout en prenant conscience qu’il aurait aimé assisté à l’événement réservé à quelques-uns.

L’organisation de l’événement « Le saut d’Hermès » a également permis la création de contenus photographiques, d’interviews, sans même évoquer la retransmission de l’événement qui prolonge la magie du moment et élargit son public potentiel. L’event rejoint le content : les événements et les projets de marque sont parfois même les sources des contenus les plus novateurs et enthousiasmants. En effet, le retour sur l’essence d’une marque aboutit parfois à des choses assez convenues, qui retracent l’histoire de la maison, la respectabilité des ancêtres et la noblesse des savoir-faire. Au contraire, l’organisation d’un événement et la retranscription de ses contraintes techniques permet souvent de transmettre l’énergie et la poésie de quelque chose « qui est en train de se faire » et donne toute son actualité et sa modernité au luxe.

La création de contenu est en elle-même une activité intéressante à suivre grâce aux making-off, aux interviews des créateurs, etc. La magie du luxe ne réside pas seulement dans la contemplation d’un objet fini, mais également dans la retranscription du processus de création et de luxe « en train de se faire » ou de l’objet « au moment de sa naissance ». Cet accès au processus de création lui-même a pu sembler difficile, voire impossible mais la création de contenu permet aujourd’hui d’en faire un des relais de communication et un moyen de séduction supplémentaire au service du luxe. Il serait dommage de s’en priver.

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10 règles du Brand Content pour le secteur du Luxe

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1. Définissez une ligne éditoriale précise, pour choisir une stratégie de contenus en synergie avec l’univers de la marque. Construisez un contenu qui soit l’émanation d’un insight fort du consommateur ou qui corresponde vraiment à l’identité de la marque.

2. Ayez le souci de la qualité éditoriale avant tout, ne faites pas de sous-contenu destiné à enrober un message publicitaire. Sachez valoriser votre produit et votre marque grâce à une production de contenu exigeante.

3. Ne sollicitez pas l’attention du public sans avoir un bénéfice évident à lui apporter : plaisir, instruction, assistance pratique…

4. Sachez créer un contenu original : la tendance est forte dans le luxe de fabriquer des contenus comme des leçons d’histoire ou un cours magistral finalement assez ennuyeux et conformiste sur la richesse des savoir-faire ancestraux. Le contenu doit être le moyen de faire ressortir la poésie et la magie de la marque.

5. Associez-vous des ambassadeurs ou des artistes lorsque vous mettez votre contenu à disposition de vos communautés. Une marque de luxe n’ouvre jamais toutes grandes les portes de son univers, gardez le contrôle.

6. Travaillez avec des équipes spécialisées, expertes dans la création de contenu ; respectez leurs exigences et mettez-vous en retrait. Elles connaissent les attentes du public et les formats idéaux pour émerger au sein d’un paysage éditorial toujours plus dense et concurrentiel. Votre légitimité éditoriale en dépend.

7. Mesurez l’adhésion en prenant en compte le temps de visionnage ou de consultation (le taux de clic ne suffit pas).

8. Mesurez le trafic sur le contenu et le niveau d’engagement par le temps de visionnage ou de consultation (le taux de clic ne suffit pas).

9. Orchestrez la visibilité de votre contenu, ne pensez pas que sa qualité suffira à le faire émerger.

10. Jouez du transmédia : établissez une stratégie dynamique de renvoi des canaux entre eux. Chaque média doit devenir le tremplin vers un autre média. Si le luxe est un monde à l’intérieur duquel se promener, le passage d’un média à l’autre, par des jeux de renvois mutuels, peut accompagner et mimer cette exploration du luxe comme univers.