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En partenariat avec : 1 Palais Bourbon Palais Bourbon Palais Bourbon Palais Bourbon – 3 décembre 2009 3 décembre 2009 3 décembre 2009 3 décembre 2009 > > > > Compte Compte Compte Compte rendu rendu rendu rendu Colloque organisé par Patrick Karam, délégué interministériel Colloque organisé par Patrick Karam, délégué interministériel Colloque organisé par Patrick Karam, délégué interministériel Colloque organisé par Patrick Karam, délégué interministériel pour l’Égalité des chances des Français d’Outre pour l’Égalité des chances des Français d’Outre pour l’Égalité des chances des Français d’Outre pour l’Égalité des chances des Français d’Outre-mer, mer, mer, mer, en partenariat avec Nicole Bristol, présidente de l’association en partenariat avec Nicole Bristol, présidente de l’association en partenariat avec Nicole Bristol, présidente de l’association en partenariat avec Nicole Bristol, présidente de l’association La Voix de l’Outre La Voix de l’Outre La Voix de l’Outre La Voix de l’Outre-mer. mer. mer. mer. Compte rendu réalisé par Me Daniel Mugerin, avocat au Barreau de Paris

Cr Colloque Consultation Outre Mer Palais Bourbon 03 12 2009

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CR du colloque pour mieux comprendre les enjeux pour l’avenir de nos territoires du 03 décembre dernier qui a eu lieu au Palais Bourbon avec Guy Carcassonne et Ferdinand Mélin-Soucramanien invités par Patrick Karam

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Palais Bourbon Palais Bourbon Palais Bourbon Palais Bourbon –––– 3 décembre 2009 3 décembre 2009 3 décembre 2009 3 décembre 2009

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Compte rendu réalisé par Me Daniel Mugerin, avocat au Barreau de Paris

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Le Colloque réunit autour de Monsieur Patrick KARAM, Délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’Outre-mer, et Madame Nicole BRISTOL, Présidente de la Voix de l’Outremer, Maire adjoint de la Commune de MONTESSON (Yvelines), les personnalités suivantes :

- Monsieur Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN, Professeur de Droit public à l’Université Montesquieu – Bordeaux IV,

- Monsieur Guy CARCASSONNE, Agrégé de Droit public, Professeur à l’Université de Paris X – Nanterre,

- Monsieur Pascal PERRI, Professeur d’économie à l’École Negocia-Advancia,

Paris,

- Monsieur Daniel MUGERIN, Avocat au Barreau de Paris et au Barreau de la Guadeloupe, Maître de conférences en droit constitutionnel à SciencesPo. Paris.

Le Colloque est ouvert par Monsieur Patrick KARAM. Madame Nicole BRISTOL prononce un mot d’accueil pour les participants et l’assistance. Monsieur Patrick KARAM a souhaité organiser le Colloque pour nourrir, de façon technique et précise, le débat en cours avant les consultations des 10 et 24 janvier 2010 qui doivent permettre aux électeurs de Guyane française et de Martinique d’indiquer s’ils souhaitent rester dans le régime fixé par l’article 73 de la Constitution du 04 octobre 1958 ou s’ils souhaitent voir leur département passer sous le régime prévu par l’article 74 de la Constitution. Monsieur Patrick KARAM remarque que la consultation ne permet pas aux Martiniquais et Guyanais qui vivent en métropole de voter, ceci alors que nombre d’entre eux ont gardé leur inscription électorale dans leur commune d’origine ou encore ont coutume de ne pas exercer leur droit de vote. Cela constitue, selon lui, un vrai problème politique. Monsieur Patrick KARAM a voulu apporter une réponse au débat qui est en cours. Premièrement, il souhaite engager, grâce à ce Colloque, une active campagne d’information. Il invite toutes les associations ultramarines, dont beaucoup de représentants sont présents au Colloque, à relayer la teneur des débats et à investir l’espace médiatique. Deuxièmement, il annonce le lancement d’un site internet interactif le mercredi 09 décembre 2009 qui sera ouvert aux Ultramarins comme aux Hexagonaux. Ce site permettra notamment aux internautes de donner leur avis, de voter, pour le département de leur choix. De plus, le site internet interactif ne sera pas limité à la

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Martinique et à la Guyane. Tous les Ultramarins seront concernés. Le vote n’aura aucun caractère obligatoire et revêtira un caractère purement symbolique. Il a été fait appel à des spécialistes du thème du Colloque. Le Professeur Guy CARCASSONNE est une autorité, en France et dans le monde, en droit constitutionnel. Il a fait une intervention sur le sujet à Fort de France, en Martinique, le 8 juin 2009. Le Professeur Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN est également une autorité en droit constitutionnel et a publié de nombreux ouvrages. Le Professeur MELIN-SOUCRAMANIEN est originaire de La Réunion. Monsieur Pascal PERRI fut le co-rapporteur du groupe de travail « Formation des prix, distribution et pouvoir d’achat » dans le cadre des États généraux de l’Outre-mer dans l’Hexagone. Monsieur Daniel MUGERIN est avocat au Barreau de Paris et au Barreau de la Guadeloupe, et vice-président de la Voix de l’Outremer. Il est originaire de Guadeloupe et de Martinique. Madame Nicole BRISTOL remercie Monsieur Patrick KARAM d’avoir associé la Voix de l’Outremer à l’organisation du Colloque. Elle rappelle que la Voix de l’Outremer rassemble des hommes et des femmes qui veulent inscrire l’Outre-mer dans le débat public. Elle indique que le débat du jour engage l’avenir de l’Outre-mer et qu’il revient à tous les Ultramarins de l’aborder avec un esprit de grande responsabilité. L’objectif du Colloque consiste à délivrer un maximum d’informations pour comprendre les enjeux. En effet, le choix entre l’article 73 et l’article 74 va être d’importance.

* * *

PROFESSEUR Guy CARCASSONNE Le Professeur Guy CARCASSONNE entame ses propos sous la forme d’un avertissement : il craint que ses propos ne soient « assez frustrants ». Guy CARCASSONNE souligne que Patrick KARAM annonçait, en introduisant le Colloque, que lui-même et Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN apporteraient des éclaircissements. Mais il craint ne pouvoir apporter aucune certitude. En effet, Guy CARCASSONNE rappelle que la Constitution offre désormais une palette de possibilités, un « camaïeu » de configurations institutionnelles.

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Il souligne le fait qu’avant les consultations des 10 et 24 janvier 2010, sans au demeurant connaître les détails des textes à intervenir, tous sont réduits à faire des conjectures. En revanche, il indique pouvoir être utile pour apporter le nécessaire éclairage sur le contexte constitutionnel et faire comprendre la logique des articles 73 et 74. Guy CARCASSONNE, comme il l’a indiqué dans ses propos liminaires prononcés à Fort de France, indique que les consultations ne sont pas un « loto » où il conviendrait de s’en remettre à la chance pour tirer « le bon numéro ». Selon lui, il n’existe pas de « bon numéro à cocher ». Il existe, selon qu’on se trouve sous le régime de l’article 73 ou sous celui de l’article 74, deux régimes assez différents. Si l’un était excellent et l’autre ne l’était absolument pas, ce dernier ne serait pas dans la Constitution. Il ne s’agit pas, d’une part, d’une grille de loto à remplir, ni d’autre part, d’une querelle théologique à ouvrir. Nous ne sommes pas face à un choix entre « ni bien, ni beau », « ni bien, ni mal ». Rien ne serait pire, dans le débat en cours et qui va bientôt franchir une étape décisive, que de se lancer des anathèmes. Guy CARCASSONNE indique que les deux positions sont parfaitement et également respectables. Elles supposent, chacune, une forme de pari raisonné sur ce que doivent être les territoires. Il est essentiel d’avoir cela présent à l’esprit. Les difficultés sont suffisantes pour ne pas avoir à alourdir le débat de procès d’intention en tous genres. Au reste, le texte constitutionnel lui-même invite à cette prudence. Entre les deux extrémités que sont l’article 73 et l’article 74, il n’existe pas nécessairement de fossé absolument infranchissable. L’on serait surpris de constater que l’on peut être dans l’article 73 et dans le même temps proche de 74, et inversement. Il existe, bien entendu, des différences essentielles entre les deux régimes, qui sont strictement d’ordre technique. Les articles L’article 73 est le plus connu, utilisé depuis 1946, fondé sur le principe de l’adaptation législative. Sous son empire, il n’existe pas de différence a priori entre le droit appliqué en métropole et celui appliqué dans les DOM, et la priorité dans la mise en œuvre des règles n’est pas ultramarine. Cependant, le législateur a été sage : compte tenu des spécificités géographiques, des adaptations peuvent être nécessaires, mais dans une marge relativement limitée, sinon très limitée. L’unité régionale ou départementale, par principe, l’emporte et l’on est un département, une région, avant tout autre chose, y compris avant d’être ultramarin.

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Le statut des régions est toujours fixé par le législateur, par des lois ordinaires que vote le Parlement français. A l’instant où le Parlement français légifère, sur quelque sujet que ce soit, la loi s’applique dans les DOM, sous réserve d’éventuelles adaptations. A priori, donc, l’uniformité est la règle. Mais il faut tempérer ce propos : l’article 73 a été révisé. La révision de 2003 puis celle de 2008 ont substantiellement modifié la donne. A propos de l’article 73, désormais, les collectivités qui relèvent de ses dispositions peuvent demander et obtenir des habilitations à exercer des compétences dans les domaines indiqués par la loi. A propos de l’article 74, l’histoire est très sensiblement différente. Ses dispositions forment un cadre tout à fait rénové de ce qui s’appliquait aux anciens territoires d’outre-mer (TOM). Toutefois, il fut un temps où il existait une catégorie juridique territoriale assez homogène : les TOM. Cette homogénéité a, aujourd’hui, disparu : désormais, chaque ancien TOM dispose d’une organisation propre. Dans sa version actuelle, l’article 74 a, très justement, tenu compte de cette évolution pour renoncer à un statut unique. La dénomination « COM » (collectivité d’outre-mer) reste l’unique dénominateur commun. De fait, l’article 74 n’a plus d’unité. Guy CARCASSONNE considère qu’il est sage que la Constitution ait tenu compte de cela. Les principes

- spécialité législative : les dispositions de l’article 74 signifient que les territoires concernés ont une législation spéciale. Mais attention : cela emporte deux conséquences. Premièrement, Les lois votées à l’échelon national ne s’appliquent pas de plein droit dans les COM 74, ou alors sous certaines conditions, et elles doivent être rendues compatibles avec les spécificités statutaires de la COM concernée. Deuxièmement, le Parlement national renonce lui-même à une partie de ses compétences qui désormais seront exercées localement par la COM et pour son compte. On pourrait parler ici de délégation du pouvoir législatif. Cela n’a plus grand-chose à voir avec la règle de l’adaptation législative prévue par l’article 73. Il s’agit d’adopter des lois locales qui pourront être très sensiblement différentes.

- La marge offerte par l’article 74 peut être infiniment plus grande que

l’adaptation législative prévue par l’article 73. Guy CARCASSONNE souligne un point supplémentaire.

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Il rappelle qu’il existe deux régimes dans l’article 74. Il convient de distinguer les COM qui auront choisi la spécialité législative (article 74, « second ») et celles qui auront choisi l’autonomie, c’est à dire le degré le plus poussé dans la spécialité législative. Ces dernières auront leurs propres lois, disposeront de compétences sensiblement plus vastes, dans le respect des principes constitutionnels qui demeureront communs aux citoyens français, où qu’ils se situent. Enfin, une dernière différence doit être mentionnée, que Guy CARCASSONNE ne veut pas exagérer : le statut prévu par l’article 73 est déterminé par la loi ordinaire alors que celui prévu par l’article 74 relève de la loi organique. Il convient de souligner que cette différence n’est pas considérable en termes politiques. Ce n’est qu’au prix d’une fiction que l’on croit, parfois, qu’un statut organique serait plus protecteur que celui conféré par la loi ordinaire. En réalité, le critère distinctif va être fondé sur l’existence ou l’absence de consensus politique. Il faut se souvenir qu’une remise en cause éventuelle du cadre institutionnel peut intervenir que le texte fondateur soit ordinaire ou organique. Une fois ceci posé, Guy CARCASSONNE rappelle que l’on voit que se confirme son postulat de départ : on gagne en clarté, mais pas en certitude. Guy CARCASSONNE s’affirme être dans l’incapacité d’apporter la moindre certitude sur le contenu de la loi future qui régira la Martinique et la Guyane. Or là réside le sujet essentiel. En effet, l’interrogation qu’il convient d’affronter est moins à propos du contenant que du contenu. Il est tout à fait vital de comprendre qu’entre une collectivité qui resterait sous l’empire des dispositions de l’article 73 mais qui obtiendrait la maîtrise d’un nombre relativement important de sujets, d’une part, et une collectivité régie par les dispositions de l’article 74 mais qui, en vérité, ne se serait saisie que d’une ou deux attributions, d’autre part, la différence serait extraordinairement mince. C’est en ce sens qu’il convient de reparler de camaïeu constitutionnel. Guy CARCASSONNE se réfère à l’exemple de Saint Martin qui, dans l’article 74, est resté similaire à ce qu’il était sous l’article 73, avec une demande d’habilitation sur la fiscalité. En revanche, il est vrai qu’il existe des capacités d’avancer dans l’autonomie dans l’article 74. Il convient également de relever qu’en dynamique, l’article 74 bute beaucoup plus vite que ne le ferait l’article 73 sur des impossibilités d’aller au delà plusieurs années après l’adoption du nouveau statut. Or il faut considérer que l’on ne va pas tous les mois changer de statut. Le choix à faire le 10 janvier 2010 et, le cas échéant, le 24 janvier 2010 est délicat. Guy CARCASSONNE indique qu’il serait lui-même assez partagé. L’article 74 renvoie à des notions pour lesquelles on peut avoir de la sympathie et, dans le même temps, alimente des craintes sur la perte de l’automaticité de l’application de la loi

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nationale, en particulier la crainte de la suppression du RMI ou encore celle de la disparition de droits sociaux et économiques. Or personne ne songe à proposer cela. En revanche, il est vrai que pour toutes les avancées nouvelles qui pourraient être décidées par le Parlement français, les avancées futures ne seront pas instantanément applicables dans les COM qui relèveraient désormais de l’article 74. L’électeur doit, dès lors, effectuer un choix raisonnable entre ce à quoi il renonce (l’automaticité) et ce qu’il acquiert (la spécificité et l’autonomie). Les deux options sont tout à fait et tout autant défendables l’une que l’autre. Il demeure la question qui concerne l’autre option, relative à l’assemblée unique. Il est courant de considérer que l’assemblée unique est à peu près ce que l’on propose de faire dans le cadre de la réforme Balladur sur les collectivités territoriales. Selon Guy CARCASSONNE, il s’agit là d’une erreur profonde. En effet, il pense que l’assemblée unique envisagée pour la Martinique et la Guyane n’a rien à voir avec le projet sur la réforme territoriale en cours d’examen au Sénat. Dans le projet métropolitain, il s’agit d’élire deux assemblées avec un seul bulletin de vote alors qu’il s’agit d’un seul bulletin de vote aux Antilles Guyane pour une assemblée unique. De plus, il reste beaucoup d’obstacles à franchir au projet Balladur. Il est pratiquement acquis que, s’il était adopté, la région serait absorbée par le département plus que le contraire, tout en maintenant deux assemblées différentes. Ici, aux Antilles-Guyane, l’apparition d’une assemblée unique marquerait la naissance d’une collectivité qui n’existe pas encore en France.

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PROFESSEUR Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN Le Professeur Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN rend hommage aux servitudes du Professeur Guy CARCASSONNE qui vient d’expliquer les articles 73 et 74 comme à ses étudiants de première année. Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN souligne le fait que le sujet est singulièrement compliqué. En effet, nous sommes en présence de deux blocs : certaines collectivités territoriales d’outre-mer ont un statut constitutionnel, d’autres ont un statut seulement législatif (TAAF, Clipperton, Corse).

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Celles qui relèvent d’un statut constitutionnel peuvent être encore subdivisées en trois grands blocs : 1° Les Départements d’Outre-mer (La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane), avec Mayotte, qui est un DOM sans être une région. En effet, Mayotte n’est pas un DROM. 2° L’article 74 qui comprend deux grands niveaux : les COM dotées de l’autonomie et celles qui n’en disposent pas. 3° La Nouvelle Calédonie qui relève des dispositions des articles 76 et 77 de la Constitution. Dès lors, il apparaît que le paysage est singulièrement compliqué. Les passerelles, de plus, fonctionnent dans les deux sens. Mayotte est sortie du statut de COM pour aller vers le statut plus assimilateur et centralisateur de DOM alors qu’on propose à la Guyane et à la Martinique de faire le chemin inverse. C’est ce qui est paradoxal dans ce mouvement. Le paysage se complique encore plus à l’esprit de qui se rappelle les mots de Guy CARCASSONNE qui parlait de la réforme territoriale métropolitaine. Que va-t-il se passer en Martinique et en Guyane ? Il convient d’aborder la réponse à partir de l’étude de trois étapes simples : la procédure, le contenu, les enjeux. La procédure Le gouvernement a prévu une consultation à double détente. Deux temps sont prévus: les 10 et 24 janvier 2010. Sur le plan juridique, la loyauté et la sincérité de la consultation sont préservées grâce au choix du gouvernement de procéder en deux temps. De fait, il convient de conserver l’identité des deux questions, ceci en application de la jurisprudence du Conseil d’État (CE, 04 décembre 2003, M. Feler), et le choix du gouvernement de procéder à la dissociation des questions est parfaitement justifié. Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN rappelle qu’il s’agit d’une consultation et pas d’un référendum. Il se demande s’il n’aurait pas été possible d’aller plus loin en ce qui concerne l’ouverture du vote aux personnes concernées à partir du critère des attaches matérielles et morales. Pour sa part, Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN l’aurait probablement envisagé. En effet, la question du lien avec les Domiens de l’Hexagone ne manque pas d’être posée au travers du débat sur la consultation et de la consultation elle-même. Il convient d’observer l’absence de tout débat sur l’indépendance.

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Dès lors, la question du résultat de ces consultations revêt un enjeu extrêmement important. Le contenu Cette importance est relevée par Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN qui, dans le même élan, indique ne pas être persuadé que les textes font le bonheur de tous. De fait, il ne faut pas attendre monts et merveilles, selon lui, de la réforme envisagée. Que l’on se situe sur le terrain du choix à accomplir, Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN se demande ce qu’il qu’y aura en plus et ce qu’il y aura en moins. Tout d’abord, il faut bien reconnaître, selon Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN, qu’il n’y a pas grand chose à dire tant que l’on n’a pas le texte de la loi organique. Pour faire la balance entre l’œuvre de Dieu et la part du Diable, ce qui est certain, c’est que si Martinique et Guyane allaient vers l’autonomie, c’est le principe de la spécialité législative qui prendrait le dessus. Cependant, et premièrement, il convient de remarquer qu’en régime d’autonomie, les lois de pays restent des textes réglementaires soumis au contrôle du juge administratif. Deuxièmement, il faut relever la possibilité conférée par l’article 74 de délégaliser les lois nationales intervenues dans le domaine de compétence de la COM. Troisièmement, l’autonomie devrait conférer la possibilité d’adopter des mesures justifiées par les nécessités locales en faveur de la population de la COM dans des matières significatives (emploi, propriété foncière, préférence locale, questions patrimoniales, questions territoriales). Quatrièmement, l’autonomie devrait conférer à la collectivité la possibilité de participer, sous le contrôle de l’État, à l’exercice des compétences qui la concernent. Dès lors, il apparaît qu’il va falloir faire preuve de créativité. On ne parle pas d’indépendance. Pour Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN, des limites demeurent. Ces limites sont de deux ordres :

- 1. Le contrôle juridictionnel exercé par le Conseil d’État et la Cour de cassation ;

- 2. La jurisprudence du Conseil constitutionnel (Décision n° 84-DC du 18 janvier 1985 sur la Loi Chevènement) : le Conseil constitutionnel a posé une règle très forte que le constituant a codifiée. Quelle que soit la partie du territoire de la République concerné, il doit y avoir une forme d’unité dans la protection des libertés publiques des citoyens.

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Cela a des conséquences directes sur notre débat : le Conseil constitutionnel a posé clairement que ce principe d’unité entraîne une exigence de solidarité nationale sur l’ensemble du territoire. De plus, dans sa décision n° 2003-487 DC du 18 décembre 2003 sur la loi portant décentralisation en matière de RMI et créant un revenu minimum un revenu minimum d’activité, le Conseil constitutionnel fixe au législateur une limite à ne pas franchir en matière de solidarité nationale, de prestations sociales (dépendance-vieillesse, etc.) Le juge constitutionnel et le juge administratif sont de bons garde-fous. Les enjeux Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN considère que l’enjeu fondamental du débat autour des consultations en Guyane et Martinique concerne un thème qui nous intéresse beaucoup mais qui ne passionne peut être pas les Métropolitains : celui de la décolonisation. Il trouve intéressant, dans ce processus, de rappeler que l’on oppose souvent la colonisation britannique et la colonisation française. On a remarqué que les Britanniques ont procédé comme ils ont décolonisé, c’est à dire en procédant à une dissociation là où les Français procédaient par uniformité. De fait, l’évolution en cours en France est pleine de promesses. Elle recèle, cependant et dans le même temps, un certain nombre de dangers. L’un des défis consiste à relever l’obstacle de la difficulté de faire émerger une classe politique diversifiée. Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN pense que les garde-fous sont suffisamment solides. En remarque terminale, Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN observe que la France pourrait, au travers des réformes proposées, envisager une forme de décolonisation qui accepte la différenciation.

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Échange de Questions / Réponses avec l’assistance

1. A propos des finances publiques locales, une question est posée sur le maintien éventuel du contrôle par la Cour des comptes, la pérennité de l’application de la nomenclature de finances publiques N14 et la possibilité de créer de nouvelles taxes :

Guy CARCASSONNE répond que la Cour des comptes continuera d’exercer son contrôle.

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Il observe que, sur la question des recettes fiscales, ce n’est pas l’autonomie qui remplira les caisses. Il propose de renvoyer la question pour souligner que tant l’article 73 que l’article 74 posent la question des ressources. Quelque choix que les électeurs martiniquais et guyanais feront, le problème du financement se posera. Si le choix de l’habilitation sous l’article 73 est effectué ou si celui de la spécialité sous l’article 74 est préféré, la question des financements qui vont de pair devra suivre immédiatement.

2. Une intervenante se demande si les dirigeants locaux ne devront pas se montrer plus vigilants si l’article 74 s’applique. Elle se demande, de plus, si, sous l’empire des dispositions de l’article 73, des dirigeants laxistes ne seraient pas plus facilement contrôlés.

Pour Guy CARCASSONNE, le postulat de base sur lequel se fonde cette question s’avère objectivement inexact.

3. Un intervenant pose la question de l’exemple de Saint Pierre et Miquelon Le Sénateur Denis ETCHEVERRY rappelle que Saint Pierre et Miquelon, d’abord TOM, est devenu DOM en 1978, puis est redevenu COM pour des raisons de fiscalité, notamment. Saint Pierre et Miquelon a tenté de prendre le meilleur des deux régimes et le Sénateur ETCHEVERRY indique que l’Archipel n’y est pas parvenu.

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Le Professeur Pascal PERRI procède à une intervention qui offre une perspective économique sur l’alternative offerte par l’article 73, d’une part, et l’article 74, d’autre part. Il souligne le fait que la réussite du choix du passage à l’autonomie devrait être très largement corrélé à la nature des financements qui l’accompagneraient. Tout pronostic reste impossible à établir en l’absence de tout texte préparatoire sur ce point important. De plus, le Professeur Pascal PERRI souligne le fait que de nombreuses possibilités existent déjà sous l’empire de l’article 73 en matière de développement économique et commercial qui n’ont vraisemblablement pas été utilisées complètement.

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Maître Daniel MUGERIN, dans une tentative de synthèse, souligne l’importance de la consultation à venir, qui a été voulue par le Président de la République en réponse aux demandes des collectivités territoriales en même temps qu’elle met les électeurs dans une position de trancher une question qui est réapparue à la faveur de la crise sociale en Guyane, aux Antilles et dans tout l’Outre-mer au début de l’année 2009. Il rappelle, de plus, que la consultation, si l’on regarde vers le passé sur la plus longue durée, répond à une ancienne revendication du Parti progressiste martiniquais (PPM) qu’avait, en son temps, créé Aimé CESAIRE en vue d’atteindre l’objectif de l’autonomie. Cependant, Daniel MUGERIN indique que les électeurs de Martinique et de Guyane disposent finalement de la possibilité de mettre un terme, par leur décision, à une revendication statutaire ancienne, qui ferait la part trop belle à des revendications potentiellement dépassées. En effet, ne devrait-on pas voir que le passage éventuel à l’autonomie n’emporterait nullement et mécaniquement un développement économique que personne ne conteste depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, mais qui n’est pas suffisamment bien accompagné et anticipé ? De fait, nombre de textes législatifs et réglementaires qui permettent, sous l’empire de l’article 73, aux autorités politiques décentralisées et à certains représentants du secteur productif (chambre de commerce et d’industrie, chambre d’artisanat, chambre d’agriculture), d’être pleinement et activement associés aux politiques publiques de développement économique demeurent inappliqués. Tel est le cas, notamment, en matière d’application dans les DOM du droit de la concurrence interne et communautaire. Hawaii, dans le droit commun américain, et Puerto Rico, État non souverain et associé aux États Unis, offrent des exemples qui méritent d’être analysés dans le cadre du débat qui nous occupe. La question, comme l’a souligné Guy CARCASSONNE, est ouverte, ceci d’autant plus que l’esprit français, bien présent dans le débat qui nous occupe, est toujours porté à des formes d’ingénierie juridique et d’inflation constitutionnelle supposées faire émerger définitivement le bien commun. De plus, comme l’a relevé Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN, l’éventualité d’un cadre légal vers l’autonomie devrait être l’occasion de rappeler l’unité de la République, figurée par la présence du représentant de l’État dans chaque collectivité sans exception. Selon Daniel MUGERIN, la question du respect et de la défense des libertés publiques et fondamentales est essentielle.

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Le Colloque s’achève sur un échange de questions et réponses avec l’assistance. Madame Nicole BRISTOL conclut les débats.