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Les deux pilotes d’un Mirage 2000 avant le début de l’opération.

8 actualitésdimanche Ouest-France

26 janvier 2014

Pour : « C’est un outil de dissuasion visible »

Dans le projet de loi de financespour 2014, les crédits liés à la dissua-sion s’élèvent à 3,1 milliards d’eurosen autorisations d’engagement et à3,5 milliards en crédits de paiementau total. Dans une situation budgé-taire tendue, cela peut légitimement

susciter un débat. D’autant qu’en2019, il faudra se pencher sur la 3e

génération de sous-marins SNLE.Pour autant, nous n’avons pas intérêt

à supprimer la composante aérienne.D’abord, la supprimer ne constituepas un sujet d’économies substantiel-les. Ensuite, cette composante est no-tre deuxième assurance de capacitéde frappe nucléaire puisque les SNLEne sont pas à l’abri d’une rupture tech-nologique. Enfin, c’est un outil de dis-suasion visible que l’on peut montrer àun adversaire pour témoigner de notredétermination ».

Gwenegan Bui,député PSdu Finistère, membrede la commissiondes Affaires étrangères.A

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Avant le vol, les mécaniciens équipent le missile.

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La répartition des forces de frappe de la dissuasion françaiseDécryptage

Depuis l’abandon de la composanteterrestre de la dissuasion (entre1991 et 1996), la « force de frappe »est détenue par la Marine et l’arméede l’Air.

Sur l’Île Longue et à Landivisiau(Finistère). La Force océanique straté-gique (Fost) dispose de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins(SNLE) : le Triomphant, le Téméraire,le Vigilant et le Terrible. Ils sont armésde missiles M45 ou M51. Les SNLEont leur base à l’Île Longue, près deBrest. La Marine aligne aussi les chas-seurs embarqués Rafale des flottilles11F et 12F (basées à Landivisiau) ca-pables de tirer le missile de croisièreASMP-A. Ce missile d’une portée dequelque 400 km, vole à la vitessede mach 3 et sa tête nucléaire auraitune puissance estimée à 300 Kt, soitquinze fois la bombe d’Hiroshima.

À Istres et Saint-Dizier (Bouches-du-Rhône et Haute-Marne). Ce mêmemissile, dont un unique exemplaire estréellement tiré chaque année (sanssa charge nucléaire bien sûr), équipeles avions des Forces aériennes stra-tégiques de l’armée de l’Air (Fas) qui

disposent de deux escadrons à voca-tion nucléaire. À Istres est basé l’es-cadron 2/4 La Fayette et ses Mirage2000N au standard K3. À Saint-Di-zier, l’escadron 1/91 Gascogne est luiéquipé de Rafale. Des appareils qui, àla différence des SNLE de la Marine,ne sont pas totalement dédiés au nu-cléaire : « Nos Mirage 2000N ont tiréprès du tiers des bombes larguées

sur les cibles libyennes », rappelle legénéral Charaix, patron des Fas.

À Avord (Cher). L’armée de l’Air dis-pose d’une troisième base nucléaire,la base d’Avord, près de Bourges.Aucun escadron de bombardementn’y stationne en permanence ; en re-vanche, la base accueille les quatreavions Awacs E-3F de l’escadron de

détection et de contrôle aéroportésBerry, ainsi qu’un stock d’armes nu-cléaires scrupuleusement surveillé pardes gendarmes et des commandosde l’air. « La base d’Avord, expliqueson commandant, le colonel Mandon,constitue un terrain de déploiement ;elle dispose toutefois d’une zoned’alerte nucléaire (la ZAN) activée24 heures sur 24, avec une vingtainede personnes sur place ». Cette ZANcomporte douze hangarettes pour desMirage 2000N et les Rafale, d’un cen-tre de stockage des armes nucléaires(la très discrète zone K3) et d’un postede commandement enterré, protégécontre les attaques nucléaires, chimi-ques, électromagnétiques.

« C’est comme un SNLE sur terre »,plaisante le lieutenant-colonel Venot,épisodique commandant de la ZANet pilote du La Fayette. C’est lui quirecevrait, en cas de déclenchementd’un plan nucléaire, les consignesprésidentielles et donnerait aux pilo-tes les ordres d’« en alerte à bord »des avions puis de « mise en route,roulage ». Des ordres pas tout à faitinéluctables puisqu’un raid nucléairepourrait être annulé « jusqu’à un cer-tain point, avant que les communi-cations avec les avions ne soientplus possibles ».

Le lieutenant-colonel Venot dans la zone d’alerte nucléaire.

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Au cœur de l’opération Poker, une simulation de riposte nucléaireLes Rafale et Mirage 2000 constituent une pièce méconnue de la dissuasion nucléaire française. Reportage lors d’un récent exercice.

Reportage

L’Awacs E3-F de l’escadron Berry sur-vole le Finistère. Dix mille mètres plusbas, dans les terriers bétonnés de l’îleLongue, somnolent les sous-marinsnucléaires lanceurs d’engins (SNLE).« Ce sont des cousins » plaisantait unpeu plus tôt un pilote de Rafale. Cesoir, ce capitaine et son navigateurfont partie de l’une des deux vaguesd’assaut qui vont effectuer l’opérationPoker, un raid nucléaire nocturne.

Un exercice grandeur nature

Le gros Boeing gris de détection etde contrôle aéroportés, au rotodômecaractéristique, a décollé de la based’Avord. Une douzaine de Mirage2000N et Rafale, en deux vagues,l’encadrent de loin. L’objectif de cesoir : une base aérienne ennemie.

« C’est un entraînement, bien sûr,mais grandeur nature et dont les ré-sultats remontent jusqu’à l’Élysée »,confiait dans l’après-midi le lieute-nant-colonel Raphaël Venot dans le

poste de commandement de la zoned’alerte nucléaire d’Avord. C’est luiqui, en cas de crise réelle, aurait trans-mis les ordres présidentiels aux équi-pages, libérant les Awacs, Rafale, Mi-rage et leurs ravitailleurs en vol.

« De la pointe bretonne jusqu’auxPyrénées, puis vers Montpellier » :le lieutenant-colonel Arnaud Bour-guignon, le commandant des qua-tre E3-F du Berry, égrène le plan devol. « L’Awacs ira ensuite du côté deLyon pour sa mission de détectionet de guidage, pendant que les deuxvagues d’assaut remonteront le Mas-sif Central pour une mission de pé-nétration à très basse altitude ». Auterme de leur infiltration, les Mirage etles Rafale, s’ils ne sont pas détruitspar les défenses antiaériennes et lachasse ennemie, grimperont brutale-ment pour tirer leurs missiles nucléai-res ASMP-A.

« C’est une mission classique, ex-plique le général Patrick Charaix, lecommandant des Forces aériennesstratégiques. Un suivi de terrain àtrès basse altitude et très grandevitesse pour traverser les systèmesde défense. Rien de comparableavec ce que font nos amis améri-cains ; eux ont choisi le raid à hautealtitude, avec des appareils furtifs etun déploiement massif d’avions deguerre électronique. Moins discret…Ce soir, le raid comporte une quin-zaine d’avions ; mais Poker, ça peutaussi être des missions avec 50 ap-pareils si l’on inclut ceux qui jouentle rôle des défenseurs ! ».

Outre Poker, qui se joue dans l’es-pace aérien métropolitain, l’armée

de l’Air organise aussi Marathon etMinotaure, des raids nucléaires loin-tains vers Djibouti, les Émirats Ara-bes Unis… Des vols éprouvants et exi-geants qui réclament des équipageshors pair. Mais « bien malin celui quise dirait infaillible pour préparer unéquipage à une frappe nucléaire »,admet le lieutenant-colonel Venot.Ses pilotes, « rigoureux et droits »,savent parfaitement que « leur actionéventuelle, en cas de décision duPrésident de recourir à l’arme atomi-que, ne serait pas anodine ».

Le bluff nucléaire

Pour ou contre l’arme nucléaire ?Pour ou contre le maintien de deuxcomposantes, l’une aérienne, l’autresous-marine ? Dans les hangaret-tes d’Avord ou dans la carlingue del’Awacs, la question n’a pas cours.« Il faut poser la question auxchefs », se contentent de dire lesmécaniciens, pilotes et navigateurs.« En conservant les deux compo-santes de la dissuasion, nous don-nons au Président un choix, résumele général Charaix. En cas de criseet de menace directe contre laFrance, les SNLE frapperaient ensecond. Aux Mirage 2000N et Ra-fale de conduire la frappe d’avertis-sement ». Une frappe qui n’en restepas moins, selon Jean-Marie Colin,auteur du livre Arrêtez la Bombe et di-recteur France de l’organisation Par-lementaires pour la non-proliférationnucléaire et le désarmement, une« frappe d’anéantissement ».

Philippe CHAPLEAU. Pendant l’exercice, ravitaillement en vol d’un rafale équipé de la charge nucléaire factice.

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Le poste de commandement embarqué de l’Awacs.

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Nièvre

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Indre

Loir-et-Cher

Bourges

30 kmO.-F.

Avord

En tant que citoyen français, je trouve important d’avoirune armée pour assurer la paix. En ce qui concerne lenucléaire, on doit vivre avec. On parle de guerre pro-pre mais le nucléaire c’est l’inverse de ça, c’est unépouvantable paradoxe.

Lorànt Deutsch

Contre : « Notre défense est déséquilibrée ! »

« Un tiers des investissements globauxde la Défense vont au nucléaire. Lebudget du ministère diminuant, seu-les les forces conventionnelles en pâ-tissent, pas la dissuasion ! Notre dé-fense est devenue dégradée et désé-quilibrée, avec un arsenal nucléaire qui

représente 20% du budget. Or, on nepeut avoir une dissuasion nucléaire cré-dible si elle n’est pas appuyée par unedéfense conventionnelle crédible. Lenucléaire seul n’entraîne pas la paix.

La composante aérienne n’est pasfondamentale ; il n’est pas sûr que nousdevions conserver la permanence à lamer avec un SNLE continuellement tapiau fond de l’océan ; pourquoi faudrait-ilalors disposer de quatre de ces sous-marins nucléaires ? Faut-il changer nostêtes nucléaires et les missiles aussisouvent ? On les change deux fois plussouvent que les Américains ! »

GénéralVincent Desportes,commandantde l’École de guerrede 2008 à 2010,professeur associéà Sciences Po Paris.D

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