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"Alors que l’holocauste s’éloigne dans le temps et que le nombre de survivants diminue, c’est à nous, la génération actuelle, qu’il incombe de porter le flambeau du souvenir et de défendre la dignité humaine."

La Presse Nouvelle Magazine N°302 janvier 2013

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Alors que l’holocauste s’éloigne dans le temps et que le nombre de survivants diminue, c’est à nous, la génération actuelle, qu’il incombe de porter le flambeau du souvenir et de défendre la dignité humaine."

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Page 1: La Presse Nouvelle Magazine N°302  janvier 2013

MENSUEL EDITE PAR L'U.J.R.E.

Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide

La PNMaborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisémitisme et deracisme, ouvertes ou sournoises. La PNMse prononce pour une paix juste au Moyen–Orient sur la base du droit de l'État d'Israël à la sécurité et sur la reconnaissance du droit à un État du peuple palestinien.

ISSN : 0757-2395Le N° 5,50 €

PNM n° 302 – Janvier 2013 – 31e année

1945 - Libération du camp d'AuschwitzLe billet du Président J. Lewkowicz 2

Cycle "Les pages belges"Introduction J. Szyster 6

MondePalestine, Entretien avec... A.Gresh 3

Tunisie, La difficile transition Y-A de la Messuzière 3

USA, Obama et les juifs américainsJ.F.Marx 4

Histoire / MémoireMaroc, de l'Occupation à nos jours. . . F. Salvaing 6

USA, III. Pourquoi Hollywood ? L.Laufer 7

Allemagne, Le "billet jaune" F.Mathieu 8

Billets d'humeurLa récompense des méritants J.Franck 5

HommagesMichel Slitinsky, Guta Feldman-Rozencwajg 2Remise de prix à Michel Warschaski 2

Culture / LittératureF.Scott Fitzgerald, raciste. . . G-G.Lemaire 5

Hommage à Aragon M.Delranc-Gaudric 8

Cinéma Gimme the loot - Les éclats LL 7

Nous assistons à une révolution coperni-mrancaielt dden8,d

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Henri Levart Une bouchée de pain rassisÀ ce propos, l’écart de revenus entre les plus Dans l’esprit du rapport Gallois offrant de nou-

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Vu les exigences et les pressions duMedef dans la négociation entrepatronat (MEDEF, CGPME, UPa) et syndicats

(CFDT, CGT, CFTC, FO, CFE-CGC)

Que restera-t-il duCode du Travail ?

2013 - Le "compromis historique"...

Journée internationale à la mémoire des victimes du génocide nazi"Alors que l’holocauste s’éloigne dans le temps et que le nombre de survivants

   diminue, c’est à nous, la génération actuelle, qu’il incombe de porterle flambeau du souvenir et de défendre la dignité humaine."

ORGANISATION DES NATIONS UNIES

(voir en page 5)

« cienne de la gauche » s’est exclamé lenistre de l’Économie. Référence au gastronome nous incitant à observer la facechée de la lune. « Dans les milieux ministéron ne se rend pas compte de la profondeur el’étendue de la misère », constate le présidu Secours Populaire Français : en effet,millions de personnes vivent au-dessousseuil de pauvreté, soit plus de 14% de la plation, et 36% dans les zones urbaines sensiPlus de 3 millions sont au chômage dont, gration sacrifiée, 23% de jeunes de 18 à 24Le chômage de longue durée ne cesses’étendre. Le désengagement de l’État esttent : sur les 1 ,4 millions de personnes qusont adressées au Secours Catholique, 70 %ont été envoyées par les services sociaux.Le SMIC revalorisé de 0,6% après l’élecprésidentielle puis de 0,3% récemment, lestraites ponctionnées : astronomique, Monsle ministre !De quoi s’installer dans un paradis fiscal. Ples mesures révolutionnaires prises par levoir socialiste : la TVA, les tarifs du gaz el’électricité relevés ; les taxes sur toute une sde produits dont… la bière et le Nutella.

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riches et les plus pauvres s’accentue d’année enannée : les dividendes versés aux actionnairesdes sociétés du CAC 40 ont atteint 37,4milliards d’euros sur un total de 86 milliards debénéfices, contre 35,4 en 2009. Où en est la pro-messe de s’en prendre à la haute finance ?Au vu du ralliement aux vœux du MEDEF,comment la ministre de la Santé peut-elle direque « le rôle de la gauche est de traduire lesaspirations à l’égalité de nos concitoyens et dechanger la société » ?Sans doute en pérennisant l’insuffisance desmoyens d’existence pour un grand nombre defamilles, en renonçant à la loi interdisant les li-cenciements boursiers, en reportant aux ca-lendes grecques la régularisation des travailleurssans papiers, en tenant les syndicats à l’écart ducalamiteux accord avec Mittal, l’ultra milliar-daire. Parmi toutes les entreprises déjà ferméesou en annonce de liquidation, le gouvernementconnaissait le dossier PSA. Sa direction nes’embarrasse pourtant pas pour annoncer 8 000suppressions d’emploi. Après tant de foyersdans la détresse (200 000 sont en surendette-ment), tant d’autres sont dans la crainte du pire.Et le pire du pire, c’est la rue dans le froid.

veaux avantages au patronat, un rapport dperts économiques préconise l’instauration dSMIC infériorisé pour les jeunes, afin, parade favoriser leur embauche. Un à un, MadParisot avançant ses pions sans rencontrerésistance de la part du gouvernement réclle départ à la retraite à 63 ans.Afin de remédier à la baisse du pouvoir d’acun boulanger de Nîmes, imité par ses confrèvend son pain de la veille à moitié prix.grandes surfaces disent vouloir baisser lprix sur les articles périmés.La bouchée de pain rassis, la viande avaribelle avancée sociale que voici.Est-ce cela le changement tant espéré, l’avindustriel du pays, la croissance annoncéemise au pas des puissances d’argent, les prodémocratiques ?Le mouvement populaire résiste, exigeconditions d’existence décentes, un avenir ddes temps modernes.Nous aussi, contribuons à renforcer sa détenation, à forger des perspectives claires, acieuses, seules susceptibles d’un comvictorieux. ■

22 décembre 2

Page 2: La Presse Nouvelle Magazine N°302  janvier 2013

2 PNM n° 302 – Janvier 2013

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éditées par l'U. J.R.EN° de commission paritaire 061 4 G 89897

Directeur de la publicationJacques LEWKOWICZRédacteur en chef

Roland WlosConseil de rédaction

Claudie Bassi-Lederman, Jacques Dimet,Jeannette Galili-Lafon, Patrick Kamenka,

Nicole MokobodzkiAdministration - Abonnements

Secrétaire de rédactionTauba-Raymonde Alman

Rédaction – Administration1 4, rue de Paradis7501 0 PARIS

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IMPRIMERIE DE CHABROLPARISL

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Nouvelle

Magazine

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:0757-2395

Guta Feldman-Rozencwajg

Une délégation de l'Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide(UJRE) et deMémoire des Résistants Juifs de la M.O.I. (MRJ-MOI)était présente lors de la commémoration des Fusilladesd'otages par les nazis, du 15 décembre 1941 , le matin àVillejuifet l'après-midi au cimetière du Père-Lachaise. ■

Guta Feldman-RozencwajgElle savait que ses parents ne survivraient pas à l’annonce du dé-cès de leurs enfants, Maurice fusillé par les nazis et Simek mort àAuschwitz, s’ils n’avaient de quoi se raccrocher à la vie. Il lui fal-lait retrouver Jean*, le fils de sa sœur Eva alors toujoursàAuschwitz, ce qu'elle a fait à la Libération.

De retour à Bruxelles, Guta avait offert une petitetrompette à son Jeannot, dont le son était chargéd'annoncer la joie à ses parents.

Guta** vient de s'éteindre ce 22 novembre2012 dans sa 95e année. Elle était généreuse,attentionnée, créatrice, aimante. Elle laisse unefoule d’objets artistiques, de dessins, desculptures comme celle-ci.

La Presse Nouvelle s'associe à la douleur de sesfils Moshe et Motti, de ses petits-enfants, de sa sœur Eva, de toutela famille et amis. ■* Jeannot fut caché par la Résistance à Mont-Saint-Père dans l'Ais-ne, chez une famille d'accueil qui recevra prochainement à titreposthume la Médaille des Justes parmi les Nations.** Rappelons que Guta a conservé durant 60 ans le manuscrit en yiddishde son père, Élie Rozencwajg, SHRAYB, TATECHI SHRAYB, permettantainsi son édition en français par la Presse Nouvelle, sous le titreÉCRIS, PAPA, ÉCRIS.

Michel Warschawski à l'honneur

La PNM et l’UJRE saluent l’attribution du prix des"Droits de l'Homme de la République française -

Liberté - Egalité - Fraternité" àMichelWarschawskiet au Centre d’information Alternative qu’il a fondé.Ce prix salue l’action continue et courageuse d’un ci-toyen israélien d’origine française, d’un intellectuel dehaute stature, en faveur d’une autre politique en Israël,qui respecterait les droits fondamentaux du peuplepalestinien et, partant, sa dignité et cesserait d’en-foncer Israël dans une guerre sans fin qui met en péril sa légitimité comme État. MichelWarschawski n’a cessé au prix de pressions de toutes sortes en Israël, d’emprisonnementpour opinion, de militer pour une paix juste au Proche-Orient, seule capable de restaurerl’image de l’État hébreu.Les forces qui, en France, soutiennent systématiquement et sans réserve la politique menéepar les dirigeants israéliens se dressent contre cette décision salutaire et bienvenue et pour-suivent avec constance une œuvre qui répand en France la haine, qui prend nos conci-toyens juifs en otage d’une politique criminelle. C’est précisément cette politique qui meten danger Israël. Il était temps que la République française le reconnaisse.La distinction attribuée à Michel Warschawski témoigne d’un nouveau pas de la Francevers un engagement plus effectif dans le règlement pacifique, sur la base des résolutionsde l’ONU, d’un conflit inacceptable qui n’a que trop duré. Par cet acte, la PNM et l’UJREvoient leur propre action légitimée. C’est un message d’encouragement qui nous pousse àfaire davantage pour la cause de la reconnaissance pleine et entière des Droits du peuplepalestinien, et de la paix dans le monde. ■

Michel SlitinskyMichel Slitinsky est né à Bordeaux, en 1925, dans une familled’immigrés juifs d’Ukraine venus en France en 1912 pour échap-per aux pogromes tsaristes. Son père, responsable d’une associa-tion d’entraide juive, sera raflé par les services de police de lapréfecture de Gironde, déporté en octobre 1942 et gazé à Ausch-witz. Sa mère restera cachée pendant trois ans dans une cave àBordeaux. Michel Slitinsky, aura juste le temps de s'enfuir par lestoits lors de l'arrestation nocturne de sa famille. Il entre en clan-destinité et intègre un réseau de résistance qui le mène dans lesmaquis d'Auvergne (M.U.R). Dès la Libération, il n'a de cesse de

reconstituer l'histoire de la Résistance en Gironde,collectant témoignages et documents consignésdans deux ouvrages parus en 1969 et 1972, fruitsd’une recherche passionnée. A partir de 1981 ,pendant dix ans, Michel Slitinsky s’efforce d’éta-blir la responsabilité de Papon dans la déportationdes Juifs de Gironde. Il a consacré quatre livres ausujet. Lors du procès de Papon (1997-98), MichelSlitinsky est le porte-parole des parties civiles. Il

est mort le 8 décembre 2012. Lors des obsèques, Fabien, l'un deses petit-fils lui rendant hommage au nom de la famille, entendaitfaire "perdurer la mémoire de (son) grand-père dont le combat apermis à de nombreuses personnes de faire leur deuil en 1998",lors de la condamnation de Maurice Papon à dix ans de réclusionpour "complicité de crimes contre l'humanité" pour son rôle dansla déportation de 1 .690 juifs de Gironde.L'équipe de la PNM transmet ses condoléances et l'expression deson respect à son fils, ses cinq petits-fils, à toute la famille. ■ Vie des associations

Les 70 ans de l’UJREEn 2013, l'UJRE célébrera le 70e anniversaire de sa création officielle. Poursuivre l'oeuvre entreprise dans laclandestinité, aujourd'hui où nous sommes largement entrés dans le XXIe siècle, reste pour nous un impératifexigeant. 29 avril 2013 de 18h. à 21h. à l'Hôtel de Ville de Paris

A vos agendas !

STÈLE EN HOMMAGE AUX IMMIGRÉS DE LARÉSISTANCE FTP-MOI

À LAMÉMOIRE DES ENFANTS DE VILLEJUIF RÉSISTANTSFUSILLÉS PAR LES NAZIS

© Conseil national des droits del'homme et du citoyen

Guta, Jeannot

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Billet duPrésident

En 2012, la situation internationalea été marquée par les événements

du monde arabe et par un pas positifdans le conflit israélo-palestinien grâceà la reconnaissance par l’ONU de l’Étatde Palestine comme membre observa-teur. En France, les espoirs suscités parla campagne électorale ont donné lieu àun changement à la tête des institutions.Après quelques mesures intéressantes,les décisions prises sont décevantes.Qu’en sera-t-il de 2013 ?L’Afrique subsaharienne subit degraves tensions et nul ne peut prévoirl’issue des bouleversements du mondearabe. La décision israélienne de conti-nuer le programme d’implantations surle territoire cisjordanien rend plus diffi-cile l’existence d’une Palestine indé-pendante. Elle a suscité de nombreusesprotestations dans le monde et en Fran-ce, dont celles de JCall, de la Cimade...Il est temps que les différentes forcesen faveur d’une solution juste et du-rable à ce conflit, par l’établissement dedeux États indépendants, s'adressentaux gouvernements et demandent queles résolutions de l'ONU soient enfinprises au sérieux et appliquées. Il fautexiger que la France, qui a fait un pasnon négligeable pour l’admission de laPalestine, prenne les mesures quiconviennent pour que s’ouvrent des né-gociations sur des bases acceptablespar les deux parties, et que l’Union eu-ropéenne prenne des sanctions contreIsraël, si ses dirigeants s’obstinaientdans la fuite en avant vers la conquêtedu territoire cisjordanien.Les dernières prévisions de l’INSEEpour 2013 annoncent de nouvelles dé-gradations en matière de chômage et depouvoir d’achat. L'aggravation de la pré-carité favorise la montée de l’extrême-droite, se développant sur fond de crise,tant en France qu'en Europe.Les prétentions patronales en matièrede flexibilité de l’emploi sont refuséespar la quasi-totalité des organisationssyndicales. Le subventionnement desentreprises qui s'applique depuis trenteans au détriment des contribuablessalariés, sans apporter d’effet positif,est pourtant renouvelé. Il reste ineffi-cace et coûteux.De nouvelles dégradations des condi-tions d’attribution des retraites se pro-filent. La protestation sociale devra sefaire entendre. Il faut que la gauche seresaisisse et pratique une politique enfaveur des travailleurs plutôt que desintérêts capitalistes.Nous devons rester vigilants devanttoutes les manifestations de racisme, dexénophopie et d’antisémitisme.Je forme le vœu que les forces de pro-grès se rassemblent pour ouvrir unnouvel horizon. Je souhaite à tous noslecteurs et à leurs familles une trèsbonne année 2013. ■

Jacques Lewkowiczprésident de l'UJRE

Page 3: La Presse Nouvelle Magazine N°302  janvier 2013

3PNM n° 302 – Janvier 2013

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PNMPensez-vous que le vote lors del’Assemblée générale des Nations Unies

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2012

Entretien avec Alain GreshDirecteur-adjoint au

Enjanvier 2011 , une Tunisie nouvelle naissait, ouvrant dans le monde arabe lecycle des révolutions. La révolution tunisienne, répondait à des ressortsanciens : montée en puissance de la classe moyenne ouverte sur le monde et

d’une jeune génération frappée par le poids du chômage et frustrée devant l’absenced’espace politique.Le système de corruption et de prédation du régime Trabelsi était devenuinsoutenable. Le développement des réseaux sociaux a été un facteur majeur dusoulèvement. La dimension éthique du mouvement doit être soulignée, qui appelaitau-delà des slogans en faveur de la liberté, de la justice et de la démocratie, à larestauration de la dignité, « karama », mot-clé de toutes les révolutions.A la différence de l’égypte, où l’institution militaire a assuré la continuité après lachute de Moubarak, la Tunisie nouvelle a fait d’emblée le choix de la rupture enorganisant l’élection d’une assemblée constituante. En octobre 2011 , se sontdéroulées les premières élections libres et transparentes en Tunisie depuisl’indépendance. Le succès d’Ennahda, dont seule l’ampleur a vraiment surpris,répondait à une double motivation des électeurs : volonté d’instaurer un nouvel ordresocial moral et reconnaissance du parti qui a le plus souffert de la répression.L’échec des autres formations, libérales, progressistes ou laïques, s’est expliqué pardeux raisons : elles sont souvent perçues comme ayant fait partie du systèmepolitique de l’ère Ben Ali et le thème de la laïcité a heurté une partie de l’électorat,car elle est assimilée à la fois à l’athéisme et aux tenants d’une culture occidentale.On a ainsi constaté un décalage entre le message délivré par ceux qui ont conduit larévolution et le résultat du scrutin qui reflète en fait l’état de la société. Le peuple dela révolution n’est pas le peuple des élections.Depuis près d’une année, les constituants se penchent sur l’élaboration d’unenouvelle constitution. Les débats laborieux concernent la place accordée à l’islamdans le texte, l’aile conservatrice de Ennahda souhaitant la mention de la chariacomme source principale du droit, sur le modèle égyptien. Devant des exigencescontradictoires, au sein même du parti islamique, il est envisagé que l’article premierde la précédente constitution soit maintenu, qui se limite à constater que la Tunisieest un état dont la religion est l’islam. Il ne serait ainsi plus fait référence explicite àla charia. Le vrai défi politique du gouvernement tunisien conduit par Ennahdaconcerne sa capacité à contrôler la mouvance salafiste, qui outre ses manifestationsviolentes, notamment contre les milieux artistiques, et comme on l’a vu lors del’attaque de l’ambassade des états-Unis, exerce une force pression sur la société. Lapetite communauté juive de Tunisie a été confrontée à des actes d’intolérance qui ontheurté de nombreux Tunisiens. C’est ainsi que lors d’une visite à Tunis d’IsmaëlHanniye, le Premier ministre du Hamas, on a pu entendre des slogans d’une rareviolence que les Tunisiens n’avaient pas entendus depuis des décennies. Cettecommunauté a des raisons d’être inquiète. Tout se passe comme si Ennahda nevoulait pas prendre le parti de contrôler ces franges radicales qui constituent unvivier important dans la perspective des prochains scrutins au printemps, ou plusvraisemblablement à l’automne prochain. En effet, il est peu probable que le parti deM. Gannouchi obtienne un score aussi important qu’aux précédentes élections, car ilest confronté à l’exercice du pouvoir dans une situation économique défavorable. Aucours de ces derniers mois, des mouvements sociaux se sont multipliés, soitspontanés, soit à l’initiative du syndicat UGTT, seul véritable contre-pouvoirorganisé, comme d’ailleurs à l’époque de BenAli.Même si la transition se heurte à des obstacles, dans un paysage politique éclaté,marqué par l’incapacité des formations libérales et progressistes de s’unir et uneconjoncture économique et sociale difficile, la marche vers la démocratie et l’état dedroit m’apparait irréversible. La Tunisie, à la différence de la Libye et de la Syrie,s’appuie, au-delà des particularismes régionaux, sur une société homogène, facteurde consensus et de stabilité.Les associations de la société civile, telles la Ligue desdroits de l’homme et l’Association des femmes démocrates, ainsi que les JeunesTunisiens qui ont conquis de haute lutte leur dignité et ainsi, de sujets sont devenuscitoyens, resteront vigilants et toujours mobilisés à travers les réseaux sociaux.Les femmes tunisiennes, y compris dans les milieux traditionnels, veillent àconserver les acquis du statut personnel. C’est ainsi qu’elles sont sorties en nombresur les places publiques lorsque a été déposé, à la Constituante, unamendement, faisant de la femme le complément de l’homme. Cetamendement a été abandonné. Les autorités tunisiennes doiventlever toute ambiguïté quant à leur engagement en faveur des droitshumains universels. L’état de droit ne prévaudra que si la prochaineConstitution garantit pleinement les droits fondamentaux de tous lesTunisiens, notamment l’égalité complète entre les hommes et lesfemmes et la protection des minorités.La Tunisie nouvelle a une obligation de résultat, pour elle-même et pour les autrespays arabes, compte tenu de son rôle de précurseur dans les mouvements detransition. ■* Yves-Aubin de La Messuzière, ancien Ambassadeur de France en Tunisie (2002-2005), est l'au-teur deMes années Ben Ali aux éditions Cérès Poche (220 p., 9 €).

Tunisie

La difficile transitionparYves Aubin de la Messuzière*

Maghreb

sur le statut de la Palestine contribuerelancer la négociation avec Israël ettamment à poser la question des deuxÉtats ?ALAIN GRESH Pour négocier, il fautdeux. Pour l’instant, il y a un gouvment israélien qui n’est pas prêt à néget il est peu probable que les électiongislatives israéliennes de janvier amèune majorité plus favorable à la négtion. De ce point de vue, la situatiodonc bloquée comme elle l’est déjà dplusieurs années. D’un côté, il n’y a pnégociations de paix et de l’autre, ipoursuite de la colonisation. Simplemon peut dire que la reconnaissancePalestine comme État non membred’abord une victoire politique pour lelestiniens, avec une marge très large cgros il n’y a que quatre pays qui aientcontre, les États-Unis, Israël, la Tchéqule Canada... et quelques îles inconC’est une manière d’affirmer aussi,trairement à ce qui a été dit pendant levolutions arabes, que la Palestine n’adisparu de la carte politique et qu’ellencore très présente. À terme, cela daux Palestiniens la possibilité d’entrertoutes les organisations internationaledevenir signataires des statuts de lapénale internationale, de donner à lalestine les moyens de poursuivre lesponsables israéliens pour crimes de guComme vous le savez, les statuts dCour pénale internationale disent extement qu’installer une population égère sur un territoire occupé est un cde guerre, donc je pense qu’il sera étuellement facile aux Palestiniens, s’souhaitent, d’aller vers une inculpatiodirigeants israéliens.

PNMAprès ce vote, on constate des msures de rétorsion imposées par Israëla poursuite de la politique de colonistion. Quelle est votre analyse ?

ALAIN GRESH Il n’y a pas de pressionrieuses faites sur Israël, même si le vola réaction à l’annonce par les Israéliela construction de ces colonies, de3 000 logements qui achèveraientcercler Jérusalem-Est et couperait lajordanie en deux, ont suscité des réacplus hostiles que d’habitude de la pal’Union européenne. Je pense que tances pressions n’existeront pas, il y a pechance que le gouvernement israélievienne à la table des négociationmanière sérieuse.PNMQu’en est-il dans ces conditionsl’avenir des relations Fatah-Hamas ?t-on vers une unitéentre les deux composantes palestiniennes ?ALAIN GRESH Je pense que les divipalestiniennes sont assez profondespour des raisons qui tiennent plus àquestions de pouvoir. Le Fatahinstallé en Cisjordanie et le Hamas à Gla réunification est assez difficile. Elld’autant plus difficile qu’en fait lesorganisations, aussi bien le Fatah qHamas, sont en vraie crise, mêmeHamas a beaucoup gagné des derévénements de Gaza en apparaicomme le parti de la résistance et cocelui qui a fait reculer Israël.

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lestinienne. Et donc ni la négociationnée par l’Autorité palestinienne, ni laarmée – avec beaucoup de guillemmenée par le Hamas, dont la tâchel’essentiel du temps est d’assurer laavec les Israéliens, ne paraissent crédaux yeux de la population. Il y a à laune très forte condamnation de la divune des raisons pour lesquelles lespartis acceptent de feindre qu’ils vongocier et qu’ils vont s’unir. En mtemps, il y a un grand mécontenteface aux deux autorités du Fatah eHamas qui ont toutes les deux à la foitendances à l'autoritarisme ainsi qucorruption, à la répression des opposiet qui n’offrent aucune perspective réleur peuple.

PNMLa situation au Proche-Orient ala crise syrienne, la montée des isla-mismes en Égypte qui met en dangerprintemps arabe et la question du nucléaire iranien vont-elles servir de prétexte à Israël pour aller au bout de salogique, en particulier face à Téhéran

ALAIN GRESH Israël est dans une logde confrontation bien avant les printarabes et le restera après. Israël essaiejours de reporter les négociations sansjamais négocier, comme il l’a fait aument de la chute de Nasser ou plus rément après celle de Saddam HusL’incertitude autour de la Syrie avdésagrégation de l’État syrien et la gcivile constituent des éléments inquiémais je ne suis pas certain que ce soitprétexte supplémentaire pour Israël dacampagne anti-iranienne, car cellecommencé bien avant les événemenSyrie et elle continuera. La question esavoir quelle sera l’attitude de l’anistration américaine qui pendant l’a2012 a voulu éviter à tout prix une ature iranienne. Va-t-elle continuer dasens ou non, cela reste à voir.

PNMAprès le puissantmouvement decontestation sociale, il semble que lespositions à la politique de Netanyahon’aient pas pris le relais face à une drtisation du Likoud. Quelles sont lesperspectives ?

ALAINGRESHOn constate en effet unforte droitisation de la politique ilienne. Le mouvement social est restrement social et a eu beaucoup de mfaire la liaison entre la situation sociaIsraël et la question palestinienne. Ondéfiler malheureusement pour l’amétion des conditions de vie et en mtemps être tout à fait hostile à tout rment de la question palestinienneproblème est qu’il n’y a personne daclasse politique capable d’offrirperspective réelle de négociation. Il ymouvements à la base, des jeunes noment qui se sont mobilisés et qui cnuent à le faire contre le mur (Breakinsilence), contre l’attitude de l’arméeles territoires occupés, mais pour l’ince ne sont encore que des mouvemassez marginaux. ■

Propos recueillisPatrick Kam

19 décembre

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4 PNM n° 302 – Janvier 2013

U .S.A.Obama et

les ju i fs américainspar Jean-François Marx

La réélection d’Obama a suscitésans doute moins d’enthou-

siasme que sa première élection. Descommentateurs avisés ont pu dire quec’était le résultat « le moins pire »pour les États-Uniens comme pourles autres peuples, inquiets desrisques de nouvelles guerres au nomde la démocratie.

Concernant la situation en Palestine,la question se pose naturellement desavoir si Obama sera plus offensifdans ses discussions avec Israël qu’ilne l’a été lors de sa première manda-ture. L'on sait seulement que Neta-nyahou avait des relations tenduesavec lui et espérait une victoire deson ami Romney. En tout cas, l’op-position des États-Unis à une attaquecontre l’ Iran semble confortée par laréélection d’Obama.

Les observations d’un néoconserva-teur, commentateur du site ultrasio-niste Metula News Agency, GuyMillière sont de nature à nous rassu-rer, le résultat des élections améri-caines lui inspire un véritablelamento de deux ordres :

• La population juive américaine au-rait été sensible au chant des sirènesque sont les organisations pro-pa-lestiniennes et des associations juivesde gauche, telle que J Street, au pointde voter massivement démocrate.

• Obama aurait de ce fait les mainslibres pour :- influer sur les élections israéliennesen soutenant une opposition degauche (que, pour ma part, je trouvelilliputienne) ;- poursuivre ses efforts pour isolerIsraël, soutenir l’ initiative de Mah-moud Abbas à l’ONU et pousser à lacréation d’un État palestinien dansles frontières de 1967 ;- rechercher un accord avec l’Iran, etplus généralement œuvrer pour unepaix régionale impliquant une ententerégionale avec l’Islam sunnite, avec,cerise sur le gâteau, la perspectived’une zone régionale dénucléarisée.

Ce qui apparaît comme une perspec-tive très optimiste pour un progres-siste, à savoir une paix juste etdurable en Palestine et au-delà, setraduit dans la vision néoconserva-trice pro-israélienne comme une ca-tastrophe pour Israël.La défection des juifs américainspour lesquels Israël serait au énièmerang de leurs préoccupations, nouspermet-elle d’espérer en France unmouvement semblable ? La monopo-lisation de la parole juive par le Crif,et l’écoute complaisante de FrançoisHollande pour Netanyahou et ses af-fidés rendent difficilement audiblesles voix juives progressistes de notrepays.Les grands médias ne pourraient-ilsles entendre ? ■ 12 novembre 2012

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« Le billet jaune »Expositions allemandes sur la traite des jeunes juives

par François Mathieu

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émigrent en Amérique dans l’ed’une vie meilleure et économiqueassurée. Dans ce contexte, la traitjeunes filles et jeunes femmes, ides milieux les plus pauvres, singument juifs d’Europe centrale et ded’Allemagne, est florissante et consun phénomène qui dépasse cette rédu globe et atteint une ampleur inttionale.Une double exposition organisée« Centrum Judaicum » de la « NouSynagogue » de Berlin et à« Deutsches Auswandererhaus[Maison allemande de l’immigrade Bremerhaven sous le titre «Gelbe Schein. Mädchenhandel (11930) » [La carte jaune. Traitejeunes femmes], présente des phdes lettres personnelles, des extraitcorrespondances d’autorités russeslemandes, ukrainiennes, polonaargentines, des articles de journauxprocès-verbaux de police et de juElle retrace sans sensationnalismvoyeurisme, à partir de que« exemples », le destin de paujeunes juives à qui l'on avait promivie décente et qui se retrouvèrentsonnières de bordels sans grand ed’en sortir.Ces expositions sont le fruit d’untravail de recherche effectué par laratrice Irène Stratenwerth et son éqqui ont eu accès à de rares documd’archives à Berlin, Brème, HambGenève, Vienne, Czernowitz, OdSaint-Pétersbourg, Buenos-Aires.imagine leurs difficultés pour trodes documents personnels, nombrces femmes étant illettrées, coupévie de leurs familles et ayant laisséde traces.L’immigration des jeunes femjuives est en grande partie un faiteuropéen. C’est là que, dans la secpartie du XIXe siècle, vit la comnauté juive la plus importantemonde. Vers 1900, on comptel’empire russe quelques sept millionjuifs, dont les conditions d’exissont extrêmement précaires. Ilssoumis à des règlements spéciauxlimitent leurs professions et leursde résidence. Ils vivent souvent laau ventre. On dénombre au XIXe

début du XXe siècle pas moins dedeux cents pogromes dont le nombvictimes est estimé entre trente etmille. Il en ira de même en Polaprès 1918 et en Hongrie et Roumdans les années 1920, persécutiondéclenchent une nouvelle vd’immigration : jusqu’en 1930, plutrois millions de juifs quittent l’Eupour l’Amérique où, depuis 1776juifs disposent de l’égalité des droit

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prostituées à New-York, Buenos Aires,Rio de Janeiro ou à Bombay.L’exposition tire son titre de ce « billetjaune », déjà thématisé en 1918 dans unfilm muet allemand mélodramatique deVictor Janson et Eugen Illés, La Cartejaune, qui raconte comment une jeunejuive, fille de parents très pauvres maissoucieux de son avenir, rêvant de fairedes études, quitte son shtetl pour résiderà Saint-Pétersbourg où elle doit accepterle « billet jaune » des prostituées, seulpermis de séjour possible. Avant 1917,en Allemagne et en Autriche-Hongrie,de jeunes juives, à qui un homme ren-contré a promis du travail, vont jusqu’àse faire baptiser pour finir en Russie, oùl’immigration des juifs est interdite. Là,le « billet jaune » les attend au lieu dutravail promis.En octobre 1851 , le régime tsaristeédicte ses « Prescriptions pour lesprostituées » qui réglementent leur viedans les moindres détails. Elles sontinscrites dans un registre du « Comitéde la police médicale », lequel leurconfisque leurs papiers d’identité enéchange de ce document. Ce « billetmédical », une sorte de carnet de santédes prostituées,

les oblige àun ou deux examens médicaux hebdo-madaires. Ces prescriptions stipulentque « les prostituées saines obtiennentun tampon bleu contenant les men-tions : date de l’examen et le mot"saine" ; les femmes concernées untampon rouge avec la mention "règles" .Il est interdit aux femmes au tamponrouge de travailler en tant que prosti-tuées jusqu’au prochain tampon bleu. »La non-soumission à cette obligation estpassible d’une peine pouvant aller jus-qu’à un mois d’emprisonnement. Lesraisons de l’instauration par le régimetsariste de cette formalité contraignante– et avilissante, car elle marquait dusceau d’infamie celles qui n’avaient quece document comme papier d’identité –ne visaient nullement à améliorer lasanté de ces femmes, mais uniquementà lutter contre les maladies vénériennesdues en grande partie à un accroisse-ment phénoménal de la prostitutiondans les grandes villes à la démographiegalopante.Une des pièces maîtresses de l’exposi-tion est une documentation sur uneintervention réussie d’Otto von Bis-marck, alors ministre plénipotentiairedu royaume de Prusse à Saint-Péters-bourg. En 1862, il attire l’attention du« Haut Ministère des Affaires étran-

prostituée de force dans une maisopasse de Hambourg et attirée pafausses promesses dans une autreson de passe de Saint-Pétersbourgconditions de vie encore plusmaines, notamment pécuniaires.jeune femme, chargée de dettes,tenté une première fois de s’échamais avait été reprise à Moscou ppolice lancée à ses trousses par lnancière du bordel pétersbourgeois.Bismarck intervint auprès du diredu Ministère des affaires étranrusse en argumentant notamqu’« un bordel n’est pas une ppour dettes où les filles pourraientenues prisonnières jusqu’à ce quaient payé leurs dettes, et que Haasoutre, en tant que mineure, ne peupondre à une reconnaissancedettes. » Marie Haase retrouvapapiers personnels. Devenu chancdu Reich, Bismarck ne perdra pavue la question. En 1889, il demdes rapports aux consulats générauRiga, Saint-Pétersbourg, MoscoOdessa sur le sort des jeunesmandes enfermées dans des borusses.Si l’« esclavage blanc » ne concernque les juifs, il les atteint en prelieu. Que des juifs y soient implest indéniable, ce qui sert d’argugénéralisateur à un antisémitisme erant, et oblige des juifs d’Eucentrale et occidentale à réagir. ABebel, président du Parti Social-dcrate est le premier homme politiqévoquer au Reichstag le 6 févrierles « transports incessants de jefemmes envoyées comme objets desir vers des pays étrangers, j’ai envdire : vers tous les pays de la terSon discours constitue pour les ceintellectuels juifs un encouragemenréflexion.Le rabbin de Brême, entre autres,le 7 juillet 1902 un discours devanpairs réunis à Francfort-sur-le-pour la « lutte contre la traite des jefemmes » : « L’aveu que nombre dproches élevés contre des marchanjeunes femmes juifs s’appuient suvérité est pour nous d’autant plusloureux. Bien sûr, il y a aussi un noterriblement important de trafiquande marchands de jeunes femmesjuifs. Il ressort effectivement de récpublications et autres articles de pque de jeunes Italiennes catholiqucertainement aussi de jeunesmandes sont vendues par des nonMais cela ne change rien au tristque, dans certaines régions, despratiquent ce commerce abject avejuives. »Comme le montrent parfaitemenexpositions. ■

* Jusqu’au 28 février 2013 à la DeutAuswandererhaus de Bremerhaven.

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5PNM n° 302 – Janvier 2013

La récompense desméritants

Les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne ontbien traité leurs peuples. Ils ne refusent jamais la moindre

concession aux tenanciers des marchés financiers. Croyants et pratiquants de lagrande religion bancaire, ces politiciens admirables savent imposer les sacrificesindispensables au maintien de l'ordre social. Ils s'accommodent du chômage –mal nécessaire à une saine régulation de l'économie. Ils déplorent l'augmentationaccélérée de la misère et de la faim, et promettent que ces contrariétés n'aurontqu'un temps, que l'Europe, rayonnante, apportera à tous bonheur et prospérité.Ils s'affligent devant les naufrages des peuples de Grèce et d'Espagne (plus ceux àvenir), mais on ne fait pas d'omelette fédérale sans casser les œufs les plusfaibles.Ils sont démocrates-chrétiens comme la Dame allemande, conservateurs commele Lord anglais, socialistes (eh, oui ! ) comme le nôtre, très à droite commeMonsieur Rajol, encore plus à droite comme Monsieur Orban le Hongrois,financiers comme Monsieur Mario Monti de Rome. Ils sont vingt-sept comme ça.Pour récompenser tous ces braves gens, les augures scandinaves viennent de leurremettre en grande pompe le Prix Nobel de la Paix. Celui-là même qui avaithonoré Martin Luther King, Aung San Suu Kyi et Nelson Mandela.Il y a dans cette comparaison un effet d'échelle choquant. ■ 12 décembre 2012

par Jacques Franck

’auteur de Tendre est la nuit n’apas laissé une image sulfureuse.

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par Gérard-Georges Lemaire

ces propos échangés par deux de sespersonnages : « “La civilisation s’en

Déjà dans Beaux et damnés (1 923), ildépeint deux silhouettes caracté-

l’adule ! Il cherche néanmoins à dissi-muler sa rancœur (qui n’est d’ailleurs

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l’année 2013.Mais les dernières propositions du Me-def sont toujours une véritable provo-cation. Chacun d’entre vous peutmesurer qu’elles conduisent à une im-passe économique et sociale, les sala-riés toujours plus considérés commevariable d’ajustement des choix patro-naux. Après avoir touché 20 milliardsd’aides publiques, le Medef en veutplus : licencier plus vite, plus facile-ment, moins cher et sans contrôle. Lespositions du Medef sont à ce point in-acceptables que, pour l’instant, tous lessyndicats les ont rejetées. La partien’est cependant pas terminée, les négo-ciations reprennent les 10 et 11 janvier2013. La CGT ne laissera pas faire (...)C’est une révolution dans le Code duTravail qui se prépare. La CGT vousinforme et vous alerte. Prenez connais-sance de ce qui vous menace. ■

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LLes dissipations de sa visont que le signe de sa difficultéteindre son rêve : être le gécrivain américain de son tempconnaître une gloire éclatante.premiers succès avec ses nouvepayées cher par les journaux amcains dans un premier temps, etson premier roman Loin du parpublié en 1920 (il se rend comptequ’il ne pourra pas vivre de ses dd’auteur comme il l’aurait espl’ont sans doute entraîné à cultivevaines espérances. Gatsby le Mafique (1 925) est un échec relatif.Fils d’un homme qu’il a certainemconsidéré comme un raté, incapabgravir les marches de la réussite ese faire une place au soleil, Scottgerald a sans doute dû porter ledeau de ses origines. A l’universitPrinceton, il s’est retrouvé avecétudiants d’un milieu beaucoupaisé que le sien (il n’a d’ailleurfaire d’aussi brillantes étudesgrâce à un héritage inespéré). Ilcacher à tout le monde qu’il est ede compte un « petit Blanc » faceWASP* de l’élite de l’Amériqueannées dix. Il ne peut épouser ZSayre en 1920 qu’après avoirmontré sa faculté de gagner de l’aravec la seule magie de sa plume :da est la fille d’un juge suprême dCour d’Alabama. Jusqu’à saprématurée en 1940, il éprouve cerible complexe et sa vision du gmonde de l’Amérique des Anfolles est ambiguë : elle est faitetirance, de fascination en même teque de répulsion et de rejet.Quand on examine sa biograpl’écrivain fait très tôt la démonstrade son racisme, surtout à l’encodes Noirs. Sans doute est-ce chez lpremier signe révélateur de ce sçon des origines, qui le tenaillerépit. Comme il redoute quepropres origines ne soient étaléesyeux de tous, il s’en prend à la cmunauté la plus voyante, par laleur de sa peau, celle qui paraît laétrangère aux idéaux des descenddes Pères pèlerins qui ont fondpays.Dans une lettre qu’il adresse àmund Wilson pendant son prevoyage en Europe, qui lui laisseassez mauvaise impression, ilserve : « La race nordique est mcée d’impureté par toutesinfluences négroïdes qui poussentle Nord. On devrait interdire l’imgration sauf aux Scandinaves,Teutons, aux Anglo-Saxons etCeltes. […] Mes réactions ont étélistines, anti-socialistes, provincet racistes. Je crois du moins audeau de l’homme blanc. » Et cepas un simple coup de sang puisqretrouve dans Gatsby le Magnif

Billet d'humeur

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va à vau-l’eau”, s’écria-t-il [Tom Bu-chanan] avec violence. “Je suis deve-nu terriblement pessimiste sur le sortdu monde. As-tu lu L’Essor des em-pires de couleur” du dénommé God-dard ? – “Ma foi, non”, répondis-jepassablement surpris par son ton.“Eh bien, c’est un livre excellent quetout le monde devrait lire. Ilmontre que si nous n’y prenonsgarde, la race blanche finirapar être complètement sub-mergée. C’est une thèsescientifique et tout cela estprouvé.” » Et son épouse,Daisy, de proclamer qu’ildevient un savant et elleépouse ses vues (« Il fautles écraser », conclut-elle.)Sans doute ce genre depoussée de fièvre racialen’est-elle pas communedans la littérature de ScottFitzgerald, mais elle estnéanmoins présente, souvent demanière sous-jacente. Par exem-ple, il y a plusieurs figures de Noirsdans ses nouvelles où ils ne sont pasforcément décrits comme détestables.Il n’empêche que le malheureux Noirmort dans le lit de l’actrice RosemaryHoyt est décrit par son mari comme un« négro ferrailleur ».Dans Tendre est la nuit (1 934), il ex-prime son sentiment à l’égard del’aryanité, affirmant qu’un Aryen hu-milié « quand il pardonne, s’est iden-tifié avec la chose qui l’a humilié, cequi n’est pas admissible. » Dans Undiamant gros comme le Ritz (1 922) ilva tout de même jusqu’à revendiquerla possession d’esclaves !En ce qui concerne les Juifs, il n’estpas toujours tendre, même s’ il éprouveune curieuse inclination pour les gang-sters hébraïques !

ristiques de New-York : « Deux jeuneshommes juifs passèrent devant lui, enparlant à voix haute et en allongeantle cou ici et là en jetant de stupides re-gards hautains Ils sont vêtus de cos-tumes à l'étanchéité exagérée et d’unemode surannée ; leurs cols les ser-

raient à la hauteur de lapomme d'Adam; ils por-taient des guêtres griseset des gants gris poséssur leurs poignées decanne. »Toujours dansGatsby le Magni-fique, il campe unhéros, MeyerWolfsheim, l’asso-cié de Jay Gatsby,inspiré par une cé-lèbre figure du mi-lieu new-yorkais,Arnold Rothstein(1 882-1928) surnom-mé « le cerveau qui

travaillait comme unhomme d’affaires de New

York ». C’est lui qui aurait trans-formé les bandes en de véritables or-ganisations criminelles fonctionnantcomme une corporation. L’auteur ne ledépeint pas comme un personnageodieux, mais Gatsby le présente sousun jour pour le moins étonnant quandon l’ interroge à son sujet : « “C’est unjoueur” : Gatsby hésita un instant,puis ajouta froidement : “Il a truquéla finale du championnat de base-ballen 1919”. »Quand il rédige Stahr, le Dernier Na-bab (publié à titre posthume en 1941 ),il tient à évoquer le monde hollywoo-dien où il a tant souffert. C’est unmonde enjuivé. Il ne le fustiged’ailleurs pas. Mais il est difficile entout cas de croire qu’il le célèbre et

pas sans raison), mais il n’en faimoins savoir que Monroe Sn'avait « travaillé si longtempsles Juifs, [que] de manière à necroire les légendes selon lesquelleétaient sevrés avec de l'argent ».Scott Fitzgerald, ce beau blond atique, est un raciste et un antiséqui va parfois éprouver des sments, des sympathies, mêmepenchants pour des Noirs et des Jcomme cela se révèle dans plusde ses écrits. Mais il n’en restemoins un petit Blanc qui, pour qpuisse croire qu’il est un grand Briche, puissant, enviable en toumarqué, quand l’occasion s’enprésentée, sa supériorité supposéles autres races et sur tous ceuxpourraient lui être inférieurs. ■

NDLR F. Scott Fitzgerald, Romans,velles et récits, édition dirigée par PhJaworsky, Bibliothèque de la Pléiade,Paris, Gallimard, 2012, tome I, 1 64tome. II, 1 792 p., 62,50 € chacunvalable jusqu’au 31 janvier 2013).

* WASP : White, Anglo-Saxon, ProteCe sigle désigne les émigrés proteprincipalement venus d’Angleterreformraient l’aristocratie des États-Unidifférence par exemple des Irlandais cliques.

© Lisa Brown

A la demande du gouvernemSyndicats et patronat ont en

une négociation nationale interprsionnelle.Les conclusions, attendues pour lDécembre 2012, sont susceptd’être retranscrites dans une loi etun débat parlementaire au débu

Votre interventioest indispensable

Lu sur le site de laCgt

Page 6: La Presse Nouvelle Magazine N°302  janvier 2013

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    Maroc Le Statut des Juifs,de l 'Occupation à nos joursen passant par les origines

par François Salvaing

Xavier Vallat, ce faisant, force quelquepeu le trait, mais il est vrai que ni

quatorze synagogues, un royaume juifpendant la période confuse qui sépara le

Serfaty rompit avec le PCM après l’in-dépendance, le jugeant compromis avec

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Introduction

Cycle "Les pages belges"

Pourquoi ce préambule, me direz-vous ?

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Pour compléter le panorama

du Maghreb (Tunisie, Maroc)

nous parlerons dans une

prochaine édition de l'Algérie.

Lles juifs, édictées par Vichyjuin 1941 et aggravant

dispositions du statut du 31 oct1940, sont, moins de quinze jours adéclarées applicables au Maroc auxnon-marocains. Pour les juifs marocune adaptation du texte français el’étude entre la Résidence et le Proyal. Traduction : le Sultan Sidihammed ben Youssef traîne des piede la plume.Cependant un compromis se devers la mi-août 1941 , au terme duqules israélites marocains doivent semettre à un recensement, renoncleurs emplois et rôles dans la Fonpublique, la banque, la presse et cœs’ils doivent, pour ceux d’entre euxhabitaient en quartier dit européebref délai regagner leurs mellahscontinueront de pouvoir exercer enliberté les professions artisanalescommerce de détail.Le 22 août 1941 , Xavier Vallat, Cmissaire général aux Questions jude retour à Vichy d’une misd’inspection au Maroc, affiche unsourire. Dit-il, « l’œuvre législativecomplie dans le Protectorat en cemaine se trouve en avance sur la Frelle-même ».Ces félicitations sont adressées parla fois au Résident général Noguès,proposé des dahirs (textes de loi) eSultan Sidi Mohamed ben Youssefles a signés.

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l’époque ni l’État Français ne sont en-clins aux nuances.Que le compliment de Xavier Vallat soitsincère ou manœuvrier, il ne semble pasavoir outre mesure stimulé le zèle du gé-néral Noguès, pourtant antisémite et lé-galiste s’il en fût. Quant au Sultan, sonsouci principal, depuis qu’il avait eu lafaiblesse à vingt ans d’accepter de signerun dahir qui délestait le Trône de touteautorité juridique sur la partie berbère deses sujets, était de ne pas renouvelercette erreur. Son comportement à l’égardde ses sujets israélites resta donc, malgréles circonstances, empreint de bienveil-lance, et lui valut leur reconnaissance.Des juifs, il en vivait au Maroc bienavant l’apparition de l’islam. Dans lesruines de la ville romaine de Volubilis,par exemple, des inscriptions en té-moignent. Certains parlent même d’uneimplantation antérieure à l’èrechrétienne. Et jusque dans des villagesreculés, on trouve trace de communautésde Juifs berbères.Des apports migratoires eurent lieu duIXe au XVIe siècle, venant d’Espagnedu fait des persécutions catholiques oud’Algérie suite à l’irruption des Otto-mans. Ces migrations convergèrentd’Andalousie et d’Oranie, vers des villescomme Fès, Rabat, Mogador ou vers laforteresse de Debdou, à l’Est du pays.Debdou constitua même, selon certainshistoriens, avec une seule mosquée pour

règne des Almohades de celui, toujoursen cours, des Alaouites.La situation des Juifs fut au Maroc,comme sous bien des climats, très va-riable. Avec des périodes (Almohades)où le choix n’était laissé qu’entre la mortou la conversion, et d’autres (Almo-ravides, Alaouites) où le statut de sujetaccordé par l’autorité musulmaneconstitua tantôt une protection, tantôt unfardeau… Un sultan du XIXe sièclen’imagina-t-il pas, pour qu’on lesdistingue, de faire couper aux Juifs uneoreille ?La période du protectorat français(1912-1956) ouvrit un temps desespaces économiques, sociaux et poli-tiques aux Juifs marocains, sans quepour autant ils soient épargnés par lemépris de l’occupant colonial.Ainsi un capitaine des Affaires Indi-gènes, décrivant en 1943, tribu par tribu,la population sous son autorité dans larégion d’El Kelaa des M’gouna (Haut-Atlas), écrit-il à ses supérieurs : Pouravoir accompli un tour complet de lasociété indigène de l’annexe, il fautbien, malgré la répugnance que l’onpeut avoir, s’arrêter, en terminant, chezles Juifs.Les Juifs qui, tel Abraham Serfaty, s’en-gagèrent dans la lutte pour l’indépen-dance le firent, plutôt qu’au sein del’Istiqlal, à leurs yeux trop lié à l’islam,au sein du Parti communiste marocain.

la monarchie, dont il condamnait lesées sur le Sahara occidental. Il payacombat, comme on sait, de dix-sepd’emprisonnement, dont cinq d’iment et de tortures.Une partie de la communautéchoisit de quitter le Maroc au mode la création de l’État d’Israël,c’est à noter, la presse coloniale suavec un intérêt aiguisé. Mais l’essedes départs eut lieu, plus de dixaprès l’indépendance du Maroc, lorla Guerre des Six Jours fit montertensions antisémites dans tous lesarabes.Cette émigration ne s’est pas exclument tournée vers le Moyen-Omais largement vers le nouveau manglo-saxon, Australie et surtout Ca– ainsi la famille de celui qui allaivenir l’humoriste Gad Elmaleh.Aujourd’hui, on estime à moins demille le nombre des Juifs vivant auroc, la plupart dans la capitale écmique, Casablanca, où l'on peut vun Musée du judaïsme marocain*. ■

* NDLR Premier dans le monde arabmusée privé, créé en 1977, recueille etexpose tout objet de culte, ethnogra-phique ou artistique pouvantévoquer l'histoire, la religion, lestraditions ou la vie quotidiennedes juifs dans le contexte de la civi-lisation marocaine.

Histoire - Mémoire

Ede Bruxelles (ULB) s’ inscrivait au cours de yiddish donné à l’Insd’Étude du Judaïsme - Martin Buber qui dépend de l’ULB.

Arno Bozzini avait obtenu le grade de licencié en Histoire et entrepris dtenir un DEA (Diplôme d’études approfondies) en « Civilisation, HistoiPensée du Judaïsme ». L’obtention de ce diplôme impliquait notammentconnaissance élémentaire de l’hébreu et du yiddish ou du judéo-espagnochoix. Arno qui n’avait jamais entendu un mot d’hébreu, de yiddish ojudéo-espagnol dans sa famille, étant issu d’une famille italo-suissejuive, n’avait pas choisi la facilité en s’ inscrivant au cours de yiddish !mémoire de fin de DEA, présenté en juin 2006, s’ intitulait :

« La reconstruction de la sociabilité juive à Bruxelles dans l’immédiaprès-guerre - le cas de la “Solidarité juive” 1944-1955 »

Par la suite, Arno Bozzini poursuivit son étude, défendit publiquementdissertation originale en février 2012 et obtint le grade académiquDocteur en Histoire, Art et Archéologie délivré par la Faculté de Philosoet de Lettres de l’ULB.

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Et bien tout simplement parce qu’une des sources d’archives qui ont peà Arno de rédiger sa thèse était la NaïePresse de Paris, et plus particulment les « Pages belges de la NaïePresse  », publiées régulièrement e1947 et 1951 dans ce qui était alors un quotidien yiddish diffusé en Euet qui est aujourd’hui « La Presse nouvelle », votre magazine progresjuif publié en français (avec quand même un petit rappel du yiddish, nmameloshn**, en grisé derrière le titre du journal).Dans l’ immédiat après-guerre, il y avait des liens étroits entre l’UnionJuifs pour la Résistance et l'Entraide (UJRE,) qui publiait La Presse Nvelle à Paris, et La Solidarité juive de Bruxelles, qui y publiait sa « pbelge » sous la rubrique « La Presse Nouvelle en Belgique ».Il y avait aussi des liens étroits entre les personnes. . . Nous évoqueronsdans le prochain numéro. ■■■ (à su

* NDLR - Jo Szyster, membre de l'Union des Progressistes Juifs de Belgique (l'UPJB, sœl'UJRE), a consacré six années de sa vie à traduire du yiddish l’intégralité des « pages belLeur publication sera pour les historiens une source précieuse. Quant à elle, la PNM a dd’ouvrir dans ses pages un « cycle belge » et de publier des extraits des articles parus en ydans la période comprise entre 1947 et 1951 . A noter que nos liens avec les juifs de Belsont très antérieurs à la guerre et furent très actifs et utiles durant cette période...

** mameloshn [yiddish] : langue maternelle

Page 7: La Presse Nouvelle Magazine N°302  janvier 2013

7PNM n° 302 – Janvier 2013

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avec Tashiana Washington et Ty Hickson

Malcom et Sofia,deux jeunes graf-

feurs, arpentent les ruesde New York pourcouvrir de leurs nomsles murs de la ville.Lorsque l’un de leurstags est recouvert, lesdeux adolescents veulentprendre leur revanche entaguant la pommegéante du Shea Stadiumet doivent, pour cela,trouver 500 dollars afinde soudoyer le gardien de nuit du stade et y pénétrer. Réussiront-ils à preleur revanche ?Présenté à Cannes dans la sélection 2012 d’Un certain Regard, ce filmapparu comme l'un des meilleurs de la sélection. Adam Leon, qui a travauparavant pour Woody Allen, ancre fortement son récit dans le payurbain de New York, ville berceau de l'art du graffiti. Il avait déjà co-réun court métrage « Killer » dont l'action se déroulait dans ce même mdes arts urbains et sur un sujet proche. Premier long métrage de l'auGimme the loot (en français, Passe moi le butin) est une comédie, genredans la sélection Un certain regard de cette année.Le film nous entraîne dans le jeu des rivalités entre bandes de graffeurchacune fourbit son arsenal. Bombes de peinture, petites combines et ctordus, telles sont les armes d'un combat qui consiste à marquer un terripour affirmer l'existence et l'identité de ses auteurs.Tourné en 21 jours, le film se nourrit de dialogues préparés avec minque le réalisateur a longuement fait répéter à ses jeunes acteurs, et parvisaisir le mouvement de la rue et la vérité des gestes du vécu quotidienpersonnages en jouant aussi d'improvisation.Gimme the loot possède de l’esprit, de la grâce, une bonne dose de vivaCette aventure offre au spectateur de respirer et le plaisir de parcourBronx avec son couple heureux de jeunes graffeurs toniques. ■

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III . Pourquoi(Suite du n° 301)

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présentant démocrate du Texasproche des milieux évangélistes.

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Ma gueule, ma révolte, mon nomde Sylvain George

Le sous-titre de ce très beau documentaire est emprunté à Aimé Césaire.seule salle à Paris (Espace Saint Michel) montre ce film tourné à Calais o

migrants viennent du monde entier.Sylvain George inspiré par l'esprit d'une révolte documentée et poétique sdans une superbe photographie d'un noir profond et d'un blanc éclatansouffrance humaine qui hante cette nouvelle Capitale de la Douleur*. Onl'ardente patience qu'il lui a fallu pour composer ces fragments sur la misènous en montrer les paysages et les visages. Ainsi le paysage végétal conjl'action de la terre, de l'eau, du vent et des hommes. Les déchets s' y accumcomme autant de vestiges alors qu'ils sont les signes de notre temps présent qune partie de l'humanité lutte pour sa survie, entre braises et cendres.Tout ici passe par la brûlure, que l'homme mange pour calmer sa faim,s'acharne à brûler ses doigts sur le grillincandescent ou par l'action d'une substancecorrosive pour détruire ses empreintes ettenter, à l'ère biométrique, d'effacer touteidentité, toute origine. Idée folle et vaine !Chasse à l'homme: « Police ! Police !Police !. . . », crie, en courant, un essaimd'hommes. La traque est ici ordinaire,quotidienne et finit, sous l'œil de la Marianneau Tribunal, où le Juge des Libertés fabriquedes peines à la chaîne.La caméra de Sylvain George approche trèsprès le visage de ces damnés de la terre etnous fait entendre la voix de ceux qui fuientleur pays pour échapper qui, auxpersécutions, qui aux guerres, qui à la misère,espérant pouvoir trouver un monde meilleur.Et c'est au péril de leur vie, qu'ils affrontent au sein d'une Europe forteresscruelles injonctions de sa politique migratoire « surveiller, enfermer, punbannir ». ■* Capitale de la Douleur est le titre d'un recueil de poèmes de Paul Eluard publié en 19

U.S.A. - HollywoodHollywood ?

par Laura Laufer

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et et d'organisations diverses, il fera unpas déterminant dans l'application

les médias. Et les films, reflétaientaussi les engagement de leurs temps.

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■ ■S au phénomène appelé macthysme, le sénateur

Wisconsin n'en fut pas, loin s'enle seul artisan. On date la périodepelée maccarthysme, égalemconnue sous le nom de «rouge » (Red Scare) entre 1951954. Mais la chasse aux cmunistes, qui avait connu un crépit, repartira de plus belle,avant d' être popularisée par leslentes diatribes de Joseph Macthy et durera bien après sa disparen 1953. A cette date, celui-ci pereffet toute crédibilité quand on leà la télévision dans des discparanoïaques accuser l'administrade Roosevelt, puis celle de Trumdes pires trahisons. Et son alcooln'arrangeant rien, il mourra troisplus tard.En fait, la chasse aux sorccommencée bien avant l'ère deCarthy lui survivra, et celui-cijoué un rôle presque secondairel'affaire. D'autres hommes auronrôle politique bien plus impodans l'organisation de la croisadcommencer par Martin Dies,

"Mémoire de cinéma"*- Cycle animé et présenté par

Laura Laufer, un mardi par moisUne place achetée - une place offe

Venez à deux !Séance suivie d'un débat, le29 janvier à 20h.30

VIVRE SA VIEde Jean-Luc Godard

* Au cinémamunicipal LE REX.364 avenue de la Division-Lecler

92290 Châtenay-Malabry - Informaau 01 40 83 19 73 www.cac-le-rex

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Dès 1935, Dies se réjouit de voir lasuppression des subventions attri-buées au Federal Theater qu'il n'acessé de dénoncer comme un repaired'artistes communistes à la solde deMoscou.Il espère ensuite pouvoir s'attaquer àsa bête noire, Hollywood. Pour cela,il s'appuie sur une arme de choc : laCommission des activités antiaméri-caines (HUAC: House Committee onUn-American Activities), fondée en1938 et qu'il préside.Et de cette commission émergent deshommes politiques qu'on retrouveradans les premières fonctions de l'État,tel Richard Nixon.Pourquoi Hollywood ?Selon le pamphlet anticommuniste deRobert E. Stripling, membre de l'HUAC, The red plot against America("Le complot rouge contre l'Améri-que") publié en 1949, « 75 millionsd'Américains vont au cinéma chaquesemaine (. . . ) Si le parti communisteparvient à régenter l'industriecinématographique comme il a déjàréussi à museler nombre de syndicats

de son plan, mûri de longue date vi-sant à communiser le pays. » Holly-wood s'était fortement syndiquée dèsla crise de 1929 car les profits s'accu-mulaient entre les mains des nababsalors qu'acteurs, réalisateurs, scéna-ristes et techniciens n'en voyaientguère les bénéfices. Chaque profes-sion, au sein de l'usine à fabriquer durêve, s' était alors dotée d'un syndi-cat. Les personnalités du spectaclesavaient aussi mobiliser au delà deleurs propres intérêts. Déjà CharlesChaplin avec Douglas Fairbanks etMary Pickford avaient ouvert la voie,encourageant les efforts de guerrecontre l'Allemagne en 1914-1918 etchacune de leurs apparitions pu-bliques drainait des foules immensesde plus de 50 000 personnes qu'ilsenflammaient. Par la suite Holly-wood avait fait de même, s'engageantlargement dans le soutien aux Répu-blicains espagnols, puis la Ligueantinazie d'Hollywood avait suprendre le relais avec ses presque5 000 membres. Chaque mobilisationétait amplifiée par l'écho donné dans

C'était l'influence de ce formidoutil organisationnel, de sa prgande puissante qu'il s'agissaitles chasseurs de rouges de brisepremier. C'est pourquoi, Martinet sa Commission des activitésaméricaines étaient pressés detomber sur Hollywood une chapplomb. ■■■

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Page 8: La Presse Nouvelle Magazine N°302  janvier 2013

8 PNM n° 302 – Janvier 2013

Littérature

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romans en russe et qui était la belle-sœurde Maïakovski, poète qu’il admirait. L’on

en octobre 1948, sur ordre de JulesMoch, ministre de l’Intérieur, Aragon est

avec celles d’Elsa Triolet et leurspréfaces, restent irremplaçables. Le grand

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Hommage à Aragon parMarianne Delranc-GaudricNous célébrons, en cette fin 2012 et début 2013, le trentième anniversaire de la mort d’Aragon disparu le 24 décembre 1982. Peut-on retracer sa vie ?Elsa Triolet écrivait en 1968 dans Les Lettres françaises, à propos de la façon dont on écrit l’Histoire et les biographies : « Après tout, Aragon a raison quand ilne veut accepter pour lui-même qu’une seule biographie : Aragon, Louis, né à Paris en 1897, vit encore. 1 » Une monumentale biographie, écrite par Pierre Juquin, et dontle premier tome vient de paraître 2, retrace ce que fut sa vie jusqu’en 1939. L’Histoire, la littérature, les arts, la politique, s’y entrecroisent, souvent de façon dramatique.Mais ce sont ses œuvres qui donnent de lui sa plus fidèle image : romans, poèmes, articles de presse : on a dit qu’il était une sorte de Victor Hugo du XXe siècle.

Emême tournée vers la littératules arts, sa naissance étant

honte à l’époque, on fit passer sapour sa sœur ; celle-ci ne lui révévérité que lorsqu’il partit pour la guen 1918. Son père supposé et parLouis Andrieux, député radicalpréfet, réprima la Commune à Lyo1871 . Aragon ne l’aimait pas, au poidétester son propre prénom. Il vivaitsa mère, qui tenait une pension de faavenue Carnot. Il évoque cette enfdans Le Roman inachevé, dont un poen partie chanté par Léo Ferré,d’une belle étrangère, qui lui « dodes loukoums poudrés commedoigts ». Dans cet univers bizarrmensonger, il se met à écrire« romans », dès six ou sept ans.Poussé par sa famille, il entrepren1915 des études de médecinepoursuit jusqu’en 1922. Mais c’elittérature qui l’intéresse. Il a rencoen 1917, au Val-de-Grâce, André Brétudiant en médecine lui aussi,partage son admiration pour Rimbencore inconnu. Cependant, la guerrbouleverser son destin, avec ses horqui le marquent à jamais : « J’ai vWoëvre à tombe ouverte j’ai vChampagne dépouillée de gencivesce ricanement de squelette et la forArgonne avec l’épouvante des patrouégarées les sables la tourbe de la Soet le long dos d’âne disputé du Chdes Dames Cette arête vivemassacre » s’écrie-t-il dans Le Roinachevé 3. Enseveli à trois reprisesdes tirs d’obus, il est déclaré modécouvre sa propre tombe, avec sonécrit dessus. On ne comprend riennaissance du mouvement Dada ni àdu Surréalisme si l’on n’a pas en têterrible massacre de la Première Gmondiale. Cette génération perévoltée, voulut « changer la vicomme disait Rimbaud, et aussisociété qui avait fait faillite.découvertes d’Einstein et de Freudincitaient aussi à voir le monde et leshumains différemment. Aragon futdes fondateurs du Surréalisme, l’uninventeurs de l’écriture automatiqu« piège à loup de la vitesse » 4.En 1927, il adhère au Parti communavec Éluard, Breton et un certain nod’autres surréalistes. L’amitié avec Bdura jusqu’en 1931 , après qu’Aragonà la Conférence internationale desvains, à Kharkov, en 1930, signéGeorges Sadoul, un texte critiquasurréalisme et le freudisme. Il regretoujours cette rupture.Sa vie sentimentale, à la fin des anvingt, avait connu un bouleversemson amour malheureux pour une jfemme richissime et talentueuse, NCunard, l’avait conduit à une tentativsuicide en 1928. C’est dans cet étadésespoir qu’il rencontra, cette mannée, au bar de la Coupole, à Mparnasse, une femme-écrivain confirElsa Triolet, qui avait déjà publié

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connaît l’amour qu’il lui porta toute savie et dont témoignent de nombreuxpoèmes. À ses côtés, il entreprend l’écri-ture de grands romans (genre condamnépar les surréalistes, car considéré commebourgeois) qui formeront le cycle duMonde réel, jusqu’en 1939. Avec lamontée du fascisme en Europe, Aragons’engage de plus en plus dans la viepolitique : soutien aux Républicains espa-gnols ; création et direction, avec Jean-Richard Bloch, du journal Ce soir à partirde 1937 …La guerre va une nouvelle fois lemobiliser, dans les Ardennes d’abord ; ilraconte très exactement la trouble périodede 1939-1940 dans son roman Les Com-munistes (dont le titre doit s’entendre auféminin, dit-il). Puis il est pris dansl’enfer de la poche de Dunkerque. Sauvépar un bateau anglais, il revient dès lelendemain en France et l’on connaît lasuite : l’organisation, en zone Sud, de larésistance intellectuelle, notamment avecle réseau des Étoiles ; la participation à lacréation des Lettres françaises, en zoneNord ; l’organisation du Comité Nationaldes Écrivains ; l’écriture de magnifiquespoèmes qui ont touché et mobilisé ungrand nombre de gens : « Le MuséeGrévin » par exemple, écrit à l’été 1943,après avoir pris connaissance de ce qui sepassait àAuschwitz 5 :

« Aux confins de Pologne existe une géhenneDont le nom siffle et souffle une affreusechansonAuschwitz Auschwitz ô syllabes sanglantesIci l’on vit ici l’on meurt à petit feuOn appelle cela l’exécution lenteUne part de nos cœurs y périt peu à peu(…)Ce sont ici des Olympiques de souffranceOù l’épouvante bat la mort à tous lescoups » 6

L’on entend dire parfois que l’on neconnaissait pas, à l’époque, l’existencedes camps de concentration. Ce texte estlà pour prouver le contraire. Beaucoup deses poèmes, publiés illégalement, écritsavec des procédés de « contrebande »,furent lus ou appris dans les prisons, dansles maquis. « La Rose et le réséda » fut ledernier poème portant sa signature légale.Aragon manque plusieurs fois d’êtrearrêté, avec Elsa Triolet. Le 21 mars1944, le lieutenant SS Heinz Rothke, undes responsables de la Gestapo en France,écrit une note au KdS 7 de Marseilleordonnant d’arrêter « immédiatement (…)la juive Elsa Kagan dite Triolet, maîtressed’un nommé Aragon également juif 8».Elsa Triolet évoque dans ses nouvelles duPremier accroc coûte deux cents francscette période difficile de la guerre et de laRésistance.Leur courage et leur talent leur valurent àtous deux une grande aura à la Libération.Mais la guerre froide commence peuaprès, et à la suite d’un article de Ce soircontre la répression des mineurs du Nord

privé de ses droits civiques pour cinq ans,en septembre 1949. Les années cinquantesont violentes : guerres coloniales,menace atomique, stalinisme auquel lasœur d’Elsa, Lili Brik, est elle-mêmeconfrontée : « Avenir promesse trahie /Tout a pris la couleur des cendres » écrit-il dans Les Yeux et la Mémoire 9. L’affairedu portrait de Staline par Picasso, parudans Les Lettres françaises en 1953,l’affecte profondément. Ce n’est qu’aprèsle XXe congrès du PCUS et les débuts dela déstalinisation que son inspirationreprend son envol, avec le très beaurecueil, en partie autobiographique, duRoman inachevé. D’autres grandsrecueils suivent, d’une forme toujoursrenouvelée, comme Les Poètes (1960),ou Le Fou d’Elsa (1963), dont l’action sepasse dans la Grenade de 1492, à la veillede l’expulsion des Juifs et des Maures, etqui montre, en réponse à la guerred’Algérie, la richesse de la multicultura-lité 10. Mais c’est son grand roman LaSemaine sainte (1958) qui lui assure denouveau une célébrité que l’on avait tentéd’étouffer pendant la guerre froide.Aragon renouvelle alors le genre duroman comme il a renouvelé la poésie :La Mise à mort (1965), Blanche oul’Oubli (1967), Henri Matisse, roman(1971), Théâtre/Roman (1974) sontautant d’œuvres où la vie personnelle,l’Histoire, la réflexion sur le temps, lamémoire, l’amour, l’art, s’entremêlentavec des récits polyphoniques. D’autresdrames marquent cependant les années60-70 ; au nombre de ceux-ci, l’invasionde la Tchécoslovaquie en 1968 parl’URSS, contre laquelle il proteste,menaçant de se suicider si le PCF ne lacondamne pas ; la disparition des Lettresfrançaises en 1969, tous les abonnementssoviétiques ayant été annulés ; la mortd’Elsa Triolet, en 1970, qui le plongedans le désespoir le plus profond.Dans la dernière partie de sa vie, Aragon,comme Orphée après la mort d’Eurydice,fera le choix de l’homosexualité. Contrela solitude, il couvre les murs de sonappartement, rue de Varenne, de tous lessouvenirs de sa vie, par un immensecollage de cartes postales, de documents,de photos, fixés par des punaises rouges.Le poète Jean Ristat veillera à lapublication de ses œuvres ultimes et desderniers volumes de l’Œuvre poétique.En 1977, Aragon charge le CNRS,auquel il lègue ses manuscrits ainsi queceux d’Elsa Triolet, de procéder à leurinventaire et à leur étude.Son œuvre est maintenant rééditée dansLa Pléiade ; Les Yeux d’Elsa et LesVoyageurs de l’impériale ont été auprogramme du baccalauréat et del’agrégation ; des chercheurs publientleurs travaux sur Internet, à destination dugrand public 11 . Mais la première éditionde l’Œuvre poétique, mêlant poèmes,articles et commentaires, et parfoisarticles et œuvres d’autres auteurs, ainsique ses Œuvres romanesques croisées

souci d’Aragon, comme celui dTriolet, était l’avenir : « Chaque moje dis appartient à demain » écrivcet avenir qui n’est rien sans la femselon ses vers du Fou d’Elsa, dont ocite souvent que le premier, transfpar Jean Ferrat et devenu un proverbe

« L’avenir de l’homme est la femmeElle est la couleur de son âmeElle est sa rumeur et son bruitEt sans elle il n’est qu’un blasphèmeIl n’est qu’un noyau sans le fruitSa bouche souffle un vent sauvageSa vie appartient aux ravagesEt sa propre main le détruit » 12 ■

[1 ] « De la vérité historique », Les LFrançaises, n°1232, 2 mai 1968.

[2] Pierre Juquin, Aragon un destin fra1897-1939, Éd. de la Martinière, 816 p., 29

[3] Coll. Poésie/Gallimard, p. 57.

[4] Ibid. p. 81 .

[5] Sur les circonstances de cette écriturel’Œuvre poétique, 1943-1945, t. X, p. 179-

[6] Ibid. p. 218.

[7] Kommandeure der Sicherheitspolizeiund des Sicherheitsdienst (SD). SP: Police dcurité, SD: Service de renseignements de la

[8] Archives du CDJC, citées par FCrémieux, in « Arrêtez immédiatement laElsa triolet », Faites entrer l’infini, n°211996, p. 15.

[9] « Il n’y aura pas de jugement dernŒuvres poétiques complètes, Pléiades, t. II

[10] Voir Hervé Bismuth, « Lire et reliFou d’Elsa aujourd’hui », L’Humanité,série Aragon, déc. 2012, p. 20-21 .[11 ] site http://www.louisaragon-elsatriolet

[12] « Zadjal de l’avenir », Le Fou d’Elsa,Gallimard, 1963, p. 166.

NDLR : Vient de paraître le tome V des Œromanesques complètes, Éd. Gallimard, coPléiade, 2012, 1616 p., 69 € - Lire"Correspondance, 1921-1970", converintime d’un demi-siècle entre Lili Brik eTriolet (Éd. Gallimard, 2000, 1630 p., 59 €)

En 1971, Marc Chagall rend

hommage à Louis Aragon, de

vivant, par cette lithographie t

à 1500 exemplaires.