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Numéro 3 - Décembre 2013 - Gratuit SOMMAIRE Fils du cinéma, de la litté- rature et de la musique, le jeu vidéo est encore au- jourd’hui considéré comme une sous-culture. L’enfant terrible est devenu la pre- mière industrie culturelle au monde. 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires rien qu’en France, mais seule- ment 5 000 employés. Le monde du jeu vidéo est pa- radoxal. Les politiques ten- tent de s’immiscer dans un marché qu’ils ont parfois du mal à comprendre et voient trop souvent les jeux comme un danger. Alors que sortent les nouvelles Xbox et Playstation, les cli- chés ancrés dans certains esprits tendent à s’éloigner. Aujourd’hui plus d’un joueur sur deux est une joueuse et sa moyenne d’âge est de 35 ans. Que faut-il pour que le jeu vidéo trouve une place de choix dans la culture contempo- raine ? Début de réponse dans ce numéro consacré au produit culturel numéro 1 en France. Rédacteur en chef : Nordine Nabili Équipe : Anaëlle Domitien Assia Labbas Vincent Manilève Florian Michel Baptiste Piroja-Pattarone Sala Sall Vincent Souchon Éline Ulysse (École de journalisme de Gennevilliers) Quand les jeux font leur cinéma p. 3 Le journal Des politiques loin d’être geek p. 7 Jeux vidéo au bistrot p.11 Ubisoft, l’éditeur qui prend des risques p. 6 Gaming à consommer avec modération p. 10 Profession : gamer p. 14 Monde virtuel, argent réel p. 4 #UCP L’ENFANT MAL AIMÉ Par Florian Michel

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Le journal des étudiants en journalisme de l'université de Cergy-Pontoise

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Numéro 3 - Décembre 2013 - Gratuit

SOMMAIRE

Fils du cinéma, de la litté-rature et de la musique, lejeu vidéo est encore au-jourd’hui considéré commeune sous-culture. L’enfantterrible est devenu la pre-mière industrie culturelle aumonde. 3 milliards d’eurosde chiffre d’affaires rien

qu’en France, mais seule-ment 5 000 employés. Lemonde du jeu vidéo est pa-radoxal. Les politiques ten-tent de s’immiscer dans unmarché qu’ils ont parfoisdu mal à comprendre etvoient trop souvent les jeuxcomme un danger. Alorsque sortent les nouvellesXbox et Playstation, les cli-chés ancrés dans certains

esprits tendent à s’éloigner.Aujourd’hui plus d’unjoueur sur deux est unejoueuse et sa moyenned’âge est de 35 ans. Quefaut-il pour que le jeu vidéotrouve une place de choixdans la culture contempo-raine ? Début de réponsedans ce numéro consacréau produit culturel numéro1 en France.

Rédacteur en chef : Nordine NabiliÉquipe : Anaëlle DomitienAssia LabbasVincent ManilèveFlorian MichelBaptiste Piroja -Pattarone Sala SallVincent SouchonÉline Ulysse(École de journalisme de Gennevilliers)

Quand les jeux fontleur cinéma p. 3

Le journal

Des politiques loind’être geek p. 7

Jeux vidéoau bistrot p.11

Ubisoft, l’éditeur quiprend des risques p. 6

Gaming à consommeravec modération p. 10

Profession :gamer p. 14

Monde virtuel,argent réel p. 4

#UCP

L’ENFANT MAL AIMÉPar Florian Michel

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Danger de mortpour les consoles

« D’ici à 10 ans, le mar-ché des consoles sera

mort. »David Jaffe, cré-ateur de la série à succès God OfWar en est persuadé. La PS4 et laXbox One ne devraient pas connaîtrede petites sœurs. Pourquoi ? Sa ré-ponse est simple : le cloud-gaming.Jaffe, et il n’est pas le seul, voit l’in-dustrie changer pour s’orienter entiè-rement vers les services de streamingqui seront directement disponiblesau sein des téléviseurs. Ici, pas be-soin de console puisque les jeux neseront pas stockés sur un disque durou dans une machine. Tout se feragrâce à la connexion internet et à unediffusion du jeu en direct sur le télé-viseur.

Modèle économique difficile

Aujourd’hui, Sony et Microsoft ven-dent leurs consoles à perte. Le coûtde production de la nouvelle PS4 estestimé à 381 dollars, soit 18 dollarsde moins que le prix de vente. Il fautajouter à cela des coûts de rechercheet développement faramineux pour

comprendre que la vente de consolesn’est pas rentable. Le modèle écono-mique se base en réalité sur la ventedes jeux et des droits qui vont avec. C’est en ce sens qu’une rumeur re-layée par le très respecté site Bloom-berg laisse entendre que StephenElop, le probable futur PDG de Mi-crosoft, souhaiterait abandonner laXbox et le marché des jeux vidéo,pas assez rentables selon lui.

La lame de fond numérique est entrain de passer et comme le cinéma,la musique et le livre, le marché dujeu vidéo, aussi récent soit-il, connaîtdes mutations inévitables. L’époqueoù il fallait qu’un studio de dévelop-pement soit soutenu par un éditeurpour pouvoir être distribué sembleaujourd’hui être en partie révolue.Le téléchargement permet au-jourd’hui de supprimer les intermé-diaires et de relier directement lescréateurs aux joueurs. « C’est laforce d’Apple de pouvoir dire auxstudios distribués sur leur plate-forme : je vous reverse 70% des re-venus liés au jeu », explique Laurent

Michaud, du think tank spécialisédans l’économie numérique Idate.

Dématérialisation et jeux mobiles

En 2012, les applications et autresjeux dématérialisés représentaientplus de la moitié du marché mondialdu jeu. En 2011, c’était seulement35%. Le jeu vidéo de demain devraitinexorablement s’éloigner des con-soles de salon et de leur support phy-sique. Il y a un an, Sony avait investi380 millions de dollars dans le ser-vice de jeu à la demande Gaikai.D’un autre côté, de plus petits édi-teurs ont pris la relève. Aujourd’hui,le carton Candy Crush Saga sursmartphone rapporte près de 600000 euros par jour à ses créateurs.Les revenus des jeux sur smartphoneont déjà supplanté ceux des consolesportables en étant jusqu’à 4 fois su-périeurs. La fin des consoles de jeuxa déjà commencé.

@FlorianMchl

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Ça y est. Elles sont là. Les deux géants du jeux-vidéo, Sony et Microsoft, ont choisi novembre 2013 pour offrir aumonde leurs nouveaux bébés. Plan marketing mondial et guerre des prix, l’enjeu est essentiel pour les deux firmes.Pourtant, cette nouvelle génération de consoles pourrait bien être la dernière. Explication.

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Quand les jeux vidéofont leur cinéma

Un OVNI a récemment secouél’univers du jeu vidéo : Be-yond : Two Souls. Un jeu pro-

duit par le studio français QuanticDreams dans lequel le joueur ne jouepas, ne peut pas vraiment perdre et nefait que prendre des décisions pourpoursuivre l’histoire. Ce concept de filminteractif est poussé tellement loin queles deux personnages principaux sont lareproduction de deux acteurs en chair eten os embauchés pour l’occasion : EllenPage et Willem Dafoe. Malgré un ac-cueil mitigé, l’objet étonne et interroge :le jeu vidéo du futur sera-t-il un film in-teractif ?

Le récit, fil conducteur du jeu

Le jeu vidéo sait vous raconter des his-toires depuis longtemps. Les premiersde 1975 étaient d’ailleurs textuels avantd’être graphiques et se jouaient sur or-dinateur à la manière des Histoires dontvous êtes le héros. Les choses ont bien

évolué depuis : les performances gra-phiques et les game-plays inventifs sontredevenus le nerf de la guerre entre leséditeurs. On n’a cependant pas réinventéla poudre et le story-telling reste un élé-ment essentiel de tout jeu digne de cenom : il crée un contexte et favorisel’immersion du joueur dans un univers.Ce qui est nouveau en revanche, c’est laplace qu’on laisse désormais au scriptdans les grandes productions. D’Assas-sin’s Creed à Bioshock en passant pardes jeux de guerre comme Call of Duty,les blockbusters actuels reposent toussur des histoires longues, riches et par-fois complexes. Les cinématiques é-taient auparavant une respiration entredeux phases de jeu, mais un nombrecroissant de nouvelles productions in-versent les rôles : le game-play devientpratiquement secondaire.

Une nouvelle qualité à atteindre

FibreTigre, un scénariste spécialisé dans

les formats interactifs, explique ce phé-nomène : « Le fait est que des jeux re-connus comme les meilleurs de ces dixdernières années par la plupart du pu-blic : The Last of Us, Red Dead Re-demption, Bioshock, avaient misl'accent sur la qualité de leur récit. C'estdonc le nouveau minimum à atteindrepour les jeux qui se prétendent AAA (lesjeux à gros budget, ndlr). » Alors où s’arrêtera la transformation ?Des récits de plus en plus riches finiront-ils par engloutir le game-play ? FibreTi-gre n’y croit pas : « regarderiez-vous unescène cinématique de 3 minutes entredeux niveaux de Tetris ? Non, lepoint'n'click et le film interactif sont debons produits d'accès dont la part demarché restera fixe. » Le jeu vidéo àl’ancienne devrait donc rester roi, maisles curiosités expérimentales commeBeyond : Two Souls pourraient se mul-tiplier dans les années à venir.

@_Souche_

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Le scénario est en train de prendre une place prépondérante dans l’univers vidéo-ludique, rendant l’expérience dujoueur de plus en plus proche d’une séance de cinéma.

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Le jeu vidéo est devenu unepratique culturelle privilé-giée des Français. Malgréson expansion, certaines

branches de la filière connaissent desdifficultés. Une étude réalisée parl’Institut GfK et le Centre Nationaldu Cinéma et de l’image animéeconfirme le constat : en 2012, le mar-ché français du jeu vidéo physique abaissé de 15,5% en volume et de13,6% en valeur.

Marché atomisé et précarité

Durant les années 90, pas moins de 1 200 entreprises faisaient vivre lesecteur. L’industrie y employait en-viron 25 000 personnes.Seulement en mai 2002, la bulle in-ternet éclate. La bourse des valeurs

technologiques dégringole avec labaisse des financements. Consé-quence : de nombreux studios decréation comme Eden Games, Hy-dravision, Mindscape mettent la clésous la porte depuis 2010. Actuell-ement, l’Hexagone compte 250 en-treprises et 5 000 employés. En dixans, la filière française du jeu vidéoa perdu 80% de ses studios.Le secteur est caractérisé par sa frag-mentation. Comme le souligne An-thony de Oliviera, auteur d’une thèsesur l’histoire du jeu vidéo français,« le tissu français a toujours étééclaté, très mal réparti. » Parmi les250 entreprises recensées en France,32% ont moins de deux ans d’exis-tence et 48% des entreprises comp-tent moins de dix salariés.Désormais le marché se partage entre

quelques gros studios comme Ubi-soft ou Ankama qui produisent les fa-meux titres “AAA” et une multitudede petites structures à effectifs réduitsqui se sont réorientées vers le jeu enligne comme le jeu web pour Face-book ou les applis mobiles. 52% desstudios ne produisent plus que desjeux dématérialisés. Seuls 7% des en-treprises se focalisent sur du supportphysique.Dans le même temps, la productionfrançaise (-22,3%) souffre de la pro-duction étrangère (15,5%). « Pro-duire un jeu en France coûte 2 fois etdemie plus cher par personne qu’enChine et 40% plus cher qu’aux Etats-Unis », constate Yves Guillemot,PDG d’Ubisoft.Avec la crise, les offres d’emploi sesont raréfiées. Le secteur recrute peu

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Plus d’argent moins d’emploisPremier bien culturel devant le cinéma, le jeu vidéo engrange toujours plus de bénéfices mais crée de moins enmoins d’emplois. Retour sur les forces et les faiblesses du marché en pleine mutation.

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et se contracte dès lors que les résul-tats annoncés sont moins bons queprévus.Dans les grandes sociétés, la préca-rité est de mise : près de 40% deCDD dans les entreprises de plus de100 salariés. De plus, les sociétés ontdu mal à mettre en place une gestionréelle des ressources humaines.Nombre de débutants tentent alors des’expatrier.

Le Canada, nouvel eldorado desgame-designers français

Avec des semaines de travail dépas-sant largement les 35 heures et un sa-laire moyen compris entre 2 000 et2 500 euros brut par mois, beaucoupde candidats s’exilent. Selon NicolasGaume, président du Syndicat natio-nal des jeux vidéos (SNJV), « il y ades disparités salariales considéra-bles, notamment au Québec où 40%des dépenses salariales sont prisesen charges par les pouvoirs pu-

blics ». En 2011, un employé de l’in-dustrie canadienne gagnait enmoyenne 48 000 euros par an contre42 000 en France.Au pays du sirop d’érable, le sec-teur du jeu vidéo compte désormais17 000 têtes, soit trois fois et demiede plus que la France. Ses entre-prises sont également plus nom-breuses (380 environ contre 250 enFrance) mais surtout plus grosses(des effectifs moyens de 45 per-sonnes contre moins de 20 dansl’Hexagone).La compétitivité de l’industrie hexago-nale n’est devenue un sujet d’étudequ’au cours des années 2000. Pour An-thony De Oliviera, « l’intérêt des pou-voirs publics pour l’aspect économiquedu jeu vidéo a été très tardif. C’est seu-lement à partir de Raffarin [PremierMinistre de 2002-2005], suite à l’explo-sion de la bulle internet au début des an-nées 2000, que le politique aperçoit unenjeu dans le secteur.»Des initiatives ont été mises en place

comme le crédit d’impôt, un mécanismed’aide au financement. Pour autant, l’in-dustrie française demeure moins attrac-tive que le Canada. Le paradoxe, c’est que le jeu vidéo fran-çais rayonne à l’international depuis unan. Avec des jeux comme Just Dance 3,Dishonored et Hell Yeah, la France a surappeler son savoir-faire et sa polyva-lence. Malgré leurs moyens modestes,les studios français ont su se faire unnom.Alors que le jeu vidéo sur smart-phones et tablettes ne cesse de pro-gresser en volume, le marché peineencore à créer de la valeur. D’unautre côté, les jeux AAA coûtent deplus en plus chers à produire et àmarketer. Le jeu vidéo va devoir ra-pidement renouer avec le succèscommercial sous peine de connaîtreune nouvelle crise de croissance.L’arrivée des consoles PS4 et XboxOne laisse espérer un sursaut du mar-ché lors de cette fin d’année 2013.

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@ElineUlysse

Le jeu vidéo en chiffres

28,9 millions

40 e71,1 %c’est la part du chif-fre d’affaires captéepar les jeux deconsoles de salon

de jeux vidéos sur supports physiquesont été vendus en 2012

le prix moyen d’un jeu boîte

788,8millions

de chiffre d’affairesestimé du jeu dématérialisé

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Éditeurà prises de risques

Un bâtiment d’à peine troisétages, aux couleurs sobres,implanté au cœur d’une rue de

Montreuil en Seine-Saint-Denis. Àpremière vue, les locaux d’Ubisoftn’ont rien de ceux d’une multinatio-nale. Et pourtant, l’entreprise est ladeuxième force de création interne dejeux vidéo dans le monde. Créée en1986 par cinq frères et destinée d’abordà produire des logiciels ludo-éduca-tifs dans l’Hexagone, Ubisoft a tou-jours essayé tant bien que mal desubsister dans un secteur où la concur-rence fait rage.

Des choix stratégiques risqués

Assassin's Creed, Just Dance, Rayman,Far Cry, Prince of Persia…ces jeuxont au moins deux points en com-muns : ce sont des blockbusters et ils

sortent tous des studios de créationd’Ubisoft. L’un de leurs secrets de fa-brication est le temps : le groupe n’hé-site pas à reporter les sorties de ses jeuxafin de mieux les peaufiner. Une stra-tégie qui a un prix puisque la sociétésubit actuellement des pertes sur sonchiffre d’affaire annuel suite au renvoide la sortie de Watch Dogs et de TheCrew. « Les décisions difficiles quenous prenons aujourd'hui […] serontpositives tant en termes de satisfactionde nos fans que de création de valeurpour nos actionnaires », justifiait YvesGuillemot, directeur général du groupedans un communiqué en octobre der-nier. Un fait qui révèle la fébrilité de lasociété.

Des partenariats politiques pouramortir ses coûts

Une des solutions explorées par l’en-treprise, qui emploie près de 9 000 sa-lariés à travers le monde dont 1 500dans l’Hexagone, est de signer des ac-cords avec différents gouvernements.

En France, Ubisoft, qui a le statut d’en-treprise innovante, s’est associée avecl’État afin de bénéficier d’aides finan-cières et d’une meilleure souplesse fis-cale. Ailleurs, comme au Canada, legroupe s’est engagé à créer de l’emploiau niveau local : 500 postes dans le do-maine du jeu vidéo contre un soutiende près de 10 millions de dollars de lapart du gouvernement canadien. Unestratégie qui lui permet d’assurer saprésence au niveau mondial et ainsiconcurrencer les leaders américainsActivision Blizzard et Electronics Art.

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129 studios de création dans 28 pays, un chiffre d’affaire qui dépasse le milliard d’euros, Ubisoft est le 3edéveloppeur de jeux vidéo dans le monde. Mais si ce géant se porte relativement bien, il doit rivaliser de stratégiespour rester parmi les meilleurs.

@Sashasall

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Des politiques loin d’être geeks

La scène se passe en octobre2010, dans le salon familialde Nadine Morano. Celle qui

était alors secrétaire d’État à la fa-mille se prête volontiers aux flashs deParis-Match. Sur l’un des clichés, onla voit jouer aux jeux vidéo avec sonfils. Le site Arrêt sur images relèveimmédiatement le détail qui faittâche : Nadine Morano joue à GTAIV, dont la saga symbolise à elleseule le combat des politiques contreles jeux vidéo dit “violents”.

Celle qui ne sévissait pas encore surTwitter a eu beau se défendre, affir-mer qu’il n’y avait là qu’une viséepédagogique, le cliché a fait le tourde la toile. Et ce qui aurait pu resterun moment anodin de la vie privéed’une personnalité publique repré-sente en réalité un paradoxe bienfrançais : les politiques ont peur desjeux vidéo, pourtant première activité

culturelle du pays.

« Il faut interdire les jeux »

Depuis une quinzaine d’années,chaque fait divers voit ressurgir la ri-tournelle : « Il faut faire interdire lesjeux vidéo violents. » L’année der-nière, la mouvance anti-jeux vidéo amême atteint son acmé en pleinecampagne présidentielle après la tue-rie de Toulouse par MohammedMerah. Le farfelu candidat JacquesCheminade exigeait la taxation desjeux vidéo « non pédagogique » etl’interdiction des plus violents. Bran-le-bas de combat au sein de la com-munauté des passionnés qui se moqueet s’insurge contre ces détracteurs. Undiscours bien connu des joueurspuisqu’en 1998 déjà, le sénateur MPFPhilippe Darniche évoquait des « jeuxvidéo défiant toute morale humaine etcivique », incitant « les adolescents à

la violence urbaine et aux combats derues. » Contacté par la rédaction, ilconfirme ses positions. « Beaucoupde jeux vidéo font l’apologie de laviolence et ont, j’en suis certain, desconséquences nocives sur les jou-eurs. » Le sénateur propose même lamise en place d’un comité d’éthiqueafin « d’autoriser ou non la diffusiondes jeux vidéo. » Pourtant, a-t-on déjà prouvé que lesjeux vidéo violents rendaient agres-sifs ? À ce jour, aucune étude sérieuseen France ne l’a établi. Et le jeu vidéoapparaît comme un bouc émissaireidéal aux yeux de politiques étrangersà ce monde. Benjamin Berget, spécia-liste du genre et auteur d’une récentetrilogie sur « l’histoire des jeux vidéopolémiques », parle de politiques« francs-tireurs ». « Ils ne jouent pasaux jeux vidéo,explique-t-il, mais ilsfont savoir aux médias qu’ils abhor-rent les joueurs et les éditeurs, perçus

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Ce sont ceux qui en font le moins qui en parlent le plus. Cette maxime sied parfaitement aux politiques quand il estquestion de jeux vidéo. Préjugés et clichés polluent la discussion autour d’un monde qui leur est inconnu, et pour-tant première industrie culturelle dans le pays.

Crédits photo : Le Parisien

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comme des dealers de violence (vir-tuelle). » Et il cite alors l’exemple dujeu Rule of rose, que plusieurs qualifiè-rent de « jeu pédopornographique. »Lionnel Luca, alors député UMP desAlpes-Maritimes n’avait pas mâchéses mots : « L’objectif consiste à violerune petite fille de 5 ans, c’est du na-zisme ordinaire. » « Tout ceci n’est bienentendu que de purs fantasmes, ré-plique Benjamin Berget, mais commeces politiques là parlent de ce qu’ils neconnaissent pas, ils se trompent lour-dement. »Et les exemples continuent d’alimenterla polémique aujourd’hui encore. Enmai 2013, après la mort de ClémentMéric sous les coups de skinheads, ledéputé UMP Bernard Debré déclarait :« Il est dramatique que cette violencerègne. Il faut aussi comprendre quetous les jeux hyper violents mis à la dis-position des enfants qui, lorsqu’ils de-viennent adultes, ont cette culturedramatique. »

2,1 milliards de chiffre d’affaires

L’industrie du jeu vidéo a donc encoredu chemin à parcourir avant de redo-rer son blason. Pourtant, les politiquesoublient un détail : le jeu vidéo en

France représente un marché expo-nentiel, et même l’un des nouveauxfleurons de l’exception culturelle fran-çaise. Fin 2012, le Syndicat nationaldes jeux vidéo (SNJV) publiait deschiffres qui feraient pâlir d’envie d’au-tres secteurs de l’industrie made inFrance. Le jeu vidéo est devenu le pre-mier bien culturel dans l’hexagoneavec 2,1 milliards d’euros de chiffred’affaire en 2012. Et pourtant, cette in-dustrie qui fait travailler 250 entre-prises et 5 000 personnes, a perdu prèsde 10 000 emplois en quelques an-nées. Ce qui pousse certains parlementairesà changer, tant bien que mal, les men-talités afin de valoriser la création dejeux vidéo made in France. Les séna-teurs André Gattolin (EELV) et BrunoRetailleau (UMP) ont même rendu il ya quelques semaines un rapport intituléJeux vidéo : une industrie culturelle in-novante pour nos territoires. « Le jeuvidéo souffre encore de nombreux pré-jugés, nous explique Bruno Retailleau.Mais les jeux vidéo sont une industrieencore jeune, le cinéma aussi, à sanaissance, souffrait de nombreux cli-chés. » Si l’on en croit le sénateur, c’esten « alliant une politique économiqueet culturelle que l’on aidera l’industrie

du jeu vidéo et que l’on changera sonimage. »C’est ce que tentent de faire les minis-tères de la Culture et du Redressementproductif, en lançant un groupe de tra-vail dédié, en avril dernier. Il faut savoirque, début 2013, le cabinet de FleurPellerin avouait au site PC Inpact que« personne ne s’occupait du jeu vidéoà Bercy et à la Culture. » Enfin uneavancée ? Plutôt une bonne volonté defaçade si l’on en croit Benjamin Berget.« Ce sont des génuflecteurs, ils fontsemblant de s’intéresser au “divertis-sement des jeunes” afin de transmettrel’idée qu’ils ont changé d’attitude etqu’ils sont modernes. Il s’agit d’unestratégie de communication et de récu-pération du jeu vidéo. »Si les préjugés demeurent, certains po-litiques, bien conscients des enjeuxéconomiques, seraient donc enfin dé-cidés à rentrer dans la partie. Quandon sait que le jeu vidéo sera, dansquelques années, le pilier de notreéconomie numérique, il serait dom-mage de rater cette course à cause depolitiques effrayés à l’idée de prendreles manettes.

@VincentMnv

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« Diverses affaires, voire mêmedivers drames, [...] ont prouvél'influence catastrophique desjeux vidéo violents, sur des per-sonnes fragiles »Eric Raoult, député UMP, en2009

« Il faut interdire la création etla diffusion des jeux vidéocontenant une incitation di-recte à des violences sexuel-les, à des sévices corporels,à des actes de barbarie ouau meurtre » Jacques Remiller, député UMP,en 2008

« GTA IV est un jeu violent, amoral, et poten-tiellement addictif. J’en appelle à la vigilancedes parents. »Nadine Morano en 2008

Florilège des clichés

crédits photos : assemblee-nationale.fr

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Chers parentsune prévention existe

« J ’ai appris que GTAétait interdit aux moinsde 18 ans après l’avoir

acheté à mon fils. » Des mamans dansla situation de Sophie, il y en avait plu-sieurs à la Paris Games Week cetteannée. À ce salon annuel du jeu vidéo,son fils Amaury, collégien, avouait :« Ce qui m’intéresse dans GTA, cen’est pas de tuer tout le monde. Moi çame fait plaisir de conduire des avions,de sauter en parachute… » Dans cejeu pour adultes, les héros sont despsychopathes, toxicomanes et les bra-quages et meurtres sont quotidiens.Pourtant, il suffit de se renseigner pourvoir qu’un logo interdit aux moins de18 ans est inscrit sur les jaquettes etprésent dans les bandes annonces.Mais si Sophie confie qu’elle sera plusméfiante avec GTA, elle n’empêcherapas son fils d’y jouer. Les parents restent responsables de cequ’ils achètent à leurs enfants. De plus,une prévention existe pour les infor-mer et les sensibiliser à ce sujet. C’estle rôle du collectif Pédagojeux quipromeut les classifications du systèmeeuropéen PEGI en régulant les jeuxpar âge (3ans+, 7ans+, 12ans+,16ans+, 18ans+) et leur contenu pardes logos. Malgré leur travail, uneétude de l'ISFE, (Interactive Software

Federation of Europe) datée de 2012prouve que 72% des Français sont aucourant des normes PEGI, mais seule-ment 33% comprennent ou font atten-tion aux symboles. Rencontrée lors dela Paris Games Week, Corinne Lon-guet, responsable de la communicationde Pédagojeux, dresse un constat sim-ple : « Les parents sont soit trop per-missifs, soit trop restrictifs. » Certainsne sont pas nés avec les jeux vidéo etsont très stricts alors que d’autres onttoujours été plongés dans cet universet sont trop laxistes.

Dédramatiser l’image

Cependant, beaucoup d’études se

contredisent sur l’impact de la violencedes jeux sur les jeunes. La responsableexplique qu’ « aujourd’hui, on ne peutpas entendre parler d’un fait diverssans faire un rapport avec les jeuxvidéo. On essaye de rétablir l’équili-bre. Comme c’est un univers récent, ona tendance à les diaboliser. » Interro-gés sur cette violence, plusieurs en-fants affirment faire la différence entrevirtuel et réalité. Mais Pédagojeuxtempère : « Une chose est sûre, uncontenu violent ne doit pas être montréà un enfant, encore une fois je renvoieà la signalétique. » Le collectif pour-suit son travail de prévention sur sonsite (www.pedagojeux.fr) avec des té-moignages d’experts et des conseils deparents pour faire décrocher leur en-fant de la console. De même, CorinneLonguet dédramatise sur le sujet :« Les parents peuvent dialoguer avecleurs enfants et se servir des jeux vidéopour expliquer ce qu’est la violence. »

@Assialabb

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GTA, Call of Duty ou Assassin’s Creed, ces jeux vidéo pour adultes sont en tête des ventes et les stars des cours de ré-création. Si les parents ont une vision diabolisée des jeux, ils sont aussi très permissifs par méconnaissance. Pour-tant, une prévention stricte existe pour les guider.

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Addiction : «!Il faut savoir équilibrer!»Réactions violentes, compor-

tements individualistes, at-titudes excessives, ces pon-

cifs fréquemment utilisés contre lejeu vidéo sont à prendre avec durecul. Mais le jeu vidéo peut-il réel-lement provoquer une addiction ?Depuis quelques années, la dépen-dance à ces divertissements a gagnéles cabinets de consultations despsychologues comme une patholo-gie qu'il faut étudier.Pour Patrick Moriniaux, psychothé-rapeute à Paris qui reçoit des pa-tients concernés par cette dépendance :« on a affaire à des comportements

bien particuliers. » Il ne distinguepas vraiment de profil type chez cesaccros mais les enfants et les adoles-cents sont bien souvent les plus tou-chés. Ils ont, en effet, plus dedifficultés à trouver un équilibreavec le jeu contrairement aux plusâgés. Ceux-ci sont vite rattrapés parleurs préoccupations d'adulte. Un de ses patients a eu degrandes difficultés à trouver sonéquilibre : « à la suite de deuilsdans sa famille, un enfant s'estinvesti dans l'univers des jeuxvidéo. Ça a pu l'aider d'une cer-taine façon mais c'est aussi de-

venu chronophage. Il faut savoiréquilibrer. »

Jeux vidéo, l’overdose

Tous les mois, Patrick Morinaux seréunit avec d'autres cliniciens dansce qu'ils appellent “La guilde”. Cen'est non pas une communauté dejoueurs de World of Warcraft maisle principal réseau français dédié àl’addiction aux jeux. Dans ce cadre,ils échangent leurs savoirs, leurscompétences et discutent à proposde cas pratiques. Les symptômes que connaissent cescompulsifs du jeu vont d'une envieobsessionnelle de jouer à unmanque de sommeil. À celà, PatrickMoriniaux répond en trois étapes :d'abord une écoute puis une discus-sion et enfin la prise de consciencedu patient de son assuétude.Les réponses qu'offre le travail de cepsychothérapeute ne sont pas com-parables aux moyens de la cliniqueMarmottan, l'une des spécialistesdans ce domaine. Quand bien mêmele psychothérapeute essaie de suivrefréquemment et sur le long termeses patients, il ne peut pas les garderen clinique. C'est ce que propose enrevanche une clinique en Suissebasée à Genève. Comme le rapportele magazine Fémina, Julien, un ado-lescent a été sevré de son écran pen-dant plusieurs semaines pour vaincreson addiction. Un traitement quireste néanmoins assez extrême.

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Parents dépassés et enfants scotchés devant leur écran. Face à ce phénomène assez récent, des cliniciens tententd'apporter des éléments de réponse, à l’instar de Patrick Moriniaux.

@BaptistePiroja

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Barcraft : quand jeuvidéo rime avec bistrot

Et si les passionnés de jeu vidéoavaient un bar pour se retrouveret jouer ? C’est l’idée qui a

germé il y a 3 ans dans la tête de quatrecopains d’une vingtaine d’années. Leconcept existait déjà sur le papier : ças’appelle un Barcraft, et quelques projetsavaient déjà vu le jour aux États-unis,mais seulement de manière ponctuelle.Dans les faits, les joueurs investissent unbar consentant pour la soirée et puis s’envont au petit matin. Mais ce systèmecompliqué à organiser ne leur convenaitplus et ils ont alors décidé de mettre surpied un lieu permanent.

Success story d’un projet fou

Aujourd’hui le barcraft de leur rêve estune réalité : le Meltdown, installé à deuxpas de la place de la République, tourneà plein régime depuis un an et demi. Del’extérieur on ne se doute de rien, 40 m²sont occupés par quatre ordinateurs surlesquels les joueurs se relaient en per-manence. Ici, pas de jeux de guerre mais

de la stratégie, le bar ne propose quequatre jeux (League of Legends, Star-Craft II, DOTA II et Hearthstone). Surles murs, des écrans diffusent tantôt lacarte des cocktails maison du bar, tantôtdes compétitions en ligne entre joueursde haut niveau. « On n’aurait jamais cru que ça mar-cherait si bien et si vite », explique Fa-bien, le barman de 26 ans, « on a déjàune trentaine d’habitués très réguliers,on accueille parfois plus de 100 per-sonnes pour nos événements. » Ces fa-meuses soirées ont fait la fierté duMeltdown. Très relayées dans le milieudes gamers, elles ont fait venir deschampions de renommée internationalepour s’affronter ou se mesurer aux ama-teurs. « Ça nous a aidé à nous faireune réputation, trouver des sponsorset amplifier le bouche à oreille »,ajoute-t-il.

Des geeks, des filles et des novices

La clientèle est jeune, un brin geek et

surtout ravie. « On est venu pour le jeuet on est resté pour l’ambiance », plai-santent Guillaume-Axel et Alexandre,qui se sont connus ici. « Les cocktailssont pas chers et on a vraiment l’im-pression d’être en famille ! On fait sansarrêt de nouvelles rencontres. »Contrairement aux idées reçues, le barn’est pas un antre de nerds associaux.On trouve aussi des filles et des nonjoueurs parmi les habitués. Les patronssont contents, les clients ravis, maisalors qui s’en plaint ? « Les voisins,comme dans tous les bars ! », plaisantele barman. « Mais ça devrait allermieux après le déménagement. » Après deux franchises ouvertes à Lon-dres et à Berlin, le Meltdown s’apprêteen effet à déménager pour voir leschoses en grand : 300 m² et dix ordina-teurs à proximité de Bastille. Le projetbarcraft n’a semble-t-il pas fini de faireparler de lui.

@_Souche_

M le journal - Décembre 2013

M le journal - Décembre 2013 - 11

Le nouveau point de rendez-vous convivial des gamers piliers de comptoirs s’appelle le Meltdown. Un concept mé-langeant bistrot et cybercafé qui fait fureur place de la République à Paris.

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Les jeux vidéodans le rétro

Cette année au salon du jeu vidéode la Paris Games Week, il yavait deux mondes : celui des

fanatiques excités devant les derniersFIFA et autres Call of Duty et celui desjoueurs émerveillés devant les premièresconsoles d’arcades. Une dualité que l’on doit à la rétrospec-tive dédiée à l’histoire du jeu vidéo spé-ciale années 1990. Ici les joueurs ontl’occasion de se remettre aux SuperMario, Bomberman et Tekken de leurenfance. Un air de nostalgie plane aubout de ces manettes mais pour certains,plus qu’un saut dans le temps, c’est unevéritable façon de jouer. On les appelle les rétrogameurs, ceuxqui jouent exclusivement vintage. « Au-jourd’hui on joue principalement en ré-seaux, on nous raconte des histoires.Avec les jeux anciens, on joue pour lescore et pour la performance », rappelleNicolas, un visiteur. Même constat pourEugénie qui derrière sa manette regrettel’époque « où lorsqu’on achetait un jeuon pouvait le finir entièrement sans at-tendre sa cinquième version pour avoirle fin mot de l’histoire. »Et certains joueurs ont décidé de se lan-cer et de créer leur propre histoire. Il y aun peu plus d’un an, Thomas Jiboin etMathias Pernelet ont ouvert leur propreboutique de rétrogaming Game ThemAll à Paris. Dans leur local, les étagèressont remplies d’exemplaires ramenésdirectement du Japon ou chinés sur in-ternet. Une petite caverne aux trésorspour les initiés puisque qu’on compte àpeine quatre ou cinq boutiques dans lacapitale. « On répond à une réelle de-mande » explique Mathias Pernelet, undes gérants de la boutique. Selon lui, unclient sur deux leur achète un jeu. Un

bon début même si les deux gameurscommencent « à peine à pouvoir sepayer. »

Faire du neuf avec du vieux

Mais même si grâce à ces enseignes, ona l’occasion de rejouer à Tetris sur saGame Boy pour quinze euros, certainsont décidé d’utiliser internet pour pou-voir y jouer sans limite. C’est le pari ques’était lancé le site Full screen Mario. Ily a quelques semaines encore, il étaitpossible de rejouer en ligne et gratuite-ment à un des classiques de Nintendo etdu retrogaming en HTML 5: SuperMario. On y retrouvait les niveaux ori-ginaux et il était même possible de créerle sien. Le succès était au rendez-vous,

d’après le webmaster John Goldberg lapage avait été fréquentée par 2,7 mil-lions de visiteurs uniques pendant prèsd’un mois à travers six continents et desdizaines de langues. Mais le 1er novem-bre dernier, fin de partie pour le site quis’est vu fermer en raison de la DMCA(Digital Millennium Copyright Act),une loi américaine luttant contre la vio-lation des droits d’auteurs. Sur la pageFacebook du site, plusieurs joueurs re-grettent déjà le remake presque mort-né.Trente ans après la naissance du petitplombier Mario, le succès est toujourslà et les jeux stars du rétrogaming nesemblent pas craindre les prouesses desdernières consoles hi-tech.

M le journal - Décembre 2013

12 - M le journal - Décembre 2013

Pendant qu’une nouvelle version de la Xbox sort tous les sept ans, PacMan, Space Invaders ou encore Donkey Kongne prennent pas une ride. C’est le phénomène du rétrogaming : le fait de jouer exclusivement aux premiers jeuxvidéo.

@anaelledom

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Percer dans le jeuvidéo, mode d'emploi

Pas de défaitisme à l'horizon pources apprentis développeurs, gra-phistes et managers alors que de

nombreux studios ont mis la clef sous laporte. Près de 5 000 emplois ont été sup-primés ces dernières années dans le mi-lieu selon Le Monde. Des chiffres plutôtalarmants qui détonnent avec le grandnombre d'écoles françaises destinées àformer les jeunes talents du jeu vidéo.Bien que leur coût soit assez élevé, en-viron 6 000 euros, il en existe plus d'unequarantaine en France.Élodie et Marie-Paul suivent un MBAde management et refusent de s'angois-ser. Présentes à la Paris Game Week finoctobre, elles partagent l'idée avec plu-sieurs enseignants qu' « il y a beaucoupde structures qui ferment mais de nom-breuses qui embauchent. » En effet, untiers des entreprises tricolores sont dejeunes sociétés qui ont moins de deuxans selon le Syndicat national du jeuvidéo.

Un nouvel élan

Créateurs, animateurs, chefs de projet,le secteur nécessite des emplois très spé-cialisés. L'amélioration de la qualité des

enseignements depuis le milieu des an-nées 2000 a donné un nouvel élan auxjeux vidéo. « Il y a plein de postes à dif-férents niveaux alors que tout le mondeveut devenir game designer ou dévelop-peur », constate Marie-Paul.

Se diversifier, c'est aussi le mot d'ordrede Tarick, qui cumule les compétencesde développeur et de graphiste. Selonlui, trouver un job après son bac +6passe surtout par les studios indépen-dants. Son école, l'ENJMIN, l'encouragemême à prendre cette voie. « Le jeuvidéo indépendant a connu un grandboom grâce à la sortie de moteurs de jeuqui sont plus accessibles, gratuits souscertaines conditions. Il y a un vrai re-

nouveau et des petits studios arrivent àéclore. »Le marché du jeu a évolué avec une vi-tesse folle. Une aubaine pour les écolesqui ont compris que le secteur s'élargis-sait et offrait de nouveaux emplois. Jadisles jeux rentables étaient forcément degros projets pour des consoles de salon.Mais ça, c'était avant l'apparition desmini-jeux sur smartphone, tels CandyCrush ou Ruzzle. Sur un autre stand,Mickael Martin Nevo, enseignant enmanagement des jeux vidéo à Cannes,invite ses étudiants à percer dans cesnouveaux divertissements florissants.

@BaptistePiroja

M le journal - Décembre 2013

M le journal - Décembre 2013 - 13

Dans le secteur du jeu vidéo, pas question pour les étudiants de se décourager face aux baisses constantes des venteset du nombre d'emplois dans le secteur en France. Ils préfèrent au contraire s'adapter aux évolutions du métier.

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Le foot est mort,vive l’-eSport

Sport national en Corée du Sud,pays le plus connecté au monde,reconnu comme un sport officiel

aux Etats-Unis, le sport électroniques’éloigne progressivement de l’imageboutonneuse et asociale de ces dernièresannées. Les organisateurs de compéti-tions font tout pour ouvrir leurs événe-ments au grand public et attirer lessponsors. Ici, pas de Zlatan courant der-rière un ballon mais des athlètes ultraconcentrés derrière leurs écrans qui agi-tent frénétiquement leurs doigts surleurs souris et claviers. Derrière eux, lesfans viennent au “stade” affublés desmaillots de leurs idoles en les encoura-geants dans des ambiances parfoisdigne du Parc des Princes ! L’eSports’engage sur la voie du phénomène desociété.

Vers la reconnaissance

Pour espérer être le sport du futur, il est

avant tout question de spectacles et despectateurs. Pour exemple, la finale duchampionnat du monde de League ofLegends s’est déroulée dans la salle debasket des Los Angeles Lakers pleine àcraquer avec une scénographie digned’un show à l’américaine. Sans comp-ter l’énorme impact sur le web avec uneaudience de plus 32 millions d’inter-nautes, un record. Les chiffres sont im-pressionnants et ce qui se cache derrièrel’est tout autant. Des équipes de joueurssurentraînés, des grands championnats,des sponsors et des chèques pouvantdépasser le million de dollars pour lesgagnants.

Des cybers-athlètes presque aussi adu-lés qu’un Ronaldo ou un Messi maisavec le salaire en moins. Ils ne man-quent de rien : sponsors, salaire, centred’entrainement, logement, certains ontmême réussi à se construire des imagesde stars. Tous les ingrédients sont réunis

pour engranger de l’argent et permettrele développement du milieu. MathieuDallon, créateur de la Coupe du mondedes jeux vidéo, expliquait au journal LeMonde que la professionnalisation esten marche :« Ce sont des athlètes, leursprofils se rapprochent de celui des spor-tifs de haut niveau. » Une fois au seind’une équipe, les joueurs ont alors lamême hygiène de vie qu’un sportif pro-fessionnel et s’entraînent pour devenirles meilleurs.

8 000 euros par mois

« J’ai largement pu vivre ma vie, j’ai faitle tour du monde et rencontré énormé-ment de gens », se félicite Kevin Baezaalias Strenx, ancien joueur profession-nel. Il explique avoir pu engrangerjusqu’à 30 000 euros par an. Des gainstout à fait honorables mais encore loindes 8 000 euros mensuels et quelques200 000 euros de bonus qu’a reçus lejeune Ilyes Satouri aka Stephano endeux ans. Véritable star du jeu de straté-gie Starcraft II, le Français de 20 ans étaitl’un des rares à vivre de sa passion.« Aujourd’hui, il n’y a pas plus d’unetrentaine de Français qui vivent de ça,mais les chiffres ne cessent d’augmen-ter », ajoute Kevin Baeza. « Il n’y a pasde raison pour que ça ne devienne pasun sport pro », conclut le joueur. Encoreloin des 1,25 million d’euros par moisd’un Zlatan, les cyber-athlètes pour-raient bien devenir à leur tour les starsdu futur si la discipline continue sa ful-gurante progression.

M le journal - Décembre 2013

14 - M le journal - Décembre 2013

En pleine expansion depuis une dizaine d’années, les compétitions de jeux vidéo se professionnalisent et tendent à devenir un véritable sport business. Et si le sport électronique était le sport demain ?

@FlorianMchl

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De joueuse proà ambassadrice de marque

D errière l’écran de son ordi-nateur, c’est souvent avec

ses 19 313 abonnés surTwitter et 18 391 fans sur Facebookque Marie-Laure partage sa vie degameuse. Son parcours est singulieret brise les clichés du joueur de jeuxvidéo. Dans ce monde plutôt mascu-lin, sa féminité l’a aidée à se démar-quer. Une fille dans le gaming çaétonne et Marie-Laure détonne. Ilfaut dire qu’elle exerce ce métier pascomme les autres depuis qu’elle asept ans. C’est avec le jeu Soul Cali-bur qu’elle s’est révélée. Deux ansplus tard, elle participe à son premiertournoi et se classe vice-championnede France de Dead or Alive 2. Ado-lescente, elle représente l’équipe deFrance au tournoi mondial WorldGames Cup en se plaçant à ladeuxième place. Et depuis dix ans,elle enchaîne les compétitions et seconstruit un palmarès exceptionnel.

Profession gameuse

Derrière cette chevelure brune et sonvisage souriant se cache une puis-sante joueuse de talent. Reconnuedans le monde du gaming, Marie-Laure se défend de devenir le produit“ Kayane ”, « plus qu’un person-nage, le public a découvert une his-toire, celle d’une fille qui s’estbeaucoup démarquée en compéti-tion. » Mais du côté des entreprises,son image est une valeur sûre. EnFrance ou à l’étranger, l’étudiante encommerce est souvent amenée à fairesa valise. « Je suis payée pour venir jouer dansde nombreux événements de jeux

vidéo », reconnaît-elle sans mâcherses mots. Plusieurs fois dans l’année,elle prend plaisir à découvrir les nou-veaux lieux de jeu. « Las Vegas, SanDiego, New York, les Caraïbes etbien évidemment le Japon. » Ellereste aussi très proche de son publicvia les réseaux sociaux sur le net. Toujours prête à rencontrer ses fans,Marie-Laure organise plusieurs foisdans l’année des Kayane Sessions,« des soirées de jeux de combat oùles joueurs peuvent aussi bien jouercontre moi qu’entre eux. » À chaquefois, ce ne sont pas moins de 150 per-sonnes qui se déplacent et défient lachampionne.

De la manette au micro

Son image, Kayane sait la vendre.C’est donc sans surprise qu’on la re-trouve sur une des affiches commer-

ciales du jeu Soul Calibur V. Et de-puis janvier 2013, Marie-Laure estde nouveau à l’écran chaque semainesur la chaîne des jeux vidéo GameOne pour une émission dédiée à l’e-sport. Aux côtés de l’animateur Mar-cus, elle fait le tour des actualités dumonde du sport électronique et invitedes joueurs professionnels pour dé-battre et échanger. « C’est du travailen plus, mais c’est un sujet qui mepassionne. » Pleine d’ambition, ellejongle entre ses cours dans son écolede commerce et le gaming. Dèsqu’elle a le temps, elle essaye ausside répondre aux mails attentionnésde ses fans. L’agenda toujours bienrempli, Kayane attend la fin de sesétudes pour se plonger entièrementdans le monde du jeu.

M le journal - Décembre 2013

M le journal - Décembre 2013 - 15

@anaelledom

À 22 ans, peu de jeunes peuvent faire le même bilan que Kayane. À la fois joueuse, ambassadrice, recordwomen etanimatrice de télé, Marie-Laure Norindr de son vrai nom mène sa carrière de joueuse professionnelle d’une mainde fer.

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M le journal - Décembre 2013

M le journal - Décembre 2013

Les promos du Master de journalisme

Blaise Mao de la revue Usbek et Rica est venu rencon-trer les étudiants pour parler du journalisme du futur.

Vincent Manilève a exposé son idée pour “réin-venter le journalisme” lors des assises du journa-lisme à Metz.

Le studio télé a ouvert ses portes

Prochain M le journal,Janvier 2013

Quelle

alimentation

pour demain ?