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"Le grand méchant facebook" Interview L'Express

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Interview dans L'Express du 19 mai 2010 à la suite de débordements dans le réel provoqués par une invitation Facebook.

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Page 1: "Le grand méchant facebook" Interview L'Express

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SOCIÉTÉI N T E R N E T

Le grand méchant FacebookEn pleine polémique sur les apéros géants, faut-il diaboliser le site dont l’in�uencene cesse de s’étendre chez les jeunes ? Pro�l d’un réseau qui n’a pas que des amis.

Jusqu’ici, le phéno-mène mi-happening,mi-festif amusait. DeRennes à Brest, deCaen à Montpellier,

les « apéros géants » dépla-cent au fil des semaines desmilliers d’internautes, sé-duits par ces mobilisationsspontanées et plutôt bon en-fant. Mais avec le décès, àNantes, d’un jeune de 21 ans,le 13 mai dernier, le nouveaurite branché a pris une tour-nure politique. Le ministrede l’Intérieur, Brice Horte-feux, annonce une « réunionde travail » afin de « préci-ser les mesures permettantde faire face à ce type d’évé-nements spontanés ». Et lapréfecture de Paris est déjàsur les dents en prévision del’apéritif annoncé le 23 maisur le Champ-de-Mars, à Pa-ris, auquel 14 000 partici-pants se sont déjà inscrits.

Derrière cette frénésied’apéros, il y a Facebook. In-connu il y a encore quatreans, ce réseau social reven-dique aujourd’hui 400 mil-lions de membres dans lemonde et fait un malheur enFrance, avec 15 millionsd’utilisateurs. Un géant duWeb peu porté sur la com-munication médiatique,mais très affûté côté busi-ness – son chiffre d’affairespourrait atteindre 1 milliardde dollars en 2010. Plate-forme gigantesque où cha-cun peut ouvrir gratuitementun profil et interagir avec sesamis, collègues ou parents,Facebook est devenu un lieud’expression et de partagequasi incontournable. « C’estle premier site sur lequel

je me connecte quand j’al-lume mon ordinateur, ditPauline, une étudiante qui atrinqué avec ses voisins lorsde l’événement rennais. Lefait que cet apéro soit né surFacebook montre que l’im-pact du réseau est énorme. »Avec sa force de frappe, cetam-tam virtuel peut trans-former une simple idée defin de soirée en une rave par-tie sans sono. « Facebook afait tomber les barrières en

termes d’échelle, relève Ra-phaël Labbé, fondateur dusite ulike.net. Il est mainte-nant très simple de mobili-ser 10 000 personnes, que cesoit pour soutenir une causeou pour se soûler. »

Le réseau à la mode chezles ados est en effet capa-ble du meilleur comme dupire. Le pire, ce sont cesgroupes qui font l’apologiede l’antisémitisme ou de laviolence ; ces rumeurs, quiéchauffent les esprits – mi-mai, des lycéens sont des-cendus dans la rue pourprotester contre une pré-tendue réduction de moitiédes vacances d’été ; et le cy-ber-harcèlement, devenumonnaie courante chez lesjeunes. « Il y a toujours eudes têtes de Turc dans les

cours de récréation, noteVéronique Fima, présidentede l’association Action In-nocence. Mais, jadis, quandles élèves rentraient chezeux, ils étaient tranquilles.Maintenant, les règlementsde comptes continuent surInternet. » Par son fonc-tionnement même – incita-tion à l’actualisation des« statuts » et à l’accumu-lation de contacts – le siteappelle également au dé-voilement. Pour la jeunegénération, biberonnée àla télé-réalité, mettre sesphotos à disposition de500 « amis » n’est pas consi-déré comme un problème.Les plus âgés, eux, peuventêtre tentés d’exposer anec-dotes personnelles, préfé-rences sexuelles ou états

TAM-TAM Avec 15 millions d’utilisateurs, Facebook peut mobiliser spontanément 10 000 personnes.

LE RÉSEAU

À LA MODE

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d’âme professionnels. Sanstoujours mesurer la portéede leurs confidences. Un lieu-tenant de police a ainsi faitl’objet d’une enquête admi-nistrative pour avoir quali-fié de « tyrannique » une deses supérieures sur sa pageFacebook… « Il y a des gensqui sautaient au plafond aumoment du débat sur le fi-chier Edvige, alors qu’ils four-nissent eux-mêmes des in-fos sensibles sur les réseauxsociaux ! » s’exclame AlexTürk, le président de la Cnil(Commission nationale del’informatique et des liber-tés), qui se bat pour que Fa-cebook protège davantageles données personnelles deses utilisateurs et n’en fassepas un usage commercial.Pas évident, lorsque l’on saitque le droit américain, dontrelève le site, a une approchede la vie privée différente

de celle du droit européen etque Mark Zuckerberg, soncréateur, considère qu’ils’agit là d’un concept rin-gard… Comme pour enfon-cer le clou, le réseau a ré-cemment essuyé une faillede sécurité qui a donné ac-cès aux discussions privéesde ses membres !

Un formidable vecteur

de sociabilité

Il ne faudrait pas pour au-tant jeter Facebook avecl’eau du Net. « Au regard dunombre d’inscrits, la quan-tité de faits singuliers restedans la norme de ce qui ar-rive dans la vraie vie so-ciale », note DominiqueCardon, sociologue au labo-ratoire des usages d’OrangeLabs. Le site est un formi-dable vecteur de sociabilité

qui « permet de garder enmémoire des personnes etdes vies qu’on oublierait sanscela », relève-t-il aussi. Laplate-forme sert de caisse derésonance à des combats as-sociatifs et humanitaires, dé-veloppe la créativité, fédèreles passionnés. Elle fait éga-lement office de relais d’in-formation et d’agence pourl’emploi. « C’est grâce à cesite que j’ai appris la mortde Michael Jackson et quej’ai su qu’un poste était dis-ponible dans une entre-prise », se souvient Caroline,une trentenaire parisienne.

Et puis, il y a du « doudou »dans Facebook. « Quand ona 500 amis, on trouve tou-jours quelqu’un qui pense àvous, même un peu, analysele psychanalyste Serge Tis-seron (Virtuel, mon amour,

Albin Michel). C’est une ma-nière de se rassurer. » Pourles ados mal dans leur peau,la plate-forme peut aussiconstituer un moyen de« sortir d’un milieu étouf-fant, renchérit le sociologueStéphane Hugon. Ces ré-seaux permettent de re-construire une relation so-ciale sans le corps, sans sevoir et sans être jugé ». Avantde diaboliser Facebook,mieux vaudrait doncd’abord informer les utili-sateurs sur la nature, le fonc-tionnement et les risques dece réseau plus complexe qu’iln’en a l’air. Un « Code de laroute du Web » qui reste encore à inventer.

● NATACHA CZERWINSKI

Voir aussi la chronique de DavidAbiker en page 99.

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Un amnésiquen’a aucun

souvenir(page 282)

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