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Semaine du 8 au 14 juillet 2010 - Sexualité: au bout du tabou
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No 140 – 3e année, du 8 au 14 juillet 2010 – 10 000 riels (2,50 $)
Politique ❭ Page 7
Temps de rigueur
À l’occasion du 14 juillet, l’ambassadeurde France Jean-François Desmazièresrevient sur les économies réaliséesdepuis 2007 et sur les dossiers d’actu-alité de la coopération.
Région ❭ Page 22
Mauvais plagiatLes généraux birmans copient le sys-tème Suharto dans sa version la pluscaricaturale, en organisant des électionsultra-contrôlées afin d’ériger une façadedémocratique à la dictature.
Médias ❭ Page 8
Tamarinier abattuSoy Sopheap, patron controversé dugroupe de médias « Deum Ampil », a dûcesser la parution de son quotidien, deson magazine et de sa radio suite à undifférend avec son actionnariat.
Le téléphone pleureLa chanteuse Khemarak Srey Pov est l’idolediscrète des jeunes. Son titre Le Téléphonequi détruit l’amour se distingue par la qual-ité littéraire de ses paroles, qui accordentune large place aux sous-entendus.
Culture ❭ Page 20
Sport ❭ Page 17
Ovalie de valeurEn visite à Phnom Penh, le joueur du xv de France François Trinh-Duc a es-timé que le potentiel des rugbymencambodgien était « intéressant ».
Sexualité : au bout du tabou
Informations lacunaires, absence de dialogue… La culture du silence entretenue sur les questions desexualité amène les jeunes à se référer à la pornographie et à prendre des risques. Les hommes, eux,accordent davantage d’importance à la virginité des femmes qu’à leur plaisir. Pages 12 à 15.
www.camboDgESoiR.
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ERgonomiE amélioRéE,flux RSS,
30 000 aRticlES En lignE,REDécouVREZ :
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Copyright © 2010. Tous droits réservés pour tous pays. Reproduction totale
ou partielle strictement interdite sur tous supports sans autorisation préalable.
Le fléau du porno
Le sexe, un sujet traditionnellement tabou au sein de la société khmère,
devient chose banale. Si banale que certains jeunes gens, profitant des
possibilités offertes par la technologie, et notamment des systèmes 3G ou
encore de Bluetooth, se filment en faisant l’amour grâce à la caméra de leur té-
léphone. Ils transmettent ensuite ces images à des collègues sans se soucier de
la moralité de leur propre société. Ces derniers temps, plusieurs films du genre
ont circulé, passant d’un mobile à un autre. Encore plus grave, un véritable
scandale a tout récemment secoué le pays : on a en effet découvert que l’auteur
de films exhibant des jeunes filles nues dans une salle de bain n’était autre
qu’un moine. Cela montre que la pornographie ne se contente pas de mettre en
pièces la tradition khmère : elle s’attaque aussi aux pagodes. Comment cette
hallucinante immoralité a-t-elle pu se répandre et proliférer de la sorte ?
Face au manque cruel de moyens et de politique adéquate pour se protéger de
la mondialisation, le pays s’est exposé, de son plein gré, à l’invasion du pan le
plus détestable de la culture étrangère. Au point que les films pornographiques
sont aussi faciles à se procurer que des jouets pour enfant. Conséquences proba-
bles : les rapports sexuels sont de plus en plus précoces, les violeurs de plus en
plus jeunes, tandis que des corps dénudés s’affichent partout.
Certes, il arrive que les autorités réagissent en confisquant des lots de disques
à caractère obscène. La police organise parfois des descentes dans des cafés qui
projettent des films érotiques… Mais ce ne sont là que des mesures de court
terme. Où est donc cette politique globale visant à préserver notre culture et nos
traditions ? Il n’y en a jamais vraiment eu. Et désormais, elle paraît presque ir-
réalisable. « Il vaut mieux prévenir que guérir », dit le dicton. Pourquoi ne pas in-
terdire les films pornographiques plutôt que de tenter vainement de les saisir
lorsqu’ils ont passé la frontière ? Idem pour les moines : la discipline doit être
appliquée strictement pour prévenir tout scandale.
Pen Bona
www.cambodgesoir.info
26CD, rue 302 - Phnom PenhTél. rédaction : 012 462 092 ;012 815 990 ; 016 815 990 ;015 462 092 ; 011 671 700Tél. administration : 023 726 804Fax : 023 211 424administration@cambodgesoir.inforedaction@cambodgesoir.info
Président du CRDCS :Oknha Kong Rithy Chup
Administrateurs de CSH :Yves Bernardeau, Beatrix Latham,Robert Latil, Philippe Monnin,Oknha Kong Rithy ChupDirecteur de la publication :Robert LatilDirecteur : Jérôme MorinièreChroniqueur : Jean-Claude PomontiConseillers de la rédaction : Jean-Michel Filippi, Frédéric AmatRédacteurs en chef : Pen Bona, Alain Candille Rédacteur en chef adjoint :Adrien Le GalConception graphique, maquet-tistes PAO :Charlotte Ducrot, Stéphane DartouxSecrétaire de rédaction, journaliste :Jérôme Becquet
Rédaction :Émilie Boulenger, Hong Seiha, Im Navin,Kang Kallyann, Carole Oudot, PierreManière, Nhim Sophal.Webmaster : Sébastien GeiserDéveloppeur web : Seyha Chrœng
Photographes : Charlotte Ducrot, Siv Channa,
Collaborateurs :Philippe Escabasse, Gaston Orsini,Ung Chamrœun, Jérome JaymondResponsable administration :Péou Sothy : 012 766 652Administration et comptabilité :Kam Saroeun, Khun KompheakResponsable développement& communication : Shérazade Delhoume : 077 333 772
Commerciale : Khun Kompheak : 092 205 015Secrétaire commerciale : Chen Dalin : 099 659 467Imprimerie :Post Media Co., Ltd., Phnom Penh Center, Building F, Unit 888, 8e étage, au coin de Sothearos & Sihanouk Blvd.Distribution Siem Reap : Som Bunlong : 012 593 650ISSN 2077-494X
Cambodge Soir Hebdo estsoutenu par l’Organisationinternationale de la francophonie
Sexualité :�au�bout�du�tabou
p.�12�à�15
La masturbation donne-t-elle mal à latête ? Est-il souhaitable de recoudrel’hymen ? Les pagodes sont-ellesépargnées par la pornographie ? Enl’absence de dialogue ouvert et dé-complexé sur les questions de sexual-ité, les jeunes sont laissés àeux-mêmes et adoptent des com-portements à risques, provoquant des
réactions scandalisées de la part de leurs parents, attachés au respect des traditions.
Rong Chhun, président de l’Association des enseignants du Cambodge : « De l’ex-térieur, les examens de fin d’année des collégiens semblent s’être bien passés. Pourtant,si l’on s’y regarde de plus près, rien ne va. Les élèves se sont cotisés pour payer les exam-inateurs afin qu’ils puissent déposer des antisèches dans les salles de classe ». RasmeyKampuchea, le 6 juillet 2010.
Mu Sochua, députée PSR de Kampot : « Je tiens à remercier ceux qui ont signé lapétition qui demandait au président américain de prêter attention au système judiciairecambodgien. Elle est bien arrivée à Monsieur Barack Obama ». Moneaksekar Khmer, le6 juillet 2010.
Hem Theng, responsable local du PPC à Battambang : « Notre parti ne cesse defaire la morale à ses responsables, quel que soit leur échelon, afin de mettre les chosesau clair. Le malheur de la population est notre fardeau, et son bonheur notre objectif ».Rasmey Kampuchea, le 6 juillet 2010.
LES MOTS DE LA SEMAINE
Photo une : Charlotte Ducrot – Photo en vignette : Siv Channa
CharlotteDuCrot
Une semaine au Cambodge. De retour à Phnom Penh, Mu Sochua persisteà refuser de payer son amende et les dommages et intérêts au Premier ministre.
Souviens-toi l’été 1997. Alors que le Funcinpec renonce à commémorer le coupde force du PPC, le PSR s’engouffre dans la brèche et organise sa propre cérémonie.
Parution suspendue. Hang Chakra interrompt la publication de KhmerMachas Srok, faute de trouver les fonds nécessaires.
La BAD s’en mêle. Des experts de la Banque asiatique de développementcritiquent le soutien apporté par le Cambodge au riel par rapport au dollar.
La musique du souvenir. Des cinéastes, musiciens et archivistes s’emploientà réhabiliter les chanteurs disparus des années 1960.
Mythes indonésiens. La lecture de la presse locale montre l’attachement deshabitants de l’archipel à l’irrationnel.
Ça s’est passé il y a dix ans. Un mafieux taïwanais est arrêté au Cambodgeaprès avoir dit que 300 dollars suffisaient à faire exécuter quelqu’un.
Actualité p. 4 à 11
Problème flottant. Dans la province deKampong Chhnang, les villageois des maisons flottantes pourraient être expulsés. Vietnamienspour la plupart, ils sont accusés par les autoritésd’avoir gravement pollué le fleuve en y déversantleurs ordures.
p. 10
Culture p. 18 à 21
Asie p. 22 et 23
Chronique p. 24
ImNavIN
ÉDITORIAL SOMMAIRE
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Cambodge Soir Hebdo n˚ 140 – 3e année, du 8 au 14 juillet 20104
Question de normesJeudi 1er juillet, Ith Praing, se-crétaire d’État au ministère del’Industrie, des mines et del’énergie, a vigoureusement de-mandé aux patrons cambodgiensde se conformer dès que possibleà la législation de l’Union euro-péenne (UE) concernant l’utili-sation de produits chimiques. Enouverture d’un séminaire orga-nisé par le gouvernement et l’UEconcernant le Règlement sur l’en-registrement, l’évaluation, etl’autorisation des produits chi-miques (Reach), il a appelé les
professionnels, et en particulierdu textile, à « intégrer au plus
vite ce processus de régulation »
sous peine de se voir refuser, àterme, tout commerce avec l’Eu-rope. Ce règlement communau-taire, entré en vigueur en juin2007, vise à protéger les consom-mateurs et l’environnement desproduits chimiques dangereux. Ilplace directement les profession-nels face à leurs responsabilités,puisque c’est désormais à eux,d’apporter la preuve de l’inno-cuité des substances utilisées.
Le Syndicat indépendant des ou-vriers du Royaume du Cambodgese réjouit de l’annonce de négocia-tions autour du salaire minimumdes ouvriers des usines de textile,prévues le 8 juillet. La Fédérationdes syndicats khmers, proche dugouvernement, réclame elle-même
un salaire minimum de 93 dollars,contre 50 aujourd’hui. Elle de-mande également 1 000 à 2 000riels par jour pour les frais de nour-riture, des primes de présence et 5dollars d’ancienneté. Le Siorc, lui,exige un minimum de 70 dollarspar mois. Les ouvriers, souvent
contraints de faire des heures sup-plémentaires pour nourrir leur fa-mille, soutiennent les syndicats etsont impatients de voir l’issue desnégociations. Si les résultats nesont pas satisfaisants, le Siorc aréaffirmé qu’une grève aurait lieudu 13 au 15 juillet prochains.
Le Siorc toujours dans la bataille
Une famille de six personnes a trouvé la mort dansun accident de voiture, lundi 5 juillet, à Siem Reap.Selon la police, le père, la mère et leurs quatre en-fants, franco-khmers, s’apprêtaient à rendre visite àleur famille. Leur véhicule est entré dans un camion-citerne qui roulait en sens inverse. Il a fait plusieurstonneaux avant de tomber dans une rizière. Les corpsont été transportés à l’hôpital provincial de SiemReap. Malgré la découverte de passeports français,le lieu de résidence de la famille est toujours inconnu.Les autorités ont finalement décidé d’incinérer les
corps dans la pagode de Damnak, à Siem Reap.Chan Tany, secrétaire d’État à la présidence duConseil des ministres, Sou Phirin, gouverneur, ainsiqu’environ 400 personnes se sont rassemblées pourla cérémonie, au cours de laquelle le directeur de labranche locale de la Banque nationale du Cambodgea rendu hommage aux personnes décédées. « La cé-
rémonie était marquée par beaucoup d’émotion de la
part de la famille et de l’assistance », a indiqué Lau-rence Bernardi, première secrétaire et porte-parolede l’ambassade de France à Phnom Penh.
Accident tragique à Siem Reap
Mu Sochua de retourAprès un séjour aux États-Unis,Mu Sochua est rentrée au payssans avoir changé d’avis : « Tant
que le système judiciaire cambod-
gien n’évoluera pas, je ne paierai
pas l’amende et les dommages et in-
térêts [...] auxquels j’ai été condam-
née injustement », a-t-elle affirmé àson arrivée à l’aéroport internatio-nal de Phnom Penh lundi 5 juillet.L’élue qui a déjà reçu une lettre duTrésor public est toujours aussi
ferme : « Je m’apprête à aller à la
prison de Prey Sar. La police peut
m’arrêter quand elle veut », a-t-elleajouté.Membre du PSR, elle a été recon-nue coupable le 2 juin dernier dediffamation à l’encontre du Pre-mier ministre. Elle a été condam-née à verser 8 millions de riels dedommages et intérêts et 8,5 mil-lions de riels d’amende, soit un to-tal d’environ 4 100 dollars.
UNE SEMAINE AU CAMBODGE
J’ai remarqué l’expression « route jonchée
de nids de poule » dans un article duCambodge Soir Hebdo n°139, consacré
au raid secret des rainsistes contre une bornefrontalière.
Or dans la définition du Petit Robert, le terme« jonché » s’applique à des objets épars sur lesol, des objets désolidarisés du sol, des objetsaffranchis de toute fixation, des objets qu’onpeut ramasser. De manière cocasse, si on prendle mot dans son sens littéral, l’usage de « jon-
chée » redevient approprié.
Ce lapsus probablement involontaire nemanque cependant pas d’à propos lorsqu’il estrapporté au sujet de l’article.
En effet, stricto sensu, il implique que ces ca-vités dans le sol seraient pourvues d’une mobi-lité qui a priori nous échappe, un peu commela forêt mouvante du Hamlet de Shakespeare.Ainsi informé par cette qualité préliminaire dela route qui mène au Viêtnam, le lecteur avertine peut s’empêcher d’imaginer que la frontièrekhmèro-vietnamienne est « jonchée » et non« plantée » de bornes. Subtil.
Jean Mathis, un lecteur attentif
Courrier des lecteurs
Lapsus révélateur ?
b
Un homme et une femme thaïlandais, accusés de « terrorisme », ont étéexpulsés lundi 5 juillet, soupçonnés d’avoir participé à un attentat contre lesiège du Bhumjaithai, parti membre de la coalition gouvernementale, àBangkok le 22 juin. Le couple avait été arrêté samedi 3 juillet dans la provincede Siem Reap.
Rentrée d’argent aux CETCLe gouvernement japonais, principal contributeur des Chambres ex-traordinaires au sein des Tribunaux cambodgiens, a décidé d’accorderun financement supplémentaire de 2,26 millions de dollars à lapartie cambodgienne à la suite de l’appel aux dons lancé à New Yorkle 25 mai dernier. Le financement a été remis par l’ambassadeur ja-ponais au Cambodge Masafumi Kuroki au directeur de l’adminis-tration des CETC par intérim, Kranh Tony, à l’occasion d’une céré-monie officielle qui s’est tenue au tribunal vendredi 2 juillet. Lasomme allouée permettra de payer les salaires des employés cam-bodgiens de mi-avril à septembre 2010.
Pour la première fois, une exposi-tion de produits philippins, orga-nisée par l’ambassade de la Répu-blique philippine, le Départementdu commerce et de l’industrie phi-lippin et le Conseil de commercephilipino-cambodgien, aura lieu les9 et 10 juillet à l’hôtel Interconti-nental, à Phnom Penh. Plus de 20entreprises philippines exposerontleurs produits. Des aliments trans-formés, du vin, de la bière, des pro-duits cosmétiques et des produitsélectroménagers seront présentés.L’événement vise également à pro-mouvoir l’investissement de ces en-treprises au Cambodge.
Les Philippinesà l’honneur
La lutte contre la malaria dansles régions frontalières avec laThaïlande avance à grand pas.D’après un communiqué du Cen-tre national de lutte contre lamalaria (CNM), du ministère dela Santé, et de l’Organisationmondiale de la santé (OMS) pu-blié mardi 7 juillet, les re-cherches destinées à éradiquerla maladie ont montré des « ré-
sultats prometteurs ». Dans lessept villages où les chercheursont travaillé, la résistance de cer-tains parasites au traitement àl’artésimine, indiqué pour se pro-téger contre ce fléau, a presquedisparu. Sur les 2 782 personnesexaminées, seuls deux cas de ma-laria dite « falciparum », uneforme mortelle de la maladie,sont apparus. « Ces derniers jours, nous avons
constaté que les traitements pré-
ventifs […] que nous avons intro-
duit ont permis de réduire de ma-
nière significative le nombre de
cas de malaria, a indiqué le doc-teur Duong Socheat, directeur duCNM. Ceux-ci pourraient à terme
éliminer complètement [cette
forme de la maladie] dans la ré-
gion. » L’année dernière, l’OMSs’était alarmée de l’apparition dece parasite dans les régions fron-talières avec la Thaïlande, « la-
quelle constituait une sérieuse
menace vis-à-vis des efforts effec-
tués pour contrôler la maladie »,rappelle le communiqué.
Des progrès dans la lutte contre la malaria
SivChanna
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L’embarrassant souvenir de 1997 Pour la première fois, leFuncinpec n’a pas organisé decommémoration du coup deforce des 5 et 6 juillet 1997. LeParti Sam Rainsy s’est saisi del’occasion pour organiser sapropre cérémonie.
Contre toute logique, c’est ausiège du PSR, à Phnom Penh,qu’a eu lieu la cérémonie reli-
gieuse annuelle permettant de rendrehommage aux victimes des événementsdes 5 et 6 juillet 1997. Kong Korm, levice-président du parti, en a profitépour tenir un discours assez virulentcontre le parti au pouvoir. « Il s’agissaitd’un coup de force pour réprimer les dé-mocrates, en utilisant les armes et eninstrumentant la justice », a-t-il déclaré.Selon lui, le PSR a choisi d’organisercette cérémonie parce qu’il subit au-jourd’hui une répression similaire.
Le Funcinpec aurait dû, comme chaqueannée, commémorer l’événement dansune pagode afin de rendre hommage à lacentaine de sympathisants qui avaientalors trouvé la mort. Mais il ne s’est rienpassé et les explications varient d’un éluà l’autre. Selon Kéo Puthrasmey, prési-dent de la formation politique, le parti
est trop occupé par sa réorganisation etson alliance avec le Parti nationalistepour avoir le temps d’organiser ce genrede manifestation.
Leu Lay, un autre responsable, évoque,lui, des difficultés financières. Mais il as-sure que chacun a commémoré de son côtéle triste événement : « Nous n’avons ja-mais oublié ce qui s’est passé. J’ai moi-même déposé des offrandes devant l’autelde mon domicile en hommage à mes an-ciens collègues », a-t-il déclaré, précisantqu’une vingtaine de hauts dirigeantsavaient alors péri.
Il y a treize ans, alors que le Funcinpecet le PPC partageaient le pouvoir dansun gouvernement de coalition, les forcesde Hun Sen, second Premier ministre etdu prince Ranariddh, premier Premierministre, étaient entrées en guerre. HunSen accusait le prince Ranariddh d’avoirconstitué une force illégale, en faisant no-tamment appel à d’anciens Khmersrouges, et d’avoir importé illégalementdes armes dans le pays.
Après deux jours de combats, lestroupes de Hun Sen ont emporté la vic-toire et le prince Ranariddh qui avait fuià l’étranger a été condamné à dix-huit ansde prison pour « tentative de coup d’État ».Les « royalistes » ont à leur tour accusé lePPC d’avoir lui-même organisé ce coup deforce afin d’évincer le prince de la scènepolitique.
En 1998, un compromis a permis au
président du Funcinpec de bénéficierd’une grâce royale et de rentrer au payspour les élections législatives. À l’issuede ce vote, le Funcinpec a reconduit la co-alition avec le PPC. Mais chaque année,il rendait hommage à ses compagnonsd’armes tués lors de cet épisode sanglant,tout en veillant à ne pas se montrer tropagressif à l’encontre du parti au pouvoir.
Au fil du temps, le parti « royaliste » est
devenu de plus en plus faible, et la céré-monie de plus en plus symbolique dans lamesure où certains hauts-dirigeants dontNhek Bunchay, vice-premier ministre, oc-cupent des postes importants dans l’actuelgouvernement. Il est donc hors de ques-tion pour eux d’organiser une célébrationpolitique qui irait à l’encontre des intérêtsdu PPC.
Pen Bona
POLITIQUE
Un soldat du PPC arbore triomphalement des portraits du prince Ranariddh, après laprise du siège du Funcinpec en juillet 1997.
Archivescs
Preah Vihear : un anniversaire vindicatifDes officiels se sontrendus au temple dePreah Vihear mercredi 7 juillet pour célébrer ledeuxième anniversairede l’inscription dutemple au Patrimoinemondial de l’Unesco.Tous ont dénoncél’attitude de Bangkok.
«L
a Thaïlande doit respecterle jugement de la Cour in-ternationale de justice de
La Haye », « Nous soutenons fer-mement notre gouvernement quia clairement indiqué que la reven-dication thaïlandaise sur cettezone de 4,6 km2 n’a pas lieud’être », ou encore « nous devonsprotéger notre territoire à tout prixsans permettre la perte du moin-dre centimètre carré ». Telle étaitla teneur des discours prononcéspar les officiels du gouvernementet des autorités locales, mercredi7 juillet, à Preah Vihear. Ceux-cise sont rendus dans le célèbretemple à l’occasion du deuxièmeanniversaire de son inscription aupatrimoine mondial de l’Unesco.
Sous des salves d’applaudisse-ments, les participants ont expli-qué que leur hostilité envers laThaïlande demeurerait jusqu’à ceque Bangkok abandonne toute re-vendication territoriale, et en par-ticulier concernant Preah Vihear.
Les discours ont été suivisd’une cérémonie religieuse à la
pagode de Kéo Sékhakirisvarak.Chuch Phœun, un responsable del’Autorité nationale de Preah Vi-hear a saisi cette occasion pourexprimer sa fierté concernant larénovation du temple et le déve-loppement de la zone. D’après lui,ce projet se poursuit malgré laforte militarisation de la zone et
les querelles récurrentes avec laThaïlande.
Contestations répétées
Il a ainsi affirmé que « septpuissantes nations » dépêcherontdes équipes d’experts au mois denovembre pour accélérer les tra-vaux, lesquels devraient s’achever
prochainement. Dans la mêmeveine, Hang Sot, secrétaire géné-ral de l’Autorité nationale dePreah Vihear indique que « 70%du temple a jusqu’à présent été ré-nové ». Le projet a déjà coûté dixmillions de dollars depuis l’ins-cription du temple au patrimoinemondial, a précisé Phay Siphan,porte-parole du Conseil des mi-nistres.
Par ailleurs, celui-ci a soulignéque « cet anniversaire constitued’abord un calalyseur pour la dif-fusion de la culture khmère etnon un rassemblement poli-tique ». « Néanmoins, nous nousdevons de prévenir tout incidentdans cette zone, notamment avecles militaires thaïlandais », a-t-il poursuivi.
Le temple de Preah Vihear fi-gure sur la liste du Patrimoinemondial de l’Unesco depuis le 7juillet 2008, malgré les contesta-tions répétées du Royaume voisin.Faute de pouvoir empêcher cetteinscription, Bangkok a envoyé sestroupes dans la pagode de Kéo Sékhakirisvarak, une semaineplus tard, pour réclamer cette zonede 4,6 km2. Depuis lors, la tensionentre les deux nations ne s’est ja-mais apaisée.
P.B. et H.S.
Le temple de Preah Vihear, inscrit au Patrimoine mondiale de l’Unesco il y a deux ans.
Archivescsh
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Cambodge Soir Hebdo n˚ 140 – 3e année, du 8 au 14 juillet 2010 7
Le verdict de Duch sera connu le 26juillet. Au cours du procès, les partiesciviles semblent avoir eu du mal às’exprimer… Lors de ce premier procès, elles ont jouéun rôle très important. Le soir du 26juillet, je recevrai les parties civilesfrançaises qui auront fait le déplace-ment. Pour le procès de Duch, rienn’était prévu pour elles, il a fallu im-proviser et inventer des systèmes desoutien par le biais de l’unité des vic-times et d’ONG. Certains avocatsétaient prêts à se dévouer pro bono,mais il a fallu trouver des billets d’avion,des supports matériels… Deux ONG ontreçu des subventions de la France, Avo-cats sans frontières, puis Legal Aid ofCambodia pour le deuxième procès. Il ya eu quelques problèmes de coordinationentre les groupes de parties civiles, qu’ilne faut pas exagérer non plus. Un nou-veau système a été mis en place par lesCETC, nous verrons comment il fonc-tionne.
Où en est la coopération policièreentre la France et le Cambodge ?En ce qui concerne la coopération opé-rationnelle, c’est-à-dire le traitementd’affaires qui peuvent avoir lieu entreles deux pays, nous avons obtenu ré-cemment une extradition et une expul-sion. De manière plus générale, nousavons convaincu les Cambodgiens quelorsqu’un Français avait été condamnéau Cambodge dans des affaires demœurs ou d’exploitation sexuelle surmineur et avait purgé sa peine, une ex-pulsion vers la France pouvait consti-tuer un complément administratif à ladécision de justice. L’extraditionconcernait une personne recherchée enFrance dans une affaire d’exploitationsexuelle sur mineur. Elle a été réaliséeaprès accord de la Cour d’appel dePhnom Penh, en vertu du nouveauCode de procédure pénale cambodgien.
Le Cambodge commençait à avoir uneréputation d’asile ou de refuge pour cetype de délinquance, et en six-huitmois, on a apuré la situation. Par ail-leurs, un réseau de prostitution de mi-neures qui n’impliquait pas de ressor-tissants français a été démantelé auCambodge après avoir été détecté enFrance par des moyens français deveille sur Internet.
La société civile a critiqué le fait queles dons et prêts au Cambodgen’aient pas été assortis deconditions…Les droits de l’homme sont un sujet dedialogue, pas un objet de chantage. Cedialogue s’organise d’abord autour del’examen périodique universel pour tousles pays. Le Cambodge s’y est soumis ré-cemment et a dit qu’il prendrait encompte les critiques qui lui ont été faites.Le rapporteur spécial pour les droits del’homme établit également un dialogueavec le gouvernement. Par ailleurs, nousnotons que la France est aujourd’hui auquatorzième rang des bailleurs. Est-ceque cela signifierait qu’elle ne pourraitplus parler des droits de l’homme ?
En juillet dernier, le Premier ministrecambodgien a rencontré NicolasSarkozy. Jean-Louis Borloo et Anne-Marie Idrac se sont rendus à PhnomPenh cette année… Qu’est-il ressortide ces échanges ?Le Cambodge profite de la paix et de lastabilité qu’il connaît depuis une dou-zaine d’années, et n’a pas vocation àrester un Pays moins avancé pendantencore dix ans… Par ailleurs, la Francea une zone de concentration de son aideen Afrique. Nous devons redéfinir lecontenu de nos aides. Dans la mesureoù le Cambodge s’enrichit, il n’y a pasde raison que le contribuable lui fasseéternellement des dons. Anne- MarieIdrac a abordé le secteur privé pour ex-pliquer qu’il est possible de faire del’aide au développement qui ne soit pasde l’aide publique, mais un encourage-ment aux investissements directs. C’estle cas de Golden Rice, la première rize-rie industrielle moderne du Cambodge,qui a bénéficié d’un prêt bancaire de 7millions de dollars de Proparco, une fi-liale de l’Agence française de dévelop-pement. Cela a créé 600 à 800 emploispermanents, plus des emplois pério-diques, etc. En termes de développe-ment, il faut avoir de l’imaginationpour aller de l’aide publique au déve-loppement vers l’investissement directà l’étranger.
Le président français Nicolas Sarkozya annoncé récemment un meilleurencadrement des dépenses del’État… Les visites ministérielles ont-elles, de votre point de vue, étéconduites dans la sobriéténécessaire ?Au Cambodge, lorsqu’un reçoit un mi-nistre ou un secrétaire d’État, on estsur un circuit prévu. Les ministres pren-nent des avions de ligne comme tout lemonde et restent en général peu detemps. L’Asie du Sud-Est et l’Extrême-Orient sont les régions du monde lesplus dynamiques. Un dialogue d’État àÉtat est nécessaire, et nous avons be-soin que les ministres viennent faireleur travail. Nous recevons deux minis-tres ou secrétaires d’État par an et j’ensuis très satisfait, c’est très importantpour débloquer les dossiers. L’argent estbien utilisé, il n’y a aucun problème.
L’ambassade a-t-elle dû faire deséconomies de fonctionnement ? Il y a eu une reconfiguration de la coo-pération militaire, avec beaucoup d’éco-nomies à la clé. Nous ne payons pas deloyer pour l’ambassade, car noussommes propriétaires, et les dépensessont surtout des dépenses d’effectifs.Les effectifs ont baissé de 20 % depuisjanvier 2007, aussi bien au Centre cul-turel qu’à l’ambassade. Quand l’euroest très fort, les choses sont moins dou-loureuses.
La France doit-elle soutenir lesprojets d’hévéaculture, discutablesd’un point de vue social etenvironnemental ? Nous sommes très intéressés par le faitde démontrer que les sociétés occiden-tales, soumises à toutes sortes decontrôles, peuvent apporter des solu-tions techniques concurrentielles maisaussi conformes à la norme sociale etenvironnementale. Les entrepriseseuro péennes les respectent et ont parailleurs l’intérêt de mettre les Cambod-giens directement sur le marché inter-national. Lorsque l’on considère un pro-jet de développement, on vérifie biensûr que les normes sont respectées.
Combien de temps faudra-t-ilattendre pour que l’adoptioninternationale reprenne ?À l’heure actuelle, le moratoire courtjusqu’en mars 2011. Quelques dossiersqui étaient dans les tuyaux restent àtraiter. Le futur dispositif fait l’objet debeaucoup de travail. Nous voulons vrai-ment qu’il y ait une concertation inter-
nationale entre les pays adoptants etles pays d’origine des enfants. La com-mission spéciale sur le fonctionnementpratique de la convention de La Hayes’est réunie du 17 au 25 juin, et 88 délé-gations se sont retrouvées à La Haye.Des thèmes comme la coopération, lesfrais d’adoption, et le contrôle des orga-nismes agréés ont été abordés. Il sembleque le Cambodge ne souhaite pas avoirplus d’un organisme de ce type par État.
Comment s’est déroulée la visite duRoi Norodom Sihamoni en France, enmars dernier ? Je crois que c’est la première fois qu’unchef d’État en exercice entre à l’Acadé-mie des Inscriptions et Belles lettres.C’est un événement exceptionnel, aucœur même de la relation franco-cam-bodgienne. À la fin du xIxe siècle, la mo-narchie khmère cherche une protectionet recouvre ses droits souverains surSiem Reap et Battambang en 1904.Avec l’École française d’Extrême-Orientet la participation des savants khmers,elle se ré-enracine nationalement et re-ligieusement, à partir de l’étude destemples et des fondements de la nation.En France, l’image du Cambodge, c’estencore l’image angkorienne. On estdans le domaine de la gestion des sym-boles. Le discours du Roi est un trèsbeau texte, qui a beaucoup ému l’assis-tance, dans laquelle se trouvaient aussibien la bonne société parisienne que lasociété franco-cambodgienne, les amisdu Cambodge qui ont fait des missions,les ONG, les Cambodgiens de Paris…
Où en est la restauration du templedu Baphuon ?Le troisième étage sera terminé enmars 2011. La reconstitution a fait l’ob-jet d’examens au collège d’experts duComité international de conservationet de sauvegarde du site historiqued’Angkor (CIC). C’est une restaurationqu’on aurait fait très différemmentdans les années 1960, où la doctrineétait la reconstitution du monument àson origine, comme il était au xIe siècle,alors que les principes de restaurationmodernes consistent à respecter l’his-toire du monument, remanié de ma-nière considérable au xvIIe avec leBouddha couché. Il a fallu prendre unparti de suggestion architecturale desvolumes de la pyramide ancienne, àpartir du moment où le Bouddha,construit avec les pierres du troisièmeétage, était conservé. Cette entreprisede restauration sera complètementachevée en novembre 2011.
Il n’y a pas de raison que le contribuable fasseéternellement des dons au Cambodge »
I N T E R V I E W
Jean-François Desmazières, ambassadeur de France au Cambodge depuis 2007, revient sur les faitsmarquants de la coopération franco-cambodgienne à l’occasion de la fête du 14 juillet.
«SivChanna
Propos recueillis par Adrien Le Gal
POLITIQUE
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Cambodge Soir Hebdo n˚ 140 – 3e année, du 8 au 14 juillet 20108
Soy Sopheap mis�sur�la�toucheAprès avoir annoncé lafermeture des trois médias dugroupe Deum Ampil, sansdoute en raison de querellesinternes, le journaliste a étélicencié. Il appelle aujourd’huiles journalistes à rejoindre sesrangs pour créer une nouvelleradio.
Jeudi 1er juillet, de bon matin, les inter-nautes ont eu la surprise de découvrirsur le site de Deum Ampil (www.dap-
news.com), propriété de Soy Sopheap, unbillet annonçant la fermeture des autres mé-dias appartenant au groupe Deum Ampil(« À l’ombre du tamarinier »). Le quotidienDeum Ampil (« Le Tamarinier »), la radiodu même nom et le magazine Morokod
(« Émeraude ») n’existent donc plus.Soy Sopheap, directeur du groupe, s’est
empressé de mettre en avant des difficul-tés financières. « J’ai prévenu officielle-
ment le ministère de l’Information de la
fermeture de ces médias », a-t-il indiqué.Mais ni Sieng Chanheng, une puissante
femme d’affaires qui finance le groupe, nisa fille, Dim Sopheavy, alors directrice ad-jointe du groupe chargée des finances nese sont dites satisfaites par l’argumentavancé. Selon Dim Sopheavy, il n’est pasdu tout question de faillite : « Soy Sopheap
a fait cette annonce seul, sans même pren-
dre le temps de discuter avec son dona-
teur ». Un conflit interne entre SiengChanheng et Soy Sopheap aurait eu raisondes publications.
Le jour-même, Khieu Kanharith, minis-tre de l’Information, acceptait la fermeturedes trois médias, tout en précisant qu’unereprise de la diffusion devrait être soumiseà autorisation.
C’est désormais chose faite. Une de-mande a été formulée pour reprendre ladiffusion des trois médias et Soy Sopheap
a été évincé. Dim Sopheavy, une nouvelledirectrice générale, a été nommée et lesmédias devraient simplement changer denom. Seul le site Internet restera sous lacoupe de Soy Sopheap.
Selon une source proche de la rédaction,la société donatrice se serait installée ausiège du journal il y a quelques jours envue de réorganiser le travail. De nouveauxresponsables devraient être désignés etles journalistes qui souhaitent conserverleur poste doivent remplir des formulaires.
Soy Sopheap et l’équipe du site Internetont, eux, quitté les lieux et se sont installésdans la maison de l’ancien directeur ? Ce-lui-ci s’est empressé d’annoncer la créationprochaine d’une nouvelle station de radioet a laissé la porte ouverte aux journalistesrestés au siège du groupe.
Sieng Chanheng, la propriétaire de l’en-treprise Heng Aphiwat, proche du pouvoir,et sa fille pointent désormais du doigt la« mauvaise gestion » de Soy Sopheap. SelonDim Sopheavy, à sa création, le groupe neperdait que 10 000 dollars par mois. Cesderniers mois, le déficit budgétaire seraitarrivé à 40 000 dollars par mois, ce qui au-rait contraint la financière à prendre desmesures drastiques au sein de ce groupede plus de 100 salariés. Des accusations decorruption ont même été lancées à l’encon-tre de l’ancien président du groupe.
Le journal Deum Ampil avait vu le jouren décembre 2006 à l’initiative d’un groupede journalistes qui se rencontraient régu-lièrement sous un tamarinier, près de l’an-cienne Assemblée nationale. Soy Sopheapavait été nommé directeur de publicationdu bi-hebdomadaire, avant qu’il ne de-vienne quotidien. Le journaliste est éga-lement connu en tant que présentateurd’une émission politique sur CTN. Prochedu gouvernement, il a sans cesse cherchéà se diversifier dans les médias et a tou-jours été un personnage controversé. Resteaujourd’hui à savoir combien de journa-listes le suivront dans une nouvelle aven-ture médiatique.
Pen Bona
SivChAnnA
Opposition :�« Khmer�Machas�Srok »suspend à nouveau sa parutionLe directeur duquotidien d’opposition aannoncé qu’il n’avait plusles fonds nécessairespour continuer à payerson imprimeur et lepersonnel.
Le quotidien Khmer Machas
Srok (« Le pays appartientaux Khmers ») a cessé de pa-
raître lundi 5 juillet. Son direc-teur, Hang Chakra qui a passéneuf mois en prison cette annéeaprès une condamnation dansune affaire de diffamation, a in-
diqué que son état de santé etque les finances de la rédactionne permettraient pas au journalde continuer à paraître au moisde juillet. Quelques semainesavant la libération du directeur,le journal avait déjà cessé de pa-raître.
Hang Chakra a expliqué qu’iln’était plus en mesure de réunirles 2 000 à 3 000 dollars néces-saires à la parution du journalchaque mois : « Nous considérons
cela comme une pause, le temps
de trouver d’autres financements,
et lançons un appel aux Cambod-
giens expatriés pour qu’ils nous
aident », a-t-il déclaré. Selon lui,une lettre officielle sera envoyée
cette semaine au ministère del’Information afin de l’informerde cette suspension.
Pen Samithy, président duClub des journalistes cambod-giens et par ailleurs rédacteuren chef du journal (pro-PPC)Rasmei Kampuchea, estime quela forte dépendance des journauxaux partis politiques comprometleur survie financière : « La
presse en langue étrangères, in-
dépendante des partis, est celle
dont les financements sont les
plus constants. Avant de lancer
un journal, il faut s’assurer que
le plan de développement est du-
rable. »
Im Navin
Hang Chakra, quelques semaines après sa sortie de prison. Le jour-naliste n’a plus d’argent pour payer son imprimeur et son personnel.
AdrienLeGAL
Le siège de Deum Ampil, sur le boulevard Monivong, à proximité du ministère de l’Information.Une grande bâche rouge recouvre aujourd’hui l’enseigne.
MÉDIAS
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Cambodge Soir Hebdo n˚ 140 – 3e année, du 8 au 14 juillet 2010 9
JUSTICE
EN BREFEN BREFInformations publiées dans Rasmei Kampuchea,Koh Santépheap et Kampuchea Thmei et traduitesdu khmer par Pen Bona.
Heng Sokly, 26 ans, a été arrêté mardi 29
juin par la police de l’arrondissement
phnompenhois de Sen Sok, pour avoir com-
mis des actes de violence sur son épouse et
sur leur nourrisson âgé de trois mois.
L’homme interpellé a été décrit par des
témoins comme « très violent » et consom-
mateur de produits stupéfiants. Sous l’in-
fluence de la drogue ou de l’alcool, il battait
sa femme quasiment tous les jours. Dans
la soirée du 29 juin, Heng Sokly est rentré
tard et a passé son épouse à tabac, puis a
jeté leur bébé par la porte en direction d’un
point d’eau situé devant leur domicile. Le
nourrisson, heureusement, est tombé à
côté de l’étang et sa chute a été amortie par
l’herbe, mais il a néanmoins été gravement
blessé à la tête. La jeune femme a porté
plainte et demandé à ce que son mari soit
écroué. Sokly avait déjà été condamné par
la cour provinciale de Kampong Cham à
deux ans de prison pour vol à main armée.
Selon son épouse, il ne redoute pas la pri-
son, qu’il considère comme sa « deuxième
maison ».
Une femme est morte dans une mare de
sang tandis que son mari a été admis à
Il jette son bébé âgé de troIsmoIs par la porte
un couple vIetnamIense dIspute : un mort
l’hôpital en état grave, après une violente
dispute conjugale. Ce jeune couple viet-
namien, qui achetait des fripes pour les
exporter au Viêtnam, avait loué quelques
jours avant le drame un compartiment
chinois au troisième étage d’un immeuble
dans le quartier de Chba Ampov, à
Phnom Penh. Dans l’après-midi du 1er
juillet, des cris ont éclaté et tous deux se
sont battus à coups de briques et de cou-
teaux, pour une raison inconnue. La
femme est morte des suites de ses bles-
sures, après quoi son mari a tenté de se
suicider en s’ouvrant les veines. Interve-
nant sur les lieux du drame, les policiers
ont pu le sauver. Celui-ci affirme avoir
tué sa femme parce qu’elle demandait le
divorce. L’homme a été déféré au tribunal
après avoir reçu les soins de premiers se-
cours.
Une ouvrière de 18 ans est décédée,
mardi 29 juin, dans une clinique privée
du district de Rameas Haek, situé dans
la province de Kampong Cham. Selon la
mère de la victime, la jeune fille s’était
rendue dans son village natal afin de se
faire soigner de troubles gastriques, et,
sur les conseils de celle-ci, a demandé à
être admise dans la clinique privée ap-
partenant au directeur de l’hôpital de ré-
férence du district. Après deux jours de
soins, son état s’est nettement amélioré,
mais dès le troisième jour, l’épouse du
médecin, qui remplaçait son mari, a fait
avaler quatre comprimés non identifiés
à la patiente. Celle-ci a été aussitôt se-
couée de convulsions. La femme du mé-
decin a alors téléphoné à son mari qui
lui a conseillé d’administrer une injection
à la jeune fille. Cette dernière est morte
peu après avoir reçu la piqûre. La famille
de la victime a porté plainte pour négli-
le médecIn est remplacé parsa femme, une patIente meurt
gence, le médecin ayant laissé la patiente
sous la surveillance de sa femme qui ne
disposait d’aucun diplôme en médecine.
Un jeune homme de 23 ans est mort sur
le coup après avoir reçu une balle dans la
tête, alors qu’il circulait en moto. Le
drame s’est déroulé dans la soirée de sa-
medi 3 juillet dans le quartier de Toul
Sangkè, (arrondissement de Russey Keo).
Selon des témoins oculaires, l’auteur du
meurtre était en état d’ivresse et a pointé
le canon de son arme en direction des ba-
dauds qui l’observaient. Il est ensuite
monté dans sa voiture et a ouvert le feu
sur la victime sans raison. Il a pu quitter
les lieux sain et sauf, sans être appré-
hendé par la police. Les riverains ont in-
diqué que cet homme avait l’habitude de
sortir son arme lorsqu’il avait bu. Selon
une source proche du dossier, cet homme
était déjà connu des services de police,
qui avaient déjà recueilli des témoignages
à son sujet.
Un taxi a percuté un terre-plein central
sur le boulevard Sihanouk, samedi 3 juil-
let vers 5 h 30. Le chauffeur était en route
vers le Marché olympique afin de recher-
cher des clients lorsqu’il s’est endormi au
volant. Interrogé par la police, il a indiqué
qu’il avait regardé le match de football
Uruguay-Ghana et qu’il avait voulu en-
chaîner sa nuit blanche sur une journée
de travail, celui-ci assurant la liaison
Phnom Penh-Svay Rieng. Vers 5 h du ma-
tin, il a bu une tasse de café, a-t-il précisé
aux autorités. Son véhicule a été trans-
porté au commissariat.
Le tribunal grouille de monde
et un joyeux désordre règne
dans les couloirs. La salle d’au-
dience habituelle n’est pas
disponible, et les locaux ont
été transférés provisoirement
dans un nouveau lieu, proche
du bâtiment officiel de la cour
municipale, à proximité de
l’hôpital de Visal Sok. Les
justi ciables et leurs familles se
perdent, courent dans tous les
sens, montent et redescendent
fébrilement les escalier, re-
cherchant la salle où sera trai-
tée leur affaire. Le bâtiment
comporte huit étages, une
salle d’audience se trouve au
rez-de-chaussée et deux autres
au premier étage. Parmi les
dix accusés qui attendent de
connaître leur sort depuis 8 h,
quatre patientent inutilement
dans la salle n°1 pendant une heure, avant
que le greffier ne demande aux gardes de
les conduire en salle n°2, au premier étage.
Le président, lui, semble avoir trouvé la
salle sans problème. Entouré de ses deux
assesseurs, il s’installe à son siège pour lire
le verdict concernant les quatre détenus.
Dans la première affaire, dont on ne rap-
pelle ni les tenants ni les aboutissants, un
seul accusé est présent, mais deux sont
concernés. Phara, 21 ans, est seul pour en-
tendre l’énoncé du verdict : huit ans de pri-
son, deux millions de riels d’amende, pour
lui et son co-accusé Pheakdei. Et les ennuis
ne sont pas terminés : « Il�s’agit�seulement
d’une�des�affaires�vous�concernant,�toi�et
ton�complice,�rappelle le président. Vous
êtes�poursuivis�dans�deux�autres�affaires
pour�lesquelles�l’instruction�est�encore�en
cours. » Phara hoche la tête en signe d’ac-
quiescement mais reste muet.
La deuxième affaire concerne Tong Dy, un
homme de 25 ans accusé de débauche de
mineure, c’est-à-dire d’avoir eu une rela-
tion sexuelle avec une jeune fille de moins
de 18 ans, qui s’est portée partie civile.
L’accusé est condamné à une peine de cinq
ans de réclusion et à payer cinq millions de
riels de dommages et intérêts.
Dans le troisième cas, ce sont deux mem-
bres de la communauté Khmer Islam qui
sont accusés de « vol en réunion » et « ten-
tative de vol à l’arraché » pour avoir essayé
de s’emparer du collier d’une passante en
novembre dernier non loin du boulevard
Mao Tse Tong, à proximité de l’ambassade
du Laos à Phnom Penh. Les prévenus sont
accompagnés de leur famille, en tenue tra-
ditionnelle Cham. Mat Soset (alias Kbal
Thom, ou « grande tête ») et Kry Phly éco-
pent chacun de six ans de prison. Tous
deux restent impassibles, la tête haute,
mais leurs proches fondent bruyamment
en larmes.
Le président s’apprête à clore l’audience.
Auparavant, il informe, selon l’usage, cha-
cun des condamnés de leur droit de faire
appel. Les policiers escortent les détenus
vers une salle attenante, pour libérer le
prétoire et faire entrer les autres accusés
de la matinée. Une femme, membre de la
famille d’un des deux condamnés musul-
mans, se penche vers un autre homme
assis dans la galerie du public : « Dis,�tu
peux�nous�aider�à�négocier�avec�le�gref-
fier ? » L’homme repousse ses lunettes sur
son front, jette un coup d’œil au greffier.
« Pour�l’instant,�l’audience�est�finie,�il�n’y
a�plus�de�négociation�possible,�répond-il
doucement. On�doit�attendre�l’audience
d’appel. »
Ung Chamrœun
« tu peux nous aider à négocier avec le greffier ? »
Lors d’une séance d’énoncé de verdicts, un vol à l’arraché est condamné plus sévèrement qu’un détournementde mineure.
Il s’agit seulement d’une des affairesvous concernant, toi et ton complice.Vous êtes poursuivis dans deux autresaffaires pour lesquelles l’instructionest encore en cours. »
Dél
its
& D
énis
un passager tuépar un homme armé
Il regarde un match de footet s’endort au volant
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10 Cambodge Soir Hebdo n˚ 140 – 3e année, du 8 au 14 juillet 2010
SOCIÉTÉ
À Kampong Chhnang, des villagesflottants bien embarrassantsEn raison d’une pollution croissante, les autorités de la province envisagent d’évacuer les villages flottants installés sur le Tonlé Sap.Mais elles hésitent à prendre des mesures musclées contre les habitants, dont la majorité sont des Vietnamiens.
En arrivant dans la villede Kampong Chhnang,les touristes devraient
être impressionnés par la lé-gendaire montagne Kangrey,située de l’autre côté du TonléSap. Au lieu de cela, leur re-gard se perd sur le millierd’habitations flottantes instal-lées sur un fleuve de plus enplus sale. Durant la saisonsèche, l’eau devient mêmeboueuse et puante.
Les habitants du centre-ville pointent du doigt cesmaisons, principalement habi-tées par des Vietnamiens.« Des déchets ménagers aux
produits chimiques, en pas-
sant par les restes de batterie,
les soudures et l’huile de mo-
teur, tout est jeté dans le
fleuve », déplore Sar Try, 56ans. « Ils ne se soucient de rien
et les autorités les laissent
faire », poursuit-il, en colère.« Et il n’y a pas que la pollu-
tion, le niveau de l’eau dimi-
nue aussi d’année en année », renchéritun autre habitant.
À Chong Kos et à Kandal, les deuxvillages concernés, des maisons flot-tantes sont effectivement entassées lesunes contre les autres. Les toilettes
construites par les habitants donnentdirectement sur le fleuve et l’eau a unecouleur blanchâtre repoussante. Çà etlà, des taches d’huile et des ordures flot-tent avant de disparaître, emmenéespar le courant.
Devant ce désastre écologique, les au-torités cherchent à évacuer ces villages.Un comité a été mis en place en débutd’année afin d’étudier les impacts néga-tifs causés par ces 800 familles sur l’en-vironnement. Pour le moment, aucunrésultat n’a été rendu public.
Selon un responsable provincial qui asouhaité rester anonyme, ce projetd’évacuation existe depuis des annéesmais il se serait heurté au refus del’ambassade du Viêtnam au Cambodge.
Les Vietnamiens pas « clandestins »
« C’est une affaire très complexe, lanceChang Nhan, gouverneur adjoint de laprovince et président du comité Adhoc.La vraie question est de savoir si ces ha-
bitants accepteront d’aller s’installer
ailleurs. S’ils refusent, nous ne pourrons
pas les y obliger. »
Hay Monorom, gouverneur du districtde Kampong Chhnang, acquiesce :« Lorsque nos études seront terminées,
nous les soumettrons à nos supérieurs
mais cela prendra du temps », affirme-t-il, peu optimiste. Selon lui, le pro-blème est général car les maisonsflottantes ne sont pas une spécificité deKampong Chhnang.
Phoun Chhun Eng, chef du quartierde Psar Chhnang, situé juste à côté deshabitations, explique que ce village flot-tant s’est construit peu à peu dans lesannées 1980 lorsque des Vietnamienssont arrivés dans la province. D’aprèselle, ces personnes ne sont pas des« clandestins » mais « ne possèdent
aucun document officiel ». « Les autori-
tés ne leur ont pas donné de livret de fa-
mille ou de documents permettant de les
identifier, déplore la responsable. Ces
villageois ne sont pas tous pêcheurs. Ils
tiennent des karaokés, vendent du café
ou de l’essence et font de la soudure. »
« Mauvaises habitudes »
Selon elle, il est difficile de faire évoluerla situation : « Nous avons tenté à plu-
sieurs reprises de les sensibiliser à la
protection de l’environnement en leur de-
mandant de ne pas jeter leurs
ordures dans l’eau, mais il est
très difficile de corriger leurs
mauvaises habitudes ».La plupart des villageois sont
au courant du projet d’évacua-tion mais refusent de quitter leslieux. « Je ne vis que de la pêche,
comment pourrais-je vivre si je
dois m’éloigner du fleuve ? »,lance un homme d’une cinquan-taine d’années, installé dans levillage depuis 1981. « Nous ne
voulons pas aller vivre ail-
leurs », ajoute son voisin, viet-namien lui aussi. Il reconnaîtqu’il jette les ordures dans lefleuve, mais il affirme aussiqu’il n’a pas le choix : « Si on ne
les jette pas dans l’eau, où va-t-
on les mettre ? », lance-t-il, touten reconnaissant que l’eau esteffectivement très polluée danscette zone. Elle n’est d’ailleursdepuis longtemps plus propre à
la consommation. Les habitantsse rendent chaque jour plusieurskilomètres en amont afin de pui-ser de l’eau qu’ils transportent
ensuite jusqu’au village.Même Sam Chankea, enquêteur chez
Adhoc dans la province, espère quel’évacuation se fera rapidement tant leniveau de pollution est important. Il de-mande simplement au gouvernement depenser à un relogement convenablepour ces habitants.
Im Navin
SOCIÉTÉ
Un des villages flottants de Kampong Chhnang. Les habitants, en majorité des Vietnamiens, sont installés sur lesite depuis le début des années 1980. Même les défenseurs des droits de l’homme plaident pour leur relocalisation.
Kampong Speu : le conflit perdure
Depuis février dernier, les habi-tants de la commune d’Omlaingn’ont eu de cesse de manifester
contre l’octroi d’une concession d’unedurée de 90 ans à la société PhnomPenh Sugar, propriété du sénateur PPCLy Yong Phat.
À cette date, le Conseil des ministresavait demandé à l’entreprise de com-mencer à participer au développementde la région dans un délai de six mois.La société s’est depuis empressée de clô-turer les 9 000 hectares qui lui avaientété accordés. « Ils avaient promis aux
villageois de laisser 100 mètres entre
l’usine et la route afin qu’ils puissent
continuer à vivre à cet endroit, mais ils
ont posé la clôture au bord de la route »,déplore Uch Leng, coordinateur del’ONG Adhoc. Selon lui, privés de leursterres et de leur habitation, les habi-tants pourraient bientôt manquer de vi-
vres. La société dit réfléchir depuis un mois
à un relogement et déclare avoir prévud’octroyer 2 000 m2 à chaque famille, surun terrain situé au pied de la montagnePis, à 10 km de la route nationale 52. Leshabitants ne sont pas encore informés,mais n’accepteront probablement pas laproposition : « Il n’y a rien là-bas. Pas de
route, pas d’école, pas de centre de santé
et pas non plus de terrain à cultiver », re-marque Uch Leng. La société avait pour-tant promis aux habitants de les relogercorrectement. Son Ly, un des villageoisse dit désespéré : « Je comprends les im-
pératifs économiques du gouvernement,
mais cela ne devrait pas toucher à nos
terres agricoles, s’exclame-t-il. La société
n’a toujours rien fait pour nous et nous
risquons de ne rien avoir à manger l’année
prochaine. »
K. K.
Des enfants habitant sur une maison flottante.
ImNavIN
ImNavIN
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Àl’occasion d’une conférenceorganisée par la Banqueasiatique de développe-
ment (BAD) mardi 6 juillet, l’insti-tution a estimé que la politique dela Banque nationale du Cambodge(BNC) visant à suivre l’apprécia-tion du dollar ne pouvait pas sepoursuivre à moyen terme. « LaBNC�ne�peut�pas�continuer�à�sou-
tenir� le� riel� indéfiniment », a dé-claré Jayant Menon, économiste dela BAD, et co-auteur de l’ouvrageQuelle�politique�mener�dans�les�éco-
nomies�en�transition�où�cohabitent
plusieurs�devises ?(1). Sur les deux derniers mois, la
monnaie nationale a perdu du ter-rain face au billet vert, puisqu’undollar valait 4 275 riels à la fin juin,contre 4 190 au début du moisd’avril. Pour contrer cette dépré-ciation, la BNC a débloqué un totalde 30 millions de dollars pour ache-ter des riels, et en stimuler artifi-ciellement la demande. La poli-tique de la BNC vise à stabilisersa devise dans une fourchette com-prise entre 3 800 et 4 200 riels pour
un dollar, notamment pour éviterque les paysans et ouvriers ré-munérés en monnaie nationalene voient leur pouvoir d’achats’éroder.« Le�risque,�c’est�que�cette�straté-
gie� de� défense� se� pérennise, ex-plique Jayant Menon. Auquel�casla�Banque�pourrait�perdre�en�cré-
dibilité� aux� yeux� des� Cambod-
giens. » Dans ce scénario catas-trophe, ceux-ci perdraient alorsprogressivement confiance en leurmonnaie et se tourneraient vers ledollar, obligeant la BNC à rachetercontinuellement des riels.
« Pragmatisme » du gouvernement
En outre, ces mesures ont poureffet de dollariser mécaniquementun peu plus une économie où lamonnaie américaine monopolise90% des échanges. Et ce, alors queles représentants de la Banque,comme la majorité des économistesprésents lors de la conférence, sesont prononcés en faveur d’une« re-riélisation� progressive » de
l’économie, pour que le pays recou-vre le plein contrôle de sa politiquemonétaire.
Seul Chan Sophal, le présidentde l’Association des économistes duCambodge, a fait part de son « in-compréhension » face à cette poli-tique. « Pourquoi�veut-on�défendreabsolument�le�riel,�qui�ne�pèse�que
pour� environ�5 %�des� échanges ?,
s’interroge-t-il. Regardez�les�tauxpratiqués� chez� AMK� [Angkor Microfinance Kampuchea] :� lescomptes en�riels�sont�rémunérés�à
hauteur�de�11%�par�an�contre�7 %
seulement�pour�ceux�libellés�en�dol-
lars.�Malgré�cette�différence�de�qua-
tre�points,�les�Cambodgiens�conti-
nuent�de�privilégier�les�comptes�en
dollars.� Cela� en� dit� long� sur� la
confiance� qu’ils� accordent� à� leur
monnaie… »
Hang Chuon Naron, quant à lui,s’est montré plus nuancé, arguantque le gouvernement devait semontrer « pragmatique ». « Au
fond,�que�voulons-nous ?, s’est-il in-terrogé. Nous�souhaitons�retrouverun�niveau�de�croissance�élevé,�ac-
croître�les�investissements,�gagner
en�compétitivité�ou�encore�créer�plus
d’emplois.�Compte�tenu�de�ces�ob-
jectifs,�la�dollarisation�de�l’écono-
mie�a�ses�avantages�et�ses�inconvé-
nients », a indiqué le secrétaired’État au ministère de l’Économieet des finances. Jayant Menon rap-pelle par ailleurs que « la�dollari-sation�du�pays�s’est�accrue�dans�les
années�qui�ont�précédé�la�crise�éco-
nomique�mondiale,� alors� que� le
pays�affichait�des�niveaux�de�crois-
sance�records�d’environ�10% ».
Pierre Manière
1-�Dealing�with�Multiple�Curren-
cies� in� Transitional� Economies,
édité en 2010 par la BAD.
Cambodge Soir Hebdo n˚ 140 – 3e année, du 8 au 14 juillet 2010 11
ÉCONOMIE
Le gouvernement presse le pas sur la taxe foncière
L e gouvernement ne veut pas perdrede temps pour la mise en œuvre desa taxe foncière. Lundi 28 juin, il a
annoncé qu’elle était programmée d’ici lafin de l’année. Celle-ci concerne tous lespropriétaires d’un bien immobilier valantau moins 100 millions de riels, soit envi-ron 25 000 dollars. Au total, ils devronts’acquitter d’une taxe annuelle de 0,1 %de la valeur de leur bien.« Phnom�Penh�ne�sera�pas�la�seule�ville
concernée�lors�de�la�première�étape�de�mise
en�place�de� cette� taxe », a déclaré NorngPiseth, directeur de la division immobi-lière du ministère de l’Économie et des fi-nances, mardi 6 juillet. « Toutes� lesgrandes�agglomérations�et�les�centres�ur-
bains� seront� concernés� dans� un� premier
temps », indique-t-il sans pour autants’avancer sur lesdites zones.« La�levée�des�taxes�pourrait�débuter�d’ici
la�fin�de�l’année, sous�réserve�que�les�dis-cussions� concernant� la� création� d’un� co-
mité�d’évaluation�immobilière�aboutissent
rapidement »,� a-t-il précisé. De fait, unprakas�visant à constituer cet organe estactuellement en cours d’élaboration.
L’objectif du gouvernement est clair : ils’agit de faire rentrer au plus vite des es-pèces sonnantes et trébuchantes dans les
caisses de l’État. La mesure ne constituepas une surprise, puisqu’elle figurait dansla dernière loi de gestion des finances, en-trée en vigueur au mois de novembre.
Évolution des mentalitésToutefois, celle-ci a provoqué une levée
de bouclier des professionnels de l’immo-bilier. Sung Bonna, directeur de BonnaRealty Group, estime ainsi que le gouver-nement devrait d’abord mettre en placeun institut spécifique pour évaluer lesbiens immobiliers avant de songer à col-lecter les taxes. « Un�comité�seul,�ne�suf-
fira�pas, estime-t-il. Grâce�à�cet�institut,le� gouvernement� pourrait� se� doter� d’ins-
truments� d’évaluation� et� d’analyse� du
marché� performants. » Pour lui, il s’agitd’une étape indispensable pour que lesfonctionnaires puissent engranger lescompétences et l’expérience qui leur fontdéfaut.
Sung Bonna juge aussi que le momentest mal choisi : « Le� secteur� ne� s’est� pasencore�remis�de�la�crise�économique,�et�les
investisseurs�comme�les�acheteurs�se�mon-
trent� toujours� prudents, explique-t-il.Dans� ce� contexte,� cette�mesure� pourrait
nuire�à�la�reprise�du�secteur. »
A contrario, Chan Sophal, président de
l’Association des économistes du Cam-bodge, juge que « cette�taxe�n’aura�pas�d’im-
pact�sur�le�marché�» : « Celle-ci�n’est�fran-chement� pas� élevée� et� ne� cible� que� les
ménages�les�plus�riches. » Il poursuit : « Legouvernement�a�raison�de�vouloir�la�mettre
en� place� rapidement,� car� il� faut� que� les
Cambodgiens�s’habituent�enfin�à�payer�des
taxes,� comme�cela� se� fait�partout�dans� le
monde. »�
Propriétaire de deux appartements àPhnom Penh d’une valeur de plus de100 000 dollars chacun, Somaly regrette
ainsi « le�manque�de�sensibilisation�» lié àla mise en place d’une loi qui « arrive� sivite ». Selon elle, le gouvernement devraitpatienter « deux�ou�trois�ans�» pour que lespropriétaires « ne� soient� pas� pris� au� dé-pourvu ».
Au fait de ces préoccupations, Norng Pi-seth a d’ores et déjà confié qu’« une�cam-
pagne� de� sensibilisation » serait mise enplace à l’échelle nationale pour faire évo-luer les mentalités.
Kang Kallyann
et Pierre Manière
Le ministère de l’Économie et des finances souhaite que ceprélèvement fiscal, qui concerne tous les biens immobiliers d’unevaleur de plus de 25 000 dollars, soit effectif d’ici la fin del’année.
SivChanna
Un bien immobilier de luxe, à Phnom Penh. La taxe foncière, qui sera effective dans tous les cen-tres urbains, concernera les biens d’une valeur supérieure à 25 000 dollars.
Le soutien au riel fait débatAlors que la devise nationale perd du terrain face au dollar, la Banque asiatique de développement (BAD) affirme que la Banquenationale du Cambodge (BNC) ne peut soutenir indéfiniment sa monnaie.
Peter Brimble (à gauche) et Jayant Menon, économistes de la BAD, autour deHang Chuan Naron, secrétaire d’État au ministère de l’Économie et des finances.
PierreManiere
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DOSSIER
En entrant dans le cabinetdu docteur Ly Cheng Huy,Sophal affiche un air contra-
rié : il a « mal�à�la�tête »�lorsqu’iln’a aucune activité sexuelle maisil a peur d’attraper une maladie.Dépité, il est venu demander aumédecin « une�injection�magique »
afin qu’il n’ait « plus�de�désir ». La requête n’a rien de surpre-
nant : le niveau d’informationdes jeunes Cambodgiens sur lasexualité est généralement trèsfaible, selon le praticien. Seulesles poses suggestives dans lesmagazines, les déhanchés provo-cateurs dans les clips des chaînescâblées et les faits divers sordidesliés à la pornographie, laissentcroire que les Cambodgiens neconnaissent pas de tabou en lamatière. « Les� jeunes� évoluentdans� un� environnement� qui� a
beaucoup� changé,� estime TongSoprach, expert en santé pu-blique. Des�dizaines�de�kiosques
servent� de� repères� pour� les� ren-
dez-vous� amoureux,� et� personne
n’ignore�ce�qui�se�passe�dans�les
guest-houses ».Mais les jeunes ont beau sortir
davantage et avoir accès à Inter-net, ils demeurent gênés d’avoirà prononcer tout mot en lien avecla sexualité. « Il�est�culturellement
inapproprié� de� parler� de� ces
choses-là », estime le docteur FilB. Tabayoyong Jr, médecin phi-lippin et conseiller en matièrede santé sexuelle.
Cette retenue contraste avecla liberté de ton véhiculée parles médias. Elle s’explique pour-tant par la pudeur découlant durespect de la tradition : « Toutemention�de�la�sexualité�est�assi-
milée�à�la�pornographie�et�donne
lieu�à�une�attitude�méprisante�de
la� part� des� parents,� lance TongSoprach. D’après� eux,� seules� lesprostituées�ou�les�personnes�ma-
riées�peuvent�aborder�le�sujet�lé-
gitimement.�Ils�ne�parlent�jamais
de�sexe�dans�la�maison.�Ils�sont
parfois� conscients� de� l’évolution
de� la� société,�mais� ils� l’ignorent
volontairement ». Timides, la plu-part des jeunes Cambodgiens secontentent donc d’évoquer lasexualité par des biais détournés,souvent sur le mode de la plai-santerie.
« Sois�prête�pour�le�mariage »
Livrés à eux-mêmes, les ado-lescents peuvent toutefois acquérirquelques connaissances de basedans les cours de biologie dispen-sés en classe de 9e et 12e, à 15 et18 ans. L’anatomie, la puberté,les relations sexuelles et la fé-condation sont abordés. En classe,pas vraiment de rires, mais sur-tout des questions : « De�nombreux
élèves� veulent� comprendre, ex-plique Kom Sathya, professeurau lycée Hun Sen Bun Rany Sé-
reypheap, à Phnom Penh. La�plu-part�des�filles�n’ont�par�exemple
jamais�eu�d’explication�sur�les�rè-
gles,�elles�savent�juste�que�ça�leur
arrive� une� fois� par� mois. » Desconseils de prévention sont donnéset les méthodes d’éducation évo-luent peu à peu. Mais les coursrestent focalisés sur l’aspect sa-nitaire : « Avec� notre� culture,� iln’est�pas�possible�de�parler�aussi
librement�que�dans�les�autres�pays
et�il�est�certain�que�la�vie�n’a�rien
à� voir� avec� les� programmes� de
biologie », reconnaît Kom Sathya. Sivann Botum, secrétaire d’État
du ministère des Affaires fémininesdonne, elle, des cours consacrés àla société à l’université : « Je�dis-pense� une� leçon� intitulée� “Soisprête pour le mariage” afin� que
les�filles�respectent�bien�leur�mari.
Je� leur� explique� qu’il� faut� bien
s’occuper�des�enfants�et�respecter
la� belle-famille », détaille-t-elle.Même si elle reconnaît l’utilité del’éducation sexuelle, elle n’abordejamais la question avec ses élèves :« Ce� n’est� pas� la� peine� de� parler
des�rapports�sexuels�puisque�c’est
quelque� chose� qu’un� couple� fait
naturellement », assure-t-elle.
L’impossible mise à nu
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Faute de dialogue ouvert sur les questions de sexe, certains jeunes s’enremettent aux sites pornographiques pour trouver des informations. Letabou, toujours aussi présent dans la société cambodgienne, favorise les prisesde risque et occulte la question du plaisir féminin.15
ans. C’est l’âge où les Cam-bodgiens reçoivent leurpremière leçon d’éducationsexuelle. Le programme debiologie prévoit d’aborderdes thèmes comme la pu-berté ou la fécondation enclasse de 9e et de 12e.
1000C’est le nombre de Cambodgiennes qui ontété filmées nues par lebonze Neth Khay. Cetteaffaire pornographique faitd’autant plus scandalequ’elle touche à la religionbouddhique.
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DOSSIER
L’attitude des praticiens, elle,s’avère plus problématique : « De
nombreux� patients� se� plaignent
que� leur� médecin� ne� les� écoute
pas », déplore Ping Chutema, di-rectrice des cliniques de Rhac(Reproductive Health Associationof Cambodia). Selon elle, les mé-decins, gênés, n’ont ni le tempsni l’envie de s’embarrasser dequestions liées à la sexualité.Cette attitude n’incite pas les pa-tients, déjà réticents, à se livrer.Les jeunes sont même parfois en-couragés à garder le silence :« S’ils� franchissent�la�porte�d’un
service� spécialisé,� ils� sont� systé-
matiquement� dévisagés� par� les
autres�patients,�raconte Ping Chu-tema. Ensuite,� bon� nombre� de
médecins� ne� se� gênent� pas� pour
afficher�leur�mépris�et�lancer�une
phrase�comme�“Tu es jeune, pour-quoi tu parles de ça ?” »
Leang Chanrith, président del’Ordre des médecins de la muni-cipalité, dénonce l’attitude de ses
confrères : « Dans�tous�les�cas,�il
faut�laisser�le�patient�parler,�même
si�l’on�n’est�pas�spécialiste ».Pour un problème intime ou
d’ordre sexuel, rares sont doncceux qui se rendent dans unestructure de soin. La plupart nedemandent même pas conseil àleurs proches. Les jeunes, eux,surfent sur Internet, à la re-cherche de détails explicites, etse retrouvent à consulter des sitespornographiques : « Les�informa-
tions�sont�accessibles,�mais�elles
ne�sont�pas�toujours�adaptées�aux
connaissances�des�Cambodgiens »,met en garde le docteur Ly ChengHuy, directeur du centre médicalLCC.
« Les�filles�moins�averties »
« Il� n’est� pas� rare� d’entendre
qu’une�jolie�fille�dont�les�parents
sont� riches� ne� peut� pas� avoir� le
sida, note Tong Soprach. Les�cam-
pagnes�de�prévention�sont�loin�de
toucher�tout�le�monde.�Il�faudrait
par�exemple�diffuser�des�spots�au
cinéma� car� de� nombreux� jeunes
couples�s’y�rendent. »
« Certains� attendent� plusieurs
années�avant�d’obtenir�une�infor-
mation », explique le docteur LyCheng Huy. Intéressé par la sexo-logie, le médecin propose à sespatients des consultations et lesrequêtes sont parfois surpre-nantes. « Un� jeune� homme� est
venu�me�voir�parce�qu’il�avait�en-
tendu� que� la�masturbation� pro-
voquait� des� maladies », racontele médecin. Les filles, moins libreset pas autorisées à avoir des re-lations sexuelles avant le mariage,sont encore moins averties.
« Bien� sûr,� quand� je�me� rends
en�zone�rurale,�je�me�rends�compte
qu’il�y�a�eu�une�nette�amélioration,
notamment�grâce�aux�ONG,�tem-père la directrice des cliniques de
Rhac. Il�y�a�dixans,� les� jeunes
ne�connaissaient
rien� du� tout. »
Mais la de-mande est tou-jours là. À 102FM, la « radiodes femmes »,le standard estpris d’assautdès qu’uneémission liée àla sexualité estdiffusée. « J’aiété�invitée�à�plu-
sieurs� reprises
pour� répondre
aux� auditeurs,
raconte PingChutema. Les
questions�qu’ils
posent�sont�très
basiques.� De
nombr eus e s
jeunes�filles�veu-
lent�simplement
savoir�comment
éviter�de�tomber
enceinte. »
Au CondomBar, situé rue 432, dans le quar-tier de Toul Tompong, les mêmesquestions reviennent sans cesse.« Les� femmes� nous� demandent
souvent� comment� elles� peuvent
tomber�enceinte,�d’autres�sont�sur
le�point�de�se�marier�et�sont�com-
plètement� angoissées� à� l’idée� de
leur� première� nuit� », raconte ledocteur Fil B. Tabayoyong JR, àl’initiative du projet. Désespérépar les lacunes des jeunes en ma-tière d’éducation sexuelle, il a ou-vert il y a huit mois, un établis-sement dans lequel les clientspeuvent boire et manger, tout enparlant librement.
« La�plupart�sont�surpris,�d’au-
tant�plus�que�nous�ne�nous�conten-
tons� pas� d’expliquer� à� quoi� sert
un�préservatif,�nous�l’ouvrons�et
leur�faisons�une�démonstration »,précise le médecin, qui n’hésitepas à insister sur la confidentialité
des discussions, afin de mettreen confiance les « clients ».
Certains ne prennent qu’unnuméro de téléphone et rappel-lent plus tard : dans tous les cas,le pari est gagné pour le docteurFil B. Tabayoyong JR. Dans saclinique attenante, il a déjà ef-fectué 110 dépistages du sidadont 18 se sont révélés positifs.
Le docteur Ly Cheng Huy a,lui, lancé des consultations partéléphone. En appelant au 88 99,il est possible d’obtenir, entre au-tres, des informations sur lasexualité. Faute d’avoir trouvédes confrères pour le faire, le mé-decin tient également la rubrique« santé sexuelle » de son magazineSokhapheap� Yeung� (« Notresanté »). Aujourd’hui, il projettede mettre en place des atelierspublics sur la sexualité.
« Elles�ignorentl’orgasme »
En raison de ce manque d’in-formation et de dialogue, de nom-breuses Cambodgiennes ne sem-blent pas satisfaites sexuellement.« Bien� sûr,� nous� connectons� ces
informations�au�plaisir�et�à�la�sa-
tisfaction, explique le docteur FilB. Tabayoyong JR.�Mais�pour�la
plupart�d’entre�elles,�c’est�une�obli-
gation ». « Il�est�vrai�que�de�nombreuses
femmes�viennent�nous�voir�en�pré-
textant� des� pertes� blanches� par
exemple,�précise Ping Chutema.Après�discussion,�nous�nous�ren-
dons� compte� qu’elles� n’ont� sim-
plement� aucun� désir� pour� leur
mari.�C’est�ce�qui�revient�le�plus
souvent. »
Selon Tong Soprach, leshommes ont peu de connaissanceset se moquent du plaisir de leurcompagne : « Ils� sont� satisfaits
physiquement� et� c’est� tout.� La
plupart�ne�connaissent�même�pas
le�mot�“orgasme”,�c’est�affreux ! ».« Je�dirais�que�80 %�des�hommes
ne�pensent�qu’à�eux-mêmes, pour-suit la directrice des cliniques deRhac. Les�plus�jeunes�connaissentmieux�le�fonctionnement�du�plaisir
féminin� et� prennent� davantage
le� temps�mais� en� campagne,� ils
continuent�à�faire�n’importe�quoi.
Seuls� ceux� qui� sont� amoureux
font�des�efforts,�mais�comme�il�y
a� encore� beaucoup� de�mariages
arrangés… »
« J’ai�pitié�des�femmes�cambod-
giennes,�ajoute une gynécologueobstétricienne. Elles� font� selon
les� désirs� de� leur� mari� et� elles
ignorent�ce�qu’est�l’orgasme ». « Si�elles�le�savaient,�cela�évi-
terait� bien� des� divorces, estimepourtant Ping Chutema. Je�distoujours� que� pour� un� bon� ma-
riage,� trois� points� sont� impor-
tants :�un�mari�fidèle,�une�bonne
situation� économique� et� une
sexualité� épanouie.� Mais� il� est
rare� d’avoir� un� homme� qui� ait
ces�trois�qualités ! »
Kang Kallyann et Émilie Boulenger
La grande inconnue
Tout en faisant de grandsgestes, Chamrœun, âgé d’unesoixantaine d’années et père
de cinq enfants, peste vivementcontre les jeunes qui « sortent�tropde� la�maison » et « ont� des� rap-ports�sexuels�avant�le�mariage ».Ses propres filles ne quittent pasle domicile le soir. Pour « leurbien », il leur conseille vivementde ne pas se comporter comme lesautres. « Je
ne� veux� pas
non� plus� les
garder�enfer-
mées�dans�la
m a i s o n
comme� on� le
faisait� dans
les� années
1960.� Mais
l’intérêt�pour
le� sexe� per-
vertit� la� jeu-
n e s s e » .Alors, Cham-rœun croitavoir trouvéla réponseappropriée : il est interdit de par-ler de sexualité sous son toit.
Chez Kaing non plus, il ne fal-lait pas aborder le sujet. Au mo-ment de son mariage, sa mères’est contentée de lui demander d’« être une femme gentille ». Au-jourd’hui, à 28 ans, elle avoueavoir peu de connaissances etconsidérer la sexualité comme« obscène » et « taboue ». Timide,elle se souvient avoir été bien em-bêtée le jour où elle a eu despertes blanches. Pas question d’enparler à un médecin : des plantesachetées par sa mère ont fait l’af-faire.
Ny, jeune fonctionnaire de 26ans, elle aussi « gênée » par lesujet, préfère écouter les autresparler. Mariée, elle estime avoirquelques connaissances en ma-tière de santé reproductive depuisqu’elle a suivi une formation dis-pensée par une ONG. Mais, selonelle, cela n’a rien changé à soncomportement et encore moins àsa vie sexuelle : elle comprend lemot « orgasme », mais n’en a ja-mais fait l’expérience.
Savy, elle, semble plus à l’aiseet se permet même quelquesblagues. « On�dit�toujours�que�les
femmes� mariées� sont� plus� libé-
rées », lance-t-elle, en riant. Mèred’un enfant de 5 ans, elle raconteavoir changé de comportementaprès son mariage. Mais pasquestion de se montrer trop àl’aise non plus : « L’homme�dirige
la�famille.�Il�a�donc�plus�de�droits
que�sa�femme,�surtout�au�lit », dé-plore la jeune femme. « Je�ne�doisjamais� faire� savoir� à�mon�mari
que� j’ai� envie�de� lui,� et�attendre
qu’il� vienne� vers�moi, raconte-t-elle. Si�je�le�lui�disais,�il�me�pren-
drait�pour�une� femme�dépravée,
gourmande� de� sexe ». Savy doitaussi refouler ses interrogations :« Une�fois,�je�lui�ai�demandé�pour-
quoi�il�fermait�les�yeux�pendant�le
rapport.�Il�m’a�répondu�que�j’étais
complètement� folle� de� lui� poser
cette�question.�Pourtant,�je�voulais
juste�connaître�ses�sentiments… »
Alors Savyferme elle aussiles yeux sur savie de couple. Ensept ans de viecommune, ellen’a jamais connul’orgasme, maiselle continue defaire comme sitout allait pourle mieux.
Sovannara estle premier à re-connaître que leshommes pensentd’abord à leurplaisir. D’après
cet employé du secteur privé,« l’homme�a�la�priorité�pour�arri-
ver�à�l’orgasme ». Mais selon lui,les règles changent s’il y a del’amour. L’homme se doit alors dediscuter avec sa femme pour « sa-voir� comment� s’y� prendre ». Luin’hésite d’ailleurs pas à demanderconseil à ses amis quand il a « unproblème� au� pénis » et affirmeaimer regarder de temps à autredes films pornographiques. « Jeme�pose�des�questions�sur�ce�qui�se
passe.� Je� me� demande� surtout
comment�ils�arrivent�à�avoir�cette
assurance�ou�à�faire�l’amour�dans
de� telles� positions », lance-t-il.Pourtant, quand on lui demandes’il aime le sexe, il semble gêné etse contente de répondre : « C’est
indispensable�aux�être�humains ». Mealea, elle, n’a que 16 ans
mais a déjà des idées bien arrê-tées. Membre du réseau desjeunes de l’ONG Rhac, elle distri-bue des coupons de réduction auxjeunes filles de son lycée afinqu’elles aillent consulter dansl’une des cliniques de la capitale,et tente de les sensibiliser auxproblématiques majeures. « Je
veux�surtout�que�les�femmes�n’hé-
sitent�pas�à�consulter�un�médecin,
lance-t-elle. Cela� peut� être� très
dangereux� si� elles�gardent� leurs
problèmes� de� santé� pour� elles. »
Rien selon elle qui soit contraire àla culture khmère : « De� toute
façon,� je� ne� pense� pas� que� la
sexualité�soit�représentative�de�la
valeur�d’une�fille », résume-t-elle,espérant que sa génération ferapetit à petit tomber les tabous.
K. K. et É. B.
« Obscène » ou « indispensable » : desCambodgiens prennent la parole pour exprimer ceque représente pour eux la sexualité.
«Une fois je lui ai de-mandé pourquoi ilfermait les yeux pen-dant le rapport. Il m’arépondu que j’étaiscomplètement follede lui poser cettequestion. Pourtant jevoulais juste connaîtreses sentiments…»
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L’ « affaire Neth Khay »ébranle les pagodesLes autorités procèdent à coup de balai dans la pagode de Srah Chork, où un bonze a été arrêté pour avoir filmé plus d’un millierde femmes pendant leurs ablutions à l’eau bénite. Ce scandale éclabousse l’institution bouddhique, qui s’emploie à définir uneposition plus précise concernant la pornographie.
Les images tournées par le bonze Neth
Khay au moyen d’une petite caméra
et d’un téléphone portable installés
dans la salle de bain de la pagode Srah
Chork, dans l’arrondissement de Daun
Penh ont profondément choqué les Cam-
bodgiens.
Des vidéos de femmes nues en train de
s’asperger d’eau bénite avaient attiré l’at-
tention de la police avant que Neth Kay
ne soit convoqué le 26 juin dernier. Après
perquisition, des VCD, une Lexus, un ap-
pareil photo, du matériel de montage, une
caméra et un ordinateur ont été saisis. La
police s’est vite rendu compte de l’ampleur
du scandale : plus de 1 000 femmes diffé-
rentes ont été filmées à leur insu. Le bonze
fautif, âgé de 35 ans, a été défroqué sur or-
dre du Comité exécutif des bonzes de
Phnom Penh et du Département de la re-
ligion et des cultes de la municipalité.
Interrogé par la cour municipale le 28
juin, il pourrait être accusé de « production
et�distribution�d’images�à�caractère�porno-
graphique », selon l’article 39 de la loi sur
la répression du trafic d’êtres humains et
contre l’exploitation sexuelle. Il risquerait
alors de un mois à un an de prison et une
amende, mais de nombreux observateurs
pensent que sa peine pourrait être beau-
coup plus lourde avec des chefs d’inculpa-
tion multiples.
Depuis que cette affaire a été médiatisée,
les Cambodgiens en suivent les rebondis-
sements avec passion. Chaque soir, un at-
troupement de curieux se forme même de-
vant la pagode incriminée.
Hé, une nonne qui y habite depuis dix
ans, reproche aux victimes d’avoir bête-
ment suivi des ordres qu’elles savaient
contraires à la religion bouddhique. La ma-
jorité des étudiants installés sur les lieux
estiment, eux, que cette affaire ne concerne
que Neth Khay et qu’elle n’est pas repré-
sentative de la moralité des bonzes. Pour-
tant, la majorité des Cambodgiens jugent
que ce scandale a porté atteinte à la reli-
gion et réclament une peine importante
pour l’accusé.
Pagode vidée
L’affaire a tellement fait de bruit que les
autorités religieuses ont décidé de réagir
rapidement et de prendre des mesures ra-
dicales afin d’éviter tout nouveau dérapage.
Samedi 3 juillet, le Vénérable Khim
Sorn, conseiller supérieur du chef des
bonzes, Nun Ngèt, et chef des bonzes de
Phnom Penh, a annoncé, lors d’une réu-
nion, l’évacuation immédiate des moines
de la pagode de Srah Chork pour une durée
provisoire, le temps de « restaurer�l’ordre ».
Tous seront relogés dans quatre autres pa-
godes, le temps que l’enquête suive son
cours. « Ils� pourront� revenir�mercredi� 21
juillet�et�une�grande�cérémonie�bouddhique
sera�alors�organisée », a précisé Khim Sorn.
D’ici là, les bâtiments les plus anciens se-
ront remis à neuf et de nouvelles règles
seront en vigueur.
Les étudiants, qui ont été autorisés à
rester dans la pagode, ne pourront pas ex-
céder la durée de leurs études. Ils pourront
continuer à vivre avec les étudiants boud-
dhiques mais devront rapporter à la pa-
gode un CV et une attestation de leur école
prouvant leur scolarisation. Les enfants,
eux, ne seront plus autorisés à vivre dans
les bâtiments.
« Le�nouveau�chef�des�bonzes�de�la�pagode
devra�avoir�un�programme�de�récitations
pour�chaque�dimanche�qui�réunira�tous�les
bonzes�et�les�étudiants, a prévenu le chef
des bonzes de Phnom Penh. L’alcool�et�les
chapeaux�ne�seront�plus�tolérés�dans�l’en-
ceinte�de� la�pagode� et� les�motos�n’auront
plus�le�droit�de�circuler. »
« Il�ne�s’agit�pas�d’une�évacuation�défini-
tive », a précisé Phorn Davy, chef du Dé-
partement municipal en charge de la reli-
gion et des cultes, insistant sur le côté
provisoire de la mesure.
Selon lui, il était devenu fréquent que
des étudiants terminent leurs études et
laissent leur place à un parent sans même
en informer un responsable de la pagode
et parfois même en monnayant leur place.
Nouveau règlement
Réunis la semaine dernière, les chefs des
bonzes du Royaume, des responsables du
ministère des Affaires religieuses et un re-
présentant du Conseil des ministres ont
décidé d’aller plus loin en vue de rétablir
l’ordre bouddhique. Un nouveau règlement
viendra prochainement s’ajouter à la disci-
pline bouddhique en vigueur depuis
l’époque de Bouddha. Selon le Vénérable
Khim Sorn, cette mesure d’urgence permet-
tra de mieux contrôler les pagodes. Les
bonzes seront autorisés à utiliser les nou-
velles technologies mais n’auront pas le
droit de visionner des images pornogra-
phiques. Le responsable de chaque pagode
devra convoquer les moines au moins deux
fois par mois. Les chefs des bonzes, eux,
devront participer obligatoirement à de
courts séminaires.
Pour le moment, les autorités religieuses
sont à la recherche d’un chef pour la pa-
gode de Srah Chork. Le précédent, Meas
Kong, avait été contraint à démissionner
lorsque le scandale a éclaté.
Pendant ce temps, la police poursuit son
enquête. Les premières images auraient
été tournées dès 2008 et l’on vient de dé-
couvrir que le bonze demandait même à
toutes les femmes veuves de s’introduire
une banane dans le sexe. La police appelle
toutes les victimes à porter plainte mais la
honte les pousse à rester chez elles. Les fa-
milles des victimes demandent aussi aux
Cambodgiens de supprimer ces vidéos et
surtout, de cesser de se les échanger. Sok
Khemarin, commissaire adjoint de la police
municipale, assure que des équipes seront
détachées afin de surveiller les personnes
qui enregistrent de la musique pour les té-
léphones portables, entre autres.
Mais les mesures annoncées ne sont pas
encore parvenues à éteindre le feu, et cha-
cun s’en prend, qui au ministère de la Re-
ligion et des cultes, qui aux bonzes qui ne
respectent plus les principes fondamen-
taux du bouddhisme.
Nhim Sophal
Afflux de curieux devant la pagode de Srah Chork, où le bonze Neth Khay a été défroqué pouravoir filmé des fidèles nues à leur insu.
DOSSIER
Quatre-vingt dollars, une opéra-
tion d’une quinzaine de minutes
et le tour est joué. En un ou deux
points de suture, sous anesthésie locale,
une jeune fille peut retrouver un « sem-
blant�de�virginité », du moins pour ceux
qui pensent, à tort, qu’un hymen défloré
est la preuve d’un rapport sexuel passé.
Dans une grande clinique privée, So-
thy(1), gynécologue-obstétricienne, recon-
naît avoir recousu l’hymen de trois jeunes
filles ces trois derniers mois. Ses pa-
tientes, âgées d’une vingtaine d’années,
avaient déjà eu des rapports sexuels
qu’elles désiraient cacher à leur famille
et à leur futur époux : « Une�jeune�fille�a
même�affirmé�à�sa�mère�qu’elle�allait�faire
les�courses�afin�de�pouvoir�se�rendre�dis-
crètement�à�la�clinique », raconte la pro-
fessionnelle, choquée par la détresse psy-
chologique des patientes. « Si�la�fille�n’a
pas�le�choix,�j’accepte�de�pratiquer�l’opé-
ration,�mais�cela�me�fait�mal�au�cœur »,
ajoute-t-elle.
Selon elle, l’hymenoplastie est couram-
ment pratiquée au Cambodge et aurait
même tendance à devenir de plus en plus
fréquente : « Ce�n’est�pas�nouveau,�mais
aujourd’hui,�les�professionnels,�attirés�par
l’appât�du�gain,�ont�tendance�à�inciter�les
jeunes�filles�à�y�recourir ».
Le docteur Fil B. Tabayoyong JR, qui a
ouvert le Condom Bar il y a huit mois,
confirme : « Même� si� elles� prétendent� le
contraire,� la� plupart� des� sages-femmes
pratiquent�cette�opération ».
Selon le docteur Sin Diné, directeur de
la clinique Chamrœun Sok, à Phnom
Penh, les femmes qui souhaitent subir
cette chirurgie auraient également sou-
vent recours à des professionnels vietna-
miens. Le prix serait alors de l’ordre de
300 dollars.
Mais le résultat n’est pas toujours celui
La virginitéà tout prixL’obsession des hommes pour la virginité et le poids de la traditionpoussent de nombreuses jeunes filles à chercher par tous lesmoyens, quitte à subir une opération, à « sauver leur honneur ».
NhimSophal
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Cambodge Soir Hebdo n˚ 140 – 3e année, du 8 au 14 juillet 2010 15
attendu :� « Il faut être précis car si lessutures sont trop serrées ou trop larges,le résultat sera nul voire dangereux, pré-vient�Sothy. Il est impératif de faire unevisite de contrôle cinq jours après l’opé-ration. »Les� chirurgies� ratées� seraient�même
fréquentes :�« J’ai reçu une fois une jeunefille de 17 ans qui s’était fait recoudrel’hymen à cause de ses parents, racontele� docteur� Fil� B.� Tabayoyong� JR. Elleavait sans cesse mal au ventre et aucunmédecin n’avait trouvé ce qu’elle avait.Évidemment, aucun n’avait osé l’exami-ner. En fait, les sutures étaient trop ser-rées et elle avait contracté une infection. »Pourtant,� nombre� de� jeunes� femmes
sont�prêtes�à�courir�ce�risque,�tant�la�vir-ginité�avant�le�mariage�reste�primordialepour�elles.�« Cela représente l’honneur dela famille, explique�Sivann�Botum,�char-gée�des�bonnes�mœurs�au�ministère�desAffaires� féminines.�Si le mari apprendque son épouse lui a menti, il demanderale divorce et la fille culpabilisera toutesa vie, estime�la�secrétaire�d’État.�Il estdonc préférable qu’elle dise la vérité ».« Mais même si le mari finit par accepter,ce ne sera pas le cas de la famille et lafille sera méprisée, prévient�Sivann�Bo-tum.�C’est pourquoi elle doit absolumentrester vierge. »« De plus en plus d’hommes acceptent
de se marier avec une fille qui n’est plusvierge »,�tempère�Ly�Cheng�Huy,�directeurdu�centre�médical�LCC.�Mais la non-vir-ginité reste associée à l’adultère et est trèsmal perçue dans la société. »De�son�côté,�Sothy�déplore�« la pression
des hommes d’une part, et l’argent que lafille ou sa famille veut récupérer du ma-riage d’autre part. » « Au final, les fillessont comme des jouets », ajoute-t-elle.Les� hommes,� eux,� continuent� à� être
obnubilés� par� les� vierges :� « Ils veulentêtre les premiers en raison des croyances,
explique�le�docteur�Ly�cheng�Huy.�Seloneux, une vierge se donne entièrement, ellen’a pas de maladie, et surtout, elle leurprocure une énergie magique. Son vaginest également plus petit, ce qui leur don-nerait davantage de plaisir. »Sur�102�FM,� la�« radio�des� femmes »,
les�quelques�hommes�qui�appellent�n’ontd’ailleurs� qu’une� seule� question� à� labouche :� « Comment peut-on remarquerqu’une femme est vierge ? ».�
« Quand je suis invitée dans cette émis-sion, je tente de leur faire comprendreque la virginité de l’épouse ne changerarien au bonheur du couple, lance� PingChutema,� directrice� des� cliniques� del’ONG�Rhac.�Je leur dis notamment quecertaines femmes se marient vierges etprennent ensuite un amant. »Mais�rien�n’y�fait,�de�nombreuses�filles,
continuent� à� appeler,� désespérées :« Quand elles ne sont plus vierges, ellescraignent souvent plus la réaction deleurs parents que de leur futur époux, ra-conte� Ping�Chutema. Nous demandonsdes précisions afin de ne pas leur fairecourir de risques mais nous leurconseillons toujours d’avouer ».�
Secret médical violé
En�raison�de�cette�obsession�pour�la�vir-ginité,� les� demandes� d’« expertises »� au-près�de�professionnels�sont�monnaie�cou-rante :� « Je suis souvent obligée d’enpratiquer à la demande des parents, dé-plore�Sothy. Je dois leur dire si l’hymen aété défloré mais je ne peux pas affirmerque leur fille a eu un rapport sexuel. Jeleur explique qu’elle seule connaît la vérité,mais tous ne comprennent pas à 100 %. »
« Les parents sont responsables seule-ment si leur enfant est mineur »,�rappelleLeang�Chanrith,�président�de�l’ordre�desmédecins�de�la�municipalité.�Autrement,le secret médical doit être respecté. Lessages-femmes ne devraient d’ailleurs ja-
mais accepter d’examiner une fille sur or-dre de ses parents car leurs paroles ontune influence sur la vie de la patiente ».L’attitude�des�hommes�et�la�valorisation
de�la�virginité�dans�la�culture�khmère�sontà� l’origine�de� graves� excès.� « Comme lesfilles doivent attendre le mariage pouravoir des relations sexuelles, contraire-ment aux hommes, cela entretient la pros-titution »,�note�Ping�Chutema.�Pire,�il�estaujourd’hui�devenu� courant�d’acheter� lavirginité�d’une�jeune�fille.�Piseï,� 24� ans,�mariée� depuis� peu,� se
prostitue� régulièrement�depuis�qu’elle�avendu�sa�virginité�à�l’âge�de�18�ans.�Alorsouvrière� textile,� elle� avait� été� abordée
dans�la�rue�par�une�intermédiaire�et�avaitaccepté�son�offre�pour�2 500�dollars�:�« J’aid’abord été emmenée dans une cliniquepour être examinée. Ça a été traumatisant.J’ai alors voulu changer d’avis mais ilétait trop tard, j’avais déjà accepté, racontela�jeune�femme. J’ai donc dû passer unesemaine avec un riche Cambodgien à nefaire que manger et faire l’amour et j’aiensuite dû donner 500 dollars à l’intermé-diaire. Aujourd’hui, je regrette. J’auraisdû garder ma virginité pour mon mari…Ça m’aurait rapporté plus d’argent. »
L’astuce du mercurochrome
D’autres� jeunes� filles,� tombées� dansdes�réseaux�de�trafic�humain,�se�feraientfréquemment�recoudre�l’hymen.�Dans�larue,� les� prostituées� auraient� rarementrecours�à�la�chirurgie�mais�n’hésiteraientpas�à�utiliser�des�astuces :�« Il n’est pasrare que des prostituées utilisent du fauxsang pour faire croire à leur virginité,explique�Ping�Chutema.�Elles imbibentun petit coton de mercurochrome ou den’importe quelle lotion rouge avant del’insérer dans leur vagin. »
« Les hommes recherchent les viergeset pour nous, l’important c’est l’argent,explique� une� autre� prostituée,� âgée� de22� ans.�Le reste, on s’en moque, parceque dans tous les cas, quand l’homme afini, la femme peut aller à la poubelle. »Pour� les� professionnels,� il� n’est� nulle-
ment�question�d’encourager�les�jeunes�fillesà�se�donner�avant�le�mariage,�mais�de�s’as-surer� qu’elles� ne� sont� pas� considéréescomme� des� objets :� « Je veux simplementque les filles soient libres, s’exclame�TongSoprach,�expert�en�santé�publique.�Avoirun rapport sexuel devrait être une décisionpersonnelle prise en fonction du désir. »
Kang Kallyann et Émilie Boulenger
1- Le prénom a été modifié.
Les remèdes naturels sont trèsprisés par les Cambodgiens qui,pour le moment, se gardent bien
de se ruer sur des médicaments mo-dernes au moindre problème. La mé-decine traditionnelle est bien sûr trèsdéveloppée, mais nous sommes ausside fervents adeptes des recettes degrand-mères. À chaque mal son traitement. Pourfaire disparaître des ganglions, sur-tout s’ils sont placés à l’aine, il estcourant d’appliquer une potion, faiteà base de choux et de sucre depalme. On raconte que la chaleurpermet de réduire les gonflements. N’importe quel paysan qui s’arra-chera un ongle urinera immédiate-ment sur sa plaie. Pas de raison
connue, mais il paraît que c’est effi-cace. Il est également possible d’uti-liser les toiles d’araignées et les œufsqu’elles contiennent pour guérir uneblessure à la main.Pour apaiser la toux, c’est encoreplus simple, il suffit d’ingurgiter unpetit verre de jus de citron qui a étéexposé à la rosée une nuit durant.Mais attention, pour que cela fonc-tionne pleinement, la personne nedoit pas parler quand elle se lève. Même les rhumes et les grippes peu-vent être soignés de manière simple.Chaque matin, le malade doit justeinhaler de l’eau salée après l’avoir faitbouillir. Je suis moi-même une fer-vente adepte de cette pratique. D’autres remèdes sont réputés pour
avoir des vertus plus générales. Ondit par exemple que les feuilles degoyavier sont efficaces contre touttype de bactérie et de virus. Le ma-lade doit cueillir sept feuilles d’affiléesans respirer, puis les avaler. S’iltrouve le goût trop amer, il est auto-risé à ajouter un peu de sel. Je n’ai ja-mais essayé cette technique, elle mesemble un peu trop irrationnelle. Les aînés ont coutume de dire quede leur temps, ils ne dépensaient pasautant d’argent que nous pour desmaladies bénignes. Effectivement,certaines de leurs recettes mérite-raient d’être connues de tous. Maisje ne m’essaierais pas à tous leurs re-mèdes. Les habitants des zones ru-rales le font sans hésiter, mais
souvent pour des raisons financières.Ces recettes transmises par lebouche-à-oreille au fil des généra-tions sont vitales pour eux. Si elles ne remplacent pas la méde-cine, j’espère néanmoins qu’elles nese perdront pas. L’idéal serait que,comme dans les pays voisins, le mi-nistère de la Santé se lance dans la fa-brication d’une médecine naturellemodernisée. Sinon, les jeunes, quin’ont déjà plus le courage de cher-cher la recette adéquate ou de serendre dans la forêt, auront vite faitde se ruer dans une pharmacie detype occidental au moindre ennui desanté.
Kang Kallyann
L’urine et le goyavierLes recettes de grand-mère ne soignent pas toutes efficacement, mais ont le mérite d’éviter de recourirsystématiquement à des composants chimiques.
KHMÈRE ATTITUDE
DOSSIER
Sivann Botum, chargée des bonnes mœurs au ministère des Affaires féminines.
ÉmilieBoulenger
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Cambodge Soir Hebdo n˚ 140 – 3e année, du 8 au 14 juillet 201016
SPORT
Date Heure Stade Match Les rencontres de la cinquième semaine
11/07 1 : 30 Nelson Mandela Bay/Port Elizabeth Petite finale Uruguay
12/07 1 : 30 Johannesburg Finale Pays-Bas
?
oLa Coupe du monde touche à son dé-
nouement, après les demi-finales qui
ont placé en orbite les protagonistes de
la rencontre décisive, le 11 juillet, à Jo-
hannesburg. Premiers qualifiés, les
Pays-Bas, qui ont pris le meilleur sur
l’Uruguay (3-2) dans un match as-
phyxiant, plus disputé que ne le lais-
saient prévoir les forces en présence.
Bien que décimé par les blessures et
l’absence de Suarez, l’Uruguay a ré-
sisté, appliquant son rigoureux modèle
défensif et comptant sur un éclair de
génie de la seconde star de l’équipe,
Diego Forlan. Mais le but de l’atta-
quant de l’Athletico Madrid (qui rame-
nait à ce moment-là les deux équipes à
1-1, score à la mi-temps) n’aura pas
suffi, et la réussite se rangera ensuite
sous la bannière orange, avec un coup
franc heureux de l’inévitable Sneijder
et une jolie tête de Robben. La réduc-
tion du score dans les arrêts de jeu par
Pereira arrivera trop tard pour entre-
tenir les espoirs urugayens. Ainsi se
clôt le parcours de l’étonnante Céleste,
qui aura su s’extraire de la poussié-
reuse armoire aux trophées où elle
était cantonnée depuis plusieurs dé-
cennies pour reprendre place parmi
les grands. Cette équipe aura eu en
outre la singularité de réunir à la fois,
en la personne de Diego Forlan, cri-
nière au vent, pied gauche magique,
et de Luis Suarez, qui a joué au vol-
ley-ball face au Ghana, le meilleur et
le pire du football. Enfin, du côté des
Pays-Bas, le rêve se poursuit. Bien
sûr, on ne peut s’empêcher de noter
que cette équipe néerlandaise n’est
pas toujours des plus convaincantes,
accumulant souvent les fautes et
même quelques bourdes techniques.
Mais c’est le résultat qui compte pour
cette équipe qui croit en son étoile et
rêve de triompher là où ses illustres
prédécesseurs, les apôtres du « foot-
ball total », avaient échoué par deux
fois (1974 et 1978). Face à elle ? C’est
là que les choses se corsent pour le
chroniqueur car ce dernier ignore en-
core à l’heure où il rédige quel vain-
queur est sorti de l’alléchante confron-
tation entre l’Allemagne et l’Espagne.
Quel que fut le résultat de ce match,
signalons d’ores et déjà cette situation
inédite sur la planète foot : les amou-
reux du jeu toutes nations confondues
sont tombés en pâmoison durant la
compétition devant l’Allemagne. Car la
Mannschaft, plus connue d’ordinaire
pour son froid réalisme, a été cette fois
admirable de rapidité, d’audace tech-
nique, d’esprit d’équipe. Bien sûr, en
face, l’Espagne disposait d’un effectif
de virtuoses jusque là plutôt aphones
mais toujours capables de ressusciter
pour une place en finale. Mais l’auteur
de ces lignes pronostique la victoire de
cette équipe allemande jeune et pleine
d’allant, pour un remake en finale de
Pays-Bas-Allemagne 1974. S’il s’est
trompé, ami lecteur, tu peux toujours
te présenter au siège du journal(1), pour
administrer à l’auteur de ces lignes un
savon bien mérité.
1- 26 C/D rue 302, à Phnom Penh.
Tout foot !Par Gaston Orsini
L’Argentine perd, le Cambodge pleure
«C’est incroyable : comment le
géant argentin a-t-il pu
s’écrouler ainsi face à l’Al-
lemagne ? » Pisei, étudiant d’une univer-
sité privée de Phnom Penh, n’en revient
pas. Pour lui, l’entraîneur Maradona –
qui a démissionné après la défaite – était
jusque-là un héros, « le » vainqueur de
la Coupe du monde en 1986. L’élimina-
tion de l’Argentine dès les quarts de fi-
nale a pour lui l’effet d’une douche froide.
De nombreux cambodgiens connaissent
et apprécient l’équipe argentine. Ses
joueurs sont notamment célèbres parce
qu’ils évoluent dans les championnats
européens, largement diffusés au Cam-
bodge ; Carlos Alberto Tévez à Manches-
ter, Javier Alejandro Mascherano à Li-
verpool, Lionel Andrés Messi à
Barcelone…
Les parieurs de tout poil sont aussi
nombreux à se lamenter, malgré l’inter-
diction formelle de miser de l’argent sur
les matches de la Coupe du monde. Thy,
qui se rend régulièrement dans les lieux
de paris clandestins, regrette les 10 dol-
lars qu’il a perdus en pariant sur l’Ar-
gentine. « J’ai eu tort de leur faire
confiance, s’emporte-t-il. Ce sont les meil-
leurs joueurs, qui jouent dans les meil-
leurs clubs avec des salaires astrono-
miques… Et ils me font perdre de l’ar-
gent ! » Certains de ses amis ont même
perdu des centaines de dollars sur In-
ternet ou dans des lieux de paris clan-
destins, à cause de leur fidélité à l’équipe
argentine, note-t-il.
Nhim Sophal
Chauds partisans de l’Albiceleste, les téléspectateurs sont abattus après l’humiliation de leur équipefavorite 4 à 0 contre l’Allemagne.
?
L’entraîneur argentin Diego Maradona pendant le match de quart de finale contre l’Allemagne.
Photosxinhuanewsagency
En haut à gauche : Lionel Messi, joueur argen-tin, lors du quart de finale opposant son équipeà l’Allemagne. Celle-ci remporta sa qualifica-tion sur le score inattendu de 4 à 0.
En haut à droite : Khalid Boulahrouz, del’équipe hollandaise qui s’est imposée sur lescore de 3-2 empochant ainsi son billet pour lafinale.
En bas à droite : des supporters hollandais lorsde la demi-finale qui a vu leur équipe se quali-fier pour la finale aux dépens de l’Uruguay.
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Cambodge Soir Hebdo n˚ 140 – 3e année, du 8 au 14 juillet 2010 17
SPORT
L’ouvreur du xv de France éclaire le rugby cambodgienFrançois Trinh-Duc étaità Phnom Penh du 3 au 5juillet pour promouvoirle ballon ovale dans leRoyaume.
«Je n’ai jamais rencontré
une personne aussi célè-
bre. Je suis très heu-
reuse ! » Sopoan, 21 ans, joueuse
de rugby au sein de l’ONG Pour
un sourire d’enfant (PSE), ne ca-
chait pas sa joie dimanche der-
nier. Sur le terrain sablonneux
de l’association, elle a participé à
un entraînement dirigé par Fran-
çois Trinh-Duc, international
français de rugby. Opposition at-
taque – défense, entrée en mê-
lée… Pendant plus de quatre-
vingt-dix minutes, une trentaine
d’adolescents cambodgiens et in-
ternationaux ont révisé leurs
gammes sous l’œil attentif de l’ou-
vreur du xv de France. Tout au
long de la séance, le joueur de
Montpellier a distillé de nom-
breux conseils techniques. Un
match de deux fois dix minutes,
suivi de signatures d’autographes
a clos l’après-midi.
Malgré ses racines vietna-
miennes – son grand-père pater-
nel était originaire de la région
d’Hanoi – François Trinh-Duc
n’était, jusqu’à présent, jamais
allé en Asie. Aussi, lorsque la Fé-
dération hongkongaise de rugby
l’a sollicité pour promouvoir
l’ovalie en Asie, en vue de la
Coupe du monde organisée au
Japon en 2019, le joueur n’a pas
hésité. Du 30 juin au 8 juillet, il
est allé successivement à la ren-
contre des joueurs de rugby de
Hong Kong, du Laos et du Cam-
bodge. Pour ce faire, il a pris sur
son temps de vacances, et re-
prendra l’entraînement avec
Montpellier, le 12 juillet. « Notre
sport véhicule des valeurs de so-
lidarité, de respect et d’entraide,
a expliqué à Cambodge Soir
Hebdo, François Trinh-Duc dans
les locaux de PSE. J’essaie de
transmettre ces valeurs à ces en-
fants qui vivent souvent dans des
conditions difficiles. Cela ne les
fera pas sortir de la misère, mais
le rugby peut leur permettre de
mieux s’intégrer dans la vie de
tous les jours. »
Partenariats envisagés
La venue du joueur de l’équipe
de France porte aussi un coup de
projecteur sur le rugby au Cam-
bodge. Ce sport compte environ 500
licenciés dans le Royaume. Un
manque de moyens financiers et
humains entrave son développe-
ment. « Nous ne disposons pas suf-
fisamment d’éducateurs pour aug-
menter le nombre d’adhérents, a
insisté Philippe Monnin, le vice-
président de la Fédération cambod-
gienne, en conférence de presse
lundi. L’encadrement au rugby est
primordial si l’on veut éviter les
blessures. » La présence, trois jours
durant, de l’international français
ne changera pas tout, mais elle
peut favoriser la mise en place
de partenariats entre des clubs
de l’Hexagone – Toulouse, Per-
pignan et Montpellier sont évo-
qués – et le rugby cambodgien.
Après l’avoir observé, François
Trinh-Duc qualifie le potentiel
des joueurs khmers d’« intéres-
sant ». Le rugby ne demande qu’à
grandir au Cambodge.
J. M. et P. M.
François Trinh-Duc, dimanche 4 juillet sur le terrain de l’ONG Pour un sourire d’enfant (PSE).
Jérômemorinière
C’est inéluctable. L’expatrié re-tourne forcément sur le sol quil’a vu naître. Le retour en Gaule
(en ce qui concerne les Français) est forcé-ment assorti de surprises. Si l’expat’ n’a pasmis les pieds au bercail depuis plus de vingtans, qu’il se rassure, rien n’a fondamentale-ment changé. C’est lui qui a changé.
Son pays n’a guère évolué, et beaucoup di-sent qu’il régresse à vue d’œil tant au niveauqualité de vie que liberté d’expression.D’une manière générale, le Barang qui dé-barquera forcément en plein conflit social –
à moins qu’il n’arrive un 15 août – trouverason pays vieilli, pour ne pas dire vieillot. L’ex-pat’ a laissé un malade ; il retrouve un ago-nisant. Pour les Barangs d’origine grecque,ils reviennent trop tard, leur pays vient toutjuste de passer à l’orient éternel…
Le choc commence à la descente d’avion,pour les malchanceux contrôlés par le ser-vice des douanes. Ces derniers voient sou-vent dans l’expatrié domicilié sous le soleilun être suspect qui a forcément « fui » sonpays. Ils n’ont pas toujours tort… Le Barangdécouvre alors avec stupéfaction que lebaume du Tigre, ce remède miracle quisoigne tout, l’odeur en plus, est désormaisinterdit en Gaule. Confisqués, donc, les potsréclamés par grand-mère pour soigner sesrhumatismes.
Une fois parvenu à se repérer dans l’aé-roport le plus compliqué du monde et enfinsur les routes de son pays, le Barang re-marque qu’elles sont en plus mauvais étatqu’elles ne l’étaient jadis ; tout comme l’estson équipe nationale de football, d’ailleurs.L’état bitumineux des voies de certains vil-lages, notamment dans le Midi, rappelle par-fois celui de Phnom Penh douze ans enarrière… Mais il y a douze ans, les Bleusremportaient le Mondial.
L’expat’ qui débarque le sourire aux lèvreset du soleil plein la tête sera immédiatementplongé dans un marasme ambiant ; un mé-lange de spleen baudelairien et de crise exis-
tentielle. Surtout s’il se rend à Paris enmétro en empruntant la ligne B du RER –ligne qu’il n’avait alors vue qu’à la télévision,dans les faits-divers des informations de TV5Monde.
C’est ensuite aux petits détails de la viede tous les jours qu’il réalisera combien seréadapter à sa propre culture est délicat.Adieu la belle maison avec jardin dans lecentre de Phnom Penh et bonjour le petitappartement en banlieue ! Adieu Kampot,ses plages et ses crabes à déguster et bon-jour le bois de Boulogne pour les virées duweek-end et les terrasses de café hors deprix !
Arrivé chez lui, le Barang expatrié cher-chera sa dévouée femme de ménage afinqu’elle lui range ses affaires dans sa pende-rie. Puis il se tapera sur le front en se disantqu’il est stupide. Et il demandera alors à sonépouse de s’en occuper. Cette dernière luirétorquera qu’elle n’est pas sa bonne… Au-tant de nouveaux sujets de discordes ména-gères encore inconnues du Barang.
L’expatriée regrettera également sa nou-nou, sa cuisinière et son chauffeur-jardinier-plombier-gardien. Lorsque le Barang selèvera en pleine nuit et qu’il se rendra à lacuisine pour boire un verre d’eau, c’est leréfrigérateur qu’il ouvrira en premier, mêmeen plein hiver. L’eau du robinet est tout justebonne pour se laver les dents, pense-t-il en-core !
Outre qu’il lui faudra désormais passer sonpermis moto s’il a le désir de poursuivrel’aventure du deux-roues découverte auCambodge, il se souviendra bien vite que leplein ne se fait pas n’importe où sur un bordde la route et que l’essence ne se trouve pasdans des bouteilles de Coca-Cola. Le di-manche, en France, c’est toujours un jourférié et donc, tout est forcément fermé.
Mais ce « Barang qui rentre » discerneraforcément les bons côtés de sa nouvelle vie.Ici, d’une manière générale, on ne se fait pasécraser en traversant la route. Les automo-bilistes ont même pris l’habitude de laisserpasser les piétons sur les zébras ; les viragesse prennent dans la bonne file et les feuxrouges sont normalement respectés. Cesnormalités apparaîtront au départ commedes étrangetés à celui pour qui le bitumecambodgien n’avait plus aucun secret. Autrebonheur et non des moindres, l’ancien Ba-rang se réjouira enfin des escaliers dont lesmarches sont toutes d’une seule et mêmehauteur. Une chose qu’il n’avait pas vue de-puis bien longtemps !
Certains estimeront que cela fait peu,mais c’est déjà un bon début pour se lancerdans la vie « normale », après cet interludedoré. Parce que la retraite, en France, c’estdésormais à 62 ans… Et ce n’est qu’un com-mencement. Le choc culturel agit aussi dansle sens du retour !
Frédéric Amat
LA CHRONIQUE DU BARANG
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Cambodge Soir Hebdo n˚ 140 – 3e année, du 8 au 14 juillet 201018
«I
l avait la même classeque Frank Sinatra,sans la machine holly-woodienne derrièrelui… » Ses carnets d’in-ventaire à la main, Eric
Jay s’arrête face au portrait de Sin Sisamouthqui accueille les clients de son hôtel, leScandinavian, à Phnom Penh. La « voixd’or » du Cambodge du Sangkum ReastrNiyum y voisine son alter ego féminin, RosSereisothea. Il y a plusieurs années, Ericavait repéré ces grands tableaux, réalisés àpartir de photographies célèbres des deuxstars, dans une obscure boutique d’enseignes,alors qu’il cherchait à décorer son hôtel.Aujourd’hui, il s’apprête à vendre le « Scan-dinavian » et hésite : « Le contrat exige queje laisse tout au repreneur, mais je vais luidemander s’il a l’intention de conserver lestableaux à cet endroit. Dans le cas contraire,il n’est pas question que je m’en sépare. »
« Quand j’ai entendu pour la première foissa voix, le CD est resté des semaines dansma chaîne, reprend-il. Il n’y avait tout sim-plement rien de comparable à aucune autreforme de musique. Dans les années 1960,tous les artistes du monde essayaient decopier le rock and roll américain, et Sin Si-samouth a réussi à le surpasser. C’était trèsoccidental et très khmer à la fois, génialsans être prétentieux. Il est un symbole de ceque Phnom Penh serait devenu sans lesKhmers rouges : une des villes les plus bellesdu monde, loin devant Singapour ou les au-tres capitales asiatiques. »
Fausses notes politiciennes
Après la chute des Khmers rouges en1979, le pays s’est relevé en tournant ledos aux chanteurs des années 1960. « C’étaitl’heure de la reconstruction, la priorité étaitdonnée au travail, se rappelle Mao Ayuth,scénariste de films, aujourd’hui secrétaired’État à l’Information. Les chansons van-taient la renaissance populaire, la solidaritéet l’amitié avec le Viêtnam. Il a fallu attendrepour qu’on reparle d’amour. » Sin Sisamouth,qui avait chanté à partir des années 1970des paroles nationalistes hostiles au Viêt-nam, n’a naturellement pas les honneursde la radio, contrôlée par l’État. Il faut at-tendre le retour de Norodom Sihanoukpour que certaines de ses chansons revien-nent à la mode, comme des évocations de lapériode du Sangkum, à nouveau érigé enmodèle positif. Mais l’œuvre du chanteurest toujours instrumentalisée à des finspartisanes. En 2005, alors que NorodomSihanouk refuse d’apposer sa signature surun vieux traité de 1985 établissant la fron-tière avec le Viêtnam, les radios pro-PPCdiffusent la chanson républicaine Av YoanKé Mer. Le 20 septembre 2006, le Roi-pèrese fend d’un billet amer sur son site Internet :
« Ma “position” concernant nos frontièresterrestres et maritimes m’a valu, pendantdes semaines, des mois, cette terrible humi-liation de la radiodiffusion, comme du tempsinfernal de la “République khmère”, deschansons de Sin Sisamouth m’insultant etm’accusant d’être “un traître à la patrie,ayant vendu une partie du Cambodge auxVietcong-Vietminh”. À ma mort, j’emporteraidans l’au-delà cet incomparablement dou-loureux “souvenir”. » Avec la récente crisefrontalière, c’est Sam Rainsy qui piochedans ses classiques et fait diffuser, avantsa vidéoconférence du 1er février dernier,une chanson polémique de Sin Sisamouth :« Les villes cambodgiennes les plus célèbresont toutes été volées par les Siems [les Thaï-landais] et les Youns [les Vietnamiens], etnous perdons du territoire à l’ouest commeà l’est. »(1)
Au diapason de la copie
Rien n’est plus aisé que de tirer à soi lacouverture politique : disparus dans la tour-mente de la guerre, ce ne sont pas les chan-teurs qui risquent de s’y opposer. Ni leurshéritiers, même si Sin Chanchaya, fils deSin Sisamouth, mène depuis des années uncombat désespéré pour faire reconnaîtreses droits sur l’œuvre de son père. En 2003,les nouvelles lois sur la propriété intellec-tuelle lui ont reconnu des droits pendanttrois ans sur vingt chansons d’un livret da-tant de 1964. « Puis le ministère de laCulture m’a dit que si je ne pouvais pasprouver que les chansons avaient été com-posées par lui, je ne pouvais rien toucher.Évidemment, toutes les preuves écrites ontété détruites pendant la guerre… » Les chan-sons, tombées dans le domaine public, sontainsi une véritable mine d’or pour lescopieurs en tout genre. « Les droits sur unechanson sont fixés à 28 000 riels [7 dollars],
à verser à l’État, indique Lim You Sour,chef du Département des droits d’auteursau ministère de la Culture. L’acheteur estlibre de changer le rythme ou de superposersa propre voix, mais doit conserver le textedes paroles. »
Que reste-t-il de leursamours ? Des producteurs,collectionneurs et archivistestentent de ranimer lamémoire vivante deschanteurs des années 1960-1970, tandis que l’absence dedroits d’auteurs ouvre laporte à toutes lesinterprétations… pour lemeilleur et pour le pire.
Par Adrien Le Gal (avec Im Navin et Kang Kallyann)
Letemps la mémoireLes chansons assassinées (3/3)
de
John Pirozzi pendant le tournage de Don’t Think I Have Forgotten, dans un théâtre Chaktomuk reconstitué à la manière des années 1960.
Sin Sisamouth lors de son arrestation, inter-prété par le comédien Borin, de l’ONG PharePonleu Selpak, dans Royaume Performances.
Quentintop
SivChanna
La base Hanumande Bophana
Le Centre Bophana, dirigé par le ci-néaste Rithy Panh, qui a dédié sonfilm Les Artistes du théâtre brûlé à Sin
Sisamouth, ouvre sa base de donnéesd’archives audiovisuelles à la musiquecambodgienne et aux patrimoines so-nores du Cambodge. « Nous avons adresséun appel aux propriétaires et collectionneurs,explique Gaëtan Crespel, responsable desarchives audiovisuelles. Il existe toujours desdisques vinyles d’époque. Ce pan indispensa-ble de la culture cambodgienne augmenteconsidérablement la base de données Hanu-man du Centre Bophana, croisant le cinémaet toute la culture cambodgienne. C’est uneréelle joie de recevoir un collectionneur dedisques vinyles et de découvrir des jaquettesoriginales, des “galettes” parfois très bienconservées… La base Hanuman va permet-tre d’offrir un vrai registre du patrimoine mu-sical cambodgien, avec de la documentationlorsqu’elle existe. Nous appelons tous les pro-priétaires d’enregistrement à nous contacterpour poursuivre ce travail. Les enregistre-ments sont numérisés en haute résolution etdes actions de restauration sont entre-prises. »
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ColleCtionMaoayuth/ B
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CULTURE
En juillet 2005, néanmoins, un scandaleéclate suite à l’interprétation ratée de plu-sieurs chansons du « grand Samuth » parTit Vichika, de la maison de disques U2(2).Le public et plusieurs personnalités s’émeu-vent en entendant le jeu de massacre auquelse livre le chanteur sur le rythme et la mé-lodie, au point que celui-ci doit présenterdes excuses publiques à la télévision etretirer les disques de la vente.
Le groupe Dengue Fever, antibiotique contre l’oubli
D’autres adaptations, heureusement, nefont pas insulte aux « voix d’or » du Cam-bodge, au contraire. Sok Visal, alias« Cream », patron du label de hip hop KlapYaHandz, s’est rendu célèbre en re-mixant des tubes des sixties avec desrythmes rap et house, notamment Baeuk
Chak (« It’s Too Late Baby »), de Pen Ran.« J’ai été élevé à la musique hip hop pleine
de samples de vieilles chansons américaines,
raconte-t-il. En revenant au Cambodge, en
2001, je me suis mis à m’intéresser à la
musique et à sampler de vieilles musiques
cambodgiennes des années 1960-1970. Je
trouvais qu’elles avaient un son presque si-
milaire… et j’avais raison, puisque les ar-
tistes de l’époque avaient été inspirés par
la musique rock et soul américaine et an-
glaise. »
L’adaptation la plus talentueuse estsans conteste celle du groupe américainDengue Fever. En 2001, cinq musiciensaméricains qui ont découvert par hasardSin Sisamouth et Ros Sereisothea, lorsd’un voyage au Cambodge ou dans unmagasin de San Francisco, se constituenten groupe : deux frères, Ethan et ZacHoltzman, respectivement au clavier et àla guitare, David Ralicke au saxophone,Paul Smith à la batterie et Senon Williamsà la basse, auxquels vient s’ajouter lachanteuse cambodgienne Chhom Nimol.Le succès dépasse vite le premier carrédes fans de Long Beach, fief de la diasporacambodgienne aux États-Unis. « Il y a
beaucoup de Cambodgiens, d’amateurs de
rock indépendant, de vétérans du Viêtnam,
d’auditeurs de la radio nationale… », ra-conte Zac Holtzman. En 2002, le grouperemporte le prix artistique décerné parl’hebdomadaire LA Weekly. À cette époque,Matt Dillon s’apprête à tourner le filmCity of Ghosts au Cambodge, avec GérardDepardieu. Dans la bande originale – quicontribue en grande partie au relatifsuccès du film – figurent plusieurs tubesdes années 1960 comme Yeakheney
(« Femme géante »), de Vor Ho, chantépar Pen Ran, Mok Pel Na (« Quand re-viendras-tu ? »), avec Sin Sisamouth, etplusieurs chansons de Ros Sereisothea
comme Cham Dap Khae (« Attends dixmois »), et surtout Chnam On Dap-Pram
Mouy (« J’ai 16 ans »). La version khmèrede Both Sides Now, de Joni Mitchell, estconfiée à Dengue Fever.
Le film City of Ghosts ouvre la voie du re-
vival américain. John Pirozzi, assistant ca-meraman sur le plateau du tournage, estbouleversé par ce qu’il entend. De retouraux États-Unis, il se lance dans un docu-mentaire sur le groupe Dengue Fever (Sleep-
walking Through the Mekong), puis dansun film sur les chanteurs des années 1960(Don’t Think I Have Forgotten). « Au début,
je ne connaissais que les grandes lignes,
alors j’ai commencé à enquêter, indique-t-il.En tout, j’ai réalisé 65 interviews et j’ai 120
heures d’enregistrement… »
Le cinéaste Greg Cahill a lui aussi en-tendu pour la première fois Ros Sereisotheadans la bande-originale de City of Ghosts,ce qui le pousse à réaliser en 2006 un do-cumentaire sur elle : The Golden Voice.« Je suis tombé fou amoureux de sa mu-
sique, l’émotion portée par sa voix et toutes
les possibilités qu’elle offrait, raconte-t-il.Le fait que ces chanteurs aient été tués si
brutalement ajoute de la profondeur et de
l’importance à la musique qu’ils ont laissée
derrière eux. Aucune musique pop améri-
caine n’atteint ce degré de gravité. »
Le théâtre s’empare également dumythe. La pièce Royaume Performances,
jouée et mise en scène par les artistes del’ONG Phare Ponleu Selpak, à Battam-bang, a choisi Sin Sisamouth comme sym-bole de la tragédie du Kampuchea démo-cratique. « L’amour, l’amour, depuis les
temps d’Angkor, bien des artistes l’ont
chanté, mais celui qui reste dans le cœur
des Cambodgiens, c’est Sin Sisamouth »,lance un personnage, avant l’arrestationdu chanteur par cinq hommes en uniformekhmer rouge.
Poète de la ruralité, Sin Sisamouthconserve une popularité importante jusquedans les campagnes. Toutes les semaines,la chaîne de télévision Apsara se rend dansles villages de province pour l’émission Mo-
redak Samneang (« Patrimoine vocal »). PannKhem Vathak Na, jeune présentateur, de-mande aux habitants jeunes et vieux d’in-terpréter une chanson de Sin Sisamouthdevant la caméra. Dans le village de SayLoun, dans la province de Kandal, un vieilhomme, timide, interprète sans se tromperOù est le paradis. « Le chanteur est mort,
mais son esprit reste avec nous, lâche-t-il.J’aimerais bien qu’un jour, on sache ce qui
lui est arrivé. » Un adolescent, en T-shirt ettreillis, se joint aux villageois et demande àinterpréter une autre chanson. « Quand
j’étais petit, j’entendais toujours sa voix à la
radio, raconte-t-il. Je ne savais pas qui
c’était, mais j’appréciais son timbre grave, si
différent de ce qu’on enregistre aujourd’hui. »
Les grands travaux du solfège
Concerts, théâtre, documentaires, émis-sions de variété… Chacun, à sa manièreet selon ses goûts, a la liberté aujourd’huide rendre hommage à Sin Sisamouth.Ngin Sokrowar, ex-batteur à l’orchestre
Van Chanh à la fin des années 1960, aentrepris le travail titanesque de retrans-crire les musiques existantes sur des por-tées. « J’ai commencé en 1995 et je n’ai
pas arrêté depuis. J’en ai aujourd’hui plus
de 300 et j’en ai édité une centaine dans
des recueils de partitions… » Fonctionnaireet professeur de musique pendant sontemps libre, il confie sa peur de se tromper :« Je sais qu’il y a sans doute des accords
qui ne sont pas exactement les bons…
Mais il faut quand même continuer. Ces
chansons sont restées populaires pendant
quarante ans, et si on les préserve, elles
peuvent vivre pour l’éternité. La mélodie,
les mots décrivent avec tellement de justesse
la nature, la vie, l’amour et le Cambodge ! »
1- « Beamed in From Paris, Rainsy Video-conferences SRP Party », The Cambodia
Daily, 2 février 2010.2- « La polémique sur une reprise de SinSisamouth relance le débat sur le piratage »,Cambodge Soir, 19 juillet 2005.
Le personnage de Ros Sereisothea, interprété par l’actrice Pel Sophea dans A Golden Voice, deGreg Cahill. Ci-dessous, la scène de son exécution.
Un villageois interprète Où est le paradis pourl’émission de la chaîne Apsara TV.
aDRienLeGaL
DR
DR
V ERBAT IM
« Une languesimple mais
pas vulgaire »
«C’est une langue simple sanspour autant verser dans levulgaire. C’est une poésie
nouvelle, plus libre, débarrassée deses carcans métriques traditionnels.La poésie moderne cambodgienne estpour moi la forme la plus aboutie etla plus réussie, comparativement auxromans khmers. Elle mérite le titre de“littérature nouvelle”. Elle s’est libéréede la forme traditionnelle, mais nes’est pas coupée de ses élémentsd’inspiration, qui sont le terroir avecses arbres, ses animaux… En général,le choix se porte vers des rimes facilesavec des vers de quatre pieds, desrimes internes et externes et desrimes inter-strophes. D’autre part, onnote l’usage d’images métaphoriquesqui parfois déroutent plus d’un étran-ger : la belle est souvent comparée àla lune, au soleil mais aussi à la pierre,aux vagues, et aux oiseaux, bref, auxéléments traditionnels de [l’imagi-naire] khmer. Autre nouveauté dansles thèmes : la découverte de son pro-pre patrimoine géographique, avec deschansons portant sur les provinces etles villes comme Champa Battambang,Stœung Sangker, Champei Siem Reap. Jepense que la nostalgie de l’époqueheureuse a joué une grande part dansla pérennité de ces chansons. Maiscertaines mélodies, vraiment trèsbelles, y ont aussi contribué, ainsi quela voix complexe et subtile de Sin Si-samouth. »
Hélène Suppya Bru-Nut, linguisteet auteur d’un Dictionnaire français-khmer avec Michel Rethy Antelme,analyse le niveau de langue deschansons khmères des années 1960.
Sin Chanchaya, fils de Sin Sisamouth, dans leslocaux de l’association à la mémoire de sonpère.
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Des mélodies entraînantes, quelques phrases
en anglais, une voix suave, un joli minois…
La recette du succès de la musique pop
cambodgienne a quelque chose d’universel.
Rythmées ou langoureuses, accompagnées d’une basse
sourde ou d’une flûte aux notes légères, les romances
khmères mêlent les influences mondiales aux racines
traditionnelles.
De Tourassap Pdach Snaeh (« Le téléphone qui dé-
truit l’amour », lire p.21) à Kmean Chiva On Ksai
(« Sans toi, je serais morte »), Khemarak Srey Pov se
distingue surtout par la qualité des textes de ses chan-
sons, dont l’unique compositeur n’est autre que l’un
de ses frères, Khemarak Phearum. Il est aussi son
agent et son porte-parole. « Elle s’est lancée dans la
musique en 2002, explique le fils cadet des Khemarak.
C’est moi qui l’ai poussée sur les traces de Serey Mon,
notre aîné. » Le premier-né de la fratrie de six enfants
a acquis depuis quelques années une véritable recon-
naissance et fait régulièrement la couverture des ma-
gazines de stars.
Entreprise familiale
Srey Pov a seulement 19 ans. La benjamine de
la famille originaire de Prey Chhor dans la pro-
vince de Kampong Cham a déjà figuré régulière-
ment dans le top 5 des chansons les plus écoutées
des radios comme FM 104 MGZ. Ses chansons
sont souvent les plus demandées dès que sort un
nouvel album de sa maison de production, Sunday.
Occasionnellement, elle reprend d’anciens tubes
américains comme Kom Merl Jrorlom (« Ne vous
trompez pas »), adaptation de The Tide is High
d’Atomic Kitten. Mais plus que ces influences amé-
ricaines, c’est bien sa famille qui est à l’origine de
son succès. « Tout ce qu’elle a aujourd’hui, elle le doit
à ses frères », admet un journaliste spécialiste de
l’actualité des stars pour Prachea Prey (« Populaire »),
le premier magazine au Cambodge. Il remarque que
les apparitions de Srey Pov dans sa publication sont
toujours liées à celles de Serey Mon. Ensemble, ils ont
à leur actif quelques succès comme Ram Neng Khniom
(« Danse avec moi ») ou encore Deng Te Oun Nirk
Bong (« Tu sais que tu me manques »). L’univers hip
hop de Serey Mon réunit tous les attributs des
chanteurs américains : casquette ronde, pantalon
ultra-large, lourde chaîne clinquante… Un
contraste étonnant avec les ballades acidulées
auxquelles elle se cantonne en solo.
Les hommes tenus à l’écart
En 2006, la jeune fille débute sous le label de
Serey Mon, U2. L’entreprise fait faillite, mais en
2009, Khemarak Srey Pov s’associe avec le nouveau
producteur de son frère. Entre-temps, son style s’est
affirmé. Aujourd’hui, elle cultive l’ambiguïté dans
ses choix vestimentaires et ses chorégraphies, en os-
cillant entre décolletés pudiques et mini-jupes, poses
sensuelles et mouvements timides. Dans ses clips,
contrairement à ceux de Meas Sok Sophea, Sok Pisey
ou encore Sokon Kagna, elle ne se laisse approcher
par aucun homme. Seule ou entourée d’un groupe de
danseuses, elle esquisse quelques pas en minaudant
mais ne va pas jamais plus loin. « Nos parents refusent
qu’elle joue la comédie avec un homme », explique
Phearum. Pour contourner l’interdiction parentale,
ses clips alternent parfois des images d’elle dansant
en studio avec des scènes où elle laisse le soin à des
acteurs de jouer les amoureux. Si Sunday tolère au-
jourd’hui ses conditions, la maison de production pré-
vient que cela ne pourra pas durer. « Elle est encore
jeune, mais il faudra quand même qu’elle accepte un
jour, c’est plus naturel », précise Chamrœun, le PDG
de la société. La maison de disque elle-même, soutenue
par les parents Khemarak, impose à la jeune fille des
règles de vie strictes comprises dans son contrat :
prises de parole publiques restreintes, physique soigné
à chaque sortie… Autant que possible, Srey Pov est
même priée de rester chez elle.
La peur du scandale et du déshonneur pousse dés-
ormais les stars et les producteurs à verrouiller leur
communication. « C’est difficile d’obtenir des infor-
mations sur Srey Pov », confirme le magazine Prachea
Prey. Ros Sothea, journaliste dans la rubrique people
du magazine Angkor Thom, tempère : « C’est tout à
fait normal de protéger sa vie privée. La plupart des
nouvelles stars cambodgiennes se dotent aujourd’hui
de porte-parole. Leur mère, frère ou sœur, le plus sou-
vent. »
Pénurie de scandales
Malgré ses apparitions restreintes, son public d’ado-
lescents et de jeunes actifs reste très demandeur, mais
est aussi très volatil. Keo Vuthy, directeur de la station
de radio FM 104 MHZ, avertit : « La durée de vie d’un
titre est d’environ un mois, un mois et demi. Passé ce
délai, ses chances de passer à la radio sont très ré-
duites. » Srey Pov est encore lycéenne et passe son bac
l’année prochaine. Elle partage donc son temps entre
ses études et les salles de concert. Cet emploi du temps
chargé limite le nombre de sorties de nouveaux titres
par rapport à ses concurrentes, mais ne l’empêche pas
de figurer dans le tout nouvel album de Sunday paru
en juin (lire p. 21). Ses chansons rencontrent, sans
surprise, le succès auquel elle est désormais habituée.
Elle n’en est, pour autant, pas plus sollicitée par les
médias. « Nous n’avons tout simplement rien à dire
sur elle », déplore Ros Sothea pour qui le manque de
scandales ou de révélations autour de la vie de la jeune
chanteuse limite la parution d’articles.
Descendre de son piédestal pour acquérir une vraie
popularité ou rester à l’écart du tumulte médiatique
en acceptant une moindre célébrité, Khemarak Srey
Pov risque de devoir un jour choisir.
Sophie Wahl et Kang Kallyann
Khemarak Srey Pov, une pop star Ses frères l’ont amenée sous le feu des projecteurs, ses parentslui imposent une discrétion totale. Le clan Khemarak, en quêtede notoriété, préserve coûte que coûte l’image de pureté de lajeune Srey Pov, adulée jusque dans les zones rurales.
« I N T ERV I EW
3Quelles sont les influences de la pop khmèreactuelle ?La nouvelle chaîne MyTV présente beaucoup de
chorégraphies avec cette façon de se déhancher,
le roam gneak, importée de Corée du Sud. Les
modes sud-coréenne et thaïlandaise se retrouvent
dans le style vestimentaire ou la coiffure.
Que représente Khemarak Srey Pov aux yeuxdes jeunes Cambodgiens ?C’est le symbole de la jeune fille des rizières qui
devient une star. Les adolescentes des zones ru-
rales, environ 75 % de la population totale, peu-
vent s’y identifier. Elle est un modèle pour ces
filles qui migrent vers la ville quelques années
plus tard.
En quoi se distingue-t-elle des autreschanteuses de pop ?Dans les milieux ruraux, elle est sans conteste la
plus appréciée par les adolescentes, mais aussi les
adolescents. Et puis srey pov signifie « la benja-
mine ». C’est souvent une position remarquée dans
les fratries.
Propos recueillis par S.W.
questions àSteven Prigent,doctorant en anthropologie surla jeunesse ruraledu Cambodge
DR
Une photo de Khemarak Srey Pov, fournie par sa famille.
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r très silencieuse
Sous-entendus, ellipses… Le
texte (ci-contre) de la chanson
Le téléphone qui détruit
l’amour est assurément de facture
littéraire. Les phrases dans le
genre « Est-ce moi qui suis la plus
fautive ? » sont courantes et leur
sens est évidemment ambigu :
« J’ai eu tort, je t’ai cru, je me suis
trompée, je me suis donnée à toi ».
Le texte se caractérise par une
absence systématique des pronoms
personnels conventionnels (« je »,
« tu ») et cette absence marque un
retrait de l’individu. Le procédé
n’est pas rare en parlé courant et
très commun dans le khmer litté-
raire. Les personnages sont uni-
quement désignés en rapport avec
la situation par le biais bien connu
des termes d’adresse intimes oun
pour la femme et bââng pour
l’homme, ces deux mots se définis-
sant l’un par rapport à l’autre et
pouvant se traduire par « chéri ».
D’autres procédés de désignation
sont à l’œuvre comme « mon
coeur », « mon aimé », « mon
adoré »… Leur traduction systé-
matique alourdirait le texte en
français.
Dans la chanson, la culpabilité
ne porte pas sur l’acte, mais sur le
mensonge. Ce que l’on reproche au
coupable ne sont pas ses actes mais
la façon dont la vérité a été ap-
prise : « Pourquoi fallait-il qu’il en
soit ainsi ? » Quant au fond de la
culpabilité, il est soulevé de façon
purement hypothétique : « Est-ce
moi qui suis d’abord fautive ou toi
qui m’a rendue malheureuse ? »
Le téléphone serait-il coupable ?
En tout cas, la trame de la chanson
est sans équivoque et le téléphone
participe doublement à l’intrigue.
Il détruit l’amour comme l’indique
le titre et sa sonnerie s’adapte à la
situation « la sonnerie du téléphone
a violemment retenti... »
Faut-il en conclure à la perver-
sité intrinsèque du téléphone ?
Peut-être. En tout cas, celui-ci s’est
depuis racheté, comme le montre
le titre d’une chanson Le téléphone
de l’amour où une erreur télépho-
nique est à l’origine d’une rencon-
tre entre deux personnes et de la
relation amoureuse qui s’ensuit.
Jean-Michel Filippi
Interprète : Srey Pov Paroles : PhirunTraduction libre : Jean-Michel Filippi
I La sonnerie du téléphonea violemment retenti enpleine nuit d’une façon quim’a troublée, mon amour.Habituellement lorsque tontéléphone m’appelait, je re-cevais un message où tum’assurais de la force de tonamour pour moi.
Refrain : Ne pouvais-tu pasme le dire, mon amour ? Jeveux entendre de ta boucheces paroles vraies et sanséquivoque. Si tu voulais mequitter, pourquoi fallait-ilqu’il en soit ainsi ? Je te sup-plie de me dire la vérité.
II Cette nuit le téléphone asonné de façon inhabituelleet m’a mise mal à l’aise. J’aidécroché le téléphone etme suis efforcée d’écouterattentivement, ce n’était pasmon amoureux qui parlait.
Refrain : Ne pouvais-tu pasme le dire, mon amour ?Je ne comprends pas toncœur. D’où viennent toutesces histoires ? Est-ce moiqui suis la plus fautive, ou toipour m’avoir rendue mal-heureuse ? Ou mon bien-aimé a-t-il voulu mettre fin àmes jours ? (Reprise).
III Une voix de femme criaittrès fort, j’étais stupéfaite etne comprenais pas ce dont ils’agissait. On me demandaitde rompre avec mon amourparce que mon adoré étaitpromis à quelqu’un d’autre.
Fin : Est-ce moi qui suis laplus fautive, et toi ensuitepar les paroles que tu asprononcées ? Ou mon bien-aimé a-t-il voulu mettre fin àmes jours ?
Le téléphone qui détruit l’amour
MensongecoupableDans la chanson « Letéléphone qui détruitl’amour », la culpabiliténe porte pas sur l’actemais sur la manière dontil est révélé.
Les fans ne seront pas déboussolés :fidèle à son répertoire traditionnel,Khemrak Srey Pov accorde une
large place aux sentiments dans le nouvelalbum de la maison de disque Sunday, quicomporte presque uniquement des titresinterprétés par elle et son frère Khema-rak Serey Mon. Dans I Am Sorry, la jeunefille exprime ses regrets après avoir quittéson petit ami pour un autre : après la rup-ture, elle s’est rendu compte de la puretéde ses sentiments pour le premier amou-reux et ressent une oppressante nostalgieau souvenir de leur vie commune.
Dans son titre Aun Snè Bang Penh Bes-dong (« Je t’aime de tout mon cœur »), lajeune chanteuse mêle la langue khmère àquelques paroles en anglais. Avec laphrase « I Am Looking in my Eyes of Love »,elle confie ses sentiments au vent en es-pérant qu’ils voyageront jusqu’à l’oreillede l’élu de son cœur : « Que le vent lui diseque je suis amoureuse de lui, que toutes lesnuits je rêve de lui. Ce rêve deviendra-t-il unjour réalité ? » La chanson Rus Kmean
Bang Min Ban (« Sans toi, je ne vis pas »),elle aussi, exprime la douleur de l’éloigne-ment : « Je t’attendrai toujours, sans toi jene peux pas vivre. Reviens vers moi, tu memanques… Tu sais, mon amour, que je t’ai-merai toute ma vie. »
Le ton change radica-lement avec le titre « Situ veux me quitter, fais-le ».
À l’opposé des autreschansons, c’est d’hon-neur et de responsabi-lité qu’il est désormaisquestion. La narratrices’emporte cette fois-cicontre les critiques deson entourage, qui l’ac-cuse de lâcheté, et ellerépond à son petit amiavec lequel une dis-tance s’est créée : « Jene suis plus dans toncœur et cela m’attristebeaucoup de te perdre.
J’ai peur de ne plus te revoir. Mais je préfèreque tu me quittes, et cette rupture me ren-forcera. Je ne regrette rien, le temps me soi-gnera. »
K. K.
Un album entre honneur et regrets
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ASIE DU SUD-EST
La chronique régionalede Jean-Claude Pomonti
En Birmanie, les généraux copient SuhartoChassé du pouvoir en 1998 etdécédé dix ans plus tard,Suharto, dictateur et kleptocrate,fait encore des émules. Lesgénéraux birmans prennentpour exemple le système qu’ilavait mis en place.
Après avoir repris le pouvoir en 1988en réprimant brutalement des ma-nifestations en faveur de la démo-
cratie, les généraux birmans avaient pro-cédé à des élections relativement libres,même si le leader de l’opposition, Aung SanSuu Kyi, était alors – et déjà – en résidencesurveillée. Ce scrutin, en 1990, s’était tra-duit par une déroute de la junte : la Liguenationale pour la démocratie d’Aung SanSuu Kyi avait emporté 82% des sièges duParlement. Les résultats avaient aussitôtété annulés et la Chambre, élue voilà vingtans, ne s’est jamais réunie.
La junte birmane avait alors été tentéede copier le régime de Suharto, l’Ordre nou-veau, mis en place dans les années qui ontsuivi les massacres de 1965-1966. L’arméeindonésienne avait une double responsabi-lité – défense du territoire et maintien del’ordre intérieur. La police était donc sousles ordres de militaires qui avaient leurscontingents de sièges réservés dans les As-semblées. Trois partis avaient été autori-sés : le parti fatalement dominant (Golkar,pour « groupes�fonctionnels »), relais d’uneadministration enrégimentée ; le deuxièmeregroupait la mouvance « nationaliste » etle troisième était d’obédience « musul-mane ».
Sous ce régime semi électif, des élections
étroitement contrôlées et surveilléesavaient lieu tous les cinq ans à l’issue decampagnes électorales courtes faites de dé-filés encadrés mais assez bruyants pourleur donner une allure de festival. Le sys-tème était dit de consensus, donc sans op-position. Il n’a volé en éclats qu’au bout detrois décennies, avec la crise financière ré-gionale de 1997-1998, au grand dam de gé-néraux birmans qui se sont retrouvés enmanque d’exemple.
Caricature d’Ordre nouveau
Pourtant, ce qui se passe aujourd’hui enBirmanie – que les militaires ont rebaptisé« Myanmar » en 1989 – ressemble fort àune caricature de l’Ordre nouveau indoné-sien. Vingt ans après le fiasco de 1990, 27millions d’électeurs y sont appelés auxurnes, à une date qui n’est pas encore ré-vélée mais qui pourrait être le 10 octobre2010 (10/10/10), signe jugé de bon augure.Il est question, officiellement, de remplacerune dictature militaire par une « démocra-tie�florissante�et�disciplinée ». Les mesuresprises par l’omnipotente Commission élec-torale (nommée par la junte) et qui ne peu-vent faire l’objet d’aucun recours sont par-ticulièrement restrictives.
Les candidats n’ont pas le droit d’évo-quer des arguments susceptibles de « ter-nir » l’État, autrement dit le pouvoir mi-litaire, ou de subvertir « la�sécurité�ou�lapaix� de� la� communauté ». Tout meetingdoit être approuvé par les autorités unesemaine à l’avance – date, emplacement,orateurs – avec communication du nom-bre de participants, biographies, photoset temps de parole des intervenants. Nidéfilés, ni banderoles.
En toile de fond, la Constitution de 2008– adoptée lors d’un référendum qui a tenu de la farce – réserve notamment le quart
des sièges des assemblées, nationale etrégionales, aux militaires, garantit l’au-tonomie des forces armées et leur donneun droit de veto sur le choix du chef del’Etat. Les prisons sont pleines, Aung SanSuu Kyi est assignée à résidence et leparti des militaires s’appuie sur une or-ganisation de masse créée par l’arméepour encadrer les populations. Le régimequi se met en place en Birmanie n’est ja-mais qu’un habillage du pouvoir militaire.
La solitude du paria
Les similitudes avec la dictature àpeine déguisée de Suharto s’arrêtent là.Le kleptocrate, limogé après trente-deux ans de règne, avait eu l’astuce deconfier le redressement d’une économieen banqueroute à des diplômés degrandes universités américaines, sur-nommés la « mafia de Berkeley ». Dansle cadre de la Guerre froide, l’Indonésieavait choisi le camp des États-Unis, très
tolérants à l’égard des méthodes de ges-tion de leurs protégés ou alliés.
L’expérience en cours en Birmanie sesitue dans un contexte bien différent.Le régime reste soumis à des sanctionsaméricaines et européennes qui en font,en partie, un paria sur la scène inter-nationale. Les milieux d’affaires y sonttrès étroitement dépendants de la juntealors que les grandes fortunes liées àSuharto avaient pu s’étendre à l’étran-ger (et survivre à la disparition de sonrégime). L’armée, en Birmanie, formeune caste encore plus indépendante quel’armée indonésienne du temps de Su-harto, à telle enseigne que le budget na-tional non militaire en devient margi-nal. Dominée par la personnalité dugénéralissime Than Shwe, 77 ans, lajunte birmane est très tributaire de sesaccords avec ses voisins (Chine, Thaï-lande, Inde) dans l’exploitation de res-sources naturelles dont les dividendesvont dans les caisses de l’armée.
Manifestation en faveur d’Aung San Suu Kyi à Manille, aux Philippines, le 27 mai dernier. La juntesembler essayer de copier le système indonésien des années Suharto dans une version caricaturale.
afp
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23Cambodge Soir Hebdo n˚ 140 – 3e année, du 8 au 14 juillet 2010
ASIE DU SUD-EST
Lundi 28 juin, dans la province de TengananPegringsingan, à Bali, en Indonésie. Tous les ansau mois de juin a lieu le festival traditionnelUsaba Sambah. Les hommes s’affrontent alorslors de brefs combats, utilisant des armes enfeuilles de pandanus, bardées d’épines.
vendredi 2 juillet, alors qu’il se rendaità un défilé militaire, le président Benigno Aquino ainsisté pour respecter les feux rouges et a refusé d’em-prunter les voies de bus ou de mettre en marche lessirènes de police. Sa limousine est restée coincée dansles embouteillages et le président philippin est arrivéavec quarante minutes de retard. « C’est inquiétant.
Soit il se lève plus tôt et respecte le code de la route,
soit il utilise les sirènes, puisqu’il en a le droit, personne
ne va le blâmer pour cela ! », a déclaré le porte-paroledu président, Edwin Lacierda, rapporté par l’AgenceFrance Presse. Il a ajouté que l’obstination de BenignoAquino à vouloir être traité comme tout le monde etêtre un exemple pour les Philippins posait problèmepour sa sécurité et donnait « la migraine à ses gardes
du corps ».
Retard présidentiel
Entre 2 000 et3 000 Thaïlandais se suicidentchaque année, a annoncé le mi-nistère de la Santé publique,d’après le Bangkok Post. Le di-recteur du département dédié àla santé mentale Chatree Ban-chuen, a déclaré que le taux de
suicide national était de 5,9 sur100 000, ce qui est inférieur autaux mondial (6,5 sur 100 000).En revanche, ce taux n’a pas ar-rêté d’augmenter depuis 1997, etles chiffres ont doublé en un peuplus de dix ans. Environ 70 % dessuicides sont commis par des
hommes et le Nord du paysconnaît le taux le plus élevé. Cha-tree Banchuen a adressé unemise en garde particulière auxparents des adolescents qui re-gardent les feuilletons thaïlan-dais à la télévision, où les suicidesamoureux sont fréquents.
Ils ne sont déjà plus que 8sur les 10 candidats sélectionnés pourla première émission de télé-réalité re-ligieuse, intitulée « Young Imam »,tournée dans le sous-sol d’une mosquéede Kuala Lumpur. Le but du pro-gramme n’est pas la recherche d’unnouveau talent, mais celle d’un leaderreligieux. Le prix qui sera décerné auvainqueur est un voyage à La Mecque,une bourse d’études pour l’universitéal-Madinah, en Arabie Saoudite, ainsiqu’un futur emploi dans une mosquéede Kuala Lumpur. Les jeunes musul-mans doivent se démarquer par leurconnaissance des textes du Coran, leurmaîtrise des rites funéraires et la qua-lité de leur rhétorique sur des sujetscomme la drogue ou le sexe hors ma-riage, interdit par la loi islamique. Leprogramme suit les mêmes règles queles autres émissions de télé-réalité : unconcurrent est éliminé chaque semaine,lors d’un « prime time », par le seul etunique juge, Hasan Mahmud, anciengrand mufti de la mosquée nationalede Kuala Lumpur. L’émission connaîtun très grand succès, dont les candi-dats n’ont pas conscience, puisqu’ils ontpour obligation de s’isoler du monde.
Mal-être thaïlandaisTHAÏLANDE
Journal sans-permisLe gouvernement a sus-
pendu la publication d’un des prin-cipaux journaux d’opposition, leSuara Keadilan, dirigé par AnwarIbrahim, du Parti Keadilan Ra-kyat. Le mois dernier, le journal apublié un rapport annonçant la fail-lite d’un organisme gouvernemen-tal, ce qui a déplu aux autorités.Le ministère de l’Intérieur, qui su-pervise l’ensemble des publications,a déclaré que la licence du journal,périmée depuis mercredi 30 juin,ne serait pas renouvelée. En Ma-laisie, les journaux ont besoin d’un
permis officiel (valable un an) pourpouvoir être imprimés. Ce systèmepermet au gouvernement de contrô-ler les médias. « Je suis choqué, adéclaré à l’Agence France PresseLee Boon Chye, numéro deux duKeadilan. […] Le gouvernement es-
saie de briser la contestation. C’est
une atteinte à la liberté de la
presse. » Il a ajouté que le journalcontinuerait de paraître, avec ousans autorisation. La Malaisie oc-cupe le rang 131 sur 175 du classe-ment annuel sur la liberté de lapresse de Reporters sans frontières.
MALAISIE
Xinhuanewsagency
PHILIPPINES
« Imam Académie »
MALAISIE
Xinhuanewsagency
Historiettes indonésiennesCommunication avec lesesprits, jaillissement d’eaumystérieuse, nouvelles tribusautochtones… La lecture de lapresse indonésienne apportequotidiennement des surprisesmontrant la complexité del’archipel. Florilège.
Comptant de 230 à 240 millions d’ha-bitants, l’Indonésie est un universd’une grande diversité, bigarré, avec
ses croyances, ses us et coutumes.
Reine des mers du Sud
Nyai Loro Kidul, rapporte le Jakarta
Globe, est une déesse d’une exceptionnellebeauté, à la fois ardente d’amour et féroce,capable de démonter une mer d’huile. Elleest la Reine des mers du Sud, l’amante de-puis plus de cinq siècles des rois et des sul-tans de Java. Elle demeure à Java. Toute-fois, se sentant délaissée, elle est alléedemander l’hospitalité à Mudaffar Syah,sultan de Ternate, une île des Moluques,l’ancien archipel aux épices, à 1 500 km àl’est de Java. C’est du moins la version of-ferte par l’intéressé, dernier en date d’une
lignée de monarques qui ont régné sur Ter-nate pendant huit siècles et ne le font plusque nominalement depuis des décennies.
Mudaffar Syah a accepté d’héberger laReine des mers du Sud. « Elle me conseille
désormais sur tous les problèmes », dit-il.Ternate, 65 km2 et environ cent mille habi-tants, a été islamisée à la fin du xve siècle.Les rois y sont devenus des sultans. Au-jourd’hui âgé de 75 ans, Mudaffar Syahjouait de la guitare hawaïenne dans des ca-barets de Jakarta lorsque un conseil de chefsde village l’a désigné pour succéder à sonpère, décédé en 1975. Il a obtenu un doctoraten philosophie à l’Université d’Indonésieaprès des études secondaires dans des écoleschrétiennes.
Le sultan de Ternate est un pieux musul-man et il a treize enfants de ses quatrefemmes. Cela ne l’empêche pas de commu-niquer chaque soir avec les esprits. « Il n’y a
qu’une religion », dit-il, en ajoutant que « la
différence réside dans la culture ». Un« monde intérieur », ajoute-t-il. Au milieu dela principale avenue du chef-lieu de Ternatese trouve, depuis la nuit des temps, la tombed’un guerrier si respecté que personne n’oseprononcer son nom. Elle est, toutefois, unesource d’encombrements. Le sultan et saquatrième épouse, qui possède un don pourcommuniquer avec les ancêtres, ont trouvéla solution. Mudaffar et sa femme ont « in-
vité » le guerrier pour lui demander « la per-
mission de l’enterrer dans un autre endroit ».« Il a accepté », dit le sultan.
Eau sacrée
D’autres tombes doivent être déplacées.Cette fois-ci, il s’agit d’un cimetière de3 000 m2 situé à Cikini, dans le centre de Ja-karta, afin de permettre la construction d’unimmeuble d’habitation. L’une d’entre ellesabrite les restes de Mbah Ali Kwitang, reli-gieux très respecté et décédé en 1881. Dès ledébut des travaux, le 1er juillet, de l’eau s’estéchappée de la tombe. Des gens du voisinagese sont précipités par dizaines, le lendemain,pour recueillir le précieux liquide, le décla-rant « sacré ». Ils la consomment ou l’utilisentpour s’asperger. Des habitants sont venusde plus loin, persuadés que cette eau pouvaitguérir. Que l’eau ne soit pas claire ou mêmeboueuse ne les arrête pas. Les services mu-nicipaux de la capitale ont annoncé qu’ils al-laient vérifier si un de leurs tuyaux n’étaitpas victime d’une fuite.
Purification d’un village
À Bali, l’île hindouiste aux mille dieux,en lisière d’une rizière, un adolescent âgéde 18 ans a été surpris par un aîné de sonvillage en train de s’accoupler avec unevache. Le jeune chômeur a expliqué quel’animal, qu’il avait pris pour une jeune
femme ravissante, lui avait fait la cour. Lesautorités du village ont décidé de procéderà une cérémonie de purification à la suitede cet acte impie. Dans un premier temps,selon le Jakarta Globe, l’adolescent a étécontraint d’épouser la vache devant des cen-taines de curieux. Il s’est évanoui pendantla cérémonie, sans doute de honte, ce qui aprovoqué une crise d’hystérie maternelle.Dans un deuxième temps, une fois unis, lejeune homme et la vache ont été noyés dansla mer. La vache a été transportée au largepour y être jetée à l’eau. En ce qui concernele jeune homme, la noyade n’a été que sym-bolique, sur la plage, et seuls ses vêtementsont été jetés à la mer. À ce prix, le village aété purifié et la profanation effacée.
Nouvelle tribu
Tous les dix ans, l’Indonésie procède à unnouveau recensement de sa population.L’opération actuellement en cours a déjàpermis de découvrir en Papouasie occiden-tale, sur renseignements fournis par desmissionnaires évangélistes, une nouvelletribu rassemblement près de 3 000 indivi-dus. Selon le Jakarta Globe, ils vivent nusdans les arbres des forêts de la montagne,de chasse et de cueillette. Ils ne parlent pasl’indonésien et communiquent par gestesavec les missionnaires.
J.-C.P.
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Cambodge Soir Hebdo n˚ 140 – 3e année, du 8 au 14 juillet 201024
UN AUTRE REGARDUN AUTRE REGARD
Sur le quai Sisowath, à Phnom Penh. Photo de Pierre Manière
Si vous aussi, vous avez pris une photo étonnante, insolite, décalée, envoyez-la à la rédaction : redaction@cambodgesoir.info
Ça s’est passé il y a dix ans • du 8 au 14 juillet 2000 •
Les parrains de Taïwan
Il aurait sans doute mieux fait de s’abs-tenir de répondre aux journalistes :Chen Chi-li, ressortissant taïwanais,
s’est montré très candide en accordant unentretien à une télévision de son paysd’origine. Il y affirmait notamment qu’auCambodge, il était hautement conseilléde posséder des armes pour faire des af-faires, et qu’un « contrat » sur un concur-rent ou un adversaire ne coûtait que 300dollars. La police, qui avait interpellé unesemaine auparavant le commanditaire del’assassinat de Lee Chim Hsin, présidentde l’Association des entrepreneurs taïwa-nais au Cambodge, effectue aussitôt uneperquisition au domicile de Chen Chi-li.Les forces de l’ordre tombent alors sur unvéritable arsenal : douze fusils d’assaut,un lance-grenades, huit pistolets, des poi-gnards et plus de 2 000 cartouches. Enoutre, elles découvrent à son domicile despièces d’identité, dont un passeport diplo-matique cambodgien et un jeu de plaquesd’immatriculation du corps diplomatique.De quoi soupçonner le Taïwanais de dis-poser d’appuis puissants… En effet, enremerciement de « dons » accordés aupays, Chen Chi-li avait été nommé okhnaet conseiller de Chea Sim, actuel prési-
dent du Sénat. Le directeur de cabinet decelui-ci, néanmoins, nie toute implicationde son patron : le titre, d’ailleurs, lui au-rait été retiré trois mois avant son arres-tation parce qu’il « ne�se�montrait�pas�suf-fisamment� impliqué�dans� le� travail� de
Chea�Sim », souligne Chea Son.
Le réseau du bambou
Une rapide enquête, d’ailleurs, montreque Chen Chi-li n’était pas vraiment fré-quentable : il serait l’un des principauxresponsables de la « United BambooUnion », une mafia tentaculaire basée surl’île nationaliste, et avait notamment par-ticipé à l’assassinat d’un ressortissant taï-wanais aux États-Unis dans les années1984. L’écrivain Henry Liu avait étéabattu en Californie alors qu’il rédigeaitun livre condamnant Chiang Ching-kuo,le président taïwanais alors au pouvoir.Après avoir purgé à Taïwan six ans d’unepeine de réclusion à perpétuité, il avaitbénéficié d’une grâce et avait été traitéen héros à sa sortie de prison, pour avoiraffirmé son intention de transformer la« United Bamboo Union » en entrepriselégitime.
Son arrestation au Cambodge suscite
l’intérêt des journalistes taïwanais, quise précipitent dans le pays. Interpellé parplusieurs d’entre eux lors d’une cérémonieà la gendarmerie de Kambol, Hun Senleur lâche une phrase lapidaire : « Nousdevons�détruire�les�mafiosi�taïwanais ! »
Le « parrain » arrêté, lui, semble en toutcas conserver une grande confiance en lajustice cambodgienne : « Je�ne� veux�pasêtre�renvoyé�vers�Taïwan�car�le�procès�qui
m’y�attend�ne�serait�qu’une�mascarade,�a-t-il indiqué aux journalistes qui l’atten-daient devant la cour municipale. Je�suisinnocent.�Le�seul�chef�d’inculpation�légi-
time�qui�pourrait�peser�contre�moi�serait
la�possession�d’armes�car�je�ne�connaissais
pas�la�loi�de�ce�pays. »
Le Cambodge ne reconnaissant pas lasouveraineté de Taïwan, aucun accordd’extradition n’existe entre les deux pays.Mais les autorités de l’île s’activent pourtrouver un moyen de récupérer le mafieuxemblématique : le bureau des enquêtescriminelles précise même que ses servicestravaillent avec Interpol pour obtenir sonretour.
Hun Sen fera-t-il droit à cette de-mande ? Pour l’instant, il se concentre surun autre dossier préoccupant : celui de la
démobilisation, pour laquelle les finance-ments commencent à manquer. Lors dela réinsertion des militaires dans la viecivile, en effet, chacun d’eux est censé tou-cher l’équivalent d’un an de solde (240dollars), 120 kg de riz et une aide tech-nique pour favoriser son retour au village.Or ce programme pilote, mené sur 1 500hommes de quatre provinces avant d’êtreétendu à 10 000 individus, devait être fi-nancé par des bailleurs de fonds étran-gers. Si l’agence de coopération GTZ a ho-noré ses engagements, d’autres donateursse font tirer l’oreille pour payer. Pourtant,lorsque le Cambodge était en guerre, lespuissances étrangères ne manquaient ja-mais d’argent pour armer les différentesfactions, relève le Premier ministre :« Très� rapidement,� on� nous� donne� des
avions�et�des�bateaux�de�guerre�qui�coûtent
plusieurs� millions� de� dollars,� mais
lorsqu’il�s’agit�de�démobiliser�notre�armée,
tout devient plus difficile ! »
Adrien Le Gal (avec archives)
L’entrepreneur taïwanais Chen Chi-li est arrêté après avoir déclaré qu’au Cambodge, faire assassinerquelqu’un ne coûtait que 300 dollars.
Un grand merci à un denos fidèles lecteurs,sans doute préoccupé
par notre sécurité, qui nous afait livrer une catapulte modèleArtois 1312. Notez, avec unmangonneau ou un trébuchet,on aurait été aussi bien lotis…Avis aux donateurs. Toutel’équipe de la station météo aété mobilisée pendant la se-maine pour monter l’engin, lanotice étant en chinois – en-core une preuve que l’artisanattraditionnel est en plein nau-frage chez nous. Heureuse-ment, notre concierge, versédans un tas de sciences dispa-rues depuis des siècles – il nousétablit par exemple le calendriertoltèque – a quelques notionssur le fonctionnement de cetype d’appareils. On a fait unessai, pas mal : un rocher de
180 kg est allé s’écraser sur lamaison d’un voisin riziculteur(celui qui nous bombarde régu-lièrement de pesticides, fertili-sants, colorants, désodorisants,en bref de tout ce qu’utilisel’agriculture moderne). Oncherche quand même des appli-cations utiles à notre sacerdocemétéorologique. Pour l’instant,rien de concluant. Alors oncontinue de bombarder les voi-sins (sauf le général du quartier,il a de quoi riposter), on s’amé-liore à vue d’œil. On a mêmedégommé un char à bœufslancé à toute allure, notre plusbel exploit. Comme l’aéroportn’est pas loin, on rêve de per-formances d’anthologie, maisnos premiers tirs sur des volsde canards sont décevants. Siquelqu’un parmi vous a desconnections chez les industrielsde l’optique, on serait intéresséspar une lunette de visée pourcatapulte (suisse ou russe, peuimporte). Merci d’avance, onvous tiendra au courant des résultats.
Températures : constantesLever du soleil : classiqueCoucher du soleil : ah, peut-être 1 milliardième de
microseconde de retard...
La météo de Fifi
Phnom Penh,
le 04/04/10
DÉTENTE
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Cambodge Soir Hebdo n˚ 140 – 3e année, du 8 au 14 juillet 2010 25
Une myriade de tracasse-ries, répétées quotidienne-ment, vont mettre vosnerfs à rude épreuve. Votreseul répit sera dans la plon-gée en sommeil profond,
hélas peu compatible avec une vie pro-fessionnelle bien remplie. Acheter voscalmants en grandes quantités serait unjudicieux placement.
Horoscope khmerHoroscope khmer
RAT
24-36-48-6072-84-96-08
Vous avez à nouveau le ca-fard, et comme d’habitude,vous contaminez votre en-tourage avec vos idées noires. Atmosphère plombée à lamaison : même chez les Dra-
cula, on est plus guilleret. Au boulot, lesrecords d’arrêt maladie de vos collèguespour dépression vont battre des recordsà cause de votre sinistrose… T
IGR
E
26-38-50-6274-86-98-10
Période propice à la médita-tion. Il est vrai que ce genrede pratique vous donne engénéral de l’urticaire. Laissezdonc tomber vos week-ends100 % shopping center pour
vous ressourcer dans un dojo zen. Oucommencez au moins par une remise enforme en spa, avec option régime minceurpour l’été, un début…B
OEU
F
25-37-49-6173-85-97-09
Une bonne forme physique,un mental équilibré, vousêtes prêt à vivre pleinementces prochains jours. Seuleombre au tableau, une légèretendance à l’embonpoint, un
petit 30 % de surcharge, il semble quevotre organisme ait atteint ses limites di-gestives. C’est votre côté humain, il fautfaire avec.C
HE
VA
L
18-30-42-5466-78-90-02
Votre capacité d’adaptationsera mise à l’épreuve, avecdes bouleversements atten-dus dans votre quotidien.Une tong décollée, un peignequi casse, vous voilà plongé
dans les affres de la survie, genre derniersurvivant d’une guerre nucléaire. Ducalme, votre entourage a l’habitude etvous aidera dans l’épreuve.S
ING
E
20-32-44-5668-80-92-04
Vos pulsions d’indépendancereprennent le dessus. Voussavez pourtant qu’ouvrir uneboîte de thon ou attachervotre ceinture de sécuritéseul est au-dessus de vos ca-
pacités. Le décapsuleur et le tire-bouchonétant les deux outils que vous maîtrisez àpeu près, cela nous promet de bonnessoirées.C
HÈ
VR
E 19-31-43-5567-79-91-03
Vous vous laissez aller, portébenoîtement par le cours des événements. C’est bienagréable, mais la zone de turbulence n’est pas loin. Il vafalloir se retrousser les
manches et jouer les Superman. Ou bienramollir un peu plus en attendant lecalme, ce qui correspond sans doute da-vantage à votre tempérament.L
iÈv
re
27-39-51-6375-87-99-11
Règlements de comptes en famille : à force de répandrevotre venin à chaque occasionet sans retenue aucune, l’una-nimité s’est faite contre vous,et il vous faudra envisager un
changement de foyer précipité. Il est fortpossible que le slip que vous portez en cemoment soit en fait le dernier objet envotre possession.S
ER
PE
NT 17-29-41-53
65-77-89-01
Un enthousiasme débor-dant, un dynamisme de foufurieux (si !), vous allez vouslancer dans trente-six milletâches, et comme d’habi-tude, n’en mènerez pas une
jusqu’au bout. Ce gaspillage d’énergie aau moins le mérite de vous faire croireque vous êtes utile à quelque chose, c’esttoujours ça.D
RA
GO
N
16-28-40-5264-76-88-00
Le coup de foudre va frap-per… Si vous êtes marié,c’est bien, ce sera l’occasionde vous quereller. Pour lescélibataires, il faudra doublerla mise pour que cela de-
vienne intéressant. Une amourette sanscastagne, ce n’est vraiment pas votrestyle. Évitez néanmoins les armes, sauf ac-cord préalable avec votre partenaire.C
OQ
21-33-45-5769-81-93-05
Profil bas cette semaine, ilvous faut éviter les conflits,vous n’en sortirez pas ga-gnant. Rancunier commevous l’êtes, ce n’est de toutefaçon que partie remise.
Vous avez une semaine devant vous pen-dant laquelle il va falloir souffrir – votrevengeance sera à la hauteur. Il y a unejustice, quand même !P
ORC
23-35-47-5971-83-95-07
Ordre, rigueur, stabilité, voilàles piliers d’une vie saine,selon vous. Mais cette se-maine, il vous faudra compteravec vos pulsions de fantaisie,de douce folie et d’anticon-
formisme. Tout ce qui a été bâti patiem-ment ces dernières années risque d’êtreremis en cause par quelques jours d’illumi-nation de votre part.C
HIE
N
22-34-46-5870-82-94-06
DÉTENTE
Master_24-25_Master_CSH 07/07/10 14:42 Page25
Cambodge Soir Hebdo n˚ 140 – 3e année, du 8 au 14 juillet 201026
JEUDI 8 JUILLET
06:30 Le Journal de la TSR07:00 Le Journal de France 207:30 TV5 Monde Le journal 07:50 Le Journal de l’éco08:00 TV5 Monde Le journal08:20 L’invité08:30 C dans l’air09:30 Balades urbaines10:00 TV5 Monde Le journal10:30 Les Boys11:00 Patrimoine immatériel, chef-d’œuvre de l’humanité12:00 TV5 Monde Le journal12:30 Télématin 13:30 Escapade gourmande14:00 Des chiffres et des lettres14:30 Le Journal de Radio Canada15:00 Flash15:05 Jardins et loisirs15:30 Nec plus ultra collection16:00 TiVi517:00 Plus belle la vie17:30 Les Boys18:00 Questions pour un champion18:30 Le Point19:30 TV5 Monde Le journal
21:43 Allons-y ! Alonzo !22:30 Envoyé spécial00:30 Flash00:33 La grande librairie
VENDREDI 9 JUILLET
06:30 Le Journal de la TSR07:00 Le Journal de France 207:30 TV5 Monde Le journal 07:50 Le Journal de l’éco08:00 TV5 Monde Le journal08:20 L’invité08:30 C dans l’air09:30 Balades urbaines10:00 TV5 Monde Le journal10:36 Les Boys11:00 360° GEO 12:00 TV5 Monde Le journal12:30 Télématin 13:30 Portraits 14:00 Des chiffres et des lettres14:30 Le Journal de Radio Canada15:00 Flash
15:00 Passions maison15:30 Nec plus ultra16:00 TiVi5Monde17:00 Plus belle la vie17:25 Kaamelott17:30 Les Boys18:34 Le tour des rêves19:30 TV5 Monde Le journal19:54 Chacun sa terre20:00 Ondes de choc21:45 Intérieurs d’ailleurs22:30 Sécurité intérieure
SAMEDI 10 JUILLET
06:30 Le Journal de la TSR 07:00 Le Journal de France 207:30 TV5 Monde Le journal 07:54 Le Journal de l’éco08:00 TV5 Monde Le journal08:20 L’invité08:30 TiVi 510:00 C’est pas sorcier10:31 7 jours sur la planète11:00 Paroles de clips11:15 Toutes taxes comprises11:42 Leçons de style 12:00 TV5 Monde Le journal12:30 Passion maisons13:00 Télématin14:00 Des chiffres et des lettres14:30 Le Journal de Radio Canada15:00 Flash15:05 La vie en vert15:30 36,9°16:00 La grande soif16:30 Patrimoine immatériel, chef d’œuvre de l’humanité17:30 Acoustic18:00 Questions pour un champion18:30 Les nouveaux explorateurs19:30 TV5 Monde Le journal20:00 Répliques en rire pour Haïti 22:00 TV5 Monde Le journal22:25 On n’est pas couché00:24 Ma vie en rose
DIMANCHE 11 JUILLET
06:30 Le Journal de la TSR07:00 Le Journal de France 2 07:30 TV5 Monde Le journal 08:00 TV5 Monde Le journal08:20 TiVi 510:42 Hôtels particuliers12:00 TV5 Monde Le journal12:30 À bon entendeur13:14 Côté maison13:38 360° GEO14:31 Le Journal de Radio Canada15:00 Flash15:02 Nec plus ultra15:30 La haute route d’hiver17:00 Le cocon... débuts à l’hôpital19:00 La télé de A à Z19:30 TV5 Monde Le journal20:00 Thalassa22:00 TV5 Monde Le journal
22:25 Agents secrets00:35 D6bels on stage01:35 Acoustic
LUNDI 12 JUILLET
06:30 Le Journal de la TSR07:00 Le Journal de France 2 07:30 TV5 Monde Le journal 08:00 TV5 Monde Le journal08:20 Kiosque09:20 Le dessous des cartes09:30 Littoral10:00 TV5 Monde Le journal10:31 Les Boys11:00 Assassinats politiques12:00 TV5 Monde Le journal12:30 Télématin13:25 Les escapades de Petitrenaud14:00 Des chiffres et des lettres14:30 Le Journal de Radio Canada15:00 Flash15:05 Silence, ça pousse15:30 Nec plus utra16:00 TiVi517:00 Plus belle la vie17:30 Les Boys18:00 Questions pour un champion18:30 Une heure sur terre19:30 TV5 Monde Le journal20:00 360° - Geo21:00 Les nouveaux explorateurs22:30 Que la bête meure00:10 Flash00:30 Le Cocon... débuts à l’hôpital00:35 Le Cocon... débuts à l’hôpital
MARDI 13 JUILLET
06:30 Le Journal de la TSR07:00 Le Journal de France 2 07:30 TV5 Monde Le journal 07:50 Le Journal de l’éco08:00 TV5 Monde Le journal08:20 L’invité08:30 C dans l’air09:35 Chroniques d’en haut10:00 TV5 Monde Le journal10:30 Les Boys11:00 Afghanistan : entre l’espoir et la peur12:00 TV5 Monde Le journal12:30 Télématin 13:30 L’épicerie14:00 Des chiffres et des lettres14:30 Le Journal de Radio Canada15:00 Flash15:05 Une brique dans le ventre15:30 Nec plus ultra collection16:00 TiVi 5 17:00 Plus belle la vie17:30 Les Boys18:00 Questions pour un champion18:30 Le point19:30 TV5 Monde Le journal
22:00 TV5 Monde Le journal22:30 Agathe contre Agathe00:35 Le sang des fraises
MERCREDI 30 JUIN
06:30 Le Journal de la TSR07:00 Le Journal de France 2 07:30 TV5 Monde Le journal 07:50 Le Journal de l’éco08:00 TV5 Monde Le journal08:20 L’invité08:30 C dans l’air09:35 Le plus grand musée du monde10:00 TV5 Monde Le journal10:30 Les Boys11:00 Afghanistan : entre l’espoir et la peur12:00 TV5 Monde Le journal12:30 Télématin 13:30 À la di Stasio14:00 Des chiffres et des lettres14:30 Le Journal de Radio Canada15:00 Flash15:05 Côté maison15:30 Télétourisme16:00 TiVi517:00 Plus belle la vie17:30 Les Boys18:00 Questions pour un champion18:25 Ce jour là / Tour ça...19:30 TV5 Monde Le journal
20:00 Au siècle de Maupassant, contes et nouvelles22:30 Les colères de la terre00:52 Sécurité intérieure
20:00 Agents secrets FILM
20:00 LumumbaFILM
20:00 Ticket gagnantFILM
PROGRAMMES
Envie de sortir…
QUELQUES ADRESSES :• Institut Reyum : 47, rue 178 • Gasolina : 58, rue 57• Sovanna Phum : 111, rue360 • Le CCF : 218, rue 184 • Centre Bophana : rue 200• Meta House : 37, Blvd Sothea-ros • Equinox : 3A, rue 278 • Java Café : 56E1, Blvd. Sihanouk• Monument Books : 111,Blvd. Norodom • Maison chinoise : 45, quai Sisowath •
JEUDI 8 juillet• Bophana - 18 h 30
Kampuchea :�Death�andRebirth�
• New Meta House -37, Bd Sothearos -19 h « Yellow�Ox�Moutain »�&« Beijing�Taxi »
• The Flicks - 21 h Unthinkable
VENDREDI 9• The Flicks - 19 h
Boy• New Meta House -37, Bd Sothearos -19 h « Yellow�Ox�Moutain »�&« Beijing�Taxi »
• CCF - 19 hVictor
• Chinese House - 21 hDoc�Span�et The�PPHSBlues�Club
SAMEDI 10• CCF - 10 h
La�reine�soleil• Bophana - 16 h
Duch�on�Trial��• FCC - 17 h
Grand bal populaire :Le�bal�des�pompiers
• The Flicks - 18 h Cell�211
• New Meta House -19 hThe�Single�Man�• CCF-
Eden�à�l’Ouest
DIMANCHE 11• New Meta House -19 hSame�Same�But�Different• The Flicks - 20 h
Karate�kid�
Mode d’emploiLa grille de jeu est un carré de neuf cases de côté, subdivisé en autantde carrés identiques, appelés région. La règle du jeu est simple :chaque ligne, colonne et région ne doit contenir qu’une seule foistous les chiffres de un à neuf. Formulé autrement, chacun de cesensembles doit contenir tous les chiffres de un à neuf.
DIFFICILE
R É P O N S E D U N U M É R O P R É C É D E N T
SUDOKUSUDOKU
Bal
des pompiersau FCC
Samedi 10 juillet - 17 h
363, quai Sisowath
JBa
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Master_26-27 _Master_CSH 07/07/10 16:11 Page26
Master_32_Master_CSH 07/07/10 14:18 Page1
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